Le Grand Jeu

Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Complexe d'études secondaires et supérieures => Discussion démarrée par: SSiegfried le dimanche 28 avril 2013, 20:00:40

Titre: ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le dimanche 28 avril 2013, 20:00:40
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Notice Titrale : Le titre est une référence aux oeuvres de Goethe et Schubert "Der Erlkönig", soit "Le Roi des Aulnes" (Ou roi des Elfes selon une étymologie discutée). L'Erlkönig est un personnage folklorique germanique et surtout scandinave. Lui (ou sa fille, selon les versions) est une version boisée de la sirène : Il attire par ses mots doux, sa voix enjôleuse et ses promesses, avant de tuer violemment.

Le Erlkönig est un personnage que le grand Goethe a placé dans l'un de ses poèmes, qui fut adapté en Lied par Schubert (Un Lied (signifiant "chant" en teuton) étant l'ancêtre de la chanson moderne : Formation musicale d'une voix à cinq, très peu d'instrument, et une chanson de 3 à 10 minutes alternant strophe et refrain. Schubert et Strauss excellaient dans l'art d'écrire des Lieder.). Dans ce Lied, donc, un père chevauche avec son enfant, celui-ci commençant à céder à une maladie. Plus il se sent mal, plus il voit le Erlkönig, qui semble n'être qu'une hallucination due à son mal.

"So Brauch' Ich Gewalt !" signifie "Je vais devoir être violent !" C'est la dernière parole du Erlkönig, après avoir passé toute la chanson à chercher à le charmer, il fini en le menaçant, avec un crescendo "Si tu n'es pas consentant... Alors, je vais devoir être violent !". C'est l'aboutissement de l'Erlkönig, après avoir laissé pensé qu'il était un type super sympa, referme son piège sur lui.

Le gosse meurt dans les bras de son père en arrivant au village, alors même que son père refusait d'entendre ses suppliques.


-Répertoriez tout. Ne laissez rien.

Siegfried poussait violemment une table sur son chemin, renversant sans vergogne les documents qui s'y trouvaient. Ses soldats investissaient le lieu comme un cancer rongeait un corps. C'était un capharnaüm monstrueux. A l'annonce de l'arrivée des SS, les bibliothécaires et les lecteurs s'étaient vus donner l'ordre de déguerpir du lieu, d'où la désorganisation manifeste de tout les ouvrages, abandonnés sur les plans de travail, en vrac, avec des tas de blocs-notes, de feuilles volantes, et de livres plus ou moins anciens, avec du matériel de lecture et quelques lampes douces.
Le nazi s'arrête devant un bureau où trônaient trois volumes d'un manifeste d'agriculture et de pêche, dont l'un était ouvert sur une page légèrement illustrée. Siegfried se penche dessus, tentant de lire l'écriture fine et effacée, lorsque survient un vieil homme en complet brun, lui ôtant la main de la page.
-Ce livre a 800 ans ! Et que font vos hommes !?
Du danois. La pratique du norvégien et du suédois de Siegfried lui serviront pour pratiquer ce langage dont il n'a que quelques bases. Loin de relever l'affront consistant à le toucher, le baron répond sans se démonter.
-Ordre du Reich. Tous les livres sont à nous désormais. Requisition. (C'est de l'allemand, oui oui.)
Le papier tendu par le nazi est attrapé par le gestionnaire, qui prend un air outré.
-Mais... C'est en allemand !
-Considérez-vous en Allemagne désormais. Willkommen, Herr Thorning. Vous feriez bien d'apprendre ma noble langue au plus tôt. Erik !

Un soldat lève la tête, redresse son calot, et accourt vers son supérieur comme un clébard qu'on aurait sifflé.
-Traduis pour le monsieur. Mes félicitations : Le Reich a besoin de vous. Tous ces livres vont être enregistrés et certains iront tout droit dans nos archives. Et votre travail, c'est de rendre la tâche plus facile. Je compte sur vous et vos employés pour aider ma troupe. Rajoute que je ne suis pas du genre à économiser mes balles parce que je suis dans une bibliothèque : Les réfractaires seront fusillés sur l'instant.
Il lui tapote sur l'épaule et s'éloigne tandis que l'autre fini de transmettre l'invective dans la langue du vieux bibliothécaire.

-Alors ?
-C'est une mine d'or, Hauptsturmführer. C'est exactement ce que le Reichsministerium nous demande.
-Servez-vous alors. Les bateaux partent demain pour Kiel. Chargez-les au maximum, ils s'occuperont de tout trier à Berlin.

L'ancien en costume revient vers Siegfried, pensant avoir un responsable avec lequel il peut parlementer, sans se rendre compte qu'il est l'archétype du soldat qui obéit aux ordres d'en-haut.
-Monsieur... Vous ne pouvez pas faire ça ! Ces livres sont la propriété de l'Etat Danois ! Ils sont notre patrimoine !
Siegfried n'a jamais été très Lüger©, contrairement au stéréotype du soldat allemand basique. Depuis son incorporation, il se reconnaît plus dans la fiabilité et la robustesse du Walther©.
… dont le canon échoue sur la tempe du bibliothécaire, après que celui-ci ait été saisi par le col, et la face écrasée contre son bureau.
-Erik, dis au monsieur que c'est mon seul avertissement, et que cela vaut pour lui et tout ceux dont il a la charge. Rajoute qu'en jouant les héros, ils se mettent en danger eux, mais aussi leurs précieux livres, leur patrie, et, bien entendu... leur famille. Et rajoute aussi que je suis quelqu'un avec bien peu de patience.
Silence mortel après que le soldat eut fini de déclamer son texte en danois, un bref sourire aux lèvres, amusé du sadisme de son supérieur, dont les habitudes commencent à être coutumières pour toute la troupe.
-... Verstanden ?
-Ja... Ja.
-Mes amis, il se met à parler allemand ! Comme quoi, avec une arme, on fini toujours par obtenir du résultat.

Il lâche la flanelle douce qu'il tient entre ses doigts, et, la chemise libre, le documentaliste peut se redresser, visiblement paniqué. Siegfried lui assène un coup de crosse à la joue, l'envoyant valser sur quelques mètres avant de misérablement s'écrouler sur une table, emportant avec lui ses inestimables pièces de collection octocentenaires de chasse et de pêche.
-Pardon, mais je déteste sortir mon Walther© pour rien.
La bête est rangée, et Siegfried s'éloigne vers l'extérieur. Une petite cigarette est de rigueur.


ᛋᛋ


Entrez, entrez, allez-y...

Le professeur était là bien avant eux. Pour une fois, il faisait son cours dans un amphithéâtre plutôt qu'en classe. 30 élèves, à qui il demandait de s'installer aux deux premiers rangs, juste devant le tableau. Sur son bureau, très large, étaient disposés plusieurs livres d'un autre âge. Archaïsme fascinant. Ces grimoires, extraits d'archives séculaires, millénaires parfois, sentaient bon la poussière et l'âge. Par les pages jaunies, usées, aux bords élimés, c'est toute l'histoire du monde qu'on effleurait. Les couvertures étaient parfois complètement détachées. Pour éprouver la sagesse de ses pages, il suffisait de connaître leurs petites sensibilités : un air de mauvaise qualité, une lumière trop puissante, ou simplement, le toucher de la peau, impure, dont les pores dégagent une toxicité nocive à ces parchemins témoins de la mémoire du temps.
D'où les précautions prises par le nazi : L'intensité des néons a été baissée, comme pour la projection d'un film, et, détail amusant supplémentaire, il porte des gants en fin coton blanc, qui font franchement tâche avec le costume-cravate hyper classe.
Siegfried ferme la porte derrière eux, puis descend les escaliers pour aller s'installer. Une classe qu'il appréciait généralement. Calme et sérieuse. En tant que professeur de Droit (entre autres matières qu'il enseigne dans l'établissement), il appréciait particulièrement la discipline et l'ordre. En tant que SS, aussi, remarquez.

Bonjour à tous. Aujourd'hui... Je vais profiter que l'on soit en avance sur votre programme pour vous faire un petit cours qui n'est pas développé dans vos livres. Je suis un immigré, vous savez tous que je ne suis pas né ici. Et je souhaite à beaucoup d'entre vous de pouvoir vous expatrier, temporairement ou définitivement. Le problème, c'est qu'en étudiant votre pays, beaucoup en viennent à oublier que le monde ne fonctionne pas pareil que vous. Aussi, je vous ferais aujourd'hui un cours sur les différents systèmes de droit généralement considérés comme mineurs, ce qui est une aberration.

Certains ont amenés des amis avec eux. À ce qu'il parait, un cours avec Siegfried est toujours intéressant, mais quand il demande à une classe de venir spécialement en Amphi, c'est qu'il a quelque chose de spécial à montrer. C'est presque une attraction. Un petit groupe de 3 apparaît même au sommet de l'immense salle pour s'installer en haut, mais le professeur leur fait signe de descendre et de s'installer au niveau de sa classe. Ils s'exécutent. Par rapport aux autres profs psychorigides, l'européen à l'accent teuton fait figure de légende de l'université.

À l'image du droit asiatique, notamment le droit japonais, le système de droit romano-germanique a pondu nombre d'enfants bâtards. Un peu comme un conquérant coureur de jupon. Beaucoup de pays étaient fascinés par l'Europe et, comme l'a fait votre pays au sortir de l'ère Meiji, des nations en ont fait appel aux juristes occidentaux pour codifier leur droit, ce qui nous mène à une sorte de monstre hybride entre un droit coutumier local et un droit écrit romain. C'est ainsi qu'ont procédé les scandinaves. D'où les ouvrages que j'ai amené.

Il ouvre un à un les livres étalés sur la table, précautionneusement, découvrant une langue que beaucoup ne connaissent pas ici. Des... Runes ? Ha. Faites comprendre à des japonais les origines de l'Allemagne, des invasions barbares, des frontières permanentes entre les peuplades romaines et les teutonnes à l'intérieur même d'un continent qui semble pourtant homogène d'un œil externe.
Un texte était même écrit à la fois en futhark et en latin. On remerciera certains traducteurs du bas-moyen-âge.

Ces ouvrages ont une grande valeur historique, aussi, ne les abîmez pas. Vous pouvez vous approcher. Cette page, par exemple, est une recopie du XIIIeme siècle d'un texte plus vieux qui a été perdu désormais. Il relate le règne de Harald du Danemark, de son fils Sven, et de leurs conquêtes. Il faut savoir que chez les vikings, les lois sur la conquête et la propriété étaient très strictes. Pour faire simple, dans les familles seigneuriales, l'aîné héritait des terres, et tous les fils suivants ne possédaient rien. On leur donnait un bateau, une armée, et allez conquérir ! Le règne d'Harald a été marquée par plusieurs guerres, la conversion de son royaume au christianisme et, bien évidemment, des modifications territoriales importantes. Je vous laisse tenter de déchiffrer l'écriture, pour ceux qui y reconnaîtrait quelques mots en fonction de l'écriture latine à côté...

Il s'écarte tandis que certains se rapprochent. C'est un cours de droit ou un prétexte pour faire passer un moment sympa à ses élèves ? Parler de Scandinavie, pourquoi pas, s'était-il dit. Il a dû batailler avec les responsables municipaux pour obtenir la faveur de pouvoir sortir ces livres. Il a dû négocier avec certains, faire pression sur d'autres. Il fait même chanter un membre du conseil de la ville. Chacun son truc.

Bref sourire en voyant les étudiants essayer d'assimiler les runes. Ses yeux se froncent. Une chevelure... pas noire du tout. Une face singulière, qu'il n'avait jamais vu. Un physique entièrement particulier. Beauté froide et pure. Il en est soudain gelé de l'intérieur, la fixant bêtement. Un élève lui pose une question, et il n'entend pas. Siegfried, surhomme, mythe du Reich, vient de prendre une claque.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le dimanche 28 avril 2013, 20:38:44
Cela faisait si longtemps que Frig ne s'était pas posée devant son miroir dans le but de se faire belle, un minimum présentable. Depuis des mois, c'était la même routine : se lever tous les matins, et pourquoi donc ? Pour ne rien faire de sa journée, pour rester cloîtrée chez elle, plongée dans les livres dans cette ambiance si déprimante. La Scandinave sortait très peu, même trop peu : seulement quand c'était nécessaire. Pourtant, depuis quelques jours, elle avait repris goût à sortir, aussi étonnant que cela puisse paraître. De temps en temps, la jeune femme s'incrustait en catimini à certains cours de l'université dans le but d'occuper son temps libre de manière lucrative. C'était une façon de tuer le temps, de se dédouaner, de se persuader qu’elle faisait quelque chose de bien. Ainsi elle se sentait moins coupable de rester enfermée chez elle.

Je disais, Adelheid fixait son reflet dans le miroir de sa minable salle de bain, dans son minable appartement. Par tous les Dieux, elle ne savait plus quelle âge elle avait et son visage ne lui donnait aucun indice. Voyait-elle toute la candeur de ses jeunes années, ou cela était-il simplement la lassitude et la morosité d’une personne un peu plus âgée ? Une certaine sagesse marquait ses traits, tout comme la fatigue. Pourtant, s'être délivrée des drogues lui avait rendu un certain... éclat. Oui, tout à fait, c'était comme si Frig était plus « pure » qu'elle ne pouvait déjà l'être. L'éveil de « quelque chose » - même si elle savait très bien quel était ce « quelque chose » - sans doute.

- Jenta mi, du tenker for mye... Grogna-t-elle à l'intention de son reflet dans le miroir, en espérant sincèrement qu’elle puisse s’entendre.

La Norvégienne avait la fâcheuse tendance de se perdre très vite dans ses pensées, surtout lorsqu'il s'agissait de pensées existentielles. Cela devait faire quelques minutes qu'elle tenait son rouge à lèvre entre ses doigts, immobile. Adelheid finit enfin de se maquiller – très légèrement – et de s'habiller. Malgré le doute la rongeant de l'intérieur, le fait de sortir pour faire quelque chose de constructif lui mettait du baume au cœur ; elle est perdue, et elle ne sait plus quoi faire. Pour une fois, la jeune femme n'allait pas se livrer à ses excentrismes : parfois, il vaut mieux rester neutre. Neutre, et simple : une chemise blanche immaculée, aux manches longues, surplombée d'un serre-taille noir, un short noir, des collants avec imprimé dentelle et une paire de Doc Martens montant jusqu'à ses genoux. Pas de friolures, mais quelques détails restent visibles : un tatouage runique est dissimulé sous le col de sa chemise, on peut deviner des tatouages à l'arrière de ses cuisses à travers le collant et des bandages couvrent ses avant-bras jusqu'à ses phalanges. Ses seuls bijoux sont trois pendentifs : un mjöllnir, un bout de bois ciré avec le rune Fehu gravée, et un autre bout de bois avec sur celui-ci la rune Hagalaz gravée dessus. On ne retiendra qu'une chose de ce portrait : sa tenue est impeccable.

Après moult préparations – esthétiques et psychologiques – Frig attrapa sa veste en cuir et son sac avant de se diriger vers la porte.


*
* *

La jeune femme avait entendu parler d'un certain prof à l'université... Dans les couloirs, entre deux cours, on peut entendre énormément de choses et ces choses avaient attisé sa curiosité. Un professeur de droit, paraît-il. Frig n'avait jamais suivi un cours de droit de sa vie, mais cela n'était qu'un simple détail. Il était Allemand, qu'on disait. Il était particulier, et il s'était fait connaître dans son domaine. Qu'à cela ne tienne, elle n'avait rien à perdre après tout : cela changeait tellement de tous ces asiatiques dont elle n'en pouvait plus. Dans cette foule de nippons, elle se sentait tellement « hors-normes », beaucoup trop différentes de ses pairs. Ah, ce doux moment où elle pourrait rentrer chez elle...
*
* *

Clac. La porte se ferme. Enfin. L'attente avait presque été insoutenable. C'était quelque chose de tout nouveau pour Frig et le stress de « la première découverte » s'était épris d'elle. Ils étaient peu, dans la salle. Tant mieux, elle avait tendance à peu supporter la foule. En tout cas, tout cela n’avait pas l’air d’un cours de droit, tout du moins pour le moment.

En tout cas, le prof était indéniablement européen. Ce n’était pas un de ces japonais qui se considéraient comme « occidental » parce qu’il avait un parent français, italien, ou anglais… ou que sais-je, et seuls les dieux savent comme ils peuvent être nombreux. Adelheid devait avouer que l’homme derrière le bureau avait franchement la gueule de l’emploi. Et il avait un costume carrément classe, faut dire.

Elle était attentive à ses paroles : c’est un professeur qui sait parler à ses élèves. C’est en entendant le mot « scandinave » qu’elle eut un léger sursaut. En réalité, cela lui faisait chaud au cœur, ça lui rappelait la maison. Finalement, on proposa à l’auditoire de se lever pour inspecter les ouvrages présentés sur le bureau ; Adelheid ne se fit pas prier et se glissa parmi les autres élèves. Curieuse, oui, elle l'était. Certaines personnes se retournèrent en la voyant passer : une gaijin comme tant d'autres, certes, mais il paraît qu'elle a une aura bizarre ou un truc du genre. C'était ce que disait ceux qui l'avait déjà aperçue à d'autres cours.


- Herregud

Elle ne put s’empêcher de d’écarquiller les yeux en voyant le contenu des manuscrits : alors que ses camarades avaient des difficultés à lire ces caractères, elle pouvait les comprendre avec une facilité déconcertante. En plus, ça lui rappelait l’école, quand elle était encore en Norvège.

Pendant l’espace de quelques secondes, son regard croisa celui du professeur de droit, mais elle finit par détourner les yeux vers les manuscrits datant de plusieurs centaines d’années.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le lundi 29 avril 2013, 00:14:00
Il lui fallu un effort surhumain pour arriver à détourner le regard. Tant mieux, surhumain, il l'est. Cette vénus au teint de perle attirait ses iris comme la lumière des champs de bataille. Cette fascination ressentie tandis que le soleil blafard se drape de cotonneux linges argentés qui masquent ses rayons et que tombent les premiers flocons d'une journée d'hiver au bord de la Volga, rafraîchissant la peau de l'officier dont les joues seront bientôt rouge de ces efforts. Cette adrénaline familière, lorsque, debout sur une ligne de front, naissent les colonnes ennemies à l'horizon, annonciatrices des soirées les plus dures des hommes. Cette admiration, enfin, quand l'ultime obus éclate, loin de lui, et que la pleine blanche du paysage a laissé place à un désordre sans nom, la terre écorchée des explosions de poudre, des roulements de métal, nourrie du sang d'un millier d'escouades qui ne se battent pas sur leur pays ; les arbres y pousseront un jour, Siegfried se le disait souvent, et il viendra se recueillir auprès de chaque tronc qui a un jour bu du sang aryen. Son éducation classique lui faisait penser aux fleurs, et aux feuilles, y compris dans la détresse. Trop lire Goethe, ça imprime quelques réflexes sentimentaux à la noix.

Les images de guerre défilent. Et la voix s'élève de nouveau.

Ce sont des textes de lois, ça ?

Il redescend sur terre, oublie le regard qu'elle vient de lui porter et qui l'a transpercé comme une balle, pour se concentrer vers la jeune fille qui posait une interrogation qu'il estimait, pour une fois parmi les premières années, pertinentes.

Pas vraiment. Les scandinaves ont eu une codification au sens moderne assez tardive. En revanche, à cette époque, quoi de mieux pour codifier le droit que de relater, heure après heure, le quotidien d'un peuple et de ses dirigeants ? En fait, quand Erik Lavard a écrit le règne d'Harald, puis de Sven, avec une minutie de détail, en nous expliquant le protocole, les coutumes de guerre, la cour, les héritages, les règles de commerce, consciemment ou non, il codifiait le droit de son temps. Et ça se vérifiera, car quand arrivera les codifications danoises, norvégiennes et autres, et qu'ils tenteront de concilier le droit civil à la française et le droit coutumier nordique, on pourra constater une certaine conformité des coutumes de l'époque à celles qui seront rédigées. Comme si leurs lois avaient été figées sur 800 ans, à quelques nuances près. J'abuserai sans doute en disant que si Harald avait débarqué en 1850 au Danemark, il n'aurait eu aucun mal à se faire aux lois locales, puisqu'elles sont héritières de ce qui se pratiquait à son époque. Et c'est sans commune mesure avec ce qu'il se pratiquait dans le reste de l'Europe.


Son esprit s'égare de nouveau. Son discours sur le droit scandinave, il en a bouffé, il le connaît sur le bout des ongles. L'attention se reporte sur Frig, vers qui il tend un doigt presque accusateur. Une aubaine. Il savait qu'il ne se tromperait pas. Physionomiste des origines et des races, Siegfried, en bon globe-trotter, connaissait par cœur chaque caractéristique de visage, et il espérait vraiment, du fond du cœur, ne pas se tromper. De plus, la manière dont elle observait les ouvrages qu'il présentait sous les mirettes fascinées de ses élèves, une façon particulière, par rapport à ceux qui ressentaient l'orgasme de la découverte, lui laissait penser qu'elle pourrait lire les partitions de norrois aussi simplement que si lui-même devait traduire du Nietzsche dans sa langue. Il tourne une page en lui parlant... en danois.

<Vous. Là. La jolie fille aux cheveux clairs. Vous avez déjà étudié ce texte, non ?>

Sa façon de parler étonne tout le monde. De peur de s'être trompé, il variera dans son dialecte, enchaînant avec du norvégien.

<Une édition très tardive, de 1310 et quelques, du Skånske Lov. Incontournable en Droit scandinave. Ainsi qu'en littérature, et en théologie. Car je ne pense pas que vous soyez en droit...>

Il ferme avec délicatesse les quelques livres, mettant de côté ces précieux manuscrits ancestraux, puis sort de son gros tas de bouquin sous le bureau. Celui-là sera traité avec moins de soin, puisqu'il a enlevé ses gants pour celui-ci. Ce sera du suédois cette fois-ci.

<Snorra Edda. Pas un original cette fois-ci, vous comprendrez pourquoi. Ce livre doit plus vous parler, non ?.. J'ai commencé le norrois avec ça. Ca fait longtemps que je ne suis pas retourné dans ces beaux pays, d'ailleurs...>

Sourire ravageur. Le SS est tellement sûr de lui que ça en devient flippant. Notons que toutes les filles qui hésitaient entre la peur et le dédain de Frig sont désormais toutes fixées : Elles la haïssent. Leur Siegfried, ce prof sur lequel elles fantasment à mort, se découvrant un puissant syndrome de nymphomanie avec complication dite ”chute du Niagara” quand il est dans les parages, c'est elle, cette pétasse qui vient à peine d'arriver, qui attire ses faveurs. Même qu'il parle une langue rien que pour elle. C'est d'un sexy ! Ca leur donne tout de suite envie de se mettre à des langues étrangères pour disserter avec leur beau professeur du temps qui passe et, éventuellement, de lui rouler une grosse galoche.

Bien. Je vous remettrais une fiche à propos du droit scandinave. Sachez à simple titre informatif que ces ouvrages sont disponibles dans votre grande bibliothèque, dans la section correspondante, qu'il y a fort peu de livre venant de là-bas dans cette ville et que c'est l'occasion pour vous d'aller les consulter, avec les œuvres venant de toute l'Europe, d'Afrique, d'Orient, et de tas d'autres endroits qui ouvrirait votre esprit de nippon tout renfermé sur soi-même.

Il esquisse un sourire, et la vanne passe tranquille. Il met le tout de côté, sans brusquer les pages venant d'une région si grandiose, et enchaîne en sortant des manuscrits arabes, qui ne dépassent pas les 200 ans. Emballés et parfaitement conservés, la langue est tout aussi inconnue pour les étudiants qui squattent l'air devant le bureau.

Nous allons maintenant parler du droit musulman. Là encore, ses spécifités sont assez particulières, et le fait qu'il soit un droit très ancien, très répandu et aussi très disputé, vont vous faire comprendre des subtilités juridiques qui vous sont inconnues.






Après le cours. Siegfried range calmement ses affaires, et réorganise les très nombreux emprunts à la bibliothèque qu'il va devoir rapporter sans les abîmer. Une responsabilité qui lui est familière. Ah, le rapt des pays occupés... Quel nostalgie...

