« Malveillant ?... » répondit-elle simplement, légèrement anxieuse. Décidément, la frousse de cette humain lui était communicative. Peut être aurait-elle dû se reprendre et garder la tête froide pour deux. Le garçon ne semblait pas en état de diriger cette exploration. Un grincement de porte et l'apparition d'une jeune fille lui épargna cependant cette peine. Fée ou non, elle n'était physiquement pas bien menaçante, et Ozvello pourrait toujours la poignarder en cas de problème. Les deux intrus se dirigèrent vers cette demoiselle, avant qu'elle ne prenne la parole d'une voix passablement enrouée.
Au moins, ce sourire sans émotion rassura quelque peu la Sirène, qui se détendit. Elle avait du se tromper sur le compte de l'inconnue. Celle-ci souriait comme une humaine, jusqu'à en être un cas d'école. Ces créatures terrestres, particulièrement celles des villes, avaient pour coutume d'effectuer ce genre de "faux sourires" à de nombreuses occasions et, bien que Laura n'ait jamais réussi à vraiment saisir toute la logique de ce rituel, adresser la parole à un inconnu était de ces situations où déformer les joues sans plisser les yeux s'imposait.
Son jeune guide de se présenter, et elle d'en faire autant, dans les grandes lignes, le singeant à la limite de l'ironie :
« Je m'appelle Laura, et ne peux que confirmer ce qu'affirme le jeune mâle ; c'est un plaisir de faire une rencontre si charmante, et c'est une chance qui m'est donnée pour la première fois aujourd'hui. »
Laura se sourit à elle même, lançant à peine un regard en coin à Ozvello, pour apprécier sa réaction. Elle espérait que sa pique le ferait sourciller. Il l'avait méritée, après tout, pour avoir mis la beauté de des deux femmes sur le même plan, dans son élan de flatterie. Grave impair. Hors de question que la brune laisse insinuer que cette humaine de rang inférieur et aux cheveux négligés, aussi bien faite soit-elle, puisse porter concurrence à la grâce d'une Sirène. Question d'orgueil, d'abord, et de bon goût, ensuite.
La Sirène saisit sa chevelure entre ses mains et la remonta au sommet de son crane, découvrant des pans de chair jusque là noyés sous la noirceur de ses mèches. Une peau pâle et lisse, tendue sur les arêtes de ses omoplates et laissant se dessiner entre elles le discret relief de la colonne vertébral ; « Vous vivez seule là dedans ? » Des épaules minces, légèrement anguleux à la naissance de la clavicule. Des aisselles glabres, Mésopotamies d'une musculature gracile, sous lesquelles l’œil attentif pouvait percevoir le début de la zébrure des côtes, accentuée alors que les deux bras s'étaient hissés pour s'affairer à nouer le chignon de la belle. Celle-ci n'était pas pressée ; elle faisait de son exercice une parade langoureuse et feignait de n'avoir d'yeux que pour la nouvelle venue.
La petite était belle, c'est vrai. Malgré son état piteux et négligé, elle dégageait sans aucun doute une grâce indissociable de sa fragilité. Laura se laissa aller à un sourire bienveillant à son égard, tout en achevant son ouvrage ; la copieuse cascade noire était maintenant réduite à la discrétion, sous la forme d'un chignon serré. Celui-ci laissait cependant échapper une épaisse mèche sombre dont la pointe balançait à quelques centimètre du milieu de la nuque de la Sirène, dont les oreilles respiraient enfin.
Attention, il se pourrait que le ton de cette vidéo ne brise une immersion dans le récit difficilement acquise (peut être). (http://www.youtube.com/watch?v=RyiEM1mFOEs)