Choupinette [pv Shad][Abandon]

« Hum…C’est logique dans un certain sens. Une personne inconnue du bataillon pourrait en effet provoquer une hécatombe rien que grâce au repas servit aux troupes. Mieux vaut s’entourer d’hommes de confiances n’est-ce pas ? Quant à la proposition de s’occuper des griffons, cela m’irait très bien ! »

L’elfe avait vu juste en remarquant rapidement que la Terranide appréciait ces animaux. Et pour sa part, le fait de pouvoir s’en occuper lui permettrais également de s’évader. Du moins pas dans le sens premier du terme, car cela risquait d’être un poil difficile avec tous les hommes patrouillant au sein du fort et les chevaucheurs de griffons qui exerçaient une surveillance aérienne. Non, le terme était plus tourné vers une évasion plus personnelle, plus imagée. Suivant par la suite Takael jusqu’aux portes des cuisines, elle l’écouta lui répondre à son interrogation la plus importante : Pourquoi l’entraînait-il ?  Une question des plus pertinentes quand on savait qu’il n’était pas réellement recommandé à des maîtres d’apprendre à des esclaves de se battre.

Sauf qu’elle n’était pas une esclave. Du moins, elle ne possédait pas ce rang aux yeux de l’elfe.  Et autant dire qu’il lui avait un peu coupé le sifflet sur le coup ! Certes, les termes d’animal de compagnie lui firent un peu grincer les dents, mais elle ravala sa rage quand il lui expliqua son point de vue. Tout portait à croire qu’elle aurait un peu plus de valeur qu’un simple morceau de viande que l’on utilise jusqu’à l’usure. Quant au coller, même si ce dernier était des plus…pathétique, il semblerait qu’il lui garantisse une certaine sécurité. Pour le cas d’Ashnard, au contraire de Takael, la Louve n’y avait pas que des ennemis. Elles possédaient même actuellement dans la région une adresse où elle pouvait se rendre afin de pouvoir se reposer. Mais pour l’heure, mieux valait éviter de dire à un Commandant servant Nexus qu’elle avait des liens aussi bien avec la patrie qu’il servait qu’avec le royaume ennemi. Attrapant la laisse qui se balançait à chacun de ses pas, la Terranide pris la parole.

« Si ce que vous dites est vrai dans ce cas…Retirez moi cette laisse. Je pense être assez grande pour vous suivre sans que vous n’ayez besoin de m’étrangler à moitié à chaque fois… »

Derrière cette simple requête, se trouvait également un petit test de confiance. Elle ne fit pas d’autres commentaires, attendant patiemment que les restes de repas soient commandés et venant s’assoir à une table.

« Ha ha. Très drôle, vraiment très drôle… »

Attrapant le pichet d’eau, elle en versa dans chacun des verres mis à disposition et par marque de respect attendit un simple geste qui lui affirmer qu’elle pouvait se désaltérer.  Deux assiettes fumantes arrivèrent bien vite et els deux purent commencer leur repas.  Et autant dire que sentir un peu de nourriture dans l’estomac après tout ce temps, ça faisait un bien fou !  Elle ne chercha pas réellement à discuter d’un sujet ou de l’autre, juste de profiter du calme ambiant, répondant au besoin aux questions qu’on lui poserait, avant de soudainement stopper son geste. La fourchette presque à porter des lèvres, le visage de la Terranide devint subitement blafard et lâchant d’un coup le couvert, elle poussa sa chaise en arrière et…déguerpit en quatrième vitesse. Cependant, ce n’était pas une course pour s’enfuir ou autre. La Louve sortie rapidement du bâtiment et…recracha tout son repas non loin. Oh elle aurait pu chercher des toilettes sauf qu’elle n’en avait pas encore trouver et c’était là la meilleure solution qu’elle avait eu sur le coup.

« PUTAIN ! »

Un cri de colère et de rage tandis que son poing s’abattait violemment contre le mur en brique, provoquant quelques blessures au niveau de ses phalanges et de ses jointures.  Son corps tremblait de toute part et une nouvelle crise de faiblesse la frappait. Après la magie, voilà qu’elle ne pouvait même plus manger ? Non, ce ne devait être que le hasard. Une main toujours posée contre le mur, tentant de reprendre son souffle, elle lança un regard par-dessus son épaule.

« Je…vais nettoyer…Dites-moi juste où je peux trouver…de quoi m’en occuper… »

Hors de question de laisser cela là !

Lui enlever sa laisse ? De toute façon l'intérêt de la laisse en question est purement esthétique, un simple caprice de la part du Commandant. Si elle la gêne tant que ça pour marcher, autant l'enlever oui. Il tend la main vers le cou de Shad et défait l'attache. Puis, il range la laisse dans sa poche sans dire un mot, nul besoin de commenter cela, le geste suffi. Silencieusement, Takael note les efforts de comportement que fait Shad pour lui montrer du respect. Il aime son caractère, volontaire, franche, mais sachant aussi rester à sa place quand il le faut.

Un commis de cuisine apporte deux assiettes bien remplies et les pose sur la table en leur souhaitant bon appétit. L'elfe le remercie et ils commencent à manger. Habitué à avaler son repas en vitesse, Takael avale son repas bien plus vite que Shad. Ce n'est pas qu'il se rue sur la nourriture, juste qu'il a appris à ne pas perdre de temps pour cela. La louve et son maître ne parlent pas, concentrés sur leurs assiettes respectives. De toute façon ils ont tout le reste de la journée pour parler, autant profiter du calme. Calme qui ne dura pas.

Alors que Takael avait tout juste fini son assiette, la fourchette de la terranide lui échappa des mains. Il relève le regard et voit une louve aussi surprise que lui pousser brutalement sa chaise et courir vers la sortie. Il ne réagit pas sur le coup, prenant quand même le temps de s'essuyer avant de se lever de table. Il sait que Shad est intelligente, même si elle avait envie de s'enfuir elle ne le ferait pas d'une manière aussi stupide. Il se dirige vers l'extérieur, se demandant ce qu'elle a. À mi-chemin, il entend sa louve crier de rage et presse le pas. Dehors, il découvre une flaque de vomi et une louve dans tous ces états. Lorsqu'elle lui propose de nettoyer, Takael lève sa main pour la poser sur son épaule.

