Une matinée sur la place publique [Magister Aetius Celestus]

Le soleil brillait sur Nexus, la cité état et pour une fois depuis des jours, il faisait beau et agréablement chaud. D'autre part, la place publique où se réunissaient la plupart des commerces de la cité, était  en pleine effervescence ce matin là. Des marchands ambulants sillonnaient la foule à la recherche de clients potentiels, d'autres, plus sédentaires, vantaient leurs marchandises à grand renforts de cris et de gestes, depuis leurs étales. Les habitués se forçaient un passage en fendant la foule, discutaient, entre eux ou marchandaient. Des gardes patrouillaient ou gardaient l'échafaud où un condamné attendait midi : L'heure de son exécution. Tout cette masse humaine réunie au même endroit générait un capharnaüm épouvantable, tout cela mêlé au senteurs les plus raffinées produites par les viandes en train de cuire, ou à des odeurs beaucoup moins appétissantes telles que celle de l'urine, du crottin et d'une multitude d'autres choses que personne n'avait l'envie d'identifier.

C'est au milieu de cet indescriptible désordre que Nokyora avançait. Belle à en mourir, athlétique et le regard pétillant de joie, la jeune femme faisait tout pour paraître vieille, flétrie et grincheuse.
Nokyora avait revêtu pour l'occasion, une vielle robe, tachée de vin, de graisse et d'autres matières.
Mainte fois rapiécé, le vêtement était parfait pour passer inaperçue dans une foule...En plus l'odeur avait l'avantage de repousser les curieux. Bien sûr, la robe ne faisant pas tout, Nokyora avait placé un châle sur ses cheveux, préalablement ramenés en arrière par un chignon ; ainsi qu'un vieux manteau rongé aux mites sur ses épaules, laissant le capuchon retomber sur sa tête pour masquer ses traits. Pour parfaire le costume, le jeune maître assassin était allé jusqu'à noircir certaines de ses dents au charbon de bois. Dans un soucis de réalisme, Nokyora avançait à petit pas, en courbant le dos, un panier en osier sous le bras, dont le contenu était dissimulé par un chiffon.

Personne ne prêtait attention à une vielle femme seule. Ce n'était pas la même chose pour les jeune filles qui aguichaient tous les regards sur leurs corps encore vigoureux : Ceux des adolescents à la recherche d'une compagne, des coureurs de jupons, mais aussi d'une faune bien moins attentionnée.
Par précaution, Nokyora avait dissimulé un couteau de chasse rustique dans sa manche, et une dague volée dans un fourreau qu'elle transportait sous sa robe.

La succube avait pris ce luxe de précautions pour une raison bien précise : Faisant partie d'un clan d'assassins et de voleurs disposant de pouvoirs particuliers, elle avait été chargée d'une mission, certes banale mais qui avait occupé toute sa nuit. Son objectif avait été de tuer un marchand de laine vieillissant et veuf, qui s'était endetté auprès de certains de ses confrères. Il leur devait tellement d'argent, que ses créanciers ont décidé de le faire assassiner.
Le panier que portait Nokyora contenait la tête du malheureux, ainsi que des bourses remplies de pièces d'or.

Passant devant une étale où étaient exposées diverses antiquités, elle s'arrêta pour aller s'adresser au commerçant. Celui-ci, un homme fort corpulent avec des favoris poivre et sel s'apprêtait à la repousser lorsqu'elle s'adressa à lui en ces termes en usant de sa voix la plus enrouée.

_ « La dame des égouts vous apporte ce que vous lui avez demandé il y a une lune...maintenant honorez votre part du marché! ».

Le commerçant venait tout juste de prendre le panier, que la jeune fille déguisée s'était de nouveau fondue dans la foule, interdisant tout espoir de poursuite pour l'homme qu'elle venait d'interpeller: A lui de compléter l'échange en versant le deuxième acompte au lieu indiqué.

Cette salle besogne étant faite, Nokyora se dirigea vers le centre de la place, vers l'estrade sur laquelle attendait le condamné. Des hérauts commençaient à scander le traditionnel refrain sur la justice. L'exécution allait commencer et Nokyora n'avait pas envie de louper une miette du spectacle. 

