[PV] Breath... {Intro}

Un bain chaud. Brulant, même.

Ciara était assise dans la baignoire, les jambes ramenées contre elle autant que possible. Les yeux clos, elle repensait à ce qui s'était passé dans la journée, et la fatigue reprenait doucement le pas. Cette nuit, elle ne sortirait sans doute pas... Elle poussa un nouveau soupir, et s'enfonça un peu plus dans l'eau. Ses yeux clairs se rouvrirent pour fixer un point invisible devant elle.

Gabriel Valmy était un monstre. Un homme que Ciara espérait secrètement ne jamais revoir. Il l'avait mise dans une situation des plus gênantes, dans le seul but de s'amuser. Evidemment, la gêne de Ciara, et l'humiliation qu'elle subissait, était proportionnelle au pied qu'avait pris l'inspecteur... Cela avait été une nuit cauchemardesque, il n'y avait pas d'autres mots. Tout était finalement rentré dans l'ordre, bien entendu, et Ciara s'en était sortie sans trop de bobos, hormis...

... Hormis cette horrible trace de morsure. Ciara étouffa un nouveau sanglot. Ce n'était pas censé être grand chose, elle n'aurait jamais du s'en formaliser pour "si peu", mais... L'air de rien, ce monstre lui avait volé son premier baiser. Au travers d'un scotch, certes, mais ça n'excusait rien...

Tout avait été de travers, elle qui avait tant espéré que tout aille pour le mieux. Dieu, qu'elle se sentait misérable !!! Et elle ne parlait même pas de son entrevue avec Dick Grayson, après. Cette journée avait été horrible. Et si Ciara n'aimait pas se morfondre sur son propre sort en temps normal, elle ne pouvait s'empêcher d'être un peu déprimée. Une fois que l'eau chaude eut fait son office, de détendre tous les muscles de son corps fatigué, Ciara se leva, enfila un peignoir, et s'isola dans sa chambre. On lui envoya un repas, auquel elle toucha à peine. Non, ce dont elle avait le plus besoin, c'était d'une bonne nuit de sommeil. Et d'ailleurs, sa tête avait à peine touché le coussin qu'elle s'endormit aussitôt.


Le soleil était à peine levé que Ciara s'étirait déjà dans sa chambre. De toute façon, tout le dojo s'éveillait au même moment, pour l'entrainement matinal. Elle commença par en faire le tour, dans un petit trot, agrémentant sa course de quelques roulades et autres torsions gymnastiques... S'ensuivirent les corvées matinales, puis le petit déjeuner. Puis, les portes du dojo furent ouvertes aux élèves, et Ciara était partie se doucher rapidement avant de bander sa poitrine, et d'enfiler un kimono. Un peu à l'écart du groupe, dans le petit jardin qui jouxtait la salle d'entrainement où plusieurs disciples s'échauffaient, elle effectuait quelques exercices de taichi chuan. Visualiser sa force intérieure, l’apaiser, l'ordonner... Un exercice rigoureux auquel elle décidait de se plier, parce que cela l'aidait réellement à canaliser sa force. Et ainsi, à faire davantage attention quand elle devait porter ses coups.

Ses mouvements, elle les effectuaient les yeux fermés. Ciara se concentrait sur sa respiration, sur la souplesse de ses membres. Intérieurement, elle assénait sa conscience de toujours faire attention aux autres, parce que c'était tout ce qui comptait. D'ailleurs, son pied se posa doucement au sol, sa main avança dans un mouvement rapide mais fluide, et s'arrêta devant quelqu'un. Ciara n'avait pas besoin d'ouvrir les yeux pour sentir une présence, mais une fois que son regard se posa sur lui, elle se retrouva vraiment figée, sans pouvoir bouger.

Et une fois la surprise passée, Ciara se redressa, et s'inclina.

- Bonjour, Grayson-san... Je... je ne pensais pas vous revoir si vite..."

En se redressant, l'américaine avait laissé sa coiffure cacher une partie de son visage... Là où sa lèvre était encore rougie par une certaine morsure.

L’aube se levait à peine et Dick n’avait pas dormi. Il bouillait intérieurement contre Gabriel. La nuit prochaine, il avait bien envie de se balader sur les toits et lui tomber sur le râble…. Oh oui !  Quelle excellente idée !  Toujours est-il qu’avant de dormir, il se disait pourquoi ne pas y aller… Mais aller où ?  Allons, vous n’avez pas deviné ? Une jeune femme lui avait donné un nom de dojo et il voulait s’y rendre. C’était purement et simplement de la curiosité. Il avait de solides connaissances en kempo, mais kempo kai, il ne connaissait pas, alors forcément, il était curieux, très curieux… Il se demandait surtout où se trouvait la différence avec le kempo traditionnel. Peut être y avait-il certains mouvements de karaté dans le lot…. Après tout, ces japonais mettaient leur karaté à toutes les sauces !

A peine plus de vingt quatre heures s’étaient écoulées depuis les tristes évènements. Il plaignait vraiment la pauvre Ciara Macross… ll la plaignait particulièrement…. Elle avait dégusté pendant cette nuit…. Et même trop, pour lui, Gabriel avait dépassé les bornes beaucoup trop. Mais de son côté, il n’avait pas eu le temps de faire quoique ce soit en fait… mais Gabriel ne perdait rien pour attendre… vu son comportement il devait sacrément complexer sur la chose…. Un comportement comme signifie qu’on a quelque chose à compenser en général, un sacré manque… cette idée le fit sourire. Il fallait mieux en sourire qu’en pleurer, non ? Même si des larmes n’étaient pas moins courageuses qu’un rire. Non, ne fait, il se demandait comme elle avait résisté… il la trouvait très courageuses, se taire et s’écraser ça demande une force morale énorme…. Qu’il n’avait pas !

Avant de venir au dojo dont lui avait parlé la jeune américaine, il avait fait un peu de repérage et s’était renseigné sur les  horaires : résultat, il venait à l’aube, c’était l’heure qui l’arrangeait le plus en fait… dès l’ouverture. Il était juste passé chez lui récupérer son kimono, un kimono noir fait sur mesure, un kimono de ninjutsu en fait, mais c’était le seul qu’il avait. Ensuite, il était venu ici et avait attendu l’ouverture pour entrer avec les autres élèves.

Les lieux étaient simples, le dojo japonais tout ce qu’il y avait de plus traditionnel en fait. Il observait alentour avant de demander à un des élèves qui entraient, lui demandant où trouver Sakuragi sensei. Il lui indiqua l’arrière du dojo, il était souvent dehors avant les entrainements classiques avec les autres.  Il remercia d’un signe de tête avant de se diriger vers l’arrière, reconnaissant certaines situations mises en place comme étant celles d’entrainement intensif. C’était amusant, on aurait dit ce que lui préparait Bruce avec un il ne savait quoi d’enfantin en plus… il sourit et s’arrêta pour  faire quelques pompes sur les rondins prévu à cet effet , pompes à une main bien évidemment !

