L'honneur du guerrier [Amazones]

Voler est une chose, tomber en est une autre.
Vous savez, j'aurais très bien pû me mettre en position et prendre de la vitesse ou en perdre, comme j'aurais pû faire des acrobaties aériennes avant de tenter de comprendre par où j'étais arrivé dans cette portion de ciel. De là où je me trouvais, je ne pouvais voir qu'un paysage sec et aride qui s'avérait une excellente vision de fin du monde.
Pour ce que j'en avais à foutre, franchement...

Mes dernières aventures n'avaient pas été très brillantes et j'avais même tout perdu face à une certaine Poison Ivy. Comment et pourquoi ? Je ne reviendrais pas dessus. Trop douloureux pour mon égo et trop embrouillé encore dans mon esprit. Je savais simplement que j'avais encore dans la bouche le goût amer de la défaite, cuisante et aussi cinglante qu'une gifle sur une joue froide. Sentinel Prime vaincu par un KO technique et superbe, nettoyez le ring et faites sortir le corps par la petite porte !
Y'avait rien d'autre à dire. Ma vie me semblait brutalement vide de sens et cette chute libre vers une terre inconnue me semblait un parfait point final à une triste mascarade. Kyle le branleur solitaire et immature ainsi que SP allaient se fracasser dans un recoin reculé de quelque part et c'était très bien comme ça. Au moins, je nourrirais quelques vautours.

Attendez, qu'est ce que c'est ça, en bas ? Un camp ? La nuit tombe et ils doivent être installé pour passer les heures sombres, sauf que je me dirige droit sur eux ! Merde, pile au-dessus d'un groupe de trois ou quatre ! A cette vitesse, je tuerais une personne ou deux en m'écrasant sur elle !
Je ne cherchais plus à vivre, mais je ne pouvais vraiment pas entraîner quelqu'un dans ma chute, au propre comme au figuré. Dévier de quelques mêtres, ça devenait impératif, mais... Bon sang ! La pression de l'air était trop forte pour que je me redresse et mes pouvoirs réduits à une peau de chagrin ne me permettraient pas de changer la donne ! Pourtant, hors de question de tuer qui que ce soit. Mince... Il me semblait que des têtes se levaient vers moi, mais je ne pouvais rien distinguer. Les épargner, les épargner !
Il me restait une option et je n'y pensais qu'au dernier moment. Si je me transformais, je retrouverais momentanément assez de jus pour changer de trajectoire. Dans mon état de faiblesse, ça ne serait que quelques petits mètres d'éloignement et si je survivais -ce qui me semblait hautement improbable- je me retrouverais privé de pouvoir pour un moment.
Franchement, y'avait il a hésiter lorsque des vies innocentes étaient en jeu ?

J'hurlais à m'en décrocher la mâchoire. La transformation s'amorça violemment et me fît gagner une aura bleue qui accompagnait ma chute alors que mes cheveux se dressaient sur ma tête à présent teinté en blanc/bleu clair, comme mes yeux. Je fonçais sur le campement à une vitesse folle, mais je parvins à dévier trois mètres avant l'impact fatidique, pour aller m'écraser une dizaine de mètres plus loin dans un bruit de tonnerre. Poussière et roches volèrent à mon contact brutal.
Puis plus rien.

J'étais encore vivant. J'étais parvenu à me redresser dans le cratère engendré par le choc et même à faire quelques pas en direction du camp et de ses occupantes, encore transformé pour un instant ou deux. Ma tenue déjà bien amochée se réduisait à présent à un vague lambeau qui faisait office de cache-sexe et le crash m'avait blessé et couvert de sang.
Je titubais un fois, puis deux, avant que dans un flash bleuâtre je ne perde ma drôle d'apparence pour redevenir un homme tout simple, qui s'effondra purement et simplement sur le sol, évanoui et vidé de toute énergie et de tout pouvoir.

Les landes dévastées étaient, malgré leur dangerosité, l'un des terrains de prédiléction des Amazones, qui y campaient souvent. Le gibier y était abondant malgré la apparences, surtout pour ces femmes qui ne faisaient pas spécialement les fines bouches quand à leur nourriture. Quelques ogres dont la viande était rôti suffisait à nourrir la tribu pour un moment, même si naturellement les Amazones préféraient de la chair plus traditionelle comme celle des troupeux herbivores, dont elles suivaient les migrations.

