Démasquée ! [PV Kal]

Marine avait l’horrible sensation de se retrouver en plein cauchemar. Assise sur un banc de bois entre une prostituée et un clochard, elle attendait que quelqu’un vienne la chercher. Elle était en prison. Elle n’aurait jamais imaginé finir dans cet endroit. C’était bien sûr un risque vu son absence de papiers mais les mois avaient passés et elle se jugeait à l’abri de cette déconvenue. Comme quoi, il ne fallait présager de rien. Elle soupira et essaya de se remémorer le comment et pourquoi elle avait atterri là.

Ce matin avait été très semblable aux autres, elle s’était rendue au lycée pour dispenser ses cours. La plupart de ses élèves s’en seraient certainement bien passé, même si elle essayait de rendre ses cours plus vivants, la philosophie n’était pas le violon d’Ingres de ces jeunes gens. Elle le comprenait d’ailleurs mais essayait quand même de leur inculquer quelques notions.

Donc, elle s’était rendue à sa première heure de cours sans que rien ne soit différent des autres jours. La seule différence fut l’attitude d’un de ses élèves, Zetsu Tanaka. Ce grand gaillard de dix-huit avait toujours une attitude détestable durant ses cours. Il passait son temps à dessiner, discuter, envoyer des sms ou dormir. D’ailleurs cette dernière attitude était certainement la préférée de la jeune femme. Au moins comme ça, il ne gênait personne. Quoiqu’il en soit, c’était devenu la bataille rangée avec ce gamin de riches, pourri et gâté, à qui on avait l’habitude de tout céder. La semaine dernière, elle lui avait confisqué son portable qui avait atterri chez le directeur. Ce dernier avait finit par le lui rendre mais la rancœur de Zetsu vis-à-vis de son professeur ne fit que s’accroître. Au dernier cours, elle leur avait rendu leurs devoirs, bons dans l’ensemble, sauf pour le sus nommé qui s’était ramassé un deux. Ce qui était plutôt pas mal vu ce qu’il avait osé rendre. Il avait fait un véritable scandale en classe mais Marine ne s’était pas démontée et avait refusée de remonter la note qui était totalement méritée.
 
Ce matin-là donc, il la regardait, le sourire aux lèvres. Visiblement, il était très satisfait de lui-même bien que la raison en échappait totalement à son professeur. La jeune femme se mit à faire son cours sans faire plus cas de lui jusqu’à ce que quelqu’un vienne frapper à la porte. C’était le directeur en personne qui lui demanda de la suivre. Surprise, elle s’exécuta cependant. Vu la tête qu’il faisait, ce n’était pas pour une bonne nouvelle et elle se rendit compte qu’elle était largement en-dessous de la vérité lorsqu’elle franchit le seuil de la salle de classe. Deux représentants des forces de l’ordre l’attendaient ainsi qu’un homme inconnu. Ce dernier, en complet gris, semblait particulièrement en colère et une colère toute dirigée vers elle. Avant de comprendre quoi que se soit, il commença à l’invectiver.

« C’est elle ! Vous voyez ! Ce n’est qu’une menteuse et un imposteur ! »

Marine resta hébétée, elle ne comprenait toujours rien mais elle sentait qu’on allait bientôt lui expliquer les choses. Elle se tourna vers le directeur qui semblait plus qu’ennuyer.

« Monsieur ? »

« Ecoutez, mademoiselle, je vous ai engagée sans références et je vous ai fait confiance. D’ailleurs vous êtes tout à fait compétente… »

« Compétente ? Mon œil ! Elle n’est pas plus compétente que moi, cette fille ! »

« Monsieur Tanaka, s’il vous plait »

Tanaka ? Comme son élève ? La jeune femme le regarda plus attentivement. Il ressemblait effectivement à Zetsu. Nul doute qu’il devait s’agir de son père.

« Monsieur Tanaka a souhaité avoir des… renseignements sur vous car il semblait croire que vous sous notiez très largement son fils… »

« Et pour cause ! Cette fille n’est pas prof ! »

Le directeur se retourna une nouvelle fois vers l’homme pour tenter de le calmer.

« S’il vous plait ! – Il revint alors vers la jeune femme – Je ne pouvais rien lui donner vu qu’il n’y aucuns documents »

C’était donc ça ! Marine ferma les yeux quelques secondes. Le sale gosse de riche avait convaincu « papa » que s’il avait des mauvaises notes c’était de sa faute à elle et non à lui. Et bien sûr, le père avait dit amen. C’était donc pour ça que Zetsu arborait ce sourire victorieux. Il savait déjà ce qui allait se produire. Elle rouvrit les yeux et vit les deux policiers. Logique ! Vu qu’elle n’avait aucun papier, elle était une étrangère sur le sol japonais qui travaillait dans un lycée en toute illégalité.

« Je suis désolé, je vous aurai bien gardé mais je ne peux engager le lycée là-dedans. Je suis navré, mademoiselle »

La jeune femme lui adressa un léger sourire. Il avait fait ce qu’il avait pu pour l’aider.

« Ce n’est pas grave, je comprend »

L’un des policiers s’avança vers elle et lui demanda de le suivre mais Tanaka n’en avait pas finit avec elle.

« Les menottes ! J’exige que vous lui mettiez les menottes ! C’est une délinquante ! »

Le policier hésita mais finit par sortir les menottes. De toute évidence, monsieur Tanaka n’était pas n’importe qui. Il devait avoir des appuis non négligeables dans la police et la politique, sans oublier un compte bancaire bien remplit. Elle présenta ses fins poignets au policier qui lui passa les bracelets de métal.

« Venez s’il vous plait ! »

Son collègue alla récupérer son sac de cours et ils l’entrainèrent vers la sortie. Marine ne songea même pas à s’échapper. Elle se laissa faire. Elle ne voulait pas devenir une fugitive. La voiture de police les attendait dans la cour. L’un des deux la plaça à l’arrière, toujours menottée. Elle se trouvait séparée des deux hommes par un grillage. Cela devait éviter des problèmes avec des contrevenants plus récalcitrants que la jeune femme.

Ils roulèrent à vive allure et se retrouvèrent en poste en moins de dix minutes sans qu’un mot ne soit échangé. Arrivée au commissariat, ils la firent descendre et entrer dans le bâtiment. Toujours sans un mot, l’un des deux hommes la mena jusqu’aux cellules de garde à vue. Il la fit entrer dans l’une d’elle. Une pièce de trois mètres sur trois où deux autres personnes se trouvaient déjà. Des graffitis ornaient les murs de bétons et la cellule empestait l’urine et la sueur. Une fois à l’intérieur, le policier lui enleva les menottes.

« Attendez ici, on viendra vous cherchez un peu plus tard »

Marine hocha simplement la tête et alla s’asseoir. Les deux autres la regardèrent bizarrement. C’est sûr qu’elle devait dénoter dans le paysage avec sa tenue victorienne : jupe longue noire, chemisier blanc à manches bouffantes et corset noir.

« Ben qu’est-ce t’as fait miss pour te retrouver dans un endroit pareil ? »

La femme qui venait de parler devait être une prostituée vu sa tenue voyante et plus que suggestive.
 
« Je n’ai pas de papiers »

Elle siffla.
 
« T’as pas de bol ma belle ! »

« Ça, ça date pas d’aujourd’hui »

La jeune femme n’avait plus qu’attendre en espérant que son interlocuteur se montrerait indulgent et compréhensif ce qui n’était pas gagné.

Le bruit de la pile de papier s'écrasant sur le bureau fût à peine audible tant il y avait du brouhaha dans les environs. Partout les policiers s'agitaient et remuaient, sauf peut-être celui qui dévorait un stylo bille en regardant l'homme en uniforme qui venait de poser le dossier devant lui. Kal haussa un sourcil interrogatif en s'avachissant dans son fauteuil alors que son interlocuteur prenait la parole.

- C'est pour toi, Macross. Une sans-papiers en gardav' qui attend en bas.

- Rien à secouer, Hiro. Je suis pas le bureau de l'immigration, hein. Va voir Natsumi, plutôt.

- Ouais, mais non. On m'a demandé de faire passer ça en "agression", alors ça te concerne.

Le flic aux mêches cendrées se redressa un peu aux mots de son collègue. "Faire passer" ça, c'était maquiller les faits pour une raison forcément pas trés légale, pratique que l'incorruptible inspecteur américain n'appréciait pas. Il en connaissait bien sûr l'existence mais se contenter d'éviter d'y être mêlé même pour sauver les faux inculpés. Aprés tout, il était flic et pas un super-héros et avait ses propres soucis à régler. Hiro le savait bien, pourtant. Alors quoi, le jap' se foutait de sa gueule ?
Kal dû avoir un regard explicite, puisque le flic en costume gris enchaîna.

