Juste une étagére [ nava k. ]

Parfois, on va détester une chose, ou une autre. Sans vraiment de raisons valables. Par exemple, cette caissière, parce que c’est physique. Le soleil, parce qu’on voulait de la pluie.
Là, c’était la femme qui était devant Engel qui déchainait en elle des envies de meurtre. Elle ne savait pas pourquoi, d’ailleurs. Juste parce que cette femme était devant elle, penchée, prenant son temps.  «  Oui, elle prend son temps, et tu n’es pas patiente, voilà tout » se rassura-t-elle. Tout allait bien, elle n’était pas associable, pas détestable, ni de mauvaise humeur.
Elle était normale.

En apparence, là, ça se discutait. Elle portait, en guise de robe, deux immenses débardeurs superposés, surmontés d’un veston là aussi trop grand, et des chaussures à talons qui ressemblait à des converses montées sur talons vernis. Ses longs cheveux verts tombaient sur ses épaules, délicatement, à cause d’une pince capricieuse qui refusait de les maintenir en place. Vu comme ça, elle ne semblait pas normale, non. Elle ressemblait à une enfant qui avait piquée les vêtements de sa mère.
Et elle était affalée dans les marches, essayant de boire allongée - c’est dur, je vous le promets - un Starbuck survitaminé qui lui donnait les joues roses. Ses yeux brillants, gris, scrutaient les alentours avec une curiosité non dissimulé.
Devant elle était posée une casquette esprit « gavroche », posée comme pour faire la manche. Elle ne faisait pas la manche, non, mais elle aimait beaucoup cette idée de passer pour une droguée clocharde. Elle s’en moquait, après tout.

Elle venait de faire scandale dans un magasin en faisant tomber tout un étalage. «  C’est pas ma faute, se répéta-t-elle, si cette étagère est tombée ! » L'histoire avait retentit partout dans le centre commercial, et elle récoltait des regarsds étranges. Elle soupira.

- Le monde ne m’aime pas, grogna t’elle

L'après-midi avait été chaude: il avait fait pesant depuis que le soleil avait atteint son zénith et par après, l'air s'était alourdi et oppressait les passants. Les gens suent, les gens suent trop, mais c'est comme ça, il y a d'un côté les filles habillées légèrement qui balancent des reins et les garçons qui les observent et de l'autre les vieilles personnent obèses et toutes rouges que l'on préfère oublier de suite. Le juste milieu est trop rare.

Nava avait arpenté les rues jusqu'à se retrouver dans le centre commercial de la ville, passif. Il avait par chance quelques sous en poche et pouvait ainsi se contenter d'autre chose que de se balader les mains dans les poches et l'envie dans la tête. Il s'était envoyé un bon milkshake fraise. Par chance, le vendeur avait oublié de lui demander l'addition, il était reparti sans avoir dû concédé la moindre sesterces, mais il ne s'en était rendu compte que cinq bonnes minutes après.

D'ailleurs, cette expérience l'avait émoustillé: il courait vite, il avait envie de frissons, il ne pourrait rien arriver de grave s'il en venait à voler une babiole sans valeur, on a pas de souci à glander comme ça et à faire monter son adrénaline de temps en temps.

Nava était parfois naïf, très.

Ni une, ni deux, il s'était introduit dans un magasin quelconque et en était ressorti avec un objet quelconque lui aussi. L'alarme était là, les frissons suivaient. Il courait, regardait en arrière, évitait les gens ainsi de suite.

Il y avait tellement de monde qu'il ne remarqua pas le magasin dans lequel il pénétrait tellement la densité de personnes était identiques à l'intérieur et à l'extérieur, comme il ne vit pas l'étagère sur laquelle il allait mordre la poussière.


(HRP - fin foireuse et j'ai pas le courage de me relire pour l'ortho x))

C'était simple, Engel ne savait pas voler. A part quelques boucles d'oreilles, ici et là, qu'on glisse dans sa poche pendant qu'on essaye un quelconque vêtement que l'on ne prendra pas de toute façon, elle ne savait pas voler correctement. Sans doute était-elle venue ici pour apprendre à voler ? La pratique valait souvent mieux que la théorie, il n'y avait pas de doute là-dessus. Bref, aussitôt aprés avoir regardée, assez claquée, un film qui l'avait bien fait rire - "Wayne's World" - et qui l'avait mis de bonne humeur, elle était partie loin, très loin de sa chambre d'étudiante miteuse, pour vagabonder dans le centre commercial.
Soldes, donc beaucoup de monde. Donc, on la surveillerait moins, sans doute. Cette idée la fit sourire. Elle s'en sortit donc, au bout de quelques heures, avec de l'argent et des bijoux chapardés. Une boutique avait attirée son attention, avec ses vieilleries, des décorations grotesques qui ne serviraient que peu à la jeune fille, et des trucs et machins.

