Family holidays [Môman]

Il était dix heures du matin et bon sang ! Le soleil était déjà présent.
Enfin, je vous accorderais que le soleil à Hawaii, c'était un euphémisme. Les pieds dans le sable blanc délicatement léché par les rayons matinaux, mon torse nu caressé par le vent très léger qui soufflait sur la petit plage sans grande conviction, les yeux dans l'immensité turquoise qui s'offrait à moi... Je me délectais de ma première journée dans ce qui était certainement un des plus beaux endroits du monde aprés avoir savouré une baignade matinale dans mon short de bain (qui me faisait un superbe petit cul, sisi.).
Lunettes de soleil sur le nez, je sirotais mon cocktail servi à même une noix de coco -parce que je comptais bien m'adonner à tout les clichés que la télé et le cinéma avaient dressés dans l'imaginaire collectif.

Esquissant quelques mouvements de bassin en guise d'entraînement à la soirée sur la plage prévue ce soir, je regardais finalement vers l'immense véranda inondée de soleil qui bordait la maisonette que nous avions louée.

Ah, oui ! Que je vous explique tout ça un peu mieux !
Si j'étais arrivé à Tahiti, ce n'était pas seul mais bel et bien accompagné. Et pas par n'importe qui ! Héra elle-même. J'avais décidé de faire un petit cadeau à ma mère et de la sortir un peu. Nous nous étions envolés pour Hawaii depuis Seikusu avec un vol long courrier et étions arrivés hier dans la soirée. L'idée ? Simplement s'éclater un peu, sûrement ensemble, parfois probablement de notre côté. J'étais celui qui avait eu l'idée, en vérité. On partageait souvent quelques soirées, mais rien de très concret et je commençais à me demander quel genre de relation un fils et une mère du même âge physique (d'apparence, quoi...) pouvaient réellement develloper.

Et j'avais fais les choses en graaaaaaaaaand pour faire plaisir à maman, imaginez un peu : Une immense plage de sable fin s'étalant à perte de vue, une petite maison bordée par les cocotiers nantie d'une véranda immense donnant directement sur la mer (15 pas, je les avais compté avant d'aller barboter !). Dans la maison, tout le confort imaginable, bien sûr.
Seul petit bémol... Il n'y avait qu'un seul lit, certes gigantesque. Bon, la première nuit n'avait pas posé de souci puisque je m'étais étalé sur la plage pour dormir, trop content d'avoir le cul posé dans un décor de carte postale. Et pour les autres nuitées à venir, ma foi... Si maman et moi restions fidèles à nos réputations de serial-lover (un truc de famille, ça !), aucun de nous ne dormirais beaucoup dans notre petite location. Bref, il n'y avait aucune ombre à ce tableau idyllique et je comptais bien faire découvrir le surf à la reine des dieux.

En attendant, il fallait que je la réveille en douceur.

- M'MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN ! Y'A UN COCKTAIL POUR TOIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !

La seule réponse - inaudible pour son fils, heureusement - fut un " Grrrnmmmnnnwnrrr " qu'elle marmonna en ouvrant à peine les yeux. Lovée dans sa couette, les yeux tournés vers la fenêtre, la déesse ouvrit les yeux avec la même douleur qu'une humaine un lendemain de cuite. Elle se redressa lentement, le regard vitreux. Être réveillée par la voix d'Oliver Sykes était quelque chose de tendre et majestueux. Mais être réveillée par une voix qu'elle mit trente secondes à reconnaître ... Elle grogna à nouveau, passant ses doigts dans sa crinière noire.

Remise à jour : elle était sur Terre, avec son fils. Elle poussa un vague soupir, se levant avec lenteur. Elle portait encore une longue robe blanche qu'elle avait enfilée avant de partir, et qu'elle n'avait pas enlevée ... Elle se trouvait tristement humaine, parfois. Elle adressa un salut au ciel, espérant vaguement que celui qu'elle chérissait puisse la voir, et admira la vue. Elle devait avouer que la Terre n'était pas si dégueulasse à regarder ... La déesse chercha frénétiquement une cigarette au menthol, qu'elle ne trouva pas.

Nouveau grognement. Elle attrapa le cocktail, et se dirigea vers son fils.

- Charmante manière de réveiller sa mère ... grinça t'elle.

