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Sortie de l'hôpital depuis une semaine, Cassandre peinait à retrouver un emploi. Son japonais hésitant, ses qualifications inhabituelles pour une femme et la société un peu machiste étaient, en grande partie, les responsables. Elle avait eu de la chance, la première fois, de trouver cet emploi. Mais au final, elle aurait peut-être mieux fait d'accepter un boulot de caissière plutôt que de responsable de clientèle dans le complexe nucléaire.
Un peu désespérée, la jeune femme surfait sur le net, à la recherche d'une offre d'emploi. Écumer le centre ville n'avait rien donné. Peut-être que la toile aurait quelque chose d'intéressant à lui proposer ? Sinon, elle envisagerait à contre-coeur de refaire des formations, dans des domaines plus accessibles.
Posée sur son pc portable, près de la fenêtre, elle se perdit dans la contemplation des vagues qui venaient se jeter contre les rochers. Un peu plus loin, la baie, et les plages de sables fin. Son esprit divagua, et elle se souvint de quelques jours de son enfance.
Au bord de l'eau, elle avait l'habitude de jouer dans le sable. Parfois, elle se trouvait des camarades. Mais le plus souvent, elle était seule. Elle discutait avec les crabes, même s'ils ne pouvaient lui répondre. Elle était heureuse, et insouciante. Malgré l'absence de ses parents, elle était aimée et choyée par sa grand-mère maternelle, sa seule famille.
Comme elle regrettait ce temps béni, où l'insouciance était reine.
Secouant la tête, Cassandre reprit ses recherches infructueuses. Elle avait mal au crâne, à force de lire des pages et des pages d'annonces diverses. " Recherche JF pour baby-sitting. Recherche JF pour copine d'un soir. Recherche JF pour vente en rayon lingerie. Recherche jeunes gens motivés pour tournage d'un film amateur. " Que de propositions qui ne l'intéressaient pas. Quand elle trouvait quelque chose dans sa branche, il fallait obligatoirement être un homme, avec un CV long comme le bras, et une certaine force physique pour travaux de manutention.
Elle soupira, et partit se faire un thé. Alors que l'eau était en train de chauffer, la sonnette retentit.
Qui est-ce qui pouvait bien venir ici ? Sa maison était isolée, placée près de la baie. Peu de gens se rendaient dans le coin. Le trajet pour aller à la plage était en effet assez escarpé. Ils préféraient un autre passage, plus loin, de l'autre côté du banc de sable.
Laissant la bouilloire chauffer l'eau, Cassandre posa sa tasse sur le bar. Un bar à l'américaine qui donnait sur le séjour. En face, la porte d'entrée. Elle était en chêne, mais laqué de rouge, avec une belle poignée ronde, en laiton, sur le devant, juste au-dessus d'une fente en guise de boîte aux lettres à même la porte.
Le bruit de ses pieds nus sur le carrelage s'entendit à peine, quand elle s'approcha de l'entrée. Sur sa gauche, le canapé faisait face à la fenêtre. Elle y était assise, encore quelques instants avant. Son ordinateur trônait sur la table basse, en verre, et affichait encore la page d'une agence d'intérim.
Posant une main sur le cuir écru du canapé, Cassandre souleva le cache du judas, et se hissa sur la pointe des pieds pour regarder qui venait de sonner. Un homme, et une femme. Elle ne les connaissait pas.
Un peu paniquée, elle imagina des tas de scénarios improbables. Mais elle passa outre, et déverrouilla la porte avant de l'ouvrir.
« Bonjour, lâcha-t-elle dans un japonais hésitant, trahissant son fort accent français. Je peux vous renseigner ? »
Elle n'aurait peut-être pas dû ouvrir tout de suite. Elle était en mini-short en lycra noire, avec un débardeur blanc à peine plus couvrant, laissant apparent son absence de soutien-gorge. Au coin de ses yeux, une marque rouge commençait à se voir. Infime, pour le moment, mais qui donnait l'impression qu'elle venait de se frotter les yeux, ou de pleurer.
Elle se tenait sur ses gardes néanmoins. Avec tous ces journalistes qui étaient venus la harceler ces derniers jours... Elle se tenait prête à refermer la porte au nez des visiteurs s'ils se trouvaient trop curieux. Trop envahissants. Menaçants.
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« Et moi qui croyais que les centrales nucléaires étaient une voie de garage sans espoir... Sérieusement, quelle fille désespérée et au bord de la suicide trouverait attirant de bosser dans une centrale nucléaire au Japon ?!
- Les mêmes que celles qui te trouvent attirant ? »
Un sourire sur le coin des lèvres, l’agent Lloyd (http://aenaluck.deviantart.com/art/For-the-first-time-with-new-techniques-326833640) tourna sa tête vers Natalia, ses éternels yeux bleus dissimulés derrière ses Ray Ban Aviator noirs.
« Vous êtes une vraie saloperie, Agent Romanov... Froide comme un putain d’iceberg desséché que Le Seigneur, dans Son immense générosité, aurait chié tout droit en plein milieu d’une plaine désertique de la Sibérie.
- Venant de vous, je le prends comme un compliment.
- Vous le pouvez, il ne se passe pas une journée sans que vous ne me brisiez le cœur. »
Natalia retint un sourire, se concentrant sur sa conduite, tandis que Lloyd ouvrait à nouveau le dossier étalé sur ses jambes. Elle pilotait une voiture lourde, une berline puissante, une Chrysler 300 C (http://i.apreslachat.com/img/0/0/8/17800.jpg), l’une des voitures de fonction du SHIELD, aux vitres teintées, et avec le logo du SHIELD peint à gauche et à droite, sur les portières. Ils ne passaient pas vraiment inaperçus, et, rien qu’avec cette voiture et la dégaine de Lloyd, ils étaient immédiatement affiliés « agents secrets américains ». La seule différence entre Lloyd et une variante de l’agent Mulder était que ce dernier avait la peau sombre, étant originaire du Mexique. Un Latino, la preuve vivante que le melting pot n’était pas qu’une illusion.
Devant lui, il y avait le dossier d’une femme qui aurait du mourir. Cassandre Trésor. Avec un nom pareil, la vie n’avait pas du lui sourire beaucoup. Il y a une ou deux semaines, les associations militant pour la fermeture de la centrale nucléaire de Seikusu avaient retrouvé du grain à moudre quand un accident avait détruit une partie des locaux. Aucun déchet nucléaire ne s’était échappé, l’explosion n’ayant touché que les bureaux et les garages, mais Seikusu avait frémi. Fukushima était encore dans tous les esprits, et on prévoyait de nombreuses manifestations dans la ville pour que la centrale soit définitivement fermée.
Officiellement, c’était donc un accident. Mais ce n’était pas vraiment l’avis du SHIELD. Des accidents dans les centrales nucléaires capables de détruire toute une partie de l’installation, on n’en voyait pas tous les jours. C’était juste un brillant attentat. Ils avaient récupéré des vidéos de surveillance, et c’était comme ça que le nom de Cassandre Trésor, une jeune Française délicieuse, s’était finalement retrouvée entre les mains des inspecteurs du SHIELD. Ils avaient notamment lu avec beaucoup d’attention l’audition d’une victime, qui affirmait avoir été sauvée par une nouvelle, une Française dont elle ne se souvenait plus du nom. Ils avaient reproduit avec des simulations informatiques le déroulement de l’explosion. Il était scientifiquement impossible que l’explosion n’ait pas tué Cassandre. Es radiations nucléaires s’étant échappées de l’explosion l’avait atteinte.
« On est passés à peu de choses près d’évacuer toute la ville... D’après le rapport, si la fêlure dans le réacteur avait été plus longue d’un ou deux millimètres, il aurait fallu évacué.
- Si on suppose que l’accident visait bien à provoquer une catastrophe nucléaire... »
L’accident avait fait la une des journaux télévisés du monde entier, qui avaient craint d’y voir une réplique de Fukushima, et, depuis lors, les écologistes militaient activement pour la fermeture, essayant de faire de la centrale nucléaire de Seikusu un cas d’école de la négligence des autorités de contrôle du nucléaire. En ce qui concerne Cassandre, tandis que cette dernière était hospitalisée, le SHIELD avait mené quelques prélèvements sanguins sur la femme. Ils avaient ainsi appris que son corps avait été infecté par des traces d’un rayonnement nucléaire très particulier.
L’enquête était encore en cours, et les deux agents ne pouvaient que formuler des hypothèses, mais c’était pour ça que le SHIELD existait : pour être imaginatif. Il n’y avait même pas besoin d’une enquête pour savoir que les Yakuzas avaient forcément des parts dans cette centrale, et la théorie de Natalia était qu’il n’y avait pas eu un accident, mais bel et bien un attentat visant à détruire une zone précise du complexe... Pour des raisons encore inconnues. Cassandre était le cheveu sur la soupe, la donnée imprévue confirmant la véracité de la théorie du chaos. Elle était devenue une mutante, et le SHIELD se devait donc de lui rendre une petite visite... Visite d’autant plus importante qu’elle était aussi un témoin-clef potentiel dans cette histoire.
« On y est. »
Avec son irrespect habituel de la vie privée, le SHIELD avait mené une enquête sur Cassandre Trésor. Elle était partie depuis la France il y a quelques mois. Le SHIELD avait retrouvé, dans les registres de l’aéroport de Seikusu, son vol, la compagnie, et, à partir de là, sa date de départ. Une analyse des archives de sécurité avait permis de voir que, avant son départ, Cassandre avait célébré son aide à la France avec un homme, une partie de sexe crapuleuse dans les toilettes.
« Tu es au courant de cette théorie sur le dérèglement du système hormonal, Natalia ?
- Une théorie qui n’est soutenue que par le corps masculin de l’agence, Lloyd...
- Ça représente 50% du personnel ! » protesta l’homme.
Cette théorie, purement fantaisiste selon ses contradicteurs, soutenait que la mutation avait pour effet secondaire d’entraîner un dérèglement du système hormonal. De là se trouvait la justification des tenues bariolées et sexy que les supers-héroïnes portaient. Natalia gara la voiture devant l’immeuble où Cassandra logeait.
« En piste ! »
Lloyd sortit le premier, et Natalia le suivit. Lloyd portait une chemise avec un pantalon, et Natalia, elle, portait sa combinaison noire en cuir. Lloyd s’avança le premier, et appuya sur la sonnette. Les deux agents ignoraient encore quels étaient les pouvoirs de cette femme, mais ils savaient qu’il était temps de venir la voir pour l’en informer.
La porte s’ouvrit sur une femme habillée de manière extrêmement courte. Si Natalia ut rester professionnelle, Lloyd, lui, jeta sans vergogne un regard sur ses seins, qu’on voyait plutôt bien à travers son débardeur, et sur cet insolent mini short.
« Bonjour, glissa la femme avec un fort accent français, je peux vous renseigner ? »
Lloyd mit sa main dans la poche arrière de son pantalon, et sortit son portefeuilles, l’ouvrant, montrant sa carte d’agent du SHIELD.
« Agent Lloyd Dawkins, Mademoiselle Trésor, dit-il en japonais.
- Agent Natalia Romanov, se présenta Natalia dans un français parfait.
- Nous aurions quelques questions à vous poser concernant l’accident survenu dans la centrale nucléaire il y a une ou deux semaines, si ça ne vous dérange pas. Nous assistons la police dans cette enquête » précisa-t-il.
Natalia avait choisi de parler en français pour rassurer la femme, et lui montrer qu’elle pourrait utiliser sa langue natale sans problème.
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« Agent Lloyd Dawkins, Mademoiselle Trésor.
— Agent Natalia Romanov.
— Nous aurions quelques questions à vous poser concernant l’accident survenu dans la centrale nucléaire il y a une ou deux semaines, si ça ne vous dérange pas. Nous assistons la police dans cette enquête. »
Cassandre se concentrait pour saisir le sens des phrases. Elle n'avait pas trop de mal à comprendre le sens de ce qu'on lui disait, mais pour répondre, c'était plus ardu. Quand la femme parla en français, la blonde retint un soupir de soulagement. Ils comprenaient le français, apparemment. Elle était plus à l'aise en français. En même temps, c'était normal. Elle était née, et elle avait grandi en France.
Le portefeuille que l'homme lui montrait la rassura. C'était une carte qui lui avait l'air tout ce qu'il y avait de plus officielle. Et même si celui qui tenait le portefeuille louchait sans se cacher sur les formes de la française, cette dernière n'y prit pas ombrage. La combinaison de la femme l'intriguait plus, déjà. Même en étant purement hétérosexuelle, elle reconnaissait que cette femme qui lui faisait face, l'agent Romanov, était bien mise en valeur dans ce cuir qui la moulait.
S'écartant de l'entrée, après un instant de surprise -que venaient donc faire des agents gouvernementaux chez elle- et leur livra le passage.
« Entrez, je vous en prie. »
Elle s'exprima encore en japonais, malgré la difficulté visible qu'elle avait. Pour la suite, elle ferait en français, sûrement. Elle ne se voyait pas parler de l'explosion et de ce qui s'était passé en butant sur les mots, comme une gamine de l'école primaire.
Elle leur indiqua le canapé, qu'ils n'avaient qu'à contourner, et referma la porte derrière eux. Tant pis pour sa tenue. Elle ferait avec. Supporter les regards de l'homme ne serait pas trop difficile, pensait-elle.
« Vous désirez boire quelque chose ? Café, thé, eau ? Sodas peut-être ? déclama-t-elle en français. »
La bouilloire n'allait pas tarder à siffler d'ailleurs, autant qu'ils en profitent. Elle se posta non loin d'eux, jetant un oeil sur l'ustensile, par-dessus le bar.
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Natalia vit rapidement que la Française ne maîtrisait pas encore à la perfection le japonais. Ça n’avait rien de surprenant. C’était une langue difficile, peu accessible. Elle avait appris que les agents du SHIELD affectés à Seikusu Base Camp recevaient une formation spéciale en japonais. Fort heureusement, les Japonais parlaient beaucoup l’anglais, ce qui sauvait le SHIELD. Natalia et Lloyd entrèrent à la suite de Cassandre, et cette dernière ne tarda pas à revenir pour le français. Pour Natalia, il était presque instinctif de parler le français. Elle ne se souvenait plus quand elle l’avait appris, ni comment, mais elle le parlait... De même qu’elle parlait l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le russe, le mandarin, l’arabe, et quelques autres langues. Au moins, si le SHIELD n’avait plus besoin d’elle, elle pourrait se faire embaucher comme traductrice. Quand on était un espion international, il était indispensable de manier autant d’idiomes que possible. Lloyd aussi parlait le français... Du moins, il avait quelques notions, de lointains souvenirs de l’école de police, où il utilisait ses connaissances en français pour séduire les minettes sur le campus de la fac’. Le français évoquait donc pour lui la senteur de la peau d’une femme, un restaurant romantique avec du vin bordeaux, et une nuit tendre dans une chambre d’étudiante.
Elle leur demanda s’ils voulaient boire quelque chose, et, tandis que Natalia inspectait furtivement l’appartement, une bouilloire se mit à siffler.
« Et bien, puisque vous avez préparé du thé, ça nous ira » répondit-elle dans un français impeccable, après un bref regard vers Lloyd, qui y consentit.
Techniquement, Lloyd était toujours son OS, un acronyme pour Officier Superviseur. Au sein du SHIELD, chaque jeune recrue était formé par un agent plus âgé. C’était la procédure normale, et même Natalia n’y avait pas écopé. Leur formation était très spéciale. Widow savait plus de choses que lui, elle se battait mieux, et tirait mieux. Lloyd était juste plus expérimenté avec les individus disposant de capacités paranormales, ce qui expliquait pourquoi elle était encore, techniquement, sa subordonnée. Eux se voyaient plutôt comme des partenaires.
Cassandre n’estima pas nécessaire de changer, et Lloyd ne pouvait que l’encourager. Au moins, il y aurait une belle vue. Les deux s’assirent sur le canapé. C’était une belle maison, tranquille, dans un coin calme. La plage, de fait, était juste à côté. Une plage sauvage, où il n’y avait pas grand-monde. Au moins, les voisins ne devaient pas la déranger des masses.
« Je vous remercie, fit Natalia quand les tasses arrivèrent.
- Merci » lâcha également Lloyd.
Il y eut quelques secondes d’hésitation. Cassandre ne leur avait pas demandé qui était le SHIELD, ni n’avait rechigné à évoquer l’accident survenu dans la centrale nucléaire. Physionomiste, Natalia avait observé sa réaction. Elle avait vu une lueur apaisée la traverser quand Natalia avait parlé en français, et l’habituelle appréhension à l’idée d’affronter le gouvernement. Lloyd et Natalia se regardèrent à nouveau, et Lloyd but du contenu de sa tasse.