« Une exécution ? Fichtre et foutre gamin, tu es sur ? »

« Et comment m'sieur !  On parle que de ça ces derniers temps !  Vous êtes pas venu pour ça ? »

Non, il n'était pas venu pour ça !  Loin de là, même ! Il était ve se fournir des ingrédients pour un rituel à lafois complexe et long, et donc il lui fallait certains produits qu'il ne pouvait se procurer par lui même, non pas qu'il ne le veuille pas, mais plutôt que l'obtention de ces précieux matériaux étaient plus longue et fastidieuse que le sortilège lui même !  Alors autant éviter s'il le pouvait !  Et voilà qu'il se retrouvait pris au milieu d'une foule qui se massait en place publique, chouette, un pauvre diable allait être décapité !  Y a de la joie ! Non mais sans blague, que pouvait trouver d'intéressant la foule, comment pouvait-on aimer un divertissement pareil ?  On allait voir un pauvre bougre être tué devant des milliers de spectateurs, bonjour la qualité du spectacle !  Non mais on croyait rêver en voyant ce genre de choses !  Et après il fallait croire en sa propre espèce !  Ah bah bravo !  Félicitation ! Vive l'homme moderne qui s'extasie devant la mort !  Et encore si il y avait seulementr les adultes !  Mais des enfants attendaient aussi ça avec impatience !

Il soupira, engoncé comme il l'était dans le troupeau des moutons, entre la marmaille qui braille et les parents qui hurlent....chouette dites donc ! Y avait de quoi ravir les petits et les grands, surtout avec cette potence qui se dressait au beau milieu, bien en hauteur. Le principe était simple, le condamné serait au dessus de la trappe, la corde au cou avec un peu de mou. Quand la trappe s'ouvrirait, il tomberait et là, deux possibilités, soit la nuque cédait et c'était fini, soit elle résistait et on en avait pour une longue et glauque agonie par strangulation.....chouette, non ??Bon, essayons de nous éclipser discrètement par là.....raté....par là....raté, impossible de s'en aller tellement c'était bondé ! Il se retrouvait forcé d'assister à ce spectacle....il allait faire un massacre quand il serait de retour chez lui ! Mais avant tout, il voyait un bénéfice à cette exécution, l'euphorie du marchand lui donnerait un avantage dans les négociations du prix...

« Le dénommé Azuo-la-dent-longue est accusé des crimes suivants :  Braconnage, Vol, Vol à l'étalage, Viols à répétitions – tu parles d'un crime ici, les violeurs s'en vantaient presque.... - et meurtres en tous genres ! Ainsi attrapé et soumis à la question, le condamné a avoué tout ses crimes en demandant rédemption !  Parce que la rédemption n'est présente que dans la mort, il a été décidé par décret de sa gracieuse et miséricordieuse majesté que cet homme serait pendu haut et court, jusqu'à ce que mort s'en suive ! »   

Chouette, voilà un bon moyen de se détendre...surtout que cette fameuse question, on en votyait les effets, il tenait déjà à) peine debout, il avait l’œil enflé, les lèvres tuméfiées, bref, ça avait du être un interrogatoire musclé, un peu trop sans doute pour qu ce soient des aveux sincères, mais la justice était aveugle....à la vérité. Bon, passons aux choses sérieuses. Il y eut un roulement de tambour, une trappe qui s'ouvre, un corps qui tombe dans le vide, la tension soudaine de la corde.

Et des cris de joies ! Le coup n'est pas brisé, cela se répand ait comme du foutre dans un bordel ! Tout le monde fut très vite au courant, y compris lui, qui se mit invraisemblablement à supplier dieu, si dieu existait, d'abréger les souffrance de cet imbécile qui s'était fait attrapé et qui payait pour tous ceux qui s'étaient échappés des griffes de la milice et des soldats, puisse quelqu'un avoir pitié de son âme.

Plutôt que de regarder l'horreur devant ses yeux, il se contenta de fermer les yeux, de se rendre temporairement sourd, et de commencer à réciter l'intégralité des protocoles d'invocation, depuis celmle du lapin jusqu'au plus puissant des démons.....un passe temps comme un autre pour cet homme qui détestait autant ce spectacle, mais dans ce genre de cas, chacun se distrait comme il peut, ne croyez vous pas.

Toujours est-il que lorsque tout cela prit fin, il se gâta vers la boutique avant la ruée, il s'agfissait d'une petite boutique, guère plus qu'un étal, dans les bas fonds, une boutique juste à ôté de l'auberge du rat d'égout lubrique!Ils vendaient tout là bas, même des cadavres si on savait comment demander ! C'était pas donné, mais bon,  il n'avait pas le choix du tout , alors bon, il fallait faire avec.

Serrant les poings à s'en faire pâlir les phalanges, il allait à contre sens de la foule, n'étant pas du bon côté il devait traverser toute la place publique pour y aller. Enfin bon, y arriver ne fut pas trop dur, le vrai défi, c'était de sélectionner ce qu'il lui fallait acheter.