Il reprit ensuite sa route, mais pas pour trouver Sakuragi sensei, non, pour tomber nez à nez avec Ciara Macross qui pratiquait un peu de Taichi-chuan. Mais si les mouvements étaient relaxants, aidaient à se détendre et se concentrer, ùmais accélerez les prises et vous obtenez tout le savoir faire de la self-defense… Ne jamais oublier une chose : aucun art martial n’était fait que pour être joli… Il s’approcha de la jeune femme, observant – et admirant – la beauté et la précision de chaque geste. Elle maitrisait sin art, aucun doute là-dessus. Son dernier mouvement le loupa de peu et instinctivement, Dick se plaça en position. Plaçant son bras gauche contre son torse, protégeant aionsi de l’avant bras ses points vitaux, l’autre prêt à dévier l’attaque du plat de la main. Mais elle arrêta son geste à temps, il se détendit. Il se surmenait peut être un peu ces derniers jours…

Elle s’inclian, lui aussi alors qu’elle lui souhaitait la bienvenue. Il sourit et répondit :

« Bonjour mademoiselle Macross. Et bien j’avais un créneau et l’ennui d’un emploi du temps comme le mien, c’est qu’il est tellement pris que je dois faire chaque chose lorsque j’en ai l’opportunité… »

Il sourit, content de voir qu’elle semblait s’être bien calmée. Etant donné les traitements de Gabriel, elle avait, semble-t-iml plutôt bien repris du poil de la bête. Instinctivement, il posa les yeux, juste quelques instants, sur la meurtrissure de la jeune femme. Une ombre de colère passa dans ses yeux avant qu’il ne reprenne sur son ton le plus calme, le plus posé et le plus chaleureux :

« Je venais aussi m’assurer que vous alliez bien… »

Il ne précisa ni le pourquoi ni rien d’autre sur les évènements de la nuit de cauchemar pour elle… inutile de trop insister…

Ciara n'aurait pu s'expliquer la joie - légère, peut-être, mais quand même présente - qu'elle avait ressenti en voyant Dick. Peut-être parce qu'il était la première personne, en dehors de Sakuragi-sensei et du maître du Dojo, à lui adresser la parole sans animosité, et avec sympathie. Cela faisait quelques jours seulement qu'elle était ici et à vrai dire, Ciara n'avait pas vraiment pris le temps, ou la peine de sortir pour se faire des amis - au moins des connaissances. Ce n'était pas son but en venant ici, et pourtant, elle en vint à se dire que ce serait une bonne idée.

Elle avait sourit à Dick, puis remit correctement son kimono. Il n'y avait pas grand chose à voir, puisqu'elle avait bandé sa poitrine - qui restait malgré tout généreuse, mais quand même, un peu de décence !! Ciara replaça une mèche derrière son oreille, et répondit, le regard fuyant :

- Je... Je vais bien, merci. C'est gentil de vous en inquiéter. J'ai un peu moins le mal du pays depuis que j'ai une connexion internet pour parler à ma famille et ma meilleure amie, restées aux États-Unis...

Elle se mordit la lèvre inférieure, avant de sous entendre :

- A moins que vous ne parliez de l'autre soir ?

Ciara haussa une épaule. Elle avait été blessée, et humiliée, et ce qu'avait fait Gabriel était impardonnable, sans aucun doute. Pourtant...

- Vous savez, j'ai combattu pire que cet homme. Je suppose que je m'en remettrai et que, dans quelques jours, tout cela sera oublié. J'éviterai soigneusement l'inspecteur Valmy, à l'avenir.

Elle avait prononcé ces derniers mots d'un ton joyeux, qu'elle ne ressentait pas du tout. En réalité, Ciara ne voulait plus jamais de la vie revoir Gabriel. Si elle avait peur d'elle même, et du danger qu'elle pouvait être, nul doute que le blondinet lui inspirait une peur plutôt similaire. C'était un exploit, vraiment. Mais rien qu'à penser à lui, en cet instant, lui nouait l'estomac. Ciara déglutit et sourit à nouveau à Dick. Elle désigna le kimono noir et demanda, de manière tout à fait rhétorique :

- Vous êtes venu vous entraîner ? Souhaitez-vous que je vous présente à Sakuragi sensei ? Ou cherchez-vous le calme d'un jardin ?

Non, elle ne voulait pas sous entendre qu'elle s'entrainerait avec plaisir en sa compagnie.

Il était content de  la revoir, c’était une jeune femme tellement gentille… mais en même temps, il ne se basait que sur l’impression au sein du commissariat…. Il avait eu l’impression de voir une pauvre petite chose esseulée… elle lui avait fait de la peine et en même temps l’avait touchée. Bon et l’optique de parler entre américains avait aussi son mot à dire dans cette histoire, non sans parler des arts martiaux !

Car même s’il était ravi de la revoir il était surtout là pour les arts martiaux, elle n’était que la délicate cerise sur le gâteau !  NB : il n’oserait jamais le dire pour la simple et bonne raison que la délicate cerise pouvait le réduire en purée par simple inadvertance !  Prudence donc, car on ne se maitrisait pas toujours ! Il préférait se méfier et faire attention au pas de trop à) ne pas faire !

Quand elle parla, elle  semblait ne pas oser le regarder… bon, il avait été un peu dur, certes, mais bon, il ne fallait pas non plus exagérer…elle avait du assumer ses    erreurs, c’était quelque chose de normal ! Mais  bon, il aurait tôt fait de se rattraper car niveau dureté, il en avait fait un peu trop sans doute et il l’avait laissé tomber alors qu’il lui avait assuré son soutien ! Ouais, il avait à se rattraper…

Pire que cet homme, ça existait, il le savait, il en avait eu la preuve en la personne du Joker, mais il savait ce qu’elle avait pu ressentir pour user de ses pouvoirs ainsi, elle avait été choquée. Il ne dit rien et se contenta d’écouter poliment ses paroles. Elle avait soit bien plus de prédispositions à récupérer psychologiquement – ce dont il doutait -  soit elle planquait bien son malaise : et ça, c’était évident ! Mais il ferma sa gueule. Ce n’était pas le moment. Quant à l’évite, il ne doutait pas qu’elle le ferait…

Elle lui demandait ce qu’il préférait. Instinctivement, il sut ce qu’il devait répondre :  ce qu’il avait envie !

« Et bien, Sakuragi –sensei peut bien attendre, non ? »

Il sourit et montra le kimono qu’il gardait toujours dans les mains.

