« Mais éteignez-moi cette putain d’alarme ! - On la tient ? - L’incendie est éteint. - Mais est-ce qu’on la tient, merde ?! - Vous allez m’éteindre cette saloperie d’alarme un jour, bordel ?! » Le son strident finit enfin par se taire. L’homme se releva lentement, s’extirpant de son fauteuil en cuir noir, pour se rapprocher de ses hommes, devant les pupitres et les écrans. Des points rouges sur la carte holographique de Triskelion montraient les endroits où la bombe avait explosé. Le général Peters n’en revenait pas. Qu’une seule femme ait pu faire ça... Non, c’était impossible. Il ne pouvait pas y croire, et pourtant... Il se rapprocha du pupitre des communications, et appuya sur un bouton. « Avez-vous appréhendé l’intruse ? Terminé. » Il s’écoula quelques secondes avant qu’une voix ne réponde : « Ici Agent Barton. L’intruse est appréhendée, oui. » Peters hocha lentement la tête. Au moins, ils avaient réussi à la capturer. Il s’écarta un peu, puis croisa ses mains dans son dos, écartant les jambes, dans une attitude typiquement militaire, habituelle pour cet homme. Il observa à nouveau la représentation holographique de Triskelion. La base suprême du SHIELD... Comment une simple femme avait-elle pu s’infiltrer dans l'une des places fortes les plus sécurisées de l’OTAN ? Peters allait devoir ordonner une enquête. Et également réfléchir au futur de cette femme. | (http://img103.xooimage.com/files/0/2/a/triskelion-4506458.jpg) |
(http://img108.xooimage.com/files/0/c/1/children_of_the_gulag-45064a6.jpg) | Le 25 Décembre 1979, l’URSS envoya des troupes en Afghanistan. Le jour même de l’invasion, le Général Orloff s'était rendu Place Loubianka pour discuter avec certains officiels du KGB ce qu’il pensait de cette guerre. Tous furent d’accord pour considérer que cette guerre aurait pu être évitée. Les agents du KGB avaient contribué au coup d’État de 1978, qui avait mis à la tête du pays le PDPA, un parti marxiste. Ils s’accordèrent pour considérer que, si les agents russes avaient réussi à protéger Taraki, le Président afghan, très favorable à Moscou, et à tuer les islamistes radicaux comme Amin, l’Armée rouge n’aurait jamais eu à se déplacer en Afghanistan pour soutenir le régime issu de 1978, et protéger l’Afghanistan des influences islamistes, notamment iraniennes ou pakistanaises. La conversation dura plusieurs heures, et entérina un projet auquel ces hommes tenaient : développer de meilleurs espions, qui seraient des individus exceptionnellement doués, et qui, à leur manière, permettraient d’influer sur le déroulement de l’Histoire. Orloff, comme ses amis du KGB, ainsi que d’autres généraux influents, étaient des individus nostalgiques, regrettant l’époque de Staline. Un homme rude, mais qui avait su protéger le pays du nazisme, du capitalisme, et étendre l’influence de la mère-patrie. Orloff estimait qu’une seule personne pouvait changer le cours de l’Histoire. C’est ainsi que le Projet « Veuve » fut adopté, ayant pour objectif de former, dès le plus jeune âge, dans des camps spéciaux, des enfants, afin d’avoir des espions exceptionnels. Orloff et ses collègues sentaient que la fin de l’URSS approchait, et l’enlisement de l’Armée rouge en Afghanistan confirma ce sentiment. |
La première mission de Black Widow eut lieu dans les années 1990’s, peu avant la guerre de Bosnie-Herzégovine. Conformément aux souhaits d’Orloff, Black Widow avait passé une année entière en Occident, afin qu’elle puisse corroborer ce qu’on lui avait appris pendant son enfance avec la pratique occidentale. Elle y vit ainsi l’hypocrisie de tout un peuple, des gens qui n’avaient pas hésité à soutenir des fondamentalistes et des fanatiques en Afghanistan, à encourager des dictateurs, et dont leur conception de la démocratie n’était rien de plus qu’une oligarchie faussement dissimulée. On lui apprit à voir l’hypocrisie de ces organes internationaux comme l’ONU, prétendant agir au nom de la « communauté internationale », alors qu’il s’agissait juste d’un organe pro-occidental. Widow fut envoyée pour mettre fin à un marché aux armes qui s’opérait dans les montagnes du Caucase entre d’anciens généraux russes, des mafieux, et des mercenaires. Orloff ne voulait pas que les armes de l’armée soient entre les mains de mercenaires indépendants qui enflammeraient une région dont ils avaient besoin, le Kazakhstan et ces autres pays étant, pour Orloff, des prolongements naturels de la Russie, au même titre que l’Alsace-Lorraine des Français. Le baptême du feu de Widow fut un succès. Elle s’infiltra dans le petit village de montagne où la population était enfermée par les mercenaires, et apprit que les traîtres voulaient vendre aux mercenaires des explosifs. Black Widow piégea les bombes, et laissa la transaction se faire. Elle n’eut ensuite plus qu’à faire détoner les bombes, carbonisant plusieurs dizaines de terroristes, tandis que les survivants accusèrent les mafieux russes et les traîtres de les avoir doublés. Ils s’entretuèrent, et Widow acheva les survivants depuis le clocher d’une église, à l’aide d’un fusil à lunettes. Personne ne la vit, et elle avait tissé sa toile, piégeant les insectes à l’intérieur. | (http://img103.xooimage.com/files/6/c/e/weapon-45064c3.jpg) |
RAPPORT POST-OPÉRATOIRE
- Date du rapport : 17/01/2014
X... a totalement récupéré. Son corps ne porte plus aucune trace des séquelles qu’elle a subies, et il ne subsiste plus que quelques cicatrices sur sa tête, qui seront toutefois dissimulées quand ses cheveux repousseront. Même rasée, elle reste d’une redoutable beauté. Elle a de superbes yeux, et des formes qui auraient pu faire d’elle un mannequin. J’irais jusqu’à dire qu’il y a quelque chose d’angélique se dégageant de son visage, et j’ai du mal à voir en elle la redoutable espionne tant décriée. Pourtant, les rapports ne mentent pas. Elle a une peau blanche, et une longue chevelure rousse. Nous avons d’ailleurs pu l’identifier grâce aux cheveux qu’elle avait encore. Elle est vraiment belle, au risque de me répéter.
Bien que je sorte un peu des objectifs fixés par le présent rapport, le Docteur Chivax lui a présenté une nouvelle combinaison, similaire à celle qu’elle portait auparavant. C’est une longue combinaison noire spécialement adaptée pour sa taille, et qui comprend une ceinture abritant des emplacements pour différents accessoires, ainsi que des bracelets autour des poignets. Le docteur espérait déclencher un quelconque déclic, mais il n’y a rien eu. La combinaison porte aussi un masque qui recouvre intégralement le visage.
Dans l’ensemble, X... s’est donc remise de ses séquelles, à un rythme impressionnant. Elle a repris des forces, et j’ai bon espoir que ses cheveux repousseront également. Honnêtement, chauve, ça ne lui va pas.
(http://img100.xooimage.com/files/8/d/b/favela-4506539.jpg) | Yuri Gargarov avait été un proche ami d’Orloff. Un oligarque russe qui avait soutenu le coup d’État des militaires pour essayer de sauver la patrie d’Eltsine et des autres corrompus vendus au pygargue. Malheureusement, Gargarov ne partageait pas les mêmes idéaux qu’Orloff et ses associés, et, après la crise Skatarov, et l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, Gargarov entreprit de se racheter une conscience, en menaçant de révéler au Kremlin les projets d’Orloff et de ses associés. Le général ne pouvait pas tolérer ça, mais Gargarov était prudent. Il savait l’influence qu’Orloff avait en Russie, et choisit de se réfugier au Brésil. Il ne fallait surtout pas croire que Gargarov était un patriote : ce n’était qu’un opportuniste, un escroc. Il voulait de l’argent, et il avait compris qu’il aurait plus d’argent à obtenir en sacrifiant Orloff, plutôt qu’en continuant à le suivre dans ses projets dangereux. Gargarov et sa famille avaient longtemps soutenu les plans d’Orloff par l’argent qu’ils obtenaient, et l’instauration du capitalisme en Russie, avec tous ses bienfaits reconnus (les