- Je te refile ça parce que 1) tu me dois ça pour avoir fait sortir ta protégée la dernière fois 2) parce qu'il n'y a rien de suffisant là dedans pour que la fille soit accusée de quoi que ce soit. Personne ne la fera sortir, enfin presque personne. Et t'adore receuillir les animaux blessés, on le sait tous.

- Imbécile.

Hiro dessina un sourire entendu sur ses lèvres alors que Kal saisissait le dossier, peu convaincu des arguments. Mais effectivement, l'homme devait un sacré retour à Hiro qui avait tiré Sam de taule pendant qu'il s'était absenté pour enquête quelques temps. Bon, effectivement tout le dossier était bien léger et le nom du plaignant ne l'étonna pas réellement, ayant déjà eu maille a partir avec Tanaka par le passé au vu des fréquentations de son fils. Une bonne occassion de botter en touche le vieux, tiens.

- Okay, Hiro, je prends. Mais tu t'occupe de ma tuée d'hier, tu sais cette rousse qui venait d'obtenir les papiers japonais. Y'a plus que les formalités à régler.

- Vendu, Cowboy. Amuse toi bien en bas, elle est pas mal ta nouvelle amie.

Dans un long soupir, Kal se leva finalement et prit la direction des cellules de garde à vue pendant qu'Hiro lui disait qu'entretemps, l'accusée avait été transférée en salle d'interrogatoire où elle l'attendait. C'était déjà ça de fait.
Quelques longues minutes plus tard, la porte de l'exigue petite pièce aux murs grisâtres contenant pour seul mobilier une table d'acier de deux chaises assorties s'ouvrait pour laisser apparaître un Kal mal rasé, habillé d'un sweat noir doté d'un col en V aux manches retroussées, d'un jean délavé et d'une paire de Converses assorties au haut. A sa ceinture demeurait son arme de servie dans son holster et sa plaque en évidence qui donnait son nom et son grade, ainsi que son matricule.
L'inspecteur Macross vint donc s'assoir, posant devant son interlocutrice un café chaud, visiblement extrait d'un distributeur. Il s'en était accordé un également, qu'il posa tout à côté du dossier.

- Je vous préviens, le café est dégueulasse. Mais c'était soit ça, soit potage potiron-épinard.

Un petit sourire destiné à détendre l'atmosphère. Kal n'avait rien contre cette rousse assez jolie au demeurant, qui avait pour seul tort de ne pas avoir de papiers... Tout en ayant enseigné. Quelque chose à tirer au clair.
Il porta le café à ses lèvres et en bû une gorgée avant de continuer.

- Bon, commençons par le départ. Vos noms et prénoms, je vous prie. Votre nationalité d'origine. Faîtes un minimum d'effort, hein. Pas la peine de me le cacher, sauf si vous voulez retourner dans votre cage à lapin.

Sortant un stylo, Kal griffonna quelques mots sur une des pages du maigre dossier et releva ensuite les yeux.

- C'est rare, les jolies rousses.

Ca avait été dit le plus naturellement du monde, sans vraiment aucune connotation notable. Bon, ça restait un préjugé un peu limité, mais tout de même un compliment relativement anodin.

Au bout d’une demi-heure, un nouveau policier vint la chercher.

« Allez la rouquine ! On t’attend ! »

La rouquine en question se leva faisait chuter l’ivrogne qui avait commencé à s’endormir sur elle. La jeune femme n’avait rien dit de plus à ses deux compagnons temporaires que les quelques mots échangés lors de son arrivée. Elle n’aimait pas parler, ce n’était pas maintenant que ça allait changer.

Elle avança jusqu’à la porte où les charmants bracelets lui furent remis. Le flic lui attrapa l’épaule et la conduisit à travers le couloir menant aux salles d’interrogateurs. Le commissariat fourmillait de bruit ce que détestait aussi la jeune femme qui fut donc ravie, d’une certaine manière, d’arrivée dans la dite salle. Elle n’était pas insonorisée mais atténuait grandement le bruit extérieur. Marine en fut soulagée. Elle s’assit sur la chaise de métal désignée par l’homme, devant une table de même facture.

« Un inspecteur va venir vous interroger »

Oui, ça elle s’en doutait. C’était typiquement le genre de chose qu’elle détestait. Les gens qui disaient des évidences. En gros, ils parlaient pour ne rien dire. Un gaspillage d’énergie bien inutile et dont elle se passait volontiers. La plupart du temps, elle échangeait seulement par politesse et elle s’en serait bien passée mais elle essayait de s’intégrer. Evidemment, vu son comportement général, c’était loin d’être gagné.

La jeune femme attendit encore dix bonnes minutes avant que la porte ne s’ouvre à nouveau faisait apparaitre un homme de haute stature et d’une carrure qui allait avec. Sa tenue, plus relax, dénotait par rapport à celles de ses collègues qui étaient tous en uniforme.  Evidemment, la plaque et l’arme étaient là pour rappeler la fonction de l’homme aux cheveux gris. C’était étrange, il paraissait jeune pourtant. Marine lui donnait moins de trente ans. Parfois les gens blanchissaient d’un coup, sans vraiment savoir pourquoi. Néanmoins, elle ne resta pas fixée sur cet élément de sa personne. Elle nota que son visage n’avait rien d’asiatique mais était plutôt de type européen. Cela ajouté au nom qu’elle réussit à lire, elle en conclut qu’il était probablement américain ou anglo-saxon au moins.

Il déposa un café brulant devant elle vu la chaleur qui s’en dégageait et la prévint qu’il était « dégueulasse » pour reprendre son terme. Comme tout bon inspecteur, il lui demanda de s’identifier et de coopérer. Et pour conclure, il la complimenta sur sa personne ce qui lui fit ni chaud, ni froid vu qu’elle s’en moquait un peu de son physique et ne se considérait pas vraiment comme belle. Elle posa ses mains menottées sur la table et parla d’une voix posée.

« Je veux bien être coopérative, inspecteur Macross, mais je risque de ne pas pouvoir beaucoup vous aider pour compléter vos documents »

Elle ne pouvait pas l’aider parce qu’elle-même ne savait pas grand-chose sur elle. A partir de là, c’est compliqué de donner des informations sur sa personne.

« Mon prénom c’est Marine et, malheureusement, c’est la seule information que je peux vous donner. Noter bien que je dis « peux » et non « veux ». Je ne peux pas vous en dire plus car je ne connais rien d’autre. Je ne connais ni mon pays d’origine, ni mon nom de famille, rien »

La jeune femme parlait sans une once de colère ou de reproche. Elle relatait juste des faits et gardait un visage neutre. Déformation professionnelle, si on peut dire, on lui avait appris à dissimuler ses émotions et elle le faisait plutôt bien. Par contre, étant foncièrement honnête, elle ne voulait pas mentir.

Si Kal était habitué à une chose, c'était bien que les gens ne coopèrent pas. D'une façon où d'une autre ils s'avéraient réticents et esquivaient les questions et leurs réponse, comme si agacer les flics et faire monter la mayonnaise était devenu pour eux une sorte de sport olympique pour lequel il fallait obtenir la médaille d'or. Cette fille -Marine, comme elle confirma s'appeller- n'avait rien de l'imbécile agressif de base et agissait avec calme et patience. Un bon point pour elle et pour Kal, qui ne se voyait sérieusement pas perdre son temps en bavardages inutiles alors qu'il essayait de lui sauver la peau. Ceci étant dit, la rouquine ne coopérait pas vraiment mais ses réponses plus qu'a la limite du foutage de gueule n'étonnaient pas l'agent. L'ami Kal en avait tellement vu et entendu qu'il était blasé de ce genre de situation. Ca allait encore durer des heures, c'était la seule pensée qui justifia son soupir même pas dissimulé.
S'avachissant sur la chaise en sirotant son café immonde, il accorda à Marine un regard neutre qui ne dénotait de rien, même pas d'un éventuel agacement.

- Ecoutez, Marine. J'ai du mal à croire qu'on puisse ignorer son pays d'origine où son nom de famille. Je comprends que vous ne voulez pas que je vous fasse passer par les services de l'immigration pour ne pas rentrer dans vos pénates, mais si vous vous entêtez je n'aurais pas d'autres choix. Et eux, ils vous trouverons un pays, quitte à vous inventer les papiers pour y retourner.