Des mouvements devant son bureau. Serait-ce la petite scandinave qui vient le voir ? Là, honnêtement, il en rêve. Repenser à ces semaines merveilleuses passées en Scandinavie, ça lui donne envie de chialer tellement c'était beau. Et l'aura qu'il ressent près de l'inconnue, cette aura qui plonge ce héros teuton, création de la science allemande pour être un mythe, il ne se l'explique pas vraiment. Une gêne, mais un délice. En levant les yeux, il constate que c'est l'une de ses étudiantes qui vient gratter des références. Une sérieuse. Bien. Il sort une feuille, et lui écrit les titres des bouquins nordiques qu'il a amené.

L'exercice n'est pas difficile. Il suffit de saisir des subtilités d'un droit porté sur la guerre et la propriété, comme je vous l'ai précisé. Essayez de penser autrement que votre carcan asiatique, et vous verrez que ça ira tout seul. D'accord ?

L'étudiante acquiesce et file. Lui retourne à son rangement, attendant que tout le monde sorte pour déménager ses emprunts sans que personne ne l'emmerde. 
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le lundi 29 avril 2013, 01:16:41
C’était perturbant. Elle sentait quelque chose, un regard, peser sur elle mais Frig ne leva pas les yeux. Non, la jeune scandinave préféra se concentrer sur ces runes qu’elle connaissait si bien, depuis le temps qu’elle les étudiait. En vérité, elle en avait presque la larme à l’œil : c’était comme si elle était « à la maison », en fait. Pour une fois qu’on ne lui faisait pas bouffer de la civilisation japonaise ; la dernière fois qu’elle a été dans une salle de cours, c’était quand elle était encore au lycée, à Seikusu même. Hélas, elle n’était pas aussi brillante que ses camarades de classe et elle n’avait pas pu rejoindre une université. De toute façon, elle n’avait pas l’argent pour ça. Et les parents, alors ? Ces riches médecins presque reconnus mondialement pour leurs prouesses ? Oh, elle n’en parle pas. C’est compliqué.

La Norvégienne prêta une oreille attentive aux paroles du prof, sans pour autant quitter les manuscrits des yeux. Cependant, elle se figea lorsqu’elle entendit de doux mots, le genre de mots qui lui parle bien. C’était un peu comme si tout le monde s’était figé dans la salle, et il y avait comme qui dirait une violente vague de haine venant de ses comparses féminines. Perturbée par cette intervention (oui, bon, franchement, Adelheid ne s’attendait vraiment pas à ce qu’on vienne lui adresser la parole dans un quelconque dialecte scandinave, ici du danois au vu de la prononciation), elle formula sa réponse avec hésitation, en norvégien.


- O-oui. En cours d’histoire, à Trondheim.

En tout vas, il avait bien compris qu’elle n’était point une élève de sa promo. La réalité était qu’elle n’était même pas une élève de l’établissement. Le professeur de droit saisit un nouvel ouvrage et Frig ne put qu’avoir une lueur d’émerveillement dans les yeux ; comment diable avait-il pu trouver un exemplaire de l’Edda de Snorri dans ce pays ?! Ah, sans doute les joies d’internet. En plus, il venait de prononcer les mots qu’il fallait prononcer à la Norvégienne pour qu’elle vous soit à jamais attentive, voire… admirative. C’était comme si des étoiles brillaient dans ces yeux en cet instant. C’est dans ces moments où elle rêverait retourner dans son pays d’origine… Que de nostalgie…

Le cours se termine et la tension environnante fait que la Scandinave préféra détaler avant de se faire tuer par ses camarades femelles. Il n'empêche que, ce cours, c'était quelque chose. Dans le sens bien du terme.

Direction la bibliothèque.

Frig trouva le chemin facilement, après tout, c’était plutôt bien indiqué. Elle visitait l’université par la même occasion, se trompant de chemin à deux ou trois reprises. La bibliothèque était énorme, elle n’avait jamais vu ça. Elle était remplie, aussi, bien que silencieuse, si silencieuse que le moindre bruit du crayon sur une feuille devenait presque agressif. La jeune femme eut du mal à trouver ce qu’elle cherchait puisqu’évidemment, les ouvrages rares/les moins consultés se trouvaient à l’étage, tout au fond, presque invisibles aux yeux des étudiants. Il n’y avait personne dans le coin, quoiqu’un ou deux élèves sur une des tables près des étagères. Pourquoi n’y avait-elle pas songé plus tôt ? Bien qu’elle connaissait les quelques ouvrages présents sur l’étagère, elle trouvait ça fabuleux de pouvoir les trouver, là, comme ça.

Adelheid repensa à cet homme, l'Allemand, lui qui savait si bien s’exprimer. Même si le moment avait été bref, cela l’avait grandement réconfortée. Peut-être qu’elle aurait dû rester, après le cours. Oh, non, il est trop intimidant pensa-t-elle. À vrai dire, elle se tâtait. Histoire de focaliser ses pensées sur quelque chose, elle trouva une édition de la Heimskringla datant du début du siècle dernier, de 1902 exactement. Le texte était en islandais moderne mais il différait peu de la version norroise. La saga des Ynglingar était l’une des sagas préférées de la Norvégienne. Pourtant, bien qu’elle la connaisse presque par cœur, elle la lut. C’était… c’était mieux qu’à la maison, étrangement.

Sa lecture finie, elle s’apprêta à tourner les talons.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le lundi 29 avril 2013, 02:20:10
Att...

Collision faciale. Heureusement qu'ils sont sensiblement différents en taille, parce qu'un front à front aurait pu être violent. Non, la scandinave se heurtera contre son torse, et lui laisse tomber son livre au sol. Il gromelle, s'apprête à pester. Et il s'illumine. Comme si il découvrait ce qu'il venait de croiser. Se baissant pour ramasser l'ouvrage, Siegfried sourit en coin, toujours aussi charmeur. Ce perso joue de son physique avantageux, pas mieux qu'une pétasse au regard un peu envoûteur, qui bat des cils pour réveiller l'instinct d'une mâle-cible. Il reprend en norvégien, puisque c'est ainsi qu'elle s'est adressée à lui.

<Revoilà l'intruse venue du froid. Vous êtes ici pour espérer faire mon devoir pour la semaine prochaine ? Voyons voyons, comme si vous aviez besoin de quelque chose ici pour me faire un cours de civilisation norvégienne... OK, il y a quelques notions de droit à avaler, mais je serais ravi de vous faire des cours particuliers.>

Diction parfaite. L'accent est légèrement allemand, mais plus que correct. Ni erreur d'orthographe ni de grammaire. Monsieur maîtrise avec un brio certain, alignant le sans-faute avec la belle incarnation. Et dire qu'il pourrait utiliser ses talents pour dominer le monde plutôt que de draguer à tout va. … Hey, mais c'est son but ! Ce filou pourrait bien parvenir à ses desseins, si il faisait autre chose que le prof dans un complexe scolaire nippon.

<Vous devriez venir plus souvent. Votre présence est rafraîchissante. J'ai peu d'européen dans mes cours, ça me permet de pratiquer de pouvoir vous parler. Je serais ravi de vous voir en-dehors de l'université, si cela ne vous paraît pas trop déplacé. Je n'y verrais en tout cas aucun problème.>

Il saisit le livre qu'elle étudiait. La Saga des Rois. Un excellent choix, bien évidemment, tout à fait en rapport avec le sujet de son début de cours de tout à l'heure. Son sourire en contemplant la couverture est équivoque. En silence, il ouvre l'ouvrage, et tourne les pages à une certaine cadence, ne lisant pas réellement, parcourant simplement des yeux les caractères si harmonieux qui défilaient. La fascination dans le regard, l'amour le plus évident pour un monde qui n'est pas le sien mais auquel il est, de fait, assimilé. Siegfried, le fils des dieux, l'objet de propagande. Oui, il se sent héritier de ces rois décrits dans les mythes. L'uniforme a changé, mais l'esprit de conquête est resté le même, aussi puissant qu'un hiver en plein antarctique.

<Le vieux norrois aura toujours ma préférence, néanmoins.>

Il lui rend l'objet, allant déposer le sien dans une étagère non-loin.

<J'ai cru comprendre, donc, que vous n'étiez pas une étudiante en droit. J'ai tenté de me renseigner auprès d'un ami de l'administration et il ne vous connaît pas. Alors, êtes-vous donc une débarquée sur ce sol, une étrangère qui rôde en cherchant un beau professeur à charmer pour lui arracher tout son argent ? Je suis volontaire, si c'est le cas.>

Le SS se tourne, cherchant visiblement un livre. Pourtant, dans ses manières calmes et rigides, le prussien ne cherche rien d'autre qu'à jouer le désintéressement, presque du dédain. Comme un vague acteur qui aurait fait son show et dégage de la scène sans attendre ses applaudissements. Pourtant, il n'attend qu'une réaction de sa part. Une réponse, un appel, une demande. Il pourvoiera à tout ce qu'elle veut. Pour un peu, l'orgueilleux dictateur d'âme serait à ses pieds. Il ne s'explique pas ce sentiment. Il ne se pose pas la question d'ailleurs. Sans le savoir, la déesse le possède. Mais lui compte bien la saisir, entièrement, en retour.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le lundi 29 avril 2013, 18:24:20
- Excusez-moi ! Lâcha-t-elle machinalement avant de découvrir son interlocuteur.

Ah, c’était un joyeux hasard. Un léger rouge monta à ses joues pâles, en réalité elle ne savait comment réagir à cette rencontre fortuite. Frig crut d’abord se ramasser un sermon mais il en fut autrement, à sa surprise. Elle qui pensait venir à sa rencontre, soit dans la journée, soit plus tard dans la semaine… Le Destin fait des choses et ça n’est jamais par hasard. Le professeur s’adressa à la jeune femme dans un parfait bokmål, là encore à sa surprise. Où diable avait-il reçu son éducation pour pouvoir parler la langue d’Asbjørnsen sans faute de grammaire aucune ? Sans doute avait-il étudié dans une prestigieuse école – en Europe, évidemment. Autre chose que la Scandinave ne put nier : il dégageait un certain charisme et c’était évident : cet homme suintait de confiance. Pourtant, Adelheid avait l’impression de l’avoir dans sa poche, bien qu’il ne l’ait aperçue qu’une seule fois, deux maintenant. Ce n’était pas dans ses habitudes de gagner la sympathie d’autrui en si peu de temps. La situation était trop belle ; cette rencontre était comme la lumière d’un phare dans la brume ; inespérée, tellement rassurante, encourageante.

Le professeur de droit attrapa le bouquin et commença à sillonner du regard l’œuvre qu’elle adorait tant. C’était presque beau à voir, tiens. Frig resta postée là, le regardant faire, toute aussi silencieuse que lui. L’intimidation commença à laisser place à la curiosité. Elle reprit le livre, restant fixer la couverture quelques autres secondes supplémentaires ; elle avait enfin trouvé une personne civilisée avec qui converser de sujets plus propres à ses centres d’intérêt.

En revanche, à ses derniers propos, Adelheid s’empourpra de plus belle. Était-il sérieux, ou était-ce une blague ? Non, cela ne pouvait être que de l’ironie… bien sûr…


- Hum, en fait, ça fait quatre ans que je suis ici. Et… ça n’est pas mon genre. J’ai la fâcheuse habitude de vouloir me débrouiller par moi-même.

Elle esquissa un sourire timide.

- En effet, je ne suis pas une étudiante en droit… Ni une étudiante tout court. Je viens, de temps en temps, assister à quelques cours, même s’il m’est déjà arrivée quelques mésaventures avec certains de vos collègues. Le département d’histoire n’est pas très sympathique on dirait.

Les professeurs d’université ne sont pas tous ouverts d’esprit, comme on aimerait le penser. Parmi eux, il y en a un certain nombre qui n’apprécient pas toujours les invités inopportuns.

- Je voulais vous dire, votre cours était très intéressant. Malheureusement je ne m’y connais pas du tout en droit : je n’ai jamais eu le temps de me pencher sur ce sujet à vrai dire.

Frig écarta une mèche blonde de son visage venant se glisser sur ses yeux.

- En tout cas je serai ravie de discuter avec vous. Ça me rappelle le pays… Son sourire s’élargit, son regard se fait rêveur. Je suis surprise – en bien, je vous rassure – de rencontrer quelqu’un ici qui maîtrise des langues du Nord. Et le vieux norrois, du surcroît. Ce n’est pas la langue morte que privilégie l’éducation… C’est bien dommage, c’est une très belle langue, qui gagnerait à être enseignée. Enfin, je m’égare…

Il était difficile pour Adelheid de s’arrêter quand il s’agissait de ses passions, c’était le genre de choses dont elle ne pouvait jamais parler en général. En fait, elle voulait dire tellement de choses et poster tellement de questions à la fois qu'elle ne savait pas par où commencer, ni où finir.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le lundi 29 avril 2013, 19:58:04
Le SS restait dos à elle, parcourant les rangées de livre avec un intérêt manifeste. La littérature européenne... Il attrapait un livre en suédois, le titre lui rappelant quelques souvenirs. En voyant la couverture, il se dit qu'il confond sans doute, et le range. Il ne la regarde pas, mais l'écoute pourtant.  Quand elle évoque sa nation d'où elle vient, fleur déracinée, il se tourne vers elle et la contemple enfin. Il ne feint pas ce regard qui lui porte, où la fascination se mêle à la curiosité, désirant l'écouter parler, encore un peu, raconter ses désirs... Car sa nostalgie langoureuse ne pouvait qu'être un appel au secours. Jour de chance, Adelheid, il a une bouée de sauvetage des plus efficace : Il parle ta langue à la perfection.

<Je ne maîtrise pas que celles-ci. Mais c'est là-bas que j'ai passé le plus de temps, néanmoins. J'avais des notions de vieil allemand datant de l'école, il n'a pas été compliqué d'enchaîné avec les langues de chez vous... J'ai eu beaucoup plus de mal avec le japonais.>

Il abandonne sa recherche de livre, et se contentera de déposer celui avec lequel il était arrivé, faisant signe à Adelheid de le suivre. Il prenait la sortie, changeait d'étage. Il avait besoin de prendre quelque ouvrage de droit qui pourrait lui être utile pour son prochain cours.

<J'espère que mon cours était intéressant. Ce n'est pas au programme, mais je suis européen, je ne pouvais que tenter de faire ça. Vous savez, les japonais ont, par exemple, énormément de mal à comprendre le système américain. Ils peuvent le lire et le recracher, mais dans leur mentalité, ils ont du mal à assimiler la notion. Ils sont là à me demander comment c'est possible, pourquoi ils ont fait comme ça. Ce n'est pas propre aux autochtones, c'est partout pareil. Ce que j'essayais de faire aujourd'hui, c'est de montrer qu'il est des systèmes autres. Le Droit n'est pas figé, pas plus que les territoires, les mœurs, les langues bien évidemment. Et, dans le monde, il y a nombre de systèmes de Droit qui sont tout à fait différents, et qui gagnent à être instruits. Il faut sortir des carcans. Les carcans, c'est tenace. Mais vous devez connaître ça, les étrangers sont les seuls à être mis devant un tel fait accompli. Le brutal changement de culture quand on pose le pied sur un sol étranger, les stéréotypes qu'on vous colle, la difficulté de s'assimiler, le rejet des autres. La peur, la haine, la souffrance. Les gens s'en foutent quand ils sont tous ensemble dans... dans leur carcan. Si ils daignaient l'ouvrir, il serait plus facile pour nous d'y rentrer. Nous ne demandons que ça, non ?>

Là encore, un sans-faute linguistique. Ce n'est pas comme si ses phrases étaient simple. Il sait aligner une grammaire alambiquée et un langage avancé, et sans se tromper. Il ne semble même pas réfléchir, comme si c'était sa langue naturelle. En réalité, ses fonctions cognitives ayant été boostées par les produits du Reich, il n'a eu aucun mal à apprendre les différents dialectes des pays où il mettait les pieds. Particulièrement la Norvège et le Danemark, mais il peut aussi bien s'exprimer en russe, en arabe, en anglais ou en italien. Le japonais était sa dernière langue apprise. Dans les pays du nord, il a été confronté à des livres anciens, datant des conquêtes normandes, voire même bien plus vieux. Responsable du vol des ouvrages dans cette zone d'Europe, il s'est familiarisé à une vitesse déconcertantes aux langues vivantes et mortes qui les peuplaient. Dictionnaire ambulant, sa compréhension et son assimilation des parlers locaux n'avaient d'égales que sa facilité à les retransmettre à l'oral. Pour l'écrit, il avait bien plus de mal en revanche, il l'avouera.

Siegfried s'arrête devant une étagère. Les livres ont l'air plus austère, moins funky. Les titres donneraient probablement envie à tout humain normalement constitué mentalement de se pendre : « Les contentieux administratifs », « les chartes et constitutions asiatiques », « le droit coutumier institutionnel »... Il en prend un, et change de rayon d'étagère, pour aller choper un livre sur... « le droit du sexe ». Un livre rose, très épais. Il ne semble pas avoir honte.

Il se stoppe ensuite. Les deux étagères autour d'eux dégageaient quelque chose... d'oppressant. Elle était, pour ainsi dire, coincée avec lui. Cavalier, le jeune professeur (d'apparence) saisit délicatement le menton d'Adelheid. Cette main qu'il porte sur elle est douce. Son regard se fait sévère, perçant. Il ne sourit plus, fronçant les sourcils. On capte comme une inquiétude dans ses yeux. Le contact entre eux a quelque chose d'électrisant, même pour lui. Mais il contient ses émotions. C'est surtout pour elle que ça doit être stressant.

<Pas étudiante, mais encore jeune... Vous avez la prunelle vive. De celle qui dénote une intelligence certaine. L'histoire, le droit. Des matières poussées, intellectuelles. Qu'est ce qui pourrait vous empêcher de faire des études ? Allons. La flemme ? Non... Je ne vous vois pas délibérément décider de baigner dans la paresse... Peut-être y êtes vous forcées... Mais vous me semblez du genre libre tout de même. Trop de liberté, c'est ça ? Et vous avez subi l'enfermement... Non, pardon. L'isolement. Vous avez été isolée. Seule. Et vous en gardez des stigmates... (bref regard vers ses bras couverts) Vous sortez de quelque chose... Et revenir à l'université pour squatter des cours vous donnent l'impression de redonner un sens à votre vie. Je serais peut-être pédant en prétextant simplement une crise d'adolescence qui vous est passée... Je dirais juste que vous avez été blessée dans votre vie.>

Il retire sa main. Sourit de nouveau. L'analyse est terminée. Il espère ne pas trop s'être trompé. Lui faisant de nouveau signe de le suivre, il file emprunter ses livres, et sortira ensuite. Vers où ? On ne sait pas. Boire un café, tiens. C'est lui qui invitera. Sur le chemin du guichet d'emprunt, il lance, amusé.

<La Norvège vous manque, et les études vous manquent. Vous êtes une jeune fille à mon goût. Dommage que je sois si vieux.>

Allons allons. Bien sûr qu'il dit ça pour l'apparat. De physique, il ne fait pas plus de 30 ans. Et son aisance avec les jeunes, au lycée comme à l'université, montre qu'il a gardé un esprit très simple. Ce qu'il souhaite, c'est semer l'idée dans l'esprit de la jeune fille.

<Et je n'ai pas votre nom, mademoiselle. Mais je peux continuer à vous appeler « L'intruse venue du froid », si ça vous chante.>
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le lundi 29 avril 2013, 22:44:24
Elle le suit, calmement, mais en gardant une certaine distance. Il était gentil, certes, mais pas trop de familiarités, bien que Frig ne soit pas une élève, cela pouvait éventuellement lui attirer des ennuis. Oh, oui, elle prêta une oreille attentive à ses dires et le rejoint sur certains points. L’éducation nipponne était connue pour être brillante, studieuse, mais hélas il manquait quelque chose à ce « tout » pour qu’il soit parfait : l’ouverture d’esprit.

Les voilà maintenant dans ce qui semblait être les bouquins de droit. Adelheid devait l’avouer, ça n’était pas vraiment engageant. Ça lui rappelait un peu les livres qu’il y avait dans le bureau de son père, des trucs de médecins, qu’elle n’osait jamais toucher. La jeune femme pensait réellement qu’il fallait être courageux pour lire de tels ouvrages. Elle tend pour cou pour voir le choix du prof de droit et ses yeux s’écarquillèrent pendant une fraction de seconde : après tout, qui était-elle pour juger ? Chacun ses vices.

La Norvégienne continua de suivre Siegfried un peu naïvement, pour finir dans un endroit légèrement acculé, entre deux étagères. Elle était sur le point de se retourner quand l’homme lui saisit le menton. Eh merde. Même si ce contact n’avait point été violent, elle se crispa, les yeux grands ouverts. Ce sentiment d’avoir son âme même sondée par un inconnu lui déplaisait au plus au point. C’est exact, c’était comme s’il la lisait – pas comme un livre ouvert, mais presque. Frig ne pouvait vraiment pas supporter ça tant les effets étaient insupportables : elle se trouvait partagée entre la peur, la colère noire, la tristesse, le désespoir, la culpabilité. Ses avant-bras commencèrent à piquer un peu, c’était la douleur de ses plaies sous ses bandages. Elle pouvait sentir les runes tatouées sur sa peau s’agiter, c’était vraiment inconfortable. Pourtant, elle ne broncha pas bien qu’elle aurait voulu intervenir : elle devait garder certaines choses pour elle. Siegfried ne devait pas savoir la vérité.

Elle cligna les yeux quelques instants : tout était revenu à la normal, comme si ces quelques secondes – ayant paru des heures – n’avaient jamais existé. Quelle sensation étrange. Il lui fit de nouveau signe de le suivre et elle s’exécuta. À son commentaire, Frig rougit à nouveau ; était-ce vraiment moral, ce qu’il était en train de dire ? Tout était bizarre, ses propos, la situation, cette rencontre…


- Je m’appelle Adelheid, à moins que « Mademoiselle Friedrich » ne vous convienne mieux. Pourtant, j’aimais bien le p’tit nom que vous m’aviez donné. Elle sourit. Je trouvais ça sympa.

Les doigts de sa main gauche vinrent se poser sur son bras droit, là où elle avait senti ce léger picotement. La sensation était partie, mais ça restait inconfortable.

- Et je peux vous renvoyez la question ? À vrai dire, je n’ai entendu parler de vous que par le biais de « lui », « ce professeur », ou encore « l’Allemand ».

Et une fois son nom en poche, Frig pourrait tirer les runes une fois à la maison. C’était la mauvaise habitude qu’elle avait, quand elle rencontrait une nouvelle personne, mais pour ça il fallait obligatoirement le nom du concerné. Puis c’était une façon de relativiser sur certains évènements et elle pouvait ainsi savoir à quoi s’attendre – ou presque.

- Hum, aussi, je voulais savoir si vous aviez un peu de temps devant vous… Pour discuter…

Nouveau sourire, timide. Au fond, elle avait tellement de question à poser ; on pouvait presque lire une certaine hâte sur son visage.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le lundi 29 avril 2013, 23:34:26
La morale... Il s'assied dessus. Ca fait bien longtemps. Disons qu'il est un vagabond, désormais. Il fait semblant de se plier à toutes les règles imposées avec une rigueur zélé, et fera même preuve d'autorité pour qu'elles soient respectées. Mais en vérité, il préfère faire ce dont il a envie, avoir son Droit ; preuve en est de tous les meurtres et autres crimes pénaux commis depuis ces nombreuses années. Jamais chopé. Le SS a cette faculté d'échapper à tout, tout le temps. Un insaisissable, tel un loup dans les bois. Il court, se cache, et, tapi, attend que sa prochaine proie ne s'aventure trop profond dans son repère. Qui c'est, Adelheid est peut-être celle-ci ?

<Mademoiselle Friedrich est, en effet, plus dans mon style. Mais le côté informel de votre prénom – et sa poésie – m'invitent à considérer ce choix. Disons... que j'alternerais. Je garde votre surnom de côté, cela dit. Quand à moi, je m'appelle Siegfried. Ou Monsieur Siegfried. Pour avoir mon vrai nom de famille, vous allez devoir batailler.>

Siegfried. Ce nom devrait sonner à ses oreilles comme quelque chose de familier, non ? Siegfried, Brynhildr, Gunnar... Autant de personnages qu'elle devait connaître par cœur. La coïncidence pourrait être drôle, si seulement c'en était une. Car pour le professeur, tout s'insère dans une grande toile millimétrée, qui n'est que le résultat de son destin extraordinaire. Adelheid n'est pas là par hasard : Elle est forcément un signe des dieux qu'il a quelque chose à accomplir.
… Ou c'est juste une norvégienne random au Japon. Oui, c'est possible, aussi.