Depuis trois jours, la Horde s'était arrêtée à l'orée d'une forêt morte, mais dont les arbres tenaient toujours debout, afin de se ravitailler en bois, qui était l'un des matériaux les plus utilisés par les Amazones. Composants d'outils, de couverts, de chariots, en passant par le bois de chauffage ou la construction de palissades, les utilisations du bois étaient multiples pour les Amazones. De plus, ce territoire, après exploration attentive, ne comprenait pas de danger insurmontable pour la tribu, et la reine Andromaque y avait vu une excellente occasion pour elle et ses soeurs de s'approvisionner et de se reposer quelques jours.

Le Soleil avait entamé sa descendte pour laisser place à la nuit, alors que s'achevait leur troisième jour de présence en ce lieu. Leurs réserves de bois s'étaient améliorées, et cette pause avait permis à leurs forgeronnes de réparer leur matériel usagé. Andromaque songeait à rester ici encore quelques temps, avant de reprendre la route, tandis que comme une bonne partie de ses Amazones elle usait d'une hache pour couper ces arbres en stacks transportables.
C'est alors que la nuit approchait doucement que les cris de certaines de ses soeurs lui parvinrent aux oreilles, un cri d'alerte. Bien sur le campement se trouva assez rapidement en émoi, les éclaireuses n'avaient rapportées aucun signe de menace immédiate pourtant. Mais bien vite, ce ne fut pas vers l'horizon que les regards se pointèrent, mais vers le ciel, d'où une forme apparament humanoïde tombait. Toutes les Amazones regardèrent naturellement en cette direction quand une lueur en émana ainsi que des hurlements, avant que la forme n'aille s'écraser dans un véritable vacarme à quelques mètres à peine du campement, déracinant quelques arbres et creusant un cratère dans le sol.

Tout ce que les Amazones les plus proches purent voir, une fois arrivées sur place, ce fut un homme qui se trouvait à l'intérieur de ce cratère, inconscient, mais visiblement vivant. Cela provoqua une certaine agitation, car pareil évennement n'avait rien de commun, jusqu'à ce que la reine Andromaque ne parvienne jusqu'ici.

Cet homme, il s'agit de celui que nous avons vu s'écraser. Est-il vivant ?

Oui ma reine... répondit une des Amazones qui avait osée s'en approcher.

Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que les Dieux nous ont envoyées un signe ? Est-il un héros ?

Un héros ne s'écraserait pas pitoyablement sur le sol !

Mais nul autre ne pourrait survivre à une chute pareille !

Certaines des Amazones commencèrent à débattre sur ce qu'il fallait faire de cet inconnu. Fallait-il le tuer par pure précaution ? Le laisser ici et partir ? Le receuillir et le soigner ?
Andromaque trancha assez rapidement la question, obtenant le silence de la part de ses soeurs.

Emmenez le dans l'une de nos tentes et prenez soin de lui. J'ignore si il s'agit d'un messager des Dieux, ou quoi que ce soit d'autre, mais nous en auront le coeur net.
Et que cette tente soit gardée comme il se doit, tant que nous ne saurons pas qui est cet homme, je ne veux pas qu'il puisse s'échapper.

Les Amazones ne discutèrent pas la décision de leur reine, qui les avait dirigées depuis près de vingt ans toujours au mieux de leurs intérêts, mêmes si certaines étaient naturellement inquiètes de ce qu'elles considéraient comme un mauvais présage. La plupart retournèrent à leurs occupations, tandis que certaines prient le corps inanimé de cet homme mystérieux pour l'emmener dans la tente de Mythilène, leur grande chaman et conseillère de la reine.

Lorsque Sentinel Prime devait se réveiller, il sentirait probablement un désagréable mal de crâne ainsi qu'une sensation amère persistante dans sa bouche, mais étonnament pas d'autre douleur, surtout au vu de sa chute.
Il se trouverait allongé sur un lit de fourure, et recouvert d'une couverture, le tout dans une tente spacieuse, et apparaissant cette femme à ses côtés.



Ainsi donc te voilà réveillé homme, chose particulièrement remarquable si l'on considère la hauteur de ta chute. N'aie nulle peur, tu es ici en sécurité pour le moment. Mon nom est Mythilène, puis-je savoir le tien ?

