Malgré les apparences, Veronique pouvait comprendre le langage commun, et même en certaines occasions, il lui était arrivé de parler pour se faire comprendre quand ses tentatives de converser par les gestes et les sons ne suffisaient pas. Les raisons pour lesquelles elle ne privilégiait pas le verbe à l’acte étaient très simples; l’usage du langage nécessitait une concentration qu’elle ne possédait tout simplement pas. Les vraies terranides, c’est-à-dire les terranides dont le sang n’était pas dilué par celui des hommes, étaient beaucoup plus proches du royaume animal que du royaume humain, et comme les animaux, les mots n’existaient pas vraiment entre eux. Pour Veronique, apprendre à parler correctement prendrait des années, peut-être même une décennie entière, et ceux qui avaient été ses maîtres n’avaient simplement jamais vraiment pris le temps de l’éduquer en ce sens. Puisqu’elle était d’une branche dite « canine » du grand arbre des terranides, le chien en elle était un petit animal très turbulent, excité et facilement distrait, ce que les humains caractériseraient de trouble déficitaire de l’attention sévère, doublé d’hyperactivité.
Donc, oui, Vero comprit ce que lui disait la princesse. Et aussi, elle comprenait que Cirilla n’aimait pas beaucoup l’idée de l’avoir dans les environs. Instinctivement, la terranide se lova contre la princesse, où elle se sentait le plus en sécurité, frottant sa doucement sa tête contre celle d’Alice. C’est alors qu’Alice posa un petit baiser sur sa bouche. Interprétant correctement ce geste comme une marque d’affection, la petite chienne remua rapidement la queue et répondit en imitant Alice, collant sur ses lèvres quelques baisers répétés.
-Eh bien moi, j’en décide autrement, na ! Je suis sûre que Véronique sera ravie d’être avec moi ! N’est-ce pas, ma choupette ?
-Un-hun! Fit la chienne en hochant rapidement de la tête.
Quelque chose lui disait qu’elle aurait de quoi manger si elle suivait docilement la dame. Et puis, Vero ne sentait aucune malice dans ses mots, même si dans les faits même une personne malicieuse pourrait facilement la piéger en jouant un peu la comédie, mais… Bon, ca ne semblait pas être le cas pour Alice.
Sylvandell
-Oooooouh! Fit Vero en se penchant par-dessus la palissade du grand pont de Sylvandell.
La chienne n’avait jamais visité la capitale Sylvandine par le passé, malgré ses errances. Elle se perdait souvent, mais ne s’était jamais retrouvée en ces lieux, donc, elle était fascinée par le grand ravin qui était une fortification naturelle pour la capitale. Toute trépignante d’excitation, la Terranide regardait à droite et à gauche avec beaucoup d’enthousiasme, mais ne quittait pas le côté de la princesse, qui tenait doucement mais fermement sa main griffue. Sur le chemin du retour, la princesse et sa protectrice avaient appris que Veronique était très difficile à surveiller et était facilement distraite par n’importe quoi, et donc il était plus sécuritaire de la garder constamment à portée de main. Comme elle ne luttait pas contre la prise d’Alice, cette dernière n’avait aucun mal à la garder sous sa surveillance.
Cependant, la longue marche semblait avoir épuisé la chienne, qui semblait beaucoup moins portée à pourchasser quoi que ce soit. En fait, elle avait surtout envie de se trouver un petit coin tranquille à l’ombre pour faire une sieste, ou même de manger. Manger, ce serait bien. Les pommes que Cirilla avait emportées avec elle n’avaient tristement pas fait long feu après que la chienne les ait réquisitionnées, surtout qu’elle s’était même montrée très désagréable si la protectrice de la princesse tentait de récupérer son sac. Il lui fallut malheureusement attendre que Veronique se lasse de son butin pour qu’elle le laisse simplement tomber avec le plus grand désintérêt.
Très vite, Veronique cacha son visage contre Alice en apercevant les statues de dragons. Même si elle ne percevait pas de mouvement, elle était horrifiée par l’aspect menaçant des statues. Ce que les humains voyaient comme un calme serein de la puissante créature, n’importe quel terranide voyait dans la stature des statues une bête analysant une proie avant de fondre dessus et la gober. Mais comme tous les artistes ne sont pas des experts en dragon, et que l'art nécessite de changer un peu les règles dans la poursuite de la beauté, pour eux, ce n'était que des dragons en position qui mettait en valeur leur puissance et leur majesté. Rien de rassurant pour une terranide, alors.
-Uuunh… fit-elle, visiblement terrifiée.