Les gens n'avaient pas de reconnaissance quand ont leur tendait la main. Qui que fût cette fille, elle avait des ennemis issus du haut du panier, comme Tanaka. Lui s'arrangerait même pour la faire passer par les armes au besoin qui que si il avait fait appel à la police il n'en était pas encore là.
Furetant dans les lignes du dossier, Kal glâna quelques informations sur la situation avant de continuer de la même voix monocorde.

- Sans papiers, mais enseignante ? A moins d'une faveur du directeur, je ne vois pas comment votre situation était possible autrement... Bon, je vais donc vous expliquer la situation plus clairement. Vous ne voulez pas... Pardon ne "pouvez pas" me dire qui vous êtes mais cette situation de prof' illégale est passible de prison pour votre directeur et tout les gens qui savaient pour vous. De plus, on sera rapidement amenés à vous mettre sur le dos toutes les histoires louches passées au sein de l'établissement. Qui que vous soyez, vous avez mis vos proches dans un sacré pétrin.

Menaces ? Oui et non. Kal n'agissait pas ainsi mais cherchait tout de même à la faire réagir par la véracité de ses propos. D'aprés le flic ayant procédé à l'arrestation, la rousse n'avait pas protesté et s'était laissée faire pour rendre service au directeur. Peut-être qu'en jouant là-dessus elle s'avérerait VRAIMENT coopérative ? Toutefois, une idée parallèle pour résoudre la situation commençait à se dessiner dans l'esprit de Kal. Mais pour le moment, il garderait ça pour lui et attendrait de voir comment Marine réagirait aux nouveaux éléments.

- Je suis votre allié, vous savez ? Je n'aime pas plus Tanaka que vous et il me le rend bien, alors vous aider d'une façon où d'une autre serait un parfait pied-de-nez à cet abruti noyé dans ses yens.

Cette fois, Kal esquissa un sourire sympathique. Marine n'avait pas l'air bête et bornée (du moins au premier abord) et sauterait peut-être sur l'occassion. Maintenant, si elle ne savait vraiment pas qui elle était... C'était une perspective tellement fantaiste que Kal avait du mal à vraiment l'imaginer. Bah, il aviserait.

Curieusement Marine se doutait qu’il ne la croirait pas. Le nombre de personnes qui avait dû être assise à sa place et lui tenir le même discours devait être légion. Devait-elle lui en dire plus ? Lui raconter son histoire. Il ne la croirait pas d’avantage. Pire, soit il la prendrait pour une folle ou soit juste une délinquante qui ne veut pas se mettre à table. Mais dans tous les cas, elle allait retourner dan la charmante pièce de trois mètres sur trois.

La jeune femme se sentit par contre beaucoup plus mal à l’aise lorsqu’il évoqua le lycée et le directeur. Il laissa planer un risque de représailles sur cet homme et toutes les personnes qui seraient au courant de son statut de sans papiers. Elle ne laissa pourtant rien paraître sur son visage mais elle ne voulait créer de problèmes à personne. A part le directeur, personne n’était au courant de son statut. Il avait été plus que conciliant en acceptant de l’embaucher. Il faisait parti de ses hommes pour qui les diplômes ne font pas tout et où une parole donnée peut avoir plus de valeurs qu’un morceau de papier. Elle avait été honnête avec lui et il avait alors voulu l’aider, tout simplement. Mais dans un monde où tout le monde vit pour soi, comment expliquer une chose pareille à un policier.

Finalement, il finit par lui faire le coup du policier copain qui a maille à partir avec le méchant qui lui voulait aussi des problèmes. Néanmoins, le sourire qu’il afficha semblait sincère. De toute façon, elle n’avait pas vraiment le choix. Qu’elle parle ou qu’elle ne dise rien, ça ne changerait pas grand-chose pour elle. Du moins, c’était ce qu’elle pensait. Par contre, elle pouvait peut-être aider le directeur du lycée. Lui, il ne méritait pas d’avoir des problèmes.

« Le directeur est le seul au courant de mon… absence de statut. Aussi improbable que cela puisse paraître, il m’a fait une faveur en m’engageant. On n’a beaucoup discuté et il s’est rendu compte que j’avais les connaissances suffisantes pour enseigner – elle avança un peu son buste vers Kal et son visage perdit un peu de sa froideur – Ecoutez, mettez moi en prison mais ne lui faites pas de problèmes, il a juste voulu m’aider. On ne condamne pas quelqu’un pour ça »

Elle hésitait à parler du reste mais de toute façon, elle allait devoir y venir à un moment donné alors autant le faire tout de suite. Inutile de parler pour rien. Il ne la croirait probablement pas mais au moins, elle serait honnête. Elle reprit sa position initiale et son visage redevint inexpressif.

« Je vais vous dire ce que je sais à mon propos. Je sais d’avance que vous ne me croirez pas mais j’aurai au moins ma conscience pour moi – elle prit une profonde inspiration, elle détestait parler d’elle et surtout de cette vie qu’elle avait abandonnée – Je ne sais pas d’où je viens. La seule chose que je sache c’est que des hommes m’ont enlevées quand j’étais enfant. J’avais cinq ans, je crois. Ils m’en emmenée dans une sorte de camp militaire, quelque part, dans la montagne. J’y ai été formée au combat pendant dix ans. Ensuite, on m’a envoyée en mission un peu partout. A un moment j’ai plus supporté cette vie et je me suis enfuie. J’ai finit par atterrir ici. C’est tout ce que je peux vous dire à mon propos. Je ne sais rien d’autres »

Au moins maintenant c’était fait. Il allait probablement lui dire qu’il n’en croyait rien. Au mieux, il allait la ramener en cellule, au pire il continuerait cet interrogatoire stupide. La seule chose qu’elle espérait c’était que le directeur n’ait pas de problèmes.

C'était prévisible bien sûr, mais en évoquant les soucis possiblement dédiés au directeur, Kal avait un peu fait avancer la situation. Cette Marine semblait attachée à cet homme et elle expliqua pourquoi. Une simple discussion, peut-être à coeur ouvert, avait convaincu le directeur de l'école de l'embaucher elle comme professeur. C'était une explication un peu grossière qui aurait valu des éclaircissements mais d'aprés le rapport du policier chargé d'arrêter la rousse, les propos étaient vrais. Ca n'enlevait toutefois rien à la gravité du problème qu'encourait à présent l'établissement : si jamais quelqu'un apprenait l'histoire de la fausse prof', le directeur serait lynché médiatiquement et la réputation de l'établissement gravement mise en défaut. Et Tanaka saurait trés certainement tirer profit de tout ça d'une façon où d'une autre, sûrement en appuyant ses diverses connaissances politiques.
Marine, naïve où vaguement inconsciente de la loi, pensait qu'on ne pouvait condamner une personne pour un service. Marine se trompait et malgré l'air moins distant qu'elle avait adopté, Kal ne changea pas de ton. Se remettant plus convenablement sur sa chaise et mettant les bras sur la table, il se pencha également davantage pour adopter une posture égale à la sienne.

- Vous ne réalisez donc pas la situation, Marine ? Parfait, je vais vous faire un rapide exposé. Pour vous avoir aidée -en allant à l'encontre de toutes les lois de ce pays, précisons le- le directeur K. risque la prison sur plusieurs dizaines d'années, la perte de ses diplômes et une exposition médiatique qui sera préjudiciable à toute sa famille. Ne parlons pas de la réputation de l'école et des autres professeurs, qui pourraient être soupsonnés de complicité. Ce "service" partait sûrement d'un bon sentiment mais risque de se finir en catastrophe pour de nombreuses personnes.

Il croisa les bras devant lui et attendit que Marine lui expose ses origines. Voilà une histoire qu'il n'avait jamais entendue et qui avait le mérite d'être originale bien que trés peu crédible. Pourtant, Kal se contenta d'un simple haussement de sourcil en guise de réaction. Il ne voulait pas contrarier la jeune femme, du moins pas pour l'heure.

- Drôle d'histoire. Vous vous rendez compte que personne ne croirait à pareille fable ? D'autant plus que vous prétendez enseigner...

Il jetta un oeil au dossier avant d'enchaîner.

- ...La philosophie. Comment une enfant-soldate envoyée en mission que je suppose commando peut elle avoir un niveau suffisant pour enseigner une matière aussi délicate ? Prof de sport, j'aurais compris, mais là...

Kal soupira, se rejettant sur le dossier de sa chaise tout en fixant la rousse avec attention. Non, il ne la croyait pas. Pas plus qu'il n'avait cru un type qui avait prétendu venir de l'Enfer pour semer la discorde en vendant des bd hentaï d'une qualité graphique douteuse, qui plus était. Marine avait toutefois un poids à son crédit : le directeur. En effet, l'inspecteur connaissait l'homme pour l'avoir aidé avec quelques cas d'élèves difficiles par le passé. Si il ne le comptait pas particulièrement dans ses amis, Kal savait que l'homme avait un bon fond. Il n'aurait pas accepté Marine sans raison.

