Le Grand Jeu

Plan de Terra => Les contrées du Chaos => Les landes dévastées => Discussion démarrée par: Cyanne le dimanche 05 avril 2009, 21:58:37

Titre: Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le dimanche 05 avril 2009, 21:58:37
C'était toujours un reel plaisir pour Cyanne que de se retrouver ici. Le ciel , la terre, et ce soleil frappant et dangereux. Jamais Cyanne n'avait autant utilisé ses jambes ... elle regrettait sa chére queue de poisson chérie, adorée, qui l'avait menée loin, et bien loin, au delà des mers, des paysages qu'elle connaissait, pour lui faire rencontrer des univers merveilleux. Elle eut un soupir et s'affala en tailleur sur le sol rude, regardant ses jambes. Elle passa doucement sa main dessus, et frissonna en sentant le contact de la peau chaude, et non des ecailles, sous ses doigts. C'était d'une tristesse ... Elle remit son capuchon rouge sur sa tête, continuant d'avancer. Elle avait une tenue peu adaptée - une robe noire fine et un chaperon rouge bien voyant - et ne savait pas trop quoi faire en ces lieux incertains. Sinon se balader, rêver, penser à demain qui serait sûrement meilleur qu'aujourd'hui ... Elle abaissa son capuchon pour regarder au loin. Jamais elle ne s'était sentit aussi heureuse, mais aussi seule. Elle avait sa petite boîte, un boulot, une piaule, mais la mer lui manquait tellement ... Un nouveau soupir, elle baissa la tête et ferma les yeux, engouffrant dans sa bouche un morceau de sa plaque de chocolat noir et menthe. Elle continua d'avancer alors ...

Tout ses souvenirs tournaient dans son esprit, les poissons, ses amis, son interêt pour les humains. Elle revoyait encore sa mère rire quand elle lui avait dit un jour qu'elle quitterait les sirénes pour devenir humaine.   Si elle avait su ... elle avala un nouveau morceau de chocolat, laissant le gout de la menthe fondre le long de ses papilles gustatives, et s'etira. Il fallait qu'elle songe à rentrer maintenant ... elle s'installa en tailleur, bien décidée à regarder la soleil tomber derriére les collines au loin. Tant pis si elle était seule à le regarder ...
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le dimanche 05 avril 2009, 23:06:10
Au départ, ç’avait été une fringale soudaine qui avait tiré le massif homme-loup du sommeil paisible dans lequel il était plongé, puis de la caverne dont il avait fait sa maison : ébrouant son corps musculeux et poilu, il avait inspiré à pleins poumons l’air vespéral avec un grognement de plaisir, puis s’était élancé à bas de son repaire après avoir replacé la « porte » devant l’ « entrée » pour dérouiller en vitesse ses muscles par une vive galopade, savourant une fois de plus le plaisir de ses jambes qui s’élançaient en une foulée leste précise et irréductible. C’était au moins ça qu’il avait ; voilà une chose que Saïl n’aurait jamais pu accomplir, et qui l’aidait à voir le bon côté de sa situation dans les trop fréquents moments de déprime intense.
Pour un colosse expérimenté à la région comme lui, à peu près n’importe quel lieu aurait pu faire l’affaire pour trouver quelque chose de consistant à se mettre sous la dent, mais, mû peut-être par une intuition, il prit la direction de ce qu’il avait pris l’habitude d’appeler « La lande dévastée » à l’instar des indigènes. Cet endroit portait bien son nom, ça oui ! On ne pouvait jamais savoir quelle créature mal intentionnée pouvait rôder dans le coin, quelle que fût l’heure de la journée, et le danger était donc grand pour quiconque avait l’audace –ou la force- de s’aventurer en pareils lieux dans Dieu savait quels buts. Pour Khral, rien à réellement redouter, car même pour le genre d’abominations sur lesquelles on pouvait tomber dans la lande, il était tout sauf du menu fretin tellement sa transformation avait dopé ses capacités physiques, mais pour des humains, le risque n’était pas moindre.
Cependant, il les protègerait, ça oui ! Il n’avait pas pris une forme pareille pour ensuite se morfondre dans son coin alors qu’il pouvait tant faire, sinon cela aurait été s’éloigner moralement de l’humanité de laquelle il s’était déjà écartée physiquement : quiconque aurait besoin de protection l’aurait de la main de Saïl Ursoë !

Et il avait trouvé quelqu’un à protéger.

Le premier signe qu’il avait capté de cette personne avait été un parfum ô combien légère qui avait pourtant titillé ses narines et réveillé des souvenirs vivaces de délectation gustative : du chocolat ! Rien qu’à imaginer une tablette de ce délice sucré et croquant craquer entre ses mâchoires, il en salivait d’envie, et toute perspective d’une proie à chasser s’était vue reléguée au second plan par cette soudaine et alléchante découverte qui l’avait aussitôt orienté sur la piste aux fragrances de cacao aisée à suivre tant elle se détachait des senteurs acres des landes.
Mais le chocolat est une substance de synthèse, et il aurait par conséquent dû s’attendre à tomber dans le même temps sur une présence humaine, évidence qui ne le frappa qu’au dernier moment, lorsqu’une odeur de chair fraîche lui rappela qu’il devait faire profil bas, profil qu’il s’empressa d’adopter, se fondant dans le paysage comme il avait appris à la longue à le faire alors qu’il suivait l’évolution de ce qui s’était avéré être une jeune humaine : il ne parvenait pas à estimer exactement son âge, mais d’après sa taille, le teint de sa peau, ses formes et sa démarche, elle ne devait pas avoir dépassé la majorité.

(Qu’est-ce qu’elle peut bien faire là ?)

L’interrogation lui vint à l’esprit, mais davantage comme une question de routine qu’un souci véritable tant son attention se dirigeait vers la fille plutôt que vers ses préoccupations.
Sa vision de loup qui aurait pu être meilleure ne lui permettait pas de distinguer les détails à distance prudente, et en attendant que la nuit tombe, il ne pouvait pas trop s’approcher sans sérieusement risquer de se faire repérer, mais cela ne l’empêchait pas de se dire qu’elle était… belle : ses vêtements, bien que peu adaptés aux tribulations en extérieur, l’habillaient admirablement, ses jambes étaient minces et lisses, et ses mains était délicates, pourvues de doigts fuselées.
Voilà tout ce qu’il pouvait voir, mais il s’en contentait, et cela suffit d’ailleurs à lui donner mal au cœur lorsqu’il porta les yeux sur une de ses grosses paluches velues dotée de coutelas mortels. Il était… hideux.  La constatation lui vint avec une vilaine amertume comme elle lui était déjà venue bien des fois, et une fois de plus il la refoula obstinément pour se concentrer sur la surveillance de la donzelle plutôt que sur ses états d’âme.

(Qu’est-ce qu’elle peut bien faire là ?)

La question revint alors qu’il la voyait s’arrêter pour se mettre sur son séant et croquer un nouveau morceau de sa friandise, geste qui fit se lécher les babines à l’homme-loup. Quant à savoir si ce tic avait été provoqué par le mangé ou la mangeuse, c’était une question sur laquelle il préféra ne pas s’appesantir sous peine d’avoir à se traiter d’ignoble pervers.
Attendait-elle quelqu’un ? Il la vit lever la tête pour contempler le soleil couchant, ce qui rappela à son gardien jusqu’ici non détecté qu’il allait falloir redoubler de vigilance, car le danger redoublait lorsque Apollon laissait place à Diane !
Mais n’était-elle venue que pour voir le soleil se coucher ? Pourtant, il y avait des points bien plus agréables que l’endroit où elle se trouvait pour un pareil spectacle… l’idée lui vint une fraction de seconde de s’approcher et de lui faire la remarque, mais cela lui parut si absurde qu’il en ricana intérieurement : cela avait tout l’air d’une approche de drague, et avec un corps comme le sien, la perspective était si décalée qu’il y en avait presque de quoi rire.
Non, il resterait invisible, et la protègerait ; ce serait à cela que se limiterait son rôle. Pas besoin d’espérer davantage.

« Je vous protège. »

Sitôt que la phrase, prononcée en un murmure, émergea de ses lèvres, il porta les deux mains à sa bouche, penaud, et se tapit encore plus étroitement derrière le rocher qu’il avait choisi pour cachette. Mais quel crétin ! Il fallait croire qu’à force de rester en ermite tout ce temps, sa caboche avait payé les pots cassés, et qu’il se mettait maintenant à débloquer, incapable de faire la différence entre pensée et parole ! Ah il se serait bien giflé, griffé jusqu’au sang pour se punir de sa stupidité et de sa distraction si cela n’avait pas encore davantage remis en cause sa couverture d’ailleurs peut-être déjà partie en lambeaux.
Argh… et maintenant, il n’y avait rien qu’il pouvait faire à part tendre l’oreille sans bouger en espérant que la demoiselle n’aurait pas l’idée trop perspicace de chercher l’origine de cette voix –si toutefois elle l’avait perçue-, sinon il allait être obligé de se montrer et ça ne pourrait pas bien finir !

(Idiot.)
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le dimanche 05 avril 2009, 23:27:06
Sublime ecriture ... ça me rapelle un forum où le minimum était 50 lignes ...

La légére plaque de chocolat heurta le sol. Ses yeux ne fixaient plus le soleil couchant. Sa bouche emit un deglutissment horrible. Elle sentit un frisson jaillirent de sa nuque pour venir se balader le lond de sa colonne vertebrale. Sa main tremblante n'osait pas se reposer sur le sol pour attraper sa plaque de chocolat. Elle n'était pas seule à admirer ce ciel, dans ces landes desertes et etranges.Quelqu'un était là, avec elle. Où, elle ne savait pas. Depuis quand ? non plus. Elle rattrapa sa plaque doucement, avec l'impression que le mince bruit du papier contre la terre séche envahissait tout le lieu d'un bruit immense. Elle se tourna doucemen, abaissant son capuchon, devoilant son visage et ses longs cheveux blonds, son regard immensement enfantin et naïf ( bien qu'elle ne l'etait pas vraiment ), sa peau qui brillait. La couleur de l'air, du ciel, était d'un rose orangé qui l'effrayait quelque peu. Elle deglutit violemment, à nouveau, sa respiration haletante.

Elle choisit de se redresser, fixant l'horizon, l'etendue de terre dans la jeune nuit. D'où venait donc ce bruit, cette voix ? Elle n'avait pas compris la phrase, mais savait qu'on avait parlée, derriére elle. Ce qui l'effrayait.
- Y'a ... quelqu'un ? demanda t'elle d'un ton effrayé.

Elle avait peur. Pourquoi était-elle venue ici ? Il n'y avait personne. Elle fit un pas en avant, sentant ses membres trembler à chaque mouvement. Elle serrait entre ses mains la plaque, avala un morceau pour se donner une once de courage.

- Ré ... répondez ! implora t'elle, la voix remplie de peur et d'angoisse, comme une enfant effrayée. Dites moi ...
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le lundi 06 avril 2009, 00:03:48
Rha voyons, tu me flattes… je vais rougir ! Sache que si c’est « sublime », c’est qu’il y a la muse qu’il faut ! ;)

(Et meeeeeerde.)

Ce long juron résonna longuement dans la tête de Khral, très vite accompagné d’une cascade d’autres gros mots, injures et insultes diverses à l’égard de sa personne qu’il considérait désormais comme la plus stupide qui ait jamais arpenté la Terre et Terra réunies. Ah l’imbécile ! Il n’était donc pas capable de faire quelque chose correctement ? Suivre à distance, surveiller, c’était à la portée du premier imbécile de chien de garde venu, et il fallait donc croire que l’homme-loup empoté qu’il était avait moins de jugeote qu’un cabot pour se faire repérer à la moindre occasion ! Imbécile ! Imbécile, imbécile, imbécile !
Alors que les mouvements paniqués de la pauvre enfant se faisaient entendre non loin de la cachette où il s’était calé, il s’agrippait à la grosse pierre qui le préservait des regards, ses griffes traçant de profonds sillons dans la roche qui paraissait friable sous l’incoercible tranchant, tant et si bien que ses deux mains se rencontrèrent bientôt, qu’il joignit en les tordant convulsivement, son cœur cognant si fort dans sa poitrine que le vacarme qu’il émettait à ses oreilles lui paraissait suffisant pour servir de tambours de guerre à une cavalerie entière.
Il n’y avait qu’à se tenir tranquille, et elle croirait avoir rêvé… oui, c’était ça : il y avait du vent dans le coin, et avec un peu de chance, elle se dirait que ce n’était qu’un souffle d’air qui lui avait paru sonner comme une voix, et cela ne ferait que l’inciter à presser le pas pour regagner son logis plutôt que de la faire paniquer. Oui, c’était la meilleure chose à faire, et si un petit coup de pouce du destin voulait bien se manifester, tout ça se calmerait bien gentiment.

Cependant, soit que Saïl fût un poissard de naissance, soit que le destin fût contre lui, l’appel de la voix tremblotante se fit entendre, les accents aigus semblant s’enfoncer dans ses oreilles en ce moment trop développées à son goût, pour ensuite se frayer un chemin dans son corps et exploser dans sa poitrine en un déchirement de culpabilité de causer autant de terreur à une personne innocente. Il suffisait qu’il se montre, et peut-être qu’elle le laisserait s’expliquer, que tout ça pourrait se régler pacifiquement, par des mots, sans qu’il y ait besoin de se mettre dans tous ses états… non ! Non, non, et non, il avait déjà pu voir ce que sa présence monstrueuse donnait quand elle était exposée à des regards humains, et il était hors de question qu’une chose pareille arrive alors que l’humaine en question était si impressionnable : quels traumatismes aurait-elle pu retirer de la vision d’un autre aussi formidable* que lui ? Il ne fallait surtout pas qu’il ait la faiblesse de…

« Ré ... répondez ! »

Aaargh ! Pourquoi ? Pourquoi avait-il l’impression que cette voix était un couteau qui remuait profondément dans la plaie que la culpabilité avait creusé dans sa poitrine ? Pour réprimer un brusque mouvement impulsif, Khral se mordit la lèvre, perçant la chair tendre d’un petit trou qui traça une rigole de sans jusque dans sa gorge, et ramena ses points devant lui qu’il serra fort, expirant profondément pour mettre de l’ordre dans ses idées.
Bon.
Il allait clarifier sa présence, mais cela ne voudrait pas dire qu’il jaillirait de derrière son abri comme un diable de sa boîte, sinon c’était l’arrêt cardiaque assuré pour cette jeune fille qui avait déjà son compte d’émotions pour la nuit. Résolu à suivre cette fois-ci la conduite la plus prudente possible, il déglutit sa salive à la saveur cuivrée de sang, et prit la parole de la voix la moins rauque et le plus tranquille possible qu’il le pouvait :

« Je suis là. » Dit-il assez fort pour que sa position ne fît plus aucun doute. « Je vous assure que je ne vous veux aucun mal mais… mon apparence est très effrayante. Je suis un homme-loup et il vaudrait peut-être mieux que vous ne me voyiez pas, sinon je vais vous faire peur. »

Malgré toute l’assurance et la rationalité qu’il avait tâché de mettre dans ses propos, il n’avait pu empêcher ses paroles d’être empreintes d’un peu glorieux chevrotement qui mettait à découvert la considérable timidité que l’homme-loup possédait tout autant que l’humain qu’il avait été. De plus, cette désagréable petite voix cynique que chacun de nous connaît sous le nom de Conscience grognait à ses oreilles :

(Tu lui fais déjà une peur de tous les diables, crétin. Comment veux-tu que ce soit pire ?)

*(NdA : Au sens de « qui est de nature à inspirer une très grande crainte. »)
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le lundi 06 avril 2009, 00:17:12
Oooh c'etait gentil ça ...

La jeune fille recula un peu, emettant un hocquet en entendant la reponse de " la voix mysterieuse ". Elle l'avait nommée ainsi, etant incapable de lui donner un veritable nom. Mais maintenant, elle savait qui était derriére elle, qui avait cette voix, qui avait prononcé ce nom. Un homme loup ... Elle remua sa bouche comme un chaton, tentant de savoir quoi faire. Partir en beuglant à l'aide ? Tomber en syncope ? Elle triture nerveusement ses doigts, regardant le sol. Il n'avait pas l'air d'être un monstre sanguinaire et violent, sinon ses entrailles seraient déjà étalées un peu partout sur la terre autour d'elle. Elle eut un frisson à cette pensée, un frisson si fort qu'elle avait l'impression que toute la terre tremblait en même temps qu'elle. Elle remua de nouveau sa bouche, et se glissa vers l'homme loup en silence, la curiosité l'emportant sur la peur. Non pas qu'elle faisait confiance à cet homme loup tapi derriére son rocher, mais elle sentait que son instinct était là pour la guider, comme toujours.

Elle arriva donc face à ce rocher, derriére lequel il était, et s'appuya sur le rocher, afin de se mettre dos à lui.

- Homme loup ? Je suis une ex-femme poisson, dit elle d'une voix qu'elle voulait sûre d'elle, mais qui tremblotait.

Elle coupa un morceau de sa plaque de chocolat, levant son bras pour lui tendre ce delicieux morceau. Un cadeau peut-on dire. Sans un mot, de toute façon quoi dire ? Elle inspira profondément.

- Je ne pense pas que vous êtes sanguinaire, avança t'elle.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le lundi 06 avril 2009, 00:57:45
Ce n’est pas seulement gentil : c’est la vérité !

Se tordant fiévreusement ses mains sous l’effet de la nervosité dans le crissement qu’émettaient ses griffes les unes contre les autres, Khral attendait la réponse avec le même sentiment d’attente insupportable que pourrait ressentir un jeune homme venant frapper à la porte de sa douce pour leur premier rendez-vous. Il n’était pas particulièrement jeune, cette inconnue n’était en aucun cas sa petite amie, et il n’y avait pas de porte à des kilomètres à la ronde, mais l’analogie n’avait pas pu s’empêcher de s’imposer directement à son cerveau troublé par la situation qu’il vivait.
Un moment, l’absence de tout bruit hormis la respiration haletante de la jeunette lui fit sérieusement envisager de sortir tout de même de son trou pour vérifier qu’il ne lui arrivait rien de grave, mais il conclut qu’il valait mieux qu’il conserve son immobilité lorsque le pas léger de l’humaine se rapprocha de sa position. Ne pas savoir exactement ce qu’elle pouvait faire lui était très désagréable, et il aurait voulu risquer de darder ses yeux hors de sa cachette, mais préféra rester sagement à sa place en attendant une occasion plus propice pour se révéler au grand jour –ou plutôt à la grande nuit- ; le temps au moins que sa voisine puisse reprendre ses esprits avant de lui infliger de nouvelles causes d’affolement. Il était déjà assez impressionnant qu’elle réagisse avec un tel sang froid : il n’était pas besoin de pousser le bouchon trop loin.

Sa réponse fit se remuer son esprit scientifique toujours à l’affût pour analyser de nouvelles choses, celui-ci se jetant à bras raccourci sur le phénomène qu’elle revendiquait pour en examiner les tenants et les aboutissants : était-il possible que son cas fût le même que celui de Saïl, et qu’elle eût pu trouvé un remède à ce qu’il avait lui-même appelé le Terranis ?! L’espoir était fou, et d’autant plus injustifié qu’avec un âge aussi peu avancé que le sien, il était impossible qu’elle eût pu emmagasiner les connaissances nécessaires à une pareille expertise... à moins qu’elle fut un génie particulièrement intelligent. Non, même dans ce cas, il aurait fallu qu’elle vienne de la Terre, ce qui rendait les probabilités tout simplement négligeables. Le plus probable était un de ces phénomènes magiques dont Terra avait le secret… cela donnait naissance à tant de questions pour savoir comment il aurait pu s’acheminer vers un processus pareil !
Mais son attention fut bien vite accaparée par un faible claquement qui retentit dans le silence nocturne, bruit accompagné d’une recrudescence de la senteur de chocolat qui lui fit chavirer les papilles gustatives à l’idée de manger de cette succulente confiserie. Levant les yeux, il s’aperçut avec ébahissement qu’un morceau de cette denrée rare avait été brandi par l’adolescente et semblait briller au clair de lune naissant comme une manne céleste. Contrairement à ce que son impulsion première lui dicta, il ne bondit pas dessus pour s’en emparer, mais réagit tout de même avec une impulsivité qu’il regretta quelque peu, chipant le petit bout marron sombre avec une rapidité qu’un chat affamé n’aurait pas renié, pour ensuite le laisser tomber avec délectation sur sa longue langue, refermant ensuite ses mâchoires pour laisser cette pièce de sucrerie fondre dans sa bouche et libérer les saveurs qu’elle contenait, et si Khral, qui penchait plus pour la viande, ne fut que peu emballé par le résultat, Saïl eut le cœur en fête à sentir les subtiles touches de menthe accompagner la puissance du cacao raffiné, sentant ses yeux s’humidifier de larmes de joie et de reconnaissance alors que son palet se gorgeait de la saveur qui lui était offerte.

« Ca faisait tellement longtemps… plus d’un an que je n’en avais pas mangé. Merci, vous ne pouvez pas savoir le bien que ça fait. » Soupira-t-il d’une voix qui tenait plus de l’humain que du loup.

