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« le: samedi 29 août 2015, 22:11:53 »
Dans l'unique œil qui lui restait, on lisait d'abord la résignation d'un vieil homme que les affaires de la guerre ont beaucoup trop affecté, et que les combats en tout genre fatiguent un peu trop. Puis, soudain, c'est comme une révélation : Ses paupières s'ouvrent en grand, et il tape sur son cheval à la crinière à moitié brûlée.
-Loki...
La demoiselle pourra tenter de lui expliquer qu'il n'y a pas que lui, il sait pertinemment qui a commencé ça, parce que c'est toujours lui qui sème ainsi la discorde – et il imagine parfaitement que les autres dieux fripons l'ont aidé dans sa tâche.
L'entrée de l'ermite n'est pas remarquée, tant et si bien qu'il chevauche une rixe qui ne s'offusque même pas de voir le démiurge passer sur eux. S'arrêtant au milieu de la salle, il ramène près de lui la jeune Illythie, murmurant de lui faire confiance. Le chaos règne toujours autour sans qu'ils ne prennent conscience de la puissance du dieu du savoir, et des arcanes qu'il s'apprête à déployer. Avec toute la solennité du monde, porteur d'espoir, il lève son bâton, et le monde retient son souffle comme il le fait lui-même. Et soudain, sans que personne ne s'y attende...
Il pose son bâton à terre avec un petit « poc » inaudible dans tout ce fatras.
-Cessez.
L'effet est misérable et nul n'entend. Il sera même bousculé par Mars qui, s'étant bien vidé les burnes, s'était lancé dans un combat singulier avec Horus, lances et boucliers comme équipements. Odin soupire.
-CESSEZ !
Sa voix est un tonnerre qui gronde, le même dont il insuffla la maîtrise à son fils ; sa colère est soudain mais violente, et la lumière elle-même en est apeurée, et frissonne, la pièce s'étant nettement obscurcie l'espace d'un instant, comme si le soleil s'était voilé par un battement de cil. L'air est devenu lourd et oppressant, les tympans ont vrillé, l'âme de chacun fut prise d'effroi, un choc que peu de bas mortel aurait pu supporter sans défaillir – ou mourir.
Le silence se fait, après qu'une lame soit tombée à terre, qu'un corps, ailleurs, trébuche, qu'un verre s'écroule. On entend toujours Héphaïstos se marrer comme une baleine, baignant dans son vomi dans un coin de la salle.
-Vous êtes des dieux. Votre comportement est indigne de notre race.
-Justement, en parlant de race, ô saint père...
-La ferme, Loki !
Le dieu malin aura senti la poutre se dérober sous lui, comme si la gravité était soudain devenu fluctuente, et n'avait plus été capable de tenir son équilibre, tant et si bien qu'il s'écroulait au sol. Le promeneur du blizzard s'approche de lui, enfonçant l'extrémité de son aide de marche dans sa joue.
-Si j'entends une parole de plus déversée par ta langue de vipère, je cloue celle-ci au marbre de cette salle, et tu rendras compte de ta fourberie en te faisant tanner les fesses à coups de pied.
-Ô Roi, il a raison sur un point. Nous ne cessons de nous dévaloriser sur des affaires de race.
-Vous vous inventez des problèmes. Nous sommes tous différents. Faut-il rappeler qu'au jour du Crépuscule, moi et mes frères mourront au premier coup qui nous sera porté, là où la fin des mondes ne vous empêchera pas de continuer à vivre et à régner. Faut-il rappeler que certains d'entre nous ont droit d'ingérer dans les affaires humains, là où d'autres ne le peuvent pas ? Faut-il rappeler que certains ici sont frères, fils et amis au-delà de ce que nos fidèles croient ?
-Alfadr. Nous nous sommes toujours battus. Justement parce que nous savons que nous pourrons le faire jusqu'à la fin des temps.
-Puis-je émettre une suggestion ? Questionne Athéna.
-Fais donc.
Elle retire sa lance du flanc d'un amérindien, qui gémit, et s'approche de l'ermite.
-Le très sage Odin a raison. Nous nous comportons comme des barbares. Je propose une solution plus juste et plus civilisés. Chaque famille parmi nous désigne un champion, qui lui servira de représentant. Duel global. Celui qui réussit à terrasser tous les autres nous oblige tous à désigner son panthéon comme étant supérieur en toutes qualités, et ainsi, nos différends seront justement réglés.
Alors que des murmures d'approbation animent la foule, Mars, visiblement mécontent, se rapproche d'elle.
-Je suppose que c'est toi qui va y aller pour nous ?
-Evidemment, mon frère.
-DEMI-Frère... Tu te crois plus forte que moi ?
-Je le suis et tout le monde le sait. Au premier coup sous la ceinture, tu t'écroules.
-Peut-être que les autres guerriers seront moins déloyaux que toi ?
-La déloyauté n'existe pas au combat. Ce qui importe c'est de vaincre.
Odin portera son regard sur Zeus, qui hausse les épaules : Il n'a aucun contrôle sur ces deux-là. L'un est un rustre qu'aucune laisse ne pourra tenir, l'autre est bornée comme pas deux en ce monde, et, il doit l'admettre, il l'aime trop pour la gronder. Père démissionnaire ?
Alors que le brutal bretteur s'est permis de prendre le bras de sa parente pour la faire s'éloigner de son chemin, celle-lui lui aura retourné le poignet ; un coup de lance à l'arrière des genoux pour lui faire perdre ses appuis, puis il fait basculer le corps lourd au-dessus de son épaule, qui s'écroule misérablement par terre. Elle le traîne alors jusqu'à la falaise. Il se débat. La lance au visage le calme quelques secondes, juste de quoi faire pencher la moitié de son corps au-dessus du vide, retenant le reste par la ceinture.
-Tu vas te calmer ?
-Va te faire foutre !
-C'est vilain, ça... Méchant Mars. Si je te lâche, tu mets combien de temps à remonter ?
Elle n'aura pas le temps d'une parole de plus qu'Odin ose lui tirer une oreille en guise de reproche, récupérant le dieu guerrier de l'autre main pour le ramener complètement à terre.
-Vous êtes deux enfants.
Il revient au centre de la pièce, reprenant Illithye par les épaules.
-Je suggère d'écouter de ce que notre très jeune amie dira. Je suis sûr que sa parole sera aussi sage que la mienne.
Et, comme pour lui insuffler son pouvoir, il passe une main tendre sous son menton, et dépose un baiser sur son crâne.
-Parle.