Complexe d'études secondaires et supérieures / Re : Wolf and Sheep [Camille Catalino]
« le: dimanche 19 mars 2017, 22:53:48 »Ce n'était pas que ce faciès ne soit pas bien calculé. Au contraire, tout était parfaitement dosé : le nez retroussé, la bouche un peu tordue, l'étincelle de terreur qui brillait comme un éclat entre chaque morceau de pupille... Camille savait incontestablement y faire, malgré le peu d'expérience qu'elle possédait au niveau de son existence dans les rangs du beau sexe. Si un homme faisait ployer quelqu'un par la violence, la femme, elle, lâchait habituellement quelques larmes. Chacun ses armes, comme dirait l'autre, et le tout était savamment dosé, ici.
Mais, en réalité, l'état mental de Pam commençait à ne plus laisser passer aucune brèche. Un chaton ou un nourrisson aurait pu se trouver à ses pieds, que la situation restait la même. Aucun mignonnerie ne semblait capable de couper court à cette sensation bizarre qui envahissait ses tripes, son cerveau, ses mains qui avaient commencé à trembler imperceptiblement. Les gouttes qui continuaient de dégouliner dans sa nuque et son chemisier semblait attiser cette sensation et l'empirer.
Pam ne comprenait pas trop ce qui était en train de lui arriver, mais plus les minutes passaient, plus elle s'en fichait. La terreur que lui inspirait la familiarité de ce sentiment s'atténuait peu à peu, alors qu'elle se laissait aller, et observait Camille avec un regard de plus en plus impitoyable.
Si jamais tout cela était vrai, le résultat serait de toutes façons le même. Une petite voix lui susurrait qu'elle pourrait très bien se préoccuper de tout cela plus tard, réparer les dégâts à un autre moment et se répandre en excuses un autre jour- ou peut-être même jamais. Y avait-il une quelconque obligation à se répandre en excuses à chaque faute que l'on commettait ? Cela n'accentuait-il pas l'impression que semblait avoir tant de gens d'elle, et qui les confortaient dans l'idée de la traîner dans la boue ? Elle-même n'avait jamais reçu une seule excuse de toute sa vie. Et pourtant, les pêchés exercés contre sa personne auraient été nombreux à nécessiter d'être expiés, par trois petits mots simples et efficaces. Je - suis - désolé.
Pourtant... pourtant, la blonde ne l'avait jamais entendu de toute sa vie de la part de la bande de débiles qui avait osé l'agresser. Personne ne faisait autant d'efforts qu'elle pour paraître agréable, au sein de ce lycée. Ou, en tout cas, pas avec elle.
"Et moi, alors ?"
La voix qui sortit de la gorge de la blonde était bien différente du ton timide qu'elle pouvait avoir d'habitude. S'accordant à la soudaine dureté de son regard et contrastant avec son accoutrement de petite fille sage, les mots semblaient aussi coupants que du verre et balancés sans aucune trace d'hésitation.
"Tu ne t'es pas demandé ce que je pourrais bien te faire, moi ?"
Pam se sentit avancer, imperceptiblement, doucement, vers cette lycéenne qui avait, quelques minutes plus tôt, tenu un discours agressif à son égard. Elle ne s'arrêta d'avancer que lorsque le mur toucha le dos de la jeune fille, et qu'elle se sentit la dominer de toute sa hauteur et de son gabarit. Une sensation de puissance qui ne lui était pas familière gigota entre ses tripes, plaisante, encourageante. Cette même sensation qu'avaient dû ressentir les personnes qui l'avait harcelé tout le long de sa vie, s'en délectant. Il fallait dire que... effectivement, c'était assez agréable. Au moins, il n'y avait aucune peur dans ce mélange de sensations et de sentiments, aucune terreur que l'on puisse abîmer sa propre personne.
Pam restait immobile, continuant à fixer sa camarade, ne rajoutant rien d'autre. Aucune pensée parasitaire ne venait défiler dans son esprit, et gâcher ce moment, cette tension, ce malaise qu'elle avait instauré et que, pour une fois, elle ne tenait pas absolument à dissiper. Mettre Camille mal à l'aise inspirait à Pam une certaine satisfaction. Aussi bizarre que cela puisse être, elle n'aurait pas été dérangée que ce moment se maintienne durant l'éternité.
Il y eut le bruit d'une porte s'ouvrant, claquant contre le carrelage du mur. Des éclats de voix masculins, dont un que Pam reconnut comme familier. C'était celui du garçon qui avait fuit quelques minutes plus tôt, et il hurlait à présent, pointant Camille du doigt. Dérangeant leur moment, leur intimité.
« Elle est encore là, putain, c'est elle ! Elle est trop chelou, elle est venue me demander de lui donner l'argent pour la... »
Sa voix s'affaissa soudainement, alors qu'il faisait glisser son regard de Camille vers Pam. Comme s'il réalisait qu'il interrompait quelque chose d'important. La tête que faisait Pam, maintenant occupée à soutenir son regard - sans ciller, sans broncher... tellement différemment de d'habitude - semblait le mettre, lui aussi, extrêmement mal à l'aise.
Son doigt cessa de se pointer vers Camille, pour se fondre dans sa paume. Celle-ci atterrit sur sa bouche, alors que des flux commençait à sortir de la cavité. Son autre main vint se placer sur son estomac. Il vomit d'un seul coup, surprenant ses amis qui avaient déjà commencé à trouver son comportement bizarre. Le carrelage étincellant se couvrit de vomi- et d'un peu de sang.
D'un peu plus de sang.
De beaucoup de sang.
« - PUTAIN HIRO, ça va pas ?!
- Merde, il t'arrive quoi, mec ?
- Attends, c'est quoi, c'est du sang, ça ?.. j'crois qu'il faut l'emmener à l'infirmerie, sérieux ! »
Des bruits de pas précipités se firent entendre, le battant de la porte claqua de nouveau, et, après quelques minutes d’essoufflements bruyants et de jambes tapant le sol, le silence revint, soudainement. Peut-être un peu moins désiré par Camille que le tintamarre d'il y a quelques instants- peut-être un peu plus rassurant dans son ensemble.
Des traces de sang couvraient toujours les dalles du carrelage, inexplicables.