BIM (PV Zynarys)

Un peu plus tôt dans la semaine…

« VOS GUEULES »

Avait hurlé un professeur de sport, quand Sam squattait les gradins du stade. La moindre des choses qu’elle devait reconnaître à cette personne, c’est qu’elle avait de la voix. Mais bon, pour Sam, pas de quoi fouetter un choix. Aboyer c’est bien, mordre, et par surprise en plus, c’est mieux. Aussi, après ce petit intermède « musical », si doux aux oreilles, la jeune femme était retournée à sa sieste, allongée sur le bitume dont les gradins étaient faits, une main sur le ventre, l’autre jouant avec son zippo.

ZZZzzzzzZzZZZZZ

Aujourd’hui, quelques jours ouvrés plus tard.

« Alors ? J’attends microbe. Dis-le ! Ou je t’écrase tellement la face que tes yeux vont en être éjectés de leurs orbites… »

Sam était au milieu du couloir. Comme d’habitude, elle s’était battue.  Autour d’elle, plusieurs gros bras KO. Quand elle ne les avait pas envoyés au tapis avec un coup de pied de ses énormes bottes renforcées dans les parties génitales, c’était le nez qui avait pris. Et celui qui était par terre, apparemment, c’était LE beau gosse du lycée, celui qui était soit-disant le plus fort, le plus beau, le plus intelligent, blablabla… Sauf que voilà, Sam venait de le maîtriser en deux deux. En même temps, on ne vient pas faire son malin devant une fille qui passait les trois quarts de son temps dans les docks, le port ou les usines désaffectées, à se battre autant qu’elle le pouvait (les bleus et contusion épars sur son corps découvert en étaient une preuve) alors qu’on venait soit-même d’un quartier riche et bourgeois qu’on ne s’était jamais pris un coup de couteau. Sauf que ledit jeune homme, dont le si beau visage était pour le moment pris en étau entre la botte massive de Sam et le carrelage du couloir, avait commis cette imprudence.

Et quelle imprudence ! Il avait fait courir le bruit dans le lycée que lui et cette petite dinde de Sam s’étaient déjà battus, en privé, que ça avait terminé en partie de jambes en l’air et qu’il lui avait mis, dans les deux, « sa race ». Sauf que voilà, qu’on bave dans son dos en disant qu’on avait déjà couché avec, elle s’en tapait. Mais qu’on insinue qu’elle n’était même pas capable de faire une tête au carré à un freluquet dans son genre, ça la mettait hors d’elle. Aussi l’avait-elle cherché dans le lycée. Pas difficile de le trouver, amas de groupies, lui au milieu… En la voyant arriver, allez savoir pourquoi puisqu’il lui avait mis sa race, mais il avait eu peur. Il avait voulu courir sauf qu’elle l’avait chopé par le col et BIM ! D’emblée, un coup de poing. Les doigts de Sam sont couverts de bagues gothiques en argent, dont les motifs sont dorénavant incrustés dans son visage, même si ça  ne se voyait pas à cause de sa botte… Et puis ses sbires avaient débarqué, blablabla… Et là, elle lui demandait des comptes. Charmant, non ?

Peu de temps avant.

Nous te remercions de ton aide, Zynarys, Green Lantern du secteur 2814 !

La jandarienne faisait face à la souveraine de la planète Malador, située à quelques années-lumières de la Terre. Les maladoriens étaient un peuple doux et pacifique, ayant rejeté les horreurs de la guerre. Une proie facile pour les peuplades belliqueuses de l'univers...

Les Arkilliens avaient débarqué en force sur ce monde paisible, répandant le feu et la terreur parmi la population médusée par cet étalage de force brutale.
Zynarys avait été avertie par son Anneau au moment où elle prenait sa pause-déjeuner dans l'enceinte du lycée. Il ne lui avait fallu que quelques minutes pour atteindre Malador et autant pour détruire une bonne partie de l'armada arkillienne qui avait été à deux doigts d'exterminer une civilisation brillante et raffinée.

Les mains bleues de la reine serrèrent avec émotion celles de la Green Lantern. Cette dernière s'inclina et s'envola sous les hourras de toute la cour royale, quittant le palais, puis la planète.

Quelques minutes après, elle se retrouva sur Terre.

oOo

Elle atterrit au sein d'un bouquet d'arbres, se changea en une fraction de seconde et entra dans le bâtiment principal. Au détour d'un couloir, elle vit un spectacle des plus étranges : une jeune fille vêtue comme une punkette et faisant un peu penser à Helena Bonham Carter dans un de ses rôles "gothiques", avait une de ses bottes posées sur la tête d'un élève du lycée qui gémissait de manière pitoyable.

