« Est-ce qu’elle va bien ? »
« Nous allons la conduire à un temple médical afin de la soigner. »
Si Serenos avait eu l'énergie d'envoyer le vieil elfe aller se faire voir chez les siens, mais la migraine était encore bien présente, mais même s'il assurait que Veronique était en parfaite santé, l'elfe aurait insisté, par précaution. Il y avait énormément de méfiance entre eux, pour Serenos parce que l'Omniprêtre était un homme des "dieux", que Serenos considérait comme de hauts esprits qui ont prit la grosse tête, et pour l'Omniprêtre parce qu'il voyait Serenos comme un mage noire, un nécromancien, un blasphémateur et un hérétique, ce qu'il était, dans le sens large du terme.
La magie noire était en effet une des choses que Serenos utilisait fréquemment. Conformément à la description même de ce que le monde s'attendait de la magie noire, c'était une forme de magie qui avait de très graves conséquences. Elle était puissante, assurément, mais elle venait avec un prix que seuls les plus braves, ou les plus fous, étaient prêts à payer. Serenos se plaisait à croire qu'il était un peu les deux à la fois. En soit, l'Omniprêtre avait d'excellente raisons de se méfier de Serenos. Encore assis sur le siège, le visage de Serenos était encore secoué de spasmes involontaires alors qu'il luttait contre les effets de l'esprit de la jeune Terranide sur lui. Serenos entendit également la voix d'Alice s'élever, aggravant son mal de tête. S'il n'était pas en ce moment aux prises avec l'une des pires expériences mentales de sa vie, il lui aurait assurément ordonné de se taire, mais les tons se baissèrent avant qu'il ne dise quoi que ce soit. Son esprit atteignit enfin une certaine clarté, juste à temps pour qu'il aperçoive un être de lumière passer entre la princesse et son père. L'être lui accorda un regard chargé de mépris, une chose que le Roi lui rendit avec méfiance, avant de se masser les tempes et jouer de la mâchoire. Après quelques secondes, le Roi se redressa enfin.
"Quoiqu'il en soit, Princesse..."
Toujours aussi étourdi, il tituba encore et se rattrapa en plantant le bout de son fourreau dans le sol, comme une canne, pour s'éviter de s'écraser au sol. Il prit une lente inspiration pour contrôler sa nausée avant de ramener le regard vers la Princesse, s'efforcant de sourire pour elle.
"Nous sommes tous vulnérables. S'il n'en déplait à votre père, le Roi, je ferai déplacer mon fils, Grymauch, pour qu'il agisse en tant que mon intermédiaire en Sylvandel. Il n'a aucun talent magique, mais c'est un brave garçon et il a eut son lot d'expérience."
Il disait "garçon", mais Tywill avait déjà rencontré le Roi-Servant des Trois Royaumes. Appeler Grymauch un "garçon" revient à appeler un Ours de la Forêt Noire un "ourson". Contrairement à son père, qui était plutôt dans la moyenne de la taille humaine, Grymauch était un géant de deux mètres avec une musculature forte. Sans être du gabarit du Roi de Sylvandell, il restait un homme d'une carrure impressionnante. Si Serenos offrait la présence de son fils, c'était pour deux raisons; la première était qu'il n'avait aucune capacité magique, et la seconde... il n'y avait personne de plus fiable et honnête que Grymauch, et depuis le temps qu'il avait envie de visiter Sylvandell, ce serait l'occasion parfaite pour lui. Cela lui rappela d'ailleurs une autre chose; il était aussi censé s'informer des procédures pour autoriser une nièce et un militaire Sylvandin à se faire la cour sans risquer d'être soupçonné d'espionnage. Mais ce n'était peut-être pas le meilleur moment pour en parler.
Entretemps, pendant qu'ils parlaient, Veronique se tira de son sommeil et se redressa sur les pieds. Elle s'examina le torse, le dos, la queue, les jambes... tout était à sa place, rien de gravissime à signaler, ce qui était, en soit, une excellente nouvelle. La petiote leva les bras en signe de victoire, ayant visiblement complètement oublié ce qui lui était arrivé. Serenos lui adressa un regard puis fit apparaître sur elle un grand pull blanc pour sauvegarder sa pudeur alors qu'elle marchait vers Alice et s'empressa de se jeter dans ses bras.
Le Roi s'approcha lentement de Veronique et passa une main sur son cou pour défaire son collier, elle se mit à remuer et aboya en se tortillant, le forçant à lutter contre elle, parvenant enfin à arracher l'objet. Dès que le collier quitta sa peau, la chienne s'effondra contre Alice, soudainement toute molle, mais expirant avec soulagement. À l'endroit où se trouvait le collier précédemment, le Roi nota des marques violacées. Claquant de la langue, il les effleura du doigt et elles se dissipèrent magiquement, provoquant d'autres soupirs de soulagement chez la jeune chienne. Le Roi remarqua alors des épines à l'intérieur du collier et grommela avant de le passer à son poignet, sans hésiter. Les épines s'enfoncèrent dans sa chair et il grommela de douleur un bref instant. Quelque chose effleura son esprit, l'espace d'un instant, avant de se dissiper complètement. Il jura et retira le collier de son poignet avant de le tendre au Roi de Sylvandell.
-Je ne veux pas sembler paranoïaque, messires, mais j'ai la conviction qu'on nous a écouté. Le plus tôt nous nous mettrons en route, le mieux ce sera.
Il se tourna vers Veronique et, avec un grand sourire, lui caressa la tête et les oreilles en lui parlant énergiquement.
-Et toi, ma petite puce, tu vas rester bien sage et faire ce qu'Alice te dit. C'est qui le bon chien? C'est qui? Oui, c'est toi, oui.
Veronique poussa de petits couinements joyeux et lécha le visage du Roi de Meisa alors qu'il jouait avec sa tête et ses oreilles, participant gaiement au jeu. Serenos leva les yeux vers la Princesse.
-J'ignore si vous comptez vous débarrasser d'elle, mais si j'étais vous, je la garderais encore un peu. Je ne sais pas comment elle a fait pour détecter le danger que représentait Thomas, mais dans l'optique où cela pourrait se reproduire...