« Par contre avant, je peux peut-être trouver un coin pour me changer… les vestiaires sont où ? »

Il continuait de sourire alors qu’il lançait, gentiment :

« En tout cas, je suis sur d’une chose, il ne vous emmerdera plus… - il ne dit pas que sinon, il mettrait son poing dans la figure de son collègue… -  ce type est plus à plaindre qu’à haïr de toute manière… la chose la pire qu'on puisse faire, c'est d'entrer dans son jeu en le haïssant alors qu'il ne semble chercher que cela... »

Ciara eut un sourire à moitié gêné. Oui, Sakuragi pouvait attendre son tour ! Elle lui fit signe de la suivre vers le dojo. Les élèves s'entrainaient déjà à l'intérieur, et on entendait le professeur du jour donner ses ordres. Un retardataire les croisa en courant dans le couloir, mais les salua quand même d'un bref hochement de tête, auquel Ciara répondit avec un sourire.

Les vestiaires n'étaient pas loin, et et dans un ordre qui frôlait la maniaquerie. On ne pouvait douter de la discipline des élèves du dojo. La jeune femme américaine invita Dick à y entrer d'un simple geste, tandis qu'elle restait adossée au mur pour lui laisser son intimité, le temps qu'il se change (Il fallait avouer qu'elle aurait été trop gênée de jouer les voyeuses, de toute manière.) Elle réfléchissait à ce qu'il lui avait dit sur Gabriel. Les yeux levés au plafond, elle glissa sur un ton bas pour ne pas perturber le calme des lieux :

- Je ne sais pas ce qui pourrait marcher contre cet homme... La violence est inutile... Même verbale. Qu'on entre ou que l'on ignore son jeu ? Il s'en contrefiche. Je crois que quoi qu'un fasse, il trouvera toujours quelque chose à y redire.

A sa manière, ce Gabriel était déstabilisant, et dans le mauvais sens du terme bien entendu. Ciara en eut un frisson, même, et elle se frotta machinalement le bras, avant de se redresser, entendant Dick revenir vers elle. La jeune femme sourit :

- Si nous pouvions éviter de parler de lui, je vous avoue que je vous en serai reconnaissante. Je...

Elle était gênée de ses propres paroles, et se mordit la lèvre inférieure avant d'avouer, tête basse :

- ... ne l'aime pas vraiment, ce Gabriel...

C'était légitime et parfaitement compréhensible, mais Ciara détestait avouer ce genre de chose. Elle s'empressa d'ailleurs de changer de sujet, et adressa un nouveau sourire à Dick avant de lui faire signe de la suivre.

- Venez ; le temps est doux, on sera plus à l'aise à l'extérieur pour nous entrainer. Et puis, le jardin reste plus agréable qu'une salle au parquet glissant.

Ils revinrent là où ils s'étaient croisés un peu plus tôt, et Ciara foula l'herbe de son pied nu, comme si elle cherchait à s'habituer à nouveau au terrain sous elle.

- Si ça ne vous dérange pas, Dick, j'aimerai finir mes katas, d'abord... Cela va vous laisser le temps de vous échauffer un peu plus, de votre côté.

Et sur ces bonnes paroles, elle le salua en attendant sa réponse.

Dick la suivit quand elle lui indiqua l’endroit où se changer. Ça, c’était autre chose que sa chambre !  Non pas qu’on ait pu y trouver du désordre mais même lui qui était déjà assez maniaque et spartiate, mais ça le faisait passer au stade de désordonné et  faisait passer kid flash pour quelqu’un de tout simplement chaotique !  Il sourit à cette pensée…. Kid flash était chaotique. Mais c’était quelqu’un de bien et quelqu’un de volontaire ! Et surtout un très bon ami !

Il sourit et la laissa là où elle était, c'est-à-dire en dehors du vestiaire, pour y entrer et commencer à se changer, étant donné la rigueur il doutait que ce serait  du goût du dojo s’il laissait trainer ses chaussettes par terre. Il rangea proprement ses affaires, les pliant toutes au fur et à mesure avant de les mettre dans l’un des casiers disponibles. En général, ces rangements en casiers étaient pleins de sacs dans lesquelles il y avait les affaires des élèves, mais Dick y posa directement ses affaires pliées. Efficacité, comme toujours, il s’était très vite changé et était donc déjà prêt. Il inspecta juste un peu les lieux avant de sortir, il ne ferma pas son casier, pour cause les casiers n’avaient pas porte, forçant chacun à bien ranger ses affaires…. Bonne méthode, on devrait faire pareil au commissariat.

Pendant ce temps, elle revenait sur l’incident Valmy. Il la laissa parler, ne disant rien, restant silencieux. Elle voulait parler, il l’écouterait. Il ne garantissait pas de répondre, mais il l’écouterait ! Parfois la meilleure à faire est de se taire, et il pensait que sur le coup, c’était préférable… mais elle n’allait pas donner une bonne ambiance en parlant de Valmy, il la détestait autant qu’elle, ça, c’était sur, peut être même un peu plus pour avoir été forcé de travailler avec lui comme coéquipier et d’avoir vu son quotidien, mais il le plaignait davantage !

Oui, évitons le sujet… quoique non, il y avait une chose à dire. Une chose importante qui lui ferait surement plaisir. Mais trêve de ce sujet elle avait vraiment été traumatisée par Gabriel apparemment.  Il la plaignait beaucoup ! La pauvre. Revenu devant elle, elle lui annonça son aversion sur cet homme mais elle semblait honteuse de l’admettre. Pourquoi ? Lui aussi il le détestait, et pourtant, dieu sait qu’il le criait haut et fort !
Il était vraiment perplexe avec cette jeune femme, il ne savait pas trop quoi penser, même s’il avait pour elle un profond élan de sympathie et de compassion, malgré sa force apparente, il avait vu en elle une immense faiblesse humaine, non pas qu’elle soit faible juste qu’elle était tellement gentille qu’elle semblait gênée du moindre mal qu’elle disait ou faisait… par contre elle allait finir par s’entailler la lèvre à force de se la mordre…

Changeant de sujet comme un pro de l’esquive, elle l’invita à s’entrainer dehors. NB : penser à se laver les pieds dans les vestiaires avant d’aller voir Sakuragi dans le dojo, pour ne pas salir les tatamis…. Quoiqu’au fond, Sakuragi-sensei n’était-il pas un prétexte pour revoir la jeune femme, son seul lien, avec les Outsiders, qu’il avait avec les USA ? peut-être… mais même si c’était vrai, il n’avait pas l’intention de le dire !

La différence entre le sol et le parquet était minime, mais le parquet avait un énorme avantage : il permettait justement de glisser. Mais c’était utile pour les débutant, quelqu’un qui savait déplacer son poids d’un pied à l’autre glissait quelque soit le terrain ! Il prit lui aussi connaissance du terrain, mais de manière plus approfondi, vérifia le vent avec des feuilles et son doigt mouillé par sa salive,  examina le sol, la terre pour comprendre son degré d’humidité, que de détails importants selon lui, des principes de ninjutsu : connaitre son environnement. Elle lui signala juste qu’avant tout, elle voulait finir ses katas et là, il réagit, il avait fini ses examens.