placements boursiers, la privatisation des banques avec l’extension des pouvoirs mafieux et des trafics criminels internationaux), avait encore mieux permis à Yuri de s’enrichir. Son argent, il l’obtenait grâce à ses gisements pétroliers, mais aussi grâce à ses liens avec la Mafia. Il le dépendait essentiellement en putes de luxe et en vacances de sport bien méritées dans les chalets ultraluxueux des stations de ski des Alpes, comme Courchevel. Pour Orloff, il était temps de se débarrasser de Gargarov. Soit ce dernier les trahirait, soit il refuserait de les soutenir... Ce qui reviendrait au même. Il s’était réfugié au Brésil, à Rio de Janeiro, dans le manoir de luxe d’un politicien brésilien corrompu, un politicien qui soutenait les narcotrafiquants, et avait gagné son siège grâce à eux. Rio de Janeiro était une ville où le tiers de la population s’entassait dans les bidonvilles brésiliens, les favelas, de véritables zones de non-droit gouvernés par les narcotrafiquants et par la corruption. On ne voyait aucun espoir durable pour ces populations, qui vivaient dans des zones insalubres, sous le joug de seigneurs de guerre se comportant comme les pires des tyrans médiévaux. Les élections politiques étaient corrompues, frauduleuses, les députés ayant obtenu leur siège grâce à l’argent sale de la drogue, et de la menace de représailles sur les habitants qui ne voteraient pas favorablement pour eux. Ce n’était pas avec des Glock ou de simples pistolets que les narcotrafiquants faisaient régner leur loi au Brésil, mais avec des armes de guerre, des fusils à pompe automatiques, des fusils d’assauts. Ils formaient une véritable armée parallèle, et, s’ils avaient eu la jugeote de s’allier, ils auraient réellement pu constituer une force dangereuse pour le Brésil, et créer une insurrection. Fort heureusement, en un sens, les gangs des favelas passaient leur temps à se massacrer entre eux, et on dénombrait annuellement plus d’un millier de morts sous l’effet des guerres de gangs. C’est dans ce contexte que Black Widow atterrit dans les hauteurs luxueuses de Rio de Janeiro, s’infiltrant dans une villa richissime, mais pour découvrir que Gargarov était parti voir Nacimiento, le maître d’une des favelas, un narcotrafiquant vivant dans sa forteresse. Black Widow ne pouvait pas se permettre d’échouer. Elle devait tuer Gargarov, et supprimer les preuves que ce dernier possédait en mettant la main sur son ordinateur portable, qu’il avait toujours avec lui. Black Widow choisit donc de se rendre dans la favela. |
INTERROGATOIRE #003
- Date de l’interrogatoire : 01/01/2014
AGENT SMITH. – Romanov... Qu’est-ce que ce nom évoque pour vous ?
X... – La famille impériale russe. Les derniers au pouvoir avant que la Révolution russe ne chasse l’actuel Empereur, Nicolas II, en 1917. Il mourra en Juillet 1918 avec ses enfants.
AGENT SMITH. – Comment s’appelle l’actuel Président des Etats-Unis ?
X... – Barack Obama.
AGENT SMITH. – Quel était le 21ème Président des Etats-Unis ?
X... – Arthur Chester.
AGENT SMITH. – Qu’a-t-il fait de notable ?
X... – Le Pendleton Civil Service Act...
AGENT SMITH. – Qui a dirigé la Russie à la fin du 14ème siècle ?
X... – Vassili Ier.
AGENT SMITH. – Quel a été l’objectif de son règne ?
X... – Continuer à accroître l’unification de la Russie en annexant des principautés.
AGENT SMITH. – Quel est le plus petit État du monde ? Quelle est sa superficie ?
X... – Le Vatican... 0.44km².
AGENT SMITH. – Comment vous appelez-vous ?
X... – Je... Euh...
AGENT SMITH. – Où êtes-vous née ?
X... – Je...
AGENT SMITH – Quand êtes-vous née ? Quel âge avez-vous ?!
X... – Mais...
AGENT SMITH – Quel est le dernier film que vous ayez vu au cinéma ? Quelle est votre glace préférée ?
X... – Je ne sais pas...
AGENT SMITH – Le dernier livre que vous ayez lu ? la dernière chose dont vous vous rappeliez avant d’avoir fini ici ?
X... – Mais je n’en sais RIEN ! Je n’en ai absolument aucune idée ! Je ne sais pas, voilà !
