L'entre-deux Mondes > L'Enfer

Les geôles de l'Enfer [Slave Prime]

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Ephemera:
« Non, ne nettoyez pas... Ces murs sont tellement mieux ainsi. »

Les guerrières et servantes d’Ephemera, des ninjas sombres qui ne parlaient pas, ne contestèrent pas l’ordre de leur Maîtresse, et s’écartèrent silencieusement. Leurs talons claquaient sur le sol des cachots, et Ephemera caressa du bout des doigts la carcasse éclatée évoquant vaguement celle d’un ancien être humain. La Dame des Ombres se tenait dans l’une des salles de tortures de Drakengord, dans des geôles interminables, qui se trouvaient au-dessus de rivières volcaniques qu’on apercevait au loin, en contrebas. Sous Drakengord, il y avait une grotte colossale, abyssale, et des cages pendaient dans le vide, des esclaves ou des cadavres d’esclaves, desséchés par la faim, traînaient ici. Parfois, des harpies s'approchaient, afin de grignoter quelques morceaux. L’endroit était un lieu de souffrance perpétuelle, et Ephemera s’amusa à caresser les organes du corps, qui pendouillaient sur lui, quand ils n’étaient pas étalés sur le sol. Elle avait laissé deux de ses ninjas jouer avec lui, et elles avaient été plutôt performantes.

Ephemera lévitait légèrement au-dessus du sol, de l’ombre sous ses pieds. Elle rejoignit une autre salle de torture, observant le résultat de ses aiguilles sur le corps d’un homme. Elle avait essayé d’être originale ici, en détachant sa peau de son corps, tenant compte de l’élasticité de la peau, afin de la tendre le plus loin possible avant qu’elle ne se rompe. Il y avait ici et là quelques ratés, des traces de sang, mais, dans l’ensemble, le corps était bien maintenu, retenu par une série de pointes en acier et de ficelles, formant une toile tout autour de lui. La semi-vampire se rapprocha de lui, observant son corps à travers ses yeux inexistants. Elle pouvait sentir sa douleur. Il vivait toujours, et c’était tout ce dont elle avait besoin de savoir. L’une de ses mains vint sensuellement caresser la joue de l’homme, glissant sur sa peau tendue. Les gémissements et les sanglots qu’elle entendait étaient exquis. Il y avait un peu de tout ici : humains, démons... Il y avait tellement de gens à torturer en Enfer ! C’était d’autant plus gratifiant que l’Enfer ne perdait jamais en population, ceux qui mourant ressuscitant en Enfer, ailleurs. Il y avait donc toujours des gens à torturer, que ce soit par plaisir, ou pour devoir interroger les gens pour le compte des barons et autres seigneurs infernaux lui amenant des prisonniers.

La Reine des Ombres passait ses journées ici, dans les cachots, se déplaçant parmi les nombreux prisonniers, nourrissant ceux qu’elle voulait vraiment torturer, laissant les autres se nourrir entre eux, ou sur les animaux qui passaient par là, comme les rats, ou autres créatures peu attirantes. Ce qu’elle adorait surtout, c’était mettre ensemble plusieurs prisonniers, les laisser s’affamer mutuellement, jusqu’à ce qu’ils s’entretuent. Quand elle se rapprochait des cellules, et voyait ces individus en train de grogner entre eux, de dévorer un cadavre, elle ne pouvait s’empêcher d’être admirative. La faim... Une torture simple, mais tellement efficace. En tant que vampire, elle le savait mieux que quiconque. Quand la faim s’imposait en vous, on devenait capable de tout. Elle s’approcha d’une cellule commune, avec de nombreuses cellules, et frotta l’une de ses mains contre les barreaux des nombreuses cellules, jusqu’à s’arrêter devant une cellule comprenant quatre prisonniers en haillons, poussiéreux. Elle tourna la tête vers eux.