« Bien sur, mais juste avant de petits détails sur valmy, personne ne l’aime dans le service, donc inutile d’avoir honte de dire que vous ne l’aimez pas, et on l’a retrouvé ce matin très tôt, pendu par les pieds à un réverbère à quelques patés de maison du commissariat… tout nu…. »

Il s’esclaffa :  il était responsable de cet état de fait, mais chut, secret !

« Sinon, pas de problèmes, allez y, je vais m’échauffer ! »

Il commença d’ailleurs tout de suite par quelques échauffements de base pour la nuque, les épaules, les bras, les poignets, continuant à descendre le long de son propre corps, et outre les étirements, il faisait quelques échauffements, s’étant reculé jusqu’à être presque hors de vue de la jeune femme pour ne pas gêner sa concentration et commença à s’échauffer avec quelques exercices toujours de base, il ne voulait certainement pas montrer son réel niveau. Il finit bien avant elle et en profita pour admirer la jeune femme en plein travail…

Il ne fit ni commentaire, ni bruit en se rapprochant, admirant la maitrise et l’assurance dans chacun de ses gestes, d’un seul coup, elle était si différente ! C’était impressionnant !

Le fait que Gabriel ne soit aimé de personne n'en rendait pas moins Ciara coupable. Elle n'aimait pas avouer ne pas apprécier quelqu'un. Sans doute une histoire d'apparence ou de se sentir propre sur elle. Et d'ailleurs, elle ne se réjouit même pas quand elle apprit que quelqu'un avait humilié le blondinet. Ce n'était pas juste pour autant. Et ça allait juste l'inciter à davantage de haine envers une personne innocente. Aussi l'américaine haussa-t-elle simplement les épaules, avant de repartir vers le jardin.

Ciara avait fermé les yeux, en retrait de Dick, et ce n'est qu'après plusieurs longues et lentes inspirations qu'elle s'était mise à bouger. Des mouvements lents de tai-chi, dont le but premier était de lui faire gagner une forme de paix intérieure, mais qui pour elle, lui permettait avant tout de mettre de l'ordre dans ses lignes de force. Derrière ses paupières closes, elle pouvait presque apercevoir de longues lignes de lumière, d'énergie pure, qu'elle ordonnait en même temps que ses mouvements. Elle était concentrée au point que rien ne pouvait l'arrêter. Elle était au bord de sa propre conscience, seulement dérangée par une potentielle présence. Mais la jeune femme s'était prévu suffisamment de place pour ne pas venir piétiner près de Dick.

La première série effectuée, la voilà qui se dirige de manière fluide vers des exercices d'échauffement de kenpo kai. Les muscles plus tendus, les gestes plus sec. Ciara a les yeux toujours fermés, les sourcils légèrement froncés. Elle parait tellement forte et sure d'elle, alors qu'intérieurement, l'ordre qu'elle vient d'établir se refait un peu chaotique. Son combat intérieur, contre elle même, c'est une rengaine qu'elle traine depuis tellement longtemps. Mais un combat qui n'a jamais été gagné ou perdu. Contre elle-même, et contre l'air, Ciara n'a pas à retenir ses coups, et de temps en temps, au bout de ses doigts, quelques étincelles bleues crépitent, mais rien de plus. Derrière Dick, une ombre se dresse, et le dépasse sans lui prêter attention. Le japonais, lui aussi en kimono, avance, et finit par jeter une pierre sur la trajectoire du poing de Ciara. Poing qui s'ouvre pour l'attraper au vol, bien qu'une fissure significative montre qu'elle a mal gérer sa force, ou bien...

- Tu te dépenses encore trop. Tu extériorises ta force pour t'en débarrasser, alors que tu dois la canaliser pour l'utiliser au mieux.

La voix est lourde de reproche. Ciara rouvre les yeux, se redresse et s'incline. Sur son front perle un peu de sueur, et son visage sérieux prend vite une expression désolée. Sakuragi-sensei se tourna alors vers Dick, alors qu'il était posté près de son élève. Eleve qui s'empressa d'ailleurs de le présenter.

- Sakuragi-sensei, je vous présente l'inspecteur Dick Grayson, qui m'a aidé l'autre soir. Dick, voici mon professeur, Sakuragi-sensei.

L'homme devait avoir une bonne soixantaine d'années, mais il ne fallait pas le croire faible et vulnérable, si on en croyait sa musculature sèche.

Elle se contrôlait. Il le voyait, enfin presque et c’était cela qui était beau en fait dans son mouvement et faisait que Dick en délaissait un peu ses étirements pour observer. Le geste était fluide et beau car exécuté comme il faut ! Il alliait précision et force mesurée. Ou du moins, presque ! Il était persuadé que les étincelles bleutées, au  demeurant très jolies, n’étaient pas vraiment prévues au programme ! Il ne dit rien, observant, remarquant bien vite la présence dans son dos qui n’y resta pas longtemps.

L’homme s’avança, de corpulence assez sèche, il comprit à sa simple démarche qu’il ne fallait pas s’y fier, il comprit bien vite, avant le moindre mot qui c’était, et ce fut sans doute la raison pour laquelle il ne réagit pas quans la pierre fusa. Il l’aurait dévié sans le moindre problème. Mais il n’intervint pas, il laissa l’homme lancer la pierre.

Celle-ci fusa et la jeune femme l’attrapa en plein vol sans perdre  de sa concentration, beau geste. Mais apparemment c’était insuffisant… d’est alors qu’il remarqua la pierre fendue…. Et entendit la remontrance du sensei, sakuragi sensei, il n’y avait plus de doute… il lui parla de mieux canaliser sa force… quelle belle bêtise que ces paroles, non pas qu’il avait tord, il savait sans doute raison, il était un maitre de kempo-kai après tout !

Enfin, il fut présenté, et Dick s’inclina à la japonaise avant d’exécuter le salut traditionnel de kempo kai, mais pas celui s’un élève à un maitre, comme il le devrait, celui de maitre à maitre, il estimait sans se vanter avoir autant droit à ce qualificatif que lui ! Puis il sourit à Ciara avant de s’adresser au professeur.

« Je suis désolé de remettre en cause votre pédagogie, sensei, mais je ne suis pas forcément d’accord avec vous étant donné la situation. Vous parlez de canaliser sa force, en cela je suis d’accord, mais on ne canalise pas un torrent comme on canalise un ruisseau, et le plus solide barrage peut céder sous la pression d’eaux déchainées… c’est une question de conditions… se maitriser face à de l’air, c’est facile ! Il n’y a ni pression, ni résistance sans vent ! Ce n’est pas une question de canalisation dans ce cas, mais une question de dosage, il faut apprendre à se maitriser comme on maîtrise et dresse un étalon avant le Kentucky Derby, on ne le fait pas participer en étant débourré ! »

Il s’approcha et prit la pierre qu’il observait.