Enfin sortie, il rajuste son sur-mesure noir à la chemise anthracite, ainsi que la cravate unie couleur d'encre de seiche. De même, main dans les cheveux pour s'assurer que le désordre calculé est toujours en désordre. Les poches sont occupées avec ce qui doit les remplir ? Oui. Maniaque, il sait la place de tout ce qu'il porte sur lui, et si son portable devait, par exemple, se retrouver dans sa poche intérieure droite plutôt qu'à gauche, ce serait un désastre. Bref. Se tâtant d'une main, donc, il considère chaque rangement sur lui, et s'en voit satisfait. Un léger sourire l'anime alors qu'il marche vers un café sur le campus. Normalement, il emmène des étudiants là pour des rencontres uniquement professionnelles. Par exemple, il lui est arrivé d'emmener quatre élèves particulièrement motivés après un cours pour leur expliquer des points précis du chapitre du jour, la sonnerie ne leur en avait pas laissé le temps, et ainsi pouvoir, autour d'une boisson et dans un cadre original, développer des idées qui leur permettrait éventuellement d'avoir une avance sur les autres. Un bon truc, qui rapproche. Si il fait ça généralement, c'est d'abord pour l'impression de sécurité : L'étudiant se sent encore dans son milieu, il n'est pas déstabilisé.

… Mais là, c'est justement le contraire. Se poser dans ce café, entourés d'étudiants qui dévisagent la jeune fille, c'est un moyen pour lui de la traîner dans un lieu où elle pourrait vaciller plus facilement. Manipulation aisée, qui n'est qu'un plus à son comportement général. Il salue poliment un professeur, puis, d'un signe de la tête, un groupe d'élèves. Il se pose le plus à l'écart possible, ne souhaitant pas être entouré.

J'offre.

Un serveur s'en vient. Il pose les deux livres sur la table qu'il aura vérifiée propre, puis le regarde.

Café noir. Le plus noir que vous ayez.

Il aime le thé, mais des fois, il préfère ce poison d'arabica. Là aussi, c'est pour la nostalgie.

<Alors... Vous voulez parler ? Parlons. Si vous avez des questions, j'y répondrais. Mais sachez qu'après votre séance d'interrogatoire, ce sera mon tour. Et je ne m'encombrerais pas de la décence quant à mes questions... Pas dit que vous puissiez y répondre, cela dit. Nous verrons bien.>

Il ressort son beau sourire, son regard perçant celui de Wilhelmina. Viens, approche encore. Jusqu'à ce que tu sois trop pris dans les filets pour ne serait-ce qu'espérer reculer.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le mardi 30 avril 2013, 00:27:25
Ah, Siegfried… Elle l’aurait volontiers appelé « Monsieur Sigurd », tiens ; la version norroise avait tout à fait son charme. Littéralement, Sigurd signifie « gardien de la victoire », sens qui n’est pas le même chez Siegfried, remercions les variations entre le vieil allemand et le vieux norrois.

L’ambiance dans le café est… étrange. Adelheid se sent mal à l’aise, elle avait l’impression qu’on la jugeait. Elle fit fi de ces regards accusateurs, du moins en apparence. La vérité est que cette sensation est bien trop oppressante. Ils s’assirent au fond, à l’abri des regards. Soucis de tranquillité ? Une réputation à respecter ? Dans ce cas, le professeur de droit ne l’aurait pas invitée, c’est évident. La jeune femme regarda autour d’eux, croisant quelques regards : rien de bien folichon, finalement. Cependant, elle ne voulait vraiment pas attiser la jalousie de ses comparses féminines, c’était un coup à finir avec une queue de rat clouée à la place qu’elle occupe en cours. Certes, il était charmant, mais il restait un professeur et c'est quelque chose que ces minettes devaient retenir.


- Pas de soucis. Fit-elle avec un sourire.

Elle était visiblement plus détendue, comme si la mauvaise « expérience » de toute à l’heure s’était totalement évaporée de sa mémoire.

- Vous êtes vraiment Allemand ? Vous venez de quel Land ? Mon père est Allemand, même s’il a vécu au Danemark, mais je crois qu’il me reste un peu de famille en Schleswig-Holstein, de la famille éloignée. Oh, et même si ma prononciation n'est pas parfaite, je parle Allemand, si vous souhaitez continuer la conversation dans un autre idiome. L'Allemand est une langue très utile quand on cherche des ouvrages précis traitant du Nord, même plus utile que l'Anglais.

Oh, oh, oh. Du calme, ma petite, tu parles trop vite. C’est pas un peu indiscret, d’ailleurs ?

- Mmh, excusez-moi, je m’emporte. Petit sourire désolée. Aussi, comment en êtes-vous arrivé au vieux norrois ? Ce sont les mythes qui vous intéressent ? La langue ? La civilisation viking ?

Il faut la comprendre, elle ne peut parler de cela à personne. Normal que la machine s'emballe.

- Il est rare de croiser des gens parlant encore la langue de mes ancêtres, après tout. Puis, je suis curieuse.

« Rare », encore, elle était gentille.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le mardi 30 avril 2013, 02:02:08
La question de ses origines. Epineux. Lui se considère toujours comme « le baron de machin, seigneur de truc ». Mais en vérité, ses titres ne valent plus rien. Bah. Il possède toujours ses terres, par procuration, et peut toujours se targuer de descendre d'une noble famille. Mais il ne peut pas prétendre avoir presque 100 ans, être né du temps où la noblesse était encore établie en Allemagne, et avoir tout perdu à la défaite de 45. Après avoir écouté les mots d'Adelheid... Non, après les avoir bues, il enchaîne avec les réponses demandées, quoiqu'arrangées.

Je... Alors. Ma famille vient de Königsberg. Peut-être connais-tu. Ce n'est plus allemand aujourd'hui, c'est en Russie depuis la guerre. Mais mes parents viennent aussi, en même temps, de Bavière. C'est un peu compliqué. Je suis allemand à 100 % néanmoins. Pas un gramme de russe, ni dans le sang, ni dans le cœur.

Il y tient. La terre de ses ancêtres, le noble territoire conquis depuis des siècles, appartenant à ces sales communistes bolchéviques tsaristes et tout le toutim. Il retient néanmoins que le paternel de la jeune fille est un bon allemand, un vrai, du nord ; Une région parasitée par les scandinaves n'est pas parasitée. Le sang d'Adelheid serait donc si pur ? Ce serait trop beau. Ce serait une femme parfaite pour sa future dynastie prussienne... Hem, pardon, il s'emporte.

Venons-en à sa connaissance du vieux norrois. Là encore, compliqué de dire qu'il a été forcé d'apprendre pour envahir le bled, qu'il s'est passionné pour la culture et la langue, et qu'il n'a eu aucun mérite à tout assimiler vu ce que les scientifiques nazis lui avaient injecté. Il faut dire les choses en occultant et en gommant quelques passages qui le trahiraient. Et, là encore, il ne mentira aucunement.

J'ai eu une éducation classique à la prussienne. École privée, etc. Mes parents étaient des traditionalistes, pas question d'être mêlé au peuple. Il m'a fallu apprendre, pour le travail, quelques langues particulières. J'ai donc dû m'imprégner au plus vite de cette noble langue qu'est le norvégien, entre autres. Comme je devais aussi étudier, au passage, des ouvrages anciens comme ceux que j'ai présenté pour le cours de ce matin, j'ai été presque contraint d'apprendre aussi. Et puis, ça me plaisait beaucoup. Finalement, c'est le Droit qui est devenu ma voie. Mais je suis un touche-à-tout. J'adore m'instruire. Je pense que c'est la finalité de l'homme. De remplir son esprit le plus possible, et de le transmettre. D'être une éponge à savoir, et de permettre au savoir de se diffuser. Pour répondre plus précisément à ce que tu disais, la civilisation m'intéresse énormément, le social, mais mon domaine d'étude se trouve plutôt dans le juridique et le politique. Je me suis plongé dans les mythes, bien évidemment.

Le café arrive. La commande d'Adel aussi, voilà.

A ton tour de répondre. Tu me reposeras des questions après.

Il sucre son breuvage noir, puis l'agite de sa cuillère, sans lâcher la jeune fille des yeux. Comme si, en pénétrant ses iris, il pouvait trouver L'interrogation-Reine, celle qui tuerait tout. Il semble la sonder un peu, et on imagine ce jeune prof, un peu prodige dans son rôle d'enseignant et dans visiblement plein d'autres domaines, pouvoir lire ses pensées en passant au-delà de ses pupilles. Il en a déjà fait une démonstration un peu efficace dans la bibliothèque, et il pourrait bien recommencer.

Et il parlera en allemand cette fois-ci. Il la teste donc, pour voir son niveau dans ce domaine. De la même façon, l'emmener sur une autre langue que sa natale, dans laquelle elle devait sans doute commencer à se sentir bien, si confortable, lui permettait de la traîner un peu plus dans l'insécurité, et donc, la faire vaciller plus facilement. Il sera franc, presque brutal dans sa façon d'attaquer, demandant quelque chose d'assez privé.

Je veux savoir pourquoi tu n'étudies pas. Bien que je pense avoir eu raison tout à l'heure, je cherche à entendre de ta bouche les raisons précises. Ne sois pas concise. Sois franche et claire. Et je veux savoir...

Pause. Ca ne s'impose pas si facilement, ça.

… si tu veux retourner en cours. Et qu'est ce que tu serais prête à faire pour ça.

Il ne doute pas qu'elle veuille y retourner, et, au cas où, il chercherait à lui mettre devant les yeux l'évidence qu'il fallait absolument s'asseoir de nouveau légalement sur les bancs de l'université. Quant à la dernière question, c'était simplement pour tester sa volonté. Non, il n'y a pas de volonté sexuelle. Enfin, si, forcément ! Mais ce n'est pas le but dans l'immédiat. C'est une simple évaluation de son envie et de la persévérance qu'elle pourrait y mettre.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le mardi 30 avril 2013, 02:48:34
Königsberg… Kaliningrad lui parlait plus, comme nom, mais elle situait bel et bien l’endroit (merci les cours d’histoire !). En revanche, elle supposa que s’il utilisait le vieux nom Allemand de la ville, c’est qu’il devait avoir une petite rancune envers les Rouges. Cette supposition se vérifia – un petit peu – quelques palabres après. Un bon Allemand que voilà, en somme. C’était plaisant de parler avec quelqu’un qui ne limitait pas sa base de connaissances à un seul domaine ; cela diversifie les conversations et y ajoute de la couleur. Cela pouvait aussi donner lieu à des surprises.

On put entendre le bruit de la porcelaine sur la table : on posa deux tasses fumantes de ce vin arabe. C’était maintenant à Frig de répondre aux questions. Elle se pencha légèrement sur la table, portant sa tasse jusqu’à ses lèvres. Oui, c’était chaud, mais la jeune femme appréciait ce contact presque brûlant sur ses lèvres. Le café se boit chaud, très chaud.

Donc, oui, vint le tour de la Norvégienne de répondre aux questions. Elle ne bougea pas d’un pouce et son regard se fit sombre. Pourquoi Siegfried devait-il commencer par les questions fâcheuses ? Après une longue inspiration, elle posa sa tasse et s’adossa sur le dossier de sa chaise, droite comme un i, les bras croisés. Adelheid ne répondit pas tout de suite, cherchant ses mots en Allemand. Diable, cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas parlé, ça doit remonter à avant le lycée tout ça.


- Je ne peux pas. Je n’ai pas les moyens de me payer une éducation à l’université, l’argent que je gagne, je le mets dans mon loyer, mes factures, la nourriture… Sa voix était hésitante, mais elle ne se débrouillait pas trop mal. L’université, oui, c’est vraiment hors de mes moyens : un semestre équivaut à plusieurs mois de loyer pour moi. Alors, je travaille là où on veut bien de moi pour gagner ma vie. Ce n’est pas simple. Je n’ai pas de permis de travail sur le territoire Japonais et renouveler mon passeport me reviendrai encore à beaucoup trop cher. Pour reprendre les choses depuis le début, cela fait quatre ans que je suis à Seikusu. J’ai donc eu un permis d’étude pour finir mes dernières années du secondaire. Ensuite, j’ai eu une scission avec mes parents et… je me suis retrouvée toute seule, dans la merde, si vous me pardonnez l’expression. J’ai six mois pour trouver l’argent pour renouveler mon passeport. Ensuite, j’aviserai.

On notera quand même quelques fautes de syntaxes et autres étourderies.

- Voilà pourquoi je ne suis pas inscrite à l’université. Et au vu de ma situation actuelle, je serai prête à faire le nécessaire pour avoir une situation stable. Vraiment. Déjà, seulement ça, rien que ça, même si je dois trimmer des journées entières. Et si je pouvais retourner en cours, oui, je ferai tout pour, c’est certain. Tout, tout, tout.

Le ton emprunté n’était pas dénué d’une certaine tristesse. Non, c’était plutôt de la détresse. Frig baissa les yeux : ce n’était pas le genre de choses dont elle aurait voulu parler mais elle avait préféré rester honnête. La Scandinave poussa un soupir. Vie de merde, quoi.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le mardi 30 avril 2013, 12:29:27
Il compatissait visiblement. Ne souriant plus du tout, le jeune professeur faisait quelques mouvements compréhensifs de la tête, traduisant le partage de son malheur. Car, pour lui, le méritocrate, celui qui pense que les études et l'éducation priment sur tout le reste, et qu'une vie à étudier n'est pas une vie gâchée, c'est un véritable drame qu'elle vit. Pauvre petite norvégienne. Bon, c'est un peu facile de parler pour lui : Il a de l'argent à n'en plus savoir quoi faire, et une vie quasi éternelle. Et puis, disons-le franchement : Quand on a un costume et un peu de charisme, on peut entrer n'importe où, et faire avaler n'importe quoi. Les gens ont tendance à faire confiance au working boy européen qui parle parfaitement la langue locale et qui charme naturellement tout ce qui passe, même les hommes. Disons qu'il n'a pas de difficulté majeure avec « le système ». Elle, en revanche... Comment se frayer un chemin dans une machinerie qui ne veut pas de vous, sans avoir à vendre son cul ou à faire la manche à papa-maman ? C'est long, c'est compliqué, et ça ne marche pas toujours.

Il note cependant qu'elle ne s'est pas étendue sur ses parents. Dommage, il aurait apprécié qu'elle précise les conditions de cette « scission ». C'est l'isolement dont il parlait tout à l'heure, estime-t-il, mais il ne peut pas encore en être certain. Il fera avec ses spéculations, tant pis.

Mais aujourd'hui, c'est son jour de chance. Le SS pose sa main sur celle d'Adelheid. De l'autre, il tient toujours la cuillère en pleine asphyxie, noyée depuis une bonne minute au fin fond de son café.

Tu crois en la fatalité ?

Un homme a dit un jour « parle des femmes de leur destin. Elles adorent qu'on leur parle de leur destin. ». Vu que ce n'est pas le genre d'inspiration du bel officier prussien, on ne peut pas dire que ce soit un commandement qui dicte son raisonnement présent. Non, il fait au feeling. Il doit digresser jusqu'à en avoir à sa proposition.

Si oui, si tu crois en elle et estimes que tu seras éternellement... dans la merde, et bien, je paie ce café et je me tire, et on ne se revoit plus. Tu ne représentes rien pour moi, pas plus que je ne représente quelque chose pour toi. On est d'accord ?

Evidemment qu'on est d'accord. Une rencontre sur un chemin. La jeune fille en a déjà fait des tas d'autre. A-t-elle seulement les yeux assez ouverts pour constater que celle-ci est particulière ?

Si tu penses en revanche que cette fatalité peut être remise en cause, très bien. Tout peut s'arranger. Je peux t'arranger.

Il la lâche pour prendre son café, la cuillère d'une main et la tasse dans l'autre, montant jusqu'à ses lèvres pour boire. C'est chaud, trop chaud pour lui. Il aurait aimé une petite minute de plus pour laisser refroidir. Il aurait dû tâter avant. Tant pis, il fera comme si de rien n'était, et avale une petite gorgée salvatrice après son difficile travail de prof (qu'il rentabilise bien en terme d'amusement, il faut l'admettre, vu le côté « libre » de ses cours), et enchaîne en fixant l'extérieur à travers la fenêtre. Regard qui porte, qui cherche quelque chose. On ne saura jamais quoi. Quel mystérieux, wao, c'en est troublant... … … Aheum.

Tu as besoin d'argent ? J'ai de l'argent. Tu as besoin de t'arranger avec l'administration pour que la procédure ne soit pas trop longue ou ennuyeuse ? J'ai des relations qui te feront ça sans problème. Quitte à te créer un nouveau dossier. Tu as besoin d'appuis stables ici ? J'en serais un pour toi.

Quand trop de promesses s'enchaînent, il faut se méfier. Et puis, en tant qu'enseignant en droit, il le dira volontiers : Tant qu'il n'y a pas de signature, il ne faut rien croire.
… Mais lui, on a envie de le croire. C'est dans sa nature. Quand il parle, il passe naturellement pour un honnête homme. C'est un ensemble : Sa tenue, sa carrure, son charme, sa bienveillance, sa gentillesse. Ce type passe pour bien sous tout rapport. Trop bien, évidemment, mais ce n'est pas ce qui vient forcément à un esprit brouillé par ses tours de passe-passe. Les étudiantes sont les plus faciles à avoir, de par le simple rapport de hiérarchie instauré de facto entre lui et elles. Le reste vient tout seul. Avec Frig, c'est une autre paire de manche. Il joue sur le fait que lui ait réussi, qu'elle non, et qu'il peut tout changer. La domination n'est pas encore établie, mais s'installe progressivement.

Mais je ne peux faire ça gratuitement. Tu me comprendras, non ? Il y a une nette différence entre la générosité et l'idiotie. Le problème étant que très honnêtement, je ne sais pas ce que tu peux m'apporter. Ce n'est pas une insulte, n'est-ce pas ?... C'est un constat. Néanmoins, j'accepte de te payer le renouvellement de ton passeport, et je m'arrange pour te faire inscrire ici. Vient ensuite un autre problème : Si tu étudies, comment vas-tu gagner ton argent ? Je peux te trouver un truc ici, à l'université. Pas très payé, mais de quoi financer ton loyer et ta bouffe. Et... Je suppose que je pourrais peut-être t'offrir un peu d'argent par mois. Tu en feras ce que tu veux, le dépenser pour tes loisirs ou le mettre de côté.

Il faut avouer que ce n'est pas tous les jours qu'on entend ça. Fake ? Hm. Possible. Très probable, même. Comment croire que tout cela puisse être vrai ? Ce serait assez fou, mine de rien.

Ça, c'est tout ce que je met sur la table pour toi. A toi de voir ce que tu pourrais me proposer. Je sais que ça va être difficile, aussi, je te laisse trois jours. Voilà mon adresse personnelle... (Il extrait une carte de sa veste, et, sortant un stylo, y écrit la date de samedi, suivi de « 19h ». Il fait glisser le carton vers elle.) … C'est toi qui voit. T'as le droit de refuser, je ne t'impose rien. Si tu ne viens pas, je considérerais que tu ne veux pas, et tant pis, ça ne changera rien pour moi. En revanche, si tu viens, sois sûre d'avoir quelque chose à me donner en échanger. Par contre, si tu penses que tu vas accepter, et bien... (Il ouvre sa main posée sur la table) J'aurais besoin de tes papiers. Tout ce que tu as sur toi. C'est pour l'inscription. Je te les rendrais dès que je le pourrais. Ne me donne pas ta réponse définitive maintenant, je verrai samedi.

Il la dépouille de sa carte d'identité et consorts administratifs, la met face à un choix irrefusable mais en même temps surréaliste, lui pose des conditions impossibles à réaliser, et... et il sourit toujours avec sa bienveillance habituelle. Comme si... comme si il était content de faire ça pour elle. Comme si c'était une aventure aussi pour lui. Comme si son altruisme dépassait tout le reste.

Sa main libre attrape sa tasse, et il la boit d'un trait, commençant à sortir son argent.

Je vais devoir y aller, j'ai mon dernier cours de la journée qui commence bientôt. Vous avez droit à une dernière question, mademoiselle Friedrich.

On notera d'ailleurs l'utilisation du "tu" tout le long, et le repassage soudain au "vous". Comme si une scène en parenthèse venait d'arriver, coupée de leur relation normale.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le mardi 30 avril 2013, 16:28:56
Elle plongea son regard couleur d’encre dans celui de son interlocuteur : à quoi jouait-il ? Et pourquoi elle en particulier. C’est vrai, il y avait tellement de gens dans la nécessité et le besoin, pourquoi Siegfried voulait l’aider elle en particulier ? À moins qu’il ne soit quelqu’un d’altruiste et naturellement compatissant. Non. C’était juste trop étrange pour être réel. Pourtant, le regard de Frig s’illuminait, dans un dernier élan de désespoir : cet homme pouvait tout changer, il pouvait recoller les morceaux de ses erreurs passées. La jeune femme était dans un tournant critique de sa vie et il fallait sonder toutes les options, même les plus désespérées, irréalistes, improbables.

Le souci est que c’était trop facile.

Une certaine tension était palpable. Bien que désespérée, devait-elle lui faire confiance ? C’était presque du suicide ; hélas, Siegfried avait tout ce qu’elle n’avait pas et il pouvait lui fournir ce dont elle avait besoin depuis ces derniers mois. En revanche, Adelheid était bien consciente de la perversion de ce schéma ; si elle acceptait, elle serait dépendante de cet homme, cet inconnu qu’elle ne connaissait à peine. Toutes traces d’enjouement s’étaient effacées de son visage. Elle avait ce doux sentiment qu’on était en train d’essayer de l’enculer. À nouveau, la Scandinave put sentir les runes s’agiter sur sa peau : voulaient-elles faire passer un message ? Si oui, elle n’arrivait pas à le déchiffrer, c’était comme si la présence de Siegfried même troublait les méandres du Wyrd. De toute façon elle ne pouvait pas se concentrer sur une conversation et sur les indices du Destin à la fois.

Finalement, la curiosité l’emporta. Alors que le professeur attendait son dû, elle renonça lamentablement à lui tenir tête et se pencha pour attraper son sac. Avec un air résigné, elle lui céda sa carte d’identité, sa carte vitale, son passeport. Son passeport, son joli passeport à la couverture rouge et aux lettres dorées. Et même si Siegfried avait le sourire, Adelheid n’avait pas l’air très convaincue et elle n'osait même plus le regarder dans les yeux. Enfin… Oui et non, en fait. Bien que tout cela était parfaitement irréaliste, elle y voyait un mince espoir. En tendant ses papiers au professeur de droit, elle put sentir un nouveau picotement sur ses avant-bras. Ce picotement était un peu plus fort, comme si elle saignait. Pas énormément, mais elle pouvait sentir l’une de ses plaies s’ouvrir sous son bandage : cette plaie n’était pas présente auparavant. Un signe du destin ? Si seulement le destin pouvait trouver un moyen un peu plus conventionnel de faire passer ses messages…


- Une dernière question, hum…

Sa question ? Elle était tellement évidente.

- Pourquoi vous me proposez tout ça ? Il y a tellement d’autres personnes qui ont besoin d’aide pourtant vous me le propose à moi. Je ne comprends pas, nous venons à peine de nous rencontrer. Nous ne nous connaissons pas.

Il n’y avait plus de place pour son enthousiasme et son impatience d’il y a quelques instants. Juste de l’intrigue et de la suspicion. Peut-être de la crainte.

À quoi jouait-il ?
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le mardi 30 avril 2013, 17:16:10
Il prenait le tout, et le fourrait dans l'intérieur de sa veste. Veni, Vidi, Vichy comme on disait en France occupée : Je suis venu, j'ai vu, j'ai collaboré. Adelheid se rend honteusement coupable de dépôt des armes devant l'occupant, et refuse d'être une résistante. Elle préfère se parvenir pour espérer améliorer son train de vie. Et, honnêtement... Elle a raison. Un jour, Siegfried disparaîtra, et il pourra se vanter, dans son dernier soupir, d'avoir accompli des grandes choses, même si elles sont paradoxalement minimes à l'échelle du monde.