La deuxième guerre d’Ossétie du Sud éclata en Août 2008, opposant la Géorgie à une province séparatiste, l’Ossétie du Sud. Black Widow fut envoyée pour soutenir les séparatistes. Ces derniers étaient formés et entraînés parles Russes, et Widow s’appropria le terrain, lorsque la guerre éclata, dans la nuit du 7 au 8 Août. L’actuel Président de la Russie, Medvedev, choisit de protéger ses minorités russophones, et envoya des troupes pour protéger les séparatistes de l’agression géorgienne. Widow participa discrètement à ce conflit, attaquant des militaires géorgiens. L’Occident choisit naturellement de soutenir le pouvoir en place, mais les Russes n’étaient pas inquiétés. Les Occidentaux, ce n’était que de l’esbroufe. Ils n’attaquaient que les plus faibles, et n’avaient pas le courage d’attaquer les États véritablement puissants. Rien de bien surprenant, la culture de la démocratie leur avait été enseignée, avec cette première leçon, induite par le concept démocratique : le Président en place était un faible. Un faible, car il devait toujours obtenir l’aval de son Parlement, une bande de notables corrompus. Les Occidentaux avaient beau tirer à boulets rouges sur les oligarques russes, ils n’avaient aucune leçon à donner. La Russie savait que cette deuxième guerre aboutirait à la sécession de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Quand l’actuel Président de la France, Sarkozy, choisit d’agir comme médiateur entre l’Union Européenne et la Russie, afin d’aboutir à un plan de paix, Orloff et ses amis éclatèrent de rire. L’Union Européenne ne les inquiétait pas du tout. Tout ça n’était rien de plus qu’un marché de dupes : les Américains cherchaient à conserver leurs bases avancées en Europe de l’Est, afin de continuer à encercler la Russie et à l’isoler, politiquement parlant, tandis que les Russes cherchaient tout simplement à rappeler aux Américains que leur impérialisme ne saurait s’imposer à tous. La mission de Widow fut un succès, la paix fut signée, et tout le monde se désintéressa bien vite de la Géorgie... Sauf les Russes, qui continuaient à avoir des troupes dans les régions séparatistes... Mais, après tout, ils avaient déjà des bases militaires en Géorgie, alors ce n’était pas très surprenant. | (http://img103.xooimage.com/files/8/a/3/south-ossetia-4506569.jpg) |
(http://img101.xooimage.com/files/7/8/3/latveria-450657e.jpg) | La Latvérie avait le soutien de l’URSS depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les Soviétiques avaient soutenu la monarchie en place pour repousser l’envahisseur nazi. Ce petit pays planté dans les Balkans sombra ensuite, après la guerre, dans une tyrannie sévère. Sous l’autorité du Roi Vladimir Fortunov, la Latvérie opprima lourdement les communautés tziganes du pays. La vengeance des Tziganes s’élabora avec Victor von Fatalis, qui réussit à prendre le pouvoir. Les Soviétiques avaient choisi de l’aider, car ils estimaient que Fatalis était plus ouvert au communisme que son prédécesseur. Cette alliance ancestrale continuait à se perdurer, jusqu’à ce que le dirigeant de la Latvérie soit chassé du pouvoir, et que les Etats-Unis mettent en place une démocratie. Une autre manière de répandre l’impérialisme américain dans des pays où ils n’avaient rien à faire. Profitant de la déconfiture du pays, et de l’instauration d’une démocratie censée leur lécher les pieds, les Américains avaient envoyé des espions pour essayer de récupérer les technologies robotiques de la Latvérie. En matière de robotique, ce petit pays avait toujours été très en avance, et ses technologies étaient très convoitées. La Russie envoya donc Black Widow, avec pour mission, d’une part, d’empêcher le SHIELD de récupérer les plans de conceptions de robots très perfectionnés, et, d’autre part, de s’approprier lesdits plans. La générosité était l’apanage des imbéciles, pas des États. Ce fut la deuxième fois que Widow se confronta aux agents du SHIELD, que la Maison Blanche préféra envoyer, plutôt que la CIA, à Doomstadt. L’échange devait avoir lieu à l’Académie Werner, les Américains venant depuis l’aéroport de Doomsport. Black Widow fut là pour les accueillir, les filant discrètement, à travers les rues de la capitale. Les grandes statues à l’hommage de Fatalis avaient été abattues pour le gouvernement, afin de faciliter la transition démocratique, et les murs des écoles étaient décorés d’affiches pour les élections. Widow ne s’y intéressa que fort peu, préférant pister les agents du SHIELD, jusqu’à atteindre la glorieuse académie de la Latvérie, essentiellement spécialisée dans la robotique. |
RAPPORT #004 (extraits)
- Date de remise du rapport : 06/04/2014
(p.3)
Un vieux proverbe relate que la mémoire est la sentinelle de l’esprit. Quand j’officiais au CNRS, j’ai travaillé sur la mémoire, sur son fonctionnement, sur la mémoire dont elle marche. La mémoire est quelque chose de fascinant, et qui amène bon nombre d’interrogations. Qu’est-ce qui fait, par exemple, qu’un sujet est capable d’oublier ce qu’il a fait le matin, et de se rappeler, par la suite, avec une précision extrême, de ce qu’il a pu faire il y a cinq ans, si l’évènement qu’il a vécu est traumatisant ? Il existe bon nombre d’études et d’essais sur la mémoire, bon nombre de théories et d’interprétations. L’objet de ce présent rapport n’était pas d’en faire une synthèse, ni d’en faire un rappel exhaustif, mais d’essayer de trouver une explication scientifique à la situation actuelle de l’Agent X...