« Alors ? J’attends microbe. Dis-le ! Ou je t’écrase tellement la face que tes yeux vont en être éjectés de leurs orbites… »

Autour d'elle, d'autres types étaient couchés par terre. L'un se tenait les parties, l'autre avait la tête fracassée contre un mur, du sang coulant de sa bouche... On aurait dit qu'ils avaient croisé le chemin d'une membre d'élite de la garde impériale jandarienne*...

Zynarys s'approcha du théâtre des opérations et s'aperçut que la furie qui avait provoqué tout ce désordre ne devait pas être beaucoup plus âgée que la plupart des élèves du lycée ; d'ailleurs, elle ne portait pas la tenue règlementaire, par conséquent, scolairement parlant, elle n'avait rien à faire ici.

Qu'est ce que c'est que ce foutoir ?! demanda-t-elle d'une voix impérieuse, le genre de voix qui attendait une réponse rapide et claire.

* Par tradition, les gardes impériaux de l'Empereur d'Artakhis sont tous de sexe féminin.

Le microbe allait parler, Sam le sentait. Il était à deux doigts de craquer. Ou peut-être était-ce sa tête, sous la pression qu’infligeait son pied habillé d’une botte plus lourde encore que son cerveau ? Ca ne devait pas être difficile, entre nous soit dit, ledit cerveau ne devant pas peser bien plus lourd qu’un maigre pois chiche parmi les faméliques, et encore. Ca n’était qu’en admettant qu’il en possédait un. Ce qui était encore un sujet à débat dans celui, très bien rempli pourtant, de Sam.
Et puis, il se décida, enfin, à parler. Sam devait s’avouer qu’elle était déçue. Ca n’était donc pas sa tentative d’intimidation qui avait porté ses fruits. Enfin… Sa bouche se fendit d’un sourire.

« Tu… Tu es… »

Et puis il fut interrompu. Du moins, la fin de sa phrase se perdit dans le cri tonitruant que poussa une voix féminine. Pas le moins du monde intimidée, la botte restant sur le visage du jeune homme, une veine battait à sa tempe alors que les yeux de la jeune fille se fermaient. Avec vivacité, les yeux glacés, elle darda un regard incisif sur la prof de sport qu’elle avait entendue gueuler quelques jours plus tôt.

« ‘Voyez pas qu’on est occupés ? Putain, on vous a rien demandé merde ! »

Agressif ? Normal. Elles n’étaient pas amies, et Zynarys venait de l’interrompre alors que l’autre allait cracher ses aveux. Pas de quoi rester polie en somme. Elle ne serait apaisée que lorsqu’il aurait admis devant tout le bahut qu’il ne lui arrivait pas à la cheville. De toutes façons, elle avait déjà fait courir le bruit qu’il avait un tout petit pénis. Donc… Quitte à entamer sa réputation, autant le faire bien. Mais l’arrivée de la prof entravait sérieusement le cours de sa journée. Parce qu’après lui avoir fait payé son affront à ce morveux, elle voulait aller manger une glace. Et si la prof voulait la coller, ça allait encore faire des histoires… Au final, elle se tirerait quand elle en aurait décidé de toutes façons, mais bon.

« ‘Voyez pas qu’on est occupés ? Putain, on vous a rien demandé merde ! »

Dardant son regard émeraude dans celui, glacé, de la jeune fille, Zynarys répliqua avec une nuance de menace dans la voix :

Un ton plus bas gamine ! s'écria la jandarienne. Tu n'es pas du lycée et tu viens foutre le bazar ici ? Qu'est ce que ça signifie ?! Et puis d'abord enlève ton pied du visage de ce garçon...

Attendant une réponse, elle demanda mentalement à son Anneau des informations sur elle. Sans qu'elle sut pourquoi, il y avait un je-ne-sais-quoi d'intrigant en elle qui la faisait tiquer. Cela ne tenait pas à sa tenue vestimentaire : elle avait déjà croisé des "gothiques-punkettes-lolitas" à plusieurs reprises dans la rue ; des filles qui voulaient jouer les "rebelles" envers la société, "affirmer leur différence" et qui finissaient par toutes se ressembler.
Ça n'était pas non plus son langage car des personnes grossières, elle en avait déjà croisées au cours de son existence, à commencer par celle qu'elle voyait dans sa glace tous les mâtins.
Son absence de peur ? Peut être car il était peu courant de croiser des individus dénuées de cette émotion (tout du moins en apparence) ; d'un autre côté, cela pouvait être dû à une bonne dose d'inconscience...
Ou alors c'était autre chose d'indéfinissable et qui rendait perplexe la jandarienne et qui lui faisait dire que cette fille était dangereuse.