Le caractère d’Héra était bien difficile à cerner. Dix secondes plus tard, elle afficha un immense sourire.

- Très bel endroit ...

Elle ne pouvait s'empêcher de comparer chaque lieu à l'Olympe, un vieux réflexe.

- Il n'y a que toi pour m'entrainer sur Terre, Macross.

Il faudrait qu'un jour, elle cesse d'appeler son fils " fils " ou " Macross " ... Mais l'appeler par son simple prénom lui semblait insurmontable. Bah, ça viendrait avec le temps ...

- Tu sais qu'a chaque fois que tu m'appelle comme ça, tu me rappelle une ex ? Une fille sympa, mais un tantinet bi-polaire.

J'haussais les épaules. Bien sûr qu'elle le savait, je lui rabâchais les oreilles avec cette histoire, tentative peu fine de lui faire comprendre qu'il était temps qu'elle comprenne que j'avais aussi un prénom. Enfin... J'étais incapable de l'appeler "Héra" de mon côté, mais c'était l'aspect mythologique qui me gênait plus qu'autre chose.
Vous voulez que je vous dise ? Ces vacances -je l'espérais- nous permettraient de crever certains abcès. M'en voulait elle d'une façon d'être le fils de mon père et pas celui de Zeus où de je ne sais lequel de ses amants ? Je pouvais la comprendre, franchement. Mais j'étais là, et j'éprouvais une affection sincère pour elle, moi.
Pour me chasser ces reflexions de la tête au moins un peu, je me tournais vers elle en affichant un de mes larges sourires, trinquant en entrechoquant nos noix de cocos aux ombrelles multicolores.

- Bien sûr que c'est joli ! Je n'allais pas t'emmener n'importe où, je voulais qu'on s'éclate ! Et avec ta manie de voir l'Olympe à chaque coin de rues, ben... Fallait que j'assure. Vu ton sourire, je trouve que je ne me suis pas trop mal démerdé, hm ?

Fier comme un coq, et pas qu'un peu ! Ca m'avait coûté toutes mes économies, mais Hawaii nous tendait les bras. Un paquet d'activités pour la semaine à venir, et l'envie surtout de la connaître un peu plus. Fêtarde, séductrice, caractérielle... Et sûrement y'avait il autre chose derrière tout ça ?
Un doigt sur la bouche, je regardais le ciel d'un bleu superbe parsemé de petits nuages paresseux, ma mine de reflexions vissée sur le visage.

- Hmm... On peut aller faire du surf pas loin, où du Jet Ski. Une balade dans la ville la plus proche...

Mes yeux revinrent sur elle, malicieux.

- Où juste te faire prendre des couleurs. Tu veux que je te dise ? Avec un corps comme ça, un bronzage travaillé et un bikini blanc, on ne verra plus que toi dans toute cette partie du globe !

Comme si elle avait besoin de ça ! M'enfin, tout divins que nous fûmes, le décalage horaire restait un peu rude à digérer et ce n'était pas une mauvaise idée que de jouer aux lézards sur la plage qui devançait notre maison sur la mer.
Ceci étant, j'avais d'autres projets, dont le plus immédiat était plus où moins de faire l'amour à l'océan. Déposant mon coco-cocktail à même le sable, je désignais la mer à... Ma mère.

- Tu me rejoins, où tu reste à grogner sur la plage ?

Et hop ! D'un bond superbe -ma force titanesque marchant aussi dans les jambes- je plongeais dans l'ondée transparente et chaude quelques dizaine de mêtres plus loin. Qu'ele vienne où pas ne changeait rien : je ne comptais pas la laisser trop seule, même si je comptais bien en profiter de toutes façons.

Ce fils ... Elle l'écoutait en souriant, sans vraiment répondre. Si elle s'était attendue, un jour, à avoir un môme aussi attentionné et sympathique ... Elle se leva, se dirigeant d'un pas rapide vers l'intérieur de la maison. Elle attrapa une cigarette, l'allumant d'un claquement de doigts.

C'était si bon ... Le tabac lui incendia l'esprit et les poumons. L'immortalité à du bon ... Elle sortit à nouveau dehors, et cligna des yeux : aussitôt, sa robe blanche immaculée devint un bikini rouge flamboyant. Le rouge était, de loin, sa couleur favorite. Celle de la pulsion, de la colère, de la passion et de tout ce qui n'était pas sage. Elle admira le ciel un moment, ne regrettant pas d'avoir suivi son fils ici-bas.