« Ça suffi Shad, tu ne vas rien nettoyer du tout ! On va à l'infirmerie pour voir ce que tu as. Tu as de la chance, c'est juste à côté. »

La voix de son maître est douce, mais ferme, hors de question de contester ! Il fait légèrement pression pour la pousser à se retourner et à avancer en direction d'un bâtiment adjacent à la cantine. Ils y pénètrent tous deux, arrivant dans une sorte de salle d'attente vide. Sachant que cela ira vite, Takael ne juge même pas utile de faire asseoir Shad. Il se contente d'aller sonner une petite cloche et d'attendre devant la porte. Une voix chevrotante répond :

« Entrez, entrez ! »

L'elfe pousse la porte, entrant dans une pièce munie d'un bureau, d'une chaise vide et d'étagères remplies de livres et flacons. Sur ces étagères et quelques tables, quantité de plantes variées sont cultivées dans des jardinières. Une petit vieille avec un arrosoir en forme d'éléphant les regarde. Elle est probablement la seule personne du fort à être aussi familière avec le Commandant.

« Ah ! Takael ! Ça faisait longtemps ! Oh, mais tu es accompagné ! C'est pour la jeune-fille je suppose. Alors petite, qu'est-ce qu'il t'a fait ? »
« Rien du tout ! Pourquoi ce serait de ma faute au juste ? »
« À chaque fois que tu viens avec quelqu'un, c'est pour que je répare tes conneries ! »
« Pas – cette - fois ! »
« Au lieu de chercher à argumenter, explique-moi ce qu'elle a cette petite. »

L'elfe soupire bruyamment, exaspéré.

« Des espèces de malaises à répétition, un état de faiblesse, sans fièvre, des vertiges et maintenant des vomissements en plus. »
« Attends petite, je vais t'examiner, je ne comprends pas un mot de ce qu'il raconte ! »
« Tu n'as aucun problème d'audition, mamie ! »
« L'entends-tu ? Mamie qu'il dit ! Ce vieux machin est plus âgé que moi ! Combien ça te fait déjà ? Quatre-vingt-douze je crois ! OH ! Félicitation Takael ! Tu vas être papa ! Il était temps ! Comment vous allez l’appeler ? »
« Quoi ? Shad est enceinte ? Et il n'est pas de moi ! Pourquoi ce serait de ma faute au juste ? On s'est rencontrés aujourd'hui ! »
« Je vais te prescrire un remède pour atténuer les symptômes petite. »

La vieille femme se déplace avec une étonnante agilité pour son âge et va chercher un flacon. Avant de se retourner pour le reposer et en prendre un autre.

« Tu vas rire, j'allais te donner un anesthésiant, tu serais tombée par terre comme une pierre. Ça aurait été drôle à voir ! Tiens, une cuillère à soupe tous les matins ! Pas plus, pas moins ! Takael, vas l'attendre dehors, j'ai quelque chose à lui dire en privé. »

Sans discuter, l'elfe sort, bien content d'aller attendre Shad dehors. Une fois sûre qu'il n'entendra pas, la vieille femme s'approche de Shad et lui dit :

« J'aime bien l'embêter, c'est ma petite vengeance pour devoir supporter sa tête de jeune-premier après l'heure ! Bon ! Shad ! Je vais être directe : il se passe des choses bizarres dans ton ventre. Sais-tu d'où cela pourrait provenir ? »

 Elle sursaute légèrement quand elle sent sa main se poser sur son épaule. Son corps tremble d’une certaine rage, d’une colère face à l’incompréhension qui l’assaille depuis quelques heures. L’infirmerie…Oui, c’est sans doute une bonne idée. Sans rechigner, la Terranide se retourne et se laisse guider par l’elfe, entrant ainsi dans un bâtiment dont la salle d’attente était vide. Au moins c’était bon signe, cela démontrait qu’il n’y avait pas de malades ou de blessés en attente de soins.  Quelques secondes d’attente et voilà que la porte s’ouvrait sur une petite vieille qui…semblait n’avoir aucun scrupule à parler aussi familièrement avec Takael. Et…Cela arracha un sourire amusé à la Terranide qui apprit également plusieurs choses en même temps :

Premièrement, il semblerait qu’il amène souvent des personnes à l’infirmerie et que leur état soit dû à ces faits. Malheureusement, le peu d’information à ce sujet ne permettait pas de définir quels en étaient les faits et la Louve ne préférait pas tirer des conclusions trop hâtives à ce sujet. Cela pouvait signifier un entraînement trop rude, une punition méritée pour une faute, le champ des possibilités étaient vastes ! La deuxième information était son âge. La Louve avait déjà rencontré une elfe par le passé et connaissait donc leur longévité. Quatre-vingt-douze ans…Pas étonnant qu’il ait une certaine expérience du combat ! Mais même si pour un humain Takael était -vieux- pour sa race, il ne devait être qu’au balbutiement de sa vie !

La troisième information retira le sourire de la Terranide qui écarquilla les yeux sous la surprise. Merde…C’était donc cela la faute de ses maux ? C’était donc cela qui la rendait si faible et la mettait dans un état si lamentable ? Est-ce que cela pouvait signifier que tout serait fini une fois qu’elle serait arrivée à terme ? C’était une supposition mais cette pensée la remplit de nouveau d’espoir. Bon sang, il n’avait donc pas menti…Perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas la petite boutade de la vieille dame et releva simplement sa tête avant de se saisir de la petite fiole que le médecin lui tendait. Elle hocha la tête en guise de compréhension quant à la prescription. Et heureusement qu’elle ne lui avait effectivement pas donné un anesthésiant ! De quoi aurait-elle eu l’air en s’effondrant sur le sol après bu de quoi la soigner ?  Bon, si au moins cela pouvait éviter de vomir à tout va….cela l’arrangerait grandement ! La Louve regarde par la suite l’elfe sortir. Qu’il était amusant de voir un Commandant recevoir un ordre d’une vieille femme ! Mais quand cette dernière lui demanda si elle avait la moindre idée d’où tout cela pouvait venir, Shad hésita quelques instants de souffler.