« Battez-vous. J’accorderai la liberté à celui qui aura survécu. Si vous refusez, je vous enfermerai dans mes vierges de fer. »

Les prisonniers ne tardèrent pas à obtempérer, utilisant des cailloux traînant dans les geôles pour se fracasser entre eux. Elle les observa silencieusement, et le dernier réussit à tuer l’autre en l’étranglant férocement, ses ongles pointus s’enfonçant dans sa peau. Ce faisant, il se releva, et Ephemera ouvrit la cage, alors que l’homme s’avança, boitant. Un sourire sur les lèvres, Ephemera caressa sa joue, avec une tendresse infinie.

« Mes félicitations, te voilà libre. »

Et disant cela, elle replia son bras, et enfonça dans le ventre de l’homme l’une de ses lames rétractables à ses poignets. La lame transperça l’homme de part en part, l’éventrant, alors qu’elle le leva. Elle voyait le visage de l’homme se tordre de douleur, tandis que son sang se mit à couler sur son corps. Elle déploya son autre lame, et trancha le corps rachitique en deux, au-dessus de la première lame, répandant le cadavre sur le sol. Un morceau de son corps roula dans une autre cellule. Sa main, visiblement. Elle offrirait de quoi manger aux autres prisonniers. Ephemera se retourna ensuite.

A Drakengord, c’était une journée normale. Le château était entouré de rivières volcaniques, de geysers. C’était une ambiance noirâtre, sombre, avec de hauts murs. On y entrait par d’énormes pont-levis décorés, à droite comme à gauche d’individus empalés, de cadavres pourrissants.

Slave Prime:
Drakengord. Pour ne rien cacher, j'aurai préféré ne jamais avoir à y mettre les pieds. Bien que serviteur de la seule Maîtresse des Enfers qui pouvait prétendre réellement à ce titre, je ne restais qu'un humain et je ne prenais aucun plaisir particulier dans la mutilation et les sévices abusifs, de ceux qui retournent le coeur et ne laissent qu'un sentiment de dégoût. Si j'avais déjà eu à torturer ? Oui. Je me livrais à toutes les bassesses imaginables si je considérai qu'elles pouvaient servir ma Lady, mais le plaisir n'était pas au rendez-vous ni même un but en soit. Lorsque je prenais plaisir à maltraiter, c'était lors d'ébats intimes dépravés. Enfin, qu'importait ?
En vol stationnaire à une trentaine de mètres du sol, les bras croisés et le regrd fixé sur l'architecture sinistre de la citadelle, je me remémorais les raisons de ma venue dans un endroit que j'avais toujours pris soin d'éviter. L'idée avait été simple : livrer aux bons soins de la maîtresse de Drakengord des opposants à ma Reine. Pas pour les tuer, mais pour les torturer et les garder en vie avant de revenir les chercher et de les renvoyer chez eux afin qu'ils délivrent un message clair et concis. Oh, certain démons au service de ma Maîtresse auraient très bien put s'en charger, oui. Mais d'après les rumeurs infâmes qui courraient sur Drakengord, les méthodes employées dans la citadelle faisaient même frissonner les pires démons. Aussi le message n'en serait il que plus percutant... Je me devais donc de le vérifier.

Je redescendis finalement à hauteur du sol, me posant sur l'un des ponts-levis que je passais d'un pas décidé, n'arrêtant pas mon attention sur la décoration où l'odeur de chair pourrie qui me prenait à la gorge. Je fronçais un peu les sourcils, renforçant mon air déjà bien peu avenant, et pénétrais au coeur du monstre. Je n'avais rien du démon et portais fièrement ma tête humaine, haute et fière. Mon corps était nimbé d'un léger halo d'énergie rougeâtre qui m'avait protégé des conditions de vie de l'extérieur et à présent qu'il s'évanouissait, les lignes écarlates de mon costume renaissaient et pulsaient à nouveau, mon emblème visible sur ma poitrine. Que cette partie des mondes inférieurs sache que j'étais là, qu'elle me redoute ou qu'elle tente de me mettre au pas. Que tout Drakengord braque son regard vitreux sur moi tandis que j'évoluais dans les travées aux pavés sales et poisseux, le bruit de ma marche disparaissant dans les râles d'agonie et de douleur.

