Nouveau contrat [ Pv ]

Liirzyn en était venue à haïr le climat japonais.
Alors que toute la journée, elle avait eu droit à un soleil violent, au point de lui procurer une insolation digne de ce nom, voilà qu'une petite pluie venait ricocher sur l'asphalte. Et cette pluie réveillait l'odeur du goudron qui a chauffé toute la journée, chargeant l'air d'une sensation lourde, épaisse, collante. Elle grogna, le visage enfoui dans une grosse écharpe. Elle n'aimait pas la pluie, et détestait même devoir travailler par ce temps. Son long manteau noir, certes, la tenait au chaud, mais n'était pas si pratique que ça.
A un moment, elle devrait bien l'ôter, pour se retrouver dans sa tenue habituelle, avec cette sorte de saharienne kaki tachée. Et là, elle aurait froid.
Elle savait que, ce soir, sa proie n'était pas des moindres. Son patron l'avait prévenue, tout en lui disant qu'il savait qu'elle était la seule digne de ce nom pour ce genre de mission. Son ego se portait donc bien, ce soir-là. Et elle était en forme. Il n'ya avait que cette pluie pour venir brouiller le tableau.

Elle s'alluma doucement une cigarette, malgré que cela lui soit totalement interdit, pour se préparer à la suivre. Son dossier était dans sa poche, le commanditaire était inconnu, mais la photo de la cible était bien présente. Elle la reconnaitrait, elle était marquée dans sa mémoire. Elle regarda son reflet, un moment, dans une flaque. Ses yeux rouges, béants, sans vie, ne reflétait rien. C'était mieux ainsi. Elle rabattit sur sa tête une longue capuche, afin que personne ne puisse apercevoir son regard, et releva la tête.
Elle était sortie.
Elle écrasa sa cigarette, et attendit que sa proie fasse quelques pas, avant de la suivre. Elle finirait bien par l'attirer dans un endroit où il n'y aurait pas de témoins. Doucement, se glissant comme une ombre, elle entreprit sa chasse.
La partie débutait. Les dés étaient lancés. Au fond d'elle, Liirzyn souhaitait que cette jeune femme soit hors du commun. C'était toujours plus amusant, ce genre de situations. Elle tâta une de ses armes, et la caressa du bout du doigt, comme pour la calmer. Elle avait hâte. Ce serait sa 200 éme cible.

Miya était sortie du bar où elle travaillait depuis plus d'un an, une cigarette entre les lèvres. Ses yeux restaient rivés au sol, et elle ne se rendit même pas compte que la route changea quand quelqu'un bouscule la demi déesse, mais trop absorbée par ses pensées, elle ne fait même pas attention.. Elle aurait du se cogner contre un mur, si elle l'avait vu, mais non. Et voilà Miya sur Terra, plus proche que jamais de son amant disparu. Mais la demi déesse était trop prise par ses pensées pour se rendre compte de quoi que ce soit. D'abord, bien entendu, elle pensait qu'elle n'avait pas vu Ryuga depuis trop longtemps, mais qu'elle ne voulait pas perdre espoir. Et puis après, elle se rendit compte aussi qu'un autre personnage récurrent n'était pas venu au bar depuis quelques jours. Takahashi était un membre influent de la politique locale, et avait jeté son dévolu sur la chanteuse. Chanteuse hélas amoureuse, et qui soir après soir, éconduisait l'homme...

Miya marche encore un moment avant de se rendre compte que quelque chose cloche, et elle s'arrête, lève la tête et regarde autour d'elle. Étrange. Elle ne devrait pas être là. Elle ne connait même pas le coin. Elle se retourne, tourne sur elle-même. Il se met même à pleuvoir.

"C'est bien ma veine !"

Elle fait demi tour, essaye de retrouver son chemin, en vain. Les mains dans les poches, elle finit par sortir une nouvelle cigarette qu'elle allume, nerveuse. Et bien, elle n'a pas le choix : où qu'elle soit, elle finira bien par retrouver un coin assez familier pour qu'elle rentre. Alors elle reprend la route, aux aguets du moindre indice qui pourrait la ramener en territoire connu.