Nom : Addams - Prénom : Alyn - Âge : 19 ans - Nationalité : américaine - Parents : décédés - Frères et sœurs : Un frère aîné, décédé. informa télépathiquement la Bague à sa propriétaire qui n'avait pas eu besoin de se "brancher" sur la batterie centrale d'Oa mais tout simplement sur les fichiers informatiques du pays.

Eh ben, c'est pas gai tout ça... pensa-t-elle.

Le pied écrasant toujours le visage du prétentieux contre le carrelage, Sam dévisagea le professeur avec perplexité, un sourcil haussé haut vers le ciel. Sérieusement ? Elle était sérieusement sérieuse ? Elle voulait vraiment qu’elle la mette en veilleuse ? Non… Elle espérait que Sam allait obéir ? Insolente au possible, Sam se gaussa. Ses lèvres s’étirèrent en un large sourire, elle ricana même, ne prenant même pas la peine répondre au professeur, lui tournant délibérément le dos.
Même, loin d’ôter son pied du visage du jeune homme, elle appuya plus fort encore, lui écrasant les crampons de ses bottes rangers dans la joue…

« Parle ! Avoue ! Dis-le ! »

Si l’arrivée du prof avait fait espérer au fils à papa que tout s’arrêterait là et qu’il n’aurait pas à faire cet aveu humiliant, la tournure des évènements lui laissa réaliser qu’il s’était fourvoyé. Il avait encore de longues minutes de calvaire devant lui, passées sous le pied de cette furie contre laquelle il avait arrêté de lutter il y a au moins un bon quart d’heure. Dans un sursaut, au cas où l’attention de Sam aurait été relâchée, il tenta encore de se défaire de son pied avant de craquer.

« D’accord j’avoue ! On a jamais couché ensemble, et je t’ai jamais battue ! Je sais même pas comment tu t’appelles !! »

Et il se mit à pleurer d’une façon lamentable. Ecœurée, Sam leva les yeux au ciel et dégagea son visage de sa boots, mais lui recolla dans la foulée un bon coup de pied dans l’estomac, pour lui apprendre. Ce n’est qu’alors qu’elle refit face à la Jandarienne et sortit une clope, la coinçant entre ses dents alors que son zippo venait l’allumer. Elle s’était aperçue récemment qu’elle n’en avait plus besoin, mais ça faisait trop bizarre de voir une flamme sortir de son pouce alors elle utilisait encore son briquet.

« Alors… ? Qu’est-ce qui se passe dans l’espace ? »

Rien à voir avec la qualité de Green Lantern de Zynarys, mais ça cette dernière ne pouvait le savoir. D’une part parce que Sam était d’une désinvolture insolente, d’autre part parce que, malgré la démonstration qu’elle venait de faire, les yeux de la jeune femme brillaient d’une lueur d’intelligence troublante. Elle provoquait, elle le savait, tout comme elle savait parfaitement ce qu’elle risquait.

Mais loin d'obéir à ses injonctions, la jeune fille continua à appuyer sur la tête du lycéen avec sa lourde botte, l'ignorant complètement... Zynarys allait s'avancer vers elle pour l'obliger à arrêter de faire du mal à cet élève quand elle s'immobilisa. Après tout, peut être avait-elle un motif valable d'en vouloir ainsi à ce bellâtre ? Elle avait reconnu ce dernier, malgré les ecchymoses et l'œil poché : le beau gosse du lycée, le sportif attitré, le premier de la classe, le "fissapapa"... Zynarys savait par expérience que certaines personnes nées avec une cuillère en argent (ou en or, elle ne savait plus) dans la bouche et à qui les fées s'étaient penchées sur son berceau, pouvaient développer un sentiment de toute-puissance et se croire ainsi tout permis, voire au-dessus des lois...

Peut être avait-il fait du mal à quelqu'un de l'entourage de la jeune fille et cette dernière était venue régler ses comptes avec lui, à sa manière ? Il fallait bien avouer en tout cas qu'elle savait sacrément bien se défendre ! Maintenant, elle devait attendre à ce que l'indélicat lui présente des excuses, à elle ainsi qu'à la personne qu'il avait offensée.

Finalement, le lycéen réussit enfin à articuler plus de deux mots de vocabulaire :

« D’accord j’avoue ! On a jamais couché ensemble, et je t’ai jamais battue ! Je sais même pas comment tu t’appelles !! »

Quoi ?! C'était pour ça ?! pensa-t-elle. Il se vante d'avoir couché avec elle et elle le tabasse pour ça ?! Remarque, j'ai pas fait mieux non plus...

