On ne les voyait que quand elles les voulaient. L’araignée reposait toute sa technique de chasse sur la discrétion. Prédatrice parfaite, elle savait faire preuve de patience, et ne sortait de l’obscurité que quand la situation le justifiait. La ruse et le subterfuge, voilà les seules choses qui définissaient clairement l’araignée. Face à un prédateur plus fort qu’elle, et quand elle ne pouvait fuir, l’araignée ne cherchait pas à se battre, mais préférait encore tabler sur la ruse, en faisant la morte. Elle pendait à sa toile, inerte, et, si le prédateur avait l’imprudence de l’ignorer, elle se dépêchait de retourner se cacher dans l’ombre. Élise était ainsi : silencieuse, froide, mortelle Les étrangers ne venaient pas dans son royaume sans raison, et ce dernier, vu le chemin qu’il avait pris, était passé par son village, le Village des Toiles. Les toiles d’araignée, en plus d’elle d’être belles, présentaient aussi l’avantage de solidement renforcer les maisons, qui ne craignaient désormais plus aucun orage, ni aucune infiltration d’eau, les soies des toiles les protégeant à merveille de ce genre d’intempéries. Son royaume était bien protégé, et la visite de ce curieux individu avait de quoi la perturber.
Il avançait lentement, sans pouvoir la voir. Élise avançait furtivement, sans aucun bruit, le long de ses toiles, tissées dans toute la forêt, à hauteur des arbres. Parfois, il s’arrêtait, regardant autour de lui, avant de reprendre sa route. Ses pas frôlaient les toiles, et Élise comprit rapidement qu’il s’était égaré. Un voyageur perdu ignorant où il allait... Ses pas le menaient dans la réserve de la forêt, cet endroit où la présence arachnoïde était moins nombreuse, afin de permettre qu’il y ait un renouvellement des proies pour ses araignées. L’homme encapuchonné s’avançait lentement, intriguant Élise. Qui était-il ? Que voulait-il ? Pourquoi ne fuyait-il pas en courant ? Cherchait-il à la chasser ? Elle avait déjà dévoré quelques chasseurs qui étaient venus ici en pensant pouvoir l’amadouer, et la supprimer. Certains étaient encore en vie, enroulés dans des cocons, souffrant mille agonies. Il se rapprocha d’un arbre, et, sans se rendre compte, son dos heurta des toiles d’araignées qui recouvraient de manière très discrète l’écorce de l’arbre, courant à sa surface.
« Je suis... la peur morbide de Rekhiem... »
Parlait-il tout seul ? Que signifiait cette phrase ? Rekhiem ? Ça ne disait absolument rien à Élise... Un lieu, une ville, un individu ? Voilà qui était très intrigant ! Elle se déplaça d’arbre en arbre, jusqu’à arriver au-dessus de l’homme, debout sur un très mince fil. Son dos était immobilisé. S’il essayait de se retirer de l’arbre, il devait abandonner son manteau, ou alors arracher l’arbre. Sa soie pouvait être extrêmement résistante. Elle titilla ses lèvres avec ses griffes, et sauta alors sur le sol, atterrissant pile devant l’homme. La Reine des Araignées plia les genoux, avant de lentement se relever, ses pieds pointus soulevant un léger nuage de poussière.
« Je suis Élise, Reine des Araignées, Souveraine de la Forêt des Toiles. »
Elle restait à distance de lui. Le long de l’arbre, des dizaines d’araignées étaient en train de descendre le long des arbres, suspendus à leurs fils. D’autres s’avançaient également sur le sol, filant entre les grosses racines de l’arbre.
« Que viens-tu faire ici, Peur Morbide De Rekhiem ? »
Si c’était son identité, c’était vraiment un nom fort curieux.