La comédie ? Ce n'était pas une excellente manière de faire les choses. Liirzyn, voyant sa proie changer brusquement de direction, eut une déduction immédiate ; celle que Miya, trop absorbée par ses pensées, s'était égarée. Elle avait dû se dissimuler, un instant, pour ne pas se faire repérer.
Et elle eut le souvenir d'un de ses collègues, qui se faisaient passer pour un gentilhomme avant de les abattre froidement. Ceci n'était pas la manière de faire de Liirzyn. Elle n'était pas bonne comédienne, et estimait qu'il fallait juste abattre. Ne pas poser d'autres questions. Tuer, allumer de l'encens, partir, et recommencer. Même si ce cycle pouvait passer pour triste et ennuyeux, cela était le quotidien de Liirzyn, et cela lui plaisir suffisament.
Elle attendit patiemment que la jeune femme arrive à son niveau, et sortit de l'ombre, s'avançant vers elle, en face d'elle, sur le même trottoir, accélérant le pas, presque pour lui faire comprendre qu'elle était bien là pour elle, et arma son Beretta aussitôt. Un petit"clic" résonna dans la nuit.

Son pas s'accéléra. Toujours dans la même direction. Elle pouvait presque l'entendre respirer distinctement. Liirzyn rabattit sa capuche sur son visage, dissimulant au mieux ses yeux. Fit claquer sa langue contre palais. Claqua une fois des dents.
Quand Miya ne fut plus qu'à quelques centimétres d'elle, Liirzyn attrapa la jeune femme par la taille, sans violence ni douceur, la maintenant contre elle, et plaqua l'arme au centre de son front. Comme la fin d'une danse.
Original ? Surtout morbide. Avoir, face à soi, car abattre dans le dos était lâche, son futur assassin, qui vous maintient, vous empêchant de tomber au sol, mais braquant une arme sur vous, n'était pas une expérience des plus agréables.

- Ravie de t'apprendre que tu es ma 2OOéme proie, lança t'elle.

Si Miya avait sur qu'elle était si proche de Ryuga, sans doute aurait elle courut dans tous les sens en l'appelant. Mais c'était une information qu'elle ne détenait pas. Et la demi déesse ne savait pas non plus qu'un yakuza qui n'avait pas l'objet de son désir lui mettait parfois un contrat sur la tête. Et Miya ignorait donc tout de la tueuse qui la filait.

La jeune femme, énervée par son sens de l'orientation parti en vacances se laissa complètement prendre par surprise. En y réfléchissant, elle ne savait même pas dire ce qui s'est passé. Seul comptait le résultat. Et il n'était pas génial... Plaquée tout contre une nana à la tête bizarre, en flingue entre les deux yeux. Et bien sûr, ses dagues étaient inaccessibles ! La surprise, puis la colère, s'imprimèrent sur son visage. La 200e proie ? Miya détestait la façon dont ça sonnait. Elle eut un reniflement dédaigneux, puis un court rire méprisant.

- Essaye." cracha-t-elle sur un ton de défi.

Miya se cambra pour avoir les mains qui touchent le sol et réussit à faire desserrer la prise de Liirzyn suffisamment pour laisser passer ses jambes dans un salto arrière, et s'éloigna d'un saut de la tueuse. La demi déesse s'était fait tirer une balle dans le ventre, et ça avait déjà été très douloureux ; alors dans la tête...  Ca risquait d'être douloureux - mais bon, quand on s'enfonce un poignard dans le coeur tous les soirs pour faire taire la douleur de ce même coeur trop solitaire, on s'habitue à la souffrance, au moins un peu...

Miya n'avait pas l'intention de se laisser faire, et dégaina ses dagues, une dans chaque main. Elle troqua au passage sa déprime contre de la colère. Celle d'être seul, d'être si faible, si amoureuse, d'être tant déprimée... Et surtout, la colère de s'être faite avoir comme une débutante.

- Avec un maquillage pareil, à ta place, je me planquerai. Faisons comme si rien ne s'était passé et reprenons nos chemin, tu veux ?

Liirzyn se fit un plaisir d’esquisser un sourire, avant d’atterrir sur ses jambes rapidement, sans douleur. L’habitude, l’entraînement, dit-on. Elle se releva doucement, renversant sa tête en arrière, un moment. Oh, il y avait bien longtemps que ce genre de remarques insolentes ne l’atteignaient plus ! Elle s’était faite à l’idée de ne pas ressembler au commun des mortels. Qui, même s’ils possédaient un physique attrayant, ne la dépassaient pas au niveau du « talent criminel », comme elle appelait sa capacité à tuer.
Elle prie une petite moue faussement attristée, puis reprit son visage habituel.

-   Un contrat est un contrat, grinça t’elle lentement. Va proposer ça à la personne qui m’envoie ici, nous verrons quelle sera sa réponse !

