La craie crissait lentement sur le tableau, la main la tenant en tremblant qu’à peine. Silence de mort dans la salle, ou presque, alors qu’il donnait sa leçon depuis maintenant une dizaine de minutes. Chacun était plongé dans le livre qu’il leur avait donné à étudier, alors qu’il notait les passages importants et les développements qu’ils allaient voir pour le restant des deux heures sur le grand tableau noir. Le visage concentré, neutre, Nirr avait son exemplaire à la main, les pages primordiales annotées de son stylo feutre. Il suivait à la lettre le programme, et cette classe, qu’il avait deux fois par semaine, était généralement attentive. Enfin, la majeure partie de ses éléments, en tout cas. Et comme pour préciser sa pensée, ce fut à ce moment que la porte s’ouvrit en trombe, laissant entrer lesdits éléments perturbateurs. Habituel. Elles allèrent s’asseoir au dernier rang. Habituel. Et elles se mirent à bavarder. Sans gêne. Habituel.
Nirr soupira, la craie arrêtant son voyage sur l’obscurité du tableau. Au milieu d’un mot. Il se retourna, observant le cahier levé devant les deux élèves. Faible défense, en général. C’était plus une convention collective qu’autre chose, et même elles devaient en avoir conscience. Il ne dit rien, retournant à son écriture. Elles ne gênaient pas encore tant la classe que ça, pour le moment. Cela dit, il avait dans l’idée que ça changerait dans les prochaines minutes. Il porta une main à son front, lisant les mots qu’il recopiait, avant qu’un nouvel éclat de voix ne le fasse tourner la tête. Et il vit le doigt d’honneur.
Et c’est ça plus que le bavardage qui le décida à intervenir. Il était cool, comme prof, mais il fallait des limites, et elles étaient atteintes avec l’insulte. Reposant la craie, il s’avança devant son bureau, s’y pencha, et frappa des paumes sur ce dernier, faisant claquer le meuble et sursauter les élèves qui étaient encore attentifs à leur lecture.
« Neena, Edith. »
Il n’avait pas élevé la voix. Le coup sur la table avait déjà attiré l’attention. Pas la peine de hurler. Sa voix portait bien assez comme ça, et il savait en jouer pour qu’elle soit dosée habilement pour faire naître un petit frisson chez les élèves.
« Je ne vais pas vous mettre un zéro tout de suite, alors que vous venez à peine d’arriver. D’autant plus que j’imagine que vous vous en fichez. »
C’était plutôt le genre de filles à venir au lycée parce qu’elles ont pas grand chose d’autre à faire. Ou alors pour dealer un peu, étant donné la réputation qu’elles avaient. Il n’y prêtait pas l’oreille, mais les voir arriver avec des yeux pareils, ça ne voulait dire qu’une chose. Encore une limite. Il soupira.
« Mais vous resterez toutes les deux après la classe. Pour discuter de comment est-ce que je vais vous punir. Et si vous vous faufilez à l’extérieur, ou que vous continuez à bavarder avant la fin de cette classe, la discussion sera close, et je vous colle tous les soirs jusqu’à nouvel ordre. Une semaine, minimum. Deux heures par jour. Alors, j’imagine que vous préférez qu’on en discute, non ? »
Et un petit sourire naquit sur ses lèvres, alors que ses yeux gris étaient fixés sur les deux jeunes femmes.