Cependant, il reprit un sérieux méditatif lorsque la donzelle prononça des mots qui lui réchauffèrent le cœur encore plus que le chocolat : jamais personne ne lui avait dit quelque chose de pareil…et pourtant c’était vrai ! Bien sûr, il abattait sans remord des animaux pour se nourrir, mais hormis cela, il n’avait jamais tué un être pensant, se contentant dans le pire des cas d’assommer pour se défendre. Il se l’était toujours répété, mais se l’entendre dire à haute et intelligible voix était pour lui d’un immense réconfort.

« Vous avez raison. » Répondit-il d’une voix qui, pour être dénuée de toute hésitation, n’en était pas moins émue.

Après quelques longues secondes de silence, jugeant qu’il se devait de favoriser à son tour leur rapprochement mutuel avant que le Déluge n’arrive, il se redressa et passa un de ses longs et larges bras par-dessus l’obstacle de pierre, prenant soin de fermer son poing pour être sûr de ne pas blesser sa bienfaitrice de ses griffes acérées. Au passage, il frôla très légèrement la chevelure de sa rencontre, contact qui provoqua chez lui un frisson étrange à sentir quelque chose d’aussi supérieurement doux par rapport à la rudesse ordinaire des Contrée du chaos.
Ayant toutefois la décence de ne pas interrompre son mouvement, il poursuivit et, quand il estima qu’il était à bonne hauteur, déplia sa large main en une poignée tendue, accompagnant le geste de la parole d’un :

« Je m’appelle Khral. »
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le vendredi 10 avril 2009, 19:21:24
Cyanne était heureuse d'avoir pu faire le bien autour d'elle. Dans son bar, elle faisait le bien d'une toute autre façon - alcool, cigarette, femmes - et cela lui donnait une satisfaction personelle. Mais alors à cet instant, quand elle sentit la confiance s'installer, quand elle sentit qu'il avait apprécié ses paroles et son " présent " nutritif, elle fut remplie d'une enorme satisfaction qui lui donnait envie de sauter de joie. Elle parlait peu aux inconnus, même à ceux qui tentent de lier conversation avec vous le vendredi soir dans un train bondé ( je connais ça TT' ) , mais là se sentait capable de lier conversation. Avec moins de facilité que prévu, mais elle s'en sentait tout à fait capable. Elle ne regrettait pas d'être rester à admirer le coucher de soleil seule dans son bureau, à dessiner une éniéme tenue pour une de ses strip teaseuses, avec un café brûlant et du chocolat. Non, ici, le chocolat avait un goût particulier, un gôut qui vous donne envie de le savourer , de l'adorer, de sourire pour rien en frissonnant. Voilà le plaisir que lui procurait ce delicieux morceau de chocolat en cet instant précis.

Elle glissa un morceau de chocolat dans sa main, et attrapa la main de Khral - puisqu'il semblait se nommer ainsi -, deposant le morceau dans le poing de l'inconnu. Elle enchaina de sa voix de gamine fantaisiste :


- Je me nomme ... Cyanne. Je viens du peuple de l'eau.

Elle remua énergiquement et joyeusement pendant une poignée de secondes la main de Khral, souriante, n'osant pas trop bouger pour le brusquer. Elle bougea tout de même afin de mieux s'installer contre le rocher. Elle jeta dans sa bouche un autre carré de chocolat, sentant la douce lune envoyer balader le soleil pour plonger la lande dans un paysage calme et sombre. Elle avait l'impression de sentir contre elle le souffle chaud de la nuit.

- Un an que vous n'avez pas mangé de chocolat ? Il faut rattraper ça !

Elle lui tendit la plaque entiére - ou tout du moins ce qu'il en restait - avec une légére douceur brusque.


Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le samedi 11 avril 2009, 00:37:01
(Les types bizarres du métro ou du train ? En effet, je vois de quoi tu parles !)

Ne pouvant distinguer ce qui se passait de l’autre côté du semblant de mur rocheux qui les séparait lui et la jeune inconnue, Khral s’interrogea un moment sur ce qu’elle pouvait avoir déposé dans sa main. Il n’avait pas connu de contact aussi dépourvu de violence ou de précipitation depuis longtemps, et la devinette qui se posait à lui rendant la situation encore plus précieuse pour lui, même si la sensation de quelque chose de légèrement fondant sur ses doigts tièdes lui fit déduire bien vite qu’il s’agissait là d’un autre carré de chocolat, ce qui lui aurait fait très vite ramener sa patte avec cette précieuse proie au bout si celle qui se présentait en ce moment même sous le nom de Cyanne ne s’était pas accrochée à sa pogne pour la secouer avec entrain et chaleur, qualificatif qui pouvait paraître paradoxal étant donné le léger froid qui transparaissait par ses extrémités digitales, mais qui prenait tout son sens quand on sentait l’énergie si agréablement communicative qui se dégageait d’elle.
Tout en appréciant à sa juste valeur –qui se voyait démultipliée par la solitude dans laquelle la vie de l’homme-loup s’était passée jusqu’à maintenant- ce contact humain dans tout ce qu’il avait de cordialement généreux, l’esprit scientifique de Saïl s’interrogeait sur cette appellation de « peuple de l’eau » : d’aussi loin que pussent remonter les connaissances du prodige, un tel patronyme se rapportait bien évidemment invariablement à des histoires d’ondins, sirènes et autres hommes-poissons. Rien de plus normal pour une ex-sirène, mais le fait qu’un être réputé purement fictionnel se tînt à portée de main de lui avait quelque chose d’irréellement exaltant ; une exaltation qui était à la fois tempérée et avivée par le fait qu’il était lui-même devenu une créature de légende par sa transformation. Cela faisait qu’il ressentait une étrange communion qui avait quelque chose de mystique et de pourtant évident : chacun, en sentant l’autre, semblait lui dire inconsciemment « Nous savons ce que nous avons été et ce que nous sommes désormais ! », et cette fraternité intangible et pourtant bien présente aidait Khral à se comporter moins comme s’il marchait sur des œufs et plus en qualité d’être humain.

Bien entendu, pour autant, il n’en était pas moins une véritable pelote de nerfs tant il avait, à juste titre, la sensation de quelque chose d’une rareté incroyable, d’une opportunité de se lier ne fut-ce que pour un moment avec quelqu’un qui daignait l’approcher, l’écouter, lui faire part d’une véritable attention plutôt que de le considérer comme une bête sauvage à repousser à la fourche et à la torche. Il s’en sentait véritablement pénétré d’un mélange de joie sincère et de reconnaissance profonde teinté d’un relent persistant d’incrédulité tant il s’attendait presque à ce que tout ceci ne fût qu’une illusion ; quelque vision induite par une vie en ermite trop prolongée qui l’aurait poussé jusqu’aux abords des abîmes d’une déplorable folie hallucinatoire, ou par un sortilège tissé des mains d’un cruel pratiquant de cette magie propre à Terra qu’il ne comprenait encore que bien trop imparfaitement à son goût.
Mais les faits détrompaient de telles craintes : là, au creux de sa propre paume se trouvait celle de Cyanne, bel et bien tangible, aussi réelle que l’air qu’il respirait ou que le sol sur lequel il était assis. Cette certitude s’accroissait au fur et à mesure des secondes pendant lesquelles cette poignée de main se prolongeait, galvanisant les espoirs de Saïl mieux que n’avait su le faire sa résolution, son optimisme et son obstination d’une ténacité pourtant considérable.

Lorsque la seconde réplique enjouée de la pétillante humaine vint trancher gaiement pour une seconde fois dans le silence nocturne religieux dans lequel les pensées du loup-garou l’avaient plongé, et qu’il sentit le poids si léger et pourtant si lourd de sens de ce qui était sans nul doute ce que l’adolescente prétendait être, il demeura quelques bonnes secondes interdit, incapable de se rendre véritablement compte de l’offrande qui lui était faite en dépit du caractère indéniable des faits. Sans pouvoir répondre, la mâchoire à demi décrochée en une attitude d’ébahissement un peu béat, il ramena son bras à lui aussi vite qu’il le put sans faire tomber son précieux cadeau, exposant cette surface noire d’allure carrelée aux rayons lunaires qui rendaient cette merveille de confiserie encore plus alléchante dans sa  simplicité. Evidemment, pour n’importe quel humain, cela ne représentait sans doute qu’un petit plaisir à trois sous, mais pour Saïl que ses mois passés sous forme d’un loup-garou n’avaient pas départi d’un certain penchant un peu coupable pour la bonne chère, cette plaquette représentait un véritable trésor, une concentration puissante de saveurs et d’arômes, dont il ressentait la possession comme celle d’une technologie apportée à une peuplade mal dégrossie.
Comme on pourra aisément le concevoir, sa première envie fut d’engloutir tout cela d’un seul tenant, accès de gourmandise que sa large gueule rendait très largement possible, mais il se retint avant d’avoir commis l’irréparable, ancrant héroïquement en son âme la résolution de ne s’accorder un carré de cette succulente substance que d’une manière quotidienne soutenue de manière à la faire durer le plus longtemps possible.

Quand il en eut fini avec ce cruel dilemme, il en revint bien vite à celle qui lui avait fait don d’un tel réconfort, et ressentit aussitôt un sentiment de culpabilité de ne rien avoir à lui offrir à proprement parler qui pût la rembourser convenablement… et pourtant, quelqu’un de fort et d’intelligent comme lui devait bien pouvoir trouver quelque chose qui pourrait faire l’affaire pour la rétribuer dûment d’une telle attention, d’une telle gentillesse  et d’une telle générosité ! Jamais personne n’avait été aussi bon envers lui –même dans sa vie d’humain il doutait qu’il eût connu un tel moment de charité-, et pour cette raison, il se devait de se tenir prêt à remuer ciel et terre pour ne plus être débiteur.
Toussotant un peu pour se donner une contenance en attendant de trouver quelque chose à dire, il finit par déclarer avec solennité :

« Cyanne… merci beaucoup. Ce que vous venez de faire compte beaucoup pour moi et… si je peux faire quoi que ce soit pour vous, dites-le moi et je ferai tout ce que je peux pour vous satisfaire. N’importe quoi. »

Malgré leur emphase, ces paroles avaient été pesées avec clarté d’esprit, et quel que fût le service qu’elle pourrait lui demander, il resterait fidèle à sa promesse : costaud comme il l’était, l’effort ne lui faisait pas peur, et rendre service lui apportait un plaisir accompagné de la satisfaction de savoir que même sous une forme assimilable à celle d’un monstre de film d’horreur, il restait capable de donner et d’apporter sans réserve autant de bonheur qu’il le pouvait.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le samedi 11 avril 2009, 12:31:42
( j'le prends tout les lundis et vendredi pour aller à Roubaix - trés rassurant cette ville ;D - et je t'avoue que les gens sont souvent d'une humeur effroyable )

Cyanne eut un petit sourire. Jamais elle n'aurait pû songer que ce morceau de chocolat puisse représenter aux yeux de Krahl un présent aussi précieux ! Généralement, les personnes avaient un sourire, un remerciement bref , juste heureux de ne pas avoir à payer cette confiserie délicieuse et de pouvoir profiter de la monnaie de l'autre. Mais pour lui, on aurait dit qu'elle venait de lui donner un rayon de soleil en pleine obscurité, un diamant ou autre chose précieuse qui vous laisse béhat d'admiration. L'inconnu dissimulé derriére la pierre atisait la curiosité de la jeune ex-siréne, qui tentait de s'imaginer le visage , le physique de cette etrange personne. Elle ne prêtait plus attention au paysage lunaire, elle qui à la base était venue admirer cela, préférant se concentrer sur sa " rencontre " , préférant songer à Krahl. Elle ne pouvait pas partir avec un " je reviendrais " ou autre phrase qu'elle regretterait d'avoir dite une fois la porte de sa maison refermée, quand elle sentirait cette envie de revenir sur ses pas. Non, elle voulait profiter de ce petit instant qu'elle jugeait amusant et adorable.


- Un service ? Je ne saurais quoi répondre à ceci ...

Elle resta un instant interdite, puis perplexe, cherchant une idée, quelque chose à lui demander.

- Je ne suis pas du genre à offrir pour qu'on me donne, Krahl. J'offre pour offrir, voilà tout. Ne vous sentez pas forcé de me donner redevance. Dit elle d'un ton doux.

Elle secoua ses longes couettes blondes, le tissu froid de sa robe se frottant à sa peau. La nuit serait fraiche, et sa tenue ne l'aiderait qu'a avoir une pneumonie ou un rhume le lendemain. Un chaperon rouge et une robe noire courte ... quelle idée. Elle aurait dû miser sur une tenue plus chaude, au moins mettre des collants moins fins ! Elle se frappa le front. Son esprit s'égarait encore une fois un peu trop loin, elle se reperdait dans le labyrinthe de ses pensées. Elle toussota, pour briser une nouveau silence qui étendait un peu trop ses ailes autour d'eux, ne voulant pas que la gêne ou la timidité ne s'empare de ce moment. Mais elle ne savait pas trop quoi dire ...
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le dimanche 12 avril 2009, 20:14:19
(Pour ma part, mes allées et venues bénéficient d’une ambiance généralement plus tranquille… mais ça n’exclut pas la possibilité du type qui se met à brailler contre Dieu sait qui ou de celui qui sent assez fort pour tuer un homme bien portant.)

Saïl ne s’était pas attendu à ce que ses offres de services fussent refusées d’une telle manière, mais il ne s’en offusqua pas le moins du monde, même si une agaçante pointe de déception se fit sentir à cette assurance renouvelée qu’il ne pourrait sans doute pas exprimer dûment sa reconnaissance envers ce véritable angelot venu de loin. De toute manière, même devant le refus le plus cinglant, il se serait contenté de se rétracter avec moult excuses du haut de sa timidité, mais celui de Cyanne, que l’on aurait difficilement pu faire plus doux et plus attentionné, fit redoubler la considération de l’homme-loup au grand cœur envers elle, et sa résolution de lui rendre la monnaie de sa pièce n’en trouva que plus de détermination, les rouages de son appareil intellectuel redoublant d’efforts pour élire un bon moyen qui ne le ferait pas être un ingrat goujat.
De plus, comme tout lecteur suffisamment éveillé et instruit des choses de ce monde l’aura deviné, la bienveillance de notre ami n’était pas uniquement motivée par un sentiment d’obligatoire rétribution, mais par des sentiments naissants d’affection tout ce qu’il y avait de plus réels : tout comme l’aménité d’une personne qui ne fait pourtant que vous aider à vous relever ou vous tenir la porte peut vous frapper au point que vous voudriez prolonger cette rencontre le plus longtemps possible, Khral sentait qu’il était tombé sur quelqu’un à l’âme suffisamment pénétrée de bonté pour pouvoir le laisser l’approcher sans se mettre à pousser les hauts cris et à le repousser comme une vilaine chose.

Il n’y croyait pas trop, et trouvait qu’il se faisait probablement des illusions à penser qu’un loup-garou pourrait se voir accorder de manière prolongée l’insigne privilège de la compagnie d’un être aussi merveilleux qu’une sirène –si ex-sirène fut-elle-, mais la solitude et l’envie d’avoir quelqu’un avec qui finalement communiquer le rendaient plus entreprenant qu’à l’habitude, son besoin de chaleur humaine perçant à travers son cocon d’inaptitude sociale. Bien entendu, ses instincts animaux n’étaient pas non plus indifférents à la beauté qu’il avait perçue chez la donzelle, mais de ce côté-là, le savant respectueux du beau sexe et perceptiblement romantique montrait ses dents devant le loup dont les désirs étaient pour le moins plus prosaïques, envoyant paître de toute son énergie morale les pulsions qu’il faisait naître en lui et par lesquelles il se refusait énergiquement à se laisser guider sans malheureusement pouvoir les désavouer. C’est que, comme chez tout homme, la testostérone courait bel et bien dans son corps et lui donnait certains penchants…

(Qu’est-ce que tu attends ? Prends la ! Possède la sous la lumière de la lune comme tout bon loup le ferait !) Semblait lui dicter sa part animale comme une tentante mélopée hululée à même ses oreilles.

Cette voix n’avait rien à voir avec un dédoublement de personnalité ; c’était tout simplement la manifestation des appétits presque bestiaux de son bas corporel qui se faisaient entendre d’autant plus vivement après tant de solitude, mais pour ne pas venir d’une réelle volonté qui se heurterait à celle de Saïl, elle n’en conservait pas moins une espèce de caractère impérieux dérangeant.
Entendre le froufrou des vêtements de sa connaissance lui ramena les idées à des considérations plus confortablement pratiques, car le froissement indiquait à ses oreilles à l’acuité fort élevée que le tissu qui le provoquait était fort mince, et par conséquent bien peu adapté aux nuits le plus souvent cruellement froides de cet endroit peu accueillant qu’étaient les Contrées du chaos. De surcroît, élément qui lui était sorti de l’esprit en raison du moment si fragilement idyllique qu’il vivait, la nuit était désormais tombée, et ne ferait qu’aller en s’épaississant au fur et à mesure que les minutes s’écouleraient. Pour le moment, l’ambiance nocturne étant encore toute récente et la présence du massif être qu’était Khral étant suffisamment imposante pour calmer les velléités des créatures les moins entreprenantes, ils étaient lui et Cyanne dans une relative sécurité, mais plus le temps passerait, et moins les indigènes peu recommandables de ces régions laisseraient leur comportement être dicté par la prudence : ils finiraient par sortir de leurs cachettes pour s’essayer à la chasse, et cette ravissante demoiselle leur ferait une proie de choix. Evidemment, son protecteur pulvériserait quiconque aurait l’audace d’approcher, mais il était loin d’être improbable qu’un accident pût arriver, aussi devenait-il de plus en plus urgent de se laisser aller à une retraite en bonne et due forme.

Décidé à plier bagage (façon de parler), Saïl se mit debout d’une simple poussée sur ses jambes de colosse, et prit une grande inspiration nasale pour s’assurer de l’absence d’éventuels prédateurs, sa haute stature semblant à elle seule un défi lancé au monde d’oser approcher ce petit être qui lui était cher.
Résultat de son passage au crible par l'odorat , R.A.S, mais ça ne voulait pas dire que ça durerait : le plus sage était de profiter de cette aubaine pour filer en vitesse et gagner des horizons plus cléments. Affermi dans cette résolution, il contourna le rocher qui le séparait de l’adolescente, et lui dicta, lui présentant son dos à l’abondante crinière qui ferait une prise idéale :

« Ne traînons plus ici. Accrochez vous, je vous emmène chez moi ; vous y serez en sécurité. »

Ce ne fut qu’après avoir prononcé ces paroles qu’il se rendit compte de ce qu’il venait de faire : il s’était montré à elle dans toute la redoutable réalité de son apparence, et même sous une lumière simplement nocturne, il restait facilement discernable. De surcroît, même si le ton qu’il avait employé était tout ce qu’il y avait de plus professionnellement intentionné, il se doutait bien qu’il pouvait paraître durement impérieux, et ainsi instiller la peur chez celle qu’il  voulait au contraire préserver de pareilles émotions.
 
« C’est que… le coin est dangereux et il vaudrait mieux que vous soyez à l’abri… je dis ça sans… sans arrière-pensée vous savez. » Se mit-il soudain à bredouiller d’un air d’excuse, perdant en quelques secondes à peine la belle assurance qu’il avait eue.

Il finit par s’arrêter et se contenta de pester entre ses dents pour sa maladresse criante, se disant que ses balbutiements ne devaient pas avoir grand-chose de convainquant, et que de toute façon, les dés étaient jetés : soit Cyanne ferait preuve d’une admirable et incroyable confiance et obtempèrerait, soit elle se méfierait de cette espèce de monstre qui voulait la mener jusqu’à sa tanière… et les choses deviendraient méchamment compliquées.

(Idiot) Se fustigea-t-il pour la deuxième fois de la soirée.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le dimanche 12 avril 2009, 21:27:48
( Pas de bol, je me retrouve avec une flopée de gens qui ont soient les écouteurs hurlant, soit des yeux de tueurs, soient une humeur trés chatouilleuse )

Cyanne avait effectivement froid. Ce froid violent et mordant qui s'obstine à vous faire grelotter, qui cesse pour vous faire espérer, et qui reprend finalement encore plus violemment, cassant tout vos espoirs d'un jour avoir chaud. Ce froid qui, dans l'eau, était inévitable mais rarement violent - sauf lors de voyages dans les mers froides - et qui lui donnait généralement une envie folle de nager pour se réchauffer, de faire la conne, de danser et papoter derriére un immense rocher enfoui sous l'eau, afin de se protéger des courants malsains et gelés. Elle se souvenait de cet immense rocher qu'elle nommait son " idylle ", où elle se cachait avec celui qui détenait son coeur entre ses mains, où elle venait pleurer en cas de chagrins quelconque, où elle terminait ses soirées pour vomir ou ricaner des différentes "tenues" arborées par ceux et celles qu'elle détestait.