Pour entamer ce rapport, il me semblait nécessaire de rappeler que la « mémoire », au sens strict, ne veut rien dire, scientifiquement parlant. C’est un terme qui est à la fois suffisamment précis pour évoquer quelque chose, mais trop imprécis pour signifier concrètement quelque chose. Il est de coutume de dissocier la mémoire en deux éléments :
- La mémoire à court terme, qui permet de retenir les informations instantanées, pendant une courte période de temps. Faites-en l’exemple : prenez le premier numéro que vous voyez dans votre environnement, lisez-le simplement, et essayez de vous rappeler de ce dernier. Après quinze secondes, vous vous en souviendrez. Au bout de cinq minutes, vous l’aurez totalement oublié ;
- La mémoire à long terme, elle, permet de retenir à vie des informations qu’on apprend progressivement, ou chargées d’émotions. Vos périodes de moments intenses, comme votre première fois. La mémoire à long terme a plusieurs couches. Ainsi, l’apprentissage forcé d’enseignements peut subsister pendant quelques jours, avant de progressivement décroître. Et, de même, il existe certains enseignements que vous retiendrez à vie : manger en manipulant couteaux et fourchettes, par exemple, ou utiliser un vélo...
Ce que les différentes études menées, aussi bien par des recherches civiles que militaires, ont révélé, c’est qu’il n’existe pas, dans le cerveau, une zone spécifique pour la mémoire. J’aurais plutôt tendance à dire qu’il y en a une multitude. Les théories actuelles, réalisées à l’aide d’amnésiques, et confirmées suite à mes scanners réalisés sur l’Agent X..., estiment que la mémoire à long terme est répartie dans trois différentes zones du cerveau : le cerveau postérieur, le cervelet, et la moelle épinière.
Il apparaît que les blessures cérébrales reçues par l’Agent X... ont endommagé certaines de ses zones, et pas les autres. C’est assez difficile à expliquer en l’état, et je reviendrais là-dessus plus longuement dans la suite du rapport, mais je pense que les capacités cognitives et strictement cérébrales de l’Agent X... n’ont pas été altérées. Par ses capacités strictement cérébrales, j’entends tout ce qui, en quelque sorte, relèverait de la mémoire collective. L’Agent X... est ainsi capable de se rappeler précisément du contenu d’une encyclopédie, mais tous les traits de sa mémoire liés à ses goûts, ses envies, ses désirs, ont été effacées. Au vu de mes analyses, il est encore trop tôt pour me prononcer, mais je pense que l’Agent X... n’a jamais du avoir une véritable vie. Ce n’est qu’une arme de combat. La manière dont elle s’est comportée durant les entretiens, et sur les enregistrements, le confirme.
Par ailleurs, sa mémoire à court terme est extrêmement efficace. Je pense que ceux qui l’ont formé ont du réaliser des opérations chirurgicales pour améliorer son hippocampe. Il faudrait des scanners plus poussés pour le réaliser. L’hippocampe est un élément du cerveau qui sert de relais entre les différents types de mémoires du cerveau, et j’ai pu constater que l’Agent X... était pleinement capable de mémoriser rapidement de grandes informations. Ses séances d’entraînement en arts martiaux révèlent en elle une véritable tueuse, qui ne gaspille jamais ses ressources. C’est proprement fascinant.(http://img106.xooimage.com/files/4/0/6/image_d-4500d89.jpg) (Coupe du cerveau)
(p. 43)
Au travers de mes entrevues, j’ai pu établir un profil psychologique de l’Agent X..., ce qui rentrait dans mes attributions.