Il lui était arrivé à peu près la même chose quand elle s'entraînait sur Oa, peu de temps après son intégration en tant que Green Lantern. Phaeton, de la planète Klamid, située dans le secteur 3333, était d'une beauté solaire : plus de deux mètres, puissamment bâti, la peau légèrement dorée, la chevelure aussi brillante que celle d'une comète, les traits à la fois délicats et énergiques, les yeux pareils à des soleils miniatures, la mâchoire carrée, le menton fier et volontaire, le port altier, la voix d'airain... Il était également imbu de sa personne et considérait les autres Green Lantern comme des inférieurs (pour ne rien arranger les choses, il descendait de la famille royale klamidienne) et les femmes comme juste bonnes à subir ses ardeurs viriles.

Bien entendu, il avait trouvé Zynarys à son goût et s'était vanté auprès des autres qu'il la fourrerait dans son lit avant la fin de la semaine. Ses paroles impudentes arrivèrent aux oreilles de la jandarienne qui vit rouge : elle se pointa devant lui et lui administra une raclée des plus sévères, le tira par les cheveux et le balança dans une fosse pleine de boue.
Son orgueil de caste maté, ayant perdu de sa superbe et du crédit auprès de ses camarades, il ramenât moins sa fraise depuis ce jour.

Hum, je suis mal placée pour te faire la morale à ce niveau là... dit-elle à voix basse, plus pour elle même, que pour la jeune fille.

C'est alors qu'un groupe d'élèves arriva et jeta un regard stupéfait sur la scène. Avant qu'ils ne se fussent remis de leur surprise, Zynarys leur intima d'emmener leurs camarades amochés à l'infirmerie. Pendant ce temps là, je m'occupe de mademoiselle...

Ils obtempérèrent et bientôt les deux filles se retrouvèrent seules dans le couloir.

« Alors… ? Qu’est-ce qui se passe dans l’espace ? »

Zynarys fronça les sourcils : était-il possible qu'elle ait réussi à percer à jour sa véritable identité ? Dans ce cas, comment avait-elle procédé ? Était-elle télépathe ? Avait-elle été envoyée par l'un de ses ennemis ?
Il lui vint alors l'idée que cette phrase pouvait être tout simplement anodine, une manière de dire "comment ça va ?", comme Bugs Bunny qui répétait souvent "Quoi de neuf docteur ?" à toute personne qu'il croisait. Je deviens paranoïaque ! pensa-t-elle.

Hum, ça va, je te remercie... Maintenant que tu as infligé une sévère correction à ces gaillards qui n'en méritaient pas tant, j'aimerais que tu éteignes ta cigarette - on ne fume pas dans les locaux - et que tu décampes de ce lycée...

Nombreuses étaient les femmes qui avaient été souillées par les hommes, que ce fut dans leur honneur, leur dignité ou encore leurs chairs. On avait beau prôner l’égalité des sexes, les hommes et les femmes ne seraient jamais égaux en droit. Dans les bureaux, les femmes ne pourraient jamais engager de jeunes et sexy petits secrétaires et leur demander de se baisser pour mater leur cul. Tout simplement parce qu’Hommes et Femmes n’ont absolument pas la même psychologie, et globalement, les femmes sont beaucoup plus respectueuses que les hommes. C’est triste d’en arriver à un tel constat, mais rien ne sert de se voiler la face. Et Sam était très consciente de ces disparités, très au fait. Elle le voyait, elle le vivait, elle en souffrait tous les jours. Être une femme avec une poigne comme la sienne n’était pas toujours du goût des autres, mais elle s’en pelait le jonc en vérité. Elle vivait pour elle, pas pour les autres.
Mais l’un n’empêchait pas l’autre. Aussi, lorsqu’elle apprenait qu’on bavait sur son compte des ignominies ou autres, rien qui ne flatte son égo en fait, la demoiselle voyait rouge et venait, comme ici, mettre les points sur les i. Elle n’était pas de celles dont on pouvait se moquer. Certes, c’était une « mariecouchetoilà », elle le savait très bien et adorait même pouvoir se faire troncher facilement, mais justement. Le fait qu’elle puisse coucher facilement la rendait difficile dans le choix de ses partenaires, et qu’on ose dire qu’une fille dans son genre s’était laissée avoir par ce bellâtre décoloré, c’en était trop pour elle. Soyons logiques… C’est encore pire que s’il était sorti avec le rat de bibliothèque, acné et lunettes. Sam était une brute, une vraie. Ses phalanges, qui possédaient des croutes et autres escarres, coupures et bleus, en étaient une preuve manifeste. Seul son visage semblait intact en vérité. Mais il fallait dire que les collier de la jeune femme, en englobant son cou, masquait certaines traces de strangulation et autres.

