Une soirée mouvementée (PV Sandji)

Le soir tombait doucement sur la ville. Marine avait passé une partie de la journée au lycée, mais juste le temps de donner ses cours. Elle avait toujours du mal à rester en présence d’autres personnes qui risquaient de vouloir discuter avec elle. L’autre partie de sa journée s’était passée à la bibliothèque. Certes, le lieu regroupait un certain nombre de personne, et encore ça dépendait de l’heure, mais le silence obligatoire rendait toute discussion impossible ce qui convenait parfaitement à la jeune femme. Le silence, les livres, il n’en fallait pas plus à son bonheur ou quelque chose qui y ressemblait.

A présent, la bibliothèque ayant fermée ses portes, la jeune femme, les bras chargés de livres empruntés, retournait à son logis situé dans le quartier malfamé de la ville. Elle avait eu la chance d’y trouver un grand appartement à louer et en bon état. Le quartier était considéré comme dangereux mais la jeune femme savait se défendre et au bout de quelques jours elle avait fait comprendre à plusieurs petits malfrats qu’il ne fallait pas l’embêter. Elle ne comptait pas s’immiscer dans leurs affaires dès l’instant où ils la laissaient en paix. Depuis, ils se tenaient tranquilles au moins avec elle.

Le soleil s’était couché mais sa lumière continuait d’inonder le ciel lui donnant des reflets rose, mauve, doré et rouge. Une vraie palette de peintre aux multiples nuances. Un spectacle qui ravissait toujours la jeune femme et rappelait les beautés de la nature. Quelques étoiles et la lune commençaient à se dessiner dans le ciel.

La jeune femme s’arrêta quelques instants et contempla le spectacle au-dessus des toits de la ville. Puis, elle reprit son chemin d’un pas tranquille.

Dans ce quartier bien précis, Sandji adorait y passer des heures. Pourquoi ? A cause du marchand de télé, qui s'était installé au milieu de la rue, et menait un petit commerce assez compliqué au vu de son mauvais emplacement, mais qui n'étais pas non plus tout à fait désespéré: il assurait un service après-vente qui, d'après le nombre de clients a l'intérieur, devait tourner plus que le magasin lui-même... Et comme tout commerçant, il n'avait aucun scrupule à prélever quelques bénéfices sur ce service "gentiment offert" par la maison.

Mais ce n'était pas pour le commerce qu'il étais là, bien sûr que non. En vérité, il adorait rester assis sur ce trottoir peu fréquenté, à admirer les télévisions montrées en vitrine, qui diffusait la chaîne nationale. Sandji restait encore très affecté par l'époque où, dans son état quasi-végétatif, il n'avait pour unique loisir que de regarder la télévision, en compagnie de sa mère qui venait de temps à autre s'assurer de son état de santé, constamment préoccupée par l'état de son pauvre enfant. Hélas, elle n'était plus là à présent pour lui tenir compagnie, malgré qu'il n'en aie toujours pas pris conscience...

" Nooon ! "

" Désolé p'tit gars, mais l'heure de la fermeture c'est l'heure de la fermeture. L'électricité ça coûte pas rien tu sais ! "

La boutique était tenue par un homme dans la soixantaine, qui allait bientôt prendre sa retraite, et son fils était déjà là pour la tenir lui aussi. Entre 30 et 40 ans, cet homme à la carrure assez massive et à l'allure sympathique avait l'air d'une sorte de voyou reconverti. Teinture verte dans les cheveux, lunettes de soleil, ne sortant jamais sans une chemise aux couleurs vives et toujours en train de mâcher un cure-dent, il n'avait pas vraiment cherché à connaître Sandji, mais le traitait gentiment.

Après tout, il ne faisait rien, sinon rester là à regarder les télévisions toute la journée. Il avait bien tenté d'engager la conversation, mais il n'en obtenait que des "Ouais" désintéressés voire aucune réponse du tout. Il observait la télé toute la journée durant les week-ends, disparaissait la semaine et revenait le week-end suivant. Ce petit lien sympathique lui permettait de ne pas être complètement désespéré de ce commerce sans véritable avenir, surtout au vu de la progression de la technologie et leur difficulté a approvisionner le magasin en véritables appareils dernier cris.

Après un dernier soupir de tristesse, le volet métallique s'abattit froidement sous son nez, alors que l'homme finissait de fermer les diverses serrures et activer la sécurité du magasin, avant de rentrer chez lui pour profiter d'une soirée de repos bien méritée. Les deux s'adressèrent un "au revoir" bref, avant de prendre chacun une direction opposée.

Seul dans la rue, la pelle traînant derrière lui, le blondinet n'avait plus d'autre choix que de rentrer chez lui... La tête encore pleine d'image, il s'arrêta un moment en fixant la personne qui arrivait en face de lui. Bizarrement, elle lui rappellait quelqu'un...

" Hé ! Vous êtes la madame de la télé ! "

Enthousiaste et n'ayant pas remarqué l'erreur sur la personne malgré la grosse similitude, il s'empressa d'aller accoster la pauvre Marine qui ne devait même pas savoir d'où sortait cet individu au manteau rouge de bourgeois et armé d'une pelle.