- Vous vous fichez peut-être de finir en taule mais ça ne fera que faire se jouir dessus Tanaka, qui tiendra votre directeur par les couilles. Je n'aime pas Tanaka non plus, mais j'aime bien le dirlo. Vous ne préféreriez pas qu'on trouve un arrangement ?

Cette fois, son sourire fût plus amusé, plus entendu. Kal mijotait clairement quelque chose et tendait une perche à l'affabulatrice. Il ne restait plus qu'a cette dernière de la saisir... A ses risques et périls peut-être, mais qu'avait elle à perdre ?

- Bon, ça ne sera pas trés trés légal, hein. Mais vous n'en n'êtes plus là... Et moi non plus.

Il avait parlé à voix plus basse, comme pour lui livrer un secret.

Marine n’avait effectivement aucune idée de ce qu’elle encourait mais surtout de ce que les autres pouvaient encourir. C’était extrêmement paradoxal chez elle. Elle avait des connaissances énormes dans le domaine du combat, de la philosophie, des lettres et autres. Mais, à contrario, elle était totalement ignorante d’autres choses et pouvait même paraître naïve parfois. Quoiqu’il en soit, elle voulait à tout prix éviter les problèmes à monsieur Kimura, le directeur du lycée.

Pour son histoire, oui, elle se doutait tout à fait qu’il ne la croirait pas mais ça coutait rien d’essayer. Maintenant, ses options pour qu’il la croit étaient plutôt limitées. On ne lui avait pas donné un papier explicatif quand elle avait fui le camp. Pour la philosophie, c’était aussi simple mais pas forcément crédible non plus.

« C’est vrai qu’on ne m’a pas vraiment enseignée la philosophie là où je vivais mais quand je suis arrivée dans cette ville, je ne connaissais personne. Alors je passais toutes mes journées à la bibliothèque et j’ai lu énormément. J’ai appris comme ça. Il faut dire que je ne suis pas particulièrement sociable et je déteste la foule et le bruit. La bibliothèque, c’était parfait pour moi »

Qu’est-ce qu’elle pouvait bien rajouter d’autres ? Elle ne voyait pas trop. Tout ce qu’elle pourrait dire, elle l’avait déjà dit. Rien, n’y personne ne pouvait créditer ses propos. Lorsqu’il parla d’arrangement, elle le prit plutôt mal. Jusque là, il lui avait semblé un flic intègre ou au moins dans la moyenne. Là, il baissait considérablement dans son estime. Pour elle, il semblait évident que comme arrangement, il parlait soit d’argent, soit de sexe. Elle ne comptait ne lui donner ni l’un, ni l’autre. Son regard se fit glacial sans compter que le langage trop familier du flic lui déplaisait tout autant que sa proposition.

« Non, merci. Je ne veux pas de votre « arrangement » quel qu’il soit. Je pensais que vous étiez quelqu’un de bien. D’habitude mon instinct ne me trompe pas. Visiblement, là il s’est bien trompé. Au fond, vous ne valez pas tellement plus que monsieur Tanaka ! »

Ses yeux aigue-marine lançaient des éclairs à son interlocuteur. Non mais pour qui la prenait-il ? Une fille des rues ? Certes, elle n’avait pas d’existence, ni de papiers mais elle avait encore son honneur et sa dignité. Un instant, elle quitta l’inspecteur Macross des yeux pour les poser sur la pièce. Il n’y avait pas de fenêtres et pas d’ouverture sur la porte et à par l’homme en face d’elle, il n’y avait aucun autre policier. Marine revint alors poser son regard sur son interrogateur.

« Je peux peut-être vous prouvez que ce que je dis est vrai concernant le camp mais pour ça, il faudrait que vous m’enleviez mes menottes – elle lui tendit ses poignets – Ne craignez rien, je n’ai ni l’intention de vous frapper, ni l’intention de chercher à m’enfuir. Je vous demande juste une chance de prouver ce que je dis ! »

Elle disait vrai, elle ne comptait pas lui faire de mal, ni chercher à s’esquiver. Elle avait peut-être un moyen de lui faire comprendre son passé même si c’était loin d’être gagné. Ses yeux étaient redevenus neutres et ne dispensaient plus de colère, du moins pour l’instant.

Et ça continuait... On se serait cru dans un  mauvais feuilleton au scénario convenu que l'homme aurait pû écrire de sa main. Il avait envisagé une réponse comme celle là à sa question et attendait soit la bibliothèque soit le "j'ai découvert Internet". Une fois encore, Kal avait tapé juste et commençait à se dire qu'il avait quelques dons de voyance. A la petite histoire de Marine, il ne répondit que par un "Hmhm" de circonstance qui voulait clairement dire qu'en fait, il n'y croyait pas une seconde.
Buvant une nouvelle gorgée du jus de chaussette sensé être caféïné, il acceuillit la "transformation" de Marine avec un regard plus suprit, par contre. Se redressant un peu, l'homme aux cheveux cendrés écouta avec intêret (et amusement en fait, il fallait bien le dire) les paroles de la jolie rouquine. Ohoh, elle pensait donc que le flic voulait abuser de sa position pour l'heure dominante ? L'idée n'était pas repoussante en soit, Kal l'admettait bien volontiers, mais elle ne faisait aucunement partie de ses projets sur le court où long terme. Afin qu'elle se calme, l'inspecteur ne l'interrompit pas et la laissa enchaîner aprés qu'elle eut observé avec plus d'attention la pièce où tout deux se trouvaient. A quoi pensait... Ah, d'accord. Marine s'assurait de l'endroit pour lui proposer ce que Kal estimait être une exhibition de ses talents acquis dans ce fameux camp. D'ailleurs, elle lui demanda même d'enlever les menottes, ni plus ni moins.
Kal ne pût s'en empêcher, il ria. Pas à gorge déployée, mais doucement en entraînant ses larges épaules carrées moulées par le sweat. Posant le dossier sur la table, le policier en profita pour attraper le téléphone portable qu'il avait dans la poche et l'ouvrit pour chercher un numéro dans son répertoire.
Levant les yeux par intermittence vers Marine, l'inspecteur prit la parole.

- Vous avez l'esprit dans la culotte, mademoiselle Marine. Je n'attends pas de vous ce que vous semblez imaginer mais pour ne pas vous donner totalement tort, je vous avouerais que l'idée ne manque pas de charme. Malheureusement, elle n'est pas d'actualité ici.

Kal souria en appuyant sur une touche de son mobile avant de le porter à son oreille en mettant son doigt sur sa bouche, intimant ainsi à son interlocutrice un "chut" silencieux.

- Hiro ? Ouais. Hm ? Non, ça roule.... Oui... Hm.... Bref, tu t'es occupé du dossier que je t'ai demandé ? ...Pas encore ? Non non, parfait ! Tu m'a bien dis qu'elle n'avait pas de famille, c'est ça ? Tu n'a pas prévenu l'immigration ? ...Hm... Ok ne fais rien et ramène moi le dossier complet en salle d'interro 3. Ouais. T'suite.

Refermant le clapet dans un claquement sec, Kal reposa le mobile sur la table et mit sa main sur une de celle de Marine pour les lui faire reculer. Non, il ne la libérerait pas. Enfin... Pas tout de suite, pas comme ça.

- Je vais être franc avec vous, Rambo. Je ne crois pas à votre histoire une seule seconde, que ce soit votre camp d'entraînement où votre histoire d'apprentissage sur le pouce. Et malgré le fait que vous sembliez me prendre pour un imbécile plus où moins léger, je ne vous enleverais pas les bracelets.

Repoussant sa chaise d'un mouvement de jambes, Kalhenn se mit debout et fît quelques pas dans la salle d'interrogatoire, tournant autour de la table comme un prédateur l'aurait fait pour une proie. Se postant contre un mur sur la gauche de Marine et face à la porte, Kal entreprit de s'allumer une cigarette. Ce fût au moment où l'homme actionnait la molette du Zippo qu'Hiro ouvrit la porte, un dossier sous le bras. Le japonais lança un regard à Marine puis à son collègue, qu'il apostrophia alors que ce dernier allumait finalement sa sèche.

- Je suppose que ça reste entre nous, cowboy ? Tu compte en faire quoi ?

- M'occuper d'un animal blessé, cette question. Et c'est même pas que ça reste, c'est que tu oublie.