« Au contraire ce caillou est la preuve d’un manque de force des plus conséquents. Trop de retenue car trop de volonté de canaliser ce qui n’est pas canalisable, tout simplement ! Il n’y a pas de question de canaliser une force, mais de la maitriser par le dosage et la retenue…. La preuve en est que si cette pierre avait été une balle tirée par une arme à feu équipée d’un suppresseur, ça n’aurait peut être pas suffit… Maintenant, peut être voulez vous que je vous montre qu’elle maitrise mieux sa force que vous ne le croyez ? Si je gagne, vous m'offre le café, sinon, bah je vous l'offre ! »

Il sourit et s’avança devant Ciara, se mettant en garde de Kempo classique.

« Ciara, je vous en prie, frappez moi comme vous frapperiez un ennemi, imaginez quelqu’un qui a fait du mal à votre entourage le plus proche si vous le pouvez, et donnez lui mon visage. Je suis devant vous, frappez moi, vous le pouvez, frappez moi car sinon… »

Sa voix changea et devient glaciale.

« Je vous tue ! »

Ciara avait tenté d'intervenir, plusieurs fois, pendant le discours de Dick. C'était vraiment honorable de sa part de prendre ainsi sa défense, mais, il se trompait. Sakuragi ne disait rien, flegmatique, et se contentait d'écouter, hochant même parfois la tête. Il jetait de temps en temps un regard à Ciara, qui adoptait alors une mimique gênée, et elle baissait un peu le regard.

Non, Dick se trompait. Là où Sakuragi faisait des reproches, ce n'étaient que ceux qu'elle se faisaient intérieurement. C'était son désir à elle de ne pas briser le caillou qu'on lui lançait ; c'était elle qui refusait de se laisser aller, elle qui retenait l'intensité de son pouvoir intérieurement. Le discours de Dick, c'était à peu près celui que Sakuragi tenait à Ciara depuis qu'il avait pris la décision de s'occuper d'elle, et de son entrainement, afin de parvenir à concilier les vies de Ciara Macross et Sentinel.

Et aux yeux de Ciara, il avait réussi au delà de ses espérances à elle. C'était elle, forcément, qui déconnait de son côté, après. Elle qui n'arrivait pas à faire preuve de suffisamment de self-control pour ne pas briser quoi que ce soit. Avait il déjà oublié les deux paires de menottes brisées ?

Et voilà qu'il la défiait ! Elle en fut estomaquée, et implora l'aide de son sensei d'un regard implorant. Et Sakuragi se contenta de lui taper l'épaule, dans un geste paternel, avant de lui murmurer pour elle seule :

- T'as trouvé un bon garçon, là, Ciara.

Il y avait un sous entendu, étant donné la petite lueur au coin de son oeil. La pauvre Ciara en fut anéantie, et rougit comme jamais, tournant le dos temporairement à Dick, alors que Sakuragi lançait à voix haute :

- Bon courage à vous, Grayson-san, si vous parvenez à faire entrer un peu de raison dans cette tête blonde. Je vous laisse, je repasserai sans doute plus tard.

Mais nul doute qu'il allait rester en retrait pour observer un peu, et peut-être en s'occupant en même temps d'un novice. Ciara avait fait volte face, pour de nouveau être devant Dick. Ses joues étaient toujours un peu rougies, et son expression désolée. Elle secoua même la tête négativement :

- Non, Dick, je ne peux pas.

La pierre, qu'elle leva à hauteur de sa poitrine, fut réduite en poussière sans le moindre effort.

- Vous ne pouvez pas me tuer, parce que je suis plus résistante que j'en ai l'air. Et parce que je vous arrêterai avant. Et je ne peux pas me battre à pleine puissance, parce que je refuse de faire du mal à qui que ce soit. Vous savez, je crois vraiment en la justice. Je crois en la loi, en la police. Je suis là où ils ne peuvent pas être, je fais ce qu'eux ne peuvent pas faire, ou au contraire, je fais un travail qui nécessiterait trop de personnes qui seraient bien plus utiles ailleurs.

Ce que vous disiez, tout à l'heure... Sakuragi-sensei me l'a déjà dit. Dick, vous devez comprendre que je suis un danger pour les autres. Je m'impose des limites pour ne pas l'être, justement, et rester à la frontière où mes pouvoirs peuvent aider, et non détruire. ... Vous comprenez ?

Son regard bleu, levé vers lui, était digne d'une gamine perdue, qui fait quelque chose de bien mais qui l'ignore. Elle adopta pourtant un petit sourire, et se mit en position à son tour :

- Cependant, je ne suis jamais contre un entrainement pour m'améliorer.

Un salut rapide, et la voilà qui commence déjà à attaquer. Dick, en face, pare sans problème. Ciara arrêta sa série de coups, et eut un sourire appréciateur. La combat continua.

Il avait beau avoir l’ouïe fine, il n’entendit pas ce que Sakuragi sensei murmura à Ciara, il n’avait peut être pas non plus d’entendre ce qui relevait de la sphère purement privée. Il regarda la jeune femme qui semblait gênée par ses propos alors que le professeur s’éloignait. Dik n’était pas fou, il savait que le maitre ne serait pas bien loin, curieux de voir comment s’y prendrait Dick avec Ciara.

D’emblée, elle lui annonça qu’elle ne pouvait pas lui faire cela, qu’elle ne pouvait pas le frapper… chouette dites donc, on s’entraine comment ? Il n’était pas venu pour trouver un punching-ball !  Sinon il aurait utilisé un mannequin d’entrainement en paille, ça aurait été plus utile… il était un peu déçu, elle refusait d’agir, il comprenait parfaitement qu’elle se refuse à lui faire mal, mais parfois la gentillesse et la douceur n’était pas la solution adéquat à la situation, hélas… le comprenait-elle ? Il ne savait pas vraiment.

Il en connaissait un rayon en pouvoirs étranges sans même en posséder. Avez-vous déjà tenté un bras de fer avec Superboy…. Lui, si, pari stupide. Résultat ? Bah rien du tout, il avait juste perdu. Il avait su se maitriser car il avait appris, bien sur, il y avait toujours un risque, mais il savait de quoi il parlait pour le coup.

Ses propos étaient ceux d’une petite fille perdue, d’ailleurs, son regard le soulignait bien assez. Si elle savait comme il la comprenait… mais il ne pouvait rien dire, il avait trop de monde à protéger pour que ses proches deviennent des cibles potentielles… il ne dit rien, ne comprenant pas comment elle faisait pour étaler sa double identité au grand jour. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait, ou alors elle avait un sacré courage ! Ou peut être était-ce un subtile mélange des deux tendances…

Il soupira. Il ne pouvait rien dire, pas en gardant secret son identité… il avait un choix sans réponse correcte à ses yeux et il détestait cela !  Il détourna le regard, faute d’avoir quelque chose d’intelligent à dire. Il serra toutefois les poings avant de les relâcher, soufflant bien à fond. Allez, vite, changer de sujet car il détestait cette impression qu’il avait en cet instant.