J'aurais préféré ne pas me réveiller.
Pourtant, mon cerveau reconnectait peu à peu mes sens et mes sensations afin de mettre mon corps tout entier en branle. Ca allait prendre encore quelques minutes et mon esprit se résumait à une mélasse épaisse constituée des derniers évènements en date dans ma vie et parfois des évènements plus anciens encore, comme mon existence avant que je ne reçoive mes pouvoirs. Elle n'avait rien de très excitante ou particulière mais avait le mérite de ne pas m'avoir fait rencontrer un mur de plein fouet. Et quel mur ! Il prenait pour moi la forme d'une rousse matînée de vert. Poison Ivy. Son rire résonnait dans mes oreilles, déformé et encore plus malsain qu'il ne devait l'être en vérité. Je sentais ses plantes m'enserrer doucement, s'enfoncer dans ma peau jusqu'a la déchirer pour s'attaquer à mes muscles puis à mes os même. Je suffoquais, je souffrais, j'en pleurais. Et elle riait toujours, piétinant le symbole qui ornait habituellement ma poitrine avant que ce dernier ne se brise en des centaines d'éclats qui venaient se ficher dans ce qui restait dans mon corps.
J'hurlais encore avant de m'éveiller soudainement, me dressant dans ma couche comme un diable sorti par mégarde de sa boîte.

Et vlan, deuxième choc ! Relevé trop vite, mon crâne douloureux me rappella à l'ordre et me fît me rallonger aussi brutalement que je m'étais levé, de petites étoiles scintillant devant mes yeux. Je lâchais un juron épicé à mi-voix avant de me frotter les yeux et de me passer une main sur le visage, fixant le plafond de toile.
Minute. Plafond en toile ? Où diable étais-je tombé ? Je pris quelques secondes pour faire le point, me remémorant ma chute et le camp qui semblait avoir été placé pile à mon point d'impact. J'étais persuadé d'avoir correctement dévié du petit groupe que j'avais risqué de frapper de plein fouet à une vitesse folle, mais comment en être sûr ? J'avais déjà été chanceux de ne pas me rompre le cou en percutant le sol...
La bouche pâteuse et les idées peu claires ou ordonnées, je sursautais lorsqu'une voix s'adressa à moi. Je n'étais pas seul, alors ?
Péniblement, je me mis sur mes coudes, balayant la pièce du regard. Une tente plutôt agréable au centre de laquelle brûlait doucement un feu doux qui projettait dans la pièce une ambiance érotique, sans compter que j'étais apparement dans un lit en peau de bête. Je vis des objets traditionels ça et là, une arme ou deux dans un coin et surtout, une femme.
Superbe et peu vêtue, me semblait-il. Je devais avouer que j'avais la vision aussi peu performante que les idées, ce qui valut à mon interrogatrice un silence prolongé le temps que je comprenne le sens de sa phrase et que je parvienne à articuler à son attention quelque chose d'intelligible bien que prononcé d'une voix faible.

- Senti... J'hésitais, puis changeais finalement. Pour l'heure, je ne considérais plus ce nom comme le mien, même si ça me faisait mal au coeur. Kyle.

Je la toisais de haut en bas, avant de refaire l'inventaire de la pièce où nous nous trouvions. Bon sang, mais OU avais-je bien pû tomber ? Elle était habillée certes légèrement (ce qui mettait son corps furieusement en valeur) et à l'ancienne mode. Elle me rappella vaguement les femmes que j'avais croisé lors de la guerre de Troie, d'ailleurs.
Soudain, un éclair de lucidité me traversa.

- Ai-je heurté quelqu'un ou quelque chose ? En tombant, je veux dire ? Tout le monde va bien dans votre camp ?

Mon inquiétude était sincère et pouvait certainement se lire sur mon visage... Qui se durçit un peu, finalement. Un morceau de sa phrase me revint à l'esprit et je décidais de m'y attarder en la fixant. Oh, je n'étais pas agressif, non. Je voulais simplement savoir à quelle sauce j'allais être mangé.

- En sécurité "pour le moment" ? Qu'est ce que je dois comprendre, au juste, Mythilène ?

Méfiant. Hey, qui ne l'aurait pas été ? Cette fille avait dans la tente plusieurs armes à sa disposition et quelque chose me disait qu'elle était en excellente condition physique, alors que moi... C'était tout le contraire. Faible et fatigué, j'étais en plus vidé de tout pouvoir. Un homme lambda dans de bien sales draps, peut-être.
La perspective ne m'enchantait pas.

- E-écoutez, je ne suis pas votre ennemi. Je suis désolé d'être apparu comme ça, mais je ne vous veux aucun mal !

Allait elle me croire ? A mon avis, pas si facilement. Mais de toutes façons, elle avait clairement le dessus sur moi et je comptais filer droit.
De plus, elle n'était aucunement mon adversaire.