Une légère fumée bleue s'échappait des lèvres de Grayle. Le voyageur n'avait jamais vu celà. Il a l'habitude d'arpenter des endroits neigeux mais généralement, la respiration émet des volutes blancs. Ici, dans ces terres glacées, vides et plus ou moins hostiles, son souffle se transforme en une danse aérienne turquoise. Encore un autre mystère hors de sa portée. Surtout qu'il n'y a pas grand monde ici pour lui expliquer le pourquoi du comment. Où qu'il regardait de ses yeux bleus, Grayle ne voit que du blanc, parfois parsemé de tâches vertes et marrons représentant les arbres, et surplombé d'un ciel gris aux nuages poussés par un vent constant. Il n'a pourtant pas froid.
Naturellement résistant à ce genre de désagrément, Grayle porte encore plus de vêtements qu'un petit enfant de 8 ans fils unique et pourri gâté qui part pour la première fois au ski sous la surveillance d'une mère paranoïaque. De solides bottes de fourrure, une armure de cuir résistantes et un grand manteau de toile doublé de laine avec capuche qui recouvre tout son corps. Ajouté à son écharpe rouge sur le bas de son visage, Seuls les yeux et le haut du nez de Grayle sont visibles. Son sac à dos avait été enfilé par dessus son manteau... de même que l'énorme épée qu'il portait.
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Rangée dans un vieux fourreau élimé et usé, l'épée pèse son poid. Dépassant les deux mètres pour les 8 kilos, elle est grande, bien trop grande pour Grayle et, quand bien même il la porte en diagonale, elle dépasse de plusieurs dizaines de centimètres de chaque côté. Sa démarche, son souffle en sont affectés. Que ferait un jeune homme avec une telle arme de guerre dans une contrée aussi éloignée ? Mystère.
Clignant des yeux, Grayle aperçoit un champs. Que diable fout une culture ici ? Est ce qu'il existe une seule variété de plantes, de céréales ou de légumes capable de résister à un tel froid ? Poussé par la curiosité, il s'y avance, la grande épée derrière lui faisant plier les tiges de céréales inconnues.
" Il me faudrait un plan aussi... je suis à peu près sûr d'être perdu. " Voilà plus de trois semaines qu'il errait sur les terres gelées, et il n'avait pas rencontré âme qui vive. La solitude complète, à laquelle il avait été plusieurs fois habitué, infectait sa psyché, et il parlait tout seul à voix haute, parfois même à quelqu'un que seul lui pouvait voir ou entendre. Il erra ainsi quelques minutes, avant de percuter (ou d'être percuté, il n'en était pas sûr et il n'avait pas de contrat à l'amiable sur lui pour établir les faits) un gros loup... ou chien... à la fourrure noire, blanche et aussi bleue.
" WHOAH ! "
Complètement pris par surprise, Grayle bondit en arrière comme un chat avant de retomber sur ses pieds, mains devant lui. Il fixait l'animal avec crainte et fascination. Il avait vu nombre d'espèces de chien, mais celui ci était inédit pour lui. L'animal le fixait avec détermination, le poil épais et hérissé, grondant, sa queue battant furieusement le sol. La bête était colossale, bien plus grande que lui, plus proche du cheval que du chien niveau gabarit
" Qu'est ce qu'un animal comme toi fait ici tout seul ? " demanda t-il à haute voix. Il pensait que ce genre de bête était en meute. Etait-elle perdue ? Il essaya de s'avancer, mais le grognement le fit reculer. Il se remit à parler. La lueur d'intelligence qu'il percevait l'encourageait à agir ainsi. Rapidement, la tension descendit, et Grayle fixa l'animal avec calme.