Cyanne avait donc froid, mais pas peur. Non, si son epiderme s'était hérissée, ce n'était pas par peur d'avoir vu la masse imposante de Krahl, et d'avoir deviné son visage qu'elle avait tentée de s'imaginer. Elle avait ouvert de grands yeux étonnés et brillants sous la lune, des yeux curieux de rencontrer ceux de son mystérieux amis du soir. Elle s'était donc levée, appuyée sur le rocher, de toute sa petite taille, ses cheveux blonds bougeant à chaque mouvements, tels des tentacules, et s'était stoppée en le sentant mal à l'aise. Que fallait-il faire ? Elle avait un soupçon de crainte en elle - l'instinct de survie, diront certains - mélangés à une ridicule peur minime. Elle avait confiance en lui, mais savait trés bien les instinct des loups et des hommes. Elle remit son capuchon sur sa tête, cachant son visage fin et qui exprimait un certain malaise et une culpabilité d'avoir peur d'une être qui semblait si doux. Elle eut un léger sourire qu'elle voulut rassurant et chaleureux, ce genre de sourire que vous adressez à quelqu'un qui vient de tomber et que vous aidez à relever, et passa sa main le long du dos du loup, comme pour "tâter le terrain" ( sans arriéres pensées !). Elle se hissa finalement à l'aide de sa force de jeune serveuse qui ne portait jusque là que des verres sur le dos de Krahl, attrapant quelques points d'accroche en espérant ne  pas lui faire de mal, et calant ses jambes autour de la taille de l'homme loup pour ne pas glisser, avec une légére naïveté et une maladresse normale.


- Et bien ... " Je vous suis ", dit elle en riant quelque peu. Je vous fais confiance, et j'espére ne pas le vautrer durant le " voyage".
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le lundi 13 avril 2009, 01:39:15
(Ah, ça, ceux qui font profiter de leur musique à tout le monde, même ceux qui n’en ont pas envie, on les rencontre partout ! Mais les autres… j’avoue, on dirait que tu n’as pas de chance !)

Ne sachant que faire maintenant que sa proposition avait été lancée on ne pouvait plus clairement, Khral se tenait pour ainsi dire sans bouger d’un pouce, les seuls mouvements que laissait voir son physique gigantique étant ceux de ses longs poils que la fraîche brise nocturne agitait comme ceux d’un invincible destrier fantastique prêt à porter son cavalier jusqu’aux confins de la Terre, comparaison qui s’accordait plutôt bien à la situation présente, car mis à part que le cavalier était une cavalière et que la Terre était Terra, l’analogie pouvait se faire assez exactement tant l’homme-loup était assez massif pour servir de monture à au moins trois personnes de la taille de Cyanne : à moins que celle-ci eût du plomb coulant dans les veines, la porter ne ferait pour littéralement différence.
Pourtant, ce ne fut pas ce faible poids qui empêcha son corps de se hérisser instinctivement lorsque les petites mains froides se posèrent contre son ample croupe : à éprouver la poigne si fragile et pourtant si tenace de l’adolescente, son sang se mit à affluer avec une précipitation qui faisait écho à l’émoi qu’il n’avait pas prévu, ressentant en ce moment même l’envie subite de se retourner pour laisser libre cours à ses affects et la serrer dans ses bras et lui caresser les cheveux et lui embrasser le front et…et…et…

(Ca suffit ! Tu es trop jeune pour te conduire comme un vieil imbécile alors tu ferais mieux de te calmer au lieu de te conduire comme tel !)

Holà subit qui l’empêcha de pousser ses fantasmes jusqu’à un point inquiétant, mais pour autant, ceux-ci conservèrent une latence préoccupante : il se sentait comme un homme laissé longtemps prisonnier d’un gouffre, privé de la lumière du soleil, et qui verrait un beau jour une fine corde lui être tendue, tenté alors de s’élancer sur le champ pour s’en saisir et se hisser sans tarder jusqu’à la surface, mais devant toutefois s’imposer une cruelle modération pour éviter que par la faute de sa précipitation l’objet de son salut ne se retrouvât brisé.
Et pendant ce temps, la petite gobeline escaladait à la force de ses bras et de ses jambes la montagne de muscles et de poils, avec une maladresse qui n’excluait nullement une indéniable vivacité pas plus qu’une prévenance qui ne manqua pas de soulever chez l’escaladé une autre montée de reconnaissance qui ne fut cette fois-ci pas dénué d’une très légère condescendance provenant de son orgueil naturel : il n’existait à sa connaissance pas de créature plus puissante ou plus résistante que lui, alors comment aurait-elle pu lui causer le moindre mal, intentionnellement ou non ? C’est que, en tant que savant autant qu’en tant que loup-garou, Saïl avait sa fierté, et cette fierté lui jouait parfois des tours… c’était elle qui avait entre autres été la cause de cette injection de Terranis qu’il s’était étourdiment faite et qui l’avait empêché le long de sa vie de s’entendre aussi bien qu’il l’aurait voulu avec plus d’une personne.

Mais bref, tout cela était du passé, et ce qui devait compter était le présent qui consistait, en l’occurrence, à conduire Cyanne à bon port et à veiller sur elle jusqu’à ce qu’elle fût en sécurité parmi les autres humains de cette ville qui se nommait Nexus et d’où elle provenait très probablement… à ce moment là, elle serait loin de lui, mais qu’importait ? Il n’était pas dans sa nature d’être un séquestreur ni de chercher à forcer la main des gens, et en toute circonstance il choisirait toujours l’option qui serait le plus bénéfique pour autrui.

(Après tout, c’est bien là ce qu’un scientifique est censé faire !) Pensa-t-il non sans un élan d’une ironie presque doucereuse qu’il avait eu tout le loisir de remuer ces derniers temps en pensant à ce qu’était devenu son destin.

Baste ! Il fallait y aller comme le signalait si bien sa cavalière avec sa vivacité d’esprit enfantine si coutumière qui arracha à l’homme-loup un sourire heureusement invisible avant que celui-ci ne se mette en marche, d’abord lentement, pour éviter le choc d’une accélération trop rude à sa compagne, puis de plus en plus vite, la foulée se faisant plus rapide et plus large pour se terminer en une galopade digne d’un loup, à quatre pattes, si vite que la petite aurait certainement été projetée en arrière si la stature de son protecteur ne l’avait pas abritée du souffle de la vélocité. Il ne dit pas un mot de tout le voyage, trop concentré qu’il était à observer ce qui l’entourait en jouant de l’oreille et de la truffe pour détecter toute menace éventuelle avant qu’il ne fût trop tard tout en prenant soin de ne pas se laisser aller à des gestes trop brusques par respect pour le bien-être de la jeune fille à laquelle il tenait tant. Accru par le devoir de gardien qu’il se sentait de devoir respecter envers Cyanne, son instinct de méfiance vis-à-vis de son environnement le faisait voir des prédateurs et des charognards partout, et ainsi redoubler son allure, ses pattes griffues s’enfonçant lestement dans la terre dure à chacun de ses pas, chaque trace dans le sol telle une menace dissuasive envers ceux qui auraient l’audace de se sentir en veine.

En conclusion, soit qu’il se fût fait des idées, soit que sa présence se fût avérée suffisante pour décourager d’éventuelles velléités, la trajet se déroula sans encombre aucune, le duo atteignant après quelques bonnes minutes de cavalcade ce point de flanc de montagne auquel Saïl aurait pu se rendre les yeux bandés tant il était devenu sa maison au fil du temps. Arrivé là, il ralentit l’allure, reprenant lentement et profondément son souffle à coups d’inspirations profondes qui laissaient les traces d’une haleine chaude en des panaches de buée virevoltants. Malgré la distance parcourue et la vitesse de course, son endurance extraordinaire n’avait été qu’à peine entamée, et il avait presque envie de continuer à se dépenser par jeu, de courir et courir encore jusqu’à ne plus en pouvoir et de s’écrouler ensuite pour ronfler comme un bienheureux, mais la conscience de la petite personne juchée sur son dos était plus que suffisante pour le faire se tenir à carreau, et pour préférer annoncer de la même voix qu’un habitué des lieux qui déclarerait le terminus tout en coupant le moteur de sa voiture :

« Nous sommes arrivés. Pouvez-vous descendre que j’ouvre le passage ? »

Tels propos auraient à bon droit pu faire croire qu’il travaillait du chapeau étant donné que partout où le regard pouvait se poser, il n‘y avait que roc, terre et poussière, mais comme chacun sait, Khral était tout sauf fou, et il se trouvaient de fait à quelques pas à peine de l’entrée de sa caverne, celle-ci n’étant rendue invisible « que » par ce cher rocher d’approximativement une demi tonne qu’il laissait toujours en position de manière à ce qu’il rendît l’entrée invisible ou au moins impénétrable quand il n’était pas dans les parages pour surveiller sa tanière.
Rien qu’à se trouver à proximité de ce qui était à proprement parler le cœur de son territoire, il se sentait un peu plus détendu… en terrain connu pour ainsi dire, même si le fait d’avoir toujours Cyanne à ses côtés raidissait quelque peu son attitude. Un moment, il transposa la scène présente à celle d’un jeune homme faisant les honneurs de son logis à une conquête récente, mais dissipa bien vite cette idée incongrue de son esprit tant elle lui paraissait mal assortie au rôle qu’il se devait de conserver, sans se laisser aller à des perspectives aussi lestes : il lui fournirait gîte et couvert du mieux qu’il le pourrait, puis elle rentrerait chez elle et tout le monde serait content…rien n’aurait lieu ; la nuit se passerait aussi convenablement que possible et tout le monde serait content.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le lundi 13 avril 2009, 10:33:08
( C'est Roubaix  ;D )

Une balade assez étrange. Elle n'avait eu ni l'impression d'être sur un cheval, ou dieu sait quoi d'autres comme animal, elle avait vraiment eu une impression étrange, sans adjectifs ni comparatif. La vitesse odieuse lui avait fait un peu peur, lui refilant un hocquet maladroit, et elle avait dû fermer les yeux pour ne pas avoir la nausée. Oui, elle n'avait pas l'ivresse de la vitesse , cette jeune fille, elle avait la nausée de la vitesse. Chaque course de voitures, de bateau, ou autre transports rapides, lui avaient refilés une merveilleuse nausée qui l'avait rendue patraque pendant un bon moment. Même si elle se savait en sécurité, elle avait toujours cette peur de tomber, tout comme en escalade, quand on a peur de glisser, de mal accrocher une prise et de se vautrer sur les tapis bleus qui peuplent le sol dur et froid du gymnase. Il était sûr de lui, et elle ne connaissait pas les lieux. On lui avait parlé de monstres, cannibales et charognards pour lui faire éviter ce lieu dévastés, vieilles légendes qui s'attachaient encore à sa peau.

Enfin, elle était arrivée, et descendit toujours avec cette maladresse, dissimulant un hocquet violent qui la secouait presque entiérement. Elle se posa sur le sol en manquant de trébucher, se rattacha à Khral en souriant, et se remit sur pied, un nouveau hocquet la soulevant du sol. Ils étaient arrivés, vraiment ? Il n'y avait rien ici, et jamais elle ne s'était sentie aussi loin de la ville ! Elle eut un brusque sursaut à l'idée de s'être trompée et d'être tombée sur un charognard cannibale, mais calma ensuite cette idée. Son instinct ne l'avait jamais trompée, non non, jamais ... enfin si.  Une fois. Elle inspira un grand coup pour se calmer, ressauta sur place à cause de son hocquet.


- Hum ... je suppose que je dois dire " Joli maison", dit elle en souriant à nouveau.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le lundi 13 avril 2009, 23:38:21
(Amen :P)

Hum… de toute évidence, elle était secouée par le voyage, ce qui ne manqua pas d’embarrasser Saïl pour la maladresse dont il avait fait preuve dans sa précipitation, mais il fit taire ses remords en se disant que de toute manière, il ne pouvait pas revenir en arrière, et qu’il avait d’ailleurs eu ses raisons pour se hâter : mais valait qu’elle fût un peu patraque plutôt que blessée, car on se remet plus facilement d’une nausée que de chairs déchirées ! Il suffirait d’un peu de repos dans la quiétude de la caverne, et elle pourrait aller beaucoup mieux en très peu de temps ; il y avait juste à dégager l’entrée, ce qui serait fait en un tournemain, et qui détromperait bien vite la jeune fille qui semblait croire que cette étendue de roche plane sur laquelle ils se trouvaient était tout ce en quoi consistait l’habitation de l’homme-loup.

« Attendez avant de vous prononcer ! » Choisit-il de dire avec assurance plutôt que de la rembarrer d’un fort peu élégant « Vous me prenez pour quoi ? » en se gaussant, ce qui aurait de son avis ruiné l’image positive que Cyanne aurait éventuellement pu se faire de lui.

Ne se préparant pas davantage que par quelques roulements d’épaules, ses muscles ayant déjà été échauffés par sa course nocturne, il s’approcha de sa « porte » au pied de laquelle il s’agenouilla pour placer ses mains en coupe en dessous, et ensuite soulever cet énorme rocher sans autre manifestation d’effort qu’un faible grognement alors que dans une chute de quelques gravillons accompagnant des panaches de poussière de faible envergure, le véritable logis se révélait aux regards par le biais d’une ouverture de deux bons mètres de large et d’approximativement autant de haut. La seule lumière provenait d’une sorte de petite lucarne naturelle au « plafond », et une tranquillité d’église empreignait les lieux, mais ce qui frappait le plus était le parfum ambiant propre au loup-garou qu’il était et qui, sans pour autant être à proprement parler une odeur de fauve, imprégnait suffisamment l'air pour être plus que facilement perceptible, même par des narines humaines. Khral, pour sa part, n’avait même pas eu à s’y habituer, mais il espérait que cela n’incommoderait pas trop la visiteuse car, après tout, c’était la première fois qu’il recevait, et il ne savait donc pas comment un invité pourrait réagir.

« Entrez, vous serez bien mieux à l’intérieur. » Dit-il sans trop se préoccuper d’un fort possible étonnement de la part de l’adolescente, pensant qu’il valait mieux lui laisser le temps de s’adapter à l’endroit par elle-même.

Et de fait, une fois la « porte » remise en place, le lieu désormais clos offrait un habitacle relativement confortable : une salle de roche naturelle d’à peu près vingt mètres carrés aux contours irréguliers, dont certains endroits avaient été plus ou moins aménagés par le propriétaire à coups de griffes. Au début, une pénombre presque angoissante envahissait les lieux, mais Saïl s’affaira -comme à son habitude- rapidement à battre le silex au-dessus d’un trou creusé dans le sol qui faisait parfaitement l’affaire pour entreposer du bois dont il conservait en permanence une réserve conséquente dans le coin le moins humide de sa caverne. Ainsi, un feu ronflant éclaira et réchauffa bien vite la grotte, permettant d’en discerner mieux les détails : jouxtant le trou à feu, un large matelas/tapis de peaux de bêtes diverses suffisamment large pour accueillir deux êtres de la taille de l’homme-loup, et maintenu dans un état de propreté auquel seul pouvait s'astreindre un scientifique habitué à une hygiène stricte ; dans le fond du local, une rivière souterraine offrant de l’eau pure dont le clapotis se faisait doucement entendre ; près de l’entrée un gros rocher plat qui faisait manifestement office de table de travail aussi bien que de dîner quand besoin était ; et surtout, élément le plus intriguant, une large bâche qui couvrait un objet de plus de trois mètres de long pour facilement deux de large, à la forme indéfinissable sous le voile informe qui le couvrait. Il s’agissait là de la jeep de Saïl, celle-là même avec laquelle il était parti il y avait quatorze mois pour ne plus pouvoir revenir, et qu’il avait donc laissée en inactivité, n’en ayant désormais plus l’usage, tout en la gardant ainsi que son contenu sous le coude pour divers usages, le véhicule restant non seulement opérationnel au cas où, mais contenant également tout un chargement de matériel de survie qui pouvait s’avérer utile –voire vital- en plus d’une occasion bien que le robuste Terranis extrême n’en eût jamais eu l’usage jusqu'à ce jour.

Cependant, le plus frappant restait les parois pierreuses, couvertes de marques de griffes qui pouvaient paraître au premier regard dénuées de sens, mais qui consistaient en réalité en toute une tapisserie d’équations, de formules et de composés moléculaires divers et variés qui appartenaient littéralement au domaine de l’occulte autant par leur complexité que par la main hâtive avec laquelle ils avaient été gravés, leur sens demeurant obscur pour probablement tout le monde hormis leur auteur même : véritable cavalcade déchaînée de raisonnement biochimique échevelé, il s’agissait là du génie scientifique de Saïl à l’état pur, qui s’exprimait dans son propre langage alambiqué et désordonné mais qui, bon gré mal gré, finissait toujours par donner des résultats ; la preuve en était de ce Terranis qu’il avait créé et dont il restait toujours quatre autres échantillons à bord de le jeep, aussi précieux que dangereux…

Mais assez divergé, et revenons-en à la situation présente : après avoir fait jaillir la lumière dans les ténèbres, il déposa la plaquette de chocolat, qu’il avait jusqu’ici gardée à proximité, sur sa « table » pour un usage futur, puis se tourna vers Cyanne tout en indiquant avec bienveillance le tapis d’un geste de la patte :

« Je vous en prie, installez vous. Désirez-vous quelque chose ? » Proposa-t-il avec une affabilité d’hôte qui contrastait avec sa nervosité des dernières minutes.

Il se trouvait que, comme il l’a été signalé précédemment, il était tout ce qu’il avait de plus chez lui, au cœur de son territoire, et se trouvait désormais beaucoup plus à son aise, et ainsi d’autant plus prêt à faire en sorte que sa protégée le fût également. Dorénavant, il pouvait assumer plus véritablement son rôle de gardien, certain qu’il était qu’ici, rien ne pourrait les atteindre, et qu’il pouvait se détendre avec l’assurance qu’aucun danger ne risquerait de se profiler.

Home sweet home…
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le vendredi 17 avril 2009, 23:03:56
La jeune femme était entrée sans crainte, avec une confiance infinie en plein dans son coeur envers ce jeune inconnu dont elle ne connaissait jusque là que le nom et le physique. Elle n'avait aucune peur de lui, car tout en lui trahissait une sublime et profonde mélancolie, et pourquoi pas même une certaine timidité dans ses actes et ses paroles. Il avait peur de la brusquer, de lui faire peur ... Mais la jeune fille n'était pas dans cet état de peur, où elle tremblait de tout ses membrs : elle était emplie de curiosités, avec une envie de poser des questions, des tonnes de questions indiscrétes ou non, de connaître, de savoir, de discuter jusqu'au petit matin avec ce dénommé Khral. C'était un être qui semblait inperceptible, autant que le langage humain lorsqu'elle était arrivée, balbutiant avec difficultés des mots anodins et s'empêchant de parler à nouveau en sa langue maternelle et marine. Un vrai mystére ... La jeune fille passa sa main dans son cou , un peu gênée de se trouver en ce lieu étrange, comme une grotte. Oui, une grotte ... chez elle, les grottes étaient dangereuses, sous les falaises ou les récifs, risquant de s'écrouler, emportée par la mer houleuse. Elle pouvait toujours s'échapper, mais se souvint de cette pauvre siréne dont elle avait retrouvée le cadavre flottant au dessus de sa maison : elle s'était endormie sous une falaise qui s'était écroulée ...

Elle déglutit en se souvenant des moindres détails du cadavre déchiqueté, puis revint à ses esprits, c'est à dire Khral qui, serviable, lui proposait des services avec une douceur infinie et un vouvoiement divin. Elle eut un sourire, s'accoudant à la table, laissant ses longues méches blondes couler le long d'elle, détachant ses couettes hautes pour les laisser libres, puis fit tourner ses élastiques de cheveux entre ses doigts fins.


- Je désire ... beaucoup de choses. Qu'il n'y ait plus de guerre. Que tout le monde ouvre ses yeux. Que d'autres les ferment à jamais. Que demain soit beau et ensoleillé, et passer une nuit interessante à vos côtés, en tant qu'hôte.

Elle eut un petit sourire, à nouveau.