La question d'Adelheid était, en effet, prévisible. C'était ce à qui il s'attendait. Il est, d'ailleurs, assez déçu ; il avait espéré que la scandinave le surprenne. L'explication de Siegfried sera d'ailleurs assez obscure. Alambiquée et surréaliste. Même si l'on voit plutôt où il veut en venir, ça ne tient pas assez debout... Ou bien ce mec est un aventurier des temps moderne, un vrai comme on en fait plus.

Berlin, 1934. C'est l'histoire d'un jeune homme à qui l'on offre d'aller au théâtre. Il a toutes les raisons de ne pas y aller : Il fait froid dehors, il a le genou en compote à cause d'une chute, il y a des émeutes régulières dans les rues, il a déjà vu la pièce, il n'aime pas l'actrice qui fait Brynhildr. Il refuse, évidemment. Et puis, au dernier moment, sur un coup de tête, il se lève, enfile son manteau et va retrouver son ami pour aller au théâtre. Il y rencontrera une femme, avec qui il se mariera l'année suivante. Il prévoyait de voyager, mais ce mariage l'obligea à rester en Allemagne. Ainsi, il préféra s'engager dans l'armée, comme ses prédécesseurs. Tout sa vie, il a gardé ce billet de théâtre aussi précieusement que si son existence en dépendait.

Il se lève, laissant l'argent sur la table. Grand sourire. L'articulation de sa jambe droite lui démange à la simple évocation de cette histoire.

On ne doit jamais manquer des occasions. Qui sait... Peut-être un jour sera-ce vous qui viendrez à mon secours. Je serais à la rue et vous serez richissime grâce à vos études. On ne sait pas. Et puis, peut-être allez-vous trouver quelque chose qui m'intéresse, et je n'y perdrai pas au change. Bonne fin de journée, Mademoiselle Friedrich. Ce fut court, mais très agréable.

Il emporte avec lui ses mystères et ses secrets, rajustant de nouveau son costume, trop propre sur lui pour être complètement honnête, de toute façon.


ᛋᛋ


Samedi. Pourquoi samedi ? Pourquoi si tard ? D'une, pour avoir le temps de faire la paperasse, car même pressée par l'urgence, l'administration est du genre à prendre son temps. De deux... Pour occuper l'esprit de Frig. Il jouit rien que d'imaginer la pauvre étudiante qui se torture l'esprit en se demandant si elle doit y aller ou non, avec quoi elle va venir comme propositions, si elle doit prendre une arme avec elle, si elle ne devrait pas se tirer, si elle ne devrait pas venir quand il n'est pas là, si elle ne doit pas le choper à la fin d'un cours pour récupérer ses papiers. Le type aux occupations plus que cruelles se bidonnait en visualisant sa main pâle et fine hésiter à taper devant la porte, pendant de longues secondes, se triturant l'esprit, puis finalement se jeter dans la gueule du loup et faire son toc-toc. Retient-toi de rire, ça devient vraiment malsain, Sieg'.

Après avoir mangé avec une collègue, il avait fait quelques courses, et, une fois rentré chez lui, s'était attelé à la cuisine. Pas de repas. Des pâtisseries. Ooooh que oui. Des bouchées fondantes au chocolat et à la menthe, des minuscules tartelettes meringuées au citron et au pamplemousse, des financiers au thé aux fleurs avec un nappage de sucre blanc, et des biscuits saveur pain d'épice. Tout fait à la main. Il adorait faire ça, c'était un plaisir pour lui. Parfois, il préparait ce genre de choses pour lui tout seul. Aujourd'hui, c'était pour une grande occasion. Le tout disposé sur un grand plateau en porcelaine, marquée en-dessous par un « SS » du meilleur goût. Ça ne se voit pas, heureusement. Il met tout sur sa table basse, au milieu de son canapé et des deux fauteuils. Deux tasses vides.

19h arrive. Patientant sur son fauteuil, il attend. Son appartement est au rez-de-chaussée, la porte menant directement sur la rue. Grande surface, l'entrée menant directement sur son salon. Ambiance calme. Le soleil n'est pas encore couché. Et... on frappe à la porte. Il sourit, et se lève calmement, allant ouvrir la porte.

Ponctuelle. J'aime. Vous pouvez aller vous installer. Sers-toi à ta guise. Préférez-vous un thé ou un café ?

En Norvégien, tiens. Avisant sa réponse, il va chercher, dans sa cuisine, sa demande. Lui-même se prépare un thé cette fois-ci. Une minute plus tard, il sera déjà de retour avec ses préparations, et s'assied. À côté du tout coloré des friandises spécialement pour elle, un dossier cartonné sans inscription, gonflé de quelques documents. Il pose sa main dessus.

J'écoute ce que vous avez à me dire.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le mardi 30 avril 2013, 20:58:34
Une bien étrange réponse que voilà. Était-ce vraiment une réponse cependant ? Siegfried ne devait pas avoir dit ça par hasard. Alors qu’elle le regardait s’éloigner, Frig resta-là, assise, à cogiter.

*
* *

La pièce était plongée dans l’obscurité : rien ne devait entacher cette cérémonie presque officielle. Tout était-là : les offrandes, l’athamé, les bougies, le tout posé sur un drap blanc immaculé. Ses mains pâles et mutilées vinrent disposer les offrandes – des herbes médicinales, des fruits, des écorces entre autre – avant de saisir l’athamé. Bien que ce geste était pratiqué tous les jours, Frig avait une certaine appréhension à le faire : elle planta doucement la lame dans la paume de sa main gauche et tout doucement le sang commença à couler. L’entaille parcourait sa paume en long. Le sang, donc, commença à couler sur les offrandes.

Getið þit samþykkir þetta tilboð. Ásáheill.
(Puissiez-vous accepter mon offrande. Gloire aux Ases.)

Elle était bras nus et malgré la pénombre on pouvait voir diverses stigmates : elles n’étaient pas toutes intentionnelles. La plupart étaient des runes, des messages ayant une signification propre. Depuis quelques jours, la jeune femme recevait des indices du Wyrd à travers sa peau, généralement quand elle faisait quelque chose de mauvais, de faux. Comme si le destin voulait la préserver d’une fatalité.

Rúnar, svara mér. Afhjúpa Wyrd af minn, sýndu mér framtíðina ;
Rúnrinn í miðju skal svara spurningu minni, spyrja ég:
Ætti ég að fara þarna ? Ætti ég að hitta hann ?

(Runes, répondez-moi. Dévoilez-moi mon destin, montrez-moi mon futur ;
La rune centrale répondra à ma question :
Dois-je y aller ? Dois-je le rejoindre ?)

Sa main de valide plongea dans la poche de velours posée sur ses genoux. Le contact était froid, lisse. Quelques instants plus tard, elle jeta neuf pierres sur le drap blanc tâché de quelques gouttes de sang. Neuf pierres runiques : cinq de face, quatre retournées. Il est temps de procéder à l’interprétation.

ᚨ ᚲ ᛃ ᛒ ᛉ
Ansuz, Kenaz, Jera, Berkano, Elhaz.

ᛏ ᚱ ᛖ ᛇ
Tiwaz, Raidho, Ehwaz, Eihwaz

Commençons par celles de face, celles qui donnent un message positif. Ansuz représente l’éloquence, la magie et le pouvoir des mots, l’inspiration et le conseil – aurait-elle la bénédiction d’Odin pour ses prochains jours ? Kenaz, la créativité, l’intelligence, la réalité que l’on pense être la vraie – Oui, Odin la soutient. Jera, ce sont les efforts, le genre d’efforts qui amène à quelque chose ; elle mène à l’espoir puis à la satisfaction de soi. Berkano – la rune favorite de Frig, après tout, c’est la rune que l’on associe à Frigg elle-même : le renouveau, un nouveau départ, de nouvelles espérances… le début d’une nouvelle relation ? Après tout, cette rune est liée à la fertilité et à la féminité. Enfin, la dernière, Elhaz, est particulière ; c’est la rune la plus au centre de l’Ætt (le set de runes, en somme). Elle apporte une réponse positive à la question, mais Frig devra faire attention. C’était certes une réponse positive, mais aussi une mise en garde.

Continuons donc avec les runes retournées. Tiwaz représente une injustice à venir et la rune Raidho ne fait qu’appuyer ce signe. Ehwaz… du changement, oui, Frig avait compris ça, mais sous-entendait-elle une trahison ? Non, pas une trahison, juste une précipitation inutile qui mènera à… quelque chose, pas forcément quelque chose de bon. Eihwaz, retournée, représente la faiblesse, la soumission.

Adelheid retint d’abord quelque chose : la présence du Père de Tout dans ses prédictions. Elle en pleura presque, pour dire, elle voyait en ces runes un avenir un peu plus glorieux sous l’approbation de son époux. Les runes indiquèrent que sa vie allait prendre un nouveau tournant placé sous l’érudition. Tous les signes poussaient la jeune femme à aller à ce « rendez-vous ». En revanche, elle devrait faire attention, ses doutes se sont confirmés : Siegfried n’était peut-être pas si blanc qu’il n’en avait l’air. Bon. Elle repenserait à tout ça une fois au lit : ne dit-on pas que la nuit porte conseil ?

Il y eut un bruit mat contre le plancher. Oups, elle venait de faire tomber une pierre de sa bourse de velours. Frig ramassa la pierre et la retourna.


Sowilo ;
Le soleil. La puissance solaire, divine. Le chemin vers la victoire.

*
* *

La nuit fut agitée. Pas de signes, rien, c’était étrange. Le Wyrd était beaucoup trop insondable ces derniers temps. Les prochaines nuits ne seront pas plus claires… La Scandinave était stressée. Ce n’était PAS normal.

*
* *

Le samedi matin, Frig se réveilla avec une vive douleur dans le dos. Ni une, ni deux, elle se dirigea dans la salle de bain, se postant devant le miroir de son lavabo et releva son t-shirt. Elle pouvait voir le reflet de la grande glace derrière elle, et ce qu’elle voyait n’était pas beau à voir. En tant normal, elle n’avait qu’un simple tatouage dans le dos : un vegvisir d’une quinzaine de centimètre de diamètre. Mais… là… c’était chaotique. Son dos entier était marqué de runes, gravées dans sa chair, divisées en cinq lignes verticales. Elle pouvait les lire, les comprendre :

« Le Soleil est la lumière de ce monde ;
Je m’incline devant le jugement divin.
Le Soleil est le bouclier des nuages ;
Et un rayon flamboyant ;
Et le pourfendeur de la glace. »

Ah, elle croyait comprendre. Adelheid avait omit un signe de son interprétation : la rune qu’elle avait fait tomber. Pourtant, la jeune femme était persuadée qu’elle n’aurait aucune influence sur ses prédictions. Hélas, il n’en avait pas été ainsi.

*
* *

Devant la porte, elle eut un petit instant de doute, mais les runes l’avaient conseillée d’aller dans cette direction. Elle remit une mèche en place et frappa à la porte. Une petite brise souffla dans sa longue chevelure blonde et un frisson lui parcourut l’échine bien qu’il ne fasse pas vraiment froid. Elle portait une grande veste noire  par-dessus un débardeur de la même couleur ; les manches étaient assez longues pour qu’elle délaisse ses habituels bandages. Son jean délavé montrait des signes d’usures au niveau des cuisses et des genoux. Près du corps, il plongeait dans une paire de New Rock ce qu’il y a de plus standard, sans être trop excentrique. La tenue était dans l’ensemble plutôt décontractée. On remarquera toujours ces trois pendentifs autour de son cou : le Mjöllnir était toujours là mais les deux runes pendant à son cou étaient Tiwaz et Odala (ᛏ et ᛟ).

Enfin, on lui ouvre. Ces quelques instants avaient presque été intenables.


- Bonsoir. Fit-elle avec un sourire aimable, sincère. En réalité, elle avait une trouille monstre.

Siegfried l’invita à rentrer et Frig s’exécuta. Assise, elle ne pouvait cachée qu’elle était intimidée, cela se voyait par sa posture, sa gestuelle, son regard. Droite comme un i, elle n’était cependant pas adossée contre le canapé. Ses mains étaient croisées sur les genoux de ses jambes elles-aussi croisées.


- Un café m'ira.

L’attente fut encore une fois insoutenable, mais elle esquissa un nouveau sourire quand l’homme revint dans la pièce avec sa tasse. Elle remarqua aussi le nombre de pâtisseries sur la table. Était-ce vraiment lui qui avait fait tout ça ? En réalité, elle ne s’attendait pas à tant. C’en était vraiment perturbant, Frig commençait à avoir l’impression qu’on… l’achète. N’était-ce pas le cas, après tout ?

- Takk.

Bon. Voilà l’instant de vérité. Bien sûr que son regard avait capté la présence du dossier sur le coin de la table basse. En voyant sa main sur la pochette de carton, son cœur s’emballa. Quelle horrible tension que voilà.

- Bien. Vous m’avez donc demandée de trouver ce que je pourrais vous proposer en échange de… elle déglutit avec difficultédes services que vous pouvez me fournir. Sachez que j’ai longuement réfléchi à la question.

Faux. Elle s’était tirée les cheveux pour trouver une proposition convenable.

- En toute honnêteté, je ne pense pas que les biens matériels vous intéressent. Alors, j’ai voulu trouver quelque chose d’un peu plus… symbolique. Vous me proposez de payer mon éducation et d’entretenir mes connaissances, de les approfondir, de découvrir autre chose. Le savoir… c’est quelque chose qui prend une vie pour s’acquérir. Alors, je pensais… Sa voix se fit plus hésitante. …si je vous proposais ma vie en échange, ça vous irait ? Hum. Vous en ferez ce que voudrez.

Frig ne déconnait pas, son visage restait impassible. Après tout, n'était-ce pas ce qu'elle avait de plus précieux en cet instant ? Paradoxalement, ce n'était pas la chose à laquelle elle tenait le plus. Et qu'avait-elle à perdre ?

- Je ne prends pas cette décision à la légère, sachez-le. J'y ai longuement réfléchi. Après tout, Odin n'a-t-il pas donné sa vie pour acquérir la sagesse universelle ? Si elle voyait le sourire qui animait son visage en cet instant... il était beaucoup trop radieux au vu de la situation.

Son audace était presque suicidaire. "Sombre conne fanatique".
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le mardi 30 avril 2013, 22:47:34
Dé-ta-che-ment. De ces quatre syllabes, on résume le jeune officier prussien, qui se contente de prendre l'un de ses fondants au chocolat et à la menthe, le savourant sur sa langue. Di-vin. C'est le dessert auquel il a consacré le plus de soin, parce que c'est l'un de ses préférés. Une gorgée de thé pour faire passer sa douceur, et le voilà en plein extase. Un pesant silence s'installe après les paroles d'Adelheid, qu'il mesure avec minutie. Assez long pour qu'elle se pose des tas de questions sur son éventuelle réponse. Ce fourbe prendra bien son temps pour avaler jusqu'à la dernière miette de la bouchée qu'il venait de prendre, après quoi la tasse fini sur la table basse, et il lui désigne le plateau.

Servez-vous, Mademoiselle Friedrich. Sauf si vous n'en voulez vraiment pas, je ne vous force à rien.

Il se saisit du dossier, et l'ouvre sur ses genoux, sa main ayant tenus le gâteau restant en l'air : Maniaque comme il est, il refuse d'imaginer une trace de graisse, même minime et indécelable à l’œil nu, sur la chemise en carton. Il parcoure les feuilles une à une, comme pour s'assurer qu'il ne manque rien, pas même une petite virgule parmi l'amas informe de caractères nippons. Il enchaîne les papiers, sûr de lui, se permettant même un sourire en s'arrêtant sur la dernière feuille. Dossier fermé. Il lui tend.

Il y a tout. Vous êtes désormais considérée comme inscrite alors même que vous n'avez pas de filière. Vous retournerez le premier formulaire au bureau indiqué, et vous choisirez ta voie. Faites ce qui vous plaît. Littérature, droit, histoire, informatique... Peu m'importe, c'est votre choix. Votre loyer est payé pour les 6 mois à venir, il y a un reçu de votre propriétaire. Vous avez aussi un entretien avec un type de l'administration de l'université, pour être engagée à l'université. 15 heures par semaine. Il y a un chèque avec le montant approximatif des frais pour votre passeport, rien de bien gros, et un autre d'un montant plus haut dont l'utilisation est à votre discrétion. Évitez de tout dépenser en deux jours. Pour tout vos autres frais, le transport, l'assurance et le reste, on en reparlera quand il faudra renouveler. Et vos papiers d'identités sont dedans, évidemment.

Il se saisit ensuite d'une mini-tarte au citron, qu'il avale d'un trait, buvant un peu de thé par dessus.

Avant de considérer votre proposition, je vais vous poser une condition : Du résultat. Je ne supporterais pas de vous voir échouer. Redoubler n'est pas une option. D'ailleurs, avoir la moyenne n'en est pas une non plus. Il faut faire mieux que tout le monde. Je ne vous demande pas d'être dans les premiers de la classe, je sais qu'il y a des petits génies qui ont des facilités... Mais je vous demande néanmoins de faire partie du meilleur quart de votre classe. Sinon, j'en serais déçu. Et je suis du genre à faire payer, très cher, la déception.

Venons-en ensuite à ce qu'elle offrait. Là, c'est assez délicat. Il faut considérer la chose avec réflexion et pragmatisme. Il se triture les doigts, comme si il hésitait réellement à accepter. Pourtant, il lui avait remis son destin, en lui donnant les détails... Donc, c'était scellé, non ? Pouvait-il seulement lui reprendre sauvagement ce qu'il venait d'offrir, sous prétexte que la vie de Frig n'était pas un suffisant dans son troc malsain ? Ce serait d'une cruauté sans nom. Ca lui ressemble, en effet.

… Mais en vérité, il jubile. Il a envie d'exploser de joie. Parce qu'il s'auréole de la plus belle des gloires, celle d'avoir asservi sans avoir combattu. Sun Tzu serait fier de lui. Son père serait fier de lui. Ses généraux lui fileraient une promotion, pour sûr. Non, d'accord, il est encore dans son délire, il faut l'admettre pour le coup ; n'empêche qu'il est dans une allégresse rare, et heureusement qu'il a des choses à manger, à boire, et à faire avec ses doigts pour pouvoir s'occuper, parce que rester stoïque dans ces conditions relève d'un self-control olympien.

Il regarde donc le sol un instant, le bout de ses doigts se tapotant entre eux, pouce contre pouce, index contre index, etc. C'est comme si la décision qu'il allait prendre était la plus difficile du monde. Mais bon sang, quel acteur.

Pourrais-je seulement dire non ?

Tête levée. Sourire peiné, coupable. Oui, il faut qu'il se force là, alala le pauvre garçon, compatissez pour lui.

Je ne peux qu'accepter... sur le principe. Mais qu'est ce que ça veut dire, votre vie ? Est-ce que ça veut dire que... que je peux simplement vous informer vaguement de mes choix ? Avoir un droit de regard sur vos actions ? Ou c'est que j'ai aussi un contrôle mental sur vous ? Est-ce que cela inclus le physique ? Pourrais-je vous ordonner de courir un marathon habillée en homme ? Vous faire dormir par terre ? Est-ce que je peux vous imposer de ne pas dormir, même ? Est-ce que je peux vous faire travailler pour moi, dans n'importe quel travail ? Est-ce que je peux vous faire mal ? Bien entendu, ce ne sont que des hypothèses. C'est pour être sûr que l'on se comprenne bien, tous les deux. Que l'on soit sur la même longueur d'onde.

Encore une pause, où il prend une autre de ses pâtisseries, un financier, trempé dans le thé cette fois-ci, avant de le manger avec gourmandise, gardant sa retenue teutonne néanmoins.

J'accepte, si j'ai le contrôle total de votre personne. Le droit de vie et de mort. La soumission pleine et entière de vous, mademoiselle Friedrich, à moi. Et cela jusqu'à ce que... jusqu'à ce que je décide d'abandonner mon emprise. Ou que vous préfériez retourner dans un vagabondage à peu près sédentaire. A ce moment-là, je vous reprendrais tout, évidemment.

Son sourire amusé en dit long sur ses intentions. Avait-il donc planifié ça... depuis le début ? Ça fait flipper, quand même. Dire qu'il y a des gens comme ça.

Je vais me permettre de vous tester. Je vous veux... nue. Entièrement nue. Sans pudeur, devant moi, tout de suite. Si vous refusez, j'estimerai le contrat caduque... Et serai obligé de vous mettre dehors sans avertissement.

Était-ce donc tout ce qu'il voulait ? N'était-il qu'un vil pervers ? Comptait-il aller plus loin ? Derrière ce masque se cache-t-il un psychopathe qui va empirer sa situation ? Ne ferait-elle pas mieux de déguerpir et de tout abandonner ? Ne s'engage-t-elle pas dans un cul-de-sac ? Tant de questions qui ne trouveront pas de réponses dans le regard de Siegfried, puisque ce dernier fuit, allant se chercher son paquet de clope, lui en proposant même une au passage. Désintéressé, il le restera, son attitude restant la plus neutre possible face à son triomphe.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le mercredi 01 mai 2013, 14:35:05
Bon, aux premiers abords, tout se passait relativement bien. Adelheid sentit comme une libération, comme si on venait de la libérer d’un poids (ou d'un parpaing). Pourtant, toute la situation dépassait ses espérances : Siegfried savait y faire avec la paperasse. Elle remarqua bien vite que l’exigence était de rigueur chez le professeur de droit ; c’était un défi, mais ça n’était pas un problème. Elle s’attendait à se genre d’attentes : c’est bien normal après tout. La jeune femme était attentive à ses paroles et à ses instructions ; de même elle remarqua qu’il était vraiment rigide et strict sur ses indications.

Cela en fait presque peur… N’était-ce pas effrayant ?

Pour en revenir à sa proposition, oui, Frig y avait mûrement réfléchi et elle savait très bien que ce n’était pas une solution à prendre à la légère. De même, elle n’avait que ça à proposer : que possédait-elle, au final ? Rien. La Scandinave hocha la tête à chaque énumération. Les runes avaient parlé et elle devait les suivre. De plus, il se pouvait qu’elle possède d’autres atouts dans sa poche car la magie runique n’a de limite que l’imagination. Hélas, Adelheid était bien trop aveugle pour s’en rendre compte. Un jour, peut-être que ça s’arrangerait.

Pour être honnête, la Norvégienne ne souhaitait pas qu’il lui demande « ça », mais elle savait que « ça » allait lui tomber dessus. Tssss, c’est un peu comme si les hommes étaient prévisibles. Elle n’eut le temps de sonder son regard, espérant une mauvaise blague, qu’il s’était déjà levé, parti chercher un paquet de cigarette. Il lui en proposa une, elle refusa. Malgré la nature de la demande de Siegfried, elle était en mauvaise position pour refuser. Elle se contenta juste de souffler ces quelques mots :


- Ainsi soit-il.

Ce n’était pas tant le fait de son montrer nue qui la dérangeait, c’était plus le fait de montrer son corps marqué de multiples dessins et cicatrices. Diable, qu’allait-il penser ?

Enfin, Frig s’exécuta, sans le moindre sourire, commençant par enlever ses grosses chaussures en ne s’aidant que des pieds. Les chaussettes les rejoindront bien vite. Alors que ses mains allèrent saisir sa veste, elle hésita à aller plus loin. Malheureusement, les gestes furent plus rapides que la pensée. La voilà maintenant bras nus : ses avant-bras mutilés étaient couverts de multiples scarifications en tout genre, principalement des runes. Toutes les plaies étaient en train de cicatriser mais il y en avait des plus récentes que les autres. En réalité, à moins d’avoir l’œil occulte sur le sujet, cette vue était particulièrement dérangeante. Et dire qu’elle n’est pas responsable des ¾ des stigmates reposant sur ses avant-bras… Le reste de ses bras, c’était autre chose : eux aussi étaient marqués de runes mais c’était comme si ces « tatouages » se fondaient dans la peau, comme de l’encre qui se dilue. C’était la même chose à la base de son cou et sur ses clavicules. Sur son épaule gauche repose le symbole des trois cornes d’Odin dans une encre claire légèrement bleutée.