Des ombres se mouvaient sur mes côtés, derrière moi. Silencieuses, prédatrices. Possiblement le comité d’accueil. Parfait, l'idée de chercher cette "Dame des Ombres" dans toutes les cellules de ce trou à rats puant me dégoûtait à l'avance. Je m'arrêtais donc, le regard fixé au loin tandis que ma voix résonnait, dure et assurée.

- Plutôt que de perdre votre temps à penser pouvoir m'atteindre, allez quérir votre maîtresse, Ombres. Qu'elle se présente à Slave Prime dans l'instant, ou je réduirais en poussière chaque pierre de son domaine. OBÉISSEZ !

Mon ordre résonna un instant avant de se perdre dans les couloirs. Que ces créatures n'aient pas l'idée de penser que je joue de prétention : si j'avais à attendre trop longtemps, j'emporterai Drakengord dans un souffle dévastateur.

Ephemera:
Ephemera continuait son inspection des geôles. Il était important de stimuler l’envie des prisonniers de s’évader, et, pour cela, il existait plusieurs techniques que la Dame des Ombres mettait en place. Pour commencer, une bonne ambiance. La peur était le moteur le plus efficace. Elle gouvernait depuis toujours les rapports sociaux, que ce soit pour les espèces dites civilisées, que pour les animaux. Il était donc important de placer les prisonniers dans un état de peur constant, et, sur ce point, Ephemera pensait s’en être plutôt bien sortie. Il fallait ensuite offrir des objets qui pouvaient donner l’impression aux prisonniers de pouvoir s’en sortir : des cailloux à utiliser sur les geôliers, des objets, des outils. Bien que les prisonniers se dévoraient entre eux, il arrivait parfois que certains s’associent, pour tenter une mutinerie. Il arrivait même aussi qu’Ephemera laisse délibérément les prisonniers s’enfuir. Il n’y avait qu’un seul moyen de s’évader : descendre par un escalier en colimaçon menant dans les souterrains de Drakengord, au milieu des rivières volcaniques. Ce droit de grâce, elle l’accordait d’ailleurs assez facilement, car elle savait que, sous Drakengord, des dangers encore plus grands rôdaient. Si les fuyards n’étaient pas dévorés par les harpies en tentant de descendre, ils étaient happés par les monstres vivant sous terre, monstres qui se nourrissaient des nombreux cadavres que Drakengord produisait. C’est dans des lieux comme cette prison qu’on comprenait mieux pourquoi bien des démons fuyaient les Enfers pour rejoindre les plans inférieurs.

La Dame des Ombres perçut la présence d’un visiteur, ce que ses gardes lui confirmèrent. Pas les ninjas, mais des femmes qui, elles, avaient le droit de parole, parce qu’elles ne s’étaient pas tranchées la langue : les Crécerelles.

« Un visiteur est arrivé, Maîtresse. Un humain... Particulier.
 -  Réclame-t-il vengeance ?
 -  Il désire vous voir, Maîtresse. Il répond au nom de Slave Prime. »

Ephemera n’eut qu’une brève hésitation. De sa voix sombre, empreinte d’ombre, elle décida d’aller le voir. Les visiteurs étaient particulièrement rares à Drakengord, et ceux qui venaient étaient généralement des clients, désirant, soit entreposer des prisonniers, soit voir dans quel état ils étaient. La Dame des Ombres disparut dans une volute d’ombre, se téléportant, pour arriver devant l’humain. Un humain curieusement habillé, avec un « S » rouge sombre qui éclairait sa poitrine. Une curieuse forme de décoration, mais elle n’allait pas se formaliser pour si peu. Après tout, on était en Enfer, et elle portait bien une tenue des plus originales. A travers sa vision d’Ombre, elle pouvait sentir son pouvoir, son arrogance, mais aussi d’autres choses. Une chose était sûre : elle ne reconnaissait pas le sang de cette créature. Elle ne l’avait jamais vu auparavant. Que dire de son nom ? Un esclavagiste ? Il en existait aussi dans les Enfers, et certains faisaient affaire avec elle. Cependant, il était rare qu’un humain vienne la voir.