Justement, un de ces trucs et machins étaient là-haut. Sur une belle étagére. Ni une ni deux, la jeune sorcière escalada le meuble, tendant la main pour attraper un porte bonheur chinois.
Ce ne fut qu'en entendant un " Crr " suspect qu'elle se douta que le meuble ne tiendrait pas sous son poids.

- Oups, prononça t'elle avant de sentir le meuble tomber.

Elle poussa un bref cri, et le meuble s'écroula, la jeune fille dessus ... Et un inconnu en dessous. Elle cria à nouveau, pensant l'avoir tué sur le coup. Son second réflexe fut de se saisir du porte-bonheur, de le dissimuler dans sa poche - y'a pas de petits profits - et d'essayer de relever l'étagére pour voir si cet homme était en bon état.

Dans la précipitation, il s'était hâtivement enfoui dans le magasin comme un renard avec une poule égorgée sous ses crocs se précipite dans son terrier. Il avait regardé automatiquement à droite et à gauche, histoire de voir qu'aucune personne ne le suivait. Mouais... Le problème quand on se fait péter les veines avec autant d'adrénaline, qu'on a couru un bon 200 mètres et qu'autour de vous, il y a des centaines de personnes auxquelles il faut faire attention (car chacune d'elle, même la vielle mémé arthritique, peut cacher un agent de sécurité du centre commercial. Le genre chauve avec des lunettes noires et une oreillette, assez baraqué...) c'est qu'on ne regarde plus ce qu'il se passe à 3 centimètre de son pif. Par exemple (à tout hasard): une armoire sur le point de s'écraser sur le coin de votre museau.

La seule phrase qui peut sortir dans ce genre de moments, ce centième de seconde qui nous permet de réaliser avec une joie incommensurable que la douleur est désormais inévitable, c'est un ridicule "Mééééeuuuuuuh".


La douleur ne pointe que le bout de son nez bien plus tard, pour le moment, les nerfs, les synapses et le cerveau percoivent une information presque inédite, rare, difficile à traiter. On perçoit des couleurs ternes puis plus vives. On tâtonne avec nos pattes l'endroit où les sensations se font le plus bizarres. Puis, petit à petit, viennent les picotements, de plus en plus présents, persistants et douloureux.

Nava vit l'armoire se relever ainsi que quelques mines le dévisager. Il n'avait apparemment rien de grave et tant mieux. Mais à peine eût-il le temps de dire merci à la jeune fille qui l'aidait qu'il vit traîner tout autour de lui les objets qu'il avait chapardés et ceux-ci avaient une forte tendance à décrire une trajectoire qui partait de ses poches, ne laissant plus grand doute quant à sa venue dans ce magasin.

Oups, laissa-t-il échapper.

La jeune fille n'eut pas de réaction automatique ; elle se contenta de hausser un sourcil - les hommes sont étranges, ici - puis remit l'armoire à sa place. Et aussitôt, elle se permit une réaction en voyant les objets rouler. Un voleur ? Ah, bien fait pour lui.
Puis elle ouvrit de grands yeux. Non, entre voleurs, on devait se permettre une certaine solidarité. Elle ne pouvait l'abandonner ici. Elle connaissait dans cet endroit de bonnes planques pour se dissimuler au cas où un gars de la sécurité se sentait l'envie de vous courir aprés pour vous emmener au commissariat. D'ailleurs, d'ici peu, elle comptait bien y retourner ... Quelques hommes assez malins avaient remarqués l'incident, et les objets qui tombaient des poches de l'inconnu, par terre.
Si "on" venait, "on" la reconnaitrait aussi du premier coup d'oeil.

Elle se pencha, et empoigna Nava vivement.

- Pas de temps à perdre, murmura t'elle. Ils vont arriver.

Elle l'aida à se relever, et l'entraîna dehors, bousculant les gens sur son passage. Elle ne lâchait pas le bras de l'inconnu qu'elle venait de "sauver". Elle l'entraîna dans une boutique encore en travaux, le poussant à l'intérieur. Il y avait beaucoup de poussiéres, des pots de peintures, des bâches en plastiques et en tissus ici et là.
Elle constata que personne ne les avaient vus. " Ouf ! "

- Je suis solidaire envers les gens qui pratiquent les mêmes choses que moi, expliqua t'elle en vidant ses poches sur le sol, déversant bijoux, portes-bonheurs, billets dérobés sur le sol.