Ses mains se saisirent de son débardeur qui rejoindra bien vite ses autres fringues au sol. On pouvait maintenant voir des corbeaux tatoués sur ses hanches pâles, comme le reste de son corps. Une autre cicatrice parcourait son flanc gauche. Frig restait de marbre, s’imaginant le moment ou Siegfried poserait ses yeux sur son dos fraîchement mutilé. La prendrait-il pour une folle ? Elle n’en doutait pas, à moins que sa chevelure puisse en partie cacher les dégâts. La jeune femme se leva, défaisant machinalement sa ceinture et son jean glissa le long de ses longues jambes d’albâtre. À l’arrière de chacune de ses cuisses on pouvait apercevoir un glyphe (http://img4.hostingpics.net/pics/453720300pxIcelandicMagicalStavedraumstafirsvg.png) dont la signification restait obscure, même pour elle.

Dans l’ensemble, son corps avait des proportions frôlant la perfection ; on notera quand même que ses côtes sont légèrement visibles, signe d’une ancienne maigreur. Adelheid ne regarda pas son hôte durant son effeuillage, préférant fixer le vide, ou, le sol. Oui, c’était gênant. À partir de cet instant, ses mouvements se firent plus hésitant, et sa respiration plus saccadée. Frig se cambra légèrement alors que ses mains virent défaire les agrafes de son soutien-gorge noir, simple, sans fioritures aucunes. Son corsage tomba lui aussi au sol, dévoilant une poitrine pâle, généreuse, à en faire pâlir de jalousie toutes ces japonaises. Ses mains tremblantes s’approchèrent de son dernier sous-vêtement, ses doigts jouèrent quelques instants avec ce shorty avant qu’il ne glisse, glisse, glisse lentement le long de ses jambes fuselées.

« Ainsi soit-il », qu’elle avait dit.

Son regard se plongea enfin dans celui de son hôte ; on pouvait lire une certaine gêne en elle – à moins que ça ne soit de la détresse ? Ce n’était pas tant la nudité qui la gênait, comme susmentionné, c’était plutôt le fait que Siegfried puisse voir ses stigmates, et… la juger.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le mercredi 01 mai 2013, 16:19:54
Elle ne jouera pas de son corps, ne se mettra pas à danser, remuant du booty pour donner des paillettes et des confettis à cet effeuillage en règle. Pas de fioriture, et c'était tant mieux. Même si sa conscience masculine aurait sans doute apprécié – quel homme n'aimerait pas ? - son esprit du moment, l'argumentaire qu'il pose en lui demandant cette mise à nue, n'était pas dans une optique de voir un « strip-tease excitant pour stimuler son stupre », bien au contraire. Et puis, très honnêtement, le corps de Frig se suffisait à lui-même.

Siegfried debout, ses lèvres se serraient contre sa cigarette qu'elles tenaient, et ses doigts jouaient avec sa boîte d'allumettes, les tiges de bois raclant régulièrement à l'intérieur de parallélépipède de carton, seul bruit audible en-dehors des froissements de tissus provenant de Frig. Ses yeux voguaient à droite, à gauche, s'attardant longuement sur ses stigmates rédigées, avec une fascination même pas masquée. Bon, d'accord, Adelheid est une jeune femme un peu torturée et fanatique de ses origines qui se gravent au compas des runes, c'est bien, t'es mignonne, mais avec Siegfried, il va falloir arrêter hein. Il lui en touchera un mot après. Il se tait, pour l'instant, se contentant de passer en revue chaque parcelle de peau qu'elle offre à sa vue. Plus ça avance, et plus il est en proie à un démon intérieur, taquin et malsain, qui chatouille ses tripes avec des doutes et des questionnements. Plus la clarté se fait sur le physique de la norvégienne, et plus la brume s'installe dans son ressenti.

Il fait quelques pas pour retourner s'asseoir sur le fauteuil, plus si loin d'elle désormais. Carrément proche, même. Et l'angle est nouveau. Siegfried adore, évidemment, mais il a du mal à apprécier pleinement. Comme si il manquait quelque chose... Ah, oui : La logique. Parce que ça ne colle pas, tout simplement. Que Frig ait des défauts cachés, pourquoi pas... Mais à ce point, ça lui semble de plus en plus étrange. Y aurait-il un côté rituel ? Serait-ce une païenne hardcore, qui pense que ces glyphes pourraient influencer sur sa vie ? Foutaises. Seuls comptent le travail et la sueur. Il sait la force des convictions et connaît leur portée, mais là, c'est trop. Et, franchement, ça le décevrait pas mal de sa part. Alors, gothique suicidaire ou ultra-paganiste ?

La réponse apparaîtra bientôt. Lorsqu'elle tombe enfin la dernière pièce de tissu, et se présente en tenue d'Eve face à lui. Leurs regards se croisent enfin. Point de lueur de défi. Il apprécie. C'est l'heure de l'inspection. Se relevant, il tire sur sa clope et laisse s'échapper la fumée en l'air, avec une lenteur exaspérante. Il traduit une légère excitation, qu'il maîtrise sans problème. La tension n'est pas visible dans son attitude, puisqu'il est naturellement rigide. Ses pas mesurés passent autour d'elle. On ne refera pas la comparaison du loup qui trace ses cercles autour de l'ennemi jusqu'à sentir sa faiblesse. Il ne fait qu'examiner chaque marque anormale qu'elle porte. Une fois dans son dos, sa main vient écarter sa chevelure pour découvrir les tracés qui couvrent ses omoplates. Nouvelle révélation, et nouvelle question. Comment elle a pu se faire ça ? Peut-être a-t-elle quelqu'un qui l'aide, auquel cas ça casserait son analyse de la jeune fille solitaire. Ca lui semble surréaliste. Il a besoin de comprendre, que sa réflexion soit juste, et colle avec tous les éléments... Ou il pourrait péter un câble. Le rationnel Siegfried est face à une énigme à laquelle il n'arrive pas à répondre. Les secondes défilent et il se contente de rester derrière elle. Pauvre Adelheid, il ne se rend pas compte à quel point cette position dans l'espace peut être affreuse pour son équilibre mental. Il remise la question à plus tard, constatant qu'à la lecture difficile des runes, il ne comprenait pas. L'ensemble des marques sur son corps étaient désordonné, et ça lui déplaisait.

Regard sur ses fesses, bien entendu. Autre chose attire alors son attention. Frig pourra sentir l'officier s'accroupir juste derrière elle, et toucher de la main les symboles qui s'y trouvaient. Ses doigts se font plumes, pour ne pas heurter sa peau semblant si fragile. Il trace les signes vaguement, avant de sourire. Ca, il connaît. Et apprécie. Pas son domaine d'étude, cela dit, mais il l'a déjà vu quelque part, et avec un effort de reconstruction mental, pourra sans doute en ressortir une explication plus ou moins claire.

Il se relève, continue son petit tour. Des mensurations idéales. Un corps... de déesse ? Sans doute.

Tu es magnifique. Somptueuse. Parfaite.

Dans sa tête sont imprimés chaque caractère qu'il aura pu apercevoir sur elle. Il retranscrira le tout sur feuille dès qu'elle sera partie. Il faut qu'il sache ce que tout ça veut dire.

Maintenant, il prend sa main, pour tendre l'un de ses bras. Le stress n'est pas fini : Il examine ses bras avec une attention toute particulière. Penché sur elle, il cherche la moindre erreur... Mais il n'y en a pas. On le voit essayer de dessiner, en l'air, avec sa cigarette tenue comme un stylo, chaque trait. Au bout d'une dizaine de secondes, une évidence se confirme.

Quelle netteté dans le trait. La profondeur est égale, sous-tendant que tout a été fait en même temps. Or, après avoir pissé le sang sur quatre ou cinq runes, il faudrait une volonté de fer pour arriver à continuer sans trembler... Et enchaîner avec l'autre bras ?... Pas possible. Quant au dos... N'en parlons pas.

Il la lâche finalement et s'éloigne, déposant la clope sur un cendrier.

Et pourtant tu ne me sembles blessée nulle part. Tu n'es pas traumatisée, ton comportement est normal, et montrer ça n'est pas la honte suprême... On ne t'a pas kidnappé pour te faire ça. Ce n'est pas quelqu'un qui te l'a infligé sous la contrainte. Néanmoins, tu n'en es pas fier, vu que tu le couvres en public. Donc, c'est quelqu'un d'autre qui te l'a fait, tu étais plutôt volontaire, mais tu n'en es pas fière pour autant. Tu regrettes après coup ?... Non, ce serait trop simple. C'est autre chose.

Il fait les cent pas en la regardant. Il pose ses hypothèses en norvégien, parlant toujours sans aucun mal, mais l'envie de revenir à sa langue natale pour mieux réfléchir à haute voix lui semble presque vital. Il abandonne l'idée, fini son café d'une traite, avale l'une de ses pâtisseries, et lui fait un signe de la main, avec un sourire.

Vous pouvez vous rhabiller. Je vous dis ça à regret, mais je ne peux pas vous imposer de vivre ainsi...

Hey, mais si, il peut !

Il a l'air détendu du slip, mais dans sa tête tournent pourtant mille questions. Il sait qu'il ne va pas en dormir de la nuit, il sait que ça va l'occuper y compris pendant ses cours, il sait que même avec une fille, il va forcément y penser. Mais il fera comme si de rien n'était, et lui indique le canapé d'où elle s'était levé.

Et il faut arriver à suivre, l'alternance du tu/vous est pas non plus géniale.

Bien. Si vous avez des choses à me dire, des questions, des inquiétudes à me faire part, voire même des interdits que vous souhaiteriez me poser, c'est maintenant. Après, il sera trop tard. Hm... Techniquement, il l'est déjà un peu, mais je considère toujours ce que l'on sait me dire avec diplomatie. Et puisque vous avez prouvé que vous n'étiez pas du genre rebelle inconsciente, je ne peux qu'être conciliant avec vous, Mademoiselle Friedrich.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le mercredi 01 mai 2013, 21:43:49
C’était comme si le temps s’était arrêté dans cette pièce ; les secondes paraissaient des minutes. L’air, lui, il était pesant, lourd. Frig avait cette mauvaise impression que Siegfried avait ses yeux partout, sur chaque parcelle de son épiderme, comme s’il était omnipotent. N’était-ce pas le cas, après tout, il était sur son terrain de jeu, là où elle ne pouvait absolument rien faire pour se défendre, pour protéger les restes de sa pudeur. Il ne la toucha pas cependant, cette inspection ressemblait plus à une visite médicale – or, la jeune femme pouvait sentir que cet exercice était bien plus pervers et vicieux que ça. Il la jugeait, définitivement ; Adelheid en était persuadée. Comment pouvait-il passer à côté de tous ces symboles, après tout. En plus de se sentir jugée, elle se sentait embarrassée et étrangement coupable (bien que ça ne soit en rien sa faute). Quand son hôte passa dans son dos, elle se crispa. Quand il écarta ses cheveux dans son dos, elle eut un gémissement plaintif – qu’elle réussit néanmoins à étouffer.

L’analyse de Siegfried était… dérangeante. Adelheid pouvait lui dire la vérité, mais la croirait-il ? Puis cela ne le regardait pas – c’était plus « amusant » de le laisser deviner. L’odeur de la cigarette commençait à lui devenir insupportable : cela faisait un moment qu’elle avait arrêté de se foutre en l’air les poumons de la sorte. Pourtant, elle se retint un léger hoquet : elle était toujours beaucoup trop crispée alors que le prof continuait son inspection – et ses suppositions.

Elle ne put retenir un soupir de soulagement quand il lui autorisa à se rhabiller. Enfin. Contrairement à ce que l’on aurait pu s’attendre, Adelheid ne se jeta pas sur ses fringues pour se rhabiller en catastrophe. Non, ce fut un peu plus tranquille que ça, si on peut le dire ainsi. Elle se rhabilla, donc, avant de s’assoir à nouveau sur le canapé. Diable, qu’est-ce que ça pouvait faire du bien.

Une dernière requête ? Frig s’éclaircit d’abord la voix.


- Hum, eh bien, je tenais à ce que tout ce qui se passe entre nous reste confidentiel. Ce que vous venez de voir fait aussi partie de ce qui doit rester confidentiel.

Déjà que toutes ces stigmates étaient censées rester un secret… Plus maintenant, en tout cas. La Scandinave porta sa tasse de café à ses lèvres. Ah, ce goût salvateur. Parfait. Réconfortant comme il fallait.

- Après, je n’ai rien d’autre à ajouter. Je vous fais confiance.

Son regard sombre appuyait ses paroles. Là encore, ce qu'elle venait de dire s'apparentait presque à un suicide social.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le jeudi 02 mai 2013, 00:56:24
La quiétude ultime. Après le combat, on se sent tellement mieux. Il a gagné. Paisible comme un pape, il s'affale complètement dans son fauteuil de cuir comme si c'était son petit nuage, flottant au-dessus des hommes, bien au-dessus. Il plane. Vague sourire aux lèvres en la direction de Frig. Il acquiesce. La confidentialité ? Oui oui. On verra. On peut dire que ça reste confidentiel si les vidéos finissent sur internet, non ? Après tout il n'y a pas marqué son nom sur le film, et qui irait trouver ce teint de lait au Japon ? On peut donc dire plus ou moins que la confidentialité est respectée.

Il serait prêt à le plaider devant un tribunal. C'est dire si il croit en son bon droit.

Bien, bien. Je pense donc que nous avons fini. Je te conseille de te dépêcher de remplir ta paperasse et tout le reste, tu as le programme depuis la rentrée à rattraper. Pas grand-chose, mais il va falloir t'accrocher quand même. En fonction de la filière que tu choisis, j'essaierais de t'adresser à un professeur compétent. Puisque ça regorge d'incapables... Oh !

Il se lève brusquement et file dans sa cuisine. Il en ressortira avec un petit sac en papier de boulangerie (Qui a ça chez lui, sérieusement ?...), et se précipite sur son plateau. Sélectionnant les plus réussies de ses pâtisseries, il en mettra deux de chaque et ferme la chose avec délicatesse, pliant soigneusement pour être sûr qu'il n'y ait pas d'air qui s'échappe. Et lui tend. Scène surréaliste : Il est à la limite de l'excitation enfantine. Puis se rassied, un peu plus calme.

Pour chez toi. Ca me ferait plaisir si tu les apprécies.

Sourire affectueux quelques secondes, se voulant rassurant, qui disparaîtra pour faire place à une expression plus sérieuse, semblant chercher un apaisement chez elle.

Ecoute... Maintenant, on n'a plus qu'à se faire confiance mutuellement. Tu as accepté mon marché, j'ai accepté le tien, alors, désormais... Nous sommes liés. Ni toi ni moi ne le regretterons. J'espère que tout les deux, on ira loin... Je te recontacterai quand je voudrais te reparler. Sur ce, je ne veux pas te retenir plus longtemps. Tu connais la sortie.

De nouveau debout, il prend sa main pour... l'embrasser. Elle ne rêve pas, le baisemain, il pratique encore. C'est un chevalier teutonique dans la plus pure tradition, qu'est ce que vous croyez !... Et s'éloigne vers la salle de bain. Chantant en allemand, ténor improvisé, Beethoven étant bientôt couvert par la porte fermée puis l'eau qui se met à couler. Ravi, il est ravi. Peut-être bien qu'il va se taper l'une de ses soumises ce soir, pour fêter l'occasion.


ᛋᛋ


Trois semaines. Frig n'entendit plus parler de lui pendant trois semaines. Elle pouvait le croiser dans les couloirs ou dans la cour, et il ne lui accordait qu'un « bonjour, mademoiselle ! » des plus cordiaux, et en japonais, comme il le faisait à toutes les étudiantes qui le saluaient en fait. En tout cas, il avait été honnête, et elle n'avait pas été volée : L'inscription a été validée au plus vite, le papier du loyer était juste, elle avait en effet eu un entretien avec le responsable de la bibliothèque pour un petit poste, et les chèques n'étaient pas en bois. Une merveille, ce Siegfried. De ce qu'elle avait pu glaner comme info sur lui, c'était un prof exemplaire : Toujours volontaire pour aider, même en-dehors des heures de travail, il était disponible, attentif, pédagogue. A entendre les étudiants en droit, ses cours étaient fa-bu-leux. Seul bémol : La notation. Là, y avait pas à chier, Siegfried était le pire. Déjà que les juristes sont pas cléments en général, mais avec lui, c'est un massacre. Si la copie est rigoureuse, soignée, précise, ordonnée, avec des argumentaires justifiés juridiquement, et que le cours était bien fourni, tu pouvais espérer dépasser la moyenne. Sinon, tu te coltines une note moyenne, voire carrément mauvaise. Et pourtant, malgré tout ça, ses étudiants l'adoraient. Il n'était pas un maniaque du contrôle, préférant demander des devoirs qu'il note à simple titre informatif, sans l'inscrire sur les bulletins. Ca donnait un bon ordre d'idée aux élèves, de savoir que Siegfried les considérait comme des nuls en droit, mais qu'il les appréciait quand même. Alors, bah, ils l'aimaient bien.



Un SMS inopiné. Elle ne connaissait pas le numéro. D'ailleurs, comment l'avait-il trouvé ?

« Amphithéâtre 200, 18h40h. - Siegfried. »



Pas de fenêtre à cet amphi. Deux portes, une en haut, une en bas. Toutes les lumières sont éteintes, sauf celles du tableau. Siegfried est assis à son bureau, et l'ambiance donne un petit quelque chose de franchement malsain au tableau. Il lit tranquillement, jusqu'à entendre un bruit.

Oh, Mademoiselle Friedrich.

Il sourit, radieux, calant tranquillement un marque-page en cuir fin dans son livre avant de le refermer. Il lui désigne l'espace devant lui, là où elle est censée se tenir, en bonne petite soldate de plomb. Et le verdict tombe.

Nue.

En norvégien, de nouveau. Il aime cette langue mine de rien.

Nue, ici. Maintenant. Regarder ton corps m'a manqué. Et raconte moi tout. Comment se sont passés ces trois semaines, qu'est ce que tu en as fait, si tu as déjà eu des notes, ton ressenti... Parle ! Je veux t'entendre parler. Et plus longtemps je pourrais contempler ton corps, et mieux ce sera...

De sa position, Siegfried avait une vue parfaite sur elle. Le reste de l'amphi, plongé dans la pénombre, ne rassurait pas sur leur solitude. Quelqu'un pourrait s'y cacher sans problème. Tout cet espace noir et vide avait quelque chose d'oppressant, et le fait que n'importe qui puisse entrer à n'importe quel moment en rajoutait au stress. Ses yeux vagabondaient sur elle avec cet appétit propre aux carnivores. Pour un peu, on dirait qu'il compte se jeter sur elle pour satisfaire ses envies, tant il semble être en manque. Cette attitude de mort de faim tranche franchement avec sa classe naturelle, et son attitude désintéressée de l'autre fois. Qui sait... Peut-être a-t-il d'autres desseins ? La jeune femme ne peut qu'espérer qu'il joue un jeu. De toute façon, elle est pieds et poings liés face à lui.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le vendredi 07 juin 2013, 02:15:28
- D’accord, je ferai ça au plus vite. Merci beaucoup.

Pour un homme aimant l’ordre et la rigueur, il pouvait parfois faire des sautes d’humeur assez perturbantes. En voilà, un homme lunatique. Il ne cessera jamais de l’étonner.

Charmantes manières, qui plus est.


*
* *

Frig était toujours très ponctuelle : à vrai dire, quand il fallait faire quelque chose à une heure donnée, elle détestait les retardataires avec une furie sans borne. C’est pour ça qu’elle prenait toujours la précaution de venir un peu plus en avance, ou dans le pire des cas, à l’heure précise. Il était exactement 18h40 quand elle entra dans l’amphithéâtre plongé dans l’obscurité – ou presque. Siegfried était là, tout sourire. Elle le lui rendit, bien que sa joie s’estompa rapidement compte tenu de l’ordre qu’il venait de lui donner. Pas de « bonsoir, comment allez-vous ». Non. Juste un ordre. Un seul mot. Peut-être que c’était tout simplement pour la tester ? Bon, si ça se passait comme la dernière fois, elle n’avait pas de soucis à se faire. Néanmoins, l’indication restait surprenante – et plutôt inquiétante.

La jeune femme posa son sac par terre. Elle se débarrassa de ses boots hâtivement avant d’attaquer les boutons de sa chemise. Cela se voyait qu’elle était tendue, mais elle tentait de le cacher coûte que coûte, à travers des gestes faussement précis. Sa chemise rejoint le sol ; cette fois-ci, les bandages étaient de nouveau de rigueur, on pouvait remarquer que son avant-bras droit avait visiblement saigné. Peu, certes, mais il y avait quelques petites traces de sang.


- Tout s’est relativement bien passé dans l’ensemble. Les cours auxquels j’assiste sont vraiment intéressants. Ça change du lycée, au moins je peux étudier quelque chose qui me plaît vraiment. Bon par contre, ça a été vraiment long de rattraper tous les cours, mais c’est fait. Ah, oui, je suis en fac d’histoire.

Tout en parlant, ses doigts vinrent la débarrasser de sa jupe, dévoilant ses jambes habillées de bas noirs relativement opaques. Frig n’osait pas regarder Siegfried le temps de l’opération, elle ne voulait pas voir l’expression sur son visage. Par pitié, est-ce que sa voix pouvait cesser de trembler ?

- Je n’ai pas vraiment de mal en cours, en fait, bien que certains points soient difficiles à assimiler. Pour mon cours d’histoire du Moyen-Âge, par exemple, je ne revois que des choses que je connais déjà plus ou moins. Il n'y a pas vraiment de "nouveautés", mais ça reste super intéressant – c’est tellement mieux raconté que dans les bouquins, c'est pour ça. En revanche, pour mon cours d’histoire contemporaine, j’approfondis des points seulement survolés auparavant. C’est sympa. Qui l’eut cru que la Révolution Russe serait un sujet si passionnant.

Ses bas, maintenant à terre, dévoilaient de nouveaux bandages au niveau des chevilles. Ce n’était pas vraiment des bandages, en fait, on aurait plutôt dit un genre de compresse. Très rapidement le reste de ses sous-vêtements rejoignit le sol. Les cicatrices sur son dos étaient toujours visibles même si elles avaient largement eut le temps de cicatriser depuis leur dernière rencontre. Droite comme un i, elle attendait sa « sentence »,  ou la permission de pouvoir se rhabiller. Et si quelqu’un venait à entrer dans la pièce ? Enfin voyons, à cette heure-ci, tout le monde a déserté les lieux !

La tension que la scandinave ressentait était tout à fait palpable ; de plus, chaque seconde semblait paraître pour des minutes, si longues, si exaspérantes.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le vendredi 07 juin 2013, 04:13:20
Le jeu de lumière est différent de la dernière fois. Ce qui lui permet d'abord le corps de Frig sous un autre angle. L'agréable désapage a tout l'air de le distraire. Comme si il ne l'écoutait pas, préférant occulter son ouïe pour se concentrer sur sa vue. Et quelle vue. La norvégienne avait de quoi faire fondre sa volonté, mieux que le plus friable des métaux soumis à une chaleur volcanique. Son esprit un peu voyeur est pleinement satisfait. Elle ne fait pas acte de pudeur, ne s'attarde pas, n'en fait pas trop. Lui se fait déjà des films dans sa tête – son instinct mâle qui le guide. D'apparence, il arrive à garder tout son sérieux.

Et il a d'ailleurs tout entendu, même si on aurait pensé le contraire, et compris ce qu'elle lui disait. Ca éveillait d'ailleurs un peu plus son intérêt. Il avait surveillé de loin son dossier auprès de l'administration, et avait connaissance de la branche où elle s'était dirigée. Ravi, le Siegfried, de voir qu'une jeune femme brillante pouvait choisir l'une de ses matières préférés – qu'il enseigne au lycée, non à l'université.

Son regard revient vers celui de l'étudiante. Un sourire. Il ne masque pas son intérêt, ni son plaisir.

Si le droit est la matière reine, l'histoire est la matière noble.