" Calme... je ne te veux pas de mal. " Il regarda la terre retournée et les traces de neige sur le museau du chien-loup géant non identifié. " Tu as faim ? " Il tapota le sac épais mais sans aucun poid qu'il y avait dans son dos, en dessous de l'énorme épée qu'il trimballait. "J'ai un peu de viande si tu veux... " dit-il avec un sourire encourageant sur le visage. "Alors s'il te plaît, n'appelle pas ta meute. Je ne suis pas comestible. "
" D'accord. " répondit Grayle en la regardant se transformer, ne perdant pas une goutte du spectacle. Puis, avec soin, il reprit ses affaires, enfilant la sacoche, le sac, et le fourreau de l'épée, rabattant la capuche sur son visage. Le tout enfilé, on ne voyait de lui, encore une fois, que ses deux yeux et quelques mèches de brunes. Il regarda la louve quelques instants.
" Je t'avoue que je n'ai pas l'habitude de chevaucher ce genre de monture. " dit-il, avant de se hisser sur son dos, poussant un "wooo... " lorsqu'elle se redressa. Il prit une bonne vingtaine de secondes à bien se mettre en place, cherchant une position stable pour lui et qui ne gênerait pas Shad. Elle fit quelques pas, afin qu'ils puissent vérifier s'il tenait en équilibre, avant de trotinner en rond dans la grotte. Pneché en avant, il agrippa à la fourrure de Shad, ne tirant pas les poils, mais la tenant à la base de sa peau.
" Vu le blizzard, on ne serait peut-être même pas en mesure de se comprendre. Si tu sens que je tire plus fort vers la droite (il agrippa plus fortement la fourrure, la faisant grogner), ou la gauche, c'est qu'il faut aller dans cette direction. Je serais tes yeux pour ce qui se passe derrière nous. ok ? "
Elle hocha la tête.
" Bien. Alors... en route, et à tout à l'heure. "
Shad et Grayle (enfin, Shad) fit quelques pas, se positionnant devant la sortie de la grotte. D'un coup, elle s'élanca vers le mur de feu, qui disparu au dernier moment.
Le froid.
Le vent.
Grayle s'y était attendu, mais c'était encore pire que ce qu'il pensait. C'était une vraie tempête, un ouragan glacial qui lui fouettait le visage. En un instant, ils furent couverts de neige.
Etre ses yeux ? AH ! Il ne voyait rien à cinq mètres !
Malgré ca, malgré la violence du vent et du froid qui mordait et brûlait Grayle, Shad s'élanca, vive et puissante, vers la gauche. Un rugissement se fit entendre et ils virent une forme noire à travers le brouillard. Grayle en avait le corps qui vrillait, et la première impulsion de Shad manqua de le désarconner. Un énorme fracas se fit entendre alors que le montre pulvérisait l'entrée de la grotte derrière eux, leur laissant un peu d'avance.
Grayle avait déjà chevauché des chevaux, d'autres créatures plus exotiques et même des motojets. Mais la sensation de vitesse dégagée par Shad, lancée dans une course folle à travers les pentes neigeuses, était incroyable, grisante même. Il lanca un hurlement libérateur qui, dans le blizzard rugissant qui les suivaient, fut totalement inaudible. La vue était déjà un peu plus dégagée alors qu'ils tournaient le dos à l'horreur qui les poursuivaients. Arbres, souches et roches défilaients devant leurs yeux, Shad changeant souvent brutalement de direction face à un obstacle surgissant par surprise.
Grayle se retourna à un moment. Il ne distingua rien derrière eux.
Seulement le bruit des arbres se faisant pulvériser.
La course poursuite dura un temps indéfini. Le vend froid, la neige, le bruit, la course effrénée de la louve, tout se mélangeait dans un torrent de sensations. Mais Grayle, qui n'était au final qu'un humain, malgré tout son équipement, malgré les affres des éléments, tint le coup, les yeux exorbités pour se concentrer. Il ne tombait pas. Au contraire, même, son corps épousait de plus en plus les formes et les gestes du corps lupin sous lui. Son destin était entre les mains de Shad, et il faisait tout son possible pour ne pas être une gêne. Le vent fouettait ses yeux. Il voyait distinctement le pelage noir et bleue de la louve et les arbres, qui semblaient voler vers eux.
Puis, d'un coup, les plaines.
Dans une brutale transition, ils sortirent de la forêt. Devant eux, un immense lac, gelé, et les montagnes. Un paysage vide, brutalement vide et solitaire, mais magnifique.