Alors qu’elle s’occupait de l’impudent avec légèreté, puis le laissait filer, le commentaire de la Jandarienne franchit à peine ses oreilles. Aucune femme, quelle qu’elle soit ne pouvait lui faire la morale. Beaucoup trop avaient ne serait-ce que rêvé de mettre une raclée un jour à un homme qui les avait bafoué. Et Sam était certaine que, belle comme elle était, cette prof avait dû avoir son propre lot de lourdingues sur le dos. Preuve en était, les commentaires qu’elle lui fit par la suite ne concernait en rien le traitement qu’elle avait infligé à la star masculine de l’école mais plus en rapport avec les conséquences de son acte.

Le sourire qu’affichait Sam s’élargit, et elle pouffa. L’espace d’une seconde. Elle inspira une longue bouffée sur sa cigarette et souffla la fumée, passée dans ses poumons au préalable (elle ne crapotait pas), dans le visage de Zynarys. C’était mesquin, et petit mais elle s’en foutait. Elle était encore sur les nerfs à cause de l’autre blondinet.

« Pourquoi ? »

Sa question n’était peut-être pas assez claire. Aussi précisa-t-elle, après prise d’une nouvelle latte.

« Pourquoi je partirai ? Pour tes beaux yeux ? Il va m’en falloir un peu plus. Désolée. »

Point de lubricité dans les yeux de Sam, seulement de la dureté. Dureté qui ne se mua point alors que le sourire de la jeune femme revenait.

« Ah en fait… Non je suis pas désolée. C’est bête hein ? »

Elle haussa les épaules avec une feinte désinvolture, toujours avec ce même regard aussi austère et fermé qu’un bunker. Elle n’attendit même pas de réponse de Zynarys et se détourna de la Jandarienne. Elle comptait se balader dans les couloirs jusqu’à la prochaine sonnerie et récupérer les bonbecs qu’elle avait raquetté aux petites têtes d’ampoules dans le casier qu’elle s’était attribué elle-même. Elle irait sans doute les manger au stade d’ailleurs, tranquille.

(désolée pour le retard ^^)

Comme elle s'y attendait, la gamine, au lieu d'obtempérer à l'injonction de Zynarys, pouffa de rire et alla même lui cracher la fumée de sa cigarette au visage ! C'est à peine si la jandarienne broncha devant cet étalage d'insolence, tout au plus ses poings et sa mâchoire se crispèrent tandis que ses yeux émeraudes venaient de s'allumer dangereusement...

oOo

La race humaine n'a pas une réputation interstellaire... C'est ce que lui avait dit l'un des Gardiens, il y a quelques années de cela, alors qu'elle se trouvait sur Oa pour faire son rapport suite à l'une des missions qu'elle avait effectuée. Ils sont grossiers, brutaux, indisciplinés, indignes de confiance... Et je ne parle pas de leur odeur !

Bien entendu, elle avait révisé son jugement depuis qu'elle avait côtoyé les humains et même si ce portrait général s'appliquait à la plupart d'entre eux, il lui fallait bien admettre qu'il y avait - Dieu merci ! - des exceptions.

Cette jeune fille par contre était en cas fidèle au portrait brossé par le Gardien.

oOo

Elle contint une envie de foutre une bonne torgnole dans la tronche de cette effrontée et de lui faire bouffer sa clope toute allumée car elle avait une meilleure idée ; et rien qu'à cela, elle comprit qu'elle avait vraiment évolué et que la Zynarys qu'elle était auparavant "avait mis un peu d'eau dans son vin", pour reprendre une expression terrienne.
Qui plus est, elle ne voulait pas déclencher une rixe au sein de l'école. Enfin, cette jeune fille l'intriguait bien plus qu'elle voulait l'admettre et elle préférait l'observer. Pour le moment.

Elle la laissa donc dire ses phrases insolentes qui de toute manière ne l'intéressaient pas et au moment où elle se détourna d'elle, Zynarys se rendit invisible sans effet de lumière. Puis elle lévita doucement sur le sol afin de pouvoir la suivre de manière discrète, comme un fantôme.
Si la "punkette" se retournait, elle serait sûrement surprise de ne plus la voir dans le couloir et se demanderait comment elle a fait pour s'éloigner si rapidement vu que l'angle était à au moins 5 bons mètres. Sans compter l'absence de bruit de pas.

