Nöly aimait beaucoup les jardins royaux, surtout la vue plongeante qu’elle avait depuis le kiosque. Une vue directe sur la mer, avec les falaises à droite et à gauche, les phares sur les îles, et la succession interminable et impressionnante de bateaux venant et sortant de Nexus. Sur la gauche, on pouvait également voir, le long du port, les enceintes cerclant l’un des arsenaux de Nexus, abritant la flotte militaire royale. Elle et Liam passaient souvent du temps ensemble ici, sur ce kiosque. Nöly aimait prendre son petit-déjeuner ici. Elle avait toujours aimé les somptueux paysages, et, de ce point de vue, Nexus offrait des panoramas inoubliables. Humant l’air frais, elle se retourna vers Serenos, qui avait repris une apparence plus martiale... Tout en continuant à porter ses hauts talons. Un assortiment... Plutôt original.
« Je n’ai pas à rentrer dans les détails de l’intimité du couple royal, rétorqua doucement Jamiël.
- Liam est un homme bon, oui... Ça ne devrait surprendre personne, il a été entraîné par les paladins d’Haven, après tout. »
Elle n’avait pas besoin de le dire pour qu’on devine qu’elle l’aimait sincèrement. C’était un homme chevaleresque, empli de qualités. Certes, il pouvait être un peu bourru et expéditif, mais il n’avait pas reçu la même éducation que Nöly. On ne lui avait pas appris à louvoyer, à manipuler les mots, mais les armes. Son père avait voulu que le Dauphin ne soit pas un damoiseau de la Cour, mais un guerrier, à même de pouvoir affronter l’Empire ainsi que les autres menaces qui pesaient sur Nexus. Un rôle que Liam avait accepté avec l’humilité qui convenait, et qui faisait qu’il était très populaire au sein de l’armée. L’aristocratie, c’était à Nöly de s’en occuper. Même si elle venait d’îles éloignées, les Mélisains étaient très informés des grandes familles de Nexus, et Nöly avait appris à les reconnaître, et à étudier leur histoire.
La magie existait en elle, en effet, mais ce n’était pas ça que ses parents avaient développé. Nöly avait toujours été intelligente, sachant retenir bien des choses. C’était donc un choix logique de l’élever pour la prédestiner à un rôle plus important que celui d’être mage. Jamiël, en revanche, qui avait toujours eu de fortes prédispositions à la magie, avait suivi, elle, un cursus fondé sur l’enseignement magique. Les Mélisains avaient ainsi cherché à faire de leurs enfants des individus talentueux et diversifiés, pour pouvoir augmenter l’influence de leur nation à la Couronne. Une stratégie qui n’était pas totalement désintéressée, puisque les Mélisains espéraient notamment bénéficier d’avantages fiscaux par rapport à leur situation actuelle, mais aussi d’une flotte défensive accrue pour protéger leurs îles contre les menaces qui s’abattaient sur l’archipel.
Néanmoins, aussi studieuse avait-elle été, Nöly avait toujours aimé la magie. Jamiël et elle aimaient notamment observer le soir, dans l’un des lacs des Îles Mélisi, les furolucioles en sortir. Ces lucioles luminescentes étaient chargées de magie, permettant de donner des visions à ceux regardant leur spectacle féérique.
« Eh bien, répondit-elle à Serenos, on laisse rarement l’occasion à de jeunes gens de choisir leur destin. Mes parents voulaient dès le début que je devienne une personnalité influente. Initialement, je pensais plutôt à un poste au sein de ma famille... Mais ma mère y a vu l’occasion de me rapprocher de Liam. En définitive, nous avons aussi choisi, et... Liam m’a plu dès que je l’ai vu. De fait... »
Nöly se pinça doucement les lèvres en rougissant, une lueur amusée dans les yeux.
« Je ne pouvais pas l’écrire dans ma lettre, compléta Jamiël, mais ils ont fait l’amour à l’issue de ce premier rendez-vous. Rien qu’à la durée, leurs parents savaient que l’affaire était entendue. »
C’est ce qu’on pouvait appeler sans exagération un véritable coup de foudre. Nöly avait entendu parler, lors du trajet, des exploits de Liam Ivory, jeune guerrier fougueux, qui avait affronté les forces sombres d’une nécropole, repoussé des attaques d’Orcs, libéré des contrées de tyrans locaux et de monstres redoutables. Un homme charismatique et très apprécié au sein de l’armée, mais aussi sensible, relativement nerveux avec les femmes, et empreint de romantisme et d’idéalisme. Comme elle, il voulait abolir l’esclavage, et rêvait d’un système plus juste, plus représentatif des aspirations du peuple.
Nöly se racla la gorge, décidée à passer à autre chose que ses ébats avec son époux, et enchaîna sur un autre sujet :
« Et toi, Serenos ? Je pourrais dire la même chose sur toi, tu sais, tu n’as pas l’air très motivé par les intrigues politiques... Et, pourtant, tu es Roi. »