- Sinon, un verre d'eau m'ira trés bien !
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le samedi 18 avril 2009, 02:29:19
Décidément, cette jeune fille promettait d’être une compagnie plaisante : apparemment, loin de se sentir intimidée par l’antre de bête en laquelle aurait pu consister la maison de Khral pour un œil nouveau, elle semblait s’adapter au mobilier pour le moins rustique avec une curiosité non dénuée de quelque chose d’enjoué qui lui donnait comme l’air d’une petite fille découvrant la maison d’un géant. D’ailleurs, cette comparaison n’était pas très éloignée de la réalité tant leurs tailles respectives différaient, le visage de l’ex-sirène parvenant avec peine au niveau du plexus de l’homme-loup ; et qui plus était, avec l’éclairage qu’offrait le feu et le calme qui s’était installé, le scientifique auquel sa formation offrait quelques talents de physionomiste était maintenant capable de distinguer sans peine son âge avec plus de précision, âge qu’il estima à quatorze ans… peut-être un de plus, peut-être un de moins. Si jeune à arpenter les Contrées du chaos, et les Landes qui plus était ! La pauvre fille avait perdu l’esprit pour s’aventurer dans des territoires aussi mortellement dangereux même pour le plus aguerris, et donc en particulier pour une adolescente, surtout d’une telle beauté : avec le regard objectif et acéré d’un biologiste qui savait comment pouvaient se définir les canons d’esthétique plastique, il n’avait aucun mal à définir que Cyanne se plaçait aisément dans le haut du panier des belles plantes, même si elle tenait pour le moment plus de la joliesse que d’une véritable beauté. Cela dit, toutes les prémices d’une femme attirante se lisaient sans peine sur son corps, et avaient même commencé à émerger de-ci de-là : peau lisse et douce –il avait pu l’expérimenter lui-même- au teint de pêche fraîche, maintien vif et dégourdi propre aux alertes d'esprit, membres délicats et fort bien proportionnés qui étaient à eux seuls une garantie de grâce et d’habileté, poitrine naissante suffisamment prononcée pour attirer les regards sans laisser présager aucune vulgarité… mais surtout, ce qui était le plus admirable chez ce petit être était ce qui le terminait verticalement. Les courbes de son visage donnaient à elles seules envie d’embrasser cette bouche qu’on devinait propre à s’exprimer de manière marquante, que ce fût par une moue ou par un sourire, ses yeux avaient un éclat qui laissait croire qu'ils étaient illuminés par quelque flamboiement spirituel intérieur, et pour finir du bas vers le haut : ces cheveux ! La paille filée en or par Rumpelstiltskin ne devait pas avoir un éclat plus élégant, et la manière dont ils s’écoulaient comme une cascade claire donnait l’impression frappante que n’importe quelle coiffure pouvait convenir à leur propriétaire : dans le cas présent, qu’ils fussent en couettes ou laissés en liberté, Saïl ne pouvait que les trouver splendides, et avait la certitude que le résultat serait le même en natte, en palmier, en queue-de-cheval, en chignon, en tresses, etc.

Et pourtant, il n’éprouvait pas d’attirance pour elle…enfin pas ce genre d’attirance : bien sûr, il se sentait une grande tendresse à son égard, et aurait été le premier à la serrer dans ses bras pour la couvrir de baisers, mais la simple pensée d’un coït avec elle résonnait dans son esprit aussi malproprement que la perspective de piétiner une étendue de neige immaculée avec es bottes sales. Non, il serait Gardien, et en aucun cas Amant ; tel était le rôle qu’il voulait conserver à l’égard de la demoiselle, et il le respecterait, lui assurant une nuit la plus confortable possible en la compagnie de ce rustaud de loup-garou qu’il était.
En tout cas, jusqu’ici, ça ne s’annonçait pas mal du tout, et Cyanne prouvait par ailleurs qu’en plus d’avoir un joli minois, ce qu’il renfermait n’était pas moins appréciable, sinon du point de vue de l’érudition, en tout cas de celui de l’astuce, car la petite savait se montrer maligne comme l’indiquait sa réponse-monologue qui fit naître un demi-sourire sur les lèvres de Khral : ces questions, il se les était posées lui-même en son temps, et si certaines d’entre-elles avaient une réponse (hé oui, il était possible par exemple de contrôler le temps qu’il faisait à condition d’y mettre des moyens et un génie suffisants !), d’autres devraient sans doute rester à jamais d’une insolubilité frustrante même pour les penseurs les plus brillants qui s’y pencheraient. Toujours il y aurait des imbéciles, des violents, des foudres de guerre et des oppresseurs ; et la meilleure volonté du monde ne pourrait y changer grand-chose, les plus grande chances d’un monde paisible résidant sans doute dans les petits bonheurs qu’une vie pouvait apporter en dépit de tout ce qu’elle pouvait avoir de désagréable, d’horrible, de tragique…

La requête plus sérieuse mais non moins enjouée de son invitée le fit sortir de ses ressassements avec un hochement de tête diligent à l’égard de la charmante donzelle, puis il se dirigea de sa démarche souple et légèrement chaloupée en direction d’un morceau de tissu épais qui recouvrait quelques récipients en bois de tailles diverses, allant de la soucoupe à la soupière, pour en prendre deux que leur largeur et leur profondeur assimilaient plutôt à un bol à thé et à un saladier… enfin à peu près, car Saïl n’était ni menuisier ni ébéniste ni artisan, et même s’il était parvenu à se faire des contenants d’une solidité plus qu’acceptable, leurs formes prenaient parfois des proportions fantasques peu régulières. Mais bon, ils étaient propres –point d’honneur chez leur fabricant et possesseur !-, et faisaient tout à fait l’affaire pour recueillir l’eau de la source qui était d’ailleurs très bonne et très rafraîchissante.
Ces deux désaltéreurs en main, il vint se poster en position accroupie aux côtés de Cyanne à laquelle il passa le plus petit, prenant lui-même une bonne gorgée du sien avant d’entamer la discussion :

« Bon, qu’est-ce que je peux faire pour rendre votre nuit « intéressante » ? » Demanda-t-il avec des yeux brillants d’intérêt et de ressource qui n’avaient pour ainsi dire rien de commun avec un loup-garou ordinaire (si tant était qu'on pût qualifier ainsi une telle créature), laissant facilement entrevoir l’humain qui habitait toujours cette imposante enveloppe corporelle et qui était toujours friand de conversations et de bonne compagnie en dépit de sa timidité.

D’ailleurs, celle-ci avait été mise de côté d’une part par le soulagement qu’il éprouvait à être chez lui –comme il l’a été précisé précédemment-, mais d’autre part par la présence chaleureuse et engageante de l’humaine si pétillante qu’il avait en face de lui et qui le mettait à l’aise par une sorte de communicabilité de cette joyeuse insouciance dont elle faisait montre.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le samedi 18 avril 2009, 11:20:45
Cyanne attrapa rapidement le verre entre ses mains frêles, et tapota les bords du récipient à l'aide de son index, comme lors d'une extrême réflexion à un devoir posé sur un bureau, face à vous, et que vous en êtes à votre 4e verre d'eau, espérant que l'inspiration naisse,avant de jeter votre dévolu sur un verre d'alcool du genre liqueur, vous promettant un 17 avec " Imagination débordante " en guise de remarques. Elle  but une gorgée, eut un sourire et un frisson en sentant couler le liquide frais le long de son gosier, et remua sa tête à droite et à gauche un instant, comme pour chasser cette fraîcheur un peu trop froide. Elle inspira avec un sourire, délicieusement, pour ensuite reposer ses yeux sur celui qui lui offrait sa demeure comme lieu de repos. C'était un être étrange comme elle n'en avait jamais vu, qui pouvait sembler violent et dangereux, mais se révélait beaucoup plus sympatique que n'importe quel être humain. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences ...

Elle eut un petit soupir , avec toujours ce sourire sur son visage, et défit son chaperon rouge qui devenait un poids à chacun de ses mouvements.


- Je ne sais pas ... ma curiosité est sans bornes, et mon indiscretion peut être trop perturbante, je le sais ... mais je ne vous connais pas et aimerait vous connaître mieux.

Elle eut un nouveau sourire.

- Je me nomme Cyanne, ancienne siréne qui, à force d'être trop restée au sol, est devenue humaine. Je tient une boutique avec un ami que je considére comme mon frére, et je passe mon temps à me ressasser mes souvenirs de siréne. Ma vie n'est pas si compliquée, mais je suis trop rêveuse selon certaines personnes ... J'ignore mon âge, on m'en a donné 20 pour que je puisse tenir une boutique sans problémes, mais je ne sais pas tellement quel âge j'ai ... Je ne comprendrais jamais le monde de la terre, et j'aimerais beaucoup retourner dans l'océan ...

Elle avait dit cette derniére phrase avec une triste nostalgie.

- Ici, peu de choses me retiennent. Là-bas, toute ma vie est - ou plutôt était-  batîe et " prête à l'emploi"...
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le lundi 20 avril 2009, 16:20:40
(Je ne peux m’empêcher d’avoir l’impression que ta première phrase sent fortement le vécu !)

Une soirée telle qu’il en avait désiré depuis longtemps, et il se promettait d’en savourer jusqu’aux moindres instants : coupés du reste du monde comme ils l’étaient, ainsi confortablement installés dans cet abri dont la location autant que la composition était une promesse d’inviolabilité, l'ambiance possédait quelque chose de feutré qui n'avait rien à envier aux salons courtois. Même Saïl, bien souvent trop étroitement marié avec son travail, ne s’était que trop peu donné l’occasion d’un moment tranquille en petit comité, et encore moins d’un tête-à-tête, romantique ou non ; aussi la compagnie de cette petite à la langue bien pendue était-elle véritablement une aubaine que l’homme-loup avait bien l’attention d’apprécier à sa juste valeur. En vérité, Cyanne lui apparaissait dans la nuit de sa solitude comme une étoile filante qu’il avait eu la chance et le bonheur de voir se poser dans les parages de son lieu de vie comme un angelot venu des cieux apporter un rayon de lumière céleste à ce banni qu’était Khral de par sa nature. Bien sûr, une telle vision de son invitée était éminemment fantaisiste, mais quel mal y avait-il à enjoliver l’apparence qu’avaient les évènements de manière à en faire ressortir ce qu’il y avait de plus touchant, de plus beau, de plus admirable ? Après tout, Terra n’était-elle pas elle-même le monde où pouvaient se réaliser les fantasmes les plus incroyables, où les espoirs les plus fous pouvaient prendre vie sous l’action de ce merveilleux courant d’énergie magique qui semblait imprégner même les choses les plus banales pour les rendre impérissables ou à tout moins inoubliables ?
En parlant de merveilleux, le loup-garou ne put s’empêcher d’assimiler l’espace d’un instant l’adolescente qu’il avait face à lui à cette figure célèbre du Petit Chaperon Rouge, non seulement à cause de cette coiffe qu’elle venait d’ôter, mais aussi en raison de cette candeur d’un naturel si admirable qui ressortait de chacun de ses gestes et de chacune de ses paroles. D’ailleurs n’avait-il pas lui-même la tête de l’emploi pour faire un Grand Méchant Loup tout ce qu’il y avait de plus digne de ce nom ? Sauf qu’il n’avait bien entendu ni Mère Grand à croquer ni petite fille à abuser : en réalité, la scène prenait l’allure d’une version positive du conte de Perrault, dans laquelle les protagonistes vivraient en bonne entente au lieu de se côtoyer dans un commerce d’intrigue et de tromperie. Une histoire revisitée ? Pourquoi pas !

Mais hors de ces réflexions fantasmagoriques, la requête de Cyanne le mit dans un embarras qui n’était pas moindre, même si elle avait été très vraisemblablement conçue et formulée sans aucune arrière-pensée : lui parler de lui ? Mais sa vie était loin d’être intéressante ! Né en France, il avait fait des études brillantes avant de venir poursuivre son cursus aux États-Unis puis au Japon en raison des avancées de ce pays en matière de génétique, domaine pour lequel il s’était très vite passionné. Ensuite lui était apparu le phénomène Terranide sur lequel il s’était littéralement jeté et sur lequel il avait passé les derniers mois de sa vie humaine avant qu’il en résultât son impossible métamorphose qui l’avait forcé à vivre reclus depuis un moment. Voilà, en quelques lignes, ce qu’il pouvait y avoir à dire sur lui, et il n’y avait pas là-dedans de quoi captiver un auditoire… ou tout du moins c’est ce que ce gaillard mal assuré pensait, l’estime de soi n’étant pas un de ses traits de caractère les plus développés.
En revanche, c’était un très bon auditeur, et il le prouva en tendant l’oreille avec attention à l’histoire de l’ex-sirène que celle-ci prenait la peine de lui révéler : beaucoup n’auraient pu y voir que les racontars d’une gamine en manque d’une oreille à qui se confier, mais pour Saïl, cela était au moins aussi captivant à écouter que le curriculum vitae d’une célébrité mondialement reconnue, l’homme-loup percevant dans chaque mot la trace de cent anecdotes, tranches de vie toutes plus délectables les unes que les autres. L’exemple pouvait en être de la façon dont elle s’était vue destituée de sa nature mi-animale : si le savant qu’il était s’en était tenu à un raisonnement purement scientifique, tout cela lui serait apparu comme des fariboles invraisemblables, mais le fait était que sur Terra, ce genre de phénomène était à prendre avec des pincettes car tout et rien pouvait survenir sans raison apparente ; simplement comme par une magistrale déformation de la réalité venue de quelque indicible et omnipotente puissance supérieure. Toutefois, aussi conscient qu’il pût être de cela, il ne manqua pas de ressentir un pincement au cœur à cette révélation de la part de Cyanne, car il avait espéré que la solution à son propre problème eût pu résider dans la façon dont elle-même était passée du statut d’hybride à celui d’humaine… bah, ce n’était en fin de compte qu’une déception de plus ; qu’une fausse piste à rayer parmi tant d’autres, et ce ne serait pas cela qui le démoraliserait !
La suite de l’histoire de la discoureuse se révéla avoir un caractère moins extraordinaire, mais pas dénué d’intérêt pour autant : âge inconnu ? Voilà  qui sonnait comme un défi aux oreilles de cet assoiffé de connaissances qu’il était, et pour qui rien ne pouvait être fondamentalement inconnu ! Dans le cas présent, il était certain d’être capable de pouvoir déterminer l’âge de la jeune fille simplement avec quelques échantillons sanguins ou même simplement salivaires : il lui suffisait de pouvoir mettre le doigt sur son A.D.N, et estimer le nombre d’années que ce corps avait pourrait être fait en un tournemain !... Mais le fait était que son âge réel, qui pouvait être bien différent de son âge physiologique, resterait de son côté indicible. Zut.
Cela dit, cette perspective d’A.D.N ouvrait d’autres possibilités pour un généticien prodige comme lui : même si Cyanne avait pris forme humaine, il devait bien rester quelques génomes propres à une sirène dans sa banque de données, fut-ce à l’état dormant, et avec les examens et les tests qu’il fallait, il aurait peut-être la possibilité de réveiller ces caractères pour permettre à la jeune fille de redevenir la sirène qu’elle avait été ! Il ne fallait pas perdre de vue une telle éventualité et en faire part sans tarder à l’intéressée… même s’il faudrait probablement lui fournir l’explication sous une forme vulgarisée étant donné que d’après ce qu’il avait pu comprendre, si la magie pouvait permettre de grandes choses, les moyens techniques en étaient pour leur part restés à un stade bien vétuste comparés à ceux de la Terre. Cependant, qui savait ? Peut-être l’adolescente avait-elle des cordes inattendues à son arc et avait-elle des notions insoupçonnées en biologie. Il n’y avait qu’un moyen de le savoir, et cela méritait d’être tenté ; après tout, la science avait aussi étroitement trait au passé de Saïl, et comprendre son métier aiderait donc la demoiselle à le comprendre lui.

Plongé dans ses pensées, il hocha lentement la tête avant de se lever en douceur, tenant toujours à la main son bol dont il prit une petite gorgée alors qu’il embrassait les parois de sa demeure du regard :

« Ne perdez pas espoir Cyanne. » Dit-il avec le ton professionnel et mesuré d’un médecin proposant un traitement expérimental à un patient. « J’ai peut-être une idée, mais avant que je vous réponde, autant pour vous parler de moi que pour vous aider, je vais vous poser une question : regardez ces… inscriptions sur les murs. Est-ce qu’elles vous disent quelque chose ? »

Ce disant, il fit un geste vague de la main en direction des murs de roche naturelle, couverts d’un enchaînement d’allure démente de chiffres, de lettres et de symboles mathématiques qui auraient pu avoir l’air d’espèces de pentacles runiques pour un profane complet en la matière ; mais pour quiconque avait touché de près ou de loin à la physique-chimie, ces formules, même d’une grande complexité, feraient sens à défaut d’être compréhensibles. Restait à voir comment la demoiselle réagirait, et c’était dans l’attente de cela que Khral restait muet, observant d’un air neutre légèrement absent et en retrait les calculs qu’il avait lui-même tracés. En y pensant, c’était la première fois qu'il était donné à quelqu'un de poser les yeux sur de semblables inscriptions, et il ne pouvait d’empêcher d’être un tantinet nerveux à l’expectative de l’opinion qu’elle aurait de ce qu’il lui mettait devant les yeux : y repèrerait-elle quelque élément familier ou cela la laisserait-elle complètement déboussolée, voire effrayée ? L’avenir proche le dirait…
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le lundi 20 avril 2009, 18:06:29
( effectivement, effectivement … )

La jeune fille tourna la tête vers le lieu indiquait, les sourcils froncés. Elle s’avança sur la pointe, comme pour ne pas provoquer le réveil des lettres et chiffres inconnus à ses yeux. Elle passa sa main dans ses cheveux, tourna la tête, passa sa main sur le mur, attrapa ses longs cheveux pour les caler sur une de ses épaules, caressant le mur de plus belle. Oh non, elle ne voyait pas ce qu’il voyait. Elle ne comprenait pas bien les chiffres, mais savait qu’elle pouvait avoir la réponse. Elle se rapprocha de la table, attrapa son verre et jeta le contenu sur les inscriptions gravées. Seule l’eau pouvait l’aider, seule elle lui faisait comprendre ce monde. Elle cligna violemment des yeux, regardant Khral, puis le mur, puis de nouveau Khral, légèrement incrédule. Elle attrapa le verre de son interlocuteur, et le vida sur le reste du mur. Elle s’approcha, étalant l’eau pour recouvrir tous ces calculs étonnants, et se posta devant, immobile, un instant.

Sa tête lui tournait. Elle posa sa main au centre des inscriptions, comme muée d’une attirance vers ce lieu, et doucement, avec un accent énorme et inconnu ( d’où que vous venez, vous gardez l’accent de ce lieu )


- L’eau sait tout. Elle me dit que ce sont … scientifiques. Des recherches, comment savoir, comment trouver, des questions. C’est vous-même qui l’avait écrit, elle me le dit, je la crois. L’eau sait tout.

Elle pointa son doigt sur une ligne, la suivant en récitant la formule exactement, sans buter, et fit de même sur les autres lignes, récitant solutions, recherche, réponses, tout un ensemble de choses qu’elle expliquait par elle-même, ajoutant ses commentaires et conseils à ce qu’elle lisait

- Vous voulez savoir comment faire, une solution.

Elle montra un endroit avec son doigt.

-  Ici, vous avez eu du mal. Il y a eu une erreur, rattrapée ensuite.

Elle posa la paume de sa main sur un calcul.


- Et là, vous avez trouvé la bonne formule, le calcul exact. Mais la réponse reste ignorante … Vous avez trois bonnes réflexions, ici, en cet endroit et … là. La dernière me semble plus probante, la seconde beaucoup moins compliquée, et la première moins dangereuse.

Elle se recula légèrement, marmonnant dans son langage un long monologue, relisant, fronçant les sourcils. Tout se rapportait vers une recherche essentielle, une sorte d’alchimie, quelque chose de compliqué, de dur à chercher et à trouver. Elle se retourna vers lui, inspirant longuement, puis se recolla contre le mur, analysant les moindres détails des écritures, tournant la tête dans tout les sens, grattant la pierre.

- Vous voulez changer quelque chose. Tout porte à croire que c’est un être vivant, mais pas un humain, pas un animal, juste un … être unique. Une anatomie, un ensemble de molécules …

Elle pointa son doigt sur un endroit, appuyant de toutes ses forces dessus, comme si cela enclencherait quelque chose, un mécanisme.

- Ici, là, une nouvelle formule, inconnue de tout experts, une nouvelle constitution physique. Une alchimie, un mélange, quelque chose de … étrange! Je crois reconnaître, l’eau me souffle, m’aide, mais je …

Elle se retourna et enfin tout fit surface dans sa tête. Elle resta surprise, les yeux grands ouverts, la main contre la bouche, les pupilles réduites au strict minimum. Tout les calculs revenaient à une idée de vivant, de mort, de danger, de difficulté. Il voulait changer quelque chose, et ce quelque chose mystérieux : c’était lui.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le mardi 21 avril 2009, 17:28:23
(Espèce de dévergondée !)

Hum… Saïl n’était pas comportementaliste, mais il n’y avait pas besoin de ça pour voir que la jeunette nageait manifestement dans le brouillard à la vue de cette nuée de chiffres et de lettres face à laquelle elle semblait aussi désemparée que s’il l’avait mise au défi de changer le plomb en or.

(Il fallait s’y attendre… mais cela va être compliqué…) Songea-t-il un peu maussadement en observant d’un œil vague son reflet dans l’eau pure du récipient, car si bon professeur qu’il pût s’avérer, faire comprendre un phénomène de mutation génétique à une personne qui n’avait apparemment que des notions très floues de biologie allait être tout sauf évident.