Annoncé avec une certaine hauteur. Pour lui faire éprouver cette joie, cette fierté paternelle qu'il ressent envers elle. Le prof se lève, se découvrant entièrement. Pour ne pas changer, elle verra son costume deux pièces, pas spécialement ostentatoire dans cette université, mais qui lui filait une classe folle – on ne saura pas si c'est le sur-mesure qui donne l'impression d'une coupe parfaite, ou si c'est lui qui serait comme destiné à porter ce genre de vêtement. Ou bien un charisme naturel qui le rend sexy quoiqu'il porte.
Elle fera son choix quand elle le verra en SS. Car personne ne porte l'uniforme de l'Ordre Noir mieux que lui.
… Cela dit, elle se ravisera sans doute en le voyant habillé en Bob L'éponge.

La révolution de 1917 ?... Intéressante, oui. Plus intéressant encore, celle de 1905, et toute la période qui sépare ces deux événements. La façon dont on dirait que celle de 1917 devenait inéluctable, et même, que le destin voulait qu'elle arrive. Comme... un effet boule de neige, si tu vois ce que je veux dire.

Il fait le tour de la large table pour se rapprocher d'elle, et se mettre derrière. La consigne étant de ne pas bouger. Il cherche à l'examiner, de nouveau. L'oeil minutieux, inspecteur, précis qui la scrute de haut en bas. De nouveau cette impression de puzzle... dont il n'arrive pas à trouver la pièce centrale, celle qui lierait toutes les autres.

Qu'est ce qui ne va pas chez toi...

Bien que la phrase puisse paraître méprisante, le ton est plus rassurant, avec une pointe d'inquiétude, de nouveau celle du père qui se fait du sang pour son enfant.

Je comprends que tu aies peur de moi. C'est légitime. Et... Encore plus dans cette situation. Mais tu as décidé de t'abandonner à moi. Maintenant, tu dois me faire confiance... Et te détendre. Hm ?

Il se penche sur le côté pour qu'elle voit son visage. Il sourit avec douceur, car il veut à tout prix la rendre moins crispée. Il sent bien qu'elle tremble, qu'elle manque de confiance en elle. Il se remplace derrière elle, et avec un « tu permets ? » qui n'attend pas de réponse, il écarte ses cheveux d'un côté pour qu'ils passent devant, et pose ses deux mains sur ses épaules. Un massage improvisé.

Ferme les yeux. Imagine-toi... Qu'est ce qui serait rassurant, pour toi... Un paysage enneigé ? C'est cliché, mais allons-y. Un haut plateau de Norvège, en hiver... Une épaisse couche de neige comme il n'y en a que dans ces pays. Quelques flocons tombent, éparses. Un vent léger siffle. Mais il ne fait pas si froid. Ni, l'air est doux pour ce que la Scandinavie peut infliger. Imagine-toi marcher dans cette neige. Une petite balade, sous le regard bienveillant de quelque corneille qui passerait au-dessus de ta tête. L'atmosphère est pure. Plus pure qu'au Japon, et que dans toutes ces agglomérations où tu as déjà été. Et en contrebas... Pourquoi pas... Une source chaude.

Ses gestes sont lents et précis. Il alterne entre un appui de sa main entière, animant comme des vaguelettes sa peau de nacre, avec des pressions ciblés de ses doigts. Jamais raides, toujours gracieuses, ses mains dessinent des arabesques dans son dos. Il se revoit une nouvelle fois en Russie, plongeant ses gants dans la neige au réveil du matin pour éprouver le terrain avant de s'y engager. Cette sensation glacée de transpercer la pureté même, de l'effriter comme un dieu écraserait la terre. Le pouvoir. La puissance. Il la tient entre ses mains, et peut la briser quand il le souhaite.

Toute la difficulté venant de ses stigmates, celles sur son dos. Il ne faut pas lui faire mal. Il ne doit pas appuyer. Il se retient même de toucher simplement, parfois. Il doit faire preuve d'une imagination et d'une concentration suffisante pour ne pas la faire souffrir dans un moment d'imprudence. Il contourne donc, chevauche, évite. Un maître dans le genre.

Et, très franchement, cette attention presque thérapeutique fait un bien fou. Siegfried est doué pour ça, il aurait pu être kiné. Ou gigolo. Lorsqu'elle sent ses paumes effleurer ses hanches, virer brutalement de bord pour s'engager juste au-dessus de ses fesses, de sorte que ses deux pouces, creusant sur leur chemin la cambrure mystique de ses reins, remontant le long de la colonne, passant sur les côtes puis entre les omoplates, puissent finir leur course sur sa nuque, permettant à ses paumes et ses doigts agiles de s'enfermer autour du cou. Il ne l'étrangle pas, non. Se contentant de bien insister de ses deux préhensiles sur ses trapèzes, de l'os central jusqu'à la naissance des cheveux. Ensuite, il cherchera à masser sa gorge, sans force, remontant sur le menton. Puis retourne vers le dos. Expert de l'anatomie, il insistera partout où ce sera nécessaire pour qu'elle se détende.

Tu es déjà nue. Personne ne te regarde. Si ce n'est la corneille, qui n'a pas l'air d'en avoir grand-chose à faire. Tu es la seule âme à cent kilomètres à la ronde. Tout t'appartient. Tu es la Reine du Monde. Et tu as décidé de te baigner. Alors tu plonges... doucement. Un pied, avec grâce, puis un autre. Et tu t'immerges (et il mimera l'immersion avec ses doigts qui, de ses cuisses jusqu'à sa tête, tapotent frénétiquement son corps, imitant la sensation de l'eau instable qui grimpe). Tu t'appuies. Il fait bon. La corneille est toujours là. Le paysage est blanc. Beau. Parfait. À ton image.

Sur ses mots, il se colle à elle, et embrasse son cou.

Tu ne dois pas avoir peur de moi. Tu es... la Reine du Monde. N'est-ce pas ? Et si je peux faire quelque chose pour te rassurer, c'est le moment de me demander, je suis prêt à t'écouter.

Avec beaucoup de regret, il se voit contraint de la lâcher.

Tu sais... Le plaisir de deviner est assez grisant, mais... Depuis des jours que j'y pense, je n'arrive pas à comprendre. Tu m'as l'air très intelligente, et le destin ne t'aurai pas placé sur ma route et poussé à faire tant de choses insensées si tu n'étais pas une personne exceptionnelle. Tu n'es pas comme ces petits cons qui se tatouent des kanjis parce qu'ils sont fascinés par le Japon, ou par ces stupides inconscientes qui se scarifient à la paire de ciseaux en écrivant des poèmes minables. Quand j'arrive à trouver une explication rationnelle et logique à tout ça, il y a toujours quelque chose qui ne colle pas. L'ensemble... L'ensemble est bancal. Alors, je veux que tu m'expliques. Et ce, dans les moindres détails. Soit prolixe, je te prie. Et viens t'asseoir.

Il repasse derrière le bureau, l'emmenant avec lui. Il y a de la place pour 5 chaises. Lui s'assied sur celle au centre, et désigne l'autre à ses côtés pour qu'Adelheid y pose son séant. En revanche, il ne la laissera pas se mettre vers la classe, non non. Il tourne les deux sièges face à face, de sorte qu'elle doive s'asseoir tournée vers lui. La perspective est physiquement intéressante pour lui. Il ne se prive pas de la regarder.

De la même façon que tu es nue devant moi, je veux pouvoir voir ton âme. Entièrement. Je veux essayer de comprendre le mystère qui t'entoure... Je suis sur que ton esprit est aussi merveilleux que ce que j'ai sous les yeux actuellement. Et, je te le redis. Détends-toi. Tu m'as remis ta vie, mais tu n'es pas une marionnette. Sois le plus naturelle possible.

Encore un sourire, avec la plus grande bienveillance, pour tenter de l'apaiser. Adorable, ce type. Même pas malsain, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Et surtout... La fascination qui se lit dans son regard est équivoque. Comme si c'était elle, la maîtresse de tout, et qu'elle pouvait le faire obéir. En pratique, c'est bien différent, et ils le savent tout deux.

Est-il besoin de préciser qu'il ne supportera ni les éludations, ni les mensonges ?
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le dimanche 09 juin 2013, 19:51:41
La situation était particulièrement dérangeante. Il n’y a pas plus désagréable sensation que de se sentir acculée : non, tu ne peux pas réagir, tu ne peux que baisser la tête et subir. Le plus incommodant était le fait qu’on ne pouvait pas deviner aisément les intentions de Siegfried : Adelheid était bien trop peu empathique pour se mettre à sa place, dans sa tête. De plus, tous les éléments du destin ayant attrait à cette personne en particulier étaient si sombre qu’ils en étaient insondables, malgré les trois semaines s’étant écoulées. C’était bien trop étrange, Siegfried était bien trop étrange pour être quelqu’un d’honnête.

La scandinave ne partageait pas son plaisir mais elle garda sa contrariété pour elle. De plus, elle redoutait cet instant où le prof s’approcherait d’elle. Voilà, elle n’a jamais été vraiment pudique, mais ça ne voulait pas dire que voir chaque parcelle de sa peau pâle se faire inspecter de façon presque académique lui était supportable. Pourtant, ses craintes se vérifièrent quand Siegfried se leva ; elle se sentait presque honteuse d’être là, à sa merci. Assez étrangement, le ton qu’il empruntait était bien loin d’être pervers ou malsain, on aurait presque dit qu’il était inquiet. Lui, inquiet à son sujet ? Il la connaissait à peine !

Non, elle ne pouvait pas le nier ; même si l’homme tentait une approche douce et calme, elle restait effrayée. Cela doit être l’effet « animal en cage », sans doute. La proximité entre les deux êtres étaient bien trop faible pour qu’elle reste indifférente. Frig appréciait peu cette « intimité » qu’il semblait bafouer de ses mains expertes. Comme indiqué, elle ferma les yeux et fit le vide dans sa tête, vide qu’elle commença à manipuler avec une aisance surprenante, recréant un paysage inventé de toutes pièces. La Scandinave perdit néanmoins très vite le contrôle de ses pensées : elles sont bien plus vives qu’elle l’aurait souhaité. Le vent balaye ses cheveux : la blancheur de la neige s’étend à perte de vue, tout comme ce ciel chargé de nuages gris clairs. On peut quand même voir le gris de la roche des montagnes et quelques arbres, dénués de leurs feuilles. En contrebas, il y avait cette source dont Siegfried parlait. Frig leva la tête et aperçut un oiseau noir, qu’elle prit d’abord pour une corneille, mais au vue de l’envergure de ses ailes, c’était définitivement un corbeau. Il n’était pas seul : ils étaient deux, deux corbeaux à voler en cercle au-dessus de sa tête. Chacun de ses pas dans la neige étaient ponctués de croassement ; assez bizarrement, ses pieds nus supportaient tout à fait la température. Sa marche était lente mais elle n’était pas loin de sa « destination ».

Timidement, son pied droit se glissa dans l’eau : une douce tiédeur se colporta sur sa peau d’ivoire. D’abord ses mollets, ses cuisses, son ventre, et enfin son corps. C’était si agréable : si elle pouvait, Frig resterait là quelques heures au moins. Quelques croassements résonnèrent dans l’air, l’extirpant de son doux confort. Elle plissa les yeux et aperçut au loin une silhouette semblant la narguer. Cela devait être un homme, un homme visiblement vêtu de noir. Alors qu’elle plissait les yeux pour mieux l’apercevoir, les flocons commencèrent à tomber en rafale et l’homme disparu dans la brume neigeuse, ainsi que les deux corbeaux.

C’est après ces derniers détails que la Norvégienne ouvrit brusquement les yeux alors que les lèvres du professeur flattaient sa gorge. En temps normal, elle l’aurait repoussé sans vergogne aucune, mais là… c’était autrement. Adelheid était bien trop calme, bien trop reposée pour lui en vouloir. Elle ne trouvait même pas ça malsain, pour tout dire. Siegfried la lâcha et l’invita à s’asseoir près de lui. Le regard un peu dans le vide, elle s’exécuta, croisant ses jambes et posant ses mains sur ses genoux. Sa requête était particulière, et embarrassante qui plus est. Comment Frig pouvait expliquer « ça » sans paraître pour une tarée psychopathe ? Il n’était pas stupide, il n’allait pas la croire, quand même !


- … Bon. Je n’ai pas vraiment le choix, à vrai dire… Je voudrais juste que vous ne me preniez pas pour une folle car ce que je dis est vrai.

Elle prit une grande inspiration avant de continuer.

- En fait, je vois des choses que je suis la seule à percevoir. Okay, ça peut paraître un peu bidon dit comme ça, mais c’est la vérité. Je vois le futur, je vois le passé. Quand je dors, je fais des rêves étranges, je rêve d’être une autre personne, ou des fois, j’ai comme des genres de visions… Je vois le futur des personnes qui me sont plus ou moins proches. Je ne peux pas parler du contenu de mes visions… C’est… c’est étrange, on dirait que j’ai une sorte de blocage. Une fois, j’ai essayé de mettre mes rêves sur papiers : ce que j’avais écrit avait un sens, mais quand j’ai relu mes notes quelques minutes après, tous ces mots ne signifiaient plus rien. Pour être honnête, je ne sais pas vraiment ce qu’il m’arrive. Et ça, ce n’est que le premier point.

Adelheid détourna le regard. Le sujet qu’elle allait aborder était un peu plus délicat.

- Je sais que le Destin m’envoie des signes. Ces cicatrices, sur mes bras, mon dos, mon corps… Ce sont des messages que le Destin m’envoie et je suis la seule à les comprendre. Les runes me conseillent et m’indiquent la voie à prendre comme elles peuvent m’envoyer des avertissements ou me « punir », comme vous avez pu le voir. Là, voyez, – elle tend sa cheville un peu plus en avant, montrant de nouveaux bandages – les runes aiment me rappeler que ce n’est pas moi qui les comprenne, mais elles qui me possèdent. Je ne me suis pas infligée ses blessures moi-même, jamais je ne me ferai ça, voyons. Je préfère les cacher, je ne veux pas qu’on pense que je suis une païenne folle furieuse. De toute façon, comment pourrai-je expliquer la présence de ces signes sur mes bras ? Le commun des mortels ne comprendrait pas…

En réalité, elle était bien partie pour vider son sac, bien que ses explications paraissent un peu grandiloquentes. Diable, qu’est-ce que cette situation était… stressante. Jamais elle n’avait parler de ça à quiconque auparavant. Frig avait cette mauvaise impression qu’on n’allait pas la prendre au sérieux. On ne prend pas au sérieux les personnes qui entretiennent ce genre de discours.

- Je suis capable de beaucoup de choses. Je peux tirer les runes et voir le futur de quelqu’un. Les runes ne servent pas qu’à lire l’avenir, elles peuvent aussi servir à « enchanter » certaines choses : des personnes, des objets… Je peux faire ce genre de choses, comme je l’ai déjà dit, je suis capable de beaucoup de choses et je ne suis même pas sûre d’avoir exploité tout mon potentiel, qui semble grandir de jour en jour. Il y a quelque chose, en moi, je le sens, mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. J’ai l’impression de ne pas appartenir à ce monde, je suis bien trop… bien trop… je ne sais pas, je ne trouve pas de mot pour définir comment je me sens.

Elle poussa un léger soupir avant de se tourner vers Siegfried, un sourire désolé aux lèvres.

- Vous allez me faire interner, maintenant que je vous aie tout raconté ? Je ne vous en voudrais pas si vous ne me croyez pas.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le lundi 10 juin 2013, 02:46:17
Il avait tenté de rester neutre pendant tout le récit – avec succès. Puis un léger sourire étirait son visage. Ses sentiments étaient partagés. La croire ? Il faut admettre que pour le cartésien, le pragmatique Siegfried, tout cela relevait d'abord du fantasme. D'accord, lui-même était probant dans le genre « il y a des choses qui sont hors de l'esprit commun », mais là... Ce n'est plus de la science qui sort du cadre, c'est purement de la magie qu'elle est en train de décrire. Pas de l'ésotérisme : Du surnaturel. Aussi, il se doit de faire son sceptique. Mais en même temps... Il a envie de la croire. Parce qu'elle n'a pas l'air folle. Et parce que le rasoir d'Ockham s'applique : Cette hypothèse valide tout, et elle a le mérite d'être simple. Il ne s'explique pas comment elle peut se faire tout ça dans le dos, si il n'y a pas quelqu'un avec elle. Il ne s'explique pas que ça réapparaisse souvent. Il ne s'explique pas qu'elle n'ait pas le profil des classiques fanatiques. Il ne s'explique pas grand-chose....

Ses lèvres s'entrouvrent, puis se referment. Il rit alors doucement. Il est au moins aussi gêné qu'elle. Il se penche vers elle et lui prend les deux mains.

Ecoute, Frigg.

Il fronce les sourcils. Quoi ?... Oh.


Oui. Evidemment.


ᛋᛋ


«-AVANCEZ !

Un obus saute, puis un autre, et un troisième, à une seconde d'intervalle chacun. Le capitaine ne fait que se protéger le visage, mais ne planque pas le reste de son corps pour autant.

«- Vous allez avancer oui ?
-On va se faire balayer Hauptsturmführer !!


Des rafales de balle sifflent alors que le nuage dispersé par les explosions s'évapore. Siegfried est obligé de se coucher au pied du monticule. Ses tympans sont agressés de toute part. Les canons, retranchés derrière la forêt où ils s'étaient réfugiés cette nuit, tirent à feu nourri sur le village russe. Il n'est pas encore midi, au vu du pâle soleil au-dessus de leurs têtes. La Dniepr, à deux kilomètres de là, il s'en souviendra toute sa vie.

Les effusions de balle se calment un peu. Les détonations de même. Il respire. On entend des cris en slave, des ordres sont hurlés, et Siegfried comprend qu'ils ne comptent pas bouger de leurs positions.

-J'avance. Celui qui reste en arrière sera fusillé par mes soins une fois la bataille terminée !

Parce qu'il est sûr de gagner. Il s'apprête à se lever, quand son opérateur radio, allongé juste à ses côtés, l'arrête net en lui tenant la manche de son manteau.

-Weidinger arrive avec le 1er régiment de la Das Reich, mein Herr.
-Dans combien de temps ?
-Ils sont sur la 56ème route, ils longent la Dniepr.


Il lève les yeux au ciel, puis se redresse.

-AU FEU ! Mourrez pour votre Reich, et avec dignité ! (puis, pour son opérateur) Vous direz à Weidinger que je n'ai pas pour habitude d'attendre.

Il fonce au combat, avec toute l'unité qui surgit des terriers où les hommes s'étaient réfugiés en attendant la fin du déluge de fer. Ils s'avancent sur la plaine enneigée qui les sépare des rouges. Les mitrailleuses, en face, se mettent à cracher. On entend les canons qui, de nouveau, tirent à feu nourri. Les hommes de Siegfried répondent avec détermination, tirant en avançant pour décourager les russes de les mitrailler. Et les bombes, enfin, tombent. Un barrage de 85 mm s'abat en ligne, empêchant toute progression. Le torrent de feu fait naître le bruit de l'enfer, et dans l'air est projetée en paquets épais la neige, avant de fondre en une fine vapeur blanche, dense et tenace dans l'atmosphère. Les allemands sont stoppés nets, certains se font balayer, déchiquetés, les autres reculent. Siegfried ne bouge plus, regardant autour de lui ses hommes se faire massacrer. Il est sourd, et a l'impression, avec ce flou de blanc qui se disperse tout autour de lui, de devenir aveugle. Soudain, il se sent emporté, balayé, comme soulevé par Dieu lui-même.

Il a mal à la tête, au cou, au bras et à la jambe sur tout le côté droite. Ca l'élance, au début, et ça le fait souffrir franchement sur le milieu. A la fin, tout devient noir. Il n'aura vu que des plaies béantes qui apparaissent des trous brûlés de sa tenue de combat. Dors, Siegfried.


Une main se tend. La personne au-dessus de lui sourit avec bienveillance. Ouvrant difficilement les yeux, il lève le bras pour attraper cette aide bienvenue, et se redresse sur ses deux jambes. Pour l'occasion, il porte son plus bel uniforme de combat, croix de fer y comprise, et les autres médailles avec. Le vieillard, appuyé sur son bâton enfoncé dans la neige, se penche difficilement pour attraper la casquette avec l'aigle et la tête de mort, pour la débarrasser du blanc qui s'y accroche, avant de lui mettre sur la tête.

Siegfried ne se pose pas de question. Il ne comprend rien, et il a l'agréable impression d'en avoir rien à foutre. Le vieillard commence à marcher, et il le suit.

Pas un corps. Pas un mouvement. Le soleil brille toujours avec froideur. La plaine est la même, les arbres sont toujours secoués par un vent très léger. Ses doigts gantés ne sont plus gelés, en revanche. Comme si le cuir usé était enfin efficace face au -20 de l'automne russe.


Il n'ose parler. Ils se content de marcher, de longues minutes. Une promenade qui le détendra plutôt, plongé dans une plénitude mystique qu'il ne s'explique pas. Enfin, le vieillard daignera engager la conversation, et Siegfried sera heureux de pouvoir enchaîner.

« -Quel paysage...
-Oui. Fascinant, quand on a du temps pour s'y intéresser.
-Voyons, mon garçon... Tu as du temps devant toi.
-... Puis-je poser une question qui va sembler idiote ?
-Non, tu n'es pas mort, non. Je disais que tu vas avoir du temps... pour une autre raison. 

Il ne sait que répondre. De nouveau, le silence est tenté de s'installer, mais le capitaine l'en empêche.

-Alors, puis-je demander qui vous êtes ?
-Ton père.
-... Non.
-Non ?
-Mon père est le baron de Königsberg. Je suis son portrait craché.
-Oh, oui, tu es bien le fruit de sa semence. Je suis néanmoins ton père.

Il cherche à comprendre. Le vide dans son esprit devient assez pesant. Tout lui échappe, et son détachement ne le rend que plus perdu encore.

-Tu veux une explication ?
-Je... je crois, oui. Comment puis-je vous appeler, d'abord ?
-Nous verrons plus tard. Si tu tiens vraiment à me nommer, appelle-moi Père, pour l'instant. Aide-moi à m'asseoir.

Il lui tient le bras tandis que l'ancêtre tente de s'asseoir sur une souche où il a précédemment balayé toute la couche de neige qui y vivotait. Siegfried, lui, reste droit, presque au garde-à-vous, devant lui.

-Il est des endroits où il fait bon de s'arrêter, pour regarder autour de soi... et apprécier ce que l'on voit... Depuis quand n'as-tu plus fait ça ?
-Je n'ai pas le temps, je vous ai dis. Euh... Père. Mon métier m'impose de veiller sur tout.
-Oui... Mais il est des fois où tu devrais t'asseoir sur ton cheval, et le laisser t'imposer sa hauteur pour que tu puisses contempler les choses. Ne serait-ce que quelques minutes.
-Je n'ai pas de cheval, Père.
-Et celui-ci ?

Le vieux lève son index. Siegfried se retourne, et voit, en plein milieu du plateau, le cadavre d'un panzer, en lambeau : Chenilles défoncées, carcasse trouée, canon tordu... Le capitaine sourit avant de s'en retourner vers son interlocuteur.

-Ce n'est pas un cheval. Même si il m'arrive de le chevaucher, pour faciliter les trajets.
-C'est donc la même chose pour toi... Grâce à lui, apprend à apprécier la beauté des paysages. Et si je devais te donner un autre conseil... Apprend, tout court. Tu as arrêté d'apprendre depuis que tu portes cette armure.
-... Quelle armure ? Mon uniforme ? J'ai des obligations. Je lis quand je m'ennuie, mais je ne peux pas m'instruire comme quand j'étais à Königsberg.
-Oh, tu y reviendras. Je te fais confiance. Jure-moi que tu jalonneras désormais ta vie de savoir.
-Mais...
-Jure-le.
-Je le jure, Père.

L'ancêtre sourit. Il tente de se relever en s'appuyant sur son bâton, et, sous la neige, la terre gelée lui fournit l'appui nécessaire. Siegfried l'aide de nouveau en lui tenant le bras. La marche reprend, la Dniepr est proche. Ils ne disent plus rien jusqu'à l'atteindre. Le marcheur prendra la direction d'un large pont de bois qui lui permettrais de traverser.