Elle fut plus rapide que lui.

Va pour un combat d’entrainement. Il salua lui aussi rapidement avant de se placer en garde par réflexe, il avait de bons réflexes et c’était son point fort, en effet, il avait été habitué à réagir très vite, contre un amazo, une seule fraction de seconde de trop et ça ne pardonnait pas ! Il regarda le poing de la jeune femme lui arriver dessus et para. Aucune difficulté, l’ennui de trop se contrôler c’était qu’elle risquait de ne pas en faire assez.

Il riposta sans la moindre hésitation, commençant par une série de coup facile, voir sa défense instinctive, voir où se trouveraient les failles dans sa défense. Elle para apparemment sans aucune difficulté, belle défense, impeccable, il appréciait voir ue telle maitrise, mais c’était peut être aussi sa trop grande faiblesse, trop de contrôle tue l’individu…

Il fit un léger bond en arrière pour se mettre hors de portée de la jeune femme et commença à lui tourner autour, comme un prédateur, centre de gravité légèrement penché vers le sol pour une meilleure stabilité, non content de connaitre les leçons de Batman sur le bout des doigts, Black Canari lui avait aussi donné de très bon conseils. Les deux avaient dit la même chose sur bon nombre de points : connaitre son ennemi. Il l’observait donc sous toutes les coutrures. Il n’observait pas comme un homme observe une femme, non, comme un prédateur observe sa proie. Il était prêt à attaquer, prêt à saisir la moindre chance.

« Un combat ne fait jamais de mal, surtout pour s’entrainer, mais soyons bien d’accord sur un point mademoiselle Macross, ne m’insultez pas en vous retenant, ce serait particulièrement grossier, ne vous retenez pas  en ayant peur de vous faire mal, frappez s’il le faut et frappez fort si besoin est. Je suis habitué à prendre des coups – et ce, bien plus que vous ne le pensez ne put-il s’empêcher de penser… »

Il sourit et lança à nouveau une série d’attaques, plus déstabilisantes que vraiment pour attaquer, visant principalement le bassin, les hanches  et les jambes au travers une série de coup donnés  grâce à une série de coups  se basant sur des mouvements de jambe, et comble du total :  coup dans lesgenoux sur leqs côtés de ceux-ci….

Les coups étaient échangés, sans animosité, mais avec une force certaine. Ciara, comme de bien entendu, n'y allait pas à fond. Elle aurait réduit en miettes le pauvre Dick, et elle l'appréciait suffisamment pour faire encore plus attention que d'habitude. Ses mouvements étaient souples, témoins de longues années de gymnastique depuis sa plus tendre enfance. Dick échappa à un coup, d'un bond en arrière, avant de lui tourner autour. La jeune femme ne bougea pas d'un poil, attentive à tout ce que ses sens lui transmettaient ; la rapidité de marche de son adversaire, sa respiration... Tendue, elle était prête à réagir au quart de tour à la moindre attaque.

Elle se laissa cependant surprendre, d'un haussement de sourcil, par son discours. S'il cherchait à la déstabiliser, c'était gagné, même si elle ne se relâcha pas pour autant. Pourtant, ses épaules s'étaient légèrement affaissées, de manière à peine perceptible.

Ciara s'apprêtait à répondre quand Dick repassa à l'attaque. Elle esquiva certains coups, mais pas tous, loin de là. D'ailleurs, quand il lui faucha les genoux, elle avait attrapé son bras et du coup, tourna autour comme on fait une traction arrière sur des barres asymétriques et... Se retrouva tout naturellement dans les airs, les pieds ramenés sous elle, les genoux au niveau du cou de son adversaire. La jeune femme s'en voudrait presque de ne pas respecter les règles du kenpo traditionnel, à ce niveau là. Profitant d'avoir son avant bras entre les mains, elle tire légèrement dessus, avant de lui faire un croche patte pour le faire tomber. Absolument pas réglo, tout à fait, mais de toute façon, il titube à peine et reprend son équilibre au bout de quelques pas seulement. Ciara regagne le sol, dépliant de manière élégante - et inconsciente - ses jambes sans quitter Dick de son regard bleu profond. Der la tristesse, encore, et presque du regret...

- Je ne veux absolument pas vous vexer, Dick... Mais je ne peux vraiment pas me donner à fond. Je vous briserai en moins de temps qu'il ne faut pour le penser. Briser dans le sens littéral... Et c'est justement pour cela que je me bride autant par moi même. Comme je vous l'ai dit, je suis un danger pour les autres. Et c'est à moi de me modérer. Alors navrée de retenir mes coups, au moins leur puissance.

En trois foulées, la voilà déjà à la même hauteur que Dick, lui envoyant son pied vers le visage, en un geste assez large pour tenter de le faire tomber. Il évitera, bien entendu. Puis il va répliquer. D'un coup qu'une Ciara soudain tendue, et aux aguets, va stopper net, d'une main. Son visage s'est détourné vers la ville, comme si elle était attentive à quelque chose qu'elle seule pouvait voir ou entendre. Elle restera immobile ainsi quelques secondes qui semblent durer bien plus longtemps avant de se relâcher et de se retourner vers Dick.

- Excusez-moi. Je croyais...

Sa poigne se relâcha, et l'américaine recula de quelques pas.

- Je pensais qu'un accident requerrait mon intervention... Je me suis trompée, excusez-moi.

Des excuses, encore. Sakuragi-sensei l'entendrait, il pousserait un de ces soupirs découragé, en jetant un regard désespéré vers son élève. (La situation entrainant de nouvelles excuses de la part de Ciara. Un cercle vicieux.)

- Vous préférez reprendre, ou faire une pause thé ?

Joli, très joli mouvement, elle savait se battre, mais bon, voir qu’elle tentait de sortir un peu du kempo était amusant, preuve qu’elle ne voyait pas vraiment de solution réglo, heureusement, il n’était pas habitué à affronter des personnes particulièrement réglos, au contraire, il avait souvent affaire à des personnes déloyales. Du coup, prévoir un coup ne faisant pas partie des coups traditionnels, même si ce n’était pas complètement prévisible, pour lui imaginer prendre un coup ainsi était possible. Mais il ne pouvait pas vraiment le montrer, ce fut d’ailleurs pour cela qu’il baissa très légèrement sa garde.

Il prit le coup mais l’anticipa assez pour ne pas l’encaisser pleinement. Peu orthodoxe, mais efficace. Il recula, titubant légèrement, mais pas de quoi fouetter un asticot ou le faire tomber, non, il n’avait pas sacrifié son équilibre pour si peu. Mais bon, avec ce croche patte absolument pas réglo, il devait jouer le jeu. Y compris si celui-ci était de tituber.