Cette femme est extrêmement curieuse à l’égard du monde, ce qui est d’autant plus troublant que ses connaissances historiques et politiques sont sûrement meilleures que les miennes. Il est assez difficile de le comprendre, mais, si l’Agent X... est capable de résumer en détail les apports du chief justice John Marshall, et d’analyser la portée de l’arrêt Marbury vs Madison, elle est en revanche incapable de prendre un choix. J’ai pu le constater lors d’une discussion rapportée en annexe, sur le choix du régime idéal, entre la démocratie ou la dictature. L’Agent X... est capable de mobiliser ses connaissances, mais a bien du mal à prendre des décisions. De même, elle peine à comprendre l’art. Je lui ai présenté différents types de peintures, répondant à différents genres artistiques, et elle a été incapable de me dire ce qu’elle en pensait. J’ai obtenu de meilleurs résultats en lui faisant écouter de la musique, là encore, à travers différents genres, mais ça relevait plus de la curiosité et du divertissement que du véritable art. Tout ceci ne fait que confirmer ce que je pensais : cette femme a été éduquée pour être une arme, et pour éprouver le moins de pensées possibles. Je ne pense pas que ses dommages cérébraux aient altéré le fonctionnement de son esprit, mais plutôt qu’ils ont contribué à briser son conditionnement.
Sa curiosité se couple avec une certaine forme de sympathie. Elle n’est pas agressive, mais essaie surtout d’en savoir plus sur son passé. Elle est ainsi très volontariste, mais j’ai pu noter qu’elle avait une forte tendance à la soumission... Au sens militaire du terme. Donnez-lui un ordre, et elle aura tendance à obéir instinctivement, ce qui, je le pense, est une autre conséquence de son conditionnement. Elle est instinctivement persuadée que le donneur d’ordres a forcément raison, et que les États sont là pour défendre l’ordre et l’intérêt général. Un point de vue simpliste, j’en conviens, mais ce n’est qu’une opinion personnelle.
Paradoxalement, j’ai aussi noté une certaine forme d’infantilisation... Ce qui, en y réfléchissant bien, n’est en réalité que la conséquence logique de tout ce qui a été vu lors de mes observations. Je pense que, face à un choix particulièrement émotif, comme choisir entre ses ordres ou un homme qui a toute sa confiance, l’Agent X... hésitera.
Parc Léopold, Bruxelles
Mars 2014(http://nsa34.casimages.com/img/2014/04/12/mini_140412014437127370.jpg) (http://nsa34.casimages.com/img/2014/04/12/140412014437127370.jpg)
Cette vue le détendait. Toujours. Quoi de plus agréable, en même temps, que la vue de ce bel étang ? Bruxelles était, pour ça, une superbe ville. Une ville verte. Dwayne Ethenson s’accordait toujours une demi-heure en début de semaine pour se promener dans les allées du parc Léopold, avant de rejoindre ses bureaux, Rue de la Loi. Depuis le parc Léopold, on était très proche du siège de la Commission Européenne, et il avait pris cette habitude, en prenant ses fonctions, de se détendre un peu, avant d’aller s’occuper de cette monstrueuse machine qu’était l’Union Européenne. Force était d’admettre qu’il avait effectivement besoin de se détendre : la crise en Ukraine n’en désemplissait pas, et tout le monde s’accordait à dire que le soutien de la France allait s’effondrer dans quelques jours. Les élections municipales se rapprochaient, et, au vu des différents sondages, il y avait fort à parier que le parti majoritaire allait s’en prendre plein la figure. En soi, de simples élections locales n’influaient pas vraiment sur le déroulement des affaires au sein de l’UE, mais, quand il s’agissait d’un pays comme la France, l’un des six États-fondateurs... Ethenson ne se faisait pas d’illusions : l’UE ne valait rien sans l’influence diplomatique de l’Allemagne et de la France, surtout contre un mastodonte comme la Russie.