Sauf que Sam ne se retourna pas. Néanmoins, l’absence de réaction de la part du professeur la fit rire. Elle coinça sa cigarette entre ses lèvres et se baissa pour refaire son lacet. Quand elle leur avait refait le portrait à coups de pied, certains avaient cru bon de s’accrocher à ses bottes et avaient tiré quelque peu sur ses lacets. Aussi les renoua-t-elle correctement, réajusta ses bas résille, son micro-short et son tee shirt qui partait en lambeaux, avant de défaire ses couettes. Changement radical dans la physionomie de la jeune femme. Lâcher ses longs cheveux noirs teintés de violets pour qu’ils encadrent son visage le lui adoucissait d’une façon on ne peut plus surprenante. Le piercing, le maquillage et la cigarette n’y faisaient rien, les cheveux détachés, Sam aurait été classée dans la catégories des filles mignonnes et timides, tellement son visage était rendu doux. Sauf que voilà, elle ne resta pas ainsi et s’empressa de refaire sa coiffure. La gentille jeune fille qu’elle était avait complètement disparu, c’était comme ça.

Une fois rhabillée et recoiffée, elle tira une nouvelle bouffée de tabac et mit une main dans une poche tandis que l’autre sortait son zippo et se mettait à s’amuser avec. Le bruit régulier du clapet qu’on ouvre, pour faire jaillir une flamme, et que l’on referme sèchement se fit bientôt entendre dans les couloirs que traversait la jeune femme. Ils s’arrêtèrent quand Sam parvint au casier N°=126. Il était bien situé, en plein milieu du lycée, proche de tout et pile à hauteur de regard. Elle l’ouvrit combinaison simple de petits coups placés à des endroits adéquats, et sortit plusieurs paquets de bonbecs avant de le refermer sans ménagement et de prendre la direction du stade. Elle n’avait pas du tout conscience de la présence de la Green lantern dans son dos et ne se posait aucune question vis à vis du professeur. Selon elle, elle n’avait rien répondu parce que Sam lui avait foutu les boules, et l’intéressée ne demandait pas plus. Une fois parvenue au stade, la délinquante s’installa… Enfin s’avachit tout en haut des gradins et ouvrit le premier paquet de bonbons : des fils acidulés. Elle allait s’en faire péter la sous-ventrière.

Sam continua tranquillement son petit bonhomme de chemin. Elle s'arrêta un court instant pour remettre un peu d'ordre dans sa tenue qui avait été quelque peu malmenée lors de sa bagarre avec les lycéens.
Zynarys, qui était toujours invisible et flottait dans les airs à deux mètres au-dessus du sol, s'était postée devant elle et l'observa alors qu'elle défaisait ses couettes et pendant une fraction de seconde, son dur visage s'était considérablement adouci, tel celui d'une poupée. Puis elle remit également sa chevelure en état et le charme fut rompu : la mignonne petite fille sage qu'elle avait dû être il y a bien longtemps, dans une autre vie, s'était effacée pour faire de nouveau place à l'adolescente amère et désabusée...

Silencieuse, telle un fantôme, Zynarys la vit jouer avec son Zippo dans les couloirs pour atteindre toute une rangée de casiers. Elle s'arrêta au n° 126 et l'ouvrit ; à l'intérieur, il y avait plein de paquets de bonbons, le cauchemar des dents et le rêve de tout bon dentiste qui se respecte... Elle en prit un et referma le casier d'un geste sec.

Beurk, je ne comprendrai jamais cette manie qu'ont certains humains de bouffer de telles cochonneries ! pensa-t-elle, tandis qu'elle regardait s'éloigner Sam qui semblait se diriger vers l'extérieur.
Continuant sa surveillance discrète, la jandarienne la vit monter les gradins du stade et ouvrir le paquet de sucreries.

Elle va pas manger ça toute seule ?! songea-t-elle, paniquée. Elle va se foutre la santé en l'air ! C'est alors qu'une idée amusante autant que saugrenue lui vint à l'esprit : elle avait maté il y a quelques mois un dessin animé (c'était un dimanche et elle avait rien d'autre à faire) dont le titre était Pinocchio et elle avait trouvé charmante cette histoire de pantin animé par magie mais c'était surtout Jiminy Cricket, la "conscience" du gamin, qu'elle avait trouvé rigolo.

Aussi, utilisant le pouvoir de sa Bague, elle fit apparaître dans les airs ce sympathique personnage, tel qu'il était représenté dans l'œuvre de Walt Disney - redingote et haut de forme - et qui tombait doucement, s'aidant de son parapluie comme d'un parachute. Il se posa sur l'épaule de la jeune fille et lui dit d'une voix docte :

Vous savez mademoiselle, la gourmandise est un vilain défaut !

Bien entendu, c'était une illusion, contrôlée par Zynarys qui se tenait à quelque distance de la scène.