Hiro acquiesa d'un geste de tête en venant donner le dossier à l'américain avant de jetter un dernier regard égnimatique à Marine et de disparaitre, fermant fermement la porte derrière lui. Loin de faire autre chose, Kal tira quelques bouffées en silence puis revint finalement à la table, s'asseyant sur le bord à côté de la prisonnière tandis qu'il mettait le dossier à la couverture orangée devant elle.

- Voilà ma part de l'arrangement, miss. Une identité complète, des papiers officiels. Une femme rousse venue de France, comme vous pourrez le voir en consultant les feuilles. Votre nouveau vous, votre nouveau nom.

D'un geste de la main volontairement évasif, Kal l'invita à ouvrir l'ouvrage. A l'intérieur se trouvaient effectivement tout les documents nécéssaires à sa nouvelle vie, comme une carte d'identité japonaise et autres détails validés par le bureau de l'immigration.

- En échange... Je vous demande simplement de vous faire reprendre au lycée. Le directeur saura sûrement mettre la main sur des diplômes à vous adresser. Et même mieux, vous pourrez porter plainte contre Tanaka pour diffamation.

Affichant un sourire de toutes ses dents, Kal croisa les bras sur son torse en fixant Marine.

- La décision vous reviens et non, je ne demanderais absolument rien d'autre.

Rien qu’à la tête que le flic faisait, Marine savait qu’il ne croyait pas un mot de ce qu’elle racontait. Les gens étaient vraiment bizarres. Ils exigeaient qu’on leur dise la vérité, ils mettaient la vérité plus haut que tout mais dans, le même temps, ils ne voulaient pas l’entendre. Au final, si elle avait raconté quelque chose de faux mais de crédible, l’inspecteur Macross l’aurait crue.
 
C’était désolant. C’était ce qu’elle se disait malheureusement, elle n’y pouvait pas grand-chose. Il alla jusqu’à lui refuser de lui enlever ses menottes. Pourtant, elle n’aurait rien tentée. Elle oscillait entre colère et déception mais n’en laissa rien voir comme toujours. Seul point positif, son instinct ne semblait finalement ne pas s’être trompé. L’homme ne semblait pas intéressé même s’il ne put s’empêcher de signaler qu’il n’aurait pas été contre mais Marine fit mine de ne rien remarquer.

Le policier se mit alors à téléphoner à un collègue en lui intimant le silence d’un doigt sur ses lèvres. Elle n’avait pas l’intention de parler, elle lui avait dit tout ce qu’elle pouvait, elle n’allait pas se mettre à pleurer et à supplier pour qu’il la laisse sortir. Elle ne comprit pas grand-chose à la conversation qu’il mena. Ce qui était normal en même temps.

La jeune femme sursauta en sentant une main sur la sienne, celle de l’inspecteur qui repoussait ses mains menottées vers elle. Il se mit en devoir de confirmer verbalement ce qu’elle avait saisit rien qu’en le regardant, qu’il ne la croyait pas. Libre à lui.

Macross se mit alors en devoir d’allumer une cigarette. Elle ne fumait pas et n’aimait pas ça mais acceptait que se soit le plaisir ou la faiblesse des autres. C’est pour ça qu’elle ne lui fit aucune remarque. Elle se contenta de le regarder se poser contre le mur et allumer sa cigarette alors que son collègue arrivait. Ils échangèrent à nouveau des paroles énigmatiques pour la jeune femme mais qui savait pourtant que ça la concernait. Moins d’une minute plus tard, le dénommé Hiro repartait tout en ayant laissé un dossier à son collègue qui, après quelques bouffées, revint se poser face à la rouquine.

Là, et contre toute attente pour Marine, il lui proposa une nouvelle identité. Pour une fois, elle perdit son aspect de statue et resta complètement stupéfaite. Elle s’attendait à tout sauf à ça. Sur une invitation de sa part, elle ouvrit le dossier et constata qu’il ne se moquait pas d’elle.  Il y avait tous les papiers dont une personne pouvait avoir besoin dans une vie : carte d’identité, certificat de naissance, papiers de sécurité sociale, visa… Elle releva la tête vers l’homme, interrogative, essayant de savoir ce que cela allait lui coûter. Rien n’est gratuit en ce monde, elle le savait mais curieusement le prix qu’il indiqua semblait bien faible. Marine reprit sa position, le dos bien droit et les mains posées devant elle à quelques centimètres du dossier qui lui donnait une vie, son visage redevenu neutre.

« Vous me donnez tout ce qu’il me fait pour avoir une vie « officielle » et légale. Je ne suis pas stupide, je ne vais pas refuser cette opportunité. Et votre condition est acceptable. J’irai voir monsieur Kimura, je ne pense pas que cela lui pose problème de me reprendre. Je ne suis pas particulièrement ravie de devoir porter plainte contre monsieur Tanaka mais je vous le dois, alors je le ferais »

Elle n’était pas particulièrement ravie d’accepter les papiers et de devoir satisfaire à ce marché mais elle n’aurait pas d’autres occasions d’avoir de vrais papiers d’identités. Il aurait été stupide et infantile de refuser pour de la fierté mal placée. Néanmoins, elle se rapprocha et se pencha à nouveau vers lui et le regarda bien en face.

« J’accepte mais je veux que vous sachiez une chose, inspecteur Macross, je ne vous ai pas menti. Même si vous ne me croyez pas, je ne vous ai pas menti » 

Elle se doutait que ça ne servait à rien mais elle avait besoin de le dire comme pour se rassurer et se conforter sur le fait qu’elle avait bien le droit à ses papiers. Elle aurait aussi bien voulu le convaincre et qu’il ne voit pas en elle qu’une simple opportuniste.

Tirant sur sa cigarette pour s'emplir les poumons de Nicotine, Kal observait Marine compulser le dossier qu'il lui proposait. C'était tout de même étrange, la paperasse. Quelques tampons sur des papiers officiels et on devenait quelqu'un d'autre, on obtenait une vie passée, présente et même future. De toutes façons, la pauvre fille qui était originellement propriétaire de cette vie en format A4 était dans un des caissons réfrigérés de la morgue et attendait une autopsie de formalité avant de rejoindre son pays d'origine les pieds devants. Triste sort certes, mais qui offrait à la rousse menottée une porte de sortie acceptable à sa situation épineuse. Le policier espérait que Marine saurait se montrer au moins un peu reconnaissante pour la pauvre fille qui lui donnait son nom et sa nationalité en règle en échange d'un coup de faux. La Mort n'avait pas de pays, elle.
La rousse accepta bien évidemment la proposition qui lui fût faite. Peut-être que ça ne lui plaisait pas de devoir se livrer à une telle chose, mais il fallait reconnaître que c'était là un arrangement en or qu'elle ne retrouverait jamais ailleurs. Kal fût satisfait qu'elle le réalise et souria en évacuant un peu de fumée âcre.

- Ne vous forçez pas. La plainte ne serait qu'un bonus et rien de plus. Malheureusement, cette enflure à le bras long et des amis plus influents que moi.... La plainte n'aboutirait jamais, en fait. Et croyez bien que j'en suis le premier désolé.

Lorsqu'elle se pencha, Kal la laissa faire en attendant de voir ce qu'elle s'apprêtait à dire. Et malgré toute attente et le dénouement heureux pour elle de la situation, Marine revint sur son histoire et la véracité de cette dernière. Drôle d'idée que de s'acharner sur ça, non ? Elle le fît tout de même et l'assura qu'elle n'était en rien une menteuse.
Okay, soit elle disait vrai soit elle était une mythomane en plein délirium en lequel elle croyait dur comme fer. Où alors, Marine cherchait à se justifier quelque chose à elle-même autant qu'a lui. Dubitatif, Kal esquissa finalement un sourire amusé.

- Vous ne lâchez jamais le morceau, pas vrai ? Qu'est ce que ça changerait si je venais à vous croire, dites moi ?

Il haussa les épaules tout en se rendant compte que la situation l'amusait et qu'en plus, il aurait bien voulu savoir si peut-être elle ne mentait pas. Aprés tout, Marine avait même proposé qu'il lui enlève ses menottes pour ce qu'il avait pensé être une démonstration, non ? Alors soit elle savait effectivement agir en militaire et même se battre, soit la jolie poil de carotte était sérieusement allumée du bocal. Pourtant, la perspective de le découvrir s'averait de plus en plus séduisante et faisait son idée dans l'esprit de l'homme qui se mit à jetter un oeil au dossier encore ouvert avant de reparler.

- D'un point de vue pratique, je ne peux pas prêter foi aux délires de Marine, criminelle de son état.

Kal se releva de la table et retourna vers sa chaise, qu'il poussa sous la table comme pour la ranger.