Ethenson était proche du commissaire anglais, et était favorable à une ligne durcie à l’encontre de la Russie. Il voyait d’un mauvais œil les atteintes agressives à la souveraineté, et pouvait volontiers se définir comme un eurosceptique. Il n’aimait pas non plus les atteintes souverainistes de l’Union Européenne : l’effondrement des frontières, l’instauration d’une monnaie unique, avec tous les problèmes que l’euro avait engendré, et, dans un registre plus anglais, la pression européenne pour que ces derniers acceptent de faire voter des prisonniers politiques... Certes, ce n’était pas Bruxelles qui était derrière ça, mais Strasbourg, mais, pour Ethenson, c’était un peu du pareil au même. Le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne étaient aussi proches que deux frères vivant dans la même maison, et se rencontrant le soir en privé pour discuter de leurs journées. En fier élève de Churchill, Ethenson, qui avait d’ailleurs consacré sa thèse à l’héritage churchillien dans l’Angleterre, ne pouvait accepter de voir les velléités russes restées impunies.
Il se détendait donc le long du parc Léopold, et reprit sa route le long de ce dernier. Il quitta le parc, et s’engagea sur Belliard straat, afin de rejoindre Froissart straat, remonter la rue, et être ainsi devant les locaux. En chemin le long de la rue, Ethenson choisit néanmoins de s’arrêter à une boulangerie PAUL, afin d’y commander une viennoiserie, comme un délicieux pain aux raisins. Il ne comptait pas affronter l’Europe l’estomac vide. Il en profita pour observer l’avancement des travaux de façade le long de la rue, et entra à l’intérieur de la boulangerie, saluant le boulanger, Martin.
« Un pain au chocolat, Monsieur le commissaire ? demanda le boulanger avec un sourire.
- Ah, j’ai bien peur que ce titre soit encore un peu trop présomptueux, mon ami... Non, non, servez-moi plutôt l’un de vos délicieux pains aux raisins.
- Tout de suite, Monsieur. »
Le caissier se dirigea vers le produit demandé, tandis que le regard d’Ethenson s’attarda sur une jeune fille qui le regardait silencieusement, nerveusement.
« C’est votre fille ?
- Hum ? Oui, Monsieur. Elle n’avait pas école aujourd’hui : une professeur malade, je crois… »
Dwayne hocha lentement la tête, et paya le caissier, puis commença à croquer dans le pain aux raisins, tout en discutant un peu avec la fille de Martin. Cette dernière était timide, mais elle lui dit que, selon son papa, Dwayne était un « monsieur important », et qu’il travaillait « avec plein de gens importants ».
« Ah, elle est trop mignonne, cette petite ! Vous féliciterez votre épouse, Martin !
- Je n’y manquerais pas, Monsieur. »
Dwayne laissa la jeune fille lui faire un bécot, puis quitta la boulangerie, et, sur une démarche guillerette, s’en alla vers les bureaux de la Commission Européenne. En chemin, il se surprit à avoir envie de siffloter, tel Gene Kelly. C’était curieux à dire, mais il préférait largement ce genre d’entretiens, avec les gens du commun, plutôt que de s’enfermer des heures dans les locaux élégants de la Commission.
En rejoignant le rond-point Robert Schuman, face au massif bâtiment de la Commission, Dwayne éternua.
(http://img109.xooimage.com/files/3/3/f/cnrs-450784f.jpg) | Récupérer l’échantillon de la Bactérie-Z était nécessaire. Voronov ne voulait pas que les Occidentaux puissent réfléchir sur la bactérie, et trouver un moyen de contrer son virus. Le docteur avait une solide influence, de même qu’Orloff, et il apprit ainsi que l’échantillon avait été envoyé dans les locaux du CNRS, afin d’être étudié par les scientifiques. Orloff choisit d’envoyer Widow pour récupérer l’échantillon, tout en se débrouillant pour que les Occidentaux pensent que le FSB était derrière ce forfait. Le siège du CNRS était à Paris, rue Michel-Ange, à la sortie de la station de métro Michel-Ange – Auteuil, à l’entrée de la ville. Le CNRS était accessible depuis la rue Boileau, où se trouvait la clinique médicale et pédagogique Édouard Rist. Widow emménagea à Paris. Elle savait que le temps était compté, car l’échantillon serait très certainement rapidement déplacé. Après un repérage des lieux, elle attaqua pendant la nuit, en pensant par la clinique, moins surveillée que les locaux du CNRS. S’infiltrer fut extrêmement facile, car il