Il se tenait dans l’un des couloirs de la partie supérieure de Drakengord, celle qui était la plus vivable possible. Ici, les hurlements des suppliciés formaient un simple écho, un léger murmure perceptible par moments, et les couloirs, longs et étroits, étaient relativement vides, ornés de quelques décorations sobres. Il n’y avait guère que dans quelques salles qu’on trouvait les traces de la prison, notamment la salle de banquet, ou la chambre de la Dame. Les servantes d’Ephemera étaient également dans cette partie, et étaient, de loin, ce qui était le plus sympathique ici, puisqu’il s’agissait de simples esclaves, qui subissaient un traitement bien moins extrême que les suppliciés. Après tout, elle ne cherchait pas à les torturer, simplement à s’en servir pour obtenir du plaisir.

« Je vous souhaite la bienvenue... Slave Prime, glissa Ephemera en s’approchant, des volutes d’ombre enveloppant le bas de son corps. Je suis Ephemera, Dame des Ombres, et responsable de Drakengord, depuis la regrettable mort de mon défunt mari. »

Ephemera enchaîna rapidement :

« Personne ne vient par erreur à Drakengord. Qui êtes-vous ? Et que désirez-vous ? »

Slave Prime:
Dos au mur, bras croisés et l'une de mes jambes appuyée contre les pierres qui me servaient de support, j'attendais. La chienne régnant sur cette porcherie à l'odeur âcre et persistante pensait-elle que j'allais visiter ? Prendre la peine de parler à quiconque ? Peu m'importait sa vision de l’accueil, en vérité. Peu m'importait son identité, également. Au fond, je n'attendais qu'un simple prétexte pour rayer Drakengord de la carte diabolique et j'en venais à espérer que cette "Dame des Ombres" ne prenne pas en considération mon désir de la rencontrer, qu'elle m'envoie une garde quelconque me régler mon compte. Rien n'aurait su me faire plus plaisir en cet instant que de me déchaîner un peu entre ces murs, mais l'arrivée de la Dame coupa court à mes espérances.
Lorsqu'elle se présenta et me souhaita la bienvenue, je quittais mon mur pour me dresser face à elle, la regardant dans les... Non. Pas dans les yeux. Cette créature n'en avait pas, ses orbites d'un noir sinistre semblant pourtant voir parfaitement clair. C'était une drôle de sensation, indéfinissable et persistante. Il ne faisait aucun doute que si je n'avais pas vécu aussi longtemps dans les Plans inférieurs, j'aurai détourné le regard. Serrant les dents un peu plus fort, je soutins sans ciller cette oeillade particulière. Qu'elle me contemple tout son saoul si, comme je le pensais, elle en était capable. Je ne faillirai pas à lui apprendre que Slave Prime ne craignait rien ni personne.

Quand elle évoqua son nom et son poste aux geôles, je ne répondis rien, préférant embrasser d'un coup d'oeil son allure générale. Elle m'évoquait une de ces gothiques humaines qui portaient le noir et le cuir comme de flamboyants atours, estimant que leur aspect particulier les tiennent à l'écart des masses. Sauf que cette Ephemera était assurément dérangeante, chienne au noir pelage à l'aura malsaine. Les ombres qui la nimbaient n'en renforçaient que l'aspect. Elle était un parfait reflet, à mon sens, d'un des visages de l'Enfer.