- Ceci dit, j'ai en face de moi mademoiselle Lacroix,fraîchement naturalisée, non ? Elle, je peux l'écouter et même lui demander de me prouver ses dires.

Un sourire entendu alors qu'il récuperait le dossier laissé devant sa place, puis ses pas le dirigèrent vers la porte dont il saisi la poignée pour l'actionner sans encore l'ouvrir. Se retournant, Kal offrit à son interlocutrice un regard malicieux.

- Si mademoiselle Lacroix attend une petite demie-heure que j'ai terminé mon service, je me montrerais prêt à l'emmener à l'endroit de son choix pour qu'elle me raconte son histoire et même qu'elle l'appuie de la façon qui lui plaira. Je serais dans la rue adjacente à la sortie du commisariat, à elle de voir.

D'un geste de la tête il la salua et s'enfonça dans le couloir, disant au fonctionnaire de service que la demoiselle à l'intérieur de la pièce pouvait être relâchée sans plus attendre. La suite n'appartenait qu'a elle, Kal serait pour sa part à l'heure à l'endroit indiqué. Mais au fond, il n'attendait rien.

Le sourire de l’inspecteur restait énigmatique pour la jeune femme. Elle n’aurait su dire s’il la croyait ou non, même si la première option restait la plus crédible. Cependant, le fait qu’il envisage que ce qu’elle pouvait dire était vrai, était déjà une petite victoire en soit. D’ailleurs la question qui suivit montrait bien que le doute se faisait jour chez l’homme.

« La satisfaction de ne pas passer pour une affabulatrice. Je vous accorde que c’est maigre comme satisfaction mais ça me suffit. Par contre si le fait de porter plainte n’est pas indispensable, je préfèrerai m’abstenir »

Non pas que la jeune femme eut particulièrement peur de Tanaka malgré que, visiblement, il eut des appuis importants, mais une plainte risquait éventuellement de la mettre sur le devant de la scène. Or elle craignait que cela parvienne aux oreilles de ceux qu’elle avait fuis. Si jamais ils la retrouvaient, elle ne donnait pas chère de sa peau. Marine savait qu’ils la descendraient sans aucun état d’âme. Ça aurait été dommage de mourir juste au moment où elle avait enfin tout ce qu’il fallait pour mener une vie « normale ».

Une nouvelle fois, son interlocuteur reprit la parole et confirma qu’il se posait bien quelques questions à son sujet malgré que le fait de la qualifier de criminelle ne fût pas du tout de son goût. Au bien sûr, au regard strict de la loi, elle était une délinquante car elle n’était pas en règle. Malgré tout cela ne cadrait pas avec l’idée que la jeune femme se faisait d’une criminelle c’est-à-dire quelqu’un qui aurait volé, tué, violé, torturé…

« Si vous pouvez écouter mademoiselle Lacroix, vous pouvez aussi écouter Marine car mise à part les papiers, elles ne sont qu’une seule et même personne, moi ! »

Néanmoins, la proposition qu’il fit était intéressante. Marine n’en aurait pas fait cas si ça n’avait été pour confirmer ses propos. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle tenait tant à lui prouver qu’elle disait vrai mais elle sentait que c’était important. D’habitude, elle se moquait bien de ce que pensaient les autres mais ça n’avait pas de relations avec la véracité des propos qu’elle pouvait tenir. Généralement, les gens jugeaient plutôt sa façon de s’habiller et de se comporter. Et puis, son histoire, sa vie, elle n’en parlait pas tous les jours. Très peu de personnes connaissaient son passé et, jusqu’à aujourd’hui, personne n’avait mis sa parole en doute là-dessus. C’était peut-être pour ça que c’était si important pour elle qu’il la croit.

L’inspecteur Macross finit par quitter la pièce en lui indiquant son heure de fin de service et le lieu où elle pourrait le retrouver si elle le souhaitait. Une fois sortie, Marine resta un peu perdue. Tous ces évènements s’étaient enchaînés avec une rapidité déconcertante. Elle qui pensait finir derrière les barreaux avant la fin de la journée. La voilà qui se retrouvait avec une identité toute neuve et des papiers en règle. Pour un peu, elle se serait crue à Noël, bien qu’elle n’ait jamais vécue cette fête. Quoiqu’il en soit, un policier entra et lui enleva les menottes qui l’entravaient. Il la conduisit ensuite dans une pièce immense où de multiples bureaux se jouxtaient. La faisant asseoir à l’un d’entre eux, il enregistra la fin de garde à vue, notifia les différents documents qu’elle avait maintenant en sa possession, lui fit signer le procès verbal, qu’elle prit soin de signer de son nouveau nom et il finit par lui rendre ses affaires, à savoir son sac de cours.

La jeune femme avait l’impression d’être dans un rêve où elle ne jouait qu’un rôle de spectatrice. Quand tout fut terminé et la paperasse remplit, le flic lui tendit ses nouveaux papiers et la reconduisit à l’entrée du bâtiment. Elle jeta un rapide coup d’œil à l’heure. Cela faisait déjà trente-cinq minutes qu’elle remplissait les divers documents. Marine se demanda si l’inspecteur l’attendait ou s’il était déjà parti. D’ailleurs rien ne disait qu’il l’attendrait vraiment. Néanmoins, elle se dirigea vers le lieu en question, la fameuse ruelle qu’il lui avait désignée. Elle ne pouvait rater l’occasion de prouver qu’elle ne lui avait pas menti.

Pour Kal, la demie-heure a passé avait moins tenu lieu de galère administrative. Retourné à son bureau, Kal avait réglé les derniers détails concernant la nouvelle identité de Marine  auprés des différents bureaux interessés. La belle rousse avait à présent une véritable vie en tant que citoyenne japonaise et Kal en était satisfait, tout autant que le fait d'avoir annulé la plainte posée par Tanaka. Il envisageait d'ailleurs d'aller lui annoncer lui-même, ce qui ne serait pas sans faire les pieds du riche industriel et attiser davantage la fureur qu'il avait pour Kalhenn. Ca amusait grandement ce dernier et surtout ça éviterait que l'industriel cherche à s'en prendre à Marine. Rediriger la colère et l'attention sur lui était la meilleure façon de faire oublier la sans-papier.
Une fois la paperasse dûrement remplie et signée, le policier s'évada des bureaux jusqu'au douche afin de se rafraîchir. Il ne le faisait pas tout le temps mais ce soir, peut-être ne serait il pas seul... Et pour une fois, Kal ne pensait pas à Sam. Pas que ça le dérangeait d'avoir la peste à couettes épaisses à la maison mais il avait également d'une autre présence féminine. D'aucuns auraient dit "coup d'un soir" mais Kal préférait simplement parler de compagnie. C'était peut être un peu pour ça qu'il avait proposé ce "rendez vous" à Marine, mais aussi par curiosité par rapport au crédit qu'elle semblait apporter à sa propre histoire. Au pire elle ne serait pas là et il oublierait toute cette histoire. Au mieux... Elle accepterait. Aprés tout, pourquoi ne pas penser à une possibilité positive, pour une fois ?

Kal sorti du commisariat dans la même tenue que celle qu'il portait lors de l'interrogatoire, agrémentée toutefois d'une veste de motard de cuir noir et d'une paire de mitaine de cuir de la même couleur. Arrivé sur le parking, il enfourcha sa moto en faisant doucement tourner le moteur tout en enfilant son casque et en gardant un second sous le bras et sorti pour rejoindre la ruelle indiquée. Tiens, il avait un peu de retard... Mais la rousse était là. Relevant sa visière en arrivant à sa hauteur, Kal lui souria en lui tendant la protection.

- Content que vous ayez accepté, même si c'est sûrement plus pour vous justifier qu'autre chose.

Il avait dit ça avec une légère ironie mais ça ne restait pas une agression où une remise en doute de sa bonne foi pour autant et ça se sentait.

- Grimpez ! Vous me direz où vous voulez aller et en chemin nous nous arrêterons pour prendre une bière où deux ainsi qu'un sandwich. C'est toujours mieux de papoter le ventre plein, non ?

Tendant sa main à Marine, il aida cette dernière à enfourcher le véhicule. Une fois qu'elle fût installée, Kal démarra doucement et s'engouffra dans la première rue. Marine n'aurait qu'a lui indiquer la route qu'elle voudrait emprunter et il ferait le reste.

Personne ! Elle aurait dû s’en douter. L’inspecteur avait dû se jouer d’elle pourtant elle avait vraiment cru qu’il voulait connaître la vérité. Mais visiblement, elle s’était trompée. Cependant, Marine se rappela qu’elle était en retard, peut-être en était-il autant pour lui. Elle se résolut à lui laisser une chance et se mit à patienter. Elle lui accordait dix minutes, quinze au maximum. Ensuite, elle rentrerait.

