Triste journée, aujourd'hui. Cérémonie funèbre pour Paul Hersant, le doyen de la communauté française de Seikusu. C'était devenu un proche ami ; après m'avoir aidé à m'installer et à prendre mes repères, lorsque je suis arrivé , il m'a ensuite introduit, si l'on peut dire, auprès de délicieuses créatures, peu farouches dès lors qu'on était parrainé. Mon seul regret est de ne pas lui avoir avoué, avant sa mort, que sa jeune épouse était une vraie perle, intimement aussi. Mais, pas envie de consoler la veuve joyeuse, ce soir.
L'église s'est vidée, ce soir. Le soleil descend à l'horizon, très éclairé encore. Hormis la journée particulière, j'aime ces moments, où la ville s'endort, où les bruits s'estompent. La bâtisse n'est ni entourée du brouhaha quotidien, ni perdue dans la campagne. Tout est équilibre, au contraire de mes aventures féminines, assez hétéroclites. Entre les chaudes lycéennes de Mishima, vraiment le feu au cul, et les grenouilles de bénitier qui crient « je jouis ! » dès que je frôle leur jupe, je songe, parfois, qu'une femme simple, à la présence plus assidue, embellirait mon quotidien, sans que Rome n'en sache rien.
22 heures ont sonné, je ferme l'une des grandes portes, mais je remarque que sont restées allumées trois bougies, au pied de la statue de Sainte Rita. Je suis très attentif à cela, tout doit être éteint chaque soir. J'y cours, éteins ces dernières lueurs, me signe. Oui, la solitude, souvent à cette heure, me pèse, et ce ne sont pas les quelques lycéennes qui ont égayé mon lit, dans la sacristie, qui comblaient cette solitude. Pourtant, ce soir, un bruit me saisit, comme un flottement léger, suivi d'un choc sourd. Parfois, certains oiseaux se cachent dans les étages, peut-être eux...
Mais, en revenant vers la porte, je vois une masse au sol, un humain recroquevillé, sans doute le vieux Hironiko qui, certains soirs où le cafard lui a fait ingurgiter quelques bouteilles, cherche un dieu à qui se vouer, au moins pour la nuit. Combien de fois l'ai-je déjà relevé, porté ou plutôt traîné, pour l'allonger sur un banc jusqu'au lendemain ?
Mais, là, il ne porte pas sa tenue habituelle, grise et élimée. Plus j'approche, plus je réalise ma méprise. Une femme ! Une jeune femme ! Pieds nus. Accrochée, comme elle le peut, au battant de porte déjà fermé. Et je devine, sous le léger éclairage du porche, des habits trempés. Vite ! L'autre battant, je le ferme. Elle respire vite, elle semble à peine tenir debout.
"Accrochez-vous à moi !", je prends son bras, le passant au dessus de mon épaule, la soulève, très légère, comme si elle n'avait pas mangé depuis un moment. Ses vêtements sont, en effet trempés, et mon sobre habit sacerdotal n'est pas vraiment étanche. Mais peu importe ! Je parviens à la porter jusqu'à la sacristie, la dépose sur le vieux canapé.
Elle tremble, elle est livide. Je remonte le chauffage. Je ne la connais pas, mais elle ne doit pas rester comme ça. Je prend vite deux serviettes restées au chaud sur la vieille cuisinière à bois, et lui en tamponne visage et cheveux. Elle n'est pas évanouie, mais semble sans réaction.
Je dois la sécher toute entière, je dégrafe le haut de sa robe, et, ô Dieu, oui je blasphème, mais ces seins, quels seins ! Une de ces paires de globes comme il doit en exister peu, une œuvre d'art de la Création. Ils sont humides sous le tissu ; sortant de ma béatitude, je les essuie aussi, son dos ensuite. La robe est à sa taille, il faut que je continue, pour vraiment la sécher. Mais ai-je le droit ?
"Oh Dieu, je ne fais qu'oeuvre de charité", et, soulevant ses fesses du canapé, je fais glisser la longue robe trempée, jusqu'au sol. Eh ben, je vais de merveilleuses découvertes en délicieuses découvertes!