« Je pensais qu’il blaguait lorsqu’il me l’avait annoncé, mais oui, je sais d’où cela vient. Et je sais également que cela sera un hybride, un bâtard. – Elle la regarde quelques instants avant de reprendre – c’est donc cela qui m’affaiblis tant ? Est-ce que cela veut dire que je serais de nouveau moi-même à la fin ? »

Une lueur d’espoir brillait dans les prunelles de la Terranide et la réponse de la vieille dame sembla lui redonner du baume au cœur. Bien heureuse cependant que l’infirmière du bataillon ne chercha pas à rentrer plus dans les détails, la Lycane accepta de mâcher la feuille d’une plante médicinale qui avait plusieurs facteurs curatifs. Elle lui permettrait déjà de se rincer la bouche, de lui rendre une haleine plus fraîche, car non le vomi n’avait pas un goût particulièrement agréable…et surtout de lui éviter quelques désagréments durant la nuit. Mieux valait prévenir que guérir !  La consultation finalement terminée, la Louve remercia la vieille dame avant de sortir, le flacon de soin en main. Elle retrouva rapidement le Commandant et passa une main gênée derrière sa tête, le regard fuyant.

« Si on peut éviter d’en parler, cela m’arrangerait… -elle soupira – mais au moins, je sais ce qui m’affaiblis autant maintenant. »

Non, elle n’avait sincèrement pas envie de débattre là-dessus. Et à tous les coups Takael non plus. En cet instant, la Terranide n’avait envie plus que d’une chose : Dormir et voir ce que demain lui réservait. Cette journée avait déjà eu sa dose de nouveauté !

La vieille mage regarde la terranide, l'air perplexe, visiblement la louve sait ce qu'il lui arrive, mais refuse d'en parler en détail. Ce n'est pas son problème cela dit, si Shad ne juge pas nécessaire de lui en parler c'est qu'elle a ses raisons. Elle est médecin militaire, pas membre de l'inquisition, de plus sa patiente semble tout à fait capable de prendre des décisions éclairées. La vieille femme répond alors à sa question :

« Je pense que ta grossesse en est en grande partie responsable, oui. Après pour le reste, je ne peux pas te répondre sans savoir de quoi il retourne. Je suis médecin militaire, les bébés ce n'est pas vraiment mon rayon. Je te conseille de faire suivre ta grossesse par un médecin civil d'ailleurs. Mais reviens me voir après l'accouchement, je te dirais si l'anomalie a disparu. Tiens, mâche ça, c'est contre l'envie de vomir et ça fait passer le goût aussi. »

Elle lui tendit une espèce de feuille séchée qui a trempé dans une solution d'extraits de menthe. Un excellent remède, peu cher et stockable en grande quantité. Un escadron entier bourré pendant une permission ? Une feuille chacun et ça évite déjà de repeindre tout le fort avec le contenu de tous ces estomacs. Après quoi, elle dit au revoir à sa patiente avant de reprendre en main son arrosoir en forme d'éléphant.

De son côté, Takael est bien content d'avoir abrégé la conversation, sa médecin est un cas à part. Elle l'a connu alors qu'il n'était qu'une simple recrue et elle se rappelle très bien de la moindre bourde qu'il a pu faire étant plus jeune. La vieille femme dispose donc d'une foule d’anecdotes, parfois peu glorieuses, à ressortir au cas où l'elfe serait pris d'une soudaine crise d'autorité à son encontre. Ce petit chantage implicite lui octroi des privilèges auxquels elle tient. Bien qu'il ne soit pas spécialement dérangé par son franc parlé, le Commandant se retrouve quand même avec une mamie en roue libre qui se montre souvent trop bavarde.

En attendant Shad, il observe la cour tout en réfléchissant, il n'avait pas prévu que sa louve soit enceinte. Il ne sait donc pas à quel point il pourra pousser son entraînement dans son état. Quoi qu'il en soit, il fera attention à ne pas la frapper au ventre et à ses malaises. Il jette un rapide coup d’œil en direction de la flaque de vomi qui se trouve toujours là, juste à côté. Il va falloir qu'il demande à quelqu'un de se charger de ça et il a déjà une idée de la personne à qui il va demander. C'est alors que sa louve sort, avec une attitude qu'il déteste, entre gêne et regards fuyants. Pour y mettre un terme d'entrée de jeu, il s'avance vers Shad, pose sa main sur la tête de sa louve et la caresse entre les deux oreilles. Puis, il lui répond :

« Oh, mais on va en parler ! De la flaque de vomi que tu as laissé là-bas ! »

Après s'être amusé de sa réaction, il sourit, fier de son coup. Non, il ne va pas lui demander de nettoyer, il a une meilleure idée.

« Suis-moi, on va rire un peu. »

Un peu plus tôt, il a vu une connaissance aller en direction des écuries, l'endroit ou ils se rendent. Sitôt arrivés, la louve peut voir la recrue qui avait égaré son arme un peu plus tôt dans la journée. Ce dernier fait les corvées, nettoyant le couloir avec un balais. Quand Takael s'exprime, Shad peut constater que son ton est plus autoritaire et froid que lorsqu'il s'adresse à elle :

« Recrue ! »
« Oui, Commandant ? »
« Il y a du vomi devant la cantine, va nettoyer ça avant le repas du soir. Il y a aussi deux assiettes à l'intérieur, débarrasse, nettoie la table et lave les. »
« Oui Commandant. »

Dépitée, la recrue s’exécuta, posant son balais sans discuter pour aller faire ce qu'on lui a ordonné de faire. Sitôt la recrue partie, Takael affiche un large sourire avant de s'adresser à sa louve :

« Tu vois Shad, ça c'est le traitement infligé aux incompétents, on les accable de corvées, on les engueule, on les rabaisse. Il regrette déjà d'être sorti du rang et il n'a que deux choix à présent. Soit il dégage, soit il rentre dans le rang et il gagnera en caractère et en discipline grâce à tout ça. C'est comme ça qu'on arrive parfois à faire d'un incapable un soldat digne de ce nom. »

Tout à fait satisfait d'avoir repoussé l'heure de coucher de la dite recrue, Takael se dirige maintenant vers la sortie. Puis traverse la cour pour rejoindre des baraquements, c'est ici que se trouve sa chambre. Le bâtiment dispose de plusieurs portes, chacune menant à un dortoir de 100 places, un par escadron avec une chambre individuelle par officier. Ainsi que des chambres à part pour le personnel non-combattant. Il rentre par la première porte, celle qui donne sur le dortoir du premier escadron. Le lieu est totalement vide, les hommes s’apprêtant à aller prendre leur repas du soir. Au fond du dortoir, une porte donne sur la chambre de Takael, la plus confortable du fort. Il pousse la porte, révélant une pièce petite, mais bien aménagée, avec un lit large, un bureau aux tiroirs fermés à clé, une armoire, une bibliothèque, un coffre verrouillé et … un panier pour chiens flambant neuf. Tout fier de sa petite surprise, l'elfe lui annonce en grande pompe, présentant le panier de sa main ouverte :

« Choupinette, je te présente ton panier personnel ! Avec beaucoup de rembourrage, adapté à taille humaine et avec une couverture ! Le grand luxe pour ma chère louve ! Alors, tu l'aimes ? »

L'elfe a hâte de voir sa réaction en tout cas.

