Les contrées du Chaos / Re : Une question de calibre (Sarah)
« le: dimanche 21 juin 2020, 19:47:17 »Le contrat scellé par une poignée de main ferme, l’estomac du mercenaire gargouilla bruyamment à l’évocation du repas, lui tirant un vilain rictus.
- J’en connais un qui apprécie particulièrement l’idée du repas. Il faut dire que la route fut longue et le déjeuner… frugal.
Il marqua une brève hésitation puis haussa les épaules. Il avait failli accepter l’idée d’aller chercher Dwylidian immédiatement mais s’était ravisé. Après tout, il avait déjà payé pour une journée complète de soins à l’écurie et ne serait probablement pas remboursé. Autant que son compagnon équin profite d’un repos bien mérité. Il reviendrait le chercher à la fin de la journée. Et comme ça il en profiterait pour libérer la chambre qu’il avait réservé à l’auberge. Heureusement qu’il ne l’avait pas payée d’avance !
- Après vous gente dame. Vers l’aventure et le repas !
Ouvrant la porte de la boutique, il la tint ouverte en s’inclinant de manière exagérée. Une bouffée de parfum floral chatouilla agréablement ses narines sensibles lorsque Sarah passa devant lui puis il se redressa et la suivit dans les rues de la petite ville, au milieu des embruns venus de la mer et de la chaleur qui se réverbérait sur les murs des maisons. Ils n’eurent pas longtemps pas longtemps à marcher, la maison de la jeune femme ne se trouvant qu’à quelques mètres de sa boutique, légèrement en retrait du village. Un emplacement agréable et pratique qui plut au mercenaire. Au moins n’aurait-il pas besoin de se lever aux aurores pour aller ouvrir la boutique. Même si à vrai dire il comptait tout de même se lever tôt, par habitude.
A l’invitation de son hôtesse, il pénétra dans la demeure, regardant autour de lui avec curiosité. La bâtisse était étonnement grande pour une personne seule, suffisante pour une petite famille. Sans doute Sarah l’avait-elle héritée de ses parents ? Ou alors son travail payait suffisamment bien pour qu’elle puisse s’offrir une maison confortable. Car celle-ci l’était. Spacieuse juste ce qu’il faut, bien orientée, joliment meublée, elle semblait imprégnée de la personnalité de sa propriétaire. Zorro s’y sentit rapidement à l’aise, en dépit d’une légère gêne. D’une certaine manière, elle lui rappelait son vieux domicile. En plus grand.
- Jolie maison. On s’y sent bien, commenta-t-il avec un sourire sincère.
Incapable de rester en place sans rien faire, il proposa son aide pour faire le repas et se retrouva à mettre le couvert pour eux deux, tandis qu’une douce odeur de nourriture se répandait dans la maisonnée. Le repas fut tranquille, ponctué de conversations légères et de plaisanteries. L’aventurier se régala. Cela faisait plusieurs semaines, si ce n’est plusieurs mois, qu’il n’avait pas mangé en aussi charmante compagnie, et il se rendait seulement maintenant compte que cela lui avait manqué. N’en déplaise à Dwyl’, mais les chevaux n’ont pas une conversation particulièrement intéressante, à plus forte raison que l’aventurier ne comprenait pas leur langue.
Il en profita pour lui poser diverses questions sur le travail qu’elle attendait de lui, conscient tout de fois que ses tâches seraient sans doute amenées à évoluer, et l’interrogea courtoisement sur elle-même. Depuis combien de temps exerçait-elle ? Vivait-elle seule ? Comme en était-elle venue à concevoir ses œuvres ? Qui lui avait appris son art ?
Le repas fini, ils firent la vaisselle ensemble, l’armurière fit visiter les lieux à son invité, lui indiquant l’endroit où il dormirait et les pièces essentielles à toute maison, comme les lieux d’aisance, puis ils retournèrent ensemble à la boutique.
Ils y restèrent tout du long de l’après-midi. Parlant peu et observant beaucoup, Zorro la regarda travailler en silence, admiratif devant sa dextérité et sa concentration, discrètement charmé par la courbe de sa nuque lorsqu’elle penchait la tête sur son travail. Lorsqu’un client entrait dans la boutique, faisant sonner joyeusement la petite clochette suspendue à la porte, il s’effaçait dans un coin, suffisamment loin pour ne pas gêner le client mais assez proche pour regarder comment Sarah agissait.