« Nous sommes un organisme militaire, Mademoiselle Trésor... Le SHIELD est, pour le dire simplement, une force paragouvernementale rattachée à l’autorité de l’OTAN, et répondant directement des États-Unis. Nous entretenons également des relations avec l’ONU, et nos activités sont variées. »
Qu’est-ce que l’armée pouvait bien vouloir à cette femme ? Natalia pouvait presque deviner les questions qu’elle était susceptible de se poser. Elle s’était légèrement penchée en avant, reposant sa tasse sur la table basse faisant face au canapé. Lloyd, de son côté, se releva.
« Excellent thé, si je peux me permettre », dit-il également en français, mais avec un accent américain.
Il s’approcha de la fenêtre, observant la forêt leur faisant face. La forêt d’un côté, la plage de l’autre. Une vraie maison de campagne, isolée et discrète. Natalia reprit rapidement, afin que Cassandre se concentre à nouveau sur elle :
« Pour faire simple, le SHIELD traite de toutes les activités paranormales et surnaturelles qui arrivent. Nous avons la bénédiction du gouvernement japonais pour les assister dans la défense de leur territoire, et nous avons de bonnes raisons de penser que l’accident qui est arrivé dans la centrale a... Peut-être eu des répercussions inattendues sur votre organisme... »
Natalia était prudente, car chaque personne pouvait réagir différemment à ce genre de nouvelles. La colère, l’indignation, la terreur... Tout était possible. Le premier contact était toujours le plus difficile, car chacun avait en tête l’image de ce gouvernement surpuissant disposant d’organismes spéciaux et de prisons ultrasecrètes prêts à commettre n’importe quelle atrocité au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.
Lloyd se retourna à nouveau vers Cassandre, tenant toujours la tasse de thé dans sa main.
« Est-ce qu’il vous est arrivé des... Des particulières choses depuis votre accident ? »
Il avait mal prononcé une partie de sa phrase, oubliant d’inverser deux mots. L’anglais et le français, deux langues assurément pièges, car elles étaient à la fois très proches, presque similaires, mais aussi très différentes. Natalia savait que chaque langue avait sa logique, ses propres spécificités. Dès qu’on les connaissait, alors on pouvait sans problème apprendre la langue, et, même avec un vocabulaire limité, s’en sortir.
Pour l’heure, ils attendaient la réponse de la jeune femme.
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« Et bien, puisque vous avez préparé du thé, ça nous ira. »
Parfait, pensa Cassandre. Au même moment, la bouilloire siffla. A pas rapides, légers, elle contourna le bar et éteignit l'instrument. Avec des gestes sûrs, elle sortit deux autres tasses du placard. Elle sortit également sa boîte à thé, mais réprima un soupire en l'ouvrant. Il ne restait plus que du thé à la menthe, un peu basique. Tant pis. Elle sortit trois sachets, et les glissa dans les tasses, arrimant la petite languette à l'anse des récipients. Puis elle versa l'eau, avec des gestes mesurés. Elle termina en déposant les tasses sur un plateau, le même qu'on trouvait dans les bars, avec marqué en gros "Desperados". Une bière, aromatisée à la tequila. Un souvenir de France, piqué dans un bar lors d'une soirée.
Elle rajouta un petit pot de lait, du sucre et des cuillères, et elle emporta le plateau, le posant sur la table basse. Comme les agents s'étaient assis sur le canapé, elle fit glisser le fauteuil de l'autre côté de la table, pour leur faire face. D'un geste, elle referma son pc portable. Non pas que ce qu'elle y fasse soit confidentiel, mais ça faisait moins... Désordre.
« Je vous remercie.
— Merci. »
Le silence se fit, et Cassandre en profita pour ajouter un nuage de lait dans son thé. Elle se sentait un peu mal à l'aise. La surprise était grande, bien qu'elle s'efforçait de ne rien en montrer, et l'incertitude quant à ce qu'ils voulaient d'elle n'aidait pas à la rassurer, à la mettre "dans l'ambiance".
Heureusement, la femme reprit la parole, rompant le silence qui commençait à devenir gênant.
« Nous sommes un organisme militaire, Mademoiselle Trésor... Le SHIELD est, pour le dire simplement, une force paragouvernementale rattachée à l’autorité de l’OTAN, et répondant directement des États-Unis. Nous entretenons également des relations avec l’ONU, et nos activités sont variées. »
Les questions se bousculaient dans son esprit. Militaire ? Etats-Unis ? Qu'est-ce que c'est encore que ce bordel ?, se demandait-elle, silencieuse. Elle avait des notions de géographie, et l'OTAN, ou l'ONU, ça lui parlait un peu. Mais que pouvaient-ils bien lui vouloir, à elle ?
Un peu plus, et sa belle petite tête blonde fumait, à cause des interrogations qui naissaient dans son esprit. Elle fut néanmoins troublée par le compliment de l'homme, et un sourire éclaira spontanément ses lèvres. Elle hocha la tête, acceptant la remarque, avant de revenir au sujet principal que l'agent Romanov expliqua.
« Pour faire simple, le SHIELD traite de toutes les activités paranormales et surnaturelles qui arrivent. Nous avons la bénédiction du gouvernement japonais pour les assister dans la défense de leur territoire, et nous avons de bonnes raisons de penser que l’accident qui est arrivé dans la centrale a... Peut-être eu des répercussions inattendues sur votre organisme... »
Paranormales, surnaturelles, gouvernement japonais. Cassandre n'aurait jamais cru que ces mots puissent aller ensemble. Traiter le paranormal, au sein du gouvernement ? Ce n'était certes pas en France que ça arriverait. En même temps, il y avait si peu de surnaturel visible, dans son pays...
Elle toussota légèrement, et la suite de la conversation fit soudain un drôle d'écho dans son esprit. L'accident aurait provoqué quoi sur elle ? Qu'étaient ces répercussions inattendues dont parlait la femme ? Tout se brouillait dans sa tête. Elle ne pensait plus de façon cohérente. Elle paniquait même un peu, au fond.
« Est-ce qu’il vous est arrivé des... Des particulières choses depuis votre accident ? »
L'intervention de l'homme la détourna légèrement de ses interrogations. Elle calma le début de panique qui naissait en elle, l'obligeant à se concentrer sur une chose en particulier. Elle sourit à la faut de grammaire de l'agent Lloyd, mais la question en elle-même était claire, aussi elle ne s'attarda pas sur la syntaxe et répondit, en français :
« Euh... Non. Je ne crois pas. Qu'entendez-vous par particulières ? Quelque chose qui sorte de l'ordinaire ? »
Le ton de sa voix s'efforçait de rester calme, mais elle se sentait soudain stressée. Qu'est-ce que cet accident avait bien pu provoquer en elle ?
« Je ne me suis pas mise à voler, si c'est ce que vous entendez par particulière. Je ne traverse pas les murs non plus... Vous pensez que je pourrais avoir quelque chose de... Bizarre ? »
Les mots du médecins lui revinrent alors en tête. Improbable guérison, cicatrisation particulièrement rapide... D'après lui, elle n'aurait même pas dû être vivante après l'explosion. Alors... Ce serait l'accident de la centrale qui aurait... Modifié son organisme ?
« Le docteur a dit... Il a dit que j'aurais dû mourir lors de l'explosion. Mais pourtant, mes blessures n'étaient que "superficielles" par rapport à ce à quoi il s'attendait, souffla-t-elle avec hésitation. C'est de ce genre de choses dont vous voulez parler ? Cette... Guérison miracle et accélérée, selon mon médecin ? »
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La végétation était profonde, l’endroit était isolé... En regardant par la fenêtre, Lloyd se disait que cette maison était un véritable piège. Il était encore trop tôt pour exposer ses doutes, pour dire à cette femme qu’elle était en danger, et qu’il fallait l’évacuer rapidement. Les Américains croyaient à la notion de propriété privée, et au fait qu’on ne pouvait pas forcer les gens à vivre ailleurs sans de bonnes raisons... Et de simples soupçons ne constituaient malheureusement pas une raison légitime et suffisante pour contraindre un particulier à abandonner son domicile. Natalia se faisait également du souci, mais sa maîtrise du français faisait que c’était elle qui parlait à la femme, Lloyd ayant un rôle plutôt silencieux, discret. Il observait, écoutait, et surveillait.
« Le docteur a dit... Il a dit que j'aurais dû mourir lors de l'explosion. Mais pourtant, mes blessures n'étaient que "superficielles" par rapport à ce à quoi il s'attendait. C'est de ce genre de choses dont vous voulez parler ? Cette... Guérison miracle et accélérée, selon mon médecin ? »
Natalia hocha lentement la tête, buvant un peu de son thé :
« Votre médecin est adepte des euphémismes... L’accident que vous avez subi aurait du vous tuer, Mademoiselle. Vos bureaux se trouvaient près de l’épicentre de l’explosion, et toute la structure a subi un éboulement. Nous avons enterré les rapports des pompiers et de l’hôpital pour votre propre sécurité. Vous avez été ensevelie sous des tonnes de gravats. »
Widow lui montra ensuite son téléphone portable, un modèle dernier cri, conçu spécialement par le SHIELD. Il ressemblait à un smartphone, mais n’appartenait à aucune marque connue. Elle lui montra plusieurs photographies prises par les services de secours, montrant un corps méconnaissable, en bouillie. Elle avait des morceaux de fer dans le corps, et des parties du corps grièvement brûlés. Des images dures à encaisser. Natalia avait hésité à les lui montrer, avant de finalement opter pour cette voie. C’était la meilleure manière, pour elle, de lui montrer ce qu’elle avait subi, et d’où elle revenait. On pouvait voir une peau noirâtre, présentant un aspect cartonné.
Natalia lui expliqua qu’elle avait subi des brûlures au quatrième degré. L’explosion de la centrale avait entraîné une fuite de gaz dans ses bureaux, entraînant une explosion supplémentaire qui avait pulvérisé les bureaux, soufflant la femme. L’explosion avait brisé des piliers de soutènement, et le plafond était tombé.
« Vous aviez plusieurs os réduits en bouillie, des impacts plantés dans vos poumons, dans vos organes... Les pompiers vous croyaient morte, Mademoiselle Trésor. »
Le regard de Lloyd oscillait entre la forêt et l’intérieur de la maison. Il continuait à boire son thé, guère rassuré. Natalia ménagea une courte pause, avant de reprendre :
« Officiellement, c’est un dysfonctionnement dans le système électrique qui a provoqué cette explosion... Un court-circuit qui a fait exploser une conduite de gaz. C’est la version officielle, celle que nous avons donné aux médias, celle que les rapports d’enquête indiquent... Mais ce n’est pas la bonne. Nous pensons que cet accident n’en était pas un, Mademoiselle Trésor, et qu’il y avait autre chose dans cette centrale, quelque chose qui est enterrée dans les débris. Nous pensons que votre organisme a muté, qu’il a été irradié par une force spéciale. Pensiez-vous sincèrement que l’hôpital vous aurait laissé partir sans rechigner vu votre guérison spectaculaire ? »
Natalia parlait rapidement, sur un ton professionnel, continuant à faire défiler les photos sur son téléphone portable. On voyait désormais Cassandre dans un lit d’hôpital, avec des bandages sur tout le corps. Elle avait été opérée, mais le rapport du chirurgien était formel. Il ne s’expliquait pas comment cette femme avait fait pour survivre, et la manière dont son corps avait cicatrisé suite à l’opération était incompréhensible.
« Nous pensons que des expériences génétiques avaient lieu dans les souterrains de cette centrale, et que ce sont elles qui ont provoqué cette explosion...[{/b] »
Lloyd choisit ce moment pour intervenir :
« En clair, Madame Trésor, nous pensons que vous êtes en danger. »
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« Votre médecin est adepte des euphémismes... L’accident que vous avez subi aurait du vous tuer, Mademoiselle. Vos bureaux se trouvaient près de l’épicentre de l’explosion, et toute la structure a subi un éboulement. Nous avons enterré les rapports des pompiers et de l’hôpital pour votre propre sécurité. Vous avez été ensevelie sous des tonnes de gravats. »
La tuer... Quand elle entendit les paroles de la femme, Cassandre se raidit. La tuer... Elle pensait être passé très proche de la mort... Mais à ce point là... Choquée, elle regarda les images que lui montrait Natasha. C'était une horreur. On ne la reconnaissait même pas. Elle n'avait pas imaginé que c'était à ce point... Pourtant, elle ne détourna pas les yeux. Elle regarda défiler les images en réprimant son envie de vomir. Alors... C'était elle, sur les photos ?
« Vous aviez plusieurs os réduits en bouillie, des impacts plantés dans vos poumons, dans vos organes... Les pompiers vous croyaient morte, Mademoiselle Trésor. »
Dans un état second, elle entendait les paroles de l'agent du SHIELD, mais comme venant de très loin. Non. Elle n'allait pas s'évanouir. Elle refusait de perdre connaissance. Finalement, elle secoua la tête et la pièce arrêta de tanguer. Elle ne s'évanouirait pas. Elle releva la tête, détournant son regard horrifié des photos du corps. Des photos de son corps.
« Officiellement, c’est un dysfonctionnement dans le système électrique qui a provoqué cette explosion... Un court-circuit qui a fait exploser une conduite de gaz. C’est la version officielle, celle que nous avons donné aux médias, celle que les rapports d’enquête indiquent... Mais ce n’est pas la bonne. Nous pensons que cet accident n’en était pas un, Mademoiselle Trésor, et qu’il y avait autre chose dans cette centrale, quelque chose qui est enterrée dans les débris. Nous pensons que votre organisme a muté, qu’il a été irradié par une force spéciale. Pensiez-vous sincèrement que l’hôpital vous aurait laissé partir sans rechigner vu votre guérison spectaculaire ? »
Les révélations de l'agent Romanov la détournèrent de la pensée de son corps mutilé, brûlé. Elle écarquilla les yeux, muette. Doucement, l'idée fit son chemin. Un attentat. C'était un attentat. Mais pourquoi, alors, l'hôpital l'avait laissée sortir ? Elle aurait sûrement été disséquée, vivante, et analysée. Non ? Pourquoi laisser un cas pareil dans la nature ?
Elle ne comprenait plus rien. Elle était perdue, horrifiée. Troublée. Effrayée.
« Nous pensons que des expériences génétiques avaient lieu dans les souterrains de cette centrale, et que ce sont elles qui ont provoqué cette explosion... »
Des expériences ?
Elle repensa aux multiples dossiers qu'elle avait eu a traiter lorsqu'elle travaillait à l'accueil, mais rien n'aurait pu lui indiquer que des activités peu naturelles se faisaient en parallèle. Elle observait Natasha, perdue, quand Lloyd intervint.
« En clair, Madame Trésor, nous pensons que vous êtes en danger. »
En danger. Le mot était lâché. En danger. Elle regarda par la fenêtre, le calme de l'environnement autour de chez elle. En danger, vraiment ?
« Mais... »
Pourquoi ? Qui pourrait... Etait-ce à cause de son organisme qui fonctionnait étrangement depuis l'explosion ? Etait-ce pour masquer toutes les traces qui auraient pu incriminer les auteurs de l'attentat de l'usine ? Pourquoi ?
Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Tant d'énigmes, sans aucune réponses pour le moment.
« Que me conseillez-vous, alors ? »
Elle serrait ses mains, jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.
« Me cloîtrer ici ? Partir ? Quitter la ville ? Me faire oublier ? »
Elle ne voulait pas quitter sa maison. Mais elle ne voulait pas mourir non plus. Elle était relativement calme, par rapport au tourbillon d'émotions qui agitait son être. Elle suivrait leurs conseils, bien sûr. Ils étaient mieux placés qu'elle pour jauger la situation, et évaluer les options. Elle n'était qu'une étrangère en plus, exilée dans un pays dont elle parlait à peine la langue. Elle était seule, et elle n'avait personne à qui demander de l'aide.
Si ce qu'ils avançaient était vrai, ils étaient les seuls à pouvoir la conseiller. A pouvoir la mettre en sécurité.
« Je ne veux pas mourir. Aidez-moi. »
Mais pouvait-elle seulement mourir ? Si les pompiers l'avaient crue morte, c'est qu'elle ne devait avoir aucun signe vital, si ?
« Aidez-moi... »
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Lloyd vit qu’il y avait une ruche dehors. Elle était cramponnée à un arbre, et des abeilles en filaient, se rapprochant un peu de la maison. Il reporta ensuite son attention sur Cassandre. Cette dernière était désemparée, et ne savait plus quoi faire, observant les deux agents en tremblant sur place.
« Évidemment qu’on va vous aider, nous sommes venus là pour ça. Nous sommes les gentils, Mademoiselle Trésor. »
Il s’était rapproché d’elle, s’arrachant de la vue de la forêt. Natalia, plus professionnelle, reprit, en allant droit au sujet, et en évoquant clairement ce qui allait se passer :
« Nous enquêtons sur la centrale nucléaire, afin de mieux comprendre ce qui est arrivé. Nous aimerions mener des expériences sur vous pour déterminer votre mutation. Rien de plus que quelques prélèvements sanguins, précisa-t-elle après quelques secondes, afin d’éviter que Cassandre ne panique. Et, pour le reste...