« Oh, mais on va en parler ! De la flaque de vomi que tu as laissé là-bas ! »

La Louve relève subitement ses oreilles, les yeux écarquillés sous la surprise. Ne lui avait-il pas demandé de la laisser de côté et de ne pas s’en faire ? Après…si elle devait la nettoyer, c’était également logique et elle ne se fourvoya pas. Après tout, c’est elle qui avait relâché tout son dîner juste à côté de la cantine, autant dire que cela n’avait rien de bien glorieux ! Elle hausse cependant un sourcil quand le terme « rire » est employé. En quoi nettoyer une flaque de vomi peut-il être marrant ? Intriguée et quelque peu confuse, la Lycane suit Takael, notant rapidement qu’ils ne se dirigeaient pas directement vers le -lieu du crime – mais plutôt vers les écuries. Ce fut quand la Terranide reconnue la jeune recrue qu’elle commença à saisir les pensées de Takael. Et…pauvre petite recrue ! Le pauvre est déjà obligé de nettoyer les écuries, le voilà maintenant contraint de nettoyer son accident et également de débarrasser leur table ! Autant dire qu’il n’est pas parti de gaité de cœur faire ces nouvelles corvées. Et puis le ton employé…Non, il n’avait pas échappé à la Terranide qui nota un caractère plus froid, plus autoritaire. C’était même assez étonnant qu’il n’utilisât pas un tel ton pour lui adresser la parole. Enfin d’un côté, peut-être était-ce mieux ainsi ? La Terranide ne donnait pas cher de l’elfe s’il venait à lui parler ainsi, aux vues de son caractère, cela pourrait faire de belles petites étincelles. Quoi que...En cet instant, serait-elle amène de lui tenir tête ?

« Après…C’est en soit un peu normal. Je veux dire, il a fait une erreur, une grave erreur qui aurait pu lui coûter la vie dans un champs de bataille. S’il s’en sortait sans conséquence, peu aurait peur d’une réprimande…Il faut toujours un ou deux exemples non ? »

En soit c’était logique pour la Terranide. On ne pouvait pas pardonner toutes les fautes commises, aussi minimes soit-elle. Et là dans le cas de l’oubli de la jeune recrue, la faute était loin, très loin même d’être une faute minime ! Raison de plus pour qu’il subisse un tel traitement. Bona près…elle ne cautionnait pas également le rabaissement juste bête et méchant. Il faut savoir punir oui, mais avec sagesse et fermeté. Finalement, le duo s’écarte des écuries, pour se diriger vers un nouvel endroit : les baraquements.  Et par chance quand Takael ouvrit la première porte, aucun homme n’était présent. La salle était parfaitement vide. Bon, autre souci, s’enfuir le soir risquait d’être encore une fois compliqué. Et à tous les coups un garde devait faire le guet devant la porte...Donc trop risqué et surtout pas dans son état actuel !

Une autre porte fut poussée, donnant lieu à une nouvelle pièce, petite mais personnelle. La Terranide observa un instant la pièce, devinant sans peine qu’il s’agissait de la chambre du Commandant. Après oui, il était également logique qu’il ne dorme pas avec ses hommes...Un lit, un bureau et…La Louve se bloque, agitant nerveusement sa queue. Un panier…Il y’avait là un putain de panier pour chien juste à côté du lit ! Elle porta une main à son front et se massa les tempes avec ses pouces.
« Un panier…Effectivement, je suis vraiment un animal de compagnie à ton égard… »

Elle poussa un long soupir et regarde une nouvelle fois son lit. Bon au moins elle ne dormait pas à même le sol et malgré l’aspect rabaissant, il avait l’air confortable. D’autant plus qu’il était adapté à sa taille ! Allant poser le flacon sur le bureau, la Terranide tourna le dos à Takael et retira simplement son haut, dévoilant un dos musclé, criblés de diverses cicatrices mais également d’une marque au fer rouge au niveau de son épaule droite représentant deux épées qui se croisent avec au centre une tête de mort. Une sorte de symbole de combat en l’occurrence.  Quant au reste du dos, le tatouage qui l’ornait, un dragon et un phoenix menant bataille, ne passait généralement pas inaperçu. Elle lui lança un regard par-dessus son épaule.

« Désolé mais je n’ai pas envie de dormir habillée ce soir »
Pour une fois qu’elle peut aussi dormir sans rien ! Pourquoi se gêner ? Et hop ! Le pantalon rejoignit rapidement le haut avant que la Terranide ne se laisse tomber sur le panier et s’enroule directement dans la couverture.

« J’ten foutrais moi des paniers…-commença-t-elle à grommeler avant de bouger légèrement et de s’exclamer – OH PUTAIN QU ON EST BIEN LÀ-DEDANS ! »

Elle avait juste l’impression d’être dans un pouf qui aspirerait votre âme et qui vous obligerait à rester pour l’éternité. Bon...c’était dégradant mais d’un autre côté...son sommeil serait réparateur. La Louve regarda par la suite Takael du coin de l’œil

« Je ne veux...aucun commentaire à ce sujet. Ton foutu panier, je l’utilise pour dormir… Car je dois avouer que c'est nettement mieux que de dormir à même le sol. Mais je retiens l'aspect fort rabaissant de la chose..ha et ...Wourf»

Oui, elle le tutoyer mais après ils étaient seuls, donc bon, il n’allait pas lui faire la morale ! Et d’un côté, il l’avait également un peu cherché !

La réaction de Shad ne se fit pas attendre. En effet, elle est un animal de compagnie, son animal de compagnie. Elle semble le redécouvrir brusquement à la vue du panier, pourtant Takael ne s'en est jamais caché. Elle est sa louve et il est son maître, il agit en tant que tel depuis le départ. Comme quoi, ce petit rappel aura été utile, lui montrant aussi que le panier est une idée acceptable aux yeux de sa louve. La suite du programme risque d'être plus compliquée en revanche, tant qu'elle n'aura pas pris goût à ce petit jeu en tout cas.