Alors que Marine avançait tranquillement en direction de son appartement, une personne sembla l’interpeller.

« Hé ! Vous êtes la madame de la télé ! »

La jeune femme fut tellement surprise qu’elle en laissa tomber ses livres au sol. Un jeune homme blond se tenait devant elle. Il paraissait étrange, portait un long manteau rouge et semblait trainer une pelle derrière lui. Marine fronça les sourcils devant un tel accompagnement.

Elle se pencha et commença à rassembler les ouvrages qui s’étaient éparpillés au sol. Elle gardait quand même un œil sur cet étrange individu et essaya de lui répondre.

« Euh… Je suis désolé, monsieur, mais vous devez faire erreur – elle se releva avec ses livres dans les bras – Je ne suis pas présentatrice à la télévision. Je n’y travail même pas »

Marine sourit devant cette idée qui lui paraissait totalement absurde.

« Je suis simplement professeur au lycée de la ville. Navrée de vous décevoir ! »

Elle lui adressa un gentil sourire, chose peu commune chez elle. Elle s’inclina devant lui.

« Au revoir et bonne fin de journée à vous »

Sans faire plus cas du jeune homme, elle reprit simplement son chemin.

Une drôle de coïncidence qui ne faisait que d'ailleurs renforcer sa conviction. Ce refus, il ne mit pas longtemps avant de reprendre son sourire: c'était bien évidemment un piège ! Quelle célébrité du petit écran dirait ouvertement qui elle est, à cette heure si tardive ? Evidemment qu'ils dénierait l'état de fait ! C'était donc bien plus prouvé: c'était la personne de la télé.

" Mais si ! Vous l'êtes ! "

Il courut pour la rattraper, la prenant aux épaules pour se placer devant elle, avancant son visage à quelques centimètres du sien, comme si il allait l'embrasser d'un moment à l'autre. Mais bien loin de lui cette idée, il ne faisait qu'inspecter de près ses traits, ses yeux injectés de sang tremblant dans tous les sens comme un furieux, comme si il allait se mettre à sortir de son orbite sans prévenir.

" Peut-être alors que vous êtes prof ET madame à la télé ? Les élèves doivent être content. "

Il s'écarta pour la laisser reprendre son chemin, mais ne se gêna pas pour marcher à ses côtés, traînant toujours sa pelle et posant des questions avec enthousiasme:

" Alors, c'est comment à la télé ? Hein ? "

Il fallait noter aussi qu'à un moment, lors de son escapade avec Perona, il fut affiché à la télé, notamment dû à cause du massacre d'élèves et de policiers qu'il avait orchestré, et était encore mis en recherche par les forces de police, fiché comme un individu très dangereux. Pourtant, qui trouverait dangereux un pauvre gamin comme lui ?

Alors que la jeune femme avait reprit son chemin, le jeune homme blond se mit en devoir de la suivre et de la rattraper. Il surgit face à elle et l’attrapa par les épaules se mettant à inspecter son visage. Marine, surprise à nouveau, laissa, une nouvelle fois, tomber ses livres par terre.

« Peut-être alors que vous êtes prof ET madame à la télé ? Les élèves doivent être contents »

Elle soupira et ramassa une nouvelle fois ses ouvrages et reprit son chemin sans répondre. Sandji lui emboita le pas tenant toujours des propos sur elle et la télévision.

« Alors, c'est comment à la télé ? Hein ? »

Marine se dit que ce garçon devait avoir une case en moins ou quelque chose comme ça. Néanmoins, elle ne fit aucune remarque à ce sujet. Elle essaya plutôt de jouer la carte de la compréhension. Après tout, il ne semblait pas méchant juste un peu bizarre mais bizarre, elle l’était aussi alors comme disait le proverbe, il n’y a qu’un fou qui reconnait un autre fou.

« Je ne suis pas votre dame de la télé. Jusqu’à il y a peu de temps, je n’en avais vu une ou en tout cas jamais regardé alors de là à y travailler, j’en suis très loin »

Elle émit un léger rire amusé à cette idée, saugrenue selon elle, de travailler pour les médias.

« Néanmoins que vous trouviez que je ressemble à une personne du petit écran c’est flatteur. Je prends ça comme un compliment »

Elle lui adressa un gentil sourire tout en continuant sa route. Sandji ne la laissait toujours pas et trainait sa pelle derrière lui faisait un bruit assez épouvantable, un vrai vacarme dont la jeune femme s’accommoda. Elle qui supportait mal le bruit, supportait celui-là. Peut-être parce que le garçon était différent et qu’elle ne voulait pas le blesser.

Bientôt, ils arrivèrent devant l’immeuble où logeait la jeune femme. Elle s’arrêta devant la porte. L’immeuble paressait vieux et la peinture blanche avait bien mal vieillit. Néanmoins, il ne dénotait nullement avec le reste des bâtiments de la rue. Elle sourit au garçon blond à la pelle.

« C’est gentil à vous de m’avoir raccompagnée. Je vais vous laisser. Au revoir et bonne soirée à vous »

Elle s’inclina avant de franchir la porte et de commencer à monter les escaliers.