- Je sers Lady Death, geôlière. Je suis son esclave et son envoyé. Je suis venu jusqu'à votre... je retins un mot incisif et repris. Inutile de la provoquer, du moins pour l'heure. Repaire pour vérifier sa réputation afin de savoir si les opposants de ma Dame auraient entre vos mains les traitements qu'ils méritent.

En quelques pas, je me rapprochais d'elle et ma main vint se poser sur sa joue. Du revers de mes doigts, je lui accordais une vague caresse avant de m'écarte pour évoluer un peu dans le couloir dans lequel nous nous trouvions avant de finalement me retourner dans sa direction.

- Les vassaux de ma Dame murmurent le nom de Drakengord avec crainte, en regardant par-dessus leurs épaules pour s'assurer que la Dame des Ombres n'est pas sur le point de les emporter. Un sourire à l'accent dédaigneux plus tard, je continuais. En ce qui me concerne, je pense que tout cela est surfait et je suis déçu que les vomissures de l'Enfer craignent une simple prison. De mon avis, vous êtes une caricature aux traits maladifs qui possède toutefois un don certain pour sa... hm...propagande.

Le sourire que je présentais s'élargit un peu. Nous étions en Enfer et les convenances n'étaient pas les mêmes que partout, sans compter que mon pouvoir pouvait me permettre d'assumer très facilement mes propos même injurieux. Revenant vers elle, je me postais dans le dos de la Dame des Ombres.

- Montrez moi moi que j'ai tort si c'est le cas, Ephemera des Ombres. Soyez assurée que pour ne pas salir le nom de ma maîtresse, je saurais ravaler mes insultes et mes préjugés si cela s'avère justifié. Peut-être même vous laisserai-je tenter de punir mes affronts, qui sait ? Slave Prime sait s'agenouiller, après tout. Mes mains glissèrent sur ses hanches tandis que j'approchais mes lèvres de l'une de ses oreilles, ma phrase s'achevant dans un souffle. Mais si vous me décevez, ma chère, je prendrais soin de sévir. Je ne suis pas expert en meurtrissures, mais je ne doute pas que vos prisonniers sauront stimuler mon imagination.

La menace ne sonnait pas creux, loin de là. En fait, elle résonnait comme la promesse d'un futur certain et immédiat. Un humain, aussi puissant qu'il pouvait prétendre l'être, n'aurait jamais survécu en Enfer en se contentant de paroles.

Ephemera:
Ephemera avait senti une légère ondulation du sang de l’homme en la voyant. Elle retint un sourire, comprenait qu’il était surpris de la voir. Ce n’était pas étonnant : voir une femme avec des yeux crevés, c’était toujours un spectacle inattendu. C’était bien un sang d’humain, fort et vigoureux. Il se présenta comme étant l’esclave de Lady Death. Elle ne dit rien, se demandant qui était cette femme. Slave prime, Lady Death... Des noms new age, indéniablement, inutilement pompeux et prétentieux, à l’image des puissants démons qui, crânement, prétendaient contrôler les Enfers. On était passé de Perséphone à Lady Death. Même les Enfers ne respectaient plus les traditions. Heureusement qu’il existait encore des places comme Drakengord, où la souffrance retrouvait toute son importance. La Dame des Ombres se faisait cette solitaire réflexion, les menaces de l’homme la faisant plus rire qu’autre chose. Aussi fort soit-il, il restait un vulgaire humain à ses yeux, un primitif. Son père, Kagan, avait voulu tous les éradiquer, car il les trouvait faibles, inaptes, sans intérêt. Un point de vue qu’elle partageait en partie. De plus, c’était un esclave. La lie de la lie. Qu’il remette en doute la réputation de Drakengord, taxant Ephemera de faire de la « propagande », aurait probablement du l’énerver, mais il n’en était rien. Elle le trouvait juste pathétique. Un petit esclave frustré qui se rabattait sur les autres dès qu’il en avait l’occasion. Il remettait en doute son honneur, ignorant probablement que, pour Ephemera, l’honneur était un concept creux. Elle le laissa se coller dans son dos, ses mains curieuses glissant sur le corps attirant et élégant de la Dame. Elle sourit, un léger rictus, devant sa menace, et s’écarta de l’homme en se téléportant, l’enveloppant d’ombres, approchant sa bouche de sa nuque, posant pendant une ou deux secondes ses canines sur sa peau, avant de s’écarter à nouveau, aussi facile à toucher qu’un courant d’air.