Souhaitant la laisser-faire, il observe simplement, son soupir, puis l'acceptation. Son effeuillage intéresse tout particulièrement l'elfe, il grave dans sa mémoire le tatouage, la marque, les cicatrices. La marque au fer rouge l’intéresse tout particulièrement, il essayera de trouver à qui ou quoi correspond ce symbole. Histoire de savoir d'où vient sa louve et avec qui elle a pu être en relation avant. En regardant le dos de Shad criblé de cicatrices, il se dit que toutes ne peuvent pas être dues à des combats, elle serait morte depuis longtemps sinon. Il en est pratiquement sûr maintenant, Shad a été torturée, pas étonnant qu'elle se soit construit un tel caractère. Comme il le soupçonnait déjà avant, il faudra lui prouver qu'il n'est pas comme ses anciens maîtres, pour gagner sa confiance. Ensuite, s'en montrer digne.

Brièvement, il a pu profiter de la vision agréable du corps de sa louve, complètement nu. Avant qu'elle ne s'effondre dans son panier et ne s'enroule dans sa couverture. Elle commença à râler, pour s'interrompre et s'exclamer en disant tout le bien qu'elle pense réellement du panier. L'elfe a souri en pensant que c'est typiquement le genre de réactions qui lui vont le mieux. Finalement, Shad dit quelque chose qui fait sortir Takael de sa simple observation. Il enchaîne donc par une petite pique blessante, mais juste :

« Tu te trompe Shad, ce panier n'est pas rabaissant du tout pour toi, au contraire. La seule chose qui t'a rabaissé c'est ta propre faiblesse, qui a mené à ta capture et à ta transformation en marchandise. »

Il s'avance en direction de sa louve, avant de s'accroupir juste devant elle pour se mettre plus à sa hauteur, tout en poursuivant :

« À partir du moment où je t'avais en face de moi au marché, j'avais deux choix : Passer ma route et laisser le prochaine client faire ce qu'il veut de toi. D'ailleurs tu peux être sûre que tu aurais été la candidate idéale pour des tortures ou expériences tordues. Beaucoup aiment briser les forts caractères. Ou bien t'acheter et faire de toi un animal plutôt qu'un objet. »

Il pose tendrement sa main entre les oreilles de la terranide, caressant affectueusement sa tête.

« Voilà ta situation Shad, tu as perdu ta liberté et ton statu précédant en te faisant capturer. Tu n'as pas eu le temps d'en faire le deuil et je t'ai offert un statu plus enviable. Ça te donne l'illusion que c'est moi qui te rabaisse et ça m’ennuierait que tu continues à voir les choses ainsi. Tout n'est qu'une question de point de vue tu sais ? Tu peux voir le côté rabaissant par rapport à ton ancien statu ou tu peux voir les efforts que fait ton maître pour t'intégrer dans sa vie, ses attentions, le temps qu'il te consacre. Tu es la seule à décider de la façon dont tu interprètes ta situation. »

La main de Takael quitte les cheveux de sa louve et il se dirige vers la fenêtre pour fermer les volets, écoutant ce qu'elle a éventuellement à répondre à ses remarques.

 Un grognement lui échappe lors de la première pique, mais elle ne l’interrompit pas, le laissant parler. Elle l’écoute simplement, sans pour autant lever le regard pour le fixer droit dans les yeux. Ses oreilles droites et dressées sur le sommet de son crâne démontrent cependant une écoute active et lorsqu’il se lève afin de fermer les volets de la chambre, elle reste encore dans un silence pesant. Une fois la pénombre installée, la Terranide pousse un soupir las et se met en tailleur dans son -lit-, la couverture ne couvrant plus que la partie inférieure de son corps, le haut de son corps se dessinant dans la pénombre. Qu’il soit nyctalope ou non l’importait peu en réalité.

« C’est simple pour toi. Tu n’as pas perdu ta liberté. Je ne suis pas faite pour rester éternellement au même endroit. J’aime voyager, découvrir des nouvelles personnes, de nouvelles cultures. Bien sûr cela ne se fait pas sans risque et il m’est arrivé aussi bien de rencontrer de nouveaux alliés ou de tomber sur des êtres malintentionnés. Je suis une Terranide, je pars donc avec un handicap de base… ».

A ces mots elle attrape son appendice caudal qu’elle pose sur ses genoux, y passant la main tel un peigne de fortune, tournant le dos à Takael.

« Oui, tu aurais pu me laisser à un autre acheter, bien moins veillant que tu l’es. Je sais ce dont certain sont capables et certaines expériences que j’ai pu vivre, je ne les souhaiterais même pas à mon pire ennemi. Ce panier et ce collier sont rabaissant à mes yeux pour une simple raison. Les autres races ne voient en nous que le côté animalier, oubliant simplement que nous avons également des sentiments humains. Que penserais-tu si je venais à t’enfermer au sein d’un petit coin de forêt avec une licorne et de la salade comme unique repas ? Oui c’est stéréotypé mais je pense que tu vois où je veux en venir... »

Son ton est calme, sans prise de colère, elle pose simplement ses remarques, attendant toujours un peu au cas où il aurait une réponse à lui fournir.

« Ma faiblesse m’a amené à être capturée c’est vrai. Mais cette faiblesse m’a aussi prise de court, comment aurais-je pu la prévoir ? Cette grossesse est un handicap, un handicap qui m’a retiré une partie de mon identité. Moi qui étais louve, je ne suis à présent qu’un louveteau esseulé et sans défense. Mets-toi à ma place, comment réagirais-tu ? Serais-tu heureux de n’être plus que l’ombre de ce que tu as été ? »

Elle se retourne, lui faisant face dans la pénombre de la chambre. La position de ses bras cachant la silhouette de sa poitrine.

« Tu fais des efforts c’est vrai et je te remercie de me laisser travailler aux écuries mais -elle soupire – non je pense que je n’ai pas besoin d’en dire plus…Mais…Même si je sais que je ne pourrais pas te demander de m’enlever ce collier, ne pourrais-tu pas simplement le…changer pour quelque chose de plus soft ? Ce médaillon en forme d’os…Autant le donner à une petite esclave qui suivrait son maître tel un bon petit toutou. Et…Je ne suis pas un chien Takael. »

Non, elle était une louve et la différence était à noter. Elle tenait à sa liberté, à sa fierté. Si elle ne pouvait plus avoir pour l’instant sa liberté, elle tenait à ce que sa fierté reste intacte. Elle le laisse répondre si besoin avant de se recoucher dans le panier. En réalité, décharger son sac lui avait permis de retirer un gros poids sur les épaules. Il ne restait plus qu'à voir comment il réagirait à ses remarques.