C’était ce qu’il y avait à dire. Cette femme était son contrat, et elle serait payée pour la tuer, parce que c’était le choix du commanditaire. L’idée s’arrêtait là, et n’avançait pas plus loin. Il n’y avait pas à réfléchir.
Liirzyn ne porta qu’une mince attention à la blessure, se doutant que cette personne ne serait pas ralentie par ce genre de « détails » - il était rare qu’une de ses victimes brandissent adroitement des armes - et fit craquer ses phalanges, une à une, pour réveiller ses doigts ouateux. Elle sentait la lourdeur l’arme, froide, contre sa peau. Elle ne prêtait pas beaucoup d’attention, habituellement, à ce genre de détails. Avec l’accoutumance, elle ne préférait pas jouer dans la sensibilité en ce domaine. Cela serait inutile. Un boulet, même. Elle ne préférait même pas y penser.
Au lieu de penser, il fallait agir.
Ce que fit aussitôt la jeune femme : elle bondit, violemment, sur ses pieds, se précipitant contre sa victime, l’arme retenue avec vigueur entre ses doigts froids. Elle lui fonça littéralement dessus, l’attrapant en plein ventre pour la claquer contre un mur, vivement, en espérant qu’elle lâche ses dagues, sous le choc.

Vraiment, ça puait. Cette fille avait quelque chose de terrifiant... Peut-être son regard ? Il était si rouge, si malsain ! Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale de Miya, alors qu'elles s'observaient en chiens de faïence. Alors comme  ça, quelqu'un avait mis la tête de Miya à prix ? Intéressant. C'était presque touchant de se savoir ainsi aimée ou détestée. Elle n'eut pas le temps de répliquer quoi que ce soit que déjà, la tueuse lui fonçait à nouveau dessus, arme luisante au poing. Elle était rapide, la garce !! Miya n'eut même pas le temps de réagir qu'elle se trouva plaquée contre un mur, et sous le choc, elle lâcha la dague qu'elle tenait dans sa main gauche ; l'autre quitta sa main mais elle la rattrapa au vol.

Et bien. Pour la première fois depuis longtemps, Miya se rendit compte qu'elle ne s'était pas battue depuis bien longtemps... C'était un constat qui ne l'aidait absolument pas en cet instant. Elle se débattit bêtement pour essayer de se dégager de la prise de la tueuse, saisissant son poignet pour essayer de l'empêcher d'appuyer sur la gâchette. Pourtant, elle n'arrivait pas à se défaire de son sourire. Pour la première fois depuis longtemps, Miya se sentait étrangement vivante. La demi déesse se laisserait presque avoir au jeu, essayer d'éviter les blessures. Rien que pour voir l'endurance de la tueuse.

- Dis-moi au moins ton nom. Et celui de ton patron. Que je rigole de savoir qui a la prétention de pouvoir me tuer.

Miya pencha violemment la tête pour mettre un coup de boule à Liirzyn.

(HJ : N'hésite pas à faire agir un peu mon perso, si tu as besoin, hein )

La jeune femme encaissa lourdement le coup de boule, vacillant légérement. Elle recula un peu, chancelante, puis doucement eut un petit sourire. Elle se savait endurante, entraînée, prête à tuer, mais ne voulait pas que cette jeune femme - qui ne semblait pas habituelle, d'ailleurs - meure sans savoir par qui et pour quoi.
Aussitôt, d'une manière plutôt moqueuse, elle fit une révérence à Miya, les yeux toujours rivés sur elle, et se racla la gorge délicatement. Même si sa voix rauque était loin d'être des plus délicates ... Ils ne l'avaient pas loupés, au labo, quand ils l'avaient conçus. Liirzyn faisait effectivement bien peur, et n'inspirait pas confiance. Ce n'était pas une de ses tueuses qui charment, non, c'était une tueuse capable de tuer par tout les moyens possibles, et cela était quelque chose de nettement fabuleux en ces temps où, croyez-moi, il est bien difficile de trouver une tueuse convenable, nom de nom !

- Je m'appelle Liirzyn, commença t'elle, et le nom de celui qui m'a demandé de te tuer est ...

Elle fouilla dans sa poche.

- ... inscrit sur ce papier. Tu le veux ?

Elle lui tendit alors le papier, pour le reprendre ensuite, alors que la jeune femme tendait la main pour le récupérer.

- Montre-moi que tu es capable de venir m'arracher ce papier, lança t'elle d'un ton amusé.

On s'amuse, on s'amuse ! Liirzyn tenait vraiment à savoir si cette femme était une réelle humaine pathétique ou un être unique hors du commun ...