« Les mots sont du vent, esclave, lui répondit Ephemera, indiscernable, formant des courants d’ombres constants La réputation de ma prison ne vient pas de moi, mais de ceux qui la répandent, des nombreux démons qui viennent demander mes services et mes geôles. »

Il ne l’impressionnait nullement. L’homme était plus fort qu’elle, elle pouvait le sentir, mais elle avait déjà triomphé d’ennemis plus redoutables qu’elle. Son défunt mari, par exemple, ses anciennes sœurs, à l’époque où elle n’était encore qu’une vampire. Ephemera était vicieuse, reconnaissant volontiers être une vraie salope.

« Tu m’amuses, humain, représentant d’une race faible. Pour ça, je vais te montrer le cœur de Drakengord... Et, avec un peu de chance, tu te contenteras simplement de voir sans participer. »

Ephemera réapparut alors, comme si elle sortait du mur, à côté de l’homme, et s’avança, lévitant au-dessus du sol. Elle traversa le couloir, bifurqua sur la droite, et s’approcha d’un étroit escalier en colimaçon, étouffant, et sombre, éclairé par quelques faibles torches. Sans rien dire, elle descendit, et atteignit ainsi les souterrains. Remontant de l’escalier, on pouvait entendre les soupirs des damnés. L’escalier menait à une sorte de pont suspendu au-dessus des cachots. Ces derniers formaient une espèce de curieuse structure sans mur extérieur, le long d’une espèce de montagne. Le plafond comprenait les fondations de Drakengord, d’énormes piliers de pierre s’enfonçant ici et là. Des chaînes pendaient en l’air, et Ephemera posa ses pieds sur le pont suspendu. La couleur dominante n’était clairement pas le noir, mais le rouge. La lumière émanait surtout des rivières volcaniques en contrebas.

« La prison de Drakengord » énonça-t-elle simplement.

Des cages pendouillaient dans le vide, retenues par des chaînes au plafond. Elles étaient étroites, et Ephemera tourna sa tête vers l’une des cages, où un prisonnier se battait avec des harpies, les repoussant. Elles revenaient toutefois fréquemment à l’assaut, le déchiquetant un peu.

« Tous les prisonniers ne subissent pas le même sort. Beaucoup sont ici simplement pour mourir dans les meilleures conditions, mais les prisonniers de marque, ceux qui doivent survivre, sont entreposés dans des endroits où les autres ne risquent pas de les dévorer, et où ils ne seraient pas tentés de se dévorer eux-mêmes pour mettre fin à leurs jours. »

Ephemera observait les différentes cages suspendues avec un certain ravissement.

« N’êtes-vous pas fasciné ? En tant qu’humain, vous devriez l’être. L’humanité a toujours été un rival, dans ce qui concerne l’art d’infliger la douleur. Vous devriez d’ailleurs reconnaître des figures connues, car certains des procédés infligés à Drakengord proviennent directement de vos congénères. La seule différence, c’est que je ne prétends pas apporter la foi. »

La Dame des Ombres avait un peu honte à l’admettre, mais il fallait bien dire qu’en la matière, elle utilisait beaucoup des techniques très diverses inventées par l’Inquisition au fur et à mesure des siècles.

« Le spectacle des damnés hurlant à l’unisson... Voilà ce qu’est l’Enfer : le lieu du regret. En souffrant, ils comprennent ce qu’ils ont perdu, et qu’ils ne pourront plus jamais retrouver. »

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