Le Commandant écoute calmement sa louve, il est demandeur de ce genre de conversations. Ce sont elles qui lui permettront de la connaître plus en détail, de comprendre ses éventuels blocages ou envies. Alors, il l'écoute tout aussi attentivement qu'elle l'a écouté, sans l'interrompre. Il ne peut s'empêcher de sourire lors de certaines sorties naïves de Shad, elle est un peu trop jeune pour avoir le recul nécessaire. C'est son plus gros défaut, elle accorde encore du crédit à des choses qui n'en ont pas tant que cela. Il sait que ce qu'il dit ne lui plaît pas, qu'elle réagit comme elle peut à quelque chose qui lui paraît injuste. L'injustice, peut-être devrait-il commencer par là. Sitôt que sa louve a totalement fini de parler, il se frotte le menton, réfléchissant à une manière appropriée de répondre à toutes ses questions.

« Je ne suis pas à ta place Shad et je ne le serais jamais. Comme tu le dis très bien toi-même, je n'ai pas perdu ma liberté, bien que ma liberté réelle soit toute relative. Les responsabilités aussi peuvent être une prison tu sais ? En revanche, je ne suis pas à plaindre en effet. Et puis, tu sais, je n'ai pas toujours été Commandant, j'ai aussi été recrue, à nettoyer le vomi des autres comme notre ami étourdi. »

Le ton de sa voix devient plus grave et son débit de paroles se fait légèrement plus lent.

« J'ai même été orphelin, il y a très longtemps, j'ai presque l'impression que c'était dans une autre vie tant cela remonte. Mes parents et tous les gens que je connaissais sont morts, tués par des morts-vivants venus d'Ashnard. J'ai été traqué dans la forêt par ces créatures, comme un animal, sans aucun moyen de me défendre. Obligé de me cacher pour survivre. Ma fierté est morte là-bas, définitivement, car elle n'est qu'un mensonge qu'on se raconte pour enjoliver la réalité. Dans ton cas Shad, la réalité c'est que tu en es réduite à porter un collier à médaillon en forme d'os et que ça aurait pu être bien pire pour toi. Ce n'est pas très glorieux, sans vouloir t’offenser. Ta fierté t'a-t-elle servi à quoi que ce soit, quand on a tenté de t'attraper pour aller t'attacher à une poutre sur un marché aux esclaves ? Où était ta fierté quand tu portais une pancarte diffamante et que tu étais obligée de rester accroupie pendant des heures devant tout le monde ? Car, tu es fière Shad, fière, mais esclave, puis louve de compagnie. On appelle ça de la fierté mal placée, là sans raisons, là faute de mieux. »

L'elfe soupire bruyamment, il n'aime pas parler de son passé, mais il veut faire comprendre quelque chose à Shad. Qu'elle est encore immature, qu'elle s'accroche à des choses sans valeur en laissant filer l'essentiel. Que la force mentale ne dépend pas de la fierté, mais apparaît plus souvent à force d'en être privé justement. Il continue en reprenant un ton plus habituel :

« La recrue, s'il est rabaissé c'est exactement pour la même raison. Je mentirais en disant que je n'y prends pas un plaisir sadique, mais ce n'est pas un acte gratuit. Perdre sa fierté est une occasion d'évoluer et de devenir plus fort Shad, d'apprendre des choses essentielles, de grandir. Toi et cette recrue vous avez le même genre de problème, l'indiscipline. »

Sentant qu'elle va protester, il lève sa main pour lui faire signe de le laisser terminer d'abord.

« Sais tu pourquoi tu as été capturée Shad ? En as tu seulement conscience ? Le temps que tu as perdu à te repasser en boucle des « C'est injuste », « Pourquoi ça m'arrive ? », « J'avais un handicap ! », aurait pu servir à te demander pourquoi tu es tombée aussi bas. En as tu seulement une vague idée ? Penses tu que je me ferais capturer moi, si je perdais mes pouvoirs ? Penses tu sérieusement que cela suffirait à m'attacher à une poutre sur un marché ? Quelle est la différence entre toi et moi Shad ? 1200 chevaliers-mages prêts à mourir sous mes ordres, dont je sais qu'ils couvriront mes arrières quoi qu'il arrive. Le poids des responsabilités entrave pourtant considérablement ma liberté. Imagine tout ce que je pourrais faire sans cela et pourtant, quelque soit ma puissance, je prendrais alors le risque de finir comme toi. Ta fierté t'aveugle Shad, tu penses être suffisamment puissante pour tout gérer seule, mais tu ne l'es pas, sinon tu ne serais pas ici. Si tu n'avais pas pensé ça, tu te serais entourée de compagnons de confiance et ils auraient tout fait pour empêcher cette situation. Bienvenue dans le monde réel Shad, celui où un être seul n'est rien, quelque soit sa puissance individuelle. »

D'un ton déterminé, mais doux, il enchaîne alors sur une déclaration :

« Je changerais ton médaillon lorsque j'estimerais que tu as suffisamment progressé pour le mériter Shad. S'il te dérange tant que ça, que cela devienne ta motivation et le rappel désagréable du merdier dans lequel tu t'es fourrée toute seule. Ou alors, tu peux aussi accepter de porter le poids de tes erreurs au cou et de t'en servir pour ne pas les reproduire. L'idée de ce collier m'est justement venue en voyant une personne de ta qualité tombée aussi bas, j'avais déjà instinctivement compris que c'est précisément ce qu'il te faut. »

Il a bien conscience qu'il vient d’asséner une sacrée gifle aux valeurs de la louve, que ses paroles sont dures à entendre. Pourtant, il faut qu'elle entende la réalité, qui la rattrapera toujours quand elle ne s'y attendra pas sinon. Dans son état actuel, Shad se ferait capturer à nouveau, par moins bienveillant que lui. Peut être même qu'il tuera son bébé ou s'en servira pour la faire chanter. Y a-t-elle seulement pensé ? Il va la former, durement, faire de la chienne une lionne digne de se tenir à ses côtés au front. Lui faire découvrir son monde, raison pour laquelle il termine avec cette autre pique :