Miya serra les dents face à la révérence de Liirzyn, qui transpirait l'ironie et la moquerie. Cette sale garce !! Comment osait-elle ?! La demi déesse voulait l'étriper, là, maintenant. Toute sa frustration se muait peu à peu en haine. Elle s'était juré de ne plus haïr comme ça, plus jamais - toute sa haine ne devait être tournée que vers une seule personne, morte depuis longtemps, mais qu'importait... Là, Miya se fichait bien de toutes ses bonne résolutions... Seule comptait cette... Liirzyn... Et...

Miya serra encore un peu la mâchoire alors que le papier, avec le nom du commanditaire de ce meurtre (ha ha, la bonne blague !) lui échappait. Cette dingue voulait seulement jouer. Et bien ! Miya allait la servir ! Elle n'était pas une pro en combat, même si elle avait du s'entraîner dur à son époque. La demi déesse n'était pas particulièrement connue pour sa patience, aussi, sa seule technique, surtout quand elle était en colère, c'était de foncer dans le tas. Après tout, elle n'a rien à craindre, elle est immortelle...

Donc, Miya se précipite sur Liirzyn, la main droite fermement serrée sur le manche de la dague qu'elle tient en avant... Mais c'est son poing gauche qui cherche à atteindre, dans un élan, le visage de la tueuse, qui l'évite sans difficulté. Tous ses coups sont parfaitement prévisibles, et Liirzyn peut les éviter sans aucun soucis. Miya enchaîne, cherche à frapper du poing, du manche. Elle veut faire mal à quelqu'un d'autre, pour une fois, et pas à elle-même.

- Comment oses-tu avoir... la prétention de pouvoir me tuer ?!

Il y a comme une trace de légère folie dans sa voix, teintée de ce désespoir propre à l'immortelle solitaire. Bien sûr que Miya aimerait mourir, plutôt que de souffrir de l'absence de son amant. Elle arrive enfin, après encore quelques coups, à surprendre son adversaire ; ou peut-être que le sourire dingue qui nait au coin de ses lèvres la trahit ? Miya fait tourner la dague dans sa main, et étend le bras pour éborgner Liirzyn - crever un de ces insupportable œil !!

La jeune femme plissa les paupières. Elle allait agir selon la colère. Une erreur !  Anticiper ses mouvements allait être aussi simple que tourner une page. Ainsi, la jeune femme esquiva chacun de ses mouvements, stupéfaite de l'endurance de sa proie. Elle tournait, se baissait, comme une sorte de danse, et s'en sortit sans égratinure, mais avec le souffle brûlant. Rapide !
Elle faillit répondre en entendant sa phrase, mais aussitôt remarqua son geste. D'un geste, elle leva la main pour tenter de stopper son poignet, mais la dague lui écorcha la joue. Elle grimaça, quand la plaie et la chair à vif entrérent en contact avec l'air, enflammant sa blessure. Ce n'était pas grand chose, mais suffisamment destabilisant.

Et elle n'aurait pas cru Miya capable d'une telle chose. Elle eut un sourire, aussitôt, et profitant d'un instant d'innatention infime, elle cala sa main contre la gorge de Miya, avec une certaine violence, mais pas pour l'étrangler, non, elle épargnait les morts douloureuses, mais lui coupant le souffle un instant. Elle coinça son autre main sur un de ses poignets, le tordant pour empêcher la dague de frapper à nouveau, et s'approcha de son oreille.

- Parce que j'ai été crée pour ça, ma belle, répondit-elle d'un ton acide.

Aussitôt, elle lâcha la gorge pour attraper vivement son arme, dans sa poche, laissant Miya un peu suffoquante ( un coup violent, vif, avec une certaine poigne autour de la gorge, ça laisse un peu sonné ) et la colla contre son ventre.

- Et parce que je n'ai pas le choix ... Une dernière volonté ?

Miya étouffe. Elle n'a plus besoin de respirer depuis longtemps, mais elle le fait par habitude, et pour se sentir un peu plus humaine peut-être. Mais pour l'instant, le souffle lui manque, et elle se débat, ignorant son poignet tordu - elle finit même par lâcher son arme sans s'en rendre compte. Mais la poigne de Liirzyn est solide, et elle a beau lutter, la demi déesse n'arrive pas à se défaire de son emprise.