- Tant que nous ne sommes pas assurés que vous serez en sécurité, vous bénéficierez d’une protection. Vous avez une autre habitation que ce chalet ? Il est éloigné de la ville, et... »
Lloyd avait à nouveau regardé la grande baie vitrée... Et vit une abeille posée dessus. Il déglutit, et tourna sa tête vers Natalia. Elle l’avait aussi vu, et se releva immédiatement, portant
« Mademoiselle, il faut y aller... Nous ne sommes plus en sécurité ici. »
D’autres abeilles venaient de se poser sur la vitre, s’agglutinant de plus en plus. Natalia courut dehors, et se dirigea rapidement vers la voiture, portant son arme à feu dégainée, le cran de sûreté enlevé. Elle savait d’où venaient ces abeilles, et elle savait que le temps leur était compté. Le SHIELD avait déjà du affaire à eux. Lloyd, de son côté, incitait Cassandre à sortir quand la vitre explosa soudain. Un carreau d’arbalète en était la cause, et il se planta dans une table, avant de laisser s’échapper un gaz hallucinogène.
« Merde ! Ils sont déjà là ! Vite !! »
Tenant le poignet de la femme, il courut dehors, tandis que les abeilles, de plus en plus nombreuses, rentraient dans lamaison, bourdonnant dangereusement. Dehors, il entendit le moteur de la Chrysler se mettre en branle, et sortit rapidement. La voiture fonçait vers eux en marche arrière. À l’intérieur, Natalia arrêta sèchement, et appuya sur un bouton, qui permit d’ouvrir les portes. Lloyd pressa Cassandre à l’intérieur, alors que les abeilles fonçaient droit vers lui. Il fila ensuite à côté de Natalia, et la voiture démarra au quart de tour. Natalia enclencha rapidement la seconde en dévalant le chemin de terre menant à la route.
Un homme apparut alors sur le chemin. Il était plutôt massif, et était entouré par des nuées d’abeilles.
« Putain, c’est eux ! L’Unité Cobra ! »
The Pain (http://img2.wikia.nocookie.net/__cb20080206222715/metalgear/images/b/bc/The_Pain.jpg) était un mutant redoutable qui avait le pouvoir de contrôler les abeilles, de se synchroniser avec elles, et de se faire passer pour leur Reine... Ou leur Roi. Natalia accéléra, et The Pain tendit sa main, envoyant une flopée d’abeilles vers le pare-brise de la Chrysler. Elles éclatèrent contre la voiture en provoquant de petits chocs sourds. Widow actionna l’essuie-glaces, fonçant sans hésitation sur The Pain... Qui se déplaça sur le côté, évitant la charge de la voiture.
Natalia atteignit la route, et partit sur la droite, s’enfonçant au milieu des bambous et des arbres.
« Accrochez-vous, Cassandre, on gère la situation, on... »
Il y eut un choc sourd sur le plafond, et Lloyd releva la tête.
« Je crois qu’on a un passager clandestin.
- Le toit de la voiture est blindé.
- Je sais ! »
C’était un autre membre de l’Unité Cobra qui se tenait sur le toit : The Fear (http://img2.wikia.nocookie.net/__cb20050901023550/metalgear/images/6/6d/The_Fear.gif). Le SHIELD avait déjà eu la chance de rencontrer ces gus, et de se renseigner sur eux. L’Unité Cobra était une ancienne unité militaire soviétique qui avait été utilisée dans le cadre de la Seconde Guerre Mondiale. Des espions envoyés par l’URSS derrière les lignes ennemies pour saboter la machine de guerre allemande. Ils avaient tous des pouvoirs spéciaux, surnaturels. Pour l’heure, le SHIELD ignorait comment tout un groupe de personnes morts dans les années 1950 avaient bien revenir à la vie.
Et ils avaient un passager clandestin sur le toit.
-
« Évidemment qu’on va vous aider, nous sommes venus là pour ça. Nous sommes les gentils, Mademoiselle Trésor. »
La jeune française se sentit soulagée. Elle n'était pas seule. Ils étaient là pour la protéger, l'aider à comprendre.
« Nous enquêtons sur la centrale nucléaire, afin de mieux comprendre ce qui est arrivé. Nous aimerions mener des expériences sur vous pour déterminer votre mutation. Rien de plus que quelques prélèvements sanguins. Et, pour le reste...
— Tant que nous ne sommes pas assurés que vous serez en sécurité, vous bénéficierez d’une protection. Vous avez une autre habitation que ce chalet ? Il est éloigné de la ville, et... »
La question des tests n'eut même pas le temps de faire ressentir un soupçon de crainte. Cassandre se livrerait à tous les tests qu'ils désiraient, si c'était pour sa sécurité. Et puis, ils étaient du gouvernement. Ils n'étaient pas comme ces scientifiques fous qu'on voyait dans les films. Mais savoir que ce ne serait que quelques prises de sang fit sourire la blonde. Elle se sentait parfaitement capable de donner un peu de son sang, si c'était le prix à payer pour savoir ce que cette explosion à la centrale lui avait fait. Pour savoir ce qu'elle était devenue, comme monstre.
« Mademoiselle, il faut y aller... Nous ne sommes plus en sécurité ici. »
Surprise, Cassandre décroisa les bras, se redressant légèrement. Déjà, pensa-t-elle, un peu perdue. Décidément, sa vie n'était pas de tout repos depuis cet accident à la centrale. Pourtant, son regard accrocha les abeilles qui s'agglutinaient sur ses fenêtres. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Elle n'avait jamais vu autant d'abeilles par ici...
Elle se releva alors, et laissa bien volontiers l'agent Lloyd la guidait. Tout se précipitait autour d'elle. Elle se sentait perdue. Il n'y avait que la poigne de l'homme autour de son poignet qui la rattachait à la réalité.
Bientôt, sa baie vitrée explosa, sans que Cassandre ne puisse voir tout de suite d'où ça venait. Jusqu'à ce qu'un gaz s'échappe en sifflant du canapé où un carreau d'arbalète était planté.
« Merde ! Ils sont déjà là ! Vite !! »
A la suite de l'agent, Cassandre sortit de la maison. Elle n'eut pas le temps d'inhaler le gaz. Enfin, normalement. Courant après lui, elle s'engouffra à l'arrière de la voiture par la portière qui s'était ouverte. Elle était toujours en t-shirt et en short. Pas très décente, mais ils étaient dans l'urgence. Pas le temps de se changer.
« Putain, c’est eux ! L’Unité Cobra ! »
Tandis que la voiture fonçait vers la sortie de sa propriété, la française cherchait à s'attacher. Elle réussit à mettre la main sur la ceinture, mais son regard se fixa sur l'homme qui se tenait au milieu de la route. Et sur toutes ces abeilles qui filaient vers le pare-brise. Elle se figea, quand les abeilles s'écrasèrent contre la vitre, et l'homme se rapprochait dangereusement de la voiture. Ce n'est qu'au dernier moment qu'il s'écarta, et Cassandre eut tout le loisir de l'observer alors qu'il se tenait à côté de la voiture qui roulait à vive allure. Il lui sembla même que le regard de l'homme, visible à travers le trou de la cagoule, s'était fixé sur elle.
« Accrochez-vous, Cassandre, on gère la situation, on... »
Lâchant la ceinture quand Natalia vira à droite, la blonde se retrouva contre la portière, à s'agripper à son siège. Le toit de la voiture sembla s'enfoncer légèrement quand un choc résonna. Paniquée, elle leva la tête, cherchant à tâtons la ceinture qui lui avait échappée. Non, le toit de la voiture tenait le coup. C'était juste une impression. A peine rassurée, Cassandre saisit de nouveau la ceinture et la fit passer devant elle.
« Je crois qu’on a un passager clandestin.
— Le toit de la voiture est blindé.
— Je sais ! »
Réussissant finalement à s'attacher, la française s'agrippa de toutes ses forces à la ceinture qui lui entravait le buste. Elle fixa son regard sur la route, s'empêchant de penser à l'homme sur le toit.
« Qui... Qui est-ce, l'Unité Cobra ? »
Qu'est-ce qu'ils veulent, pensa surtout Cassandre.
« C'est à propos de moi qu'ils sont là ? »
Les deux agents pouvaient sentir la panique contenue dans son ton, bien qu'elle s'efforçait de ne pas faire trembler sa voix. Elle voulait rester sûre d'elle. Son visage était fermé, et seul l'éclat de ses yeux trahissait son désarroi si on l'observait bien. Elle tentait de garder son sang-froid, mais l'homme sur le toit choisit cet instant pour pencher un bras armé vers la fenêtre arrière, à côté de laquelle était la jeune femme.
Elle tenta de réprimer un cri, en apercevant l'arbalète, et c'est un son étouffé qui sort de ses lèvres alors que l'homme commence à frapper contre la vitre.
« Je-Je crois qu'il essaie de briser la vitre... »
Nerveusement, ses mains lâchent la ceinture pour venir essayer de l'enlever. Mais elle tremble trop, et ça ne vient pas. Elle tire dessus, paniquant, quand son pouce réussit enfin à appuyer sur le bouton qui libéra la ceinture.
Elle se précipita de l'autre côté, derrière Natalia, son regard ne lâchant pas la main armée qui frappe, encore et encore, sur la vitre. Avec puissance, d'ailleurs. Tellement, que la blonde craint que la vitre ne tienne pas le coup. Le toi est blindé. Mais est-ce le cas des vitres ?
-
Les voitures de service du SHIELD étaient de véritables chars d’assaut, des petits bijoux de la technologie conçus justement pour résister à des attaques. La Chrysler disposait même d’une réserve de nitrométhane dans le moteur, permettant une brusque accélération... De la nitro, tout simplement. Cependant, Natalia ne pouvait pas s’en servir dans une telle configuration. Il y avait trop de virages et de coudes pour qu’elle prenne le risque de partir dans le décor. Elle n’avait pas le temps de répondre aux questions de Cassandre, et Lloyd, de son côté, appelait des renforts à l’aide de l’ordinateur intégré dans le tableau de bord de la voiture, et qui permettait de contacter Seikusu Base Camp. The Fear, de son côté, comprit rapidement qu’il n’arriverait pas à bercer le blindage, et choisit de s’attaquer à la vitre arrière, tapant dessus pour la briser, paniquant Cassandre qui choisit de se réfugier de l’autre côté de la voiture.
« Ce putain de connard ne veut pas nous lâcher !
- J’ai vu plus dangereux que lui. »
Natalia continua à accélérer, se rapprochant d’un virage. Les coups de The Fear auraient déjà brisé n’importe quelle vitre, mais cette dernière commençait à se fêler. Widow se rapprocha alors d’un arbre, et deux de ses pneus atterrirent dans le talus. Des branches fouettèrent le pare-brise avant de la voiture, et The Fear se redressa, atterrissant au milieu de la voiture. Lloyd réagit rapidement, car il savait que The Fera allait désormais jaillir sur la gauche, afin d’attraper Cassandre. Il appuya sur un bouton, et, quand The Fear se pencha, la porte arrière gauche s’ouvrit brusquement, frappant The Fear. Le mutant poussa un hurlement de surprise et lâcha prise, tombant sur le sol, rebondissant sur le bitume.
« Refermez la porte, Cassandre ! »
Widow regarda dans le rétroviseur extérieur. The Fear avait roulé à plusieurs reprises sur le sol, avant de lentement se relever. Il ne put que voir, impuissant, la Chrysler partir. Natalia soupira lentement, reprenant peu à peu son souffle, et regarda dans le rétroviseur interne. La pauvre Cassandre avait l’air d’avoir l’esprit en feu, et d’être totalement paniquée. L’agente se pinça les lèvres, et ralentit lentement, revenant à une vitesse normale.
« Vous êtes en sécurité, Mademoiselle Trésor. Détendez-vous, et reprenez votre souffle. »
L’adrénaline diminuait lentement dans les veines de la femme. Elle regarda brièvement Lloyd, et ce dernier hocha lentement la tête. Natalia donna alors à Cassandre quelques explications sur l’Unité Cobra, précisant qu’il s’agissait d’un groupe de dangereux criminels dotés de capacités paranormales. Elle évita de lui dire que ces hommes étaient des clones d’une ancienne unité Cobra, qui avait existé durant la Seconde Guerre Mondiale, avant de travailler pour le compte de l’URSS durant la guerre froide.
« Nous avons croisé The Pain et The Fear. Le premier contrôle les abeilles, et nous a attaqué avec. Quant au second... C’est un individu disposant de capacités paranormales, et qui est très agile. Il se bat généralement avec une arbalète, et ses carreaux sont imbibés d’une toxine hallucinogène engendrant la peur en stimulant notre amygdale. »
Dans le cerveau humain, l’amygdale était une structure qui faisait partie de toute la zone émotionnelle du cerveau. Les multiples recherches scientifiques avaient permis de révéler que, lorsqu’une personne avait peur, son amygdale était fortement stimulée. Le poison de The Fear se rapprochait de la toxine utilisée par le docteur Crane, l’Épouvantail. La Chrysler continuait à rouler, et rejoignit l’autoroute reliant Seikusu à Kyoto, et retourna vers Seikusu. La mer apparaissait sur la droite. Un véritable paysage de carte postale.
Lloyd parla à son tour.
« Ce sont des mercenaires, de ce que nous pensons. Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à nous douter que vous disposez maintenant de capacités paranormales. C’est vous qu’ils voulaient, soit pour vous étudier, soit pour vous supprimer... Eux, ce sont les méchants. »
Natalia doubla un camion transportant toute une cargaison de bois, puis regarda à nouveau dans son rétroviseur, et tourna la tête vers Cassandre.
« Détendez-vous, okay ? On va aller à la base faire ces tests, et on trouvera ce qui vous est arrivé. »
-
« Ce putain de connard ne veut pas nous lâcher !
— J’ai vu plus dangereux que lui. »
Ah oui ? Plus dangereux que lui ? Cassandre avait du mal à le croire. Il lui paraissait déjà extrêmement dangereux. Elle s'était pelotonnée sur la gauche, derrière Natalia, tandis que The Fear frappait avec insistance la vitre droite. Cette dernière commençait à se fêler quand, dans une habile manœuvre, la conductrice fit glisser ses roues dans le talus, sur le bas-côté. Secouée, dans la voiture, Cassandre s'accrochait fermement à la ceinture qui s'était bloquée sous le choc. Elle ne quittait pas des yeux la vitre fêlée, anxieuse de revoir l'homme à l'arbalète.
Mais cette fois, il jaillit de l'autre côté. Sur la gauche, où elle se trouvait. Alors qu'il allait approcher de la portière, cette dernière s'ouvrit toute seule. La blonde réprima un cri, en voyant la portière s'ouvrir, et percuter l'homme.
« Refermez la porte, Cassandre ! »
Elle ne se le fit pas répéter deux fois. Elle tendit le bras et, brusquement, elle claqua la portière. Un peu trop fort peut-être, mais la voiture résistait. La portière avait néanmoins légèrement enfoncé le flanc gauche arrière. Cassandre n'en avait pas conscience, mais elle venait de faire usage de cette force phénoménale dont l'avait dotée l'explosion. Elle n'y fit pas attention, cependant, elle se rencogna sur la droite, près de la vitre fêlée, venant attacher sa ceinture à nouveau, les mais un peu tremblantes.
« Vous êtes en sécurité, Mademoiselle Trésor. Détendez-vous, et reprenez votre souffle. »
Plus facile à dire qu'à faire. Malgré tout, Cassandre se força à se calmer, et à regarder le dossier du siège devant elle en écoutant les explications des deux agents sur ceux qui venaient de les attaquer.
« Nous avons croisé The Pain et The Fear. Le premier contrôle les abeilles, et nous a attaqué avec. Quant au second... C’est un individu disposant de capacités paranormales, et qui est très agile. Il se bat généralement avec une arbalète, et ses carreaux sont imbibés d’une toxine hallucinogène engendrant la peur en stimulant notre amygdale. »
Elle hocha lentement la tête, assimilant les informations. Elle avait inspiré un peu de cette toxine, lorsque l'agent Lloyd l'avait aidée à sortir de la maison. Peut-être cela expliquait-il pourquoi elle avait été si terrifiée, alors que les agents semblaient savoir ce qu'ils faisaient ?
« Ce sont des mercenaires, de ce que nous pensons. Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à nous doter que vous disposez maintenant de capacités paranormales. C’est vous qu’ils voulaient, soit pour vous étudier, soit pour vous supprimer... Eux, ce sont les méchants. »
Un frisson parcourut Cassandre, tandis qu'elle s'installait plus confortablement contre le siège de la Chrysler. Elle observait par la fenêtre, perdant son regard sur la mer qui brillait au soleil. Elle regardait la route par moment, et le rétroviseur de l'agent Lloyd. Elle vérifiait qu'ils n'étaient pas suivis, un peu anxieuse.