« Tu aimes découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles personnes c'est ça ? Dans ce cas bienvenue chez les croisés, on a beaucoup à te montrer, Choupinette. »

Une claque, la Terranide vient de se prendre une claque monumentale. Là, la tête basse, les oreilles abaissées en arrière, elle ne peut le contester. Oui la vérité fait mal mais elle est plus utile qu’un mensonge éhonté. Elle sait qu’elle a fait des erreurs, notamment en refusant l’aide de ses deux – esclaves – prétextant qu’elle préférait voyager seule. Et à présent, la Terranide s’en mordait les doigts. Oh, elle avait des alliés ! Certes, ils n’étaient pas toujours à ses côtés mais la Louve possédait plusieurs points d’encrages à travers Terra, que ce soit sur les terres de Nexus ou d’Ashnard. Une simple prière, ou un appel lui permettrait de s’en sortir rapidement mais elle refusait de le faire. Non pas par fierté, même si cette dernière était un peu présente mais plus par punition. C’était elle qui s’était mise dans ce pétrin, compter à chaque fois sur les autres ne lui permettraient pas d’apprendre de ses erreurs.

« C’est vrai…ma fierté est partie au moment même où j’étais attachée contre cette poutre sur la place publique. Humiliée tandis que l’on proclamait des diffamations. Mais mes pensées étaient ailleurs à cet instant, je tentais de comprendre ce qui s’était passé. Ne crois pas que je sous-estime mes adversaires, bien au contraire ! Je me prépare toujours à toute éventualité mais là…Se retrouver aussi affaiblit était une possibilité que je n’avais pas songée, surtout quand rien ne nous prépare à cela. »

Elle releva sa tête, attrapant le médaillon en forme d’os pendant à son cou et le faisant tourner entre ses doigts. Un bref soupire amuser lui échappa quand elle vit l’inscription au dos de ce dernier. Puis elle le relâcha, le faisant tinter contre son cou.

« Je mérite sans doute cette punition, un rappel de mes erreurs passées. Mais qui ne fait donc aucune erreur ? Personne. Tu me parles de fierté mal placée, cette fierté, je l’ai déjà ravalé à maintes reprises, tout comme j’ai dû ravaler ma haine contre les humains. Auraient-ils risqué leur vie pour sauver des Terranides eux ? J’en doute fortement. Mais d'un côté qui je serais si je n'aurais pas agis ? Ce n'est pas un acte héroïque ou autre, c'est tout simplement du bon sens. »

Ha Koldoue ! La Lycane avait hésité à un moment à vraiment apporter son aide à la population. Elle avait risqué sa vie pour eux, s’était battue pour eux et…voilà comment elle était remerciée ! Certes, les personnes qui y résidaient n’y étaient pour rien, mais le résultat était le même. Elle avait été capturée par des représentant de leur race et mis aux enchères tel un vulgaire objet.   Relevant son visage face à la dernière déclaration du Commandant, la Terranide cru mal entendre.

« Pardon ? C’est…une blague n’est-ce pas ? L’Ordre déteste les Terranides Takael. Du moins...c'est la sensation que j'ai toujours eu à leurs égards. Mais même si tu m’acceptais dans tes rangs, tes supérieurs ne verraient pas la chose d’un bon œil. Mais…je suppose aussi que je n’ai pas le choix. Et comme tu l’as relevé, j’aime apprendre de nouveau us et coutumes, même si cela doit venir d’un camp militaire. Et en toute franchise…Je préfère largement cela qu’à rester enfermer sans cesse même si je doute que cela ne sera pas une partie de plaisir. »

Etonnement, elle avait plutôt bien pris ses remarques ! Non en réalité, la Lycane comprenait qu’elle était dans l’erreur et acceptait la morale qui lui était faite.  Après avoir reçu les dernières remarques du commandant, elle porta par la suite une main devant sa bouche, baillant avant de se recoucher.

« Je ne pense  pas que les croisés font la grasse matinée, je répondrais à tes questions demain ou encore cette nuit si tu en as…Pour l’heure, bonne nuit. »

Et elle se laissa porter par le sommeil, ouvrant cependant un œil pour répondre à une quelconque remarque si besoin. Un sommeil cependant lourd en apparence mais également léger. Les oreilles dressées sur le sommet de son crâne indiquaient qu’elle ne dormait en réalité que d’un œil, prête à toute éventualité. Une habitude qu’elle avait pris à force de vivre au sein des Terres Sauvages.  Et pendant qu’elle dormait, le médaillon arachnéen se mis à luire légèrement, l’araignée en son centre y prenant vie, courant sur le corps de la Terranide tel un – ange gardien – prêt à empoissonner quiconque viendrait à s’approcher avec de mauvaises attentions.

Confortablement assis sur son lit, le Commandant écoute les réactions de sa louve, qui prend plutôt bien les choses. Au moins elle ne fuit pas la réalité comme certains peuvent le faire, c'est le signe d'un esprit fort, apte à voir les choses en face. L'important reste que Shad comprenne sa situation, pourquoi elle en est réduite à cela et à cause de quoi. Sans cette base, elle ne pourra pas aller de l'avant avec son erreur et se trompera systématiquement. Alors oui, qu'elle l'accepte aussi facilement est une très bonne chose. Ainsi elle n'aura pas de ressentiment déplacé à l'encontre de son nouveau maître. Cela rendra les choses plus simples. Car il faut être deux pour créer une relation, Takael ne pourra rien faire si Shad refuse obstinément tout lien avec lui. Raison pour laquelle il devait briser ce cercle vicieux tout de suite.