Et quand enfin la tueuse cesse de l'étrangler, c'est seulement pour lui pointer son jouet sur le ventre. Si elle n'avait pas été occupée à tousser et à reprendre son souffle, Miya aurait ri comme une folle. Pas le choix, vraiment ? La demi déesse dévisage Liizryn, essoufflée. Et elle affiche cet insupportable petit sourire suffisant.

- Tss. Pas le choix, vraiment ? La bonne blague. Et je n'ai pas de dernière volonté. Car tu ne me tueras pas.

Elle le dit seulement parce que c'est vrai. Miya n'a pas assez de jugeote pour tenter de faire faire à Liirzyn ce qu'elle veut seulement par des affirmations bien placées et visant à la faire réfléchir. Et la demi déesse renchérit, son sourire devenant carrément moqueur :

- En fait, tu n'y arriveras même pas. Je te l'ai dit : essaye.

Et elle ne bouge pas. Elle ne cherche même pas à atteindre sa dernière dague, où à bousculer la tueuse. Son souffle se calme enfin, même si elle sent encore la poigne froide lui écraser le cou... Miya a presque hâte qu'elle appuie sur la gâchette pour lire la surprise sur son abominable visage.

Evidemment, c'est ce que Liirzyn fait, sans aucune hésitation.
Bien que surprise, elle appuya sur la gâchette. Elle se disait, intérieurement, pour essayer d'analyser les actes de sa proie, que cela était normal, cette résignation. Il y a des jours, comme ça, où on souhaite avoir la paix en mourant, et ne pas se débattre comme un animal pris au piège. PLusieurs fois, d'ailleurs, Liirzyn eut affaire à ce genre de personne résignées, passives, qui priaient une dernière fois avant de se laisser tuer sans aucune pitié.
On en avait pas eu pour elle, alors Liirzyn ne voyait pas pourquoi elle en aurait pour les autres, c'était évident. Elle appuya, donc, et sentit le coup partir, vif. Et elle, elle resta à fixer Miya, troublée.
Il ne se passait rien.
Elle serra les dents. On ne l'avait pas prévenue, pour ce coup-là. On ne l'avait pas prévenue que, face à elle, ce ne serait pas une jeune femme basique et placide, non, mais une toute autre forme de vie. Et cela, elle s'en rendit compte en voyant que la jeune femme ne réagissait pas, sinon par un simple hocquet, à la balle qu'elle était censée recevoir en plein dans le ventre.

- Ne me dites pas que ... susurra t'elle d'un ton blasé et méprisant. Ne me dits pas que tu es immortelle, lâcha t'elle.

Parce que, dans ce cas-là, c'était à Liirzyn qu'on avait tendue un piège.

La demi déesse fut presque surprise de ne rien voir dans les yeux de Liirzyn au moment d'appuyer sur la gâchette. Mais Miya sut à ce moment-là qu'elle avait à faire à une véritable tueuse professionnelle, pas une fille trop moche qui n'avait eu que ça à faire. Et pour cela, elle la respecta : au moins, quand on engageait une telle personne, qui n'hésitait pas à tuer de sang froid, on était sûrs que le travail était bien fait. Celui qui avait fait engager Liirzyn voulait vraiment être débarrassé de la chanteuse.

Et si Miya savait qu'elle allait souffrir, la douleur provoquée par la balle qui lui traversa le ventre, brisa un petit morceau de sa colonne vertébrale, lui fit seulement ouvrir la bouche sur un "Ah !" silencieux, et un hoquet. Mais rien de plus. Et elle lut avec satisfaction la surprise dans les yeux rouges de l'abominable tueuse. Et ses lèvres devinrent un sourire, son regard moqueur. A sa demi question, Miya répondit à Liirzyn, légèrement sarcastique :

- D'accord, je ne te le dirai pas. Mais je t'avais dit que tu n'y arriverai pas.

Lentement, elle prit la main de Liirzyn pour prendre ce fameux morceau de papier, alors que la plaie béante se refermait tranquillement, laissant malgré tout un beau trou et une large tâche de sang sur sa robe - heureusement qu'elle était rouge, à la base... Mais elle était bonne à jeter, et Miya la matérialiste détestait mettre ses affaires à la poubelle. Mais se sentir si victorieuse chassait ce sentiment. Elle poussa Liirzyn pour que son dos quitte le mur, et puisse se réparer sans la souder au mur, et eut un faux regard apitoyé pour la jeune femme :

- Roh, ne fais pas cette tête ! Ton patron... (elle ouvrit le papier pour ne rien y lire... Tsss) qui qu'il soit, ne pouvait pas le savoir non plus. Tu sais, c'est un secret que je m'efforce de garder. Mais à présent que tu es au courant, on va inverser nos positions : je vais devoir te tuer.