« Détendez-vous, okay ? On va aller à la base faire ces tests, et on trouvera ce qui vous est arrivé. »
Elle hocha la tête.
« Oui... D'accord. »
Elle ne dit pas un mot de plus, restant silencieuse pendant le trajet. Son regard aperçut alors son reflet dans le rétroviseur, et ce qu'elle vit l'y choqua. Le fait qu'elle soit blanche n'était pas vraiment impressionnant. Elle avait eu peur. C'était normal. Mais autour de ses yeux, les marques orangées qui s'y trouvaient semblaient avoir gagné du terrain.
Elle porta les mains à son visage, touchant de la pulpe de ses doigts ce qui ressemblait à un tatouage. Les marques semblaient avoir progressé de deux ou trois centimètres. C'était voyant. Elles s'étiraient sur ses tempes, et semblaient redescendre légèrement le long de ses pommettes.
Silencieuse, elle parcourut les marques avec les doigts, griffant légèrement, pour essayer de les faire partir. Mais gratter se servirait à rien. On lui avait dit, à l'hôpital, que c'était sans doute un effet secondaire de l'irradiation. Mais ils ne lui avaient pas dit qu'elles progresseraient ainsi. Et si, au final, elle devenait orange de la tête au pied ? Ce serait terrible. Elle serait défigurée, non ?
Elle ne regardait plus le paysage. Elle ne voyait même pas qu'ils avaient atteint la ville. Son regard était fixé sur le rétroviseur extérieur, et sur ces marques qui s'étaient étendues. Elle ne disait plus rien, attendant qu'ils arrivent. Elle pourrait poser ses questions sur les marques aux scientifiques qui feraient les tests. Ils auraient peut-être une réponse, eux...
-
« Voilà, Madame... Vous voyez, ça fait plus de peur que de mal. »
La douce voix d’Aaron Eckhart (http://selenada.deviantart.com/art/Fisherman-s-Son-253253840) était posée et mélodieuse. Il venait d’utiliser une seringue pour piquer Cassandre, prélevant un peu de son sang. C’était une seringue spéciale, en forme de tube. Le jeune homme était récemment entré au SHIELD, et ses beaux yeux bleus avaient fixé avec attention les yeux de Cassandre, notamment les marques oranges qui avaient poussé autour. De ce qu’il avait cru comprendre, cette femme avait réchappé à la récente explosion qui avait détruit une partie de la centrale nucléaire de Seikusu, et avait été traquée par des ennemis du SHIELD. Elle était sous le choc, paniquée, et le responsable du service, un vieux docteur à la barbe grisonnante, un ancien membre du CNRS, le Docteur Johns, était occupé ailleurs, laissant à Eckhart le soin de rassurer cette belle jeune femme. Eckhart était un jeune homme ayant moins de la trentaine. Il avait suivi un cursus classique, commençant par décrocher un doctorat à l’université. Son doctorat avait été lu par de hautes instances, et il avait reçu une offre du gouvernement afin de travailler pour le SHIELD.
Aaron avait accepté, et avait bénéficié d’une formation supplémentaire dans l’une des écoles spécialisées du SHIELD. La formation avait duré quelques années supplémentaires, et il avait ensuite été affecté à Seikusu Base Camp. Le bunker abritait plusieurs sections, et la section scientifique elle-même se subdivisait en plusieurs laboratoires : la xénobiologie, l’étude des mutants, la robotique, etc... Ils se trouvaient dans l’une des infirmeries du SHIELD, et Cassandra avait été installée sur un siège confortable, un fauteuil, où on avait branché des appareils sur son corps pour mesurer son pouls, ainsi que d’autres informations la concernant.
Avec son sang, Aaron se releva, lui souriant à nouveau, et s’approcha d’un ordinateur, mettant ce sang à analyser. Il ne portait pas de blouse, pour le coup. Pendant le trajet de Cassandre vers la base, après l’attaque du Gang Cobra, Natalia avait sommairement expliqué à Cassandre ce qu’était le SHIELD, soit une organisation occidentale affiliée à l’OTAN et ayant des relations avec l’ONU. Natalia lui avait dit que le SHIELD avait été initialement conçu comme un organisme ayant pour tâche de traquer les anciens criminels de guerre nazis, puis, peu à peu, l’organisation s’était développée, passant du contre-espionnage à la lutte contre toutes les menaces et activités paranormales, agissant, non seulement sur le territoire des Etats-Unis, mais aussi chez tous leurs alliés, ce qui impliquait notamment le Japon. Natalia avait parlé plus dans l’objectif de la détendre, car, visiblement, la mutation était en train d’évoluer, et la jeune femme était terrorisée.
Lloyd était en train de faire son rapport, et Natalia était dans un coin de la salle, bras croisés, estimant que rester près de Cassandre suffirait à la rassurer.
« Bien, bien, bien... Cet équipement est vraiment un outillage de pointe, vous savez. Le sang abrite des molécules d’ADN, et, grâce à cet appareil, nous pourrons avoir des informations assez précises sur l’évolution de votre mutation. »
Il parlait pour l’occuper, pour la détendre, afin qu’elle ne panique pas. L’homme n’osait pas le dire en face d’une légende comme Black Widow, mais il trouvait cette mutante affreusement sexy, et serait bien vu en train de la draguer, ou de servir d’aide à domicile. C’était une chose que le SHIELD faisait beaucoup avec les civils dotés de pouvoirs surnaturels : ils envoyaient des agents une fois par semaine pour se renseigner sur l’évolution de la mutation. Il fallait bien le dire : le SHIELD avait beaucoup évolué. Initialement, quand le phénomène mutant avait explosé, ces derniers avaient été vus comme une menace, et étaient enfermés, traqués, servant de rats de laboratoire. La philosophie du SHIELD avait évolué vers un peu plus de tolérance et d’humanité.
« Bien, bien... Votre ADN est effectivement en train de muter... De manière plutôt rapide, je dois dire. »
Devant ses yeux, une série de chiffres et de symboles incompréhensibles pour le commun des mortels était en train de défiler sur un écran.
« C’est assez fascinant... Mais, a priori, vous ne devriez pas vous transformer en un monstre. Cependant... Il faudrait faire des tests approfondis pour que nous en sachions plus sur ce qui vous arrive, et sur l’étendue de vos nouvelles capacités. »
C’était la procédure normale, mais il avait besoin de l’accord de la femme.
« Ça, je peux m’en charger, Docteur Eckhart, intervint alors Widow. Si ça vous dit, Mademoiselle Temple... »
-
« Voilà, Madame... Vous voyez, ça fait plus de peur que de mal. »
A ces mots, Cassandre rouvrit les yeux. Elle n'aimait pas les piqûres, mais elle avait tenu bon. En fermant les yeux et en serrant les dents. Un petit sourire penaud se fraya un chemin sur ses lèvres alors qu'elle hochait la tête. Comme elle était toujours hyper tendue pour les prises de sang et autres vaccins, elle ressentait un peu de douleur, surtout lors des vaccins qui s'enfonçaient dans le muscle.
Elle sourit légèrement au docteur tandis qu'il mettait son sang à analyser. Assise sur une table d'auscultation, avec les jambes qui pendaient dans le vide, elle observa autour d'elle. Après l'affrontement, les deux agents du SHIELD l'avaient immédiatement amenée ici, où le Docteur Eckhart l'avait prise en charge. Très aimable et souriant, il avait tout fait pour la mettre à l'aise pendant qu'il l'auscultait.
« Bien, bien, bien... Cet équipement est vraiment un outillage de pointe, vous savez. Le sang abrite des molécules d’ADN, et, grâce à cet appareil, nous pourrons avoir des informations assez précises sur l’évolution de votre mutation. »
Elle hocha la tête, anxieuse de voir les résultats. Et si c'était quelque chose de, non seulement irréversible, mais qui la changeait en plus en un monstre ignoble, du genre Godzilla ? Que deviendrait-elle ? Que feraient-ils d'elle ? Tout en songeant aux pires possibilités, la blonde se tordait les doigts, dans un geste inconscient d'angoisse. Elle n'était pas croyante, mais elle se mit à prier pour que ce ne soit rien, que ce soit bénin, voire, que ce soit réversible.
« Bien, bien... Votre ADN est effectivement en train de muter... De manière plutôt rapide, je dois dire. »
Elle se mordit la lèvre, jetant un regard à Natalia qui restait pour assister à la visite médicale en bonne et due forme. Etait-ce inquiétant ? L'agent n'en montrait rien, alors la française reporta son regard sur le docteur. Charmant, au demeurant.
« C’est assez fascinant... Mais, a priori, vous ne devriez pas vous transformer en un monstre. Cependant... Il faudrait faire des tests approfondis pour que nous en sachions plus sur ce qui vous arrive, et sur l’étendue de vos nouvelles capacités. »
Un soulagement indicible parcourut Cassandre, qui lâcha un soupire apaisé. Elle voulait bien se prêter à tous les tests possibles, si ça permettait de l'éclairer sur ce qui lui arrivait. Elle mutait, oui, mais comment ? Vers quoi ?
« Ça, je peux m’en charger, Docteur Eckhart. Si ça vous dit, Mademoiselle Trésor... »
Cassandre tourna le regard vers Natalia, un petit sourire aux lèvres.
« Bien entendu. Je vous donne mon autorisation pour faire tout ce qui est en votre pouvoir afin de découvrir à quel point je... Mmm... Mute. »
Plaçant ses mains de chaque côté de ses jambes, Cassandre jette un regard interrogateur aux deux personnes présentes.
« On démarre par quoi, du coup ? D'autres prises de sang ? Des radios ? Des... Exercices ? »
Impatiente, inquiète mais également brave, Cassandre faisait face à son sort le plus dignement qu'elle pouvait. Elle prenait le parti de faire avec ce que le destin lui donnait, et allait essayer de s'en sortir au mieux.
« Y a-t-il eu des cas de mutation ayant conduit à... A la mort ? »
Puis, alors qu'un petit courant d'air la faisait frissonner, et comme elle sentait la fraîcheur du lieu maintenant que l'adrénaline était retombée, elle demanda d'une petite voix :
« Pourrais-je avoir de quoi me... Mmm.. Me couvrir un peu plus ? »
La chair de poule ornait ses bras et ses jambes. Par ailleurs, elle n'y prit pas garde, mais la pointe de ses tétons s'était érigée également au moment du courant d'air, transparaissant parfaitement à travers le fin tissu de son débardeur.
-
« Y a-t-il eu des cas de mutation ayant conduit à... A la mort ? »
Pour d’évidentes raisons, Natalia ne comptait pas répondre à cette question. Des mutations expérimentales avaient effectivement conduit à la mort des cobayes, notamment quand l’HYDRA avait mené des expériences illégales, il y a quelques années, afin de transformer de simples humains en mutants. Le SHIELD avait cru leprojet abandonné, mais certains évènements récents, comme l’accident subi par Cassandre, laissaient entendre que les choses n’étaient peut-être pas aussi simples. Se demandant ce qu’elle allait lui répondre, la femme enchaîna alors sur autre chose, demandant à être un peu plus couverte, d’une petite voix timide.
Natalia comprit instantanément que cette femme plaisait beaucoup à Eckhart, qui rougit légèrement en rehaussant ses lunettes sur son nez, une sorte de geste nerveux et inconscient destiné à masquer son trouble. Quant à elle, ses tétons pointaient, et ce n’était pas lié qu’au froid.
« Je vais aller vous chercher un uniforme, Mademoiselle. Vous n’avez qu’à me suivre, nous n’allons pas déranger le docteur Eckhart pendant ses recherches, n’est-ce pas ? »
Elle avait un sourire malicieux sur le coin des lèvres. Au sein du SHIELD, Black Widow était une légende, une super-espionne connue pour avoir réussi à infiltrer seule les plus hauts niveaux de Triskelion, et à avoir foutu une panique monstre dans le QG central du SHIELD.
« Euh... Oui, oui, bien sûr, je... Je reviendrais vous voir, Mademoiselle Temple, pour... Enfin... Les analyses. »
Natalia secoua lentement la tête, puis sortit avec Cassandre. Dès qu’elles furent dans le couloir, avec un sourire sur le coin des lèvres, Natalia se permit une petite pique :
« Je crois qu’il vous aime bien. Eckhart n’est pas méchant, mais il est un peu gauche avec les filles... »
Elle rejoignit un vestiaire, laissant Cassandre à ses pensées, pour lui présenter un uniforme (http://3.bp.blogspot.com/-XKxCdBD2NbM/TWblUn0IkuI/AAAAAAAAANU/YiUcaW8AQu0/s1600/cviper02.png).
« C’est une entorse au règlement, mais je prends sur moi. Au moins, vous aurez chaud là-dedans... De toute façon, on trouve des cosplays de l’uniforme sur le Net, maintenant... »
Ouais, c’est dingue tout ce qu’on pouvait trouver sur Internet, de nos jours. Elle laissa à Cassandre le soin de l’enfiler, et, tandis que la femme s’habillait, Natalia lui expliqua la suite du programme :
« Pour l’entraînement, nous avons une sorte de programme en réalité virtuelle... On appelle ça « Le Fauteuil », car il faut s’installer dans une espèce de fauteuil... Plus ou moins. L’appareil se relie à votre système nerveux et à votre cerveau. Ça ne provoque aucune séquelle, et ça permet d’avoir un rendu réaliste, puisque le programme charge vos propres caractéristiques. On s’en sert pour tester les pouvoirs des mutants, je pense que c’est un bon moyen d’en savoir un peu plus sur vos capacités... C’est un peu comme Matrix, si vous avez déjà vu le film. »
Elle finit par se retourner, et observa la femme, un sourire sur les lèvres.
« Et bien, il vous va plutôt bien... Méfiez-vous, si vos tétons se mettent à pointer, Eckhart le verra. Vous avez vu la manière dont il rougissait tout à l’heure ? Je vous avais dit qu’il était plutôt mignon... »
-
Cassandre esquissa un sourire amusé. Le docteur Eckhart ne lui était pas désagréable non plus. Sa maladresse était attendrissante. La française laissa ses pensées vagabonder, ne répondant pas à Black Widow. Ce n’était pas une question, de toute façon. Elle la suivit jusqu’aux vestiaires, admirant malgré elle l’attitude sûre d’elle de l’espionne. Si seulement elle avait autant confiance en elle que la femme devant elle…
Elle secoua légèrement la tête, chassant ses pensées quand la rousse lui présenta un uniforme. Il était… Surprenant. Ce n’était pas vraiment le style de la jeune femme. Mais elle le prit avec gratitude, anticipant la chaleur qu’elle ressentirait avec plaisir.
« C’est une entorse au règlement, mais je prends sur moi. Au moins, vous aurez chaud là-dedans... De toute façon, on trouve des cosplays de l’uniforme sur le Net, maintenant... »
Souriante, et peu pudique, Cassandre entreprit de se changer. Elle ne garda que son tanga avant de se faufiler dans le vêtement, remontant la fermeture jusqu’à la naissance de ses seins. Elle était mal à l’aise, en règle générale, avec tout ce qui se fermait jusqu’au cou. Elle avait l’impression d’étouffer. C’était en grande partie à cause de cette sensation qu’elle ne portait que ses décolletés.
Après s’être changée, elle plia ses vêtements avec soin, les gardant à la main en ne sachant qu’en faire, tout en écoutant attentivement la superbe rousse qui lui expliquait la suite des opérations.
« Pour l’entraînement, nous avons une sorte de programme en réalité virtuelle... On appelle ça « Le Fauteuil », car il faut s’installer dans une espèce de fauteuil... Plus ou moins. L’appareil se relie à votre système nerveux et à votre cerveau. Ça ne provoque aucune séquelle, et ça permet d’avoir un rendu réaliste, puisque le programme charge vos propres caractéristiques. On s’en sert pour tester les pouvoirs des mutants, je pense que c’est un bon moyen d’en savoir un peu plus sur vos capacités... C’est un peu comme Matrix, si vous avez déjà vu le film. »
Elle voyait très bien. Matrix était l’un de ses films préférés quand elle était plus jeune. Cela faisait d’ailleurs plutôt longtemps qu’elle ne s’était pas refait la trilogie. Avec un sourire, elle hocha doucement la tête, tripotant la fermeture de l’uniforme, hésitant à la descendre un peu. Elle commençait déjà à ressentir cette sensation d’étouffement. Elle l’avait remontée un peu haut.
« Eh bien, il vous va plutôt bien... Méfiez-vous, si vos tétons se mettent à pointer, Eckhart le verra. Vous avez vu la manière dont il rougissait tout à l’heure ? Je vous avais dit qu’il était plutôt mignon... »
Un petit rire échappa à la française, tandis qu’elle finissait par descendre de quelques crans la fermeture, restant malgré tout décente.
