Chiharu était installée pieds sur la table, la chaise en équilibre sur ses pieds arrière. Elle se berçait avec habilité et nonchalance les yeux rivés sur son téléphone. A sa table, deux cadets fêtaient sa victoire sur un traître tabassé quelques jours auparavant. Leur enthousiasme constrastait avec le profond ennui de la louve.
« Santé ! Buvons à la mort du traître ! s’enjailla un. »
Il n’est pas mort, soupira intérieurement Chiharu. Pas encore. Or, elle se releva tout de même, claquant son assise contre le parquet usé. Elle saisit de sa chope, apporté par ses gentils cadets et la vida d’une traite en l’honneur de cette mission bien accomplie.
Il y a quelques mois déjà, un jeune et inconscient membre du clan avait commis de nombreux impairs, vendant des informations sur leurs affaires à des rivaux. Démasqué et chassé, le loup-garou avait fui le territoire des Kurokawa pour trouver refuge auprès d’un puissant et célèbre yakuza. Devenu un larbin, réduit aux tâches les plus pénibles, il se trouvait toutefois en sécurité, loin des possibles représailles.
Après avoir pesé le pour et le contre, le chef de famille décréta que justice devait être apportée aux siens, quel qu'en soit le prix. Chiharu fut toute désignée pour s’enfoncer dans le quartier. En pleine nuit, trois jours auparavant, elle s’aventura dans le quartier, menaça plusieurs sbires du yakuza ; seulement deux eurent besoin de soin urgent.
Sous sa force de persuasion, les sous-fifres se montrèrent très bavardes et le traître fut débusqué en quelques heures, à son nouveau domicile. Kidnappé par Chiharu, il fut amené dans un sale état devant le chef. Ce dernier le condamna à passer une nuit de pleine lune, enfermé en compagnie de jeunes loups. Une sanction exemplaire.
Aujourd’hui, dans un bar appartenant au clan, tous fêtaient l’approche prochaine de la pleine lune et la capture de ce scélérat. Seule Chiharu se montrait désintéressée, c’était son quotidien. Mais elle était loin de s’imaginer que ses actes attiraient les mauvaises personnes.