-Tu n'étais pas destiné à mourir en ce jour. Mais un dieu malin s'en est mêlé. Tu sais, certains arrivent à voir loin, très loin, dans l'espace, mais aussi dans le temps... Mais quand je suis assis, je vois plus loin que n'importe qui. Je t'offre en ce jour la vie, mon garçon. Ne la gâche pas. Sois digne de tes noms.
-Mes noms ?
-Comment t'appelles-tu ?
-En vrai ?... Anton. Von Königsberg.
-Honore de ce fait ton père et ton sang. Et quel est ton autre nom ?
-... Siegfried.
-... Un bien beau nom.

Il s'arrête pour lui sourire avec malice, et reprend aussitôt la promenade, à son petit rythme.

-Tu m'es redevable, en ce jour. Tu devras accomplir ce que j'attends de toi. Tu comprends ce dont je te parle ?
-Non... Mais je suppose que ce jour-là, je comprendrai ?
-Tu es une âme brillante, Siegfried. Reste droit. Tu aimes quelqu'un ?
-J'aime... Oui. J'aime certaines personnes. J'aimais ma femme. Ma fille. J'aime mes hommes. J'aime ma nation.
-Ton sens de l'amour est large... Tant mieux... Tu en aimeras d'autre. Moi aussi, j'aime. Et c'est pour ça... que j'ai besoin de toi. »

Sans prévenir, le vieux lui colle son bâton de marche dans la tronche. N'ayant le temps de répliquer, le SS s'écroule au sol, s'enfonçant dans la neige. Il crache toute l'eau congelée qu'il a dans la bouche, puis sur le visage, avant de lever la tête. Le vieux n'est plus là. Il tâtonne à ses côtés, et récupère... son casque. Il cherche sa casquette, mais elle n'est plus là. Le sol tremble, il se retourne. Un char passe à ses côtés. Siegfried se lève vivement, sentant une puissante douleur à la jambe. Il est au bord du fleuve. A deux kilomètres de l'endroit où il est censé être mort. Là où le vieux l'a abandonné.

« -Vous montez, Hauptsturmführer ?

Le SS regarde autour de lui. Des explosions. Des cadavres. Des cris. Tout est revenu. Et il a une sacré blessure à la jambe, lui empêchant de tenir correctement debout.

-Où est votre char de commandement ? Weidinger ?
-Il est à la deuxième rangée, à l'arrière !
-Compris.
-Que fait-on ?
-Foncez tout droit, là, vers la tour radio qui dépasse. Les russes ont des canons de 85 qui balaient au centre, contournez par la butte et rasez leur avant-garde. Je vais aller transmettre à votre commandant !
-Jawohl, mein Herr !
-La Das Reich soulage mes hommes d'un poids !
-A charge de revanche, Hauptsturmführer !


Ce jour-là sera une victoire locale, pour Siegfried – mais une défaite sur le front, obligeant une retraite. Siegfried pourra néanmoins jurer, dans sa course boîteuse, apercevoir un homme monté sur un cheval galopant s'effacer dans la vallée blanche, de l'autre côté du fleuve.


ᛋᛋ


Le professeur rouvre les yeux. Il est perplexe. Quelque chose ne tourne pas rond. Quelque chose veut venir... Mais ça se bloque dans son esprit. Il a une envie soudaine de se fracasser le crâne pour faire jaillir ce qui ne va pas.

-Adelheid...

Encore une absence. Il respire, puis se résigne.

-Je te crois. Je comprends... Tu es spéciale. Les gens spéciaux sont mis au ban de la société. Tu décides de te mettre au ban toute seule, pour éviter que les autres ne te rejettent... Je comprends, jeune fille, je comprends...

Il paraît franchement troublé. Il se force à sourire, pour la rassurer.

-Si tu dis vrai sur ton analyse... Si le destin t'a choisi toi, alors il veut te transmettre quelque chose. A toi. Et je suppose que si je suis sur ta route... C'est que je dois avoir mon utilité aussi. Une minute. Je vais te confier mon secret à moi.

Il retire sa veste, regardant dans la pénombre autour de lui pour s'assurer que personne n'est présent. Il écarte sa cravate, fait sauter les boutons de sa chemise un à un. Montre son torse nu. Musculeux, le bestiau. Une pose avantageuse. Siegfried gonfle le biceps droit. Mate un peu, il fait une démo de sa force. … Ou pas. Non, c'est un petit symbole, très proche de l'aisselle, qu'il désigne.

-Tu vois, ce « A » tatoué ? C'est la marque de Caïn, ainsi qu'on l'appelle désormais. C'est mon groupe sanguin. C'était le tatouage obligatoire, dans la SS. Je m'y suis engagé au tout début du Reich. 1935, si je me souviens bien. La SS n'était pas encore ce qu'on sait d'elle aujourd'hui. On m'a demandé de participer à un programme scientifique un peu fou pour créer un soldat aux capacités surhumaines. J'ai accepté. Avant, je m'appelait... Anton. On m'a fait appeler Siegfried, comme un nom de code. Je suis toujours en vie. Je crois que je ne vieillis plus. Le Reich est mort. Je n'ai plus de but à ma vie. Mais peut-être viens-tu de m'en redonner un... On est deux erreurs de la nature, je crois.

Il commence alors à se rhabiller calmement. La chemise, qu'il laisse ouverte. S'arrête aussitôt et se penche de nouveau vers elle.

-Si tu avales mon histoire, j'avale la tienne sans problème. Mais... Je veux une démonstration. Oh, tu tiens peut-être à ce que je garde mes vêtements ôtés, pour qu'on soit plus ou moins à égalité ?
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le vendredi 14 juin 2013, 23:19:19
Elle avait dû mal entendre, c’était juste une erreur. Oui, c’était ça. Il ne pouvait pas l’avoir appelée « Frig », c’était impossible. La jeune femme occulta très vite ce détail, soucieuse de l’attention que Siegfried lui portait. Comment pouvait-il la croire aussi facilement ? Comment pouvait-il lui concéder cette petite histoire ? Frig s’attendait presque à ce qu’il lui rit au nez avant de lui recommander un très bon psychologue (un de ses contacts, supposons). Pourtant, cela n’avait pas l’air si simple pour lui. Après tout, ce n’était pas comme si elle venait de lui dévoiler son plus grand secret, comme quoi elle était une sorte de devineresse aux capacités surnaturelles. Oui, c’est vrai que c’est tout à fait plausible en soi. En revanche, Adelheid avait du mal à concevoir que Siegfried pouvait la comprendre. Ou tout du moins, il ne pouvait pas comprendre tout l’étendu de ce qu’elle venait de lui annoncer. Il ne pouvait pas comprendre non plus tout ce que cela impliquait, et ce que cela faisait de vivre avec le don de prophétie. Ce savoir et cette douleur étaient bien trop hors du commun.

Vint alors le tour de Siegfried de lui dévoiler un de ses secrets. Avant ça, il lui dévoila un peu de son corps, ce n’était pas elle qui allait dire non… Adelheid dut se forcer un peu pour que son regard ne flanche pas sur le reste de sa musculature, faible femme qu’elle était. Charmant. Bref. À son tour, devait-elle le croire ? Depuis qu’elle est la femme qu’elle est maintenant, elle était presque encline à tout croire. Pourtant, ce n’était pas une raison pour être complètement crédule, d’autant plus que son récit semblait tout aussi irréaliste que le sien. En revanche, imaginons cela vrai, ce n’était pas le genre de « secret » qu’on irait dévoiler à la première jeune femme venue. C’est aussi le genre de truc que personne d’autre que soi doit savoir.

Frig n’aime pas cette sensation d’incertitude, le croire, ne pas le croire ? C’en était presque un dilemme. Après, croire en lui pourrait peut-être lui permettre d’éclaircir quelques points de détails : était-ce son âge qui brouillait les pistes du Wyrd ? C’était possible. Etait-ce que… Eho. Frig. C’est un putain de SS ! Réagis ! Ce n’est PAS normal ! Comme il n’est pas normal de voir l’avenir et d’avoir le corps couvert de scarifications !

C’était un véritable mindfuck.

Par réflexe, elle se mordit la lèvre inférieure alors qu’elle tentait de réfléchir au problème. La scandinave resta silencieuse quelques instants et elle finit par baisser la tête, résignée.


- Habillez-vous, donc, je ne veux pas que vous attrapiez froid.

Son regard était vide. Et si elle le croyait, n’allait-il pas y voir une ultime façon de chercher du réconfort ? Adelheid secoua légèrement la tête.

- Je pourrai vous croire, certes, mais je n’ai aucune preuve que ce que vous avancez est vrai.elle marqua une pauseHum, si vous permettez…

Avant de tendre sa main droite vers Siegfried, la norvégienne enleva d’abord le bandage de son bras mutilé. Un léger filet de sang s’écoulait toujours de sa dernière plaie en date. Elle lui saisit donc la main entre ses deux paumes et ferma les yeux. Dès lors, elle se figea complètement pendant une demi-douzaine de seconde. En réalité, c’était bien plus compliqué que ça.

Dans sa tête, l’image était noire, insondable. Elle pouvait en revanche déceler une odeur de poudre et de métal : une odeur lourde et forte lui faisant presque tourner la tête – à moins que ça n’était une odeur de sang ? Un bruit assourdissant résonna, comme un bruit de moteur. En vérité, Frig ne sut trop dire ce que c’était. Il y avait des voix, au loin, ou étaient-elles proches ? Tous les souvenirs qu’elle tentait de sonder étaient si vieux, tellement enfouis en lui qu’ils en avaient du mal à se reconstituer pour elle. Une image, violente, apparut enfin à ses yeux : de la neige, d’abord d’un blanc immaculé, puis ensuite tâchée d’un sang caillé, presque noirâtre. Il y eut un lourd grondement et un bruit de détonation retentit. Alors que l’image était nette pendant quelques fractions de secondes, la voilà déjà éblouie. Il y avait beaucoup de cris, peut-être des pleurs. Tous les sons se muèrent en un insupportable ultrason.

L’image changea complètement et Adelheid se vit à la place de Siegfried donner cours à un amphithéâtre. Bon sang, ça n’était pas ça qu’elle voulait voir ! Change, change ! Voilà qui est mieux : la voilà maintenant dans un bureau décorée de façon sobre mais élégante, visiblement datant des années 30. Il y avait un dossier sur le coin du meuble, tamponné de l’Aigle et de la Croix. Si seulement elle arrivait à lire ce qu’il y avait marqué… Mais les mots n’avaient aucun sens !

Encore une fois, tout changea subitement et la jeune femme fut prise d’une violente douleur au cœur. Il faisait sombre, étroit, moite. Ça sentait le renfermé, la terre retournée. Non pas qu’elle soit claustrophobe, mais elle savait qu’elle ne pouvait plus rester là une seconde de plus. Alors qu’elle cherchait à tâtons – avec ces bras qui n’étaient pas les siens – une issue de secours, tout s’effaça.

Adelheid dut serrer les dents pour ne pas hurler et ainsi elle se contenta de lâcher brusquement la main de Siegfried et de frapper son poing sur le bureau. La douleur avait été intensément vive sur le coup. Sur son avant-bras, sa chair étaient fraichement gravés dix runes. Dix runes pour « sannindinn », ou « la vérité ».


- Helvete ! Se contenta-t-elle de grogner avant de reprendre ses esprits.

Ses joues avaient pris une jolie teinte rouge et elle peinait à reprendre sa respiration. Son bras lui lançait toujours, sans doute parce qu’elle était toujours crispée.


- Je suis désolée. C’est la première fois que je fais ça intentionnellement… Et je ne m’attendais pas à un résultat aussi peu concluant…

De sa main valide elle vint masser sa tempe. Elle ne dit rien quelques instants, préférant sonder les marques sur son bras. Avec un peu de recul, elle se sentait triste et désolée pour Siegfried, pour ce qu'il vivait maintenant.

- Anton Von Königsberg… Je sais que votre situation n'est pas enviable, mais nous ne sommes en aucun cas des erreurs de la nature. Cette expression sonne presque comme une insulte à mes oreilles... Au contraire, nous sommes bien au-dessus de tout ça.

La jeune femme se redressa légèrement sur son siège. Après un dernier coup d’œil sur son avant-bras, elle saisit ses bandages pour les remettre en place.

- Mmmh... Je sais… je sais très bien que tout ce que nous vivons n'est pas un hasard, pas même cet instant que nous partageons tous les deux. Il n’y a pas de hasard. Jamais, jamais, jamais. Après, je ne vois pas comment je pourrais vous redonner un but, je ne peux absolument rien pour vous, et vous ne pouvez rien pour moi. Enfin, je dis "moi", mais je ne sais même plus ce que je suis de toute façon...

Ces derniers mots ont été prononcés moins fort, presque comme un murmure ; on pouvait y déceler un certain malêtre.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le samedi 15 juin 2013, 13:11:11
Il la regardait avec l'étonnement qu'on peut imaginer dans cette situation. Ses yeux vagabondaient dans trop savoir où s'attarder : Sa face, son poing, sa propre main ?... Ou sur ce sang qui coule, vue qu'il a l'habitude d'avoir en bien d'autres circonstances. En l'occurrence, c'était franchement pas naturel. De quoi être convaincu à vie des prouesses de la jeune femme, et de ne plus la remettre en question. Il essaie de lire les runes, perplexe, avant de la regarder elle. Impressionnant...
Et quelque chose fait tilt dans son esprit. Von quoi ? Ton nom, Sieg. Ah, oui, exact. Il était resté muet pendant toute la scène, et le restera encore quelques secondes après. Ce qu'elle venait de faire était, en un sens, prodigieux, et justifiait totalement la confiance qu'elle lui insufflait. 

On ne m'avait pas appelé comme ça depuis... Une éternité. 

Elle aurait rajouté le "baron" qui va bien, et ç'aurait été génial. N'empêche, l'entendre prononcer ainsi sa véritable appellation avant qu'il ne devienne un prétendu surhomme, ça lui fait quelque chose. Pour un peu, il en pleurerait presque. 

Au-dessus, dit-elle. Oui, il est un Übermensch. Dans la mélancolie qui l'avait saisie quelques secondes plus tôt, sans qu'il n'en puisse expliquer la raison, il en avait douté. Lui, une bête ? Non, tu as raison, déesse : Nous sommes ceux qui sont destinés à régner. Les humains ont un large temps de retard. Nous sommes au-dessus d'eux et ils paieront pour leur mépris envers nous. Lui aussi en a bouffé, au début du programme. Cobaye. Bête de foire. Utilisé à des fins dérisoires par rapport à ses capacités. Il poursuit toujours l'idéal qu'on lui a inculqué, cependant. Mais si il devait retomber sur l'un de ceux qui, dans les hautes instances du parti, l'ont considéré comme un simple objet, il les massacrerait. 

Dommage, ils sont déjà morts. 

Il sort de ses pensées. Retour soudain à la réalité. Il hoche de la tête, puis se relève, et fini de se rhabiller avec la rigueur qu'on lui connaît. 

Tu peux mettre tes vêtements. Je suis désolé de t'avoir demandé ça. La première fois, c'était pour éprouver ta soumission. Aujourd'hui, ce n'était que par curiosité de ton corps... Puisse-tu me pardonner un jour de t'avoir fait subir ça. 

Il regarde sa montre. Une dizaine de minutes avant que quelqu'un ne passe. Il avait prévu trop court. Tant pis. Il est quand même dans les temps. 

Passe chez moi samedi, je te prie. Disons... 21h. En forme. Veille à bien manger, bien dormir. Je veux essayer quelque chose. 

Avant de partir, il enfile ses gants en cuir qu'il a toujours sur lui, par tradition, et lui prend la main pour regarder une dernière fois son bras, remontant sur le reste de son corps. Il va compléter le puzzle qu'il avait commencé à dessiner, cette retranscription sur papier des différents symboles qu'elle porte sur elle, et qu'il avait commencé après son départ de la dernière fois, de mémoire. 

Un baiser sur le revers de ses doigts, en s'inclinant. 

Ne doute jamais de tes talents, ma chère Adelheid. 

Il monte les escaliers de l'amphi avec son attaché-case, d'un pas enjoué. 

Et viens de bonne humeur ! J'aime la bonne humeur le samedi soir. 


ᛋᛋ


Il était en pleine prise de son traitement. À vie, le traitement. Peu lui importait, de toute façon, puisque la contrepartie qui lui semblait offerte valait bien ce sacrifice : l'immortalité et la supériorité sur sa propre race. Combien de temps cela va durer ? L'effet s'estompera-t-il un jour ? Revivra-t-il le calvaire de sa résurrection, à ramper plus bas que terre, faible et vide, avec l'impression d'être un junkie en manque de sa dose ? Jusqu'à ce qu'il fasse tout pour retrouver les seringues conservées avec son uniforme qui, par chance, avait été récupéré par un officier américain, il ne se reconnaissait plus. Période terminée. Piqûres régulières désormais. Et il se sentait plus fort que jamais. 

Le trip post-prise lui était toujours désagréable. Il respirait difficilement, son cœur ralentissait, son esprit s'embrumait... Et s'embrasait. Des envies naissaient. Diverses. Extrêmes. Il tremblait un peu, et se penchait difficilement pour prendre une gorgée de son thé. Trop infusé, l'amertume reste sur le palais. Quelle honte. 
Il s'offre ensuite un temps de réflexion, malgré ses synapses au ralenti. Adelheid. Un objet parfait. Dont il pourrait se servir pour assouvir non seulement ses envies, mais aussi réaliser ses buts. Une grande Allemagne. Une domination mondiale. Et il pourrait l'avilir, la dégrader. Il a envie de la baiser avec haine, de la frapper, de graver lui-même, au couteau, des runes sur son corps nu. Il a faim, soif. Envie de courir. Il reprend vite une gorgée de thé. Son estomac commence à le secouer. Les désirs se succèdent. Il veut ouvrir un livre, écrire, découvrir. Il veut prendre le train, ou l'avion, vers ailleurs, au hasard, peu importe. Il veut porter son uniforme. Il a encore envie de sexe. Il a envie de tuer. Tuer. Oooh oui.

Donnerwetter...

Les effets se dissipent sans se presser. Il revient à un état normal. Ses pensées se font plus claires qu'avant son injection. Il a l'impression d'avoir des membres tout neuf. Ses muscles hurlent. Bougeons !
Il se laisse tomber à terre et enchaîne les pompes, récitant avec entrain une leçon d'histoire. Au hasard... L'installation de ses ancêtres à Königsberg. Hop, l'ordre teutonique chassé de la terre sainte, la Prusse, la montée en puissance d'un ordre militaire contrôlant l'Etat qu'il a lui-même créé. Il enchaîne les exercices physiques, récitant avec application tout ce qui lui passe par la tête. Jusqu'à tuer son corps. 

Et ses pensées reprennent là où elles s'étaient égarées. Utiliser Frig comme objet servile serait probablement plus intelligent que de s'en faire une amie. Une fois qu'elle aura ce qu'elle veut, elle disparaîtra. Et il ne pourra plus utiliser ses talents de divination, entre autres. Il faut s'en faire une simple esclave.

Il s'arrête et regarde son uniforme, vêtu le mannequin de bois. Si samedi elle réussit son test, alors... Elle deviendra une alliée de choix. A lui de voir si elle doit être son égale ou son inférieure.


ᛋᛋ


Entre ! Installe-toi. 

Il est de bon poil, et de nouveau torse nu. Pantalon de costume en bas. Pieds nus. Un Siegfried en mode détente, assez dérangeant. Il lui fait signe de s'asseoir sur son fauteuil, et prend le canapé pour lui. Il faut cependant naviguer entre son bordel... Et quel fabuleux bordel. 

Rien, absolument rien de ce qu'elle n'a sous les yeux n'a moins d'un demi-siècle. Et encore. Parmi tout le matériel déployé dans le salon, sur la table basse, à terre, sur le canapé même, certains objets ont l'air tout bonnement millénaires. Dans ces oeuvres, elle retrouvera les recueils qu'il amena en cours quelques semaines plus tôt. Les couvertures, ternies par les âges, portaient pourtant un sceau très distinctif, qui tranchait avec l'aspect vieilli et travaillé de ces grimoires.

(http://imagesup.net/?di=13137139011412)

L'infamie imprimée avait profondément envahi les fibres du livre. Tenter de le retirer, c'était arracher tout bonnement un morceau d'un témoignage de l'histoire scandinave.


Devant lui, entre les piles de livres et de documents, un petit espace. Une petite poubelle médicale en plastique épais, jaune, une boite en métal type porte-cigarette en acier mat frappé d'un aigle et d'une croix gammée en blanc. Parfaitement conservée. De la ouate. Et deux tasses de thé. Il fait glisser l'une d'elle vers Adelheid.

Prête pour une leçon d'histoire ? Oh, d'abord, je dois faire ça. Laisse-moi deux minutes. 

Il se fait un garrot, et ouvre la petite boite, d'où il sort une minuscule seringue. Il trouve sa veine, et pique. Il ne diffuse pas tout de cette substance limpide dans le sang, il prend son temps, donnant des petites poussées saccadées avec précaution, jusqu'à l'avoir vidée. Râle de plaisir. Il abandonne la seringue, défait le garrot et appliqué un morceau de coton. Son corps semble se détendre. Il a du mal à parler. 

Les premières fois... Ces piqûres ne me faisaient rien. Avec le temps, j'ai commencé à avoir quelques effets secondaires. Appelons ça ainsi. Je ne me souviens pas de ce que j'ai pu faire, mais je sais que j'ai déjà détruit tout le mobilier du labo. Je crois avoir tabassé le docteur Weingart. Ils n'ont jamais voulu me dire ce que je faisais pendant mes... crises. Mais il est possible que j'ai violé une infirmière et tué du personnel du labo... 

S'enfument ses pensées, au rythme où son corps assimile son eau de vie. Sa sauvagerie commence à le reprendre. Tiens bon. Lutte. Tu sais faire. 

J'ai appris à maîtriser... Même si... Des fois... C'est plus dur que la normale... 

Il semble se combattre. Il ne faut pas qu'il la regarde. Les images lui viennent en tête néanmoins. Son corps, ses visions, et la violence qu'il voudrait éprouver. La tempête s'estompe progressivement. Il respire calmement. De nouveau, il se sent vivant. 

Bien... Par où commencer ?

Des photos, d'abord. 

C'est moi lors de mon intégration. Untersturmführer. Comme tu le vois, j'ai pris dix ans depuis. L'uniforme m'allait bien... Il me va toujours. Il est dans la chambre. J'en prend grand soin. Ça... C'est moi avec Heydrich. Un fils de pute comme il en existe peu. Un type assez mesquin, mais il m'aimait bien. Et bon escrimeur. Il avait de l'estime pour les aristocrates, ce qui ne coulait pas de source dans la SS. Et ça, c'est moi avec Rosenberg. Il était sympa, en privé. Discret mais agréable. Enfin... Bon. Il a été condamné à mort à Nuremberg je pense que cette donnée suffit à te donner une idée du personnage. Et ca... Une photo de mon unité. C'était près de Koursk. Je suis ici. Là, il y a Panntreffe, mon adjoint. Panni, qu'on l'appelait. Il était formidable. Je ne l'ai pas revu depuis. 

Ah, la nostalgie. Ça lui permet de faire passer les dernières gouttes de violence en douceur. 

Tout ça, là. Ces livres sont théoriquement à toi. Ils ont été volés dans les pays que nous avons envahi. Hm... Je vais clarifier la chose. Il y a trois organismes distincts : le Sicherheitsdienst, les services secrets, qui appartenait au Reichssicherheitshauptamt, le services de sécurité de l'Allemagne, dirigé par Heydrich. Très connu pour avoir dirigé les crimes de guerre et crimes contre l'humanité reprochés à l'Allemagne. À côté de ça, la Waffen-SS, branche militaire de la SS, qui elle n'était qu'une organisation générale qui côtoyait le RSHA. Et encore à côté de ça, l'Ahnenerbe, chargé des recherches archéologiques, génétiques et autres. Clair ? Bon. J'appartenais d'abord à la Waffen, en tant qu'officier dans une unité de combat, avant d'être doublement affecté au SD, en tant que sujet de recherches. Les tests ont commencé. J'étais le seul sur qui ils étaient concluants. Ils ont été tenté de me garder comme cobaye enfermé dans un laboratoire, mais Himmler à tenu à tester mes capacités au combat. J'ai fait quelques campagnes en 39 et en 40, et à l'occasion de la campagne en URSS, j'ai eu ma propre division. À mon nom. Enfin, le nom qu'ils m'avaient donné pour les tests. Siegfried. Division Siegfried donc. Effectifs restreints, mais j'ai eu le droit de choisir parmi les meilleurs. On a eu quelques coups d'éclat à notre palmarès. On tenait l'intenable et on secourait les unités en difficultés. La Wehrmacht, l'armée régulière si tu préfères, était toujours contente de nous voir arriver. De quoi blinder une défense, mes hommes et moi étant un bouclier des plus féroces. Parallèlement, l'Ahnenerbe avait besoin de moi. J'ai donc dû prendre des vacances de mon unité pour être responsable des recherches et fouilles. Mes capacités intellectuelles supérieures et mon apprentissage des langues me permettait de tout retenir, de tout coordonner. Norvège, Russie, Japon, Grèce. Rosenberg m'a fait faire quelques beaux voyages. Entre temps, je devais gérer mon unité pour être sûr qu'elle tienne bon en mon absence, subir les tests à Berlin, et survivre sans péter un câble ou me prendre une balle. 