« Je vais faire attention alors. Mais oui, c’est vrai qu’il est plutôt mignon… »
Son regard pétilla de malice, avant qu’elle ne revienne sur un sujet plus sérieux. Les marques sur son visage qui s’étaient allongées, ça la faisait un peu flipper.
« Je suis prête à faire tous les tests que vous me proposerez. Pour ce fauteuil dont vous me parliez… Quand est-ce que l’on pourrait… Euh… Eh bien, le tester ? »
Elle avait lâché la fermeture de l’uniforme, mais dans sa nervosité, elle jouait à présent avec ses vêtements qu’elle avait pourtant si bien plié. Elle tordait anxieusement le tissu, ayant peur de se changer tout à coup en monstre ignoble ne désirant que détruire et dévaster. Elle avait vu tant de films qui présentaient les mutants comme des monstres… Le moins terrifiant, c’était Les Tortues Ninja. Mais elle n’avait pas envie de ressembler à une tortue.
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La femme enfila assez rapidement la combinaison, sans remonter la fermeture jusqu’au cou. L’uniforme lui allait plutôt bien, et la diversion du docteur Eckhart ne dura que quelques secondes. Parler de mecs était aussi une manière de détendre Cassandre, de la ramener sur des terrains connus, en lui montrant que les « agents du gouvernement », cette obscure caste cinématographique regroupant un ensemble indistinct d’hommes en costard-cravate, étaient des gens tout à fait normaux... Ou presque. Si on excluait l’entraînement militaire et le lavage de cerveaux, Natalia pouvait presque paraître être normale. Sa tentative de rassurer Cassandre fit toutefois long feu, prenant la forme d’un pétard mouillé. Le corps de la femme tremblait de nervosité, et il n’y avait même pas besoin d’être grand clerc pour le voir. Après quelques secondes, Natalia eut la certitude que Cassandre était retournée dans son univers, celui où elle s’imaginait être transformée en un abominable mutant de dix mètres de haut avec cinquante bras et des pustules gros comme le poing qui écloraient sur son abdomen.
Natalia attrapa les poignets de Cassandre, les maintenant fermement, la forçant ainsi à la regarder.
« Hey ! Tout va bien aller, okay ? Si vous deviez vous transformer en une bête abominable, on ne serait pas en train de discuter. Vous comprenez ? Il y a des protocoles en cas de mutation, des niveaux de danger en fonction desquelles on adapte notre traitement. D’après les informations préliminaires du docteur Eckhart, vous êtes classée ‘‘Orange’’. Ça veut dire que vous avez des aptitudes importantes, mais que vous ne constituez pas une menace.
Son regard ne se détachait pas du sien, sa voix était ferme et assurée.
« Votre ADN va encore évoluer, mais les effets les plus importants de votre mutation ont déjà eu lieu. Vous vous êtes pas transformée en monstre ? Vous avez pas les doigts palmés ? Vous êtes toujours aussi craquante, alors il n’y a aucune raison que ça empire. Croyez-moi, nous avons de l’expérience avec ce genre de choses. Ce qui vous arrive est extraordinaire, mais vous n’êtes pas un cas unique. »
Tout ce qu’elle disait était faux, ou presque. Il n’existait aucun protocole en matière de mutation impliquant des codes couleurs. Soit le mutant était hostile, soit il ne l’était pas. Le reste n’était qu’un ensemble de situations variables et tellement complexes qu’il était difficile de le contrôler scientifiquement. Ce que Natalia disait servait juste à rassurer Cassandre. Elle était intimement convaincue que l’ordre était ce dont les individus avaient besoin pour se stabiliser, et pour se rassurer. Les théories du complot foisonnaient toujours lors d’évènements catastrophiques et imprévisibles, comme l’assassinat de Kennedy, ou même les attentats du 11-Septembre. Pour Natalia, si ces théories trouvaient souvent un écho favorable, c’était parce que les gens avaient besoin de se rassurer, de se persuader qu’un seul homme n’avait pas le pouvoir de porter atteinte à l’intégrité de tout un système entier, et que e déséquilibré n’était en fait que le bouc-émissaire d’un système beaucoup plus évolué. Autrement dit, l’humanité avait besoin d’ordre dans sa vie. C’était quelque chose que Natalia comprenait et acceptait, et c’était pour ça qu’elle rassurait Cassandre, en lui disant que le SHIELD avait des procédures extrêmement précises à suivre... Un peu comme si on allait dans un hôpital, et qu’on savait que la maladie qui vous affectait serait traitée par des spécialistes qui la connaissaient, et savaient y apporter le remède approprié.
Dans les faits, la réalité était bien plus nuancée. Pour l’heure, tout ce qu’Eckhart avait fait, c’était de dire que Cassandre était en bonne santé. En revanche, ce qui était vrai, c’est que, généralement, les mutations principales survenaient dans les vingt-quatre heures. Les évolutions postérieures étaient liées à la principale mutation, et ne s’en éloignaient jamais, sauf dans quelques cas particuliers.
« Chaque fois que nous trouvons un mutant, il craint de se transformer en une espèce de phénomène à foire... Mais, généralement, ces transformations sont héréditaires. Vous n’aviez pas de parent tentaculaire ou à six bras, n’est-ce pas ? Alors, il n’y a pas de raisons de s’en faire. »
Elle ignorait si Cassandre serait convaincue. Elle ne pouvait que l’espérer. Widow relâcha ses poignets, puis se mit en marche.
Le complexe souterrain était très sécurisé. Il y avait des caméras de sécurité à chaque couloir, des drones qui filaient parfois le long des couloirs, et de multiples portiques de sécurité se caractérisant par des portes de verre renforcée. Pour passer, Natalia devait à chaque fois se soumettre à un scan rétinien et digital, et utiliser une carte de sécurité. De multiples agents se promenaient fréquemment, sans que personne ne pointe Cassandre du doigt en la traitant de monstre. Natalia continua à s’avancer le long des couloirs, rejoignant la section « Informatique » du département scientifique. Inutile de faire une visite guidée à Cassandre, Widow restait silencieuse. On trouvait ici tous les petits génies et les nerds du SHIELD, traquant les ennemis de l’organisation sur le Net, ou, tâche encore plus importante, filtrant les informations sur les réseaux sociaux et sur le Web. Un article de blog parlant d’une faille dimensionnelle à Seikusu, un tweet mentionnant la présence d’un Wendigo au Québec, une photographie sur Facebook montrant un curieux artefact extraterrestre logé dans la Cordillère des Andes... C’était une forme de censure moderne, suffisamment intelligente pour utiliser les instruments d’Internet de manière efficace. L’article de blog n’était pas supprimé, son contenu était lu, et, s’il était estimé suffisamment précis pour être dangereux, les logiciels du SHIELD agissaient pour le déréférencer. Dans un univers aussi vaste que la Toile, il était facile de noyer tel ou tel article dans la masse.
Natalia avait beau enfreindre certains protocoles, elle ne comptait pas parler de la censure à une simple civile. Elles arrivèrent jusqu’à une double porte, et, encore une fois, Natalia se soumit aux différents contrôles requis. La double porte s’ouvrit rapidement, menant à une pièce abritant le « Fauteuil »... C’était une sorte de grosse sphère métallique montée sur une plateforme, avec une baie d’observation en hauteur. Il était relié à une multitude de superordinateurs par le biais de gros câbles électriques.
« C’est assez facile à comprendre. Il y a des fauteuils à l’intérieur qui permettent de relier le corps à cette structure par le biais de câbles et d’électrodes. Rassurez-vous, ce n’est pas douloureux. Ils se relient au système nerveux par le biais de votre moelle épinière, et, grâce à tous ces superordinateurs, et à la baie de contrôle là-haut, une équipe charge différentes simulations L’idée sera d’expérimenter vos pouvoirs dans un environnement virtuel, avant de s’exercer à le faire dans un environnement réel. »
Elle lui laissa le temps de digérer tout ça, puis reprit :
« Il faudra un petit temps d’adaptation... Ce sont des simulations très bien faites, si crédibles que le cerveau humain est trompé, et pense donc que ce qui se déroule dans la simulation est réel. Vous n’êtes pas sujette à l’épilepsie ? »
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Cassandre se trouva rassurée par l'agent. Elle sourit, ses épaules se détendant à mesure qu'elle entendait les paroles qu'on lui adressait. Elle esquissa un sourire, remerciant Black Widow d'un signe de tête. Et elle la suivit, réfléchissant à ce que la mutation avait pu engendrer chez elle. Elle savait que les marques sur ses tempes s'étaient étendues. Mais elle ignorait jusqu'à où elles le feraient. Ce n'était pas moche. C'était un peu comme un tatouage. Particulier, oui, mais au final, ce n'était pas si dramatique. Elle repensa à ces mutants qui faisaient la une des journaux aux états unis et en France. L'homme qui s'était transformé en terre, des quatre fantastiques. Ou même Hulk. Elle ne serait pas comme eux, selon la rousse qui la guidait.
Quand elles pénétrèrent dans la salle abritant le Fauteuil, la française marqua un temps d'arrêt. C'était impressionnant. Elle leva les yeux, observant le tout, s'imaginant sans peine dans un vaisseau spatial. Elle ne reprit conscience de ce qui se passait que lorsque Natalia lui expliqua le fonctionnement de cette super machine. Elle l'écouta attentivement, se demandant en même temps ce qu'allaient être les simulations choisies pour elle.
Quand elle posa la question sur l'épilepsie, Cassandre secoua la tête.
« Non. Et il n'y a aucun antécédent dans ma famille, de ce que je sais. »
Elle se tourna vers la rousse, lâchant la sphère du regard.
« C'est vos techniciens qui décident des simulations ? »
Elle n'osait pas demander si l'une des simulations lui ferait revivre l'accident du complexe, mais celle-ci était bien présente dans son esprit. Elle espérait qu'il n'y aurait pas de feu. Elle avait une peur panique du feu depuis l'accident. La question lui brûlait les lèvres, mais elle ne pouvait se résoudre à la poser.
Finalement, se retournant vers le fameux Fauteuil, elle se décida à demander :
« Est-ce qu'il y aura des incendies, dans ces simulations ? »
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Oui, Natalia reconnaissait volontiers qu’il y avait, avec ce Fauteuil sphérique, quelque chose digne de « Star Trek ». Elle ignorait comment le SHIELD avait pu créer une telle machine, mais elle avait ses pistes. L’organisation était spécialisée dans la collecte d’objets extraterrestres, les stockant dans des bases de recherche ultrasecrètes. Ils les utilisaient pour faire des recherches afin d’améliorer leur équipement, leurs armes, et leurs techniques d’investigation scientifique. Ils n’avaient que quelques années d’avance sur la technologie normale. La réalité virtuelle était de plus en plus, dans la vie civile, quelque chose qui était en train d’éclore. Les productions pornographiques réfléchissaient déjà à des moyens d’inventer de nouveaux films, plus réalistes et plus immersifs, en se fondant sur l’usage de la 3D. De manière générale, plus on se renseignait sur l’implantation des nouvelles technologies dans la société, et plus les univers dystopiques imaginés dans les œuvres de science-fiction devenaient réalistes.
La mutante expliqua à Natalia n’avoir aucun problème d’épilepsie, ce qui faisait qu’elle pouvait donc passer sur le Fauteuil. Il était en soi toujours possible qu’elle fasse une crise, mais c’était peu probable. L’être humain du 21ème siècle était habitué au numérique, au virtuel, et à mélanger les deux. Partant de là, Natalia estimait que Cassandre avait toutes ses chances pour survivre à ce choc, et pouvoir s’y adapter.
« Il existe des programmes par défaut, et il suffit de les charger, expliqua-t-elle à Camille. Rassure-toi, nous prendrons une simulation assez simple, c’est ta première fois, après tout... Et il n’y aura pas d’incendies. »
Natalia ne voulait pas la forcer à faire autre chose, ou à se lancer dans des programmes trop compliqués. Peut-être qu’elle avait la phobie du feu ? Après l’accident qu’elle avait vécu, c’était compréhensible.
« Viens, suis-moi. Dis-toi que c’est comme un jeu vidéo grandeur nature. »
L’intérieur de la sphère se composait de plusieurs fauteuils qui se faisaient face, et qui se dépliaient ensuite quand la sphère se refermait, couchant ainsi les « joueurs ». Natalia attacha Cassandre, et lui expliqua qu’elle allait ressentir une petite piqûre à hauteur de son cou. Le dispositif se reliait à son épiderme nerveux, afin que les sensations soient plus réalistes.
« Ton corps ne craint rien. Si tu meurs dans la simulation, tu reviendras dans le monde réel... Ce sera la même sensation qu’un cauchemar horrible. »
Elle évita de préciser que, dans les cas les plus extrêmes, il y avait vomissements, maux de tête, ou même des personnages faisant de la tachycardie. Malheureusement, le virtuel était encore un monde assez inexploré et mal compris, et qui dépendait beaucoup des utilisateurs. Néanmoins, les cas extrêmes tendaient à diminuer après chaque mise à jour, afin d’aider à avoir une plus grande stabilité du système. Cependant, le dire aurait été subtil que d’aller à l’hôpital pour se faire opérer et tomber sur un médecin qui passerait son temps à vous parler des erreurs médicales et des maladies nosocomiales. L’idée était de rassurer Cassandre, pas de la faire paniquer.
La piqûre eut lieu au bout de quelques secondes, entraînant automatiquement un réflexe nerveux. Une partie du fauteuil se déplia alors, formant le serre-tête, et une visière se forma... Comme un casque 3D.
« Okay, je m’installe à mon tour. »
Natalia s’assit donc, et, au bout de quelques instants, la sphère se referma, et les corps se déplacèrent, tandis que, dans la visière de la casque, des images apparurent, annonçant un chargement du logiciel. Le chargement ne prit que quelques secondes, et, pour Cassandre, comme pour Natalia, ce fut comme un petit trou noir.
Quand Natalia rouvrit les yeux, les deux femmes se trouvaient dans un entrepôt qui semblait abandonné. Natalia avait son uniforme moulant, et Cassandre portait une robe blanche.
« Vous feriez fureur, dans cette robe... Bon, vous êtes prête pour commencer ? »
Elle lui laissait le temps de s’imprégner de cet environnement. Comme Natalia le lui avait dit, tout était extrêmement réaliste, que ce soit le toucher, l’ouïe, ou même l’odorat. Le cerveau était en train d’agir, et il était tout simplement leurré, car il était persuadé que ce qu’il vivait était réel.
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La réponse de Black Widow détendit immédiatement la jeune femme. Pas d'incendie. Parfait. Elle avait les flammes en horreur, depuis l'accident. A part la flamme des briquets, ou des bougies. Elle n'allumait plus que très rarement la cheminée de sa maison, ayant peur que le feu dégénère. C'était illogique, mais c'était comme ça. Le traumatisme était trop profond. Trop récent. Elle se retrouvait tétanisée devant des hautes flammes, même si elles étaient confinées dans un âtre.
Cassandre ne jouait pas beaucoup aux jeux vidéos. Mais elle connaissait le principe. Plusieurs de ses amis étais accro à ces trucs. Elle avait le droit, dès qu'elle les voyait, à un résumé détaillé de leurs campagnes, et tout ce qui s'ensuit. C'est pourquoi l'appréhension qu'elle ressentait était moindre, et elle laissa Natalia l'attacher comme il le fallait. Elle sourit, serrant les dents en ressentant la piqûre, mais elle se détendit bien vite quand le fauteuil s'adapta pour accueillir parfaitement sa tête, la soutenant pour qu'elle ne risque pas de se rompre le cou en cas de convulsions. Elle eut le réflexe de fermer les yeux, mais l'apparition d'une sorte de visière l'en empêcha.
Curieuse, elle hocha la tête comme elle le put quand l'agent du SHIELD annonça qu'elle allait s'installer, et elle essaya d'empêcher la panique de monter. L'image du bureau qui l'écrasait lors de l'explosion lui revint en tête, mais quelques longues inspirations et expirations permirent à la française de se détendre. Finalement, la visière afficha le chargement du logiciel, et soudain, ce fut le noir. Cassandre eut l'impression de basculer, son esprit se laissant guider par le logiciel, et elle se retrouva debout, aux côtés de la rousse, dans un entrepôt vide. Laissé à l'abandon, même. Elle observa rapidement les murs décrépits, rongés par la moisissure et par la végétation, avant de reporter son attention sur sa compagne dans la simulation.
Si Natalia portait son uniforme, comme dans la réalité, la blonde, en revanche, portait une robe blanche, légère, qui dévoilait ses formes en cachant l'essentiel, laissant l'imagination travailler. Elle tourna sur elle-même, un sourire flottant sur ses lèvres, et toucha du bout des doigts la matière vaporeuse, presque arachnéenne, qui couvrait son corps. Elle avait vraiment l'impression de porter cette robe, ces voiles qui l'habillaient. C'était impressionnant. Son regard se posa sur des blocs de bétons, écrasés à terre, provenant d'un mur qui n'avait l'air de tenir que par un miracle. Elle sentait une odeur de renfermé, et entendait même le bruit du vent contre la tôle qui recouvrait l'entrepôt.
