Ce début de matinée Seikusien s’annonce bien triste avec ses nombreux nuages occupant le ciel grisâtre. Un peu de vent venu des côtes proches apporte un brin de fraîcheur teinté d’humidité et d’iode à la zone industrielle qui doucement s’éveille aux sons des camions de livraison allant et venant entre la ville endormie et les usines qui démarrent. Une journée maussade donc, comme beaucoup d’autres précédemment et bien d’autres à venir.
Un peu à l’écart du tumulte naissant se trouve un bâtiment faisant l’angle de deux rues secondaires. La façade a eu un coup de peinture récent, de même que la porte d’entrée. En dehors de ça, rien ne différencie tant que ça la bâtisse de ses nombreuses jumelles qui l’entourent, à part peut-être la cheminée qui laisse s’échapper de temps à autre une bouffée de fumée. Une petite plaque d’acier fixé à l’entrée tient lieu d’enseigne et trahit la nature récente de l’endroit. "Forge Yasuda. Entrée libre, en cas d’absence, utilisez la cloche sur le comptoir", le tout gravé récemment en caractère simple mais lisible.
En entrant, c’est une bouffée de chaleur accueillent les visiteurs. Accompagnée d’une odeur de métaux chaud, de feu et d’huile. Divers bruits d’outils se font entendre régulièrement en provenance de l’atelier d’apparence traditionnelle qu’on peut voir à travers les vitres derrière le comptoir. La pièce servant d’accueil n’est pas très grande, quelques dizaines de mètres carrés tout au plus décoré dans un style simple. Une baie vitrée donnant sur la rue occupe tout un pan de mur et fait face à un comptoir en bois d’aspect rustique, dépourvu de fioriture inutile, comportant la caisse et une petite cloche fixée sur le côté. L’objet est décoré de motifs abstrait, muni d’un petit marteau de fer suspendu à une cordelette et semble de fabrication artisanale, probablement de la main du maître des lieux.
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Takahiro, vu que c’est de lui qu’il s’agit, est d’ailleurs en plein travail près du brasier rougissant ses pièces d’acier. On peut l’apercevoir de dos en travers des vitres, avec son éternel ensemble chemise – pantalon complété d’un tablier de travail dont on aperçoit les liens autour de son cou et de ses hanches. Un lourd marteau qu’il semble manier avec aisance dans une main, un épais gant tenant l’objet de ses attentions de l’autre, l’homme semble tout à son travail. Alors qu’il passe de l'âtre à l’enclume, puis au bac de trempage ou l’établie, il est aisé de constater l’imposante présence qu’il forme dans l’espace de son atelier. La carrure large et la taille haute, Takahiro à des faux airs de forgeron des temps anciens dans ses moments-là, dans cette forge qu’on pourrait croire hors du temps si on oublie les quelques outils modernes discrètement ranger çà et là.
Mais au fond, cela n’a finalement aucune importance tant que personne n’est là pour l’observer. Peut-être que quelqu’un viendra le déranger, et qui sait, apporter un peu de soleil dans cette journée ?