Mais alors qu’il relevait la tête en prenant une inspiration pour entamer son discours explicatif, un *Splash* dont la source laissait peu d’ambiguïté le fit sursauter de surprise ; une surprise qui ne décrut pas lorsqu’il vit que Cyanne fixait maintenant successivement la paroi gravée et le graveur avec des yeux grand ouverts digne d’une sibylle en pleine vision. Interloqué, il fut encore une fois pris au dépourvu lorsque son propre bol lui fut arraché sans autre forme de procès pour voir son contenu projeté à son tour contre le mur sans aucune raison que Saïl fût capable de discerner avec certitude : les inscriptions se dessinaient-elles trop vaguement pour elle, et avait-elle ainsi besoin d’en accentuer la trace en les faisant ressortir par de l’eau ? Voulait-elle faire jouer les reflets du feu sur la surface humide pour mieux discerner ce qu’il y avait à voir ? Était-ce simplement là un geste d’une sorte de dépit courroucé ? Non… il y avait dans l’attitude et les mouvements de l’ex-sirène quelque chose qui évoquait distinctement un rituel ; quelque chose comme une communion mystique…
Mystique ! C’était ça ! Sur Terra, la magie pouvait avoir des usages inattendus, et peut-être cette jeune fille qui avait jadis été une créature mythique des eaux avait-elle encore quelques traces de ses anciens pouvoirs qui lui donnaient une sorte de connivence cognitive symbiotique avec les éléments aquatiques. En tout cas, ce fut la seule théorie qu’il put émettre qui faisait à peu près sens, et il devrait s’en contenter pour le moment, l’adolescente semblant en cet instant davantage disposée au monologue qu’à la discussion, s’étant lancée dans une psalmodie aux allures profondément pythiques tant son comportement et sa voix se voyaient transfigurés par l’espèce de sortilège qu’elle avait lancé et qui lui permettait de décrypter aussi clairement que de l’eau de roche ses calculs pourtant d’une complexité qui était l’apanage des experts.
Sans souffler mot, respirant à peine, les yeux presque aussi exorbités que ceux de l’oracle en laquelle s’était transformée Cyanne, il l’observait intensément, notant les moindres détails de sa conduite et surtout de ses paroles dans son inépuisable mémoire de savant. A se rendre compte avec quelle facilité une fillette parvenait à enchaîner la diction de toutes ces formules longues comme le bras sans que rien ne semblât pouvoir lui faire obstacle, il ressentit sur le coup le tiraillement de son orgueil qui le poussait à la jalousie, mais cette sensation disparut bien vite sous la certitude qu’une semblable méthode dépassait de loin tout ce qu’il aurait pu mettre en exécution et sous le très vif intérêt que suscitait en lui cette manière de raisonner dont il avait la démonstration sous les yeux.

C’était inexplicable, incroyable, impossible : tout ce qui sortait de sa bouche était la plus exacte vérité ; comme une prophétie à rebours, les jours que Saïl avait passés à calculer, estimer et computer fiévreusement défilèrent dans sa mémoire, retracés sous le doigt fin de la petite dame, narrés par le biais de sa bouche qui semblait trop petite pour des propos d’une telle ampleur. Oui ! Les « recettes » qu’elle pointait du doigt étaient celles-là mêmes dont le fac-simile reposait dans une pochette en plastique dans le coffre de sa jeep, tracées précautionneusement noir sur blanc sur papier, et le jugement qu’elle émettait à leur sujet était précisément celui auquel leur auteur était parvenu. Ces imperfections l’avaient mis dans un état de frustration terrible, mais à présent, à voir le fruit de ses recherches résumé et commenté à haute et intelligible voix, il sentait qu’il progressait à pas de géant grâce à cette vue d’ensemble qui lui était offerte et percevait déjà les nouvelles pistes de recherche qui se profilaient et ne demandaient qu’à être exploitées ! Fébrile, il hochait la tête avec engouement sans trop s’en rendre compte, mais aussi enthousiaste qu’il fût, il ne manquait pas de s’inquiéter au sujet de l’état de Cyanne qui ressemblait un peu trop à celui d’un pensionnaire d’asile psychiatrique pour qu’il restât impassible devant un tel spectacle, et ne se promît pas d’intervenir si jamais une telle transe prenait des proportions trop inquiétantes. Il se rappelait avoir étudié le cas de religieux pris de violentes crises d’épilepsie lors d’une extase de foi, et si conscient qu’il fût du caractère merveilleux d’une semblable réaction, il ne tenait pas à ce que cela arrivât à sa protégée.

Cependant, lui-même fut tourneboulé lorsque le discours dériva sans prévenir sur lui : elle ne s’en rendait de toute évidence pas encore compte, mais cet « être unique » qu’elle mentionnait n’était autre que cet homme-loup, véritablement anomalie de la nature qui se tenait à quelques mètres à peine d’elle, anxieux au possible. Il ouvrit la bouche pour intervenir, mais la referma aussitôt, décidant qu’il était préférable attendre la conclusion qui découlerait de tout cela et qui ne tarderait très vraisemblablement pas à venir, car après tout, qu’y avait-il de mal à ce qu’elle fît la lumière sur sa nature précise ? Ce n’était pas comme s’il avait honte de ce qu’il avait fait ou de ce qu’il était devenu, et à tout prendre, cela épargnerait de longues explications inutiles pour lesquelles Saïl ne se sentait pas très doué.
Lorsqu’elle appuya sur la formule, ce fut comme si elle l’avait pointé directement du doigt : elle avait mis directement le nez sur les composantes exactes du Terranis, ce produit révolutionnaire, fruit des travaux les plus importants de sa vie, qui était à la fois sujet d’une immense fierté et d’une indicible frayeur pour lui. C’était la clef du problème, et il croisa les bras et baissa la tête avec résignation, soupirant de la réaction à laquelle il s’attendait et qui fit jour après des tâtonnements effrénés de la chercheuse par procuration qui le fixa tout à coup avec une exclamation muette au bord des lèvres après un ultime sursaut cérébral qui la propulsa au summum de ses réflexions, déboussolée, effarée, hagarde.

« Hé oui. » Conclut-il pour elle dans un soupir affable. « Jusqu’à il y a un peu plus de quatorze mois, j’étais une personne tout ce qu’il y avait de plus humaine, avec des idéaux plein la tête et des décisions peut-être un peu trop précipitées. »

Ce disant, il avait positionné sa main à précisément un mètre soixante dix-sept du sol, taille exacte de Saïl Ursoë, s’attendant presque à sentir l’épaisse chevelure mal coiffée de ce jeune homme entreprenant sous sa large paume tant cet être qu’il avait pourtant été durant vingt-quatre années lui paraissait bizarrement étranger. D’un air d’une neutralité teintée de fatalisme, il secoua la tête avec un nouveau soupir, et déclara :

« J’aimerais bien savoir comment vous avez fait, mais vous avez tout trouvé… je ne sais pas ce que vous en pensez mais c’est ainsi. Je suis ce que je me suis fait devenir. »
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le mardi 21 avril 2009, 18:44:59
Cyanne resta muette un instant. L'eau sur le mur séchait, et cette même eau ne lui soufflerait donc plus les réponses. Elle eut un long soupir, regardant le mur reprendre son apparence normale, petit à petit. Elle s'affala épuisée sur sa chaise, fermant ses yeux, les frottant quelque peu. Tout ces calculs avaient fait tourner sa tête ... elle était épuisée, éreintée mentalement, comme lors qu'une réflexion intense. Tout avait marché ensemble, les moindres recoins de son cerveau de jeune femme avaient sût trouver LES reponses, LES raisonnements exacts aux secrets de ces écritures scientifiques. Elle avait réfléchit comme jamais, et ce pour maintenant ne plus rien comprendre ... elle poussa un long soupir et jeta un regard vers Khral. Elle était impressionnée par lui au départ, son physique invoquant une sorte de terreur à l'idée de se retrouver son ennemi. Puis elle avait été impressionnée par ses raisonnements scientifiques, ses formules, composition et idées notées ici. Et désormais, elle avait un air renfermé qui stagnait sur son doux visage, un air de tristesse, de fatalisme ... elle passa sa main sur son front.

- Je ne connais rien en scientifique. Sans l'eau, je n'aurais rien sû. Je ne dépend que d'elle ... Je ne suis rien sans l'eau. Chaque fois que je dois faire quelque chose, c'est sur l'eau que je dois compter, jamais sur moi ! Merde !  MERDE !!

Elle mit sa tête dans ses mains, pleine de rage et de desespoir, et resta dans cette position pendant une minute silencieuse environ. Elle qui avait une voix d'un naturel joyeux, elle se retrouvait désormais avec cette voix grave ( dans le sens sérieux ), ce ton tout aussi sérieux. Elle passa nerveusement sa main sur son visage, repoussant ses cheveux en arriére, sa voix se chargeant de tristesse au fur et à mesure de ses paroles.

- Je ne peux pas me permettre de penser du mal de vous. Je ne peux que vous féliciter pour votre esprit brillant. Vous trouverez sûrement la solution à vos problémes, et moi je resterai sur ce sol, sans aucune solution pour rejoindre les miens.

Elle plaqua sa main sur sa bouche, prise d'une crise de larme effarante. Jamais la mer ne lui avait autant manquée, jamais elle ne s'était sentie aussi seule, aussi éloignée de ses repéres ... Elle cala se nouveau son visage entre ses mains, ne pouvant cesser de pleurer, ressentant en cet instant tout ce qu'elle n'avait pas pû ressentir auparavant. Fini les folles années où elle était joyeuse d'être sur terre, désormais elle était ... inqualifiable.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le mardi 21 avril 2009, 20:04:00
A voir la réaction hystérique de la jeune fille, il était évident que la personne qui avait le plus gros problème d’entre eux deux était elle : autant Saïl, tête dure et froide comme il l’était, avait su conserver son intégrité morale et intellectuelle intacte en s’entourant d’une bulle de rationalisme lorsque les pressions mentales s’étaient faites trop fortes, autant Cyanne avait à ce qu’il semblait l’esprit autant que le corps d’une adolescente, et de cela résultait un bouillonnement d’émotions qui jaillissaient à la surface de cette petite enveloppe charnelle, et ce pas toujours en bien. La preuve en était du cas présent où elle se mettait à se haïr de n’être apparemment pas capable de faire quelque chose de valable d’elle-même, sentiment que le jeune scientifique tout autant que n’importe qui d’autre avait pu ressentir à un moment ou à un autre de son existence : cette atroce sensation que le poids que l’on exerce sur le monde est en réalité nul, et que l’on pourrait disparaître aussi simplement qu’une bulle de savon sans que cela pût faire quoi que ce fût à quiconque. Bien évidemment, cela était éminemment faux en ce qui concernait la vive donzelle dont la seule présence était un rayon de soleil d’une éblouissante vivacité, mais elle ne s’en rendait pas compte, se morfondant dans tout ce qu’elle pouvait trouver de négatif en elle, se rabaissant plus bas que terre, se lamentant de l’apparente irrévocabilité du passé sans chercher à aller de l’avant. C’était une attitude que l’homme-loup désavouait, mais si inapte qu’il fût socialement, il était tout le contraire d’un sans-cœur, et savait par conséquent que toute personne a de temps en temps besoin de se laisser aller à des mouvements d’humeur quand le stress ressenti et accumulé se fait trop important.
Dans le cas présent, il ne bougea pas tandis que la pauvresse vitupérait contre elle, car de la même manière qu’il valait mieux attendre qu’un récipient rempli d’un liquide bouillonnant prît le temps de refroidir plutôt que de s’en saisir étourdiment, Cyanne avait besoin de calmer ses ardeurs avant que Saïl ne la rejoignît : se précipiter au contact de cette demoiselle à fleur de peau aurait pu ne faire que s’envenimer les choses, aussi était-il préférable d’attendre le calme qui suit chaque tempête de colère.

Et celui-ci vint bien rapidement, la coléreuse s’épuisant pour ne plus consister qu’en une malheureuse tremblante et pleurante : après avoir grimpé haut dans les émotions, elle retombait au trente-sixième dessous, et il revenait désormais à son gardien attitré de la réceptionner avant qu’elle ne se cassât quelque chose, ce qu’il fit du contact rassérénant d’une de ses larges paluches sur la frêle épaule gauche tandis que l’autre caressait doucement la pétulante cascade de cheveux d’or et qu’il posait un genou en terre devant elle. Maintenant qu’ils avaient dépassé le stade de la méfiance, de la crainte et de la défiance, le loup-garou se sentait incroyablement plus humain qu’il ne se l’était senti ces derniers temps : il agissait avec un chaleureux naturel, et d’avoir été fils unique ne l’empêchait pas d’adopter l’attitude rassurante et protectrice d’un grand frère à l’égard de cette petiote qui avait bien besoin de réconfort.

« L’eau fait partie de vous Cyanne. Vous ne dépendez d’elle qu’au même titre qu’une personne dépend de sa bouche pour parler et pour boire : ce n'est pas une bouée de sauvetage mais un atout et vous ne devez pas avoir honte de pouvoir vous en servir. »

Il s’exprimait du ton sans équivoque qui n’admettait pas de réplique qu’il utilisait le plus souvent pour faire la démonstration de ses théories ou pour exposer un cours, sa voix résonnant, grave et ferme dans l’ample espace de la caverne, toute la puissance et la véracité des mots de l’homme-loup semblant s’amplifier à la mesure de l’écho qu’elle provoquait. Désormais, si brèche il y avait eu dans le voile de la tristesse de l’ex-sirène, il fallait y faire passer davantage de paroles pour gonfler ce voile et le faire éclater sous leur sens ; et si cela n’avait pas suffi, il fallait de toute manière poursuivre pour bien lui montrer qu’elle n’était pas seule, que cet « esprit brillant » était à son service pour lui venir en aide et lui faire retrouver le charme de ses années passées :

« Souvenez-vous de ce que je vous ai dit : ne perdez pas espoir. Vous avez pu voir de quoi je suis capable, et en ce qui vous concerne, si vous avez été sirène un jour, vous devriez pouvoir le redevenir. Tout ce qu’il me faut c’est un échantillon de votre A.D.N… et du temps bien entendu, et je parviendrai à faire renaître la sirène qui est en vous…  »

D’un geste ferme mais attentionné, il lui releva ensuite le menton, forçant les prunelles café crème à faire face à celles noisette, comme pour qu’elles fussent imprégnées de l’invincible détermination qui brûlait dans ces dernières. Ne pouvant supporter de voir ces si beaux yeux entachés de larmes, il essuya à gestes doux les rigoles lacrymales qui s’étaient formées le long de l’angélique visage et acheva sa phrase d’une voix vibrante de confiance :

« …je vous le promets. »
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le mardi 21 avril 2009, 21:18:44
Une promesse. Juste une promesse. Quelques mots sans importance, qui , reliés en une phrase, apportait au coeur de porcelaine de la jeune fille une onde de plaisir. Elle eut un petit sourire, essuya avec ses petites mains ses joues rouges et passa sa main dans ses longs cheveux blonds platines. Elle était desemparée ... Elle renifla, se frotta les yeux comme une enfant qui pleure parce qu'on a oublié de venir la chercher à l'école. Elle ne trouva pas vraiment grand chose à répondre, et retirant doucement son visage d'entre les mains de Khral pour fixer le sol, silencieuse. Il mentait. Il ne pouvait pas la faire redevenir siréne, tout simplement parce qu'il manquait un élément capital qui faisait qu'elle devenait siréne. Elle  se frotta les yeux, les relevant devant ceux de Khral, et toussa pour tenter de prononcer une phrase.

- Je ne peux pas. Les sirénes possédent une pierre, coincées en bas de la nuque, en haut de la colonne vertebrale.

Elle indiqua ce lieu avec sa main, la passant negligemment dans sa nuque.

- Et c'est cette pierre qui fait que l'on peut aller dans l'eau et voir nos jambes devenir une queue de siréne. Tout ce que vous reussirez à faire, c'est faire de moi une flaque.

Elle le regarda d'un air déçu, et passa de nouveau sa main sur son visage.

- Or cette pierre s'est brisés en même temps que mon ...

Elle rougit légérement, tournant la tête sur le côté.

- Que mon hymen.

Elle n'osait plus tellement le regarder. il devait la prendre pour une jeune fille pure, et voilà qu'il apprenait qu'elle avait était la proie des plaisirs de la chair. Elle serra dans ses petits poings les plis de sa robe noir en repensant à ce moment, rougissant de plus belle.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le mercredi 22 avril 2009, 00:37:08
Miséricorde ! Décidément, Terra n’aurait jamais fini de lui réserver des surprises, et parmi celles-ci bien des mauvaises, la preuve en était de la consternante révélation que lui faisait Cyanne : plus il passait de temps dans ce monde empreint de magie, plus il avait l’impression que tout ce qui le composait échappait à l’emprise des lois physiques, biologiques et chimiques, glissant entre les mailles des raisonnements que Saïl pouvait tisser, aussi étroits fussent-elles, rendant la tâche aussi vaine que d’essayer de capturer de l’air avec une passoire. Que penser de tout cela ? A se rendre compte que les connaissances dont il était le plus fier se révélaient complètement inefficaces à l’encontre des problèmes surnaturels dont la solution résidait le plus souvent dans quelque mystique expédient, il se sentait complètement désemparé. Pire que cela, il avait presque le sentiment que ce à quoi il avait voué sa vie n’avait été qu’un mensonge, ou plutôt que la partie émergée d’un iceberg d’une ampleur qui lui apparaissait toujours plus gargantuesquement inabordable : l’adolescente se sentait malheureuse d’avoir laissé une partie de sa vie derrière elle ? Hé bien que dire de lui qui se retrouvait étreint de l’abominable certitude de voir tout son étalage culturel réduit à une taupinière d’inutilité flagrante ? Peut-être au fond n’était-il pour Terra qu’un monstre ermite qui courait après des chimères en se croyant un observateur avisé du haut de sa tour d’ivoire scientifique…

Non ! Qu’avait-il dit ? Même devant les coups du destin les plus cruels, il fallait toujours faire en sorte de se relever et de se tourner vers l’avenir, et c’était ce qu’il ferait ! Et après tout, qui avait dit que le scalpel de son savoir se retrouvait rouillé et émoussé pour autant ? En dépit de toutes les étrangetés qu’il pourrait rencontrer, tout corps restait composé de molécules et pourrait ainsi rester décryptable par l’appareil intellectuel du savant sans pour autant s’avérer aussi facilement modulable qu’il avait pu avoir l’audace de le croire : s’était-il cru à cette époque reculée où la science s’assimilait trop souvent à une alchimie aux allures de sorcellerie faite de superstitions sans fondements, exercée à la lumière douteuse de remèdes de grand-mère et de décoctions faites au petit bonheur la chance ? Encore une fois, non, on ne le prendrait pas à pouvoir être comparé à un apprenti enchanteur qui tripoterait deux trois formules dans l’espoir de voir apparaître le résultat qu’il escomptait : il était un scientifique, et en tant que tel, se devait de procéder avec mesure, clarté d’esprit et finesse de raisonnement. Quand bien même il serait dépassé techniquement parlant par quelque moyen magique, il conserverait toujours son génie méthodique qui lui permettrait de faire face efficacement à toute situation afin de s’en sortir le mieux possible !

Ragaillardi par un tel discours intérieur de motivation, Saïl encaissa le choc de la profonde déception qu’il avait subie en s’ébrouant gaillardement pour chasser le désespoir qui avait commencé à l’étreindre : il ne devait pas oublier que son invitée avait toujours le moral dans les chaussettes, et qu’en tant que protecteur, il ne pouvait le permettre ! Tant pis pour son estime de soi à voir ainsi ses belles offres de service être jetées à bas et la flammèche de sa gloriole s’éteindre aussitôt allumée car après tout, c’est en faisant des erreurs que l’on progresse, et en l’occurrence, ce qu’il apprenait ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd : une pierre ? Vraiment intriguant, et si cela n’avait pas été une entorse majeure au serment d’Hippocrate qui impliquait de ne pas maltraiter un être pensant, il aurait été bien curieux de pouvoir examiner une telle chose… mais pour revenir à nos moutons, il écoutait Cyanne avec attention, et tomba donc des nues lorsque la révélation tomba comme un galet dans une mare. Hé bien, il semblait que l’adolescente fût précoce pour avoir déjà eu de telles relations à un âge où lui-même n’avait pas encore embrassé une fille ! Quoiqu’il ne devait pas oublier qu’elle pouvait être considérablement plus vieille que le laissait paraître son physique de fillette. Vraiment, tout cela était déconcertant, et il sentait qu’il aurait besoin d’un bon moment dans le calme pour remettre de l’ordre dans ses idées après être ainsi allé de surprises en surprises ; en l’occurrence, il ne parvenait pas à comprendre la relation de cause à effet qu’il pouvait y avoir entre la perte de sa virginité et celle de son statut de créature marine mythique : même si on pouvait discerner une explication symboliquement parlant, Saïl restait on ne peut plus dubitatif du point de vue purement physiologique de la chose.