Elle en était là de ses pensées quand elle entendit le vrombissement d’un moteur. Une moto apparut au bout de la rue. Une moto assez imposante. La jeune femme n’y connaissait rien alors pour elle s’était juste une grosse cylindrée. Elle se cala contre le mur bien qu’elle soit sur le trottoir mais c’était presque instinctif, elle voulait éviter le souffle que provoquerait son passage en trombe. Pourtant, la moto, au lieu de traverser la ruelle à grande vitesse, s’arrêta à sa hauteur. L’homme releva sa visière et Marine vit les yeux bleus de l’inspecteur Macross.

« Moi aussi je suis ravie de voir que vous n’avez pas changé d’avis, inspecteur ! »

La rouquine regarda alors la machine tandis que l’homme lui disait qu’il était content de la voir et l’invita à monter en lui tendant un casque. Elle soupira. Il ne pouvait pas marcher ou avoir une voiture ? Il fallait qu’il ait une moto. Elle regarda sa tenue totalement impossible pour monter sur une moto. Mais elle n’avait pas le choix si elle voulait prouver ses dires. Elle déposa le casque et son sac au sol, attrapa le bas de sa jupe et la déchira jusqu’à mi-cuisse. Ça lui faisait mal de devoir faire ça à sa tenue mais elle avait d’autres vêtements, enfin d’autres jupes. Elle la remplacerait. Elle reprit alors le casque, remonta ses cheveux et l’enfila. Marine se saisit de son sac et enfourcha la moto à l’arrière du policier. Elle cala sa sacoche, relativement fine, entre elle et lui, et mit ses bras autour de la taille du conducteur.

La déchirure de sa robe laissait voir sa jambe et une bonne partie de sa cuisse droite. La jeune femme avait prit soin de déchirer sa tenue sur le côté droit et non gauche. Bien qu’elle portait des bas, elle savait que sa cicatrice était tout à fait visible. Elle évita donc de la dévoiler à son compagnon. Une fois derrière lui, il remit sa moto en route et repartit. Du bras ou de la main, elle lui indiquait les rues à prendre pour rentrer chez elle. Heureusement, la circulation était correct aussi un quart d’heure plus tard, ils se retrouvèrent devant le petit immeuble où vivait la jeune femme. Deux autres immeubles similaires l’encadraient. Ils n’étaient composés que de trois ou quatre étages comme celui de Marine. Une fois arrêté, elle descendit et retira le casque, faisait retomber sa masse de cheveux roux sur sa nuque, et le tendit au jeune homme.

« Il y a restaurant italien à côté, une pizza ça vous ira ? »

Elle connaissait assez bien le restaurant vu qu’elle s’y approvisionnait deux à trois fois par semaine. Généralement, c’était plutôt des pâtes et notamment des lasagnes au saumon plat dont elle avait fait la connaissance après un déjeuner avec un homme d’affaires. Elle marcha rapidement en direction du restaurant. Vu qu’il lui avait procuré de nouveaux papiers, elle pouvait bien lui payer une pizza. Elle-même se serait bien passée du dîner en sa compagnie mais elle devait bien faire un effort. Heureusement, il y avait peu de monde à l’intérieur et Marine put vite passer commande.
Cinq à dix minutes plus tard, elle était de retour portant une pizza chaude et un sac plastique en plus de son cartable. L’inspecteur l’attendait à côté de son engin.

« On y va ? »

La jeune femme prit les devant et avança jusqu’à la porte vitrée de son immeuble, elle composa le code et entra, l’inspecteur sur ses talons. Elle emprunta les escaliers. A chaque pas qu’elle faisait sa jupe s’ouvrait un peu trop largement à son goût sur sa cuisse mais elle ne pouvait pas faire autrement, elle se changerait en arrivant.  Deux étages plus haut, ils arrivèrent sur un palier ne possédant que deux appartements. Marine se dirigea vers la porte de droite et l’ouvrit.

« Entrez inspecteur »

La rouquine se dirigea vers la table basse en verre posée devant le canapé d’angle quasiment en face de la porte. Sur la droite se trouvait une petite cuisine aménagée séparée du reste de la pièce par un comptoir devant lequel se trouvaient deux hauts tabourets. Une bibliothèque, en face du canapé, composait tout le mobilier de la pièce. Une fois la pizza déposée, une simple pizza reine, jambon-champignons-tomates-fromage, le cartable rejoignit le sol, contre le canapé. Elle extrait ensuite deux canettes du sachet plastique, une bière et un coca.

« Personnellement, je ne bois pas mais je vous ai prit une bière vu que c’est ce que vous sembliez vouloir. J’espère que ça vous ira – elle lui désigna alors le canapé – Je vous en prie, asseyez-vous »

Sans faire plus cas de lui, elle alla jeter le sac plastique dans la poubelle avant de s’emparer de deux assiettes et de couverts qu’elle posa sur la petite table. Depuis le moment où il l’avait prise sur sa moto jusqu’à ce moment dans l’appartement, le visage de Marine n’avait pas esquissé le moindre sourire. Elle était restée froide et distante s’obligeant à faire simplement preuve d’un peu de courtoisie.

Kal n'avait bien sûr pas perdu une miette du spectacle que lui avait offert involontairement Marine en déchirant sa robe. C'était là quelque chose de bien agréable à regarder, quoiqu'un peu brutal. La rousse était une drôle de nana qui se montrait prête à sacrifier ses fringues, chose peu courante. En expert, le flic admira la jambe fuselée qui s'était dévoilée à lui alors qu'il l'observait. Poliment, le jeune homme ne fît pas de commentaires et détourna les yeux pour ne pas s'attirer les foudres de sa passagère qui déjà réhaussait sa coiffure pour pouvoir enfiler le casque que son compagnon improvisé lui tendait avant d'enfourcher la cylindrée pour venir derrière lui en plaçant sa fine sacoche entre leurs corps tout en venant étreindre la taille du flic qui démarra doucement avant de s'engouffrer sans hâte et avec prudence dans les rues de la ville. Kal conduisait d'ordinaire bien plus vite mais s'avérait méfiant et prudent lorsqu'il s'agissait de transporter quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Par contre, lorsque c'était Sam.... Le flic se faisait un plaisir de maltraiter la manette des gaz et de faire hurler les chevaux du moteur de la moto.
Guidé par les gestes directionels de sa passagère, Kal s'enfonça dans les entrailles de Seikusu jusqu'a parvenir devant le lotissement qu'habitait Marine au bout de quelques minutes. Merci au trafic fluide, d'ailleurs.

Arrêtés, Kal laissa sa partenaire descendre et lui redonner son casque, qu'il placa su le guidon tout en ôtant le sien en ébouriffant ses cheveux déjà bien malmenés. D'un oeil interessé, l'inspecteur découvrit le quartier somme toute tranquillle et agréable à vivre, qui changeait un peu de sa rue crasseuse de couverte de tags et autres graffitis plus où moins douteux. Finalement, ses yeux revinrent à Marine tout en évitant de s'arrêter sur la fente de sa robe dont le vent léger faisait voler les pans.

- Italien ? Uniquement si il est vraiment bon, alors ! Non, je plaisante. Je vous suis, c'est gentil de le proposer.

D'un sourire, Kal la remercia par avance. Marine fila finalement et Kal resta installé sur la selle de sa moto pour s'allumer une cigarette, laissant son esprit divaguer ça et là et s'interesser à quelques enquêtes qu'il avait en cours. L'homme se sentait presque un peu coupable de s'offrir une soirée de détente (car peu importait la façon dont les évènements tourneraient avec Marine, Kal trouverait toujours un moyen pour se divertir) et savait que ce sentiment ne disparaitrait pas aisément. Fort heureusement, le jeune homme fût tiré de ses reflexions par l'odeur naissante d'une bonne pâte sûrement bien garnie. Tournant la tête, Kalhenn découvrit la prof à présent nantie d'une pizza qui fleurait bon l'Italie et d'un sac plastique où la forme de canettes se dessinaient.

- Je vous suis, mademoiselle.