Pause. Le moment difficile arrive. on sentira une certaine tristesse dans sa voix. 

En 45, j'étais bloqué au Japon. Le Reich avait déjà capitulé depuis plusieurs jours. Les japonais venaient de le faire. J'ai tenté la guérilla contre l'invasion américaine. J'étais une poche de résistance à moi tout seul. J'ai assassiné et saboté. Finalement, ils m'ont eu. J'ai préféré me tirer une balle plutôt que de risquer qu'ils découvrent, avec moi en vie, les secrets du Reich. Une balle entrée sous la mâchoire. Et je suis mort. 

Il lui sourit faiblement. Mourir pour l'Empire était un honneur. Il ne regrette rien. 
À force d'aligner ses mots, le sentiment d'oppression revient. Pas naturel. Il sait que ça veut sortir, mais il n'a aucune idée de ce que c'est. Il sait qu'il a besoin d'elle. C'est diaphane, apparu à lui depuis qu'elle lui a parlé. Et il ressent le besoin vital qu'elle réussisse. 

Venons-en à toi. Tu as un don manifeste. Tu as des capacités. Je ne sais pas pourquoi ni comment. Peut-être est-ce dans l'un de ses livres. Je t'offre le loisir de les consulter. Tous les mythes scandinaves s'y retrouvent. Tu peux les consulter. Peut-être que quelque chose te viendra. Je l'espère pour toi. J'accepte de te les prêter. Je les ferais porter chez toi, si tu veux. Entre nous, j'ai rarement vu des ouvrages plus intéressants que ça. 

Speech terminé. Tout est à sa disposition. Délicate attention, il lui a même laissé des gants de soir, pour que la sueur naturellement présente sur les mains n'abime pas trop les œuvres. 

En parlant de main. Il lui tend la sienne. 

Tu as aussi dit que tu n'as jamais essayé volontairement. C'est le moment de réitérer. Je vais te demander de revivre un moment précis de ma vie. Et tu devras t'y plonger. Ça va être sur. Je vais te faire recommencer, encore et encore, jusqu'à ce que tu aies une image claire. De ma vie, je veux que tu revives ma mort. Et surtout... Ce qu'il s'est passé après. On va s'entraîner ainsi jusqu'à ce que tu maîtrises ton don. Qui sait... Peut-être arriverons-nous à quelque chose.


Voilà. Lui a toujours pensé avoir halluciné. Le délire de sa résurrection, quand le cerveau se reconstituait lentement, pendant ses jours dans sa tombe anonyme. Mais chaque nuit, ses rêves sont tourmentés par les images qu'il a pu voir dans l'au-delà ; le supplice venant du fait qu'il n'arrive jamais à s'en souvenir. Tout vient par bribes informés, que ses neurones boostées aux hormones n'arrivent à reconstituer. Elle, elle le peut. Elle voit les choses plus clairement que n'importe qui, y compris lui-même. 

Quand tu veux. Tu peux prendre ton temps, feuilleter ça. Dès que tu es prête, on y va. 

Il pose sa main sur son bras, et ses paupières se font soudainement lourdes. Ferme les yeux, Siegfried, et laisse les dieux t'envahir. 


ᛋᛋ


1945. Siegfried, coincé au Japon, avait décidé que la guérilla était le meilleur moyen de continuer le combat, quitte à le faire en solitaire. Il refusait cette défaite du Reich dont on abreuvait les ondes, et la capitulation du Japon encore moins. En quelques jours, le guerrier honorable s'était mué en un redoutable terroriste, faisant sauter des convois américains sur les routes, tuant officiers et soldats, brûlant des dépôts. Le bonheur couplé à la rage.

Mais ils le poursuivaient maintenant dans la ville. Il en avait tué une trentaine aujourd'hui, avant de se réfugier derrière une poubelle, dans une impasse. De ce qu'il estimait, ils étaient une dizaine à l'attendre. Un genre de sous-officier lui parlait. Il répondait par des invectives et des insultes. La pochette en cuir nouée à sa ceinture était vidée par terre. Trois balles pour son Walther. Ca ferait léger. Le fusil mitrailleur qu'il vient de voler à un soldat est déjà vide. Il ne compte pas se laisser abattre comme un chien.

Une balle. Deux balles. Trois balles. Il charge le pistolet.

« -Tu es déjà mort.
-Non. Je peux tenir. Il suffit de faire diversion. De jouer sur leur peur. Ma détermination. Ma vitesse supérieure. Je vais ruser, et les avoir.
-Oh, c'est un bon plan... Mais ce n'est pas la peine. Tu vas mourir.

Le désarroi le saisit. Ce dialogue avec lui-même commence à le noyer de désespoir.

-Tout est fini. Abandonne.
-Non. Non, je peux encore le faire.
-Ils vont t'avoir.

Oui, ils vont l'avoir. Si il ne meurt pas, que feront-ils de lui ? Ils découvriront son secret. Lui, le super-soldat du Reich. Il le cloneront. Le Reich ne reviendra pas. Il doit rester une exception.

Une main, plus jeune que celle du Père, plus fine, précautionneuse, saisit son pistolet. Elle lui retire des mains, et il n'arrive pas à lutter. L'inconcevable présence retire le chargeur, ôte deux cartouches, n'en laissant qu'une. Il laisse tomber les munitions au sol avec lenteur. Siegfried suit le trajet sans rien faire. Puis on charge la balle dans la chambre. Et on lui rend.

-C'est fini... fini... »

Il retient une envie de pleurer. Il n'est pas du genre à laisser ses larmes couler si facilement.


J'ai encore une arme. J'ai encore mon Walther. Il a toujours été près de moi.

Il ne m'a jamais déçu.


Blam.



« -Siegfried ?
-... Père...
-Lève-toi, Siegfried.
-Je n'y arrive pas. J'ai mal à la tête. J'ai mal partout.
-Je t'ai connu plus combatif.
-Je suis fatigué... J'en peux plus...
-Lève-toi, et je te soulagerai de tes souffrances.

Cette promesse lui insuffle la motivation nécessaire pour tenter le coup. Couché comme un chien qui dort, les bras tendus devant lui, les jambes à moitié repliées, sur ce sol crasseux, il essaie vainement de bouger ses membres. Mais ceux-ci semblent coulés dans le béton. Ils refusent de s'animer sur son ordre. Il pleure enfin, mais ce n'est pas la libération escomptée. Il supplie qu'on l'aide, mais l'ancêtre refuse, se contentant de le toiser avec méchanceté. Il lui ordonne de continuer ses efforts. Siegfried y met toute sa volonté. Quand, enfin, son bras et sa jambe acceptent de répondre, la douleur est atroce. Ses muscles se broient, ses os se fissurent, ses articulations se fendent et le liquide y coule, sa peau se craquelle et se déchire comme un collant qu'un chat aurait griffé. C'est atroce. Il hurle, pleure, bave, traîne sa face endolorie au sol, les dents toutes sorties, raclant la terre. Il lâche des insultes dans sa langue natale, maudis Dieu, le Christ et sa pute de mère, maudis les américains, les communistes, les oisifs, les terroristes, les résistants, les faibles, les lâches, les traîtres, toute sa haine y passe pendant qu'il tente de se redresser. Jamais, jamais il n'a eu mal comme ça. Il se demande même si un homme a déjà vécu son calvaire.

Sur ses coudes. C'est déjà un exploit. Lorsqu'il tente de redresser le dos pour se mettre à quatre pattes, c'est au tour de sa colonne de se tordre, et de se briser – c'est du moins l'impression qu'il a. Son corps ne lui appartient plus. Faible chose. Sous cette nouvelle douleur, plus perçante encore que les précédentes, ses bras lâchent et il tombe visage au sol. Son crâne se fissure, son cerveau se répand au sol.

Stop. Pause. Il ne bouge plus. Respire difficilement, tentant de reprendre un souffle commun. Et il hurle, crie tous ses poumons pour évacuer tout ce qu'il ressent, tandis qu'il tente l'ultime effort pour se redresser. Ses pieds arrivent à se poser au sol, et, s'aidant du mur sur lequel il rampe à la verticale, il parvient à se mettre complètement debout. Un peu courbé, certes, mais c'est déjà ça.

Son cadavre tient bon. Il lève enfin les yeux sur l'ancêtre, qui a l'air bien plus jeune que la dernière fois. Le paysage se transforme soudain. Oublié la ruelle sombre, place à un cimetière militaire d'automne. Siegfried s'appuie sur une tombe, la stèle n'était qu'une croix chrétienne de faible qualité.

-Pourquoi... Pourquoi ça fait si mal...
-Parce que tu es mort.
-Ca n'était pas comme ça... la dernière fois...
-Tu étais encore en vie. Au bord de la mort. Je t'en ai sauvé. Cette fois-ci, c'est bien la mort que tu as vécu. Tu t'en relèves, lentement. Ca va prendre du temps. Tu vas avoir mal, et tu t'en sortiras.
-... Grâce à vous ?
-Et grâce à ce que tu as dans le sang. Je te donne l'occasion de survivre. Ta reconstruction se fera de toi-même.
-... Qu'est ce que je vais devenir, Père ? Je suis seul. Je n'ai plus de but.
-Tu te rappelles de ce que je t'avais demandé, la dernière fois ?
-Non... Enfin... Maintenant, si... Mais une fois revenu à ma conscience, j'aurais de nouveau tout oublié... C'est dur, Père, de se souvenir...
-Je t'avais donné une mission et tu vas l'honorer.

Siegfried pleure de nouveau. Il fatigue. C'est psychique, c'est physique. Tout se mélange et il ne peut se contenir.

-Pourquoi... Pourquoi me faire souffrir ainsi... Je préférerais être mort... définitivement...
-Un jour, tu me remercieras d'être en vie. Un jour, tu te souviendras de tout ça. Ce jour-là, tu pourras faire ce à quoi tu es destiné.
-Est-ce que ça vaut le coup, Père... de vivre tout ça, de faire tout ça, pour vous ?
-Question légitime. Oui, ça vaudra le coup. Cela dépendra de ce que tu feras, cependant, avec ce en quoi je tiens le plus.
-Qu'est-ce que c'est, Père ?
-Tu le découvriras. C'est une chose merveilleuse.
-... Je suis votre instrument...
-Nous sommes tous l'instrument de quelque chose, Siegfried. »


ᛋᛋ


Il rouvre les yeux. Nausée. Mal de tête. Quelque chose vient encore de lui arriver, mais il ne parvient pas à l'identifier. Il la lâche un instant. S'enfile sa tasse de thé d'une traite, puis s'éloigne.

Je reviens.

Le voilà filant dans sa salle de bain, se mettant de l'eau sur le visage. Il regarde ses paupières dans le miroir. Est-ce son injection qui le met dans un tel état ? Ca lui arrive, parfois. Un genre de bad trip. Mais c'est la seconde fois, après qu'il l'ait touchée. C'était fugace et violent, comme une tarte en pleine gueule. Ressaisis-toi. Respire.



Quelques minutes plus tard, il est de retour. En forme. Il s'est pris un petit truc à manger en passant dans sa cuisine, un fondant au chocolat, et en tend un à Adelheid. Oui, il adoooore faire bouffer ses desserts aux autres.

Alors ?

  
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: Adelheid Friedrich le dimanche 22 décembre 2013, 16:11:03
Assez bonne pour le pardonner, mais assez conne pour ne pas oublier. Hélas, elle n'avait encore pas assez de recul pour être rancunière.

*
* *

Le Wyrd était semblable à une mer sous la tempête : tellement agitée qu'elle en est trouble. De toute façon, cela faisait quelques semaines qu'elle n'arrivait pas à lire les nuages de l'avenir, comme elle aimait si bien le dire. Siegfried, tout est de ta faute. Enfin, ça aurait été un chic type s'il n'avait pas été autant aliéné par cette cette prison temporelle dorée qu'est sa longévité accrue. Pourtant, cela faisait des jours que Frig méditait pour mieux « visualiser ». En plus d'être calme et sereine, elle arrivait maintenant à visualiser cette mer agitée qu'est le destin. Ouah, que de progrès !

Bon, il était temps qu'elle s'occupe de ses plaies afin de se rendre un minimum présentable pour demain. Les bandages sur les bras enlevés, Adelheid se sentait presque nue - « à découvert » serait un terme peut-être plus approprié. Pourtant, ça semblait aller mieux que d'habitudes, les plaies cicatrisaient petit à petit et cela devait faire quelques jours qu'aucunes marques ne s'étaient incrustées sur ses avant-bras – il n'y avait que quelques cicatrices en bonne voie de guérison. Ça, ce n'était qu'en apparence. En-dessous de ses clavicules, juste au-dessus de sa poitrine, logeait un symbole : la rune Odala, marquée au fer rouge – tout du moins, c'était l'impression que cela donnait.


*
* *

Frig n'avait pas spécialement voulu faire des efforts vestimentaires – elle avait préféré rester naturelle : un vieux pull en laine – sans doute un cadeau d'une grand-mère lors des fêtes de noël quand elle était encore en Norvège, un short – un jean déchiré en fait, de longues chaussettes en laines et des rangers. Deux longues tresses tombaient sur ses épaules jusqu'à son nombril, si elle avait été rousse, on aurait pu volontiers l'appeler Pippi Långstrump. On notera qu'elle ne portait pas de bandages.

Il l'invita à s'installer – chose qu'elle fit avec plaisir, posant son sac à ses pieds. Ce type avait décidément un problème de personnalité, ou alors était-il tout simplement lunatique – ou faux. Ses yeux se posèrent d'instinct sur les bouquins : sa première envie était de foutre son nez dedans. Un peu perdue dans ses pensées – et l'envie irrésistible de toucher à ces magnifiques manuscrits, Adelheid attrapa maladroitement la tasse, mais sans mettre une goutte à côté, s'il vous plaît. Elle observa sa manœuvre pseudo-médicale et un frisson lui parcourut l'échine : c'était sans doute lié à un traumatisme parental, elle détestait la vue des seringues.

Portant sa tasse à ses lèvres, elle écoutait docilement Siegfried, se penchant légèrement pour mieux observer les photos qu'il lui tendait. La jeune femme ne prononça aucun mot. C'était fascinant. Tout à fait, c'était fascinant de parler à quelqu'un qui avait façonné l'Histoire. Si ça se trouve, avec quelques recherches sur internet voire dans les bouquins, on pouvait trouver la « trace » que Siegfried avait laissé dans ce monde. Frig écoutait le récit avec une fascination et une attention presque effrayante, comme un enfant qui écoute les histoires de ses grands-parents. On a beau dire, très peu de chose égale la sagesse que l'âge apporte. Il n'existe presque rien de plus noble.

En revanche, quand Siegfried revient à elle, la scandinave eut une boule au ventre : elle redoutait tant cet instant. Il posa sa main sur son bras et un frisson très désagréable lui traversa le corps, semblable à un léger courant électrique. Quelques instants plus tard, le nazi se leva et sortit de la pièce. Une chute de tension, peut-être ? Siegfried était devenu tout pâle en l'espace d'une fraction de seconde. Il reviendra pourtant peu de temps après, comme s'il ne s'était rien passé. Frig resta le fixer lourdement, partagée entre l'inquiétude et la suspicion. Il revient, donc.


- Je veux qu'on le fasse maintenant. Je pense être prête.

Le stress, le stress... Mange un bout, respire, détend-toi.

Il fallait bien qu'elle se décide un jour, quand même. Ses mains fébriles saisirent celle du nazi, doucement. Adelheid ferma les yeux et décida de ne pas laisser son esprit vagabonder de lui-même comme la dernière fois. Non, il lui fallait remonter les nuages du destin : c'était plus facile à dire qu'à faire. Respire, concentre-toi sur ta respiration. Il faut imaginer ça comme une plaine, longue et étendue, brumeuse et obscure. C'était comme ça qu'elle voyait le Wyrd lors de ses méditations. On ne peut pas voir à plus de trois mètres devant soi tant le brouillard est épais ; de même, il est impossible de voir ce qui se trouve plus bas qu'à mi-cuisse. Comme on ne voit pas nos pieds, qu'est-ce qui dit qu'on marche sur une surface solide ? Ce lieu, le Wyrd, le Destin, était onirique et irréel – pour cause, ça n'est qu'un principe. Ce brouillard tourbillonne et on remarquera que ce sont des nuages mêlés les uns aux autres. Frig passa sa main dans cette masse gazeuse ayant pourtant une texture semblable aux toiles d'araignées : c'est collant, froid, et humide. Cette matière, anormalement épaisse, est pourtant assez malléable. En vérité, cette texture est immonde. La jeune femme commença à avancer dans cette masse en quête des souvenirs à sonder mais rapidement ces nuages se collent contre ses jambes et ralentissent son avancée. Au loin, elle entend une voix murmurer son nom. Elle se retourne, mais ne voit rien – serait-ce son imagination ? La voix se fait encore entendre, et elle tente de s'enfuir – pour aller où ? L'atmosphère se fait oppressante, un peu comme si quelques regards inquisiteurs étaient posés sur elle. Son avancée est lente, comme si elle tentait de fuir des sables mouvants l'avalant petit à petit. Elle pose son pied à terre et le « sol » disparaît. Elle se sent tomber dans le vide.

Adelheid rouvrit les yeux. Combien de temps s'était-il écoulé ? Possiblement une dizaine de seconde. Elle avait très mal à la tête et au cœur, et elle porta une main à sa poitrine, là où logeait cette rune qui lui brûlait la peau. Dépitée, elle secoua la tête.


- Je n'ai pas réussi... Chercher quelque chose de précis n'est pas... facile... Facile, pourquoi cela le serait ? Votre vie a été tumultueuse ; je ne peux pas dire si les dieux ont été généreux ou... cruels. Il me faudra du temps pour tout saisir, mais il faut que vous sachez que quelque chose – ou quelqu'un vous regarde. Sinon, vous avez vu quelque chose...? Après tout, moi je ne vois rien, mais peut-être que vous aviez pu voir ou sentir quelques chose. Non. Je vais réessayer, laissez-moi quelques minutes... Je vais faire ça autrement...

La voix qu'elle avait entendu quelques secondes auparavant ne se taisait pas.
Titre: Re : ... So Brauch' Ich Gewalt
Posté par: SSiegfried le mercredi 25 décembre 2013, 14:11:01
Il lui tendait la main et la laissait faire, affichant un sourire pour masquer son appréhension. Il veut que ça marche, plus qu'il n'a jamais voulu quoi que ce soit, pense-t-il sur l'instant. Doit-il faire quelque chose de spécial ? Se détendre, peut-être, comme quand le médecin vous examine. Dire 33 et faire exprès de tousser. Bon, un peu de sérieux. Il respire et la regarde faire.

À son tour, quelque chose l'oppresse. Il fronce les sourcils, tenté de retirer sa main. Il ne bouge pas cependant, essayant de comprendre si ce n'est pas l'une de ses nausées post-injection. Point. Il a l'impression qu'un courant traverse son bras et remonte jusqu'à son cou pour se déverser dans tout son cerveau. Il lui faut à son tour fermer les yeux, mais la contrainte n'est pas physique, elle est mentale. Le noir de sa vision se brouille, laissant apparaître quelques bribes de blanc. Une tempête de neige des plus grises et des plus floues sous ses paupières. Pourquoi encore de la neige ? C'est probablement ce qu'il voit le plus dans ses rêves, et bien qu'il ne s'en souvienne pas le matin, il sait avoir encore rêvé de la neige. Il se souvient de son enfance, des vacances que seules les familles nobles pouvaient s'offrir, dans le Schleswig-Holstein près de Flensburg, ou tout au sud, dans le Baden, près du lac de Constance, la petite maison à l'est de Friedrichshafen. Tiens, Friedrich, quel hasard... Que lui évoque encore la neige ? La Russie, bien sûr, c'est presque inutile de l'évoquer. Les marches dans la neige, les longues attentes dans des trous de souris, les occupations de village à la sauvage pour s'abriter d'un froid trop agressif, et les soviétiques, ces putains de rouge, sa main manque de se crisper, il la retient, pense à autre chose... Il a l'impression que l'image s'éclaircit, bien qu'elle soit encore aussi terne que la foi des hommes avant la venue de l'ange Gabriel, mais il croit distinguer quelque ch...

Non. Non, n'arrête pas là. Aussitôt ouverts les yeux, son esprit semble perdu. Il la regarde, constate un certain malaise chez elle. Il se rapproche et penche la tête, l'écoutant calmement. Comment ça, pas réussi ? Non, non, c'est trop flou, il veut des noms, des concepts, des...

Des Dieux ?

Oh, ces dieux-là. Il reste perplexe quant au concept, que ce soit dit.

Réessaie.

Lui, le rigoureux, le jusqu'au-boutiste, le stakhanoviste, quelle ironie, élevé dans la discipline et la nécessité de parvenir à ses fins quelle qu'en soit le prix, y compris la douleur, surtout la douleur en fait, car elle seule permet de jauger la valeur des hommes à vouloir atteindre ce qu'ils désirent ; et bien, lui, ne peut se permettre de s'arrêter en si bon chemin. Il passe un moment plutôt désagréable, car il a l'impression de perdre pied, cette sale sensation de ne pas être assez bon pour ce qu'il pourrait être. Des décennies qu'il vit avec la ferme conviction qu'il est l'un des seuls sur cette terre à pouvoir se prétendre un Übermensch, seul élément au-dessus de la chaîne alimentaire, seul supérieur à la race impure à laquelle il a appartenu, une race victime de ses passions et de ses bas instincts... Vous me direz qu'il n'en est pas exempt, il vous répondra que chacun de ses actes est pensé et réfléchi pour ne servir que sa supériorité.
Peu importe tout cela, puisque là, il bloque. Il n'est pas encore assez grand, pas encore assez fort pour comprendre ce qui lui arrive. Pour une fois dans sa vie, il n'a pas ce qu'il faut pour « y arriver », et ça le frustre au plus haut point. Pour une fois qu'une autre Übermensch, ou du moins c'est ce qu'elle semble être, croise son chemin, il ne peut laisser passer l'occasion de devenir encore plus puissant.

Si il y a quelque chose que je dois faire, apprend-moi. Si tu as besoin de mon sang ou quoique ce soit d'autre de ma part, demande-le moi.

L'estasi dell'oro ; la folie des hommes devant les trésors les plus précieux, prêts à vendre leur mère, leur épouse et leur filles pour une cupidité vaine. Là, ce n'est pas d'or qu'il s'agit, mais de Savoir. Quoi de plus important dans la vie ? Et, oui, il se serait coupé un bras pour avoir ce qu'il veut.

Si il faut accomplir un quelconque rituel, même le plus absurde, si il s'agit d'argent, de sacrifices, je veut bien faire ce que tu veux.

La folie luit dans son regard. Il commence à se sentir mal, recule, se cale dans son fauteuil, respire. C'est probablement la seule énigme de sa vie, celle qui jalonne toutes ses interrogations, et dont il ne peut se départir, dans la conscience de la vie ou dans les brumes du sommeil.

Ou si tu as besoin que je trouve quelque chose pour toi. Si je peux te servir de... de vecteur à l'exploration, je ne sais pas... Bref. Fais ce que tu veux, je te suivrai aveuglément.

Et parole de prussien : ... parole de prussien.