Enfin bon, il ne voyait pas pourquoi elle aurait pu lui mentir, et qui était-il pour trouver à redire sur ce qui pouvait survenir en ce monde par tant d’aspects si richement complexe et tordu qu’était Terra ? Parfois, les choses arrivaient, et en l’absence d’une explication à fournir, plutôt que de faire un blocage, il fallait assumer et réagir au mieux. Dans le cas présent, il poussa un soupir résigné, à la fois étonnement et commisération, et avança encore une fois une de ses mains pour ramener délicatement les mèches blondes de Cyanne derrière ses épaules avant de lui tapoter celles-ci avec sollicitude :

« Ce qui est fait est fait, et je n’ai pas à vous juger. A vous de voir si vous ressentez ça comme une grosse erreur ou comme une expérience agréable et enrichissante, et nous inquiétez pas : je ne vous considère pas comme une garce si c’est ce que vous craignez. »

Il ne souriait pas, mais son ton était suffisamment doux pour appuyer la bienveillance attendrie qu’il mettait dans ses paroles, et le fait était qu’en dépit de tout ce qu’il avait appris à son sujet, il ne pouvait s’empêcher de se comporter avec elle comme il l’aurait fait avec une petite sœur.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le mercredi 22 avril 2009, 11:43:21
La jeune fille fut légèrement rassurée de savoir que cette « révélation » n’obstruait en rien leur relation amicale. Elle eut un petit sourire de remerciement à l’intention de Khral. Décidément, cet homme - car elle le considérait comme un être unique sans pour autant le rejeter ou le classer - était une perle, une vrai perle. Il était sublime, intelligent, gentil, charmant … tout ce qu’on peut espérer du pseudo «  Prince Charmant ». Elle n’arrivait pas à percer les pensées de ce loup, il aurait fallu qu’elle le recouvre d’eau pour tout savoir sur lui, et elle n’y tenait pas tant que ça , et elle ne pouvait pas tellement le comprendre. Elle n’avait pas un esprit scientifique extrême, un calme et une gentillesse telle que lui, et était tout à fait différente de lui. Cependant, elle ne put s’empêcher de ressentir une pointe de tristesse en pensant à lui qui voulait tellement changer, et elle qui le voulait aussi. Pour lui, c’était possible, pour elle, terminé. Elle ne le regrettait pas, non, connaître ce genre de plaisirs n’avait pas de prix pour elle, mais ne pouvait s’empêcher de penser que même si son hymen était resté sur terre, son cœur stagnait au fin donc de l’océan.

Elle passa sa main maladroitement le long de la nuque de Khral, tout en souriant.


- Vous êtes vraiment un être à part, dit-elle d'une voix douce.

Elle lui sauta dessus pour lui faire un grooooooooos câlin ( bisounours :DD * tue le bisounours * ), tout contre lui, comme si il était une éponge à son chagrin et à ses problèmes. Elle lui faisait confiance, et jamais elle ne s’était sentie aussi bien avec quelqu’un de si différent mais aussi tellement comme elle … elle eut un sourire, et s’enfouit tout contre lui en souriant de plus belle.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le mercredi 22 avril 2009, 21:52:29
Lorsqu’il sentit la main fine et froide sur sa nuque, Khral eut un moment la pulsion instinctive de se dresser sur ses pattes en une posture défensive, grondant et montrant ses dents : la nuque était l’endroit par lequel les petits étaient agrippés pour être transportés, et vouloir se saisir d’un loup par cet endroit signifiait par conséquent que l’on voulait établir une relation de domination sur lui ; une emprise physique. De plus, le timide Saïl lui-même n’avait jamais apprécié qu’on le touchât par surprise, se raidissant avec un sursaut presque paniqué dès que quelqu’un lui tapotait l’épaule ou lui administrait une claque dans le dos sans prévenir, cela provoquant généralement un élan d’hilarité de la part du surpreneur de voir ce garçon autant à fleur de peau.
Mais en l’occurrence, il se retint fort heureusement de faire le Grand Méchant Loup, se contenant pour réduire son mouvement de panique soudain à un frisson qui lui hérissa les oreilles tandis qu’il se tançait pour avoir trop laissé son attention être absorbée par ces adorables yeux grands et clairs. Restait tout de même que ce contact inattendu l’intimidait, et que sans pour autant s’en sentir ensorcelé ou captivé, il ne parvenait pas à se défaire d’une certaine sensation de gêne rehaussée du plaisir qu’il éprouvait à pouvoir se dire qu’il n’était pas aussi intouchable qu’il l’aurait pu croire… et bien entendu cette sensation se retrouva décuplée par les propos élogieux de l’ex-sirène qui n’avait pour autant pas perdu de son charme de créature mythique à ce qu’il pouvait juger de sa voix mélodieuse et chaleureuse… et encore une fois bien entendu, il se retrouva comme deux ronds de flan lorsque Cyanne élança son petit corps contre le colosse de poils et de muscles qu’il était.

La pierre lancée par David sur Goliath ne dut pas avoir plus d’effet que l’adolescente élancée en plein dans la poitrine de l’homme-loup qui la reçut avec une exclamation étouffée de surprise, confus d’une telle familiarité de la part d’une personne qu’il ne connaissait que depuis quelques minutes à peine, et avec qui la première approche avait été pour le moins houleuse : quel contraste entre cette image de protecteur qu’elle semblait désormais avoir de lui comparée à celle de prédateur qu’elle lui avait crue au premier abord ! La situation avait de quoi surprendre, et Saïl en resta en effet pantois durant quelques secondes, ne pouvant croire qu’il se voyait octroyé une telle confiance, lui qui même de sa vie humaine n’avait que rarement pu se lier assez étroitement avec quelqu’un pour pouvoir l’étreindre avec autant de tendresse. L’instant qu’il vivait était d’autant plus doux et câlin qu’il était pour le loup-garou dépourvu d’ambiguïté : point de fantasme dans son esprit, et bien qu’il eût eu durant un bon bout de temps à subir une abstinence digne d’un moine, il ne se serait jamais permis de se laisser aller à des avances aussi lestes envers celle qu’il avait adoptée comme une petite sœur, fut-ce l’espace de cette nuit seulement.

(Quel gâchis.)
Grogna la partie animale de son être à l’idée de ne pouvoir profiter de cette chair tendre et ferme qui s’offrait à ses avances.

Mais le fait était que l’humain avait un cœur d’or, et ne pouvait s’empêcher de ne nourrir que des pensées bienveillantes dénuées de toute pulsion sexuelle… ou du moins il s’en efforçait, car même lui se devait d’avouer qu’il n’était pas insensible à la beauté et à l’allant de Cyanne qui ne lui donnaient pas que des idées innocentes. Toutefois, il les chassait aussi violemment qu’un loup chasse des intrus de son territoire, les défiant de venir à nouveau empoisonner le lac paisible de ce moment si heureux qu’il connaissait pour ne se concentrer que davantage sur cette petiote qui semblait avoir bien besoin de réconfort :

« Tu l’es tout autant. » Rétorqua-il en lui tapotant affectueusement le dos, ne sachant trop que dire d’autre.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le mercredi 22 avril 2009, 23:08:05
Cyanne renifla un peu violemment, relevant les yeux vers Khral. Ses yeux ... ils étaient emprunts d'une sorte de mélancolie, de tristesse, de douceur, elle avait un regard qui trahissait sa peur de se perdre dans les flots de la vie, de se retrouver sur une trottoir, de ne plus rien gêrer , de voir tout se détruire ... elle eut un nouveau reniflemment, et passa sa main sur son visage, comme pour chasser cette humeur qu'elle n'aimait guère. Elle remua ses cheveux, les faisant onduler comme des vagues dorées ou des algues rebelles au find find de l'océan, et se recolla de nouveau contre Khral. Elle avait trouvé son refuge, sa tanière à elle, le moyen de trouver un peu de réconfort. Elle rougit à son compliment, ne sachant pas s'il disait ça par pitié ou obligation, ou s'il le pensait réellement, et replongea les yeux dans les siens, esquissant un léger sourire, réalisant qu'il l'avait tutoyée.

- Tu dis ça pour me faire plaisir, non ?

Elle eut à nouveau ce sourire innocent.

- Jamais je n'ai rencontrée une personne comme toi. Je desesperais d'en croiser un jour a vrai dire ...

Elle baisse son regard, le releva avec cet air amusé qu'on les enfants de 5 ans et lui colla un énorme baiser sur la joue, avant de retourner tout contre lui, souriante. Cette personne était vraiment une perle rare ... Tout l'or du monde ne l'egale pas, songea t'elle. Il est unique.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le vendredi 24 avril 2009, 01:51:41
Ahlala, plus il la côtoyait, plus il pouvait être certain qu’elle était irrésistiblement mignonne : tout à fait le genre de fille que l’on ne peut qu’aimer et qui saurait se faire pardonner les pires bêtises par des sourires angéliques incomparablement désarmants ; après laquelle tous les garçons pourraient courir et pourtant envers laquelle seules les âmes les plus noires pourraient nourrir des idées perverses tant il aurait semblé sacrilège d’attenter à l’intimité d’une adolescente aussi magnifiquement attendrissante. Or, d’après elle-même, cela était sans aucun doute déjà survenu pour qu’elle eût perdu son hymen, et sans toutefois qu’il se fût permis de montrer la perplexité un peu malaisée dans laquelle cette révélation l’avait plongé –autant par politesse que pour ne pas en rajouter à son chagrin apparemment déjà bien gros- ni de demander en quelles circonstances une pareille défloration s’était produite, il ne pouvait s’empêcher de laisser trotter dans son esprit l’énigme que pareil épisode représentait. A peine seize ans tout au plus, et déjà dépucelée ! Mais le scientifique ne devait pas négliger une donnée importante à laquelle il avait toujours du mal à se faire : une quinzaine s’années physiquement, mais en âge réel, qu’en était-il ? C’est que, sans connaître quoi que ce fût qui ne fût de l’ordre du folklore, Saïl supposait que ces créatures surnaturelles qu’étaient les sirènes pouvaient possiblement vivre des siècles entiers, et il n’était donc pas impossible que la fillette qui l’étreignait si gaminement le dépassât en réalité largement en années ! Pourtant, en dépit de tout cela, il la considérait toujours comme une personne ayant véritablement une bonne décennie de moins que lui, et sur laquelle il pouvait veiller du haut de l’expérience de la vie qu’il avait, autant pratique que théorique. Il écartait l’hypothèse que cela fût dû à quelque charme insidieux de la part de Cyanne qui aurait pu faire usage d’une sorte de magie pour dissiper sa méfiance, ne pouvant croire qu’elle pût être animée d’autre chose qu’une innocente envie de mordre à pleine dents dans ce gros fruit au goût si étonnant qu’était le monde.

Elle était réellement adorable, et ce au sens le plus littéral du terme dans celui où on ne pouvait certainement que l’adorer : chacune de ses réactions, chacune de ses paroles touchait un peu plus l’homme-loup au cœur d’artichaut… et l’embarrassait encore davantage d’être la cible de tant d’attentions, encore plus intimidé que s’il eût été acclamé par une assemblée toute entière. Encore, à la première réplique ponctuée de mimiques si craquantes qu’il s’en sentit déjà fort déstabilisé, il trouva suffisamment d’un reste d’assurance en lui pour répondre avec suffisamment d’aplomb pour ne pas bafouiller bêtement :

« Hé, un scientifique dit toujours la vérité ! »

Phrase pas trop mal trouvée et amenée qui lui épargna de se retrancher dans un mutisme timoré, mais elle lui porta alors un second coup en commençant par une approche consistant à lui décocher le sourire le plus chaleureux qu’un visage eût jamais pu afficher avant de poursuivre par des compliments qui laissèrent son auditeur complètement pantois, ne pouvant cette fois-ci vraiment plus trouver ces mots.
A ce stade, il convient de faire un petit aparté pour rappeler que Saïl n’avait ni frère ni sœur, grand ou petit, et bien qu’il eût grandi entouré de parents aimants, il n’avait côtoyé de manière proche que trop peu d’enfants de son âge, et encore moins qui fussent plus jeunes que lui, un laboratoire de recherches n’étant en effet que rarement le terrain de jeu préféré des garçons et filles. En ce sens, on concevra aisément que notre ami Ursoë était fort peu usager de la coutume du bisou, pour ne pas dire complètement néophyte en la matière.
L’auteur ayant terminé son laïus, il n’insistera pas davantage et se passera d’ailleurs de tout commentaire ou description annexe quant à ce que fut la réaction immédiate du loup-garou, faisant confiance au lecteur indubitablement assez dégourdi pour se douter qu’il subsista dans cet état de court-circuit quelques bonnes secondes avant que ses capacités ne lui revinssent à tâtons avec une cohérence maladroite comique à voir, les yeux grand ouverts d’incrédulité, les bras ballants de surprise et le cœur battant d’émotion.

Lorsqu’il eût remis à peu près de l’ordre dans ses idées, ce fut pour réagir avec toute la conviction de bienveillant protecteur qu’il possédait, ramenant en position fœtale contre lui la petite Cyanne qui paraissait d’autant plus enfantine lorsqu’on comparait sa stature à celle de Khral, enveloppant cet amour d’humaine entre ses grands bras, devant faire preuve d’un sens de la mesure peu évident à respecter pour ne pas la serrer de toutes ses forces. Avec cette boule de chair palpitante de vie contre son cœur, le sentiment de bien-être et de sécurité que lui procurait sa maison était tout simplement décuplé, les antiques parois de pierre se voyant doublées d’une inviolable bulle de tendre tranquillité :

« Tu n’as pas à avoir honte de toi, crois moi. Sois fière de ce que tu es car tu vaux plus que tout l’or du monde. » Lui murmura-t-il en la berçant doucement.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le vendredi 24 avril 2009, 11:36:17
La petite Cyanne eut un petit sourire et se cala tout contre le loup, fermant doucement les yeux, et doucement sombrant dans un sommeil profond. Ses yeux se fermérent, sa respiration se fit plus douce encore, plus calme, presque inexistante pour qui la prendrait pour un cadavre de jeune fille, et elle qui agrippait avec une force maladroite Khral, laissa ses muscles se calmer et devenir presques mous, fatigués. Elle eut un petit soupir avant de s'endormir entre les bras de Khral, et secoua une derniére fois ses méches pour trouver LE bon endroit où poser sa tête. Alors là ... elle resta immobile, endormie, respirant la minimum, son corps se soulevant parfois un peu violemment au rythme des cauchemars qui hantaient ses nuits, un lèger ronflemment tout mignon, presque un soupir, remplaçant sa voix.

Khral avait raison pour son âge : elle en possédait beaucoup plus que lui. Elle ignorait combien, mais elle en possédait énormément. Ses souvenirs emplirent son sommeil, elle et ses amies,   le temple de Ctulhu, les priéres mensuelles, les fêtes mensuelles, les balades dans l'eau avec les poissons, les discussion philosophiques avec les requins blancs ... Elle remua à nouveau, son visage se fronçant quelque peu. Elle se souvint de cette baleine morte, de ces requins rejettés à la mer sans leurs ailerons et des pouvoirs mis en place pour leur restituer ces ailerons en question, en sauvant 100 sur 500 seulement. Elle se rappela des destructions, des eaux devenues noires ou rouges, des pêcheurs violents ... elle remua de plus belle, tentant d'ouvrir les yeux mais ne se reveillant pas, tandis que les cris de la mer qui souffrait emplissait ses oreilles. Elle entendait les cris des requins, des baleines, des dauphins qui souffraient, de son amie tuée ...

Elle rouvrit violemment les yeux, sans un cri, restant immobile, les yeux grands ouverts, morte de peur. C'était si proche ...
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le vendredi 24 avril 2009, 19:22:36
Comme il l’avait espéré, la petite se laissa faire et se pelotonna même avec encore plus d’insistance contre cette ample poitrine bien fournie qui valait sans doute les coussins les plus confortables, agitant encore sa tête blonde de gestes mous et vagues comme une enfant se vautrant avec bonheur dans des draps soyeux pour se délecter de leur contact, promesse d’une nuit de repos réparatrice dans un nid douillet de confort et de tiédeur. Saïl pouvait décrypter dans l’activité corporelle de sa protégée tous les signes annonciateurs d’un endormissement très proche, et de fait, en quelques secondes à peine, ses yeux se fermèrent pour de bon, ses lèvres n’exhalèrent plus qu’un souffle léger et régulier, ses membres devinrent aussi inertes que ceux d’une poupée, et le seul son qu’elle en vint à émettre fut un faible zézaiement venant de l’air qui filtrait de sa bouche entrouverte. Voilà qui n’était pas étonnant avec tous les efforts qu’elle avait dû fournir pour crapahuter aussi loin dans les contrées du Chaos comme elle l’avait fait, sans compter la tension due à sa rencontre avec Khral et l’énergie qu’avait dû lui coûter son rituel aquatique.
Avec un sourire attendri, l’homme-loup contempla une minute ou deux le corps plongé profondément dans les affres du sommeil puis, ne pouvant résister à la tentation, dégagea quelques mèches du front de l’adolescente pour y déposer un délicat baiser, après quoi, avec un soupir mélancolique, il se leva plus prudemment que s’il avait tenu une cuve de nitroglycérine entre ses mains pour se diriger à pas de loup (no comment) en direction du grand tapis de fourrure sur lequel il étendit Cyanne avec mille égards pour éviter de la réveiller à peine endormie. Il retint son souffle lorsque celle-ci laissa échapper un murmure gémissant en fronçant légèrement les sourcils, comme si elle avait perçu qu’elle avait été séparée de son cocon vivant, mais souffla de soulagement lorsqu’elle se roula en fin de compte en boule, la chaleur cumulée du matelas et du feu étant apparemment suffisante pour la maintenir confortablement dans les bras de Morphée en dépit de ses effets vestimentaires bien peu adaptés au climat nocturne.

Bon, ce n’était pas tout de faire le grand cœur, mais pendant ce temps là, l’heure tournait ! Pour la partie de chasse de ce soir, c’était définitivement grillé avec l’invitée à protéger, état de faits contre lequel son estomac ne manqua pas de récriminer à grondements plaintifs, mais cela ne voulait pas dire qu’il allait passer le reste de la nuit dans l’oisiveté qui était la mère de tous les vices comme le voulait le proverbe : l’examen de la magicienne des eaux lui avait fait voir ses computations scientifiques sous un angle nouveau, et les idées se pressaient dans son esprit en une file d’attente dont il avait bien du mal à maintenir l’ordre, fébrile qu’il était à l’idée de se remettre à son étude. D’ailleurs, griffonner sur les tablettes de pierre improvisées qu’il avait l’habitude d’utiliser ne rendait pas le ravitaillement impossible, ce qu’il prouva à plusieurs reprises au cours de son travail : s’occuper à écrire ne l’empêchait pas d’être aussi aux aguets que d’habitude, et dès qu’un des rongeurs qui pullulaient dans les parages croyait pouvoir se faufiler, faisant fi de l’odeur de carnivore qui imprégnait les environs, une des pattes de Khral jaillissait comme un implacable harpon, s’accompagnant d’un couinement paniqué qui prenait très vite fin dans des bruits de mastication mêlés du craquement de petits os, le destin de l’intrus se voyant s’achever entre les mâchoires du loup-garou.
Et pendant un temps qu’il ne prit pas vraiment la peine d’estimer, il traça, grava, biffa, rectifia, corrigea, annota, etc, recouvrant son ardoise de fortune avec moult marmonnements jubilatoires qui montraient la passion qu’il avait pour un tel exercice ainsi que les espoirs qu’il espérait concrétiser en traçant le chemin d’une liste d’ingrédients pour confectionner un antidote au Terranis selon la formule que Cyanne avait mentionnée en second. Bien sûr, comme elle l’avait fait remarquer, celle-ci brillait par sa simplicité et non par son efficacité : Saïl admettait que l’on pouvait douter qu’elle fût capable d’avoir suffisamment d’impact sur son organisme pour inverser la transformation, et qu’il n’était pas impossible que le résultat fût peu probant, voire désastreux, mais il ne fallait négliger aucune piste, d’autant plus que celle-ci avait le mérite non moindre de pouvoir être relativement facilement applicable : l’homme-loup s’était constitué au fil des mois une connaissance plutôt solide du terrain, et avait bon espoir d’être capable de réunir les composants nécessaires à l’Humanis Simplex comme il avait baptisé ce projet en allant glaner des ingrédients ici et là. Il allait de soi qu'une telle récolte ne serait pas une promenade de santé, et requerrait vraisemblablement des semaines de recherche puis de manipulations et de tests, mais Rome ne s’est pas faite en un jour, et une telle élaboration prendrait le temps qu’il faudrait : à force de patience, d’essais et d’expérimentations, et à condition de mener le tout avec intelligence et prudence, l’heure de la solution finirait par venir !