Miya jeta le papier par-dessus son épaule, et dégaina la dague qui battait contre sa cuisse.

- Et ne crois pas que je suis désolée.

Elle lança son couteau vers Liirzyn et dans le même temps, s'élança vers elle pour lui mettre un coup de poing là où son poing pourrait aller - dans le visage ou dans les côtes, au choix...

Liirzyn accueillie le poing dans les côtes avec un soupir ; elle en avait goûtée des plus violentes. Ses entraînements face à de véritables monstres, sortis d’on ne sait où sur Terre, lui laissaient un goût de sang dans la bouche. C’était le mauvais temps, comme se plaisait à le dire, cette époque où elle devait apprendre à tuer, pour gagner sa vie, cette époque où sa seule compagnie était celle d’infirmières plus ou moins sympathiques, cette époque où on lui avait dit que sa vie était de tuer, parce que la moindre parcelle de son anatomie était faite pour cela, tuer, abattre, sans aucune impunité, sans regrets.
A croire qu’on avait cloués les paupières de son cœur, pour qu’elle ne ressente rien en arrachant la vie d’une personne.
Mais désormais, la partie prenait un autre goût, comme celui de ses examens. «  Liirzyn, tu dois réussir, ou mourir. ». Les règles étaient écrites, et elle se savait en danger. Elle devait lutter pour sa survie. Ces pensées lui échappèrent de l’esprit quand elle sentit la lame se rapprocher d’elle. Aussitôt, elle voulut esquiver valeureusement l’attaque, mais sentit la dague ouvrir quelque peu sa peau, et tomba au sol. Le contact de la chair à vif contre celui de l’air lui arracha un grognement. Son instinct de conservation peinait à se déclencher.

- Nous verrons cela …

Elle cala sa main contre la plaie, vérifiant qu’elle saignait bien, et serra les dents. Pour le moment, elle ne souffrait pas beaucoup. Elle se soignerait plus tard.
D’un bond vif et rapide, elle sauta sur son assaillante, la frappant au ventre pour la bloquer au sol, tandis qu’elle attrapait son poignard coincé prés de sa cuisse grâce à un système ingénieux, et qu’elle s’apprêtait à la frapper en plein cœur. Après tout, même les vampires mourraient ainsi, alors pourquoi ne pas tenter sa chance.

Miya eut presque le souffle coupé quand elle se fit à nouveau plaquée au sol : elle jura, pestant contre son manque d'endurance ! Dès qu'elle rentrerait, il fallait qu'elle s'entraîne à ce propos ! Elle détestait être faible, et tomber amoureuse l'avait ramollie davantage qu'elle ne l'aurait cru - se languir de son amant était bien pire ! Mais à présent, seule la rage l'animait. Elle n'aimait pas être une faible proie, et la demi déesse n'avait pas l'intention d'attendre sagement après Liirzyn : elle la tuerait avant, pour avoir osé avoir la prétention de pouvoir la tuer ! Pourtant, elle eut beau se débattre, elle ne put se dégager de la tueuse sur elle.

Cela peut paraître très bête (c'est du Miya tout craché !) mais Miya était tellement absorbée à essayer de faire dégager Liirzyn d'elle qu'elle ne vit pas le couteau. Seule la douleur la ramena à un semblant de raison, tandis qu'un cri de douleur mêlé à la surprise s'échappa de sa gorge. Ca faisait mal - même quand on s'enfonçait soi-même un poignard dans le coeur. Celui-là cherchait à tuer ; quand Miya le faisait sous la douche, elle ne cherchait qu'à atténuer la douleur de ce même coeur.

La douleur envahit chaque parcelle de son corps, et lui fit tourner la tête. Pourtant, au bout d'un moment, c'est la chair se refermant autour de la lame qui lui fit un mal de chien : foutue immortalité qui cherche à la régénérer trop vite ! Incapable de respirer - elle n'en a de toute façon pas besoin, mais ça reste gênant - Miya foudroie Liirzyn du regard, saisit son poignet pour retirer la lame de sa poitrine ; la plaie de ferme, la laisse haletante, alors qu'elle allonge les bras en croix.

- Qu'est-ce que tu comprends pas dans "je suis immortelle", pétasse ?

Elle se retrouve pourtant toujours incapable de bouger, et sans la force de se dégager. La douleur reflue petit à petit, mais Miya reste à la merci de Liirzyn ces quelques secondes.