- Rouge, jamais blanc, répondit-elle en s'approchant de la mer d'un pas lent mais empreint de grâce.

Elle tira une bouffée de tabac, à nouveau, le regardant patauger.

- Tu sais que tu es le seul de mes enfants qui ne cherche pas à me tuer ? annonça t'elle avec un sourire.

... Il était vrai qu'en Olympe, c'était compliqué. Zeus tenait debout grâce à Héra. Sa colère légendaire calmait tous ceux qui voulaient prendre le trône de maître des dieux. Et tant qu'elle serait l'épouse de Zeus, tous les complots mourraient dans l’œuf. Ce qui faisait d'elle une femme tout autant détestée que crainte. Heureusement que je suis immortelle, tiens.

Elle attendit la fin de sa clope pour entrer dans l'eau lentement, toujours aussi gracieuse - on ne s'improvise pas déesse ... - pour ensuite plonger la tête la première sous l'eau. Et ressortir peu de temps après.

- Dé-li-ci-eux, souffla t'elle.

Sa constatation m'avait fait hausser les épaules dans un mouvement un peu agacé, un peu nonchalant. Oui, Héra n'était pas la plus agréable des déesses où la plus fréquentable. Oui, elle avait plus d'ennemi que j'avais de poils sur le menton, mais non, je n'avais pas envie de la tuer. A vrai dire, ça ne me serait même pas venu à l'idée. Depuis l'époque où je bavais sur les tétons de ses vestales jusqu'a maintenant, pas une seule pensée à son encontre n'avait été belliqueuse.

- Tu es importante pour moi, pourquoi voudrais-je te tuer ? Tu ne m'a pas forcément désiré, mais tu ne m'en a pas jeté pour autant. Tu es Héra, mais tu ne m'ignore pas.

Splatch !
 Je replongeais dans l'eau tiède pour profiter du bonheur de nager dans cette mer  de rêve, pensant à Héra. J'étais -j'en étais consciens- une "erreur de jeunesse". Elle avait cédé aux avances d'un homme venu d'ailleurs, alors qu'elle était peut-être en quête d'exotisme où d'une énième colère à passer contre monsieur Zeus Crache-la-Foudre, et elle s'était retrouvée enceinte. Elle m'avait gardé, m'avait élevé de loin mais élevé quand même. Je n'aurais pas pû dire si elle m'aimait, c'est vrai. Mais elle m'acceptait, me fréquentait même si ce n'était que pour se changer les idées.
Porter la main sur elle... Bah. Qu'en aurais-je retiré ? Quel intêret ? M'attirer littéralement les foudres de Zeus ? Il ne savait certainement pas que j'existais et je n'avais aucune envie de grandeur où de reconnaissance, de toutes façons.

Sortant ma tête des flots tout en repoussant ma tignasse en arrière, je la regardais entrer dans l'eau. Superbe, gracieuse. Inacessible. Je me demandais comment il était possible de la séduire, en fait. Naaaaaaan, je vous vois venir, gros dégueulasses ! Pas pour la mettre dans mon lit ! Disons... Comment expliquer ? Par rapport à moi, ma mère semblait dans une autre sphère. Une femme racée, un cran au-dessus du reste de la masse. Comment l'aurais-je séduite si je n'avais pas été son fils ? Elle me semblait tellement lointaine, tellement désirable ! Je n'aurais pas été son fils, j'aurais sûrement considéré que nous n'avions rien à faire ensemble et j'aurais même eu honte d'oser lui proposer de prendre un verre.

- Alors, votre Superbissime, qu'avez vous envie de faire de ces vacances ?

Hop hop hop ! Agitant mes doigts devenus luminescents, je nous composais rapidement des transats flottants, fait de lumière solide. M'installant sur le mien, je regrettais de ne plus avoir mon cocktail.

- Tu veux que je te donne le fond de ma pensée ? Franchement ? Je pense que c'est plus marrant d'être à ma place qu'a la tienne, toute reine de l'Olympe que tu sois.