Ce fut alors qu’il prononçait mentalement cette certitude farouche que son ouïe affûtée le prévint qu’il y avait du remue-ménage dans sa chaumière et, délaissant sa tâche sur un ultime point, il se précipita aux côtés de celle qui était comme sa pupille, rocher sous le bras. La voir gigoter avec de pénibles geignements lui donna l’impulsion de tout de suite se ruer sur elle pour la réveiller et la sortir de cette manière en vitesse du cauchemar dans lequel elle était de toute évidence plongée, mais il se ravisa heureusement et choisit plutôt de se poster à ses côtés en attendant une accalmie de ses tourments oniriques pour intervenir, se souvenant qu’interrompre brutalement une telle expérience pouvait s’avérer traumatique pour la personne.
Le cœur battant, accroupi, se mordant la lèvre de dépit, il observait la scène en rageant de ne pouvoir rien faire, ses doigts griffus triturant nerveusement sa plaque de pierre. Quand enfin elle émergea soudainement, elle se dressa sur son séant comme si elle avait été brutalement expulsée de son monde fantasmagorique pour celui de la réalité sans être capable de reconnaître ce dernier. Saïl connaissait ces symptômes, et savait que dans de tels cas, il fallait fournir à la victime un point d’appui pour qu’elle s’ancrât dans le réel… pas trop hâtivement, mais suffisamment fermement. Dans ce but, il prit la menotte crispée de Cyanne dans sa patte massive comme pour la tirer hors de ses troubles, et prononça de cette voix si ferme et sonore qu’il savait utiliser lorsqu’il était besoin de s’imposer lors d’un discours :

« Cyanne. »
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le vendredi 24 avril 2009, 19:52:12
http://www.youtube.com/watch?v=TdOYXlcKjGY&feature=related
musique d'ambiance ;D

Cyanne eut un cri quand il saisit sa main, ne le reconnaissant pas pendant un moment, le fixant ebahie, ses yeux grands ouverts en sa direction. Elle deglutit difficilement, sans le quitter des yeux, et passa sa main sur sa nuque. Elle eut un sursaut, et reconnut quelque chose de familier au sommet de son dos. Elle avait les mains moites comme jamais, trempées comme si elle venait de les tremper dans de l'eau, et eut un sourire eclatant et étonné un instant. Elle fixa Khral, les yeux grands ouverts, toute joyeuse, sans pour autant pouvoir ajouter un seul mot, ceux-ci se cognant dans sa gorge sans pouvoir sortir. Elle attrapa la main de Khral, la serrant comme jamais, et tout à coup ... tout changea.

Ses jambes s'illuminérent violemment, eblouissantes. Elle eut un rire enfantin, sans pour autant le lâcher, et ferma les yeux, son sourire toujours plaqué au visage. Elle sentait des picotements dans tout son corps, comme des brûlures, et ouvrit les yeux à nouveau. Ses vêtement disparurent petit à petit, une partie de son buste et ses jambes se recouvrérent d'ecailles lentement, tout d'abord comme si de petites étoiles tombaient sur elle, pour laisser apparaitre son corps " normal " ( selon elle ) . Au bout de sa queue de poisson apparut une nageoire argentée. Elle passa sa main libre sur ses jambes, le sourire aux lévres.


- Khral ... begaya t'elle.

Elle agita sa queue de poisson sur le sol, toute souriante.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le dimanche 26 avril 2009, 18:44:09
Si tu le prends comme ça (http://www.sendspace.com/file/mj12ul)…

Elle paniquait : de toute évidence, ses cauchemars l’avaient sévèrement atteinte, si bien qu’elle passait maintenant par cette phase bien connue durant laquelle la personne ne sait pendant un instant plus différencier la réalité du rêve. A ajouter à cela qu’elle n’avait rencontré Saïl que depuis peu, sa mémoire à court terme n’ayant par conséquent eu que trop peu de temps pour faire passer les informations sur l’homme-loup dans sa mémoire à long terme et ainsi le reconnaître comme un être familier et non un parfait inconnu. Malgré cela, Khral n’en maintint pas moins sa prise sur la petite menotte, non sans remarquer désormais un détail fort troublant : Cyanne était couverte de quelque chose de liquide qui lui couvrait apparemment l’intégralité du corps, collant ses vêtements à sa peau et humidifiant la paume de son protecteur, et que celui-ci ne pouvait attribuer à des sudations, l’odeur ne laissant en réalité que peu de doute sur l’origine d’une telle substance.

(Soluté aqueux mêlant comme composants principaux du H2O et du NaCl : de l’eau de mer !) Diagnostiqua en un clin d’œil son flair habitué à identifier pour ainsi dire tout composé connu d’un esprit humain et même plus.

Ce constat soudain impossible mais bien réel le laissa pantois, émerveillé devant ce qu’il concevait à bon droit être un miracle, et tel était manifestement aussi le cas de l’adolescente, qui n’avait plus l’air de savoir où elle en était, tâtant son corps comme si elle doutait qu’il fût encore le sien. Suivant du regard la main qu’elle portait à sa nuque, le cœur de Saïl fit un bond dans sa poitrine lorsqu’il aperçut à la faveur d’un pétillement des flammes devenues vacillantes l’éclat d’une pierre précieuse qu’il ne tarda pas à lier à ce que sa propriétaire retrouvée lui avait raconté à ce sujet. C’était véritablement un miracle, et à l’instar de la miraculée, le visage du loup-garou se fendit d’un grand sourire d’exultation enthousiaste légèrement incrédule, ne se souciant désormais plus de l’apparence que pouvait lui donner cette expression faciale qu’il redoutait pourtant tant : la magie saturait l’air ; quelque chose d’hors du commun allait se produire, et la seule chose qu’il espérait était que cela ne serait pas trop douloureux pour l’ex-sirène qui risquait bien de ne plus être si « ex » que ça si leurs espoirs à tous les deux ne se voyaient pas trompés. En tout cas, il l’accompagnerait dans ce changement, et il raffermit cette résolution en repositionnant sa patte de manière à ce que Cyanne pût s’en saisir sans s’écarteler les doigts, ne bronchant nullement lorsque, à sa grande surprise, il sentit une légère douleur lui parcourir le bras… non, en fait il ne s’agissait pas tant d’une douleur à proprement parler que d’une sensation de voir son énergie être consommée, comme de la cire alimentant une flamme. Il ne savait pas si cela était dû à son imagination qui, cumulée à la fatigue qu’avaient induite les extraordinaires évènements récents et présents, faisait s’abattre tout à coup tout le poids de telles péripéties sur lui ou si c’était réellement le contact de la jeune fille qui drainait ses forces, mais toujours était-il qu’il campa sur ses positions, décidé à ne pas quitter son chevet, ses prunelles rivées dans les siennes en signe de soutien.

Quoi qu’il en fût, ce qui se tramait chez elle ne tarda pas à éclater sous forme d’un liseré d’une puissante lumière nacrée qui entoura la partie inférieure du corps de la demoiselle comme un cocon d’énergie pure. Surpassant le son légèrement stridulent qui accompagnait pareille manifestation, l’éclat de rire cristallin de la fillette résonnait comme l’écho de quelque splendide nymphe sur les parois de la caverne, se répercutant sur les parois gravées de symboles qui en avaient presque l’air de s’illuminer également tels des glyphes mystiques alors que ce qui ne pouvait être qu’une métamorphose se produisait sous les yeux de Saïl, aussi extatique que sa chère amie en dépit de l’impression d’absorption qui ne faisait qu’aller croissant, semblant puiser sans mesure apparente dans les considérables forces de l’homme-loup.
Pour autant, il n’en prêtait pas moins une attention presque vorace à la transformation qui s’opérait sous ses yeux, et qui commença par la disparition pure et simple des effets vestimentaires de Cyanne, comme sous l’effet d’un fuseau invisible qui aurait effiloché à grande vitesse les étoffes qui couvraient son corps, attentat à la pudeur dont l’importance se voyait fortement minimisée par le caractère féerique de la situation : en une inqualifiable sublimation de l’être, elle reprenait la forme qu’elle avait jadis revêtue et qu’elle n’avait perdue que pour la regagner en ce moment même alors qu’une mystérieuse puissance divine la parait de ses plus beaux atours, remplaçant progressivement les jambes humaines par une prolongation délicatement écailleuse de son bassin qui allait en s’effilant. Résultat de cette alchimie qui dépassait les bornes du physiquement possible, une magnifique queue de poisson qui donnait tout son sens au conte d’Andersen, ou plutôt qui faisait croire qu’il avait été écrit en ayant en tête cette image précise d’exquise créature aquatique.

Doucement, comme un grondement d’orchestre s’achevant progressivement pour laisser les spectateurs ébouriffés et sans voix, l’intensité lumineuse baissa pour donner un caractère plus posé à la scène qui en conservait toutefois tout l’enchantement. La voix hésitante de Cyanne, ponctuée d’un hoquet latent de bonheur, se fit alors entendre, Saïl l’observant avec toujours autant d’attention. Ce dernier, en bon praticien, avait gardé une expression placide qui n’empêchait pas le grand sourire qu’il offrait de s’afficher dans tout ce qu’il avait de chaleureux : on aurait dit un médecin constatant avec une grande joie le redressement spectaculaire d’un patient. Il cligna lentement des paupières en une sorte de conclusion posée de ce qu’il venait de voir, conservant un air bienveillant et éveillé en dépit de la fatigue qu’il sentait poindre en lui :

« Je t’avais dit de ne pas perdre espoir. » Diagnostiqua-t-il.

Puis il ne se contint plus, et au lieu de s’en tenir à agripper sa main, il porta ses paluches à son buste pour soulever la radieuse sirène dans les airs, se levant d’un bond alerte pour la promener en un joyeux ballet tournoyant qui les porta à l’extérieur de la grotte où Khral brandit sa protégée à bout de bras comme pour mieux l’observer sous la lumière lunaire, s’exclamant triomphalement :

« Je te l’avais dit ! »
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le lundi 27 avril 2009, 18:16:43
Cyanne fut un peu surprise de se retrouver ainsi, secouée dans les airs. La transformation avait rendue sa queue de poisson sensible, et le moindre choc était douloureux. Elle avait l'impression de se réveiller avec une longue année de convalescence, les muscles endoloris, la peau sensible comme couverte de bleus, les yeux qui lui piquaient et la bouche séche comme du papier buvard. Elle sentait son coeur battre dans sa poitrine, comme s'il allait sauter hors de sa cage thoracique et de son buste. Elle eut un petit sourire un peu forcé, ne voulant pas mettre Khral mal à l'aise, et lui hurler " Tu me fais mal !! ". Elle se contenta de savourer l'instant, elle même n'en revenait pas. Sa pierre lui brûlait la nuque, comme un feu allumé dans ses cheveux. Si on avait pu s'attarder sur ses yeux, on aurait remarqué qu'il bougeaient, que l'ocean se reflétait dans son iris qui avait grandis, et sa pupille devenant plus petite.

- Khral ... Peux-tu ... me reposer par terre, s'il te plait ?

Il la posa sur le sol ( je prends des initiatives, je pense que de toute façon tu m'aurais posée sur le sol ), et elle admira encore son nouveau corps. Sa main passa sur sa nuque, et une inondation de bonheur passa en elle. Dieu qu'elle était heureuse ... elle passa sa main le long de ses " jambes " , et sentit la queue fremir sous son contact. Elle plia les genoux et une douleur affreuse la traversa tandis qu'elle sentait et entendait craquer ses nouvelles arêtes. Elle eut une grimace de douleur, et reposa sa main sur sa pierre. La queue de poisson s'evapora, lui rendant la tenue que recupere chaque siréne en quittant sa queue de poisson : une toge blanche, fine et légére, au contact doux. Elle releva les yeux vers Khral.

- Si je peux ... tu peux, dit elle en fremissant. Il suffit que ... tu y crois. Je ne sais pas comment j'ai fait, c'est ... inexplicable !

Elle eut un grand sourire et passa sa main dans ses longs cheveux. Elle voulut se redresser sur ses pattes, mais tomba en arriére. Tout revenait, comme au début. Elle ne pouvait plus marcher ... ça viendra, songea t'elle en souriant, positive. Elle tendit sa main a l'être devant elle, un grand sourire sur les lèvres, une ecaille qu'elle s'etait arrachée dans la paume de cette main, comme un cadeau, un tresor.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le lundi 27 avril 2009, 19:35:55
A voir le sourire crispé qu’elle afficha, Saïl se douta que quelque chose clochait, que la transformation ne s’était pas faite aussi idylliquement sans douleur qu’il l’aurait pu croire, doutes raffermis par le teint que sa peau avait pris : celui-ci, auparavant d’un beau rose velouté, était devenu rouge vif, comme victime de fort douloureuses irritations qui auraient mis à mal chacune des parcelles de son corps. Si émerveillé qu’il fût de la métamorphose qui s’était produite sous ses yeux, Cyanne paraissant maintenant tout bonnement une personne toute autre, il n’en était pas pour autant sourd à ses protestations, et ce fut avec un sentiment de déconfiture qu’il la déposa précipitamment avec tous les égards dont il était capable, se gourmandant amèrement pour s’être montré si brutal, balbutiant maladroitement une chaîne d’excuses diverses et variées. S’écartant ensuite respectueusement de la créature sacrée qu’il avait osé balader aussi étourdiment, il la laissa constater les résultats obtenus sans piper mot de son côté, les mains croisées au niveau de son bas-ventre en l’absence de quelque chose d’utile à faire. En tout cas, elle semblait se délecter de son retour aux sources en dépit de l’expression de souffrance semblable à celle d’une femme en labeur qui s’afficha sur son visage lorsqu’elle tenta d’agiter sa queue.
L’homme-loup eut un hoquet de surprise lorsqu’il vit cet appendice caudal marin disparaître comme par magie (quel mot aurait pu davantage convenir que celui-ci pour cet être fée ?) pour être remplacé par un bas de corps tout ce qu’il y avait de plus humain. Une fraction de seconde, il amorça un mouvement d’une de ses pattes pour la porter à ses yeux et ainsi cacher la vision fort peu convenable qui aurait pu s’offrir à lui, mais poussa un soupir intérieur de soulagement en voyant qu’une toge d’une élogieuse blancheur était aussitôt apparue pour cacher les formes exquises de la désormais sirène. Vêtue ainsi, elle avait quelque chose d’une vestale, ces prêtresses dont la beauté n’égalait que la pureté, cette comparaison étant renforcée par la virginité que Cyanne avait de toute évidence retrouvée pour que le port de cette pierre fichée sur sa nuque lui fû à nouveau accordé. Bien entendu, tout cela défiait encore une fois les lois de la physique, mais quelle importance ? Saïl ne s’étonnait maintenant plus de rien, et sans qu’il fût pour autant blasé, s’émerveillant toujours autant de ce qu’il découvrait, il était capable de prendre davantage de recul par rapport aux évènements extraordinaires dont il pouvait être témoin.

La voix de la jeune fille, porteuse d’un message d’espoir, le rappela à la réalité. Malheureusement, si enthousiaste qu’elle fût, elle ne pouvait avoir raison : de la même manière que la science n’aurait apparemment rien pu faire pour elle, rappeler à lui ses origines humaines par des efforts mentaux, si forts pussent-ils être, n’aurait eu d’autre effet que de lui donner la nostalgie des jours passés.

« J’ai bien peur que non. » Répondit-il d’une voix aussi neutre que possible en secouant catégoriquement la tête. « Un produit chimique m’a mis dans cet état, et seul un antidote lui aussi chimique pourra m’en sortir. »

Ce n’était peut-être pas tout à fait vrai, mais il n’en démordrait pas, car il y avait une autre raison qui le poussait à vouloir explorer cette voie-ci et pas une autre : son orgueil toujours aussi prononcé quelles que fussent les circonstances le poussait à vouloir résoudre ses problèmes par lui-même, sans qu’il fût besoin de demander l’aumône à quelque puissance supérieure. Il n’était pas n’importe quel petit grouillot de laboratoire, mais un génie, et il montrerait au monde entier ce dont il était capable, nom de Lavoisier ! Pour autant, ça ne l’empêcha pas d’apprécier l’attention de Cyanne à sa juste valeur, et de recevoir ses encouragements avec un grand sourire qui se mêla d’attendrissement lorsqu’il vit les efforts infructueux de sa protégée pour se mettre debout, pareils à ceux d’un tout jeune faon ne tenant encore que maladroitement sur ses jambes, mais ne désespérant pas pour autant d’être bien vite capable de se mouvoir à son gré comme le montrait le sourire radieux de la demoiselle aux cheveux d’or.
A propos d’or, le regard de Khral fut attiré par un scintillement venant de la main tendue de l’adolescente, brillance qui venait d’une écaille encore luisante dont elle lui faisait manifestement don. Quel cadeau ! C’était le deuxième, et bien que le premier fût d’une valeur gastronomique autant que sentimentale inestimable pour Saïl, le second représentait indubitablement quelque chose qui n’avait pas de prix : il était conscient que beaucoup auraient été prêts à se battre pour pouvoir mettre la main sur une écaille de sirène, mais lui se moquait de sa valeur monétaire car il s’agissait d’une parcelle de son être dont il prendrait le plus grand soin du monde.

« J’y ferai attention comme à la prunelle de mes yeux. » Promit-il avec solennité d’une voix émue tout en se saisissant précautionneusement du précieux souvenir qu’elle lui concédait.

Et maintenant que l’exaltation des premiers moments était un peu retombée, la félicité d’un pareil miracle restant cependant d’une même intensité, que convenait-il de faire hormis de rester dehors à contempler Cyanne ? Non pas que l’activité fût déplaisante en soi, mais il devait bien être possible de trouver quelque chose de plus constructif : il pensa un moment à ce qu’ils rentrassent tous deux pour éviter qu’elle ne prît froid dans un air aussi humide, mais il se ravisa et se dit qu’il y avait quelque chose qu’elle devait désirer plus ardemment depuis un bon moment.

« Dis Cyanne, tu voudrais aller à la mer ? » Proposa-t-il, un demi-sourire engageant sur les lèvres.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le mardi 28 avril 2009, 15:04:33
Cyanne cligna des yeux brusquement, passant sa main sur sa toge pour la repasser " avec les moyens du bord ". Elle stoppa toute activité, restant stoïque et immobile, comme si on venait de lui pointer une arme sur sa tempe. Elle eut une grande inspiration violente, comme prise d'une reflexion intense. La mer ... on venait de lui proposer une petite ballade à la mer. Revoir la mer, sentir le sable, caresser les poissons et jouer avec les algues, avancer toujours plus loin , "et celle qui gagnera la course aura le droit de venir manger chez moi ce soir !! ". Elle eut un petit sourire en repensant à ses chéres amies, qui ne cessaient d'être avec elle, et de ces courses qu'elles organisaient où jamais elle ne gagnait, mais où toujours elle avait le droit de venir manger chez son amie. Elle se frictionna quelque peu les bras, se relevant maladroitement, s'agrippant à Khral. Elle posa son regard dans le sien.
- Ne vas pas te fatiguer. Je peux y aller moi même, dit elle simplement.

Elle fit claquer ses doigts, une autre ecaille apparut entre ses doigt. Elle la cala au fond de sa paume, au chaud, et se retourna vers Khral.

- Fais de même, et concentre toi trés fort sur moi, d'accord ? Il ne faut pas que tu te perdes. Tu fermes les yeux, et tu penses trés fort à moi.

Elle ferma ses yeux, un air paisible sur le visage, murmurant quelques paroles dans sa langue, et l'écaille se mit à briller. Elle inspira violemment, se concentrant. La falaise ... la grotte ... le recif ... le rocher ... l'île ... elle releva un peu le visage, les yeux toujours clos. Il ne fallait pas qu'elle se trompe. Elle faisait souvent ça pour rejoindre ses amies : on arrache une écaille et HOP, on les rejoint. Cela demandait beaucoup de concentration, notamment pour elle. Il fallait qu'elle l'emmene, le depose dans un lieu dont elle ne souvenait trés bien. Elle hocha la tête, la repoussa en arriére violemment, et sentit l'ecaille chauffer. Et tout se passa trés vite ... Elle eut la sensation que sa tête lui tourner, puis qu'un de ses ganglions allait exploser pour sortir de sa gorge, comme si son coeur battait dans sa gorge. Ses cheveux battaient dans tout les sens, sa toge se relevée légérement, et elle tomba lourdement sur le sol. Elle passa sa main par terre, et ouvrit les yeux.

- On y est ! On y est !