La laissant ouvrir la marche, Kal en profita pour garer sa moto de façon à ce qu'elle ne gêne personne et emboîta le pas de la rousse qui ouvrit la porte de l'immeuble et l'invita à l'y suivre alors qu'elle grimpait tranquillement les escaliers, sa cuisse se découvrant un peu à chaque pas qu'elle faisait, mouvement bien évidemment accompagné d'une oeillade de l'inspecteur qui ne perdait pas une miette du spectacle en parfait non-gentleman.
Au deuxième étage, sur le palier droit, voilà quelle était leur destination. Kal s'y était laissé guidé et avait pénétré les lieux en remerciant Marine d'un sourire. Poliment, l'homme était resté dans l'entrée et s'était contenté de parcourir des yeux l'endroit qu'il avait trouvé sympathique, propre et rangé bien qu'étant sobre. Décidément, le flic était bien loin de son propre logement dont les maîtres mots étaient bordel, manque de ménage et laisser-aller. Deux vies pas franchement compatibles... Il se mit à sourire pour lui-même et finit par suivre Marine qui s'installait et déballait pizza et canettes avant de lui proposer de sa s'assoir, ce qu'il fît tout en se débarassant de ses gants, de son casque et de sa veste en cuir.

- Merci. Pour ça et la bière ! C'est joli, chez vous. On a bien fait de venir ici plutôt qu'a mon appartement, vraiment !

Hm... La rousse ne se déridait pas vraiment. Toujours aussi froide et distante, peu souriante. Les cours avec elle ne devaient pas être une partie de plaisir, pour sûr. Une fois les assiettes posées, Kal entreprit de les servir tout les deux. Découpant avec application une belle part de Reine, il la déposa d'abord dans l'assiette de la rousse puis en découpa une seconde qui vint rejoindre la sienne. Finalement, il décapsula sa bière et la leva légèrement en souriant à l'attention de Marine, afin de trinquer.

- Santé, Marine Lacroix ! Bon appétit, aussi.

Une petite gorgée, puis il reposa la bière en découpant un morceau de sa part afin de le porter à sa bouche. Mâchonnant, Kal ne pût qu'apprécier la qualité du plat, qui le changeait de son propre restaurant italien douteux.

- Alors, dites moi tout. Formée dans un camp militaire clandestin, c'est ça ? Formée à quoi ? A..Hm... Aux techniques de guérillas ? De combat armés ? Stratégies militaires ? Qui affrontiez vous ?

La part se fît entamer une seconde fois par un bon coup de fourchette qui semblait bien apprécier ce qu'on lui proposait à manger. Un peu de bière accompagna une descente vers l'estomac, avant que le flic ne reprenne.

- Admettons que vous soyez une femme issue de la guérilla, Marine... Pourquoi viendriez vous vous perdre dans un lycée comme le vôtre ? Vos talents présumés auraient plus de voies à vous offrir et je pense que vous le savez. Alors pourquoi ?

Finalement, Kalhenn reposa sa fourchette et s'installa plus correctement dans le canapé, tournant son buste vers son interlocutrice.

- Et j'avouerais que quelque chose me titille depuis l'interrogatoire... Qu'auriez vous fait si je vous avais ôté les bracelets, hm ?

Kal se fit un devoir de la servir avant de se servir lui-même. La jeune femme ne chercha pas à l’en empêcher. Par contre, elle ne répondit pas à son toast et se contenta d’ouvrir sa canette de coca et d’aller se chercher un verre. A la différence du jeune homme, elle détestait boire à la canette. En revenant, elle lui lança un « bon appétit » tandis qu’il s’attaquait avec voracité au morceau qu’il avait mis dans son assiette.

Malgré les efforts visibles de l’inspecteur, elle ne se dérida pas se contentant de couper un petit morceau de pizza et le mener jusqu’à sa bouche. A ce moment, on aurait pu dire d’elle qu’elle aurait fait geler un iceberg rien qu’en s’asseyant dessus. C’était même étonnant qu’il ne cherche pas à s’en aller devant une telle froideur mais il n’en fit rien et poursuivit simplement son dîner italien. Néanmoins, il posa des questions sur l’endroit d’où elle venait. Elle ne put que s’en étonner.

« Je croyais que vous ne prêtiez pas foi à mes propos ! »

Marine pensait qu’il disait ça plus pour se moquer d’elle qu’autre chose. Il faisant simplement semblant de le croire par simple politesse et courtoisie et encore dans le meilleur des cas. Elle répondit néanmoins même si son ton était aussi froid que son attitude.

« Oui, c’était probablement un camp militaire clandestin même si je n’ai pas tous les détails à ce sujet. J’y ai appris le combat à mains nues, le maniement des armes blanches et des armes à feu. Quand aux missions que j’ai pu faire, on me donnait une cible à abattre et je le faisais, c’est tout »

A la différence de Kal, la pizza ne l’enthousiasmait pas plus que ça. Elle n’avait pas vraiment faim. C’était peut-être dû à la présence du flic à côté d’elle. D’habitude, elle avait plutôt un sacré appétit le soir vu que le midi, elle mangeait souvent sur le pouce quand elle était au lycée. En temps normal, elle aurait pu manger une pizza comme celle-là à elle seule. Son métabolisme lui permettait de manger sans trop s’inquiéter de son poids, une chance même si elle ne s’en rendait pas forcément compte.

« J’ai choisit une vois différente parce que je ne voulais plus combattre, ni tuer. Je me voyais mal en serveuse ou autre. J’adore la philosophie et les lettres et l’occasion s’est présentée d’enseigner dans ce domaine, je l’ai simplement saisie »

Même si elle refusait de l’admettre, elle aimait bien enseigner. Elle avait du mal avec le chahut des lycéens mais en classe ça allait. De plus, elle pouvait travailler seule et passer une grande partie de son temps libre à la bibliothèque. Que pouvait-elle demander de plus ? Selon elle, rien.

La question de l’inspecteur Macross la prit cependant un peu au dépourvut quand il lui demanda ce qu’elle comptait bien faire au poste pour confirmer ses dires. Elle n’avait pas pensé qu’il reviendrait dessus et que quelques exercices de combat lui suffiraient. Haussant un sourcil, elle le regarda. Il avait abandonné son repas et la fixait de son regard bleu océan. Sans lui répondre, elle se leva. Vu qu’il voulait savoir que se soit ici ou au poste pourquoi pas.

« Je reviens »

Elle emprunta le petit couloir qui donnait accès aux deux chambres de l’appartement et prit la porte de gauche qu’elle ne fit que pousser pour la refermer. Il ne lui vint même pas à l’idée de refuser ou de mentir. Elle fit simplement ce qu’elle avait prévu de faire dans la salle d’interrogatoire. Elle défit sa jupe qu’elle laissa tomber au sol, retira son corset et son chemisier avant d’enlever bottines et bas. Elle restait en simples sous-vêtements noirs. Dans cette tenue, les marques des sévices qu’elle avait enduré n’étaient que trop visibles. Les quatre cicatrices parallèles sur sa cuisse gauche qui faisait bien une vingtaine de centimètres voir plus, les cicatrices sur son ventre dues à des coups de couteau ou autre, les marques de fouet sur le haut de ses cuisses et sur son dos. Elle en avait aussi sur les fesses mais elles étaient cachées par le tissu sombre de sa culotte. Son tatouage aux multiples arabesques ne cachait que très peu ses marques. Elles étaient toujours visibles. Dans cette tenue, ou quasi-absence de tenue, elle repassa dans le salon où l’attendait l’inspecteur.
 
« Ça vous va comme preuve ou vous en voulez plus ! »

Elle se tenait droite comme un i, les bras le long du corps et le regard froid. Après quelques secondes, elle se retourna et remonta ses cheveux pour lui montrer le reste des cicatrices qu’elle portait dans son dos. Une fois qu’elle estima que c’était suffisant, elle refit face au jeune homme.

« Je ne vous ai pas mentie »

Elle le regarda encore quelques seconde avant de disparaitre à nouveau dans sa chambre afin d’enfiler quelque chose. La nudité ne la gênait pas plus que ça. Dans un monde d’hommes parfois, elle n’avait guère eut le choix. De plus, son corps était bien loin d’être parfait. Des seins trop imposants à son goût et des cicatrices à n’en plus finir, ce n’était certainement pas quelque chose de très agréable à voir. La jeune femme enfila une combinaison verte foncée, assez moulante, qu’elle ne portait en général que pour aller courir. Sa poitrine était alors assez visible mais d’habitude, elle la bandait pour en diminuer le volume. Là, elle s’abstint préférant rejoindre son « invité ». Les pieds nus et de nouveau vêtue, elle revint s’asseoir sur le canapé marron et se coupa un nouveau morceau de pizza dans sa part sans faire plus cas de ce qu’elle venait de faire.

« Si vous y tenez absolument, dit-elle une fois son morceau avalé – je peux vous faire une démonstration de combat mais si ça vous suffit, on en reste là »

Elle haussa les épaules montrant que l’une ou l’autre des solutions proposées lui convenait.