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Il sentit Shad hésiter, un tout petit instant, avant qu'elle ne reprenne sa course. Elle fatiguait. Il le savait. La course-poursuite durait maintenant depuis presque une demi-heure. Grayle se retourna, et flatta sa monture entre les deux oreilles.
Ils gagnaient du terrain !
Sur la plaine, sans les obstacles et les changements brutaux de direction, Shad gagnait du terrain ! Elle était plus rapide ! Rapidement, ils prenaient de l'avance. 40 mètres. 50 mètres. 100 mètres. 150 !
Ils serait bientôt face au lac, et il savait que Shad hésitait à le contourner ou à continuer tout droit. Il cria.
" TOUT DROIT SHAD ! IL EST PLUS LOURD ! IL NE POURRA PAS LA TRAVERSER ! "
Enfin... il fallait l'espérer. Il s'époumona. D'un seul coup, sa voix, douce et claire, devint grave et roulante comme le tonnerre, la voix d'un homme ayant adulte et fort, d'un vétéran de la vie.
" JE SAIS QUE TU PEUX LE FAIRE ! "
Il lui lança un regard faussement courroucé à l'évocation de sa régénération.
" Je prend beaucoup de calcium, ok ? " dit-il d'un air faussement énervé. " Je te passerais ma recette si tu veux. " Il regarda autour d'eux, l’œil aux aguets, recoiffant un peu ses cheveux qui partaient dans tous les sens.
" Mais plus tard. "
Il agita ses doigts de main et de pied. Bon. Rien n'était cassé. Il regarda Shad, qui, elle aussi, avait des traces de blessures.
" Et toi, petite louve, rien de cassé ? " Il lui fit un clin d'oeil mi coquin-mi moqueur avant de la dépasser, son épée large cognant légèrement dans son dos. Le sol, d'obsidienne, était dur et couvert de feuilles automnales. Les arbres, denses, et les deux bipèdes étaient régulièrement obligés d'en éviter un ou deux sur leur route. Ils pouvaient tous les deux entendre des chuchotements étherés, suivis de quelques rires féminins, et de sifflements, qui rappellaient à Grayle ces épais serpents géants qu'il avait déjà croisé. Il était impossible de ne pas se sentir observé et mal à l'aise, car, en dehors de ces quelques échos de voix humaines, seul un silence de plomb émergeait de la forêt. Ils marchèrent ainsi pendant une demi-heure, en ligne droite.
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" Je me demande d'où viens la lumière ici... et comment ces arbres font pour pousser... " Il réfléchissait à voix haute, comme s'il remarquait à peine la présence de Shad. Puis il se tourna vers elle.
" Si tu pouvais te transformer, ton odorat aurait pu aider... hélas, mes sens à moi sont limités. " Il inspira un grand coup.
" Hum... vu qu'on est déjà découvert... autant annoncer sa venue. " Il porta ses mains autour de sa bouche en porte-voix. La voix claire de Grayle devint tempétueuse, grave et puissante, roulant comme l'orage alors que l'écho se répercutait encore et encore dans la forêt.
" HEHOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO ! "
Pas une seule réaction. Même pas d'oiseau qui s'envole. Rien. Shad le regardait avec des yeux ronds. Si la forêt était hostile, ce qu'il faisait était purement du suicide. Puis, d'un coup, le bruissement des feuilles et des branches. Les arbres semblaient parler entre eux, et, sans qu'ils ne s'en rendent compte, Grayle et Shad se retrouvaient dans une clairière. Les arbres, s'étaient legèrement écartés.
Grayle prit en main son épée à deux mains, et la tira, dévoilant la lame aux runes bleutées. Il se rendit compte, en regardant la lame, qu'il avait déjà vu ces runes.
Dans le "couloir" menant à la forêt. Il planta l'épée dans le sol, la tenant fermement par le manche.
" Est ce que cette arme vous dit quelque chose ? "
Il ne savait pas à quel "vous" il s'adressait. Mais espérait bientôt le savoir.