En somme, la plupart du temps, le travail était assez simple : écouter le client, noter la commande, le conseiller au besoin – chose que Zorro apprendrait sur le tas – puis lui souhaiter une bonne journée. Vraiment rien de bien sorcier !
La fin de la journée approchant, Zorro s’éclaircit la voix.
- Je vais te laisser si tu veux bien. J’avais réservé une chambre à l’auberge, il vaut mieux que je décommande avant qu’il ne fasse nuit. Que l’aubergiste puisse donner la chambre à quelqu’un d’autre ! On se retrouve chez toi. Et je te présenterais Dwylidian !
Chose dite, chose faite. L’aubergiste lança un regard dépité au mercenaire mais ne protesta pas, et Zorro arriva à la maison de l’armurière quelques minutes plus tard. Avec un demi-sourire amusé, il présenta le hongre à la jeune femme.
- Dwyl’, voici Sarah. Nous allons rester chez elle quelques temps. Sarah, voici Dwylidian, aussi appelé Dwyl’, un ami fidèle.
Un ricanement lui échappa. La pistolero ne pouvait pas le savoir, mais dans la langue paternelle du voyageur, dwyll’ idian signifiait justement « ami fidèle ». Même si en l’occurrence cette amitié était fort récente.
Les présentations faites, le mercenaire conduisit son compagnon sur le terrain attenant à la maison et le descella. La bête était propre et bien nourrie – il avait bien fait de la laisser à l’écurie – aussi n’eut-il pas besoin de faire sa toilette. Quelques caresses, deux trois mots, puis il lui souhaita bonne nuit, emportant l’encombrante selle avec lui, la portant comme si elle n’avait pesée guère plus de quelques dizaines de grammes. Il la posa dans sa chambre et en profita pour ôter son armure et l’ensemble de son équipement, ne gardant à la taille qu’une ceinture légère et un poignard. Non pas qu’il se sente en danger, il ne s’agissait là que d’une simple question d’habitude. Après une brève hésitation, il retira aussi ses bottes, poussant un soupir de soulagement lorsque ses pieds quittèrent leur carcan de cuir. Ses chausses avaient beau être confortables, il était bon de les enlever après une longue journée de marche.
Pieds nus, il quitta la pièce et se mit à la recherche de son hôte. Ne la trouvant pas, et supposant qu’elle devait soit être dans sa chambre soit en train de se laver, il se mit à cuisiner en l’attendant, puisant dans les ingrédients qu’il avait tiré de ses sacoches de selles.
Bientôt une douce odeur émana des fourneaux alors qu’il préparait un ragoût tout simple, l’agrémentant d’aromates. Fouillant dans la cuisine, il dénicha quelques légumes, qu’il coupa grossièrement et ajouta à la préparation. Il finissait de mettre la table et de goûter sa préparation quand l’armurière réapparut.
- Pile à l’heure pour le repas ! Je me suis permis de t’emprunter quelques légumes pour le ragoût.
Galant, il lui tira une chaise et attendit qu’elle s’installe avant de sortir la marmite du feu. Le repas, simple mais savoureux, se déroula comme celui de midi, à la différence près qu’il y eu cette fois de nombreux restes. C’était là le grand défaut de Zorro lorsqu’il faisait la cuisine pour plus d’une personne : il en faisait toujours trop !
Repas fini, vaisselle faite, le voyageur alla prendre une douche, prenant plaisir à sentir l’eau chaude couler sur son corps, dessinant des sillons humides sur sa peau bronzée par le grand air, glissant dans les creux de ses muscles et le lavant de la crasse de plusieurs jours de voyage. Ce n’est qu’en sortant de l’eau, encore dégoulinant, qu’il s’aperçut qu’il avait oublié un léger détail. Entrouvrant la porte de la salle de bain, il glissa la tête et une partie du buste par l’entrebâillement et lança.
- Euh Sarah ? Je suis désolé, mais aurais-tu une serviette à me prêter ? Complètement oublié d’en prendre une avant …
Il espérait qu’elle pourrait lui en fournir une. Sinon tant pis, il filerait aussi rapidement que possible dans sa chambre et se sécherait naturellement. Par chance, il faisait encore bon.