Installée dans les gradins, à moitié allongée, appuyée sur l’un de ses coudes avec une jambe qui pendait mollement sur la rangée du dessous, Sam prenait les bonbons un à un, les longs fils d’un rouge vifs lui égayant les yeux, et les portait à sa bouche. Sa tête rejetée en arrière, sa bouche ouverte, elle faisait lentement glisser le fil déplié sur toute sa longueur jusqu’à ses lèvres, où sa langue se chargeait alors d’enrouler le fil et de le faire disparaître au fond de son gosier. La sensation acide restait quelques 3 délicieuses secondes, avant de laisser la place à un goût extrêmement sucré. Mélange doux/amer, dont Sam raffolait autant que les sucré/salé de la cuisine chinoise et japonaise.
Elle goba ainsi plusieurs bonbons, se mettant à fredonner la célèbres chanson des Archies.

-Sugar… Mmmm Honey honey…

La voix atténuée afin d’être certaine que personne ne la surprenne. Sauf que voilà, quelqu’un l’avait surprise. Une voix étrangement familière, elle avait beaucoup regardé les Disney étant petite, vint lui faire la morale. Les sourcils de Sam s’élevèrent de surprise vers son front. Elle regarda à gauche, à droite, derrière, en face… Rien, personne. Elle haussa les épaules et joua le jeu.

-Euh… Ta gueule ?

La question n’était là que pour la forme, Sam voulait qu’il ou elle la ferme, et fissa. Elle n’avait aucune morale à recevoir de qui que ce soit. Encore pire si cette morale lui était dispensée par une illusion. Elle accepterait beaucoup de choses, mais sans doute pas de perdre la tête. Aussi, se remit-elle à fredonner tout en mangeant ses bonbons.

Il était manifeste que la jeune fille n'avait pas vu l'illusion de Jiminy Cricket car elle se contenta de dire "Euh... Ta gueule ?". Toujours lévitant dans les airs et invisible aux yeux de la "punkette", Zynarys se demanda si elle ne devait pas refaire parler son illusion mais avec plus d'insistance cette fois, en faisant grimper ce charmant personnage sur le nez de la donzelle par exemple. Ou alors, elle pouvait recourir à la manière forte.

Tandis que la gourmande continuait de manger ses cochonneries, la jandarienne réfléchit à toute vitesse et finalement elle sut quel personnage fictif faire apparaître. En fait c'était inutile de matérialiser une figure incarnant l'autorité, la sagesse ou encore la modération car la gamine devait s'en foutre comme d'une guigne de tous ces préceptes qu'elle devait juger idiots ; donc exit Jiminy Cricket ou Maître Yoda.

Le mieux était un être qui avait les mêmes défauts qu'elle, ou pour être exact celui dont elle faisait preuve en ce moment même : la gourmandise.

Dans un "pouf", une sorte de créature verdâtre apparut dans les airs. Elle avait le corps complètement boursouflé mais pas de jambes, des petits bras, des yeux malicieux et une grande gueule garnie de dents qui semblaient prête à avaler n'importe quoi.

C'était Bouffe Tout, le fantôme glouton et rigolo du film Ghostbusters que Zynarys avait vu quelques semaines auparavant et qui était sorti de son esprit, grâce au pouvoir de l'Anneau.

Dès qu'il vit le paquet de bonbons, Bouffe Tout se jeta dessus...

Sam sursauta violemment, esquissant même un mouvement de recul quand la créature verdâtre apparu devant elle. Son cœur s’était emballé et il ne semblait pas vouloir se calmer. Les yeux de la jeune femme s’agrandirent d’effroi. Elle n’avait pas peur du monstre, elle voyait que c’était une illusion au fait que même si la créature s’était jetés sur ses bonbons et faisaient mine de les manger, ils restaient en place et ne bougeaient pas d’un iota. Ce qui effrayait Sam, c’était sa santé. Elle avait vu suffisamment de Dr House pour pouvoir se dire que son cerveau était peut-être touché… Et les choses empirèrent quand elle voulu tendre la main pour reprendre ses bonbons à son illusion. Elle s’aperçut que cette dernière avait complètement disparu. Elle la sentait, elle sentait bouger ses doigts mais elle ne la voyait plus.
Sam commença à paniquer. Les voix d’abord, le monstre ensuite et enfin sa main qui disparaît ? Elle porta ses deux mains, celle visible et l’autre nom à son visage et planta ses ongles dans ses joues, se griffant à sang alors qu’elle avait de plus en plus de mal à raisonner calmement.

-Qu’est-ce qui m’arrive ?