« C'est vraiment impressionnant ! Souffla-t-elle, avec le ton d'une enfant qui découvre que le père Noël est passé avec trois mois d'avance. »
Elle tourna encore une fois sur elle-même, ressentant les voiles caresser ses longues jambes, et se rendit compte qu'elle portait de sublimes sandales blanches, avec un talon assez haut, d'inspiration romaine. Les lanières entouraient ses chevilles, remontant sur ses mollets, tenant la chaussure contre son pied. Avec un petit rire, elle sautilla, et le bruit des talon sur le sol bétonné de l'entrepôt résonna un instant.
« Que pensez-vous qu'il va se passer à présent ? »
La blonde lança un regard interrogateur à l'agent, mais elle n'eut pas le temps d'attendre la réponse. Presque dix secondes après, un éboulement se produisit. Le mur, bancale jusqu'à présent, venait de s'écrouler à côté d'elles. Heureusement, l'éboulis ne toucha pas les deux femmes. Mais ça laissa la place à une créature que la française n'aurait jamais cru voir en vrai. Enfin, même dans une réalité virtuelle.
La bête se dressait sur deux gigantesques pattes musclées, pour atteindre facilement les quatre ou cinq mètres. Du bout de la queue à la monstrueuse gueule, il faisait facilement une douzaine de mètres. Le poids, lui non plus, ne devait pas être en reste. Quand elle se déplaça, la créature laissait des empreintes à trois gros doigts griffus. Il devait avoisiner les six tonnes, parce que le goudron sous ses pattes s'enfonçait de plusieurs dizaines de centimètres. C'était un tyrannosaure, avec de la bave qui suintait entre ses dents acérées.
« Oh mon dieu. »
L'oeil de la bête préhistorique, attirée par le mouvement involontaire de Cassandre, s'intéressa à eux. Ses deux pattes avants, tronquées, bougèrent, et il pencha sa grosse tête écailleuse vers eux, son œil les fixant d'un air terrifiant. Sans pouvoir le contrôler, la blonde tremblait, et la bête rugit, projetant de la bave et une haleine fétide vers elles, ainsi que des restes d'un déjeuner copieux. La française ferma les yeux, priant pour qu'ils ne les voient plus.
Son pouvoir s'activa alors. Elle n'y prit pas garde, mais une douce chaleur se répandit dans ses membres, dénouant ses muscles tendus, alors que les cellules de son corps mutaient pour devenir "invisibles". Ses doigts s'accrochèrent à l'agente du SHIELD, mais le pouvoir ne se transmettait pas. Entre ses dents, Cassandre souffla :
« Je crois... Je crois que la bête est attirée par les mouvements. Il ne- Oh ! »
Venant de rouvrir les yeux, la jeune femme se rendit compte qu'elle ne voyait plus ses doigts qui agrippaient pourtant le bras de Natalia. Elle ne voyait qu'une forme floue, alors que Black Widow ne devait plus rien voir du tout.
« Dites-moi que ce n'est pas ce que je pense... Dites-moi que je ne suis pas invisible... Chuchota la française, oubliant momentanément la présence pourtant rugissante de la créature qui aurait dû n'être qu'un fossile, à l'heure actuelle. »
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Dans le petit bureau faisant face à la pièce, plusieurs techniciens et informaticiens étaient affairés devant leurs écrans. Ils surveillaient le pouls des deux femmes dans la simulation, ainsi que le fonctionnement de cette dernière. Cette technologie futuriste restait encore expérimentale, et, même s’il n’y avait théoriquement aucun risque, il arrivait toujours que certaines données importantes fassent planter le programme. Ils en avaient eu la désagréable expérience en essayant de profiter de la simulation pour vérifier la limite des pouvoirs de Miss Marvel. Ses pouvoirs reposant sur l’absorption d’énergie, ils avaient bombardé cette dernière, et la puissance dégagée avait été telle que les processeurs s’étaient mis à surchauffer, entraînant plusieurs coupures d’urgence des ordinateurs. Carol n’avait eu aucune séquelle, mais les techniciens n’avaient pas été très rassurés. La réalité virtuelle était encore un domaine sur lequel l’humanité n’avait qu’une emprise modérée, et les risques étaient aussi dangereux que méconnus. Ils suivaient donc attentivement, prêts, s’il le fallait, à rompre la simulation, notamment si l’un des sujets se mettait à paniquer. Comme Widow l’avait brièvement expliqué à Cassandre, le cerveau était un outil formidable, qu’il était facile de leurrer... Ce qui était autant une bonne chose qu’une mauvaise. S’il croyait fermement à quelque chose de faux, alors l’organisme réagissait en conséquence. C’était le principe des placebos, ces médicaments fictifs qui soignaient le malade imaginaire convaincu d’être réellement victime de quelque chose. Et, concernant plus spécifiquement la réalité virtuelle, elle se rapprochait de cette légende urbaine propre aux rêves : si vous étiez tué dans un rêve, vous l’étiez en vrai. Ce n’était pas totalement exact, mais on avait tous fait un rêve intense, un cauchemar qui se termine mal... Le sujet se réveille en grand état de stress, et, pendant quelques secondes, voire quelques minutes, est intimement convaincu qu’il a réellement vécu ce dont il a cauchemardé. La simulation reposait en partie sur ce mécanisme.
En gros, on pouvait dire que l’agent Romanov et Cassandre étaient en train de rêver. Un rêve éveillé, et un rêve terriblement crédible. Cassandre le réalisa rapidement, amenant sur les lèvres de l’agente russe un léger sourire amusé. Elle lui laissa le temps de s’y faire, tout en se demandant à quoi correspondait cette robe... Elle lui allait plutôt bien, avec son teint pâle et sa chevelure très claire. Elle était suffisamment ample pour éviter de réfréner ses mouvements, et ainsi lui permettre de pouvoir se battre plus efficacement contre les ennemis qui leur tomberaient dessus.
« Que pensez-vous qu'il va se passer à présent ? demanda-t-elle.
- Je... »
Natalia comptait lui dire qu’elle n’en avait pas la moindre idée, mais, au même moment, un rugissement surpuissant se fit entendre. Elle sursauta, surprise, puis vit ensuite le plafond s’écrouler en partie, livrant passage à un énorme monstre. Natalia écarquilla les yeux en voyant un Tyrannosaure débarquer. Elle s’était plutôt attendue à de simples bandits... Soit les informaticiens avaient un drôle d’humour, soit l’inconscient de Cassandre interférait avec la programmation de la machine. Quoiqu’il en soit, un flamboyant T-rex se tenait devant elles, et leur hurla dessus. Un rugissement qui vrilla les tympans de Natalia, tout en balançant un peu de sa bave dégueulasse sur sa combinaison.
Cassandre, de son côté, hurla à son tour en faisant un pas en arrière. Le T-rex déplaça alors sa tête vers elle. Cassandre avait fermé les yeux... Et disparut. Natalia sentait toujours sa main contre elle, mais le corps de la femme avait disparu, devenant aussi transparent que si elle était devenue Susan Storm. Natalia cligna des yeux pendant quelques secondes, avant d’entendre à nouveau la voix de la femme résonner :
« Dites-moi que ce n'est pas ce que je pense... Dites-moi que je ne suis pas invisible...
- J’ai bien peur que ce soit le cas. »
Plus troublant encore, ses vêtements étaient également devenus transparents... Mais Black Widow, elle, ne l’était pas. Ce pouvoir devait donc s’étendre à tout le corps de Cassandre, incluant ses vêtements, ce qui confirmait le lien entre l’esprit et les pouvoirs. Cassandre s’était visualisée invisible, et elle s’était visualisée avec sa robe. Ce faisant, pouvait-elle rendre autre chose invisible ?
« Essayez de le faire sur moi, Cassandre... Pensez à ce que je devienne invisible, je vais attirer cette bête. »
Le Tyrannosaure avait redressé sa tête, et Natalia tendit son bras, envoyant une fléchette. Elle heurta l’épaisse peau du monstre, qui hurla à nouveau, et fondit droit vers elle, sa gueule s’ouvrant en grand. Natalia roula sur le côté, et les dents du monstre heurtèrent le bitume. Il s’avança un peu, et Natalia se redressa en bandant ses muscles. Elle s’appuya sur son dos, et élança ses jambes en avant, ce qui lui permit de se retourner en plein vol, et ainsi d’atterrir sur ses pieds. Le T-rex avait penché sa tête vers elle, et elle prit son élan, se mettant à courir. La gueule du monstre s’ouvrit en grand, et Black Widow tendit sa main. Depuis les bracelets entourant ses poignets, un filin argenté jaillit, et alla s’agripper à une poutre. Elle rétracta son grappin, évitant ainsi la gueule du monstre, et relâcha le grappin, tout en tournoyant en l’air. La tête en bas, faisant le show, elle canarda la tête du monstre avec ses deux pistolets. Le T-rex rugit de douleur, les balles peinant à percer sa peau, mais lui faisant tout de même mal. Natalia atterrit sur le dos du monstre, glissant dessus comme une espèce de toboggan, puis sauta à nouveau sur le sol.
Le tyrannosaure se retourna alors, et sa gueule fondit à nouveau vers elle. Cette fois-ci, elle l’évita en courant et en glissant sur le sol. La gueule du monstre passa au-dessus de son corps, et elle en profita pour balancer une autre fléchette anesthésiante, avant de se retourner, et de se relever. Volontairement, Natalia se mettait en danger, frôlant de près la gueule du monstre, de manière à ce que Cassandre la pense réellement en danger, et que le pouvoir soit donc plus efficace... Même si rien ne garantissait qu’il fonctionnerait. L’idée était de voir ce dont Cassandre était capable et ce dont elle n’était pas capable.
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C'était plus facile à dire qu'à faire. Malgré tous les efforts de la blonde pour se concentrer et essayer de rendre Black Widow invisible, elle échouait. Et pendant ce temps-là, Natalia risquait sa vie. Oui, Cassandre avait oublié qu'il ne s'agissait que d'une simulation. La panique envahissait son esprit. Elle était invisible pour le Tyrannosaure, mais elle avait l'impression qu'il pouvait la manger d'un instant à l'autre.
« Merde. Merde, merde, merde. »
Plaquée contre un pilier à moitié effondré, Cassandre souffla. Elle essaya d'oublier la grosse bête dangereuse, et pensa à Natalia. Elle la visualisait parfaitement. Elle pensa à ce que Natalia devienne invisible. Mais quand elle ouvrit les yeux pour regarder, ça n'avait pas marché. Elle pensa plus fort à l'invisibilité. Et regarda à nouveau. Toujours rien. Par contre, le pilier contre lequel elle était, elle ne le voyait plus. Dès qu'elle retira sa main, le pilier reparut.
« Oui ! ».
Réunissant son courage, Cassandre inspira et expira deux fois. Et puis elle se lança. Elle fonça, tête baissée, vers Black Widow, réussissant à l'attraper en la plaquant presque à terre, pensant très fort à ce qu'elle devienne invisible. A son grand soulagement, ça fonctionna. La française était fébrile. La bave du T-Rex coulait sur son dos, mais il ne les voyait plus. Il restait à les chercher, immobile. Le souffle de Cassandre était court. Elle était totalement paniquée, et s'efforçait de ne pas cesser de penser à l'invisibilité de son corps et de sa compagne. Si elle flanchait, elles étaient mortes.
Finalement, l'animal redressa sa gueule pleine de dents acérées, et partit d'un pas lourd. Les yeux fermés, la blonde entendait le pas de l'animal s'éloigner, faisant trembler le sol. Puis, plus rien. Mais Cassandre restait figée, incapable de bouger. Elle finit par murmurer à Natalia :
« Il... Il est parti ? »
Elle avait ouvert les yeux, et fixait l'endroit où devait se trouver l'agent du SHIELD. Elle la sentait bien, mais elle ne la voyait pas. A peine une vague trouble dans l'air.
Finalement, Cassandre se recula, et rompit le contact avec Natalia. D'un coup, la femme redevint visible. Mais pas elle. Elle se releva, se redressant sur ses genoux, et essaya d'arrêter ça. Mais rien à faire.
« Euh... Je crois que je suis bloquée en mode invisible. C'est... C'est grave ? »
Fébrile à nouveau, la française essaya de s'imaginer visible. Sans succès. Par trois fois elle réessaya. Par trois fois elle échoua. Et puis, finalement, alors qu'elle abandonnait, découragée, elle recommença à voir ses doigts. Progressivement, l'invisibilité régressait.
« Ah. Ouf. »
Souriante, bien qu'encore un peu secouée, la blonde frissonna, et se releva. Sa belle robe était salie par la poussière, et un peu déchirée aussi, à cause de son "plaquage" au sol. Elle n'avait pas finit de se redresser que la terre trembla. Ce qui restait de l'entrepôt vacilla dangereusement. Près d'elles, un pilier tomba. Natalia l'échappa de peu. Mais pas Cassandre. Le pilier tomba sur jambes. Elle eut beau reculer, le bloc de béton l'écrasa.
Gémissant de douleur quand elle se tordit la cheville en essayant de se libérer, Cassandre ne vit pas un second pilier tomber près d'elle. Elle sursauta, et un autre bloc de béton tombait vers elle. Dans un cri, elle leva les bras pour se protéger. A sa grande surprise, elle réceptionna le bloc sur la paume de ses mains. C'était... C'était comme s'il ne pesait rien.
« Oh. Oh. »
Craignant de briser l'équilibre qui s'était établi, elle ne bougea pas. Mais elle tremblait. Finalement, elle rejeta le bloc loin d'elle, et eut un choc en le voyant filer à l'autre bout de l'entrepôt.
« Oooh ! »
Elle faillit frapper dans ses mains, dans un ravissement enfantin, mais la douleur de sa cheville la rappela à l'ordre. Elle grimaça, et poussa d'un coup sec le bloc de béton loin d'elle.
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Le T-rex était une grosse bête furieuse, et, en sentant l’adrénaline du combat et ce fourmillement de sensations, Natalia peinait également à se rappeler que ce qu’elle vivait n’était pas réel. Le cerveau était vraiment un organe incroyable, et ses réflexes étaient piégés par ce qu’il voyait et ressentait. Le T-rex continuait à la charger, mais Widow était rapide, et suffisamment alerte et agile pour ne pas céder à la panique, et pour esquiver ses charges. Elle maîtrisait ce gros monstre, même si elle n’était qu’une petite souris, bien incapable de pouvoir lui faire du mal. La créature était trop grosse, trop massive pour être réellement inquiétée par un poids plume aussi léger. Sa seule option était de continuer à jouer avec lui jusqu’à ce que Cassandre réussisse à user de ses pouvoirs. C’était, après tout, la fonction première de la simulation.
Le Tyrannosaure continua à la poursuivre, et Natalia se mit à courir, filant vers des piliers, et bondit sur le côté, roulant sur le sol. Le monstre défonça le pilier en métal, faisant trembler le plafond, et sa queue caudale fila droit vers Natalia. Elle se la reçut de plein fouet, et rebondit sur le sol à plusieurs reprises, roulant par terre, avant que son dos n’atterrisse contre d’énormes caisses industrielles en bois.
« Argh... »
Ça faisait mal, même malgré sa combinaison renforcée ! Sonnée, Natalia se releva lentement. Le T-rex rugit furieusement, puis s’avança vers elle. D’un revers de la manche, Natalia essuya le sang qui s’échappait de ses lèvres, puis leva son bras, et envoya une seringue. Le projectile frappa le crâne du Tyrannosaure, et déclencha de violentes ondes électriques. La bête hurla à nouveau, mais, guère assommée, courut vers Black Widow. La décharge lui avait juste offert le temps de se remettre sur pied. Natalia courut vers le monstre, et bondit vers le sol, glissant par terre. Elle atterrit dans le dos du monstre, tandis que ce dernier s’enfonça, tête la première, contre les grosses caisses en bois. Natalia, couchée sur le flanc, entreprit de se retourner, mais, au même moment, Cassandre bondit droit sur elle, et posa ses mains sur elle, au moment où le T-rex se redressait, envoyant voler des morceaux de bois dans tous les sens.
« Que... ?! »
Cassandre était invisible, et Natalia constata qu’elle l’était également devenue. Elle ne voyait plus ses mains, mais, en revanche, vit très bien la massive gueule du Tyrannosaure, qui se dressa au-dessus des deux femmes, en rugissant à nouveau, regardant à gauche comme à droite. Il ne voyait personne, et un peu de sa bave tomba sur le sol. Les secondes filèrent rapidement, Natalia ayant une vue imprenable sur ses énormes et massives dents. Le monstre préhistorique laissa planer quelques secondes de silence, puis se mit à marcher, faisant trembler le sol, et sortit par le trou qu’il avait provoqué pour rentrer.