Elle lui décocha un immense sourire.

Les nuages...disons plutôt l'épais smog qui avait pris provisoirement possession du cerveau du jeune homme venait juste de regagner ses pénates (certainement une sombre caverne métaphorique d'une lointaine dimension tirée de l'esprit d'un autre être torturé) qu'il se retrouvait embarqué par la jeune fille dans une étroite remise poussérieuse d'où émanait une écoeurante et poignante odeur d'acrylique et qui n'était éclairée que par une menue fenêtre perchée près du plafond.

Dans les quelques espaces d'inconscience qui venaient encore de temps à autre bercer Nava, il se  surprenait à admirer le bal des poussières dans le mince faisceau qui transperçait la pièce. "Mon karma en prendrait-il un coup pour avoir brisé la tranquilité de cette pièce et de ses objets? Ou suis-je totalement con?"

Il était probablement temps de rembobiner la cassette de ces 3 dernières minutes, histoire de comprendre ce qu'il se passe.

-Hmmm, voyons voir...

Il y avait eu le choc, puis le défilement de têtes le dévisageant, puis la fille l'avait amené ici. Ne lui avait-elle pas adressé la parole? Si!

- Je suis solidaire envers les gens qui pratiquent les mêmes choses que moi, expliqua t'elle en vidant ses poches sur le sol, déversant bijoux, portes-bonheurs, billets dérobés sur le sol.

Quelques instants pour inspecter la silhouette de la jeune fille lui permirent de voir pas mal d'objets dont elle venait de parler dépasser désormais de ses poches. Il avait donc affaire à une voleuse aguerrie. Joli plongon dans les relations du métier pour une première, la fierté lui avait bizzarement manqué...

-Hein? Mais vous faites ça souvent, vous?

Encore une fois, on mettra cette betîse et ce manque de politesse sur le compte du choc physique subi. Espérons que notre ami se resaississe au plus vite!

-'Fin, je veux dire, merci, en fait...Merci beaucoup, vous m'avez sorti de sales draps. Vous avez l'air plutôt expérimenté, je suppose que vous avez une idée pour qu'on puisse s'échapper de cet endroit parce que pour ma part, je ne sais même pas où je suis...

En quelque sorte à la merci de cette mignonne gamine cleptomane...ou simplement voleuse, on le verra bien tôt ou tard..

Engel lui adressa un sourire franc, et se gratta les cheveux. Là, il lui posait une colle ; elle ignorait clairement comment quitter dignement cette pièce. Elle n'était venue se cacher ici que pour y dissimuler quelques objets, en attendant que cette pièce soit réutilisée pour qu'un nouveau magasin y soit ouvert. Mais elle ne s'y réfugiait que rarement. Et généralement, elle volait des vêtements, et sortait de la pièce totalement déguisée.
Sauf que là ... C'était bien moins simple. Elle passa sa main sur son front, ecoutant les différents bruits, au dehors. Hum, on les cherchaient. Elle soupira, se tordant les doigts. Il faudrait attendre un peu, encore. Voir comment la situation comptait évoluer au fil du temps. Elle passa sa main dans ses cheveux épais, les sourcils froncés. Une solution viendrait, elle avait confiance en elle, et connaissait le degré de patience des hommes chargés de la sécurité. A un moment ou à un autre, ils seraient lassés.

- Hum, je vole depuis un moment. Depuis que je me fais renvoyer d'à peu prés tous les boulots que je tente tant bien que mal d'avoir ...

Elle soupira. Il fallait qu'elle apprenne à être moins maladroite, pour conserver un job ! Mais elle n'y parvenait pas, et enchaînait les gaffes. Hum, pas douée. Elle assumait son statut de casse-cou avec brio. Elle se retourna vers l'homme, les yeux grands ouverts.

- Et vous, hum ? Vous faites ça souvent ?

Elle lui adressa un sourire, et s'affala sur le sol, sans vraiment de grâce, poussée par une fatigue temporaire.

- Je fais ça parce que je m'ennuie. Et que je suis fauchée.

Elle leva les yeux vers le plafond.

- Nous sommes dans un magasin désaffecté. Je m'y réfugie souvent. Il s'agit d'attendre un peu, et vous verrez, aprés nous sortirons facilement. Si nous tentons quoi que ce soit maintenant, ils nous tirerons comme des lapins.

Elle fronça les sourcils. Parler de cette manière ne lui ressemblait pas beaucoup ... Elle ne voulait pas devenir vulgaire, ou quoi que ce soit d'autre, mais elle restait une sale gosse, parfois.