Ses paroles  ne le surprirent pas mais le désolèrent… il ne faisait pas de combat pour s’amuser. Ce n’était pas du tout l’intérêt qu’il y plaçait ; Echanger quelques coups, c’était intéressant ; mais de là à faire comme elle…. Il voulait bien se donner à fond en kempo pour elle, parce qu’il estimait que ça pouvait être intéressant et utile, mais là, c’était insultant. Il se fichait de prendre une raclée, au pire il saurait esquiver, mais avoir l’impression que la personne d’en face se retenait pour ne pas le blesser était, bien que touchant, plus vexant qu’autre chose. Aussi, il hésitait à continuer.

Elle envoya un nouveau coup de pied à destination du visage, il se courba vers l’arrière avec l’optique de saisir sa jambe…. Au dernier moment, il changea d’objectif et il attrapa la jambe entre ses poignets croisés., pour la maintenir alors qu’il levait les poignets pour frapper la cheville  du pied, il se retint, préférant chasser le pied sur le côté pour frapper à l’épaule. Elle stoppa le geste. Quand elle stoppa le geste, elle se tourna vers la ville. D »concentrée… super…

Maintenant elle s’intéressait à autre chose. Pour le vexer, elle avait réussi ! Elle lui lâcha la cheville et s’excusa d’avoir regardé ailleurs, en se désintéressant volontairement du combat. Il en fut peiné. Il se tut et opina simplement du chef. Heureusement, sa proposition qui suivit le soulagea, changer d’activité était quelque chose de préférable sans doute étant donnée la situation… il n’hésita pas un seul quant à sa réponse, frustré comme il était de cette situation actuelle…

« Oui, excellente idée que cette pause thé ! Cela nous fera du bien, tant à vous qu’à moi, mais si vous le permettez, je vais me passer un peu d’eau sur le visage avant. »

En effet, de la sueur perlait, la concentration sur son objectif l’avait mis légèrement en sueur ! Pas de quoi suer comme un cochon, juste un peu de sueur, aussi se dirigea-t-il vers les vestiaires dans lesquels il prit sa serviette, l’humidifia et se rinça le visage, la gorge, et le torse rapidement. Puis il revint à elle avec le sourire.

« Je sais que je parle de sujets qui fâchent, mais vous savez , je pense que vous ne vous rendez pas service en vous retenant ainsi… oui, je sais, qu’est-ce que je peux bien savoir là-dessus ? Je ne suis qu’un homme tout ce qu’il y a de plus simple et de plus banal. Mais  j’aurai aimé que vous essayez juste d’y aller à fond tout en sachant retenir l’impact de vos coups, une manière de montrer son respect à quelqu’un d’autre pratiquant les arts martiaux. Au final, je me suis retrouvé face à un simulacre de lutte,  où vous vous contentiez de vous défendre sans difficulté tout en me faisant croire à des attaques faiblardes, personnellement, j’ai été un peu déçu. »

Il soupira et regarda ailleurs, ne la regardant pas dans les yeux, regardant ses propres pieds.

« Je vous suis reconnaissante de ne pas vouloir me faire du mal, de vous retenir pour m’éviter les blessures, mais au final, c’est vous qui pâtissez de cette manie de vous retenir en permanence ! Au fond, vous allez vous frustrer toute seule si vous n’avez même pas de forteresse de solitude où vous extérioriser au maximum, surtout comme je vous le disais, je suis là pour prendre des coups si besoin est, ça ne me dérange pas… mais ce n’est pas par la pure passivité et par un pseudo contrôle que vous allez améliorer les choses… j’en suis désolé… »

Ciara aussi fit une pause pour passer un peu d'eau sur son visage, et s'essuyer avec la serviette qu'elle gardait près du point d'eau. Elle arrangea rapidement ses cheveux humides, qui formaient quelques mèches en bataille devant son regard azur. Ah, le sujet qui fâche. Ciara pouvait presque entendre le murmure de Sakuragi-sensei tout contre son oreille, identique à celui de toute à l'heure. C'est un brave garçon que tu as trouvé là, Ciara. Elle se mordit la lèvre inférieure un court instant, alors qu'elle écoutait le discours que lui faisait le jeune homme. Elle eut un pincement au coeur, vraiment, alors qu'il interprétait mal ce qu'elle lui disait. L'américaine attendit qu'il finisse, laissa passer un court silence gêné, avant de murmurer :

- Venez, on va en discuter autour d'une tasse de thé, si vous voulez.

Ciara repartit en direction du dojo, mais bifurqua devant la sortie qu'ils avaient empruntée plus tôt. Le parquet était brillant et un peu glissant, mais Ciara avait l'habitude. Elle amena Dick jusqu'à la partie habitation, la porte coulissant directement sur un petit salon parfaitement propre. D'un geste, elle l'invita à s'asseoir, tandis qu'elle posa une théière sur un brasero pour faire chauffer l'eau, laissant déjà le thé se diffuser. Dos à Dick, Ciara n'osait pas encore le regarder, et s'affairait à aller chercher deux tasses, avant d'enfin s'asseoir devant lui. Une fois de plus, le dos droit, les épaules légèrement tombantes malgré tout.

- Vous... Vous méprenez, Dick. Les arts martiaux sont pour moi réellement salutaires. Je ne me permettrai jamais de dénigrer l'art qui m'autorisent de trouver la paix intérieure, et qui me permettent de me battre et de me défendre. Je ne me retiens pas dans un combat, je suis là pour gagner, comme n'importe qui, mais surtout, pour m'améliorer. C'est de ma force dont j'ai peur.

Ciara gardait les lèvres entrouvertes, mais ne continua pas ; elle se retourna, se leva pour aller chercher le thé. Et s'installa à nouveau à genoux devant la table. Encore ignorante de beaucoup de choses par rapport au protocole japonais, elle ne fit pas de cérémonie du thé comme il aurait convenu, et servit simplement le thé, tout en reprenant la parole. D'abord lui, puis elle, avant de mettre la théière encore fumante entre eux deux.

- Je peux détruire beaucoup de choses d'un seul doigt. Quand nous avons découvert mes pouvoirs, on a tenté de les oublier, de faire comme s'ils n'existaient pas... Quand c'est devenu incontrôlable, il a bien fallu que l'on fasse quelque chose. Ma meilleure amie était aussi fascinée que j'étais terrifiée. Mais elle m'a beaucoup fait travailler. Ma rencontre fortuite avec Sakuragi-sensei n'a été qu'une étape supplémentaire dans la maîtrise de moi. Un jour, j'espère parvenir à ne avoir à y réfléchir, et maitriser ma force de manière automatique... Comme quand on doit respirer. Pour le moment, ce n'est pas encore le cas. J'ai encore beaucoup de chemin à parcourir.

