Le campement était immense. Combien de soldats y avait-il ? Plusieurs dizaines de milliers ? De centaines de milliers ? Il devait y avait peut-être, intendance compris, une centaine de milliers de soldats prêts à mourir sur les ordres de son altesse sérénissime l’empereur des Fournaises. Car c’était lui qui dirigeait ce théâtre d’opération.
D’aucun dirait qu’il n’y avait pas vraiment de théâtre des opérations. C’était seulement une question de déboisage. Le bois serait utilisé jusqu’à la dernière souche. Navire, charpente, tout. Et le reste serait réduit en centre par les cavaliers du ciel sans la moindre hésitation. Les bombonnes de feu grégeois étaient prêtes.
Sous un dais imposant et richement décoré, Blaise était installé. Le trône était noir, peint. Il était de bois précieux noircis et de métal ayant subi le même sort, donnant l’impression qu’il avait été réduit en cendre. Pour sa part, il était dans un uniforme de couleur rouge, un rouge si sombre que c’en devenait presque noir. Es cheveux étaient soigneusement coiffés et son front était sein d’une couronne de fer ou d’acier, donnant un côté pour le moins austère. Il savourait un repas, se fichant semblait-il de l’activité du camp au-delà de la barrière rigoureuse que formait la garde impériale. Un cercle de colosses humains qui avaient tous la même tenue de cuir renforcée et, au milieu des avant-bras, des cercles de métal d’où saillaient plusieurs pointes. En bref, même sans arme ils seraient dangereux.
Un jeune homme, presque un garçon, franchit la barrière de muscles en montrant un écusson sur son épaule. Les messagers. Sitôt arrivé devant l’empereur, il s’inclina à en toucher le front sur le sol avant de se relever.
« Parle. » Il déglutit et opina du chef.
« Votre majesté. Garridon signale que tout est prêt et que ses éclaireurs ne sont pas revenus, il pense sincèrement que cette forêt est habitée. »Blaise balaya ses ^propos d’un signe de main.
« Oui, oui, nous savons. Eh bien qu’il rase cette maudite forêt et ce qui s’y trouve, ce sera plus pratique. » Il le congédia d’un autre geste de la main et le gamin fila. Moins de dix minutes plus tard, un lourd grincement se fit entendre, un claquement retentit et deux choses se suivirent. D’abord ce fut une jarre qui s’éleva et s’écrasa dans la forêt. Puis, ce fut une boule de feu qui décrivit un arc de cercle pour suivre. Il n’y eut pas le moindre bruit pour eux, mais aussitôt, il y eut une sorte de petite vague de chaleur qui fit sourire l’empereur. Le feu liquide et la pierre embrasée qui l’avaient suivi allait mettre le feu aux poudres.
Une deuxième suivit. Une troisième. Le rythme était lent, six ou sept projectiles partirent en une heure à peine. Bon rendement.
Au bout de quatre heures, une femme arriva et s’inclina bien bas devant l’empereur, mais pas au point de toucher terre, elle. Elle n’était pas n’importe qui.
« Oui, Lucinda ? » « Majesté, un groupe est sorti de la forêt. Ils brandissent un drapeau blanc en signe de trêve et exigent à rencontrer leur agresseur. » Agresseur… toujours les gros mots. D’une voix las, il répondit alors.
« Très bien, faites-les venir, nous allons leur accorder audience. » *
* *
Les lieux étaient bien changés entre temps. Nombre de courtisans formaient une allée de monde discutant à voix basse alors que les invités approchaient. Au sein du groupe, une femme, plantureuse, une elfe à en juger par les oreilles.
« Son altesse sérénissime l’empereur de la fournaise Blaise, premier du nom. » Puis vint le tour de présenter la délégation adverse.
« Son altesse la reine Wilvarin de la Forêt Noir. » Le trône était légèrement surélevé pour qu’il reste toujours plus haut que ses visiteurs, et il était négligemment appuyé, sur sa paume, au bras accoudé sur le siège, presque négligemment.
« Pouvons nous connaitre le motif de votre venue, Altesse ? » Peu de politesse. Elle était déjà honorée qu’il lui donne droit au prédicat d’altesse royale.
