« How many heartaches must I stand
Before I find the love to let me live again
Right now the only thing that keeps me hanging on
When I feel my strength, ooh, it's almost gone »
Rachel commit son premier sacrilège de la journée en coupant la parole à Phil Collins. Elle éteignit le moteur, et se posa un peu, observant, depuis son pare-brises, la rue. Le soleil était partiellement caché par les rails du métro aérien, et d’énormes pylônes en fer se dressaient au centre de la longue rue. Il y avait un vendeur de nouilles sur la gauche, de nombreux immeubles qui donnaient l’impression d’être dans une banlieue américaine. Des poubelles s’entassaient dans un coin, il y avait des ruelles enfumées, et le sol vibrait quand le métro passait par là. Aucun doute, on se trouvait bien dans le quartier de la Toussaint. Il était difficile, très difficile, de croire que l’Officier Danvers avait pris sa retraite dans un tel taudis. Rachel tourna la tête vers une série de documents et de dossiers se trouvant sur le siège à sa droite, et les consulta à nouveau, machinalement. Il y avait tous les rapports officiels, les expertises qui avaient été réalisées, et les conclusions de la commission d’investigation, qui incriminaient l’Officier Danvers pour la destruction d’un avion expérimental ayant coûté une petite fortune.
L’enquête était très mystérieuse. Il y avait de gros points d’ombres, et Rachel, en enquêtant, avait découvert que l’enquête était classée « top-secret ». Elle en était arrivée à la conclusion que la réalité n’était pas aussi simple. Elle l’était d’autant moins que Rachel connaissait Danvers. Elles avaient été ensemble à la même base en Afghanistan. Bien que l’armée accepte de plus en plus de femmes, ce domaine restait quand même marqué par un fort taux de mâles. Les deux femmes s’étaient donc progressivement rapprochées, et Rachel avait plusieurs d’apprécier Carol. Pour commencer, la pilote lui avait sauvé la vie, une fois, lors d’une mission périlleuse dans les montagnes, dans une région contrôlée par les talibans. Son escouade était tombée en embuscade, près d’un village abandonné, à mener une résistance acharnée et désespérée... Jusqu’à ce qu’un avion ne bombarde la zone, disloquant les talibans, permettant à un hélicoptère de venir les récupérer. Cet avion était piloté par Carol. Le soir, à la base, Rachel avait noué une forme de relation amicale avec Carol.
Purement amicale... Mais Rachel n’aurait pas été dérangée que ça aille plus loin. Elle avait tout simplement changé d’affectation avant que leur relation n’évolue, une mission où une grenade avait explosé trop près d’elle, la ramenant aux États-Unis. Par la suite, elle avait oublié Carol... Jusqu’à ce qu’elle apprenne que cette dernière se trouvait à Seikusu, à travailler comme caissière, ou autre métier peu reluisant de ce genre. C’était Lloyd, son supérieur, qui lui en avait parlé Il avait reçu un coup de fil de l’état-major, et lui avait transmis le « dossier Danvers ». D’après ce que Rachel avait compris, l’armée avait radié Carol, mais, bizarrement, les militaires continuaient à s’intéresser à elle. Les supérieurs voulaient que leur cellule à Seikusu se rapproche de Carol, et l’observe avec la plus grande attention. Pourquoi ? On n’avait pas daigné leur répondre. Lloyd savait que Rachel et Carol avaient un passé commun, et lui avait demandé de se rapprocher d’elle.
*C’est pourtant bien la bonne adresse... Seigneur, ça me rappelle quand j’étais étudiante...*
Rachel sortit de sa voiture, rangeant ses documents, et ferma sa voiture. Elle avait un véhicule classique, qui faisait vraiment fonctionnaire, mais qui, pour le moment, n’était pas au-dessus de ses moyens : une Toyota Avensis (http://www.le-cahier-auto.com/wp-content/uploads/2008/09/toyota-avensis-2009-1.jpg). En lisant le dossier, elle avait réalisé qu’il présentait de nombreuses lacunes, et des imprécisions flagrantes. Il s’était passé quelque chose lors de ce vol expérimental, et elle avait demandé à Lloyd de se renseigner. Elle savait que l’homme était fiable, mais il avait du mal à obtenir des renseignements sur cette question.
Rachel se rapprocha de la porte de l’immeuble. Elle était tagguée à l’image d’un gang local, et vit plusieurs adolescentes affalés surdes marches. Elle portait des tenues civiles : un jean bleu, et un haut rouge clair. Comme il faisait plutôt beau, elle portait des lunettes de soleil, qu’elle retira. Et, naturellement, sous ses vêtements, plaquée contre son corps par un système de ventouse pour être sûre de ne pas l’oublier, le petit disque octogonal était là. Son armure. Elle regarda l’interphone, et ne tarda pas à trouver le numéro de Carol Danvers. Rachel hésita à appuyer. D’après ce qu’on lui avait dit, Carol était dépressive, et haïssait l’armée. Elle risquait fort de ne pas lui répondre. Elle s’humecta les lèvres, et décida d’entrer, attendant que quelqu’un lui ouvre. Elle pénétra dans le hall de l’immeuble, et s’approcha de l’ascenseur, avant de constater que ce dernier était hors-service. Un locataire avait brisé la vitre, et un panneau avertissait les usagers que l’ascenseur était provisoirement arrêté, le temps de remplacer la vitre.
Soupirant, Rachel monta les marches, et vit, sur le palier du premier étage, une flaque de Coca, la bouteille en plastique traînant au loin. Elle s’avança, jusqu’à se rapprocher de la porte de Carol. Nerveuse, elle soupira lentement, puis tapa à cette dernière. Elle espérait que Carol serait là.