Ce sort était très impressionnant, et, dès que Cassandre s’écarta, Natalia redevint visible... Mais il n’en fut pas automatiquement de même pour Cassandre, qui peinait visiblement à inverser le sort.
« Détendez-vous, Cassandre... C’est... C’est très impressionnant. »
En tant que Russe, Natalia n’était pas facile à épater. Cette femme avait clairement des pouvoirs exceptionnels, et, alors que Natalia observait ses doigts, et voyait Cassandre redevenir visible, le plafond s’affaissa. Le Tyrannosaure avait renversé une importante poutre, et plusieurs blocs de béton tombèrent droit vers elles.
« Cassandre, attention ! »
Natalia fut incapable de lui venir en aide, plusieurs morceaux de tôle s’abattant violemment entre les deux femmes, les séparant provisoirement. Quand la poussière diminua, elle vit un spectacle inquiétant... Plusieurs blocs de bétons ‘étaient abattus sur Cassandre, mais elle avait pu en repousser un sans problème... Et celui s’étant abattu sur ses jambes ne semblait pas la gêner plus que ça. Enfin... Elle avait mal, bien sûr, mais un tel choc aurait dû normalement lui broyer les jambes. N’écoutant que son courage, Natalia s’avança rapidement vers elle... Pour voir la femme envoyer s’envoler le bloc de béton, comme un véritable missile.
Surprise, Black Widow s’arrêta, et la vit retirer le bloc de béton lui ayant écrabouillé les jambes. Le spectacle n’était pas beau à voir, mais ce qui se passa pendant les quelques minutes qui suivirent confirmèrent ce que Natalia pensait.
« Il semblerait que vous soyez une femme pleine de surprises, Cassandre... Je pense que c’est comme ça que vous avez survécu dans l’usine. Vos blessures cicatrisent extrêmement rapidement... Et je pense que vous êtes également dotée d’une super-force. »
Or, une super-force s’accompagnait généralement d’une résistance physique plus accrue que la moyenne. Autrement, les jambes de Cassandre n’auraient plus été que du hachis, alors que, là, elle n’avait que de simples blessures superficielles.
« Encore un peu, plaisanta alors Widow, et je pourrais presque être jalouse. »
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Dès que le second bloc eut été éjecté de ses pieds, la française eut la surprise de voir sa cheville se remettre dans un craquement sec, et la cicatrisation s'accélérer. En quelques secondes, il n'y eut plus aucune trace de blessures. Juste une rougeur, là où une entaille venait de se refermer.
« C'est... C'est trop bien ! Je vais adore ces pouvoirs, je crois. Enfin, j'espère. Si ça ne dégénère pas trop... »
Elle sourit à la russe, et se releva doucement, s'appuyant avec précaution sur sa cheville anciennement blessée. A part une légère douleur qui ne la gênait pas trop, tout était réparé. Elle pourrait presque courir le marathon dès maintenant. Un petit rire franchit ses lèvres, alors qu'elle levait le regard vers Black Widow. Ce qui était dommage, dans ses pouvoirs, c'était la façon dont elle en avait hérité. Elle aurait aimé ne pas avoir cet accident à la centrale. Cet... Attentat. Elle aurait préféré ne pas avoir ces pouvoirs, si elle avait pu éviter cette tragédie.
« Je me demande ce que réserve la suite. Je n'ai pas vraiment envie de me retrouver face à un autre T-Rex. »
Un sourire sans joie orna ses lèvres, alors qu'elle se retournait pour voir ce qui restait de l'entrepôt, un grondement au loin se fit entendre. Le bruit se précisait, et se rapprochait à très grande vitesse. Avant même d'avoir eu le temps de crier, Cassandre aperçut une gigantesque locomotive qui se dirigeait tout droit vers Natalia.
Comme au ralentis, la blonde se vit se tourner vers sa compagne, un cri enflant au creux de sa gorge. Mais avant qu'il ne sorte, le temps sembla se figer. La locomotive n'avançait plus. Pétrifiée, la française fit quelques pas, refermant la bouche. Rien ne bougeait. Natalia aussi semblait figée. Cassandre eut beau agiter les bras, l'agente du SHIELD ne réagit pas. Sans plus réfléchir, la jeune fille se dépêcha de rejoindre la rousse pour la pousser hors de la trajectoire de l'engin rugissant.
Quelques secondes après, le temps reprit son cours. Un souffle puissant projeta les deux femmes sur le côté. Mais au moins, la locomotive ne les avaient pas écrabouillées.
« Oh la la... C'était quoi, ça ? Je... »
Elle s'interrompit un instant, se redressant, et s'époussetant.
« J'ai eu l'impression que le temps s'est arrêté d'un coup. La... La locomotive ne bougeait plus ! Et vous... Vous étiez figée aussi. »
Se massant les tempes, la française secoua finalement la tête.
« Je crois... Je crois que j'ai eu assez de surprise pour aujourd'hui. Est-ce que... Est-ce qu'on peut arrêter là ? »
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Expliquer précisément le fonctionnement de cette simulation était difficile, même pour Natalia. Il y avait un programme reposant sur des algorithmes informatiques, mais aussi sur les personnes faisant partie de la simulation. À partir d’une infinité de critères et de capteurs que le programme recevait sur les sujets, il adaptait les exercices de la simulation en cause. Après avoir vu et analysé l’un des pouvoirs de Cassandre, il vérifia si cette dernière était capable d’en avoir une autre. Silencieusement, Natalia, dans la simulation, souriait devant le plaisir de sa partenaire. Cassandre avait découvert le bon côté de sa nouvelle situation : des supers-pouvoirs. On réagissait toujours avec optimisme quand on en avait, avant de progressivement comprendre que les dons pouvaient aussi être des malédictions. Mais, pour l’heure, Natalia la laissait à sa joie, tout en se demandant ce qui allait leur tomber dessus... Elle-même l’ignorait. Le programme était en train de charger la suite, et, progressivement, Natalia sentit des vibrations, puis entendit un bruit ronflant, fort et vibrant, qui se rapprochait de plus en plus.
*Oh non...*
Elle eut à peine le temps de tourner la tête qu’elle vit un mur être défoncé, laissant place à un train fonçant à toute allure droit vers elle. Instinctivement, Natalia ferma les yeux, s’attendant au choc...
...Et se retrouva sur le sol, tandis que le train rugissait, et défonçait l’autre mur, Cassandre étalée sur le sol. Le cerveau de Natalia, qui s’attendait à revenir de force dans la réalité, se mit à tourbillonner à toute allure, essayant de comprendre pourquoi et comment Natalia se retrouvait là, étalée sur le sol, avec Cassandre. Que venait-il donc de se passer ? Qu’est-ce qui venait de lui arriver ?! Hébétée, elle cligna des yeux, et Cassandre, perturbée, se releva, pour fournir quelques explications :
« J'ai eu l'impression que le temps s'est arrêté d'un coup. La... La locomotive ne bougeait plus ! Et vous... Vous étiez figée aussi. »
Figer le temps ? Cette femme... Elle avait figé le temps ?! Incroyable... Natalia n’avait jamais entendu parler d’un tel pouvoir, et, restant sur le sol, elle observait Cassandre. La simulation avait voulu tester Cassandre en la plaçant à nouveau dans une situation de panique.
« Je crois... Je crois que j'ai eu assez de surprise pour aujourd'hui. Est-ce que... Est-ce qu'on peut arrêter là ? »
Natalia cligna lentement des yeux, et se releva.
« Oui... Oui... Vous... Vous pouvez figer le temps, Cassandre... C’est... Vous êtes impressionnante. »
Surprendre Natalia n’était pas facile... Comment est-ce que ce pouvoir marchait ? Est-ce que Cassandre se déplaçait à une vitesse telle qu’elle figeait le temps autour d’elle ? Widow avait entendu dire que c’était un pouvoir que le Flash pouvait faire. En se déplaçant vite, à une vitesse incroyablement élevée, il pouvait vibrer à travers la matière et le temps, de telle sorte que, autour de lui, le temps n’avançait plus.
Elle se rappela alors ce que Cassandre avait dit, et hocha la tête.
« Bien, bien... On va s’arrêter là, oui... »
Pour quitter la simulation, il y avait un protocole d’extraction. Natalia marcha le long de l’entrepôt dévasté, jusqu’à atteindre une sorte de levier rouge dans le mur. Un rouge vif. Elle appuya dessus, et la simulation se disloqua alors. Les murs disparurent, puis le ciel, qui se fractura. Des 0 et des 1 se mirent à flotter dans les airs, et tout devint virtuel, synthétique.
« Nous allons revenir à la réalité, Cassandre... Ne... »
Widow continuait à parler, mais le son se coupa alors... Puis il y eut un fondu noir.
Natalia rouvrit ensuite les yeux, revenant à elle, dans le Fauteuil. Sa respiration saccadée témoignait de sa nervosité, classique. Une simulation informatique était plus épuisante que ce qu’on pensait, car l’activité cellulaire était très importante durant l’exécution de la simulation. Des diodes s’allumèrent dans le Fauteuil, puis ce dernier s’ouvrit, permettant ainsi de libérer les femmes.
« Si vous avez mal au crâne, c’est normal... Reprenez vos esprits, Cassandre, tout se passe bien... »
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Black Widow avait l’air d’être réellement impressionnée par les talents de la blonde. Celle-ci était encore sous le choc de ce qu’elle venait de voir, de faire. Elle lâcha cependant un soupir soulagée quand la rousse accepta d’arrêter la simulation pour aujourd’hui.
« Merci… »
Suivant Natalia qui marchait dans l’entrepôt, Cassandre frissonnais presque. Comme épuisée. Elle ne vit pas sa compagne tirer sur le levier, mais elle remarqua le décor qui se fissurait, qui était remplacé par des chiffres, rien que des 0 et des 1, comme dans Matrix. Elle voyait la femme en face d’elle ouvrir la boucher et articuler quelque chose, mais le son s’était coupée, aussi elle n’entendait plus rien.
Et ce fut le noir total. Jusqu’à ce que la française rouvre les yeux. Son cœur battait à cent à l’heure, et elle avait l’impression d’être essoufflée. Son souffle haché, et ses joues rouges, lui donnaient l’air d’avoir couru un marathon. Elle fut toutefois rassurée que Natalia semblait pareillement épuisée.
Le Fauteuil, dans lequel elles étaient, s’ouvrit enfin, et Cassandre fut heureuse de retrouver la réalité. Mais un mal de crâne de tous les diables fit son apparition, et elle fronça les sourcils en se massant les temps. D’après la rousse toutefois, c’était normal, alors elle ne s’inquiéta pas.
« C’était… J’ai vraiment cru que c’était réel. Que le T-Rex allait vous manger, ou que le train allait vous écraser. Comme ces blocs de pierre. Je… C’était très impressionnant, comme simulation… »
Sans compter qu’elle était désormais au courant des dons qu’elle pouvait avoir. C’était aussi très réel, quand le temps s’est figé, où qu’elle était devenue invisible.
« Dites-moi, Natalia. Ces visions que l’on a eu, dans la simulation… Vos techniciens peuvent les voir, non ? »
Pas qu’elle s’inquiétait qu’ils voient qu’elle avait crié comme une fillette à un moment. Mais elle était curieuse. Elle se demandait ce que ça donnait, vu de l’extérieur. Si eux aussi voyait le temps qui s’arrêtait, ou bien si ça faisait comme l’impression que Natalia avait eu. Qu’un moment, quelque chose arrivait, et que l’instant d’après, on avait l’impression d’avoir manqué un bout.
« J’aimerais bien jeter un œil, si c’est possible. Je suis… Curieuse de voir ce que ça donne, avec un regard extérieur à la scène. »
Mais avant, elle aimerait que ce mal de crâne disparaisse. Elle se massait les tempes, le sentant s’atténuer.
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Au moins, Cassandre évita l’option du vomissement. En fait, elle avait plutôt bien réussi à revenir à la réalité. Généralement, une fois sur deux, un agent vomissait, le temps que le cerveau s’adapte au changement. En même temps, elles n’étaient pas restées très longtemps dans la simulation, et cette dernière était maintenant terminée. Cassandre se reprit donc, et ne tarda pas à lui demander si la séquence avait été filmée, et, si oui, si elle pouvait y assister. Natalia hocha lentement la tête, acquiesçant de haut en bas :
« Oui... Autrement, ça ne servirait un peu à rien, pas vrai ? Suivez-moi, Cassandre... »
Black Widow sortit de la pièce par une porte latérale à droite, et grimpa un petit escalier de service, rejoignant l’étage du haut. C’était une petite pièce avec de multiples ordinateurs, et une grande baie vitrée devant permettant de voir la salle du Fauteuil. Les techniciens et les informaticiens pianotaient sur leurs claviers, et on pouvait voir, sur plusieurs écrans, la prestation des deux femmes. Natalia dansant avec le T-rex, ou encore le train qui les chargeait.
« Nous allons exploiter les données recueillies pendant la simulation, Cassandre... Là, un technicien analyse les zones de votre cerveau qui ont fonctionné lorsque vous avez utilisé vos pouvoirs. »
De sa main gantée, Natalia désignait un écran où on pouvait voir une coupe d’un cerveau. Une timeline se trouvait en contrebas, et, à certains moments, des zones précises du cortex se mettaient à s’illuminer, indiquant que c’était cette partie-ci du cerveau qui fonctionnait. L’idée était de comprendre le fonctionnement technique des pouvoirs de Cassandre, afin de s’assurer qu’il s’agisse bien de pouvoirs liés à une mutation génétique, et non de pouvoirs magiques. Continuant son exposé, Natalia lui expliqua que la machine disposait de plusieurs modes d’enregistrement, et les informaticiens étaient en train de tout analyser.
Ils se concentraient surtout sur un passage précis, celui où le train avait foncé sur Natalia. Les caméras normales montraient ce que Natalia avait vu... On voyait l’image du train fonçant sur Natalia, puis, juste après, Natalia semblait s’être téléportée avec Cassandre. D’autres caméras se chargeaient, car ce que Cassandre avait fait était compris dans la simulation. En somme, deux lignes temporelles apparurent : la ligne-A, celle de Natalia, et la ligne-B, celle de Cassandre, la ligne-B étant plus longue que la ligne-A. Des lignes de programmation défilèrent, et l’image apparut alors, de manière différente.
« Voyez... Avec cette bande-ci, la séquence est plus longue... »
Très rapidement, sur un écran central, on vit deux vidéos défiler : une à gauche, montrant le déroulement de la Ligne-A, et une autre sur la droite, montrant la Ligne-B. Le contenu des enregistrements était similaire, jusqu’à atteindre le moment où le train fonçait tout droit sur Black Widow. Sur la Ligne-A, il y eut un petit grésillement, puis Cassandre se retrouva ensuite sur le corps de Black Widow... Tandis que, sur la Ligne-B, on pouvait voir la lumière s’occulter faiblement, avant que Cassandre ne s’avance vers Widow, la repoussant. Plus rien ne bougeait, y compris le train, et, une fois que Cassandre avait poussé Natalia, le temps retrouva son déroulement normal.
« Effectivement... Vous avez de grands pouvoirs, Cassandre... »
Figer le temps n’était pas banal, et c’était effectivement ce que Cassandre avait fait. En figeant le temps, les ondes sonores s’étaient atténuées, tout comme les ondes lumineuses.
« Il va être important de découvrir comment vous avez obtenu ces pouvoirs... »
-
Un peu impatiente à l’idée de voir en image ce qu’elle venait de vivre, Cassandre suivit Natalia à petits pas pressés. Monter l’escalier ne fut qu’une formalité, ses talons frappant rapidement les marches pour accompagner l’agent du SHIELD. Quand elle arriva dans la pièce d’où tout était contrôlé, la française ouvrit de grands yeux surpris. Elle n’imaginait pas autant de technologie, même si elle aurait dû s’y attendre. Ses prunelles détaillèrent d’abord la baie vitrée, voyant la salle qu’elles venaient de quitter. Elle se demanda brièvement de quoi elle avait eu l’air sur le fauteuil pendant la simulation. Avait-elle grimacé ? Ce n’avait pas dû être joli à voir. Elle se souvint de la peur qu’elle avait ressentie en voyant le train foncer sur la rousse. Elle avait vraiment cru que c’était réel. Encore heureux qu’elle n’ait pas de défaillance de vessie…
Son regard dévia ensuite sur les ordinateurs pendant que Natalia lui expliquait ce que faisaient les techniciens. Elle revit certaines scènes de la simulation sur quelques écrans, et ça lui fit tout drôle. Un peu comme lorsqu’elle regardait un film. Ses yeux se posèrent sur des images de son cerveau. Elle pensa brièvement que ça lui rappelait les IRM à l’hôpital, puis son esprit se concentra sur ces zones en lumière lorsqu’elle faisait usage de l’un de ses dons. Muette de surprise, elle observait attentivement les écrans, écoutant en même temps les explications de Black Widow. Ses prunelles se fixèrent sur l’écran qui montrait l’attaque du train, et c’est avec surprise que Cassandre constata une ablation de ses souvenirs. Dans les siens, elle se revoyait courir vers sa compagne pour l’écarter du trajet du train. Mais dans cette bande-ci, on voyait juste une espèce de téléportation. Stupéfaite, la française observa le technicien pianoter sur son clavier, et finalement, une autre caméra montra ce qui s’était réellement passé. Le train avait l’air de s’être ralenti considérablement, laissant le temps à Cassandre de bondir vers la rousse pour l’écarter de la trajectoire.