s’agissait d’un établissement civil. Elle atteignit les toits du lycée Jean-Baptiste Say, et, de là, réussit à atteindre la clinique, en tendant un câble. Sur le toit de la clinique, elle rejoignit celui du CNRS, et s’infiltra dans les locaux. Grâce à des agents travaillant pour Voronov, Widow savait précisément où se rendre, et évita de se faire repérer. Elle ignorait comment accuser le FSB à sa place, mais en trouva l’occasion lors d’une altercation avec un agent du SHIELD, qui avait été placé là pour protéger l’échantillon de la bactérie. Widow et lui combattirent, et leur lutte déclencha un incendie. Black Widow neutralisa l’adversaire, récupéra l’échantillon, et laissa sur place un bout de tissu, afin d’accuser le FSB. Satisfaite, elle quitta ensuite Paris, sans même avoir eu le temps de grimper sur la Tour Eiffel. |
RAPPORT #006 (extraits)
- Date de remise du rapport : 08/04/2014
- Identité de l’auteur : Clint Barton
L’Agent X... est étonnant. Tout simplement. Je ne ferais pas la même analyse, très scientifique, qui a été faite par le docteur Trevor, car ce n’est pas ce qu’on m’a demandé. Je me suis rapproché de X..., et nous avons pu discuter de choses et d’autres. Elle passe l’essentiel de son temps à lire, et à se renseigner sur notre société. Elle a une capacité de lecture qui est tout simplement phénoménale, sans parler, évidemment, de sa capacité à réfléchir, à interpréter, et à analyser notre décor. Et elle a un de ces culs ! On a beau la surveiller, je pense que, si elle voulait vraiment s’évader du complexe, elle le ferait sans aucune difficulté. Elle est avec nous parce qu’elle se sent perdue, tout simplement, et qu’elle n’a plus ses repères. Elle ignore qui elle est, et je suis bien en peine de lui donner une réponse. Néanmoins, j’aime bien son contact, et ce même si elle m’a pété le bras. Je la traîne parfois hors de la bibliothèque pour l’emmener en salle d’entraînement. Elle se débrouille très bien, même si elle ignore comment elle réalise certains mouvements. Je pense qu’elle a effectivement été conditionnée pour être une tueuse d’élite, et, si son cerveau a perdu la mémoire, son corps, elle, continue à réagir. Elle est bien moins dangereuse que ce qu’elle était en venant ici, mais je pense qu’il ne lui faudra pas trop de temps pour redevenir cette femme qui a su mettre à genoux tout notre système de sécurité.
Elle et moi avons surtout parlé de la Russie et des Etats-Unis. Elle a été conditionnée pour voir en l’Occident le « Grand Satan » du monde, et m’a parlé de la guerre en Irak, des interventions de notre pays auprès des dictatures sud-américaines, de notre participation active au trafic d’armes, de la pollution atmosphérique, de nos entreprises irrespectueuses des valeurs humaines, de la marche forcée du monde... Elle m’a cité des auteurs occidentaux pour remettre en cause notre vision de la démocratie libérale comme un paradigme sociétal, Lampedusa en tête, ou encore les regrets de Tocqueville suite au suffrage universel en 1848 en France. Honnêtement, je crois qu’elle a plus de culture que moi là-dessus. Son cerveau est une ruche en ébullition, mais elle n’est pas obtuse.
J’ai essayé de lui montrer que les choses n’étaient pas aussi simples que ça, et je l’ai fait en contre-attaquant sur des sujets que je connais bien, puisque j’ai été un agent actif dans ces pays-là. Je lui ai notamment parlé de la Tchétchénie, et des offensives menées par les Russes. Je lui ai parlé de ces « détails » qu’elle ignorait, comme les filtratsionye lageri, ces fameux camps de filtration où les Russes ont entassé ceux accusés d’être des résistants, des boeivik.
Ce qui a achevé de la convaincre, ça a été cette image prise en 1996, par ce Français, Éric Bouvet. X... a admis que les choses n’étaient peut-être pas aussi simples que ce qu’on avait bien voulu lui faire croire. Je pense qu’elle est perdue, qu’elle n’a plus de points de repères, pour me répéter. C’est assez paradoxal, mais j’ai l’intime conviction que, malgré tout son potentiel, si on la libérait dans la Nature, elle ne saurait pas quoi faire. Elle a été formatée pour devenir une soldate, et je ne pense pas que c’est notre armée qui fera évoluer les choses, et dans son genre, elle est terriblement douée.(http://img110.xooimage.com/files/f/c/5/photo-4f0a987.jpg)