Elle se releva, ferma les yeux et songea trés fort a son ami, lui envoyant par télépathie ( yeaah ! telepathie power !! ) un message pour qu'il lui suive et fasse comme elle. Elle tourna sur elle même, contemplant les lieux : elle y était ... la plage, la grotte, la falaise, et l'île au loin. Son peuple ne devait pas être loin ...
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le mardi 28 avril 2009, 17:46:42
De toute évidence, la proposition était très tentante pour la jeune (?) sirène si l’on se fiait au sourire rêveur qu’elle arborait, les yeux perdus dans le vague, sa vision ayant certainement plongé par la fenêtre de sa mémoire dans de lointains souvenirs heureux de l’époque où elle avait fait partie intégrante de ce peuple des eaux étonnant et inconnu. Pour que des remembrances du passé fussent si poignantes pour elle, passer du temps en tant que simple humaine avait dû être quelque chose d’éprouvant, encore plus que de se retrouver métamorphosé en homme-loup pour Saïl, car si ce dernier avait gagné en force, en vigueur et en perceptivité en se voyant doté d’attributs animaux, elle devait avoir perdu toute une part d’elle-même. Bien sûr, il n’aurait rien voulu davantage que de permettre à Cyanne de retrouver les contrées de son enfance, et ferait tout ce qui était en son pouvoir pour se permettre, mais il redoutait d’un autre côté que la déconfiture fût au rendez-vous pour elle : et si jamais elle venait à être considérée comme une paria parmi les siens pour s’être détournée des voies de son peuple ? Et si, pire, rien ne venait à être comme elle l’avait connu, son pays natal ne consistant plus qu’en des ruines de la civilisation jadis prospère et majestueuse de laquelle elle aurait fait partie ? Mieux valait ne pas s’échafauder de pareils scénarios-catastrophes, et plutôt attendre de voir quelle serait la décision de l’intéressée et ce qu’il en ressortirait… et à ce propos, si la teneur de sa réponse fut celle à laquelle il s’attendait, il eut de quoi écarquiller les yeux lorsqu’elle répondit catégoriquement pouvoir se débrouiller par elle-même pour faire le trajet : la mer la plus proche était à des kilomètres et des kilomètres, comment pouvait-elle espérer s’y rendre sans que cela prît un temps si considérable que la route s’en voyait littéralement rendue virtuellement impossible ?!
En dépit de son scepticisme, le diligent Khral n’en aida pas moins le plus obligeamment du monde sa protégée à se relever, s’apprêtant tout de même à lui faire la remarque de ses estimations logistiques. Toutefois, ses yeux qui avaient depuis sa transformation quitté leur teinte café crème pour prendre celle d’un bleu océan d’une troublante profondeur luisaient d’un pétillement d’astuce qui portait à croire qu’elle avait une idée derrière la tête, mais laquelle alors ? La réponse à cette interrogation incrédule ne tarda pas à venir sous la forme d’un claquement de doigts sonore suivi d’une courte étincelle de lumière qui laissa apparaître la sœur jumelle de ce que le loup-garou tenait toujours précautionneusement dans sa main. A être spectateur de pareille prestidigitation, il se douta qu’il était loin d’avoir fini de voir de la magie, et il s’avéra très vite qu’il ne se trompa pas lorsque, après des recommandations dignes d’une apprentie hôtesse de la mer que la sirène était de bien des façons, elle commença à entrer dans une sorte de transe, yeux fermés, psalmodiant des paroles de quelque idiome inconnu tandis que l’écaille se mettait à scintiller d’une brillance tout simplement surnaturelle.

(Ca va secouer !)

Pressentant à bon droit qu’un considérable remue-ménage était imminent, le loup-garou se précipita d’un bond vers sa « porte » qu’il referma avec un grognement d’effort, calant hâtivement l’énorme rocher contre l’ouverture de sa maison afin qu’aucun intrus ne pût en franchir le seuil durant l’absence qu’il prévoyait. Ensuite, ne sachant trop que faire d’autre, il revint en vitesse aux côtés de Cyanne pour se saisir de sa main libre qu’il serra étroitement comme un point d’amarrage vital tout en se concentrant autant qu’il lui était possible sur ce petit morceau de queue dans son poing : fermant les yeux, il se représenta ce qu’il enserrait comme étant le portail vers un monde qui, bien qu’inconnu, ne demandait qu’à le recevoir. Évidemment, à part ça, il nageait complètement dans le brouillard, et devait laisser à contrecœur la partie la plus importante du travail à la magicienne dont il ne pouvait comprendre l’incantation bien qu’il devinât que celle-ci allait s’intensifiant d’après les mouvements de plus en plus agités qu’il percevait. De son côté, il sentit une chaleur étrange, comme celle ressentie en se plongeant dans une eau bouillonnante, sourdre dans sa paume pour envahir son bras puis l’entièreté de son corps tel un courant qui le liquéfierait petit à petit. Il avait l’impression d’être un cosmonaute en attente de la dépressurisation d’un sas, et cette sensation se fit d’une netteté redoublée lorsque son souffle fut soudain coupé et que ses membres lui parurent ballotter dans un indicible vide, comme catapulté vers des horizons inconnus dont il ne pouvait rien discerner à cause de ses paupières closes : la tentation était grande de laisser son regard embrasser ce au sein de quoi il pouvait bien filer en ce moment même, ne fut-ce que pour se rassurer et pouvoir se dire qu’il n’était pas en train de faire un aller simple pour l’au-delà, mais, conservant bien en tête les impératifs dictés par celle qui était à l’origine même de ce sortilège, il se gardait d’un pareil manquement avec la plus grande résolution, car la magie lui était en cette occasion plus que jamais un domaine où il était néophyte, et comme le voulaient les règles les plus basiques de sécurité, il ne fallait pas se laisser aller à contrevenir aux instructions de personnes plus chevronnées dans le domaine où vous évoluiez.
En revanche, si l’humain faisait de son mieux pour garder la tête froide, mordant sur sa chique pour ne pas céder à la terreur en attendant que cette espèce d’éjection voulût bien prendre fin, le loup était de son côté complètement paniqué, et bien qu’il se retînt de pousser des jappements d’effroi (c’est qu’il avait sa fierté tout de même !), il ne put empêcher des geignements couinants de monter de sa gorge.

Mais comme toute chose au monde, le voyage finit heureusement par toucher à son terme, en une sorte d’atterrissage forcé qui fit retomber Khral cul par-dessus tête sur une surface poussiéreuse familière où il boula quelques secondes avant de se reprendre et de se dresser par réflexe sur ses pattes, chancelant, et de prendre une inspiration à faire éclater ses poumons tout en ouvrant grand les yeux. Aussitôt, ses sens furent littéralement saturés par la cascade de nouveaux éléments qu’il avait à constater : du sable, du sel, de l’iode… une plage, une mer, une île… et juste devant lui, Cyanne qui exultait, poussant de grands cris de joie d’avoir manifestement réussi ce que Saïl ne pouvait désormais appeler d’un autre nom que téléportation.
C’était tout bonnement incroyable, et il dut se mordre la lèvre avant de pouvoir se dire que tout cela n’était pas un rêve, qu’il avait véritablement fait une espèce de saut dans l’espace-temps avec l’aide d’une magie sirénienne qui l’avait propulsé à au moins des dizaines de kilomètres de l’endroit où il se trouvait auparavant. Mais d’ailleurs, où étaient-ils ? Le paysage qui s’offrait aux yeux de l’homme-loup lui était complètement inconnu, et il se sentait encore plus étranger qu’il ne se l’était jamais senti depuis son arrivée sur Terra : instinctivement, il se ramassa sur lui-même, les nerfs à vif, parcourant les alentours du regard par crainte d’éventuelles menaces, croisant et décroisant les mains en un geste nerveux qui lui était propre lorsqu’il sentait qu’il perdait prise sur ce qui lui arrivait.

« Mais où ? » Parvint-il à articuler, autant pour lui-même qu’en réponse aux jubilations de la sirène qui semblait de son côté avoir tout parfaitement sous contrôle.
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Cyanne le mardi 28 avril 2009, 18:56:49
http://www.youtube.com/watch?v=idd_92ajjwY

Cyanne se retourna vers Khral, le visage rayonnant. Jamais les yeux de la petite n'avait autant refleté l'ocean... On les auraient jurés habités. La pierre dans son cou brillait de mille feux, eclatante, comme un petit soleil. Elle eut un long soupir de plaisir, et se rapprocha vers Khral. Elle était dans un état d'excitation et de bonheur intense ... et ça se remarquait. Ses yeux n'avaient plus de globe ni de pupille : il ne restait plus que cette iris bleu. Ces yeux étaient devenus des petits aquariums, dans lequel nageait des populations de poissons, cétacés, requins. Elle s'etira un peu, rejetant ses épaules en arriére, et tendit une autre écaille à Khral, un sourire sur les lèvres.

- Pour toi ... que tu puisses-tu retourner chez toi, tu sais comment faire à présent. Pense trés fort à ton "chez-toi" et tes pieds fouleront immediatement ton sol.

Elle passa sa main sur une de celles de Khral, la serrant violemment. Elle inpira violemment, les paupiéres battantes, le coeur battant. Elle avait en elle une emotion violente, comme si elle pouvait enfin vivre, retourner avec les siens, heureuse à jamais, comme promis. Elle poussa un long soupir, à nouveau, se plaçant prés de Khral. Elle le fixait, presque neutre, partagée entre tristesse et joie. Elle passa sa main au dessus des épaules de Khral, regardant la mer sans rien dire et rien faire de plus que respirer. Elle reconnaissait cette plage, ce lieu, là où elle venait avec sa famille et ses amis, là où les requins nageaient tranquillement, là où elle avait vécue. Tout se mélangea en un instant : elle s'avança doucement vers la mer, prenant le temps de la respirer, d'admirer les vaguelettes, et siffla doucement. Aussitôt, d'autres sifflements jaillirent de l'eau, stridents et doux à la fois, répondant à ses appels. Elle se retourna vers lui, les larmes aux yeux. Larmes de joies, de tristesse ? Impossible de savoir. Elle passa sa main dans ses longs cheveux, sifflant une derniére fois, defit sa toge et plongea dans l'eau.

Il fallut attendre 1 minute avant qu'elle ne revienne à la surface. Elle eut un mouvement de tête gracieux afin de rejetter ses cheveux en arriére, et s'adressa à Khral dans un langage inconnu, puis se reprit en toussotant.


- Je ... te remercie, Khral. Je serais toujours là, pour toi ...

Elle eut un agréable sourire rempli d'attention et de remerciements, passa ses mains sur ses joues pour effacer ses larmes, et plongea dans l'eau, pour ne plus en ressortir.

( je tient a ce que tu repondes  ;D )
Titre: Re : Les landes (PV)
Posté par: Saïl Ursoë le vendredi 01 mai 2009, 04:21:51
Musique (http://www.youtube.com/watch?v=HzaOyx4YDTU)

Que se passait-il ? Que faisaient-ils ici ? A quoi rimait tout ce remue-ménage ? Par quel effet le sortilège qui avait été utilisé les avait-il amenés jusqu’à cette plage ? Cyanne savait-elle seulement ce qu’elle faisait ?
Ces questions restèrent à dessein irrésolues, excepté pour la dernière, dont la réponse était bien évidemment oui : rien que de voir le regard flamboyant de certitude et de détermination de sa protégée repoussait ses doutes sans qu’ils pussent opposer aucune résistance à une pareille volonté. En réalité, Saïl n’avait plus son mot à dire dans l’affaire, car ils se trouvaient désormais sur le terrain d’un domaine complètement sirénien, sur lequel il n’avait aucune maîtrise, aussi le mieux qu’il pouvait certainement faire était de garder les yeux grand ouverts et de se tenir prêt à tout ce qui pourrait arriver pour se cantonner au rôle de spectateur privilégié qu’il semblait devoir revêtir pour l’occasion. Comment aurait-il pu prétendre pouvoir mettre le holà à ce qui advenait lorsque cela impliquait qu’il s’opposât à cette merveilleuse sirène plus sirène que jamais, dont les yeux avaient tellement l’intensité pure et insondable de la mer que c’en était presque effrayant, et à tout moins saisissant ? Il aurait bien voulu savoir sous quel enchantement il avait l’impression d’une netteté absolue de sonder les tréfonds de l’océan d’un simple coup d’œil dans ceux de la splendide créature qui se trouvait en face de lui, parangon des immensités marines qui resplendissait des forces immortelles et invincibles de son lieu de vie natal, mais il sentait sans aucun doute possible que c’était un de ces mystères sacrés auquel il ne fallait pas chercher d’explication et qu’il valait mieux embrasser dans toute sa magnificence : oui, pour l’une des rares fois dans sa vie, il laisserait la partie scientifique de son être de côté pour goûter pleinement ce moment unique.
Cela dit, il n’était pas aussi à l’aise qu’il l’aurait voulu ; non pas à cause de son absence de contrôle sur les évènements, mais parce que ceux-ci avaient un caractère définitif indubitable : si heureuse que Cyanne parût, il y avait quelque chose qui était de l’ordre d’un adieu dans ses gestes, et auquel il ne parvenait pas à croire. Si peu de temps après qu’ils se fussent rencontrés, eussent fait connaissance, eussent tissé des liens, il fallait déjà qu’ils se séparassent ? Cette simple idée faisait naître une désagréable boule dans sa gorge, et pourtant, il savait qu’il aurait été aussi futile de la repousser que de vouloir empêcher le flux et le reflux : de fait, elle lui fit à nouveau cadeau d’une écaille pour son retour, son retour mais pas le sien à elle, signe que c’étaient là que leurs chemins divergeaient.

Sentir sa main délicate sur sa grande paluche, sans doute pour la dernière fois, lui déchira son cœur d’artichaut, mais il se laissa faire sans opposer de résistance et sans même lui rendre un geste pourtant si tendre, d’une part parce qu’il était trop tétanisé par ce qu’il éprouvait pour pouvoir faire autre chose que sentir et constater, et d’autre part parce qu’il se disait que s’il se mettait à serrer lui aussi, il ne pourrait se contrôler et la broierait aussi férocement et maladroitement que ce grand dadais de Lenny des Souris et des Hommes. Pourquoi fallait-il qu’elle le regardât avec ces yeux si irrésistibles ? Pourquoi fallait-il qu’elle l’observât comme si elle attendait quelque chose de sa part ? Il aurait voulu pouvoir faire quoi que ce fût, par exemple lui parler, mais dès qu’il essayait de prononcer une syllabe, les mots se bousculaient dans sa gorge nouée dont il ne parvenait à sortir qu’une plainte muette venue tout droit de sa poitrine qui se gonflait sporadiquement sous le coup des émotions, aussi il conservait son mutisme pour mieux contenir les larmes qui lui montaient aux yeux.
Toucher d’une douceur insupportable que celui de sa peau douce sur son poil épais qui ne faisait rien pour atténuer les frissons qu’il ressentait à se dire qu’il pourrait faire une croix sur de tels contacts avec le départ de cette petite fée des eaux. « Ne pars pas ! », « Ne me laisse pas ! », « Reste avec moi ! », voici les suppliques qui lui brûlaient les lèvres, mais l’altruisme dont il était imprégné repoussait à contrecœur pareils désirs : vouloir la garder avec lui aurait été comme mettre un oiseau en cage et le priver de la voie des airs, ou plutôt comme mettre un poisson dans un aquarium et le condamner à dépérir dans cet ersatz d’habitat aquatique.

Faisant de son mieux pour penser à autre chose, il observait la plage environnante, mais si pittoresque qu’elle fût à regarder, Saïl n’y voyait que le lieu d’adieu de sa chère Cyanne là où il aurait auparavant contemplé avec émerveillement le résultat de forces de la nature ainsi que tout un écosystème d’un admirable équilibre. Lorsqu’elle se détacha de lui, il eut un geste soudain et instinctif pour la retenir, voulant projeter son grand bras pour l’enlacer et la serrer fort fort fort contre lui, mais cet appendice d’ordinaire si habile pour capturer des proies ne parvenait dans le cas présent qu’à s’agiter de soubresauts pathétiques qui faisaient peine à contempler et que la sirène ne pouvait heureusement pas voir, trop occupée qu’elle était à se retrouver et à rappeler à elle tout ce qu’elle avait été forcée de laisser derrière elle auparavant.
Elle siffla… serait-ce là la dernière chose qu’il entendrait d’elle, ce son si peu humain après tous les mots gentils qu’elle avait eus pour lui ? Cela les éloignait encore plus l’un de l’autre et ce sentimental d’homme-loup dut se mordre la lèvre pour s’empêcher de pleurer, quitte à faire couler le sang à la place. Lorsque des bruissements semblables jaillirent de la mer, de célèbres vers de Poe venus de son poème Annabel Lee surgirent immédiatement à la surface de sa mémoire :


So that her high-born kinsmen came               de sorte que ses proches de haute lignée vinrent,
And bore her away from me,                          et me l'enlevèrent,
To shut her up in a sepulchre                          pour l'enfermer dans un sépulcre,
In this kingdom by the sea.                           en ce royaume près de la mer.



Qu’il aurait été facile de se prétendre dans une situation aussi tragique ; qu’il était tentant de crier à l’injustice et de se lamenter qu’on la lui arrachait des mains pour remplacer le chagrin par la colère ! Mais Saïl n’était pas aussi simple ni abattu au point de se bercer d’illusions : Cyanne n’était en rien son grand amour, et ceux qui venaient à sa rencontre ne la forçaient en rien à venir étant donné qu’elle s’acheminait vers eux de son plein gré. Il devait la laisser partir sans lui donner davantage de regrets que ses beaux yeux bleus embués l’exprimaient. Pourquoi fallait-il qu’elle fût au bord des larmes elle aussi ? Il en venait à lui hurler intérieurement de partir au plus vite et sans se retourner pour ne pas qu’elle pût voir dans quel était lamentable il était en train de se mettre, et dut se faire violence pour imprimer à sa nuque raide un hochement afin d’encourager la petite à revenir parmi les siens.
Splendides cheveux dorés volant au vent comme la crinière de quelque animal hors du commun qui faisaient ton sur ton avec la blancheur immaculée du vêtement qu’elle retirait d’un geste si simple et pourtant si lourd de sens ! Cette fois, il ne détourna pas les yeux, car il voulait capturer jusqu’aux dernières miettes d’images qu’il pourrait obtenir d’elle, et tant pis pour les idées de pudeur : d’ailleurs, ce corps juvénile dénué de tout vêtement lui apparaissait maintenant comme une sorte de consécration de cet art pictural du nu ; dépourvu de tout caractère pornographique, tout bonnement essence même d’une sensualité radieuse !

Lorsqu’elle plongea, le bruit d’éclaboussure résonna en même temps que le craquement dont sembla être victime son cœur, et il ne put plus résister : en quelques foulées d’une folle précipitation, il rejoignit le bord des flots salés et se rua sur cette tunique, seul vestige qu’il conserverait d’elle avec cette écaille qu’il gardait toujours précautionneusement au creux de son poing. Ne pouvant plus contenir sa douleur, il plongea son museau dans cette étoffe à la fragrance si cruellement douce et familière, agité de sanglots qui laissèrent le champ libre à deux ruisseaux de larmes qui s’écoulèrent lamentablement pour se perdre dans sa toison faciale alors qu’il serrait le bout de tissu contre lui : il se moquait bien d’offrir la scène la plus pitoyable qu’on eût pu concevoir, car il était malheureux, et n’avait plus le courage de contenir ses émotions. Envahi d’une rage impuissante, il se mit à frapper le sol trempé à ses pieds de toute la force de ses énormes poings, projetant autour de lui des gerbes de sable gadoueux en poussant une sorte de grognement hululant entrecoupé de hoquets, et il aurait pu continuer ainsi longtemps si ses oreilles n’avaient pas attiré son attention dans la direction de Cyanne qui refaisait surface : à la contempler ainsi, elle était véritablement rayonnante de joie… et pourtant elle pleurait, affectée par la séparation elle aussi. Cela mit un peu de baume sur le cœur brisé de Saïl qui en avait bien besoin, car par cette communion qui les unissait toujours, il pouvait être sûr qu’ils ne seraient au fond jamais loin l’un de l’autre, ne fut-ce que parce qu’ils ne s’oublieraient jamais. Il n’eut pas besoin de la traduction qu’elle lui offrit, car rien qu’à son expression et aux intonations chaleureuses des phonèmes, il avait pu deviner quel était leur sens, peu importât le langage. Les mots refusaient toujours de sortir de sa gorge mais, essuyant ses yeux d’un geste décidé, il lui rendit son sourire d’une manière qui concentrait tout ce qu’il pouvait donner de plus beau, de plus panaché et de plus affectueux… or, même ainsi, cela ne lui suffisait pas : il voulait exprimer ce qu’il éprouvait pour elle dans toute la concentration de sa puissance brute, et ce fut le loup qui trouva la solution.

(Plutôt que de pleurer, saluons-la !)

Oui ! Il allait lui offrir un adieu… non, un au revoir digne du plus passionné des loups ; un au revoir qui se graverait dans sa mémoire et dont elle pourrait se souvenir peu importât le temps qui viendrait à passer ! Délaissant pour le moment la toge blanche, il se positionna à quatre pattes, et gonfla les soufflets de forge qui lui servaient de poumons au maximum de leur contenance pour ensuite pousser un hurlement d’une intensité telle qu’il put s’entendre à des kilomètres à la ronde, et à plus forte raison sous les flots, jusqu’aux oreilles de celle à qui il était destiné. Nul malheur dans ce cri du cœur, mais au contraire tout le bonheur qu’il avait de la connaître, et la promesse d’un souvenir éternel et de retrouvailles un jour ou l’autre, car il était toujours son gardien et elle sa pupille : elle serait là pour lui, il serait là pour elle.

Plein de cette fantastique certitude, Khral se redressa, à bout de souffle, et ramena la tunique contre sa poitrine avant de se laisser lourdement tomber en arrière, haletant, moitié sanglotant d’émotion, moitié gloussant de joie ivre. Ah quelle journée, quelles péripéties, quelle sirène ! Voilà qui resterait incrusté dans l’esprit de Saïl et qui aurait perpétuellement une place de choix dans ses souvenirs : il avait rencontré l’être le plus fantastique qu’il eût jamais connu jusqu’ici, et c’est alors qu’il contemplait le ciel étoilé au-dessus de lui qu’il murmura son nom.

« Cyanne. »


Fin de l’épisode