« Wouah ! Lâcha-t-elle avec une surprise sincère.[/b] »
Se voir ainsi, sur une vidéo, faire usage de ses dons, c’était tout simplement incroyable. Pour un peu, la blonde pourrait croire que c’était un film de science-fiction. Si elle ne l’avait pas vécu, elle aurait pensé à des effets spéciaux. Elle n’en revenait toujours pas. Elle se pensait si normale, si… Banale ! Elle avait même peur du feu, à présent. Si ce n’était pas affligeant… Mais se retrouver dotée de pouvoirs si extraordinaire, c’était vraiment improbable. Pourtant, elle l’avait constaté sur place. Et elle le revoyait sur ces bandes enregistrées.
« Je ne sais pas du tout comment… Comment j’ai pu avoir ces dons. Tout ce dont je me souviens, c’est d’être restée coincée sous ce bureau après avoir aidé une collègue à s’en dégager… Il y a eu l’explosion…. Et je me suis réveillée à l’hôpital. Je ne sais même pas quand est-ce que j’ai perdu conscience… Ou que je suis… Euh… Morte, puisque vous m’avez dit que mon corps avait été retrouvé brûlé à un point improbable… »
Enroulant les bras autour de son corps, la blonde faisait pianoter ses doigts contre le tissu de l’uniforme que lui avait prêté Black Widow.
« Vous croyez que ma mémoire a pu occulter ce qui s’est passé, après l’explosion ? J’ai entendu dire que, parfois, l’hypnose pouvait réveiller des souvenirs enfouis… »
Après tout, elle ne savait rien de ce qui était advenu ce jour-là. Etait-elle vraiment morte ? Ou juste très grièvement blessée ? A son réveil, elle se souvenait avoir ressenti une douleur atroce, comme un fantôme de ce qui s’était passé. Serait-il possible qu’elle soit restée vivante malgré son corps brûlé à l’extrême ? Que son esprit ait occulté ses souvenirs pour ne pas la rendre folle ? Elle revoyait encore cette tornade de flamme en train de foncer vers elle, à toute vitesse. Elle avait levé les mains, comme si elle espérait s’en protéger, et puis c’était le trou noir. Peut-être était-ce là, que cette insoutenable douleur avait eu lieu. Elle avait hurlé, en se réveillant à l’hôpital. Hurlé comme si on lui arrachait des lambeaux de peau entier alors qu’elle était vivante. Hurlé comme… Comme si elle avait été brûlé vive.
« Je ne sais pas trop si j’ai envie de savoir ce qui s’est passé. J’ai… J’ai sans doute eu très mal… Je ne veux pas revivre ça, souffla-t-elle à mi-voix, comme pour elle-même. »
-
Figer le temps… Ce n’était pas un pouvoir normal, et ce n’était pas le seul que cette femme avait récupéré. Plus que jamais, Natalia comprenait pourquoi l’HYDRA cherchait à tuer cette femme. The Pain et l’Unité Cobra étaient employés par eux, par cette mystérieuse organisation dont les recherches sur les personnes dotées de capacités surnaturelles étaient leur grande spécialité. Il s’était passé des choses dans cette usine nucléaire, des choses qui, d’une manière ou d’une autre, avaient transformé cette belle femme. Elle bénéficiait maintenant de facultés surnaturelles, et, tôt ou tard, le SHIELD serait en mesure de déterminer si les pouvoirs de Cassandre étaient stables, ou si elle pouvait craindre d’autres mutations. Cependant, vu qu’elle ne paniquait pas, et qu’elle arrivait à plutôt bien contrôler ses pouvoirs, Natalia avait un point de vue optimiste sur l’évolution de ses mutations. Il allait falloir indiquer, et comprendre ce qui avait bien pu lui arriver. La jeune femme, en tout cas, ignorait totalement quelle était l’origine de ses pouvoirs. De l’accident, elle ne se rappelait de rien, ce qui, en soi, n’était pas étonnant. Un accident aussi traumatisant était souvent gommé de la mémoire de la victime, c’était normal, et obtenir ces souvenirs était difficile, si ce n’est impossible. Il fallait une longue thérapie, et, comme toute thérapie, l’accord du patient était nécessaire. Or, vu la réaction de Cassandre, cette dernière n’avait guère envie de se rappeler ce genre de souvenirs.
Natalia la regarda sans rien dire pendant quelques secondes, puis se retourna vers elle.
« Suivez-moi, Cassandre. »
Quelques minutes plus tard, elles se retrouvèrent dehors.. Cassandre portait des vêtements remis par Natalia : un jean, un débardeur, et une veste blanche. Elle conduisait l’une des voitures de fonction du SHIELD, une Chrysler noire, et roulait dehors, sortant de la base militaire, pour retourner vers un environnement plus familier. Certes, il n’était pas très prudent de sortir, avec l’HYDRA qui leur tournait autour… Mais Natalia tenait aussi à démontrer à Cassandre qu’elle n’était pas une prisonnière, et que, si le SHIELD la réquisitionnait ainsi, c’était uniquement pour son bien. Contrairement aux Russes, les Occidentaux ne vivaient pas avec une confiance assurée dans le pouvoir, mais s’en méfiaient par nature. Or, malgré l’aspect très orwellien du SHIELD, l’organisation était bel et bien là pour protéger les gens.
Tout en roulant le long de la forêt, Natalia laissait la musique défiler. Fix You (https://www.youtube.com/watch?v=k4V3Mo61fJM) filait en sourdine, et elle se mit à parler :
« Nous ne vous forcerons à rien, Cassandre. Une fois que ces analyses seront terminées, vous serez enregistrée dans un registre, un répertoire qui liste toutes les personnes que nous connaissons dotées de capacités surnaturelles, l’Index. Au titre de ce registre, vous devrez indiquer où vous vivez, et, une fois par an, vous aurez droit à un examen de routine. Tout ceci peut vous sembler intrusif, mais ce sont des mesures qui ont avant tout pour but d’être préventives. Maintenant que vous avez des pouvoirs exceptionnels, votre vie ne sera plus jamais la même. Vous ne serez jamais la femme que vous étiez avant l’accident. Il est possible que vous ne vouliez pas de ces pouvoirs. Inconsciemment, vous pouvez les rejeter, parce que vous voulez retrouver votre vie d’antan, ou peu importe… Dans tous les cas, il est nécessaire de vous suivre, mais sachez bien que notre plus cher désir est que vous puissiez mener une vie normale. »
Elle filait le long d’une route de campagne, où il n’y avait rien à craindre.
« Bien sûr, rien ne vous empêche de vouloir collaborer avec nous, si vous pensez que… Euh… Et bien, comme le dit la vieille formule : ‘‘un grand pouvoir implique de grandes responsabilités’’, tout ça… En tout état de cause, ceux qui vous ont transformé vous recherchent. Ils cherchent à vous capturer, ou pire encore. Ils vous ont poursuivi, et, pour l’heure, nous allons devoir vous fournir une nouvelle adresse, et les neutraliser. Aussi allez-vous devoir encore supporter notre présence un peu. »
Natalia tourna sa tête vers elle en souriant, et rajouta alors :
« Pour l’heure… Je propose de faire un peu de shopping. Vu la manière dont Eckhart vous regardait, je pense que ce serait tout à votre avantage de bien vous vêtir… Non ? »
Toujours détendre les civils, c’était la base. Leur montrer que l’agent en costume n’était pas un bloc de béton froid et glacial, mais bel et bien un être humain.
-
Quand Natalia lui demanda de la suivre, Cassandre obtempéra. Elle ne savait pas trop où elle allait, déjà perdue dans ce complexe destiné au SHIELD. Quelle ne fut pas sa surprise de voir qu’elles retournaient au vestiaire. Black Widow lui prêta un débardeur, un jean et une veste blanche, que la blonde s’empressa d’enfiler après avoir retiré l’uniforme prêté. Elle se sentait plus à l’aise dans ces fringues « conventionnelles ». Porter l’uniforme lui donnait l’impression d’être déguisée, de jouer un rôle. Elle se sentait plus elle-même dans des vêtements de tous les jours.
Elle la suivit encore, alors que l’agent du SHIELD la guidait vers des véhicules, et prit place côté passager dans une Chrysler noir. Elles sortaient ? Intriguée, la mutante ne posa toutefois pas la question. Elle se contentait d’attendre, et de voir. Et, effectivement, les deux femmes quittèrent la base militaire pour revenir dans un univers plus naturel. Tout en conduisant, la rousse essaya de rassurer sa compagne. Cassandre écouta studieusement chaque mot qui franchissait les lèvres de l’agent. Elle lui parlait de sa vie à présent. Des changements qu’allaient engendrer les dons qui s’étaient révélés. Et même si la pensée d’être « contrôlée » en quelque sorte gênait la française, elle comprenait la nécessité de pareilles précautions.
Si Natalia n’avait pas pris le temps d’expliquer les enjeux, le pourquoi du comment des précautions à prendre, Cassandre aurait sûrement vu sa comme une intrusion dans sa vie privée. Mais elle comprenait, du coup, et même si elle n’était pas fan de ce système, elle acceptait de s’y plier, pour le bien commun. Un léger sourire orna alors ses lèvres, tandis qu’elle observait le paysage défiler en hochant la tête de temps à autres, sans cesser d’écouter les propos de sa compagne.
Allait-elle aider, avec ses dons ? Ou se contenterait-elle de ne pas faire de vague en maîtrisant ses pouvoirs ? Elle ne savait pas encore. Elle prendrait le temps d’y réfléchir quand on en saurait plus sur ces mutations, savoir comment elles allaient évoluer et tout ce que ça impliquait. Elle y réfléchissait déjà un peu, quand Natalia proposa soudain d’aller faire du shopping. Une expression ravie balaya l’inquiétude qui avait envahi les traits de la blonde, et elle frappa des mains, avant de se maîtriser, comme une enfant heureuse à qui on vient d’apprendre que ce sera Noël chaque jour de l’année.
« Vous avez entièrement raison. J’adore faire les magasins, en plus de ça. »
Tournant la tête vers Natalia, Cassandre sourit de toute ses dents, illuminant son regard clair d’une joie pétillante.
« Vous croyez vraiment que je lui plais ? »
Elle était comme ça Cassandre, toujours incertaine de son charme. Elle ne croyait pas vraiment que les hommes la regardaient parce qu’elle était belle. Elle était toujours, au fond d’elle, cette petite fille qui n’avait pas trop d’assurance. Timide, elle se mordillait la lèvre.
« Qu’est-ce qui lui plairait, vous pensez ? Un style plutôt classique, ou extravagant ? »
Même si elle n’était pas certaine de plaire, elle aimait paraître bien, et s’inquiétait de ce qu’il allait penser de ses tenues. Elle était peut-être mutante, mais ça ne lui donnait pas une assurance innée. Se tordant légèrement les mains, elle finit par sourire, avant de tourner le regard vers l’agent du SHIELD. Un air grave passa dans ses prunelles tandis qu’elle se mordillait toujours la lèvre.
« Je crois que je veux aider. Avec mes pouvoirs, je veux dire. Je ne me sens pas l’âme d’une héroïne, mais après tout, j’ai ces… Ces dons maintenant. Il me faudrait apprendre à les maîtriser. Et si ça peut aider le plus grand nombre, alors je n’ai pas à hésiter. N’est-ce pas ? Enfin. Je pense que c’est la bonne chose à faire. Sinon, je me sentirais coupable de me planquer, alors que je pourrais aider… »
Elle reporta son attention sur la route, et un sourire éclaira son visage sérieux.
« Mais oublions ça pour le moment. Il y a plus important à faire… Dans quels magasin allez-vous m’emmener ? »
La frivolité était revenue au fond de ses prunelles.
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La Chrysler roulait le long d’une route de campagne. La route menant à Seikusu Base Camp était généralement déserte. Si une partie du personnel logeait à l’extérieur, beaucoup dormaient dedans. Bien que le Japon soit en paix, les troupes américaines stationnées ici continuaient à s’entraîner, ou s’entraînaient avec les forces japonaises, avant d’être envoyées dans les opérations militaires que les Etats-Unis menaient dans le reste du monde. Le Japon restait encore une zone stratégique, et c’était pour cette raison que les bases américaines n’avaient encore jamais été démantelées. De plus, elles se permettaient aussi d’entraîner les forces japonaises, comme à Seikusu Base Camp, mais aussi dans d’autres bases, comme à Yokosuka. Cette base navale abritait la Septième flotte américaine, et était l’une des plus importantes structures militaires du pays, et se découpait en deux parties : la partie américaine, qu’on surnommait CFAY (Commander, Fleet Activites Yokosuka), et la partie japonaise, le Yokosuka Naval Base. Une base, deux structures… Bienvenue dans les joies d’une défense militaire conjointe.
Natalia songeait à tout cela en roulant. La belle Cassandre était un peu effrayée, toujours chamboulée, et lui parla ainsi de trois choses différentes. Elle commença par parler d’Eckhart, et Natalia esquissa un sourire, en comprenant qu’elle semblait avoir bien aimé le docteur, elle aussi… Tant mieux. De ce que Natalia savait de la gent féminine, quand on commençait à parler de mecs, c’est qu’on allait bien. Elle ne répondit pas sur le coup, et ce pour la bonne raison qu’elle ignorait les goûts vestimentaires d’Eckhart. C’était un garçon plutôt timide, en réalité. Elle enchaîna ensuite sur l’opportunité de travailler avec le SHIELD, et, enfin, revint sur le fait d’aller chercher des fringues.
Restée silencieuse pendant tout ce temps, Natalia négocia un virage, puis fila le long d’une descente, en lui répondant :
« Cette robe blanche que nous avons vu dans votre simulation… Du peu que je sais d’Aaron, il vous trouvera sublime dedans. »
Elle la regarda encore, et sourit brièvement, avant de donner quelques explications supplémentaires :
« Je viens de Russie… Alors, je ne sais pas trop quelles sont les critères esthétiques au Japon, mais, chez moi… Vous seriez une vraie beauté. Et ces marques rouges… Elles vous vont plutôt bien, car elles épousent la forme de votre visage. Comme des espèces de peintures tribales, vous voyez ? Ça fait un contraste saisissant, et, croyez-moi, si vous faites le regard de femme fatale, même Nicole Kidman en train de séduire Michaël Douglas ne pourra pas rivaliser avec vous. »
Black Widow lui sourit à nouveau, puis continua à rouler. Plusieurs panneaux indiquèrent l’approche du périphérique. On pouvait aussi rentrer dans la ville par les chemins ruraux, mais elles devaient rejoindre le centre commercial. Elle rejoignit ainsi la rocade, filant au milieu de camions et de multiples voitures, les gratte-ciel de la ville apparaissant sur la gauche, avec la mer à droite. Un vrai paysage de carte postal.
« Aaron est un docteur qui vient des Etats-Unis… Un homme qui a fait des études scientifiques pour se persuader que la vie avait des explications rationnelles et cohérentes. Sa petite sœur est morte quand il avait cinq ans. Elle s’est noyée, et son fantôme revenait le voir… Il était persuadé que c’était vraiment un fantôme, et il a fait des études scientifiques. Il est devenu docteur, puis son attrait pour le paranormal l’a amené à être recruté par le SHIELD. Je crois que c’est un homme passionné par son boulot. Vous savez… Je ne vous ai pas encore tout dit. Il y a l’Index, certes, mais… »
Elle se pinça les lèvres, et rajouta ensuite :
« Comme vos pouvoirs sont encore nouveaux, vous aurez encore des examens médicaux… Qui peuvent se faire chez vous. Et, si vous voulez nous aider à combattre le mal, pour dire ça ainsi, vous aurez, en plus, des formations de combat à suivre au sein de la base. Mais, dans tous les cas, il y aura des examens médicaux. Je pense donc qu’on peut se débrouiller pour que ce soit Aaron qui vous ausculte… Mais, je vous préviens, il est un peu timide, surtout face à de belles femmes. »
Autant joindre l’utile à l’agréable, non ? Si Cassandre voulait flirter, ça n’allait pas déranger Natalia. La voiture s’engagea sur la ortie d’un grand ensemble commercial, situé en-dehors de la ville, avec un bâtiment central, et des enseignes différentes.
« Je pense qu’on devrait vous trouver une belle robe blanche… Ne vous en faites pas, c’est moi qui paie. »