Geignit-elle. Sa poitrine se soulevait rapidement à cause de sa respiration accélérée, les griffures à ses joues saignaient légèrement. Elle se mit à faire les cent pas, incapable de prendre une décision. Devait-elle rester ici ? Attendre que ça passe ? Elle se dit alors que c’était peut-être un bad dû à une drogue. Elle avait entendu dire que certains effets se manifestaient des années après. Mais ça n’était pas possible… Elle n’avait jamais que fumé un peu de cannabis… Les bad de canna n’étaient jamais aussi violents. Ses doigts remuaient avec nervosité alors qu’elle tentait, laborieusement, de recouvrer son calme.

Quand Zynarys vit le visage horrifié de la gamine, elle eut une expression amusée mais petit à petit cet amusement se changeât en inquiétude puis en panique quand elle vit sa réaction : la "punkette" avait planté ses ongles dans ses joues et se les griffaient. Un peu de sang perla des blessures, fort heureusement légères, et coula le long de son visage.

La jandarienne comprit qu'elle était allée un peu trop loin : elle voulait infliger une bonne leçon à la donzelle mais certainement pas la faire basculer au bord de la folie car Sam devait penser maintenant qu'elle devait avoir perdu la raison.

Elle la vit faire les cent pas, le cœur fou, la respiration rapide, le visage en sang. Elle ressemblait plus que jamais à une folle, une hystérique et Zynarys se dit qu'elle devait intervenir avant que la gothique fasse quelque chose de désespéré.
Elle activa le pouvoir de sa Bague, créant des ondes qui activaient la glande pinéale dont l'une des fonctions était la régulation du sommeil : la "punkette" sentit ses paupières s'alourdir et ses jambes s'alourdir. Zynarus la retint avant qu'elle ne s'écroule sur le sol et redevint visible. La jeune fille dormait comme une souche et la jandarienne, après s'être assuré que personne ne se trouvait aux alentours, referma les cicatrices sur les joues en utilisant le pouvoir de sa Bague.

C'est alors qu'une sonnerie retentit, celle de la reprise des cours. Celui de Zynarys allait bientôt commencer et il ne lui restait que quelques minutes avant de rejoindre la piscine : elle allait donner un cours de natation. A ce sujet, quand elle l'avait annoncé la veille, les garçons de sa classe avaient poussé un "Hourra !" des plus joyeux pour des raisons évidentes à comprendre...

Toujours tenant Sam dans ses bras, elle se dirigea vers un bouquet d'arbres et la déposa délicatement sur le sol : l'ombre du feuillage la protégera du soleil. Encore désolée de t'avoir fait peur ! dit-elle avant de s'éloigner.

Certes, elle avait mis à mal quelques élèves pour une histoire somme toute ridicule mais la jandarienne avait quand même eu pitié de la jeune fille car elle avait peut être senti la souffrance qui était logée derrière cette carapace d'acier.

D'une certaine manière, elle et moi sommes un peu pareilles... pensa-t-elle en arrivant devant la piscine où l'attendaient ses élèves.

Comme un lion en cage, la jeune femme allait et venait, tentant de recouvrer un minimum de quiétude. Il se produisit alors quelque chose de bizarre. Ses jambes avaient de plus en plus de mal à maintenir le rythme que Sam leur imposait, elle peinait à garder les yeux ouverts et son cerveau s'enfonçait lentement une douceur ouatée, sa vue se troublant progressivement alors qu'elle s'effondrait, emportée par le sommeil.
Inerte dans les bras de Zynarys, on aurait presque pu croire qu'elle dormait d'un sommeil tranquille si ce n'étaient ses sourcils légèrement froncés.
Sam n'entendit pas les paroles de la Jandarienne et, une fois déposée à l'endroit ombragé choisi de cette dernière, elle poursuivit sa petite sieste imposée pendant un temps relativement long tout de même.

C'est une bonne demi-heure après qu'elle s'éveilla en sursaut, ayant eu la bête impression de tomber de haut, alors qu'en fait... Non. Ses yeux s'étaient ouverts grands, son coeur battait fort... Sans aucune raison. Sam poussa un profond soupir alors qu'elle se calmait. Elle se demanda ensuite comment elle était arrivée là, la dernière chose dont elle se souvenait... Elle regarda sa main et serra le poing et l'ouvrit, constatant qu'elle était bien là. Un rêve alors? C'était bizarre. Très bizarre. Mais à la limite, Sam ne voulait pas comprendre. Elle n'en avait même pas la moindre envie, redoutant la vérité.

Aussi s'empressa-t-elle de se relever et de quitter le lycée. Elle n'avait ni portable ni montre mais elle se doutait que pas mal de temps avait dû s'écouler, et elle en avait marre des bizarreries. Autant aller faire chier son monde au centre commercial, ça serait bien plus productif. Et en rollers encore meilleur. Sa décision était donc prise. Elle irait jusqu'à chez elle pour récupérer ses rollers et irait mettre le boxon au centre commercial.