Elle ne dit rien à propos de Kyle. Parce que leur rencontre, brève, n'avait hélas pas été ce qu'elle espérait. Et qu'en réalité, Ciara n'osait de toute façon pas recontacter celui qu'elle avait espérer voir devenir son super prof. Elle porta la tasse sans anse à ses lèvres, but une brève gorgée. Elle se mit à réfléchir à ce qu'il avait dit plus tôt. Une forteresse de solitude, où se lâcher... L'idée était plaisante. Un endroit où s'isoler, loin de tout et de tout le monde... Mais - parce qu'il y avait toujours un mais - Ciara n'était pas forcément sure de vouloir se lâcher complètement. Elle n'oubliait pas la fois où elle l'avait fait. La marque sur son épaule gauche le lui rappelait constamment.

Elle l’invita à le suivre pour aller boire le thé, il le fit bien évidemment, elle allait lui fournir quelques explications qui plus est !  Donc raison de plus pour la suivre jusqu’au bout. Il ne pipa mort, préférant ce silence à un embarrassant sermon ou une gênante conversation. Vive le silence qui évite les ennuis ! Il en fut ravi, ça évitait de faire une bourde, chose qu’il avait apparemment déjà faite ! Donc autant éviter un impair supplémentaire !

Il s’assit à son invitation et la regarda s’affairer, quelle meilleure méthode pour éviter tout cela que de s’occuper à autre chose, retarder l’inévitable tant que possible… ce n’était pas toujours la meilleure solution, ça ne l’était même jamais sur le long terme, à la limite, c’était bon sur le court terme, d’ailleurs, c’était de cela qu’il s’agissait car une fois le thé en train de chauffer, elle vint s’asseoir, ne pouvant toutefois pas le regarder en face, ça se comprenait. Elle semblait tellement timide, on en rirait presque à l’idée que cette jeune femme puisse broyer les os d’une pichenette. C’était terriblement trompeur !

Il l’écouta alors parler, sa manière d’appréhender les arts martiaux était la bonne selon lui, mais d’un autre côté, elle n’y allait pas à fond, elle se contredisait alors quelque peu.   Mais bon, d’un point de vue théorique, rien à dire. Il fallait se donner à fond pour vaincre, mais vaincre l’autre n’avait aucune importance, vaincre l’ennemi tapi en soi, vaste combat !

Puis elle se tut quelques instants, avant de servir le thé fumant. Rien qu’à l’odeur il sut qu’il apprécierait ce thé. Très peu au fait lui-même des conventions de la cérémonie du thé, il ne put remarquer si Ciara faisait des erreurs ou pas, il s’en fichait même !  Mais il en profitait pour l’observer agir, voir comment elle pouvait se montrer aussi délicate. C’était impressionnant, il fallait le reconnaitre.

Elle reprit la parole pour continuer d’expliquer, elle avait peur de ses pouvoirs, ça se comprenait, mais elle était alors une preuve vivante que le pouvoir ne corrompait pas forcément l’être humain ! Il comprenait sa position, mais elle ne pouvait pas avoir peur toute sa vie… ce n’était pas sain ! Il prit une gorgée de thé, puis une autre, agréablement parfumé, le thé brulant lui fit beaucoup de bien.

Il la plaignait en fait, il était particulièrement désolé pour elle. Superboy n’avait jamais eu ce problème… ou du moins, pas de cette manière ! Beaucoup plus impulsif, c’était différent… il soupira avant de parler, posément calmement.

« Au final, vous avez peur de vous-même ! C’est compréhensible, je ne serai pas rassuré non plus, mais tant de pouvoir bien utilisé, voilà qui est beau ! Mais à tout ce contrôle doit être compensé par un exutoire, sans exutoire, vous allez devenir folle ! Et si vous apprenez à vous maitriser sans pouvoir vous exprimer, alors  vous allez dépérir… »

Il se tut, un sourire navré sur les lèvres, alors qu’il reprenait une gorgée de thé, un peu trop grosse d'ailleurs, qui lui brûla la langue.

« Aie… nom de d… ou en étais-je… ah oui !  Vous allez dépérir, et vous voir dépérir serait des plus déplaisant, ça ferait mal au cœur. Alors, vous en avez un ? D’exutoire je veux dire ! Car sinon, je connais un endroit qui pourrait vous convenir… enfin, si vous voulez bien sur ! C’est peu perdu, mais ça pourrait être un endroit idéal ! »

Il sourit, il l’aiderait à sa manière, oui, il ne la laisserait pas sombrer !

Peur d'elle même, oui. Ciara l'avait déjà dit, elle angoissait rien qu'à l'idée de blesser quelqu'un d'innocent. Elle passait au second plan, évidemment. La priorité restaient ceux qu'elle avait promis d'aider, et de protéger. Évidemment à ce moment là, sa lèvre esquintée se rappela à son bon souvenir, et lui démontra que certaines personnes se fichaient pas mal de ce qu'elle pouvait faire... La jeune femme posa un doigt qui se voulait pensif sur sa lèvre supérieure, mais son geste trahissait son malaise rien qu'au souvenir de Valmy.

Ciara s'empressa de cacher sa gêne inconsciente en prenant sa tasse de thé. Elle en avala une courte gorgée, le regard dans la vapeur de sa boisson. Un exutoire... Elle n'était même pas sure que se lâcher de la sorte lui ferait réellement du bien ! Elle aurait trop peu de faire du mal à quelqu'un, même si ce quelqu'un était loin. Elle craignait de détruire quelque chose. Elle était terrifiée à l'idée de ne pas connaître l'exactitude de sa puissance, et se lâcher pouvait, peut-être faire des dégâts qu'elle ne voulait même pas envisager... Elle eut un frisson, et Ciara posa sa tasse, gardant les mains en coupe autour. Elle sursauta quand il se brula la langue, et tendit une main, prête à se lever s'il avait besoin de quelque chose, mais il s'en remit assez vite. Peut-être aurait-elle du faire davantage attention à la température de l'eau, et Ciara fut réellement désolée.

Et voilà. Elle voulait sauver le monde, et n'était pas capable de faire attention à son invité...

- Votre proposition me touche vraiment, Dick. Mais j'ignore tout de mon pouvoir, de ma puissance. Je ne veux pas... Je ne peux pas mettre des gens en danger, et je déteste détruire quoi que ce soit...

Elle ne l'aidait pas beaucoup. Et Ciara était prête à lui présenter des excuses pour tout et n'importe quoi - son manque de confiance en elle, déjà, et parce qu'elle refusait un service qu'il voulait lui proposer... Ciara se mordit la lèvre inférieure, baissa un instant la tête. Ce n'était pas comme ça qu'elle allait changer les choses, ni maîtriser son pouvoir. Elle but une gorgée de thé, comme pour se donner du courage, et fixa Dick en hochant une fois la tête :

- Mais... Qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ? Quel est cet endroit où vous pensez que je ne serai pas un danger pour qui que ce soit ?