Ouais, carrément. Mais elle le savait, je n'avais pas la langue dans ma poche et j'avais toujours joué franc-jeu avec elle, même lorsqu'il nous arrivait -rarement certes- d'être en bisbille.

- Coincée par tes responsabilités, tes ennemis, les infidélités de Zeus, les fidèles à contenter, l'Olympe à gérer... Je levais les yeux au ciel en soupirant légérement, revenant finalement à plonger dans son regard. Comment tu fais ? Qu'est ce que tu trouve de bien là-dedans, dis ?

La déesse le suivit sur les transats, et sursauta presque en entendant sa réplique. Il préférait sa place à la sienne ? Attention louable ... La déesse le regarda sans répondre, laissant bien une longue minute de silence s'écouler avant qu'il ne puisse obtenir sa réponse. Alors, elle passa sa main dans ses cheveux trempés, et détourna son regard de lui, un moment. Quelle question étrange ... Tout le monde l'enviait, habituellement. Elle, la Grande Héra, la Déesse Mère. Celle devant laquelle on s'incline, celle qu'on respecte ... Mais non. Pas lui. Son fils ne semblait pas partager cette idée.

Au fond, elle préférait cela.

- Tu sais, à une époque ...

Elle cacha son visage dans ses mains, rougissant presque.

- J'ai vécue parmi les humains ... Toute l'Olympe m'a cherchée des jours et des nuits entières. Je suis restée un an, à jouer la jeune femme paisible et séductrice ...

Son visage se barra d'un grand sourire, tandis qu'elle se taisait. Cette partie là de sa vie était quelque peu ... atypique.

- Et un jour, quelqu'un est venu me chercher, sur Terre. Cette personne a réussie à me faire revenir dans le lieu que j'avais quitté ... L'Olympe. Depuis ce jour, je suis de nouveau Héra, la dangereuse et flamboyante Héra. En retournant sur l'Olympe, j'ai fait valoir mes droits, j'ai tout repris en main ... Ma fugue avait crée un bordel pas possible là-bas, tu sais ?

Un sourire plus simple se posa sur ses lèvres, tandis qu'elle s'allongeait entièrement sur le transat, fermant les yeux un moment. Elle était du genre à laisser de longues pauses entre chacune de ses répliques ... Un réflexe pour maintenir l'attention, quand elle s'exprimait. Au fond, ses habitudes de déesse la suivrait partout où elle irait. Cette perspective l'effraya presque.

Elle regarda à nouveau Kenneth.

- ... Je suis Héra. Je ne pourrais jamais jouer à être quelqu'un d'autre ... C'est comme inscrit en moi.

Elle eut un sourire, à nouveau, et ajouta en riant.

- Même si pour cela, je dois affronter plusieurs réalités difficiles et complexes.

Elle ne pouvait pas en dire plus ... Certes, la vie en Olympe était pénible, par moments. Mais elle s'attachait à certains plaisirs, qui lui permettait de survivre face aux conneries des autres dieux, aux infidélités de son époux - qu'elle ne comptait plus - et à toutes sortes de choses ... Elle devait affronter des situations qu'elle détestait au plus haut point, tenir tête à de nombreuses personnes, en canaliser d'autres, aider à une bonne entente et une bonne organisation ... Elle était devenue, au fil des années, forte et puissante, choses à ne pas négliger. Héra, l'Immortelle et Invincible ... Eh, ça sonne bien ! Sa main vint tapoter celle de son fils, affectueusement.

- Je suis contente d'être avec toi, en ce moment.

Elle le regarda un moment. Elle était ravie d'être en si bon terme avec lui, désormais ... Cet être était gentil, attentionné, franc, tout ce qu'elle aimait chez une personne. Elle était presque fière qu'il soit son fils. Même si elle était une déité incroyablement caractérielle, c'était parce que ce genre de personne prenait soin d'elle qu'elle ne devenait pas totalement cinglée. Ce qu'elle aurait pû devenir, d'ailleurs, au fil du temps ... Une vieille folle qui rumine dans son coin des insultes à l'encontre de tous, imaginant complots tordus et histoires saugrenues pour faire valoir son droit de régner davantage. Heureusement que des gens comme Kenneth étaient là ... Elle lui adressa un sourire franc.

- Et, pour ces vacances, je veux faire la fête ! ajouta t'elle avec un grand sourire.