« Les livres ne vous intéressent pas, je crois ? »
Cirillia n’avait rien à répondre à ce qui, pour elle, relevait d’une simple constatation. L’homme avançait dans son chariot, tirant ce dernier, et avait pour seule compagnie son petit-fils, et la femme. C’était un vendeur itinérant, et un diseur de bonnes aventures. Il s’appelait Arnand Dilwän, et son petit-fils s’appelait Judoc. C’était un adolescent, ayant 14 ans, et qui accompagnait Arnand. Ses deux parents avaient été tués lors d’une épidémie de peste, et, pour le consoler, Arnand avait commencé à lui raconter des histoires... Ce faisant, il était progressivement devenu conteur, puis marchand itinérant, vendant essentiellement des livres. Sa roulotte abritait d’ailleurs différents livres, et il faisait route le long des routes de Terra, se vendant dans les auberges et dans les forts pour proposer de conter des histoires et des légendes, ou tout simplement les actualités qu’il entendait dans les autres régions : les conflits, les épidémies, les grandes foires... Autant d’informations qui intéressaient généralement grandement les seigneurs locaux, et qui permettaient à Arnand de s’enrichir. Les églises étaient notamment des lieux où il revendait aisément ses manuels et ses écrits, les prêtres étant toujours friands de ce genre d’histoires. Il aimait aussi à se produire dans les auberges, et c’était justement par là qu’il se rendait.
Il y a quelques jours, Dilwän s’était produit devant le seigneur de Montboissier, une petite ville avec un manoir. La fille du seigneur local avait adoré ses histoires, et le seigneur, bon prince, avait conseillé à Dilwän de se produire dans les petites auberges de la région. Cependant, il y avait des attaques de monstres sauvages dans la région, dernièrement, et le sire de Montboissier avait donc tenu à protéger l’homme, et avait adjoint à sa protection une chasseuse de monstres. Versée aux arts des sorceleurs, Cirillia y avait trouvé un moyen rapide et facile de gagner de l’argent. Elle avait terrassé quelques monstres peu dangereux sur la route, mais elle ne s’attendait pas à ce qu’Arnand soit aussi bavard.
« L’auberge est là-bas...
- Effectivement. J’espère que ces gens seront aussi ouverts d’esprit que Marjorie. Vous avez vu ses yeux émerveillés quand j’ai conté la légende des Trois Pics ? »
Marjorie était la fille du seigneur local, et elle avait effectivement adoré cette histoire. Cirillia, elle, avait trouvé ça idiot. Que des gens paient pour de telles sornettes la dépassait, mais il fallait dire qu’elle n’avait jamais été vraiment portée sur la lecture. Elle avait appris à se tuer, pas à lire. Oh, elle savait lire et écrire, bien entendu, mais un roman ne l’avait jamais transporté... Sauf les manuels militaires, les essais sur les monstres, les traités sur l’escrime, et ce genre de choses, mais elle doutait que ce soit le genre de livres qu’Arnand traînait dans sa besace.
Son chariot était tiré par un robuste cheval, qui, d’après ses dires, avait appartenu à son fils. Un destrier vigoureux, mais ce n’était pas un cheval de guerre, ce que Ciri’ avait pu rapidement noter. C’était un canasson qui avait connu les verts pâturages, et rien de plus. Ciri’ voyait l’auberge se rapprocher. Elle était au croisement de plusieurs petits hameaux et à la lisière d’un bourg, au croisement de plusieurs sentiers, ce qui lui permettait d’avoir un afflux de paysans et de clients. Un muret en bois faisait de cette auberge un refuge, et il y avait quelques gardes à l’entrée, ainsi qu’un puits, et quelques dépendances supplémentaires.
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Dans un coin, Ciri’ vit une forge gérée par quelques nains et des humains. Dans un coin, un herboriste vendait des potions, et, autour d’un feu-de-camp, quelques voyageurs se reposaient à l’ombre d’un grand olivier. Les gardes les laissèrent passer sans problème, patrouillant silencieusement, dans des armures légères. Il y avait quelques enfants, ce qui ravit Arnand.
« Ah, vous voilà enfin ! C’est vous, le diseur de bonnes aventures, je suppose ? »
L’aubergiste venait de les accueillir. Il avait une belle barbe noire, et salua Arnand Dilwän. Il leur expliqua que son seigneur avait fait parvenir une missive pour annoncer la venue prochaine d’un conteur.
« Les gens d’ici n’ont pas souvent l’occasion de se divertir, alors, un raconteur de bonnes aventures, vous pensez bien que ça va les attirer. Quand pensez-vous pouvoir nous raconter une bonne histoire ? »
Arnand, visiblement ravi d’avoir une certaine attention, lui assura qu’il serait prêt dès ce soir, le temps de procéder à quelques répétitions, et de choisir une bonne histoire à raconter. En attendant, il laisserait Judoc se charger d’ouvrir la boutique. Arnand s’acquitta de la taxe nécessaire pour pouvoir établir un point de commerce dans la propriété du tenancier. Ciri’, quant à elle, sentit qu’elle allait passer toute sa journée ici, et qu’elle allait passer une soirée d’enfer.
*Avec un peu de chance, j’arriverais à tirer un coup... Mais bon, on ne crache pas dans la soupe, après tout, ce n’est pas poli.*