Lorsqu'elle arrête de parler pour lui souhaiter bonne nuit, le Commandant reste muet quelques secondes. Après une brève réflexion, il répond sans attendre de réponse de la part de sa louve, avec un ton malicieux :

« Shad, tu n'es pas une croisée, mes supérieurs n'ont rien à dire à ton sujet tant que je respecte le règlement. Il n'est écrit nul part qu'un croisé n'a pas le droit d'emmener un animal de compagnie avec lui en mission. De plus, rien ne m'oblige à te mentionner dans mes rapports et mes hommes savent tenir leur langue. Si d'aventure un gradé zélé venait pour constater par lui-même, il ne verrait qu'une louve docile roulée dans son panier et avec un joli collier offert par son maître. Pour tout le reste, ça n'a qu'à rester notre petit secret. Bonne nuit Shad. »

Même si Takael éprouve un certain plaisir à traiter Shad comme un animal, cela a aussi des avantages pratiques. Ce statu lui permet de jouer avec les limites du règlement et de faire ce qu'il veut de la louve sans que qui que ce soit ne vienne l'ennuyer. L'elfe ne veut pas qu'une louve d'appartement infantilisée ou rendue trop dépendante. Si certains aiment briser les forts caractères, Takael aime les forts caractères. Il ne veut pas briser Shad ou l'enfermer, il veut se lier avec elle, obtenir sa confiance, sa fidélité, sa complicité. Il veut qu'elle devienne sa louve, qu'elle accepte ce rôle, qu'elle se l'approprie pleinement, jusqu'à ce que cela devienne une part de sa personnalité. D'ailleurs, Takael ne dort pas, il a prévu de faire quelque chose cette nuit, pendant que Shad dort. Pour le moment il s'est allongé dans son lit après s'être dénudé, pour méditer, toujours conscient.

Une fois certain que la louve est endormie, il se prépare à une manœuvre risquée. Quoi qu'il arrive, Shad ne doit pas avoir conscience de ce qu'il est sur le point de faire. Le pouvoir qu'il est sur le point d'utiliser n'est connu de personne d'autre que lui. Il dispose d'une aura capable d'atteindre physiquement et mentalement l'ennemi, d'endormir sa vigilance, de miner ses réflexes et d'affaiblir ses muscles. Lorsque cette aura est concentrée dans ses mains, elle fait immédiatement perdre connaissance à celui qui en est victime et le rend vulnérable aux suggestions. Les hommes de Takael ne sont pas encore revenus du repas du soir et Shad semble endormie, c'est le moment parfait pour une première couche.

Afin de ne pas courir le risque que la louve se réveille ou que l'un de ses objets magiques ne se déclenche, il va redoubler de précautions. Sans quitter son lit, il fusionne son corps avec celui de son slime pour allonger son doigt et le faire ramper au sol. Au bout d'un moment, celui-ci atteint le panier de la terranide et est devenu si fin qu'il ressemble à un fil. L'elfe concentre son aura dans le bout de son doigt et vient toucher le front de Shad avec, plongeant cette dernière dans un état d'hypnose. Il peut alors parler à voix haute sans risquer de la réveiller et tout ce qu'il dira sera enregistré par la louve, directement dans son inconscient pour influencer ses pensées. Il parle alors comme s'il était Shad se parlant à elle-même d'une voix enjouée :

« Quand Takael me caresse entre les oreilles la sensation devient de plus en plus agréable ! Ça me donne envie de remuer la queue, de sourire, je me sens bien ! J'aimerais que Takael me caresse plus souvent la tête pour me féliciter ! »

Il répète en boucle le même texte, pendant de longues minutes pour bien l'imprimer dans les tréfonds du cerveau de la louve. Il n'a pas l'intention de lui faire faire n'importe quoi via ce moyen, il compte seulement s'en servir pour accélérer la construction de leur relation. Or les contacts physiques agréables sont un excellent moyen de se rapprocher. Ainsi il pourra utiliser ces caresses comme des récompenses pour sa louve, quand elle fait quelque chose qui lui plaît. Et puis, elle sera mignonne à réclamer des caresses. Sitôt sa tâche accomplie, l'elfe s'endort pour de bon après avoir ramené son doigt à sa taille normale.

Au petit matin, le Commandant se réveille avant ses hommes, mais après Shad. Il ne sait pas trop ce qu'elle a bien pu faire en l'attendant et il s'en moque. Il s’assoit sur le lit avant de s’étirer en bâillant, révélant ses canines proéminentes. Puis, il demande simplement :

« Bien dormi Shad ? Parce que tu vas en avoir besoin pour aujourd'hui. »

Il se lève, entièrement nu, ne faisant rien pour cacher son érection matinale. Dans la pénombre de la pièce aux volets encore clos, il cherche à tâtons ses vêtements. Il enfile sa côte de mailles, son tabard, ses bottes et lève la main pour voir la réaction de Shad, comme s'il allait la caresser. Au dernier moment son poing se ferme et il pointe le flacon posé sur le bureau :

« Tu as pris ton médicament ? Si c'est bon, allons manger, tu dois mourir de faim depuis hier. »

Il cherche à savoir si Shad paraît déçue ou non qu'il ne l'ait pas caressée, pour voir si sa suggestion a été efficace. Même si le vrai test se fera à la première caresse de la journée. Il doit attendre une bonne occasion pour le faire. Quoi qu'il en soit, il va ouvrir les volets, puis la porte pour sortir par le dortoir. Si certains hommes sont déjà debout, saluant sans un bruit Takael sur son chemin, la grande majorité dort encore. Plus que quelques secondes avant qu'ils ne soient réveillés par la corne.

Emergeant d’un sommeil réparateur, la Lycane s’étire un instant dans le panier. Bien que cela soit difficile à avouer, elle ne pouvait nier qu’elle n’avait pas dormi dans quelque chose d’aussi doux et moelleux depuis des lustres. Se mettant assise, elle jeta un rapide regard sur le lit se demandant si le Commandant était déjà levé.  Une réponse ne tarda pas à venir car elle pouvait entendre sa respiration calme et régulière. Bon, l’obscurité était encore bien présente dans la pièce, l’aube ne devrait cependant pas tarder à se lever annonçait au dehors par les oiseaux chantaient.

Se levant, la Lycane attrapa ses habits et les remis dans le plus grand des calmes. Son attention se reposa sur Takael quelques secondes : il devait vraiment lui faire confiance pour s’endormir ainsi sans risque de représailles de sa part. Mais attaquer quelqu’un dans son sommeil n’était-ce pas un signe de lâcheté ? Et étrangement…elle avait presque envie de le réveiller pour lui faire une requête atypique : Obtenir quelques caresses ! Mais…il dormait, donc autant le laisser en paix ! Détournant son attention, elle prit le flacon sur le bureau et bu une goulée qui à vue d’œil devrait faire la quantité d’une cuillère à soupe. Afin de ne pas se tromper les jours suivants, la Louve allait s’assurer d’avoir..une cuillère à soupe tout simplement à côté du flacon. Par contre le goût…infect ! Mais si cela pouvait l’aider à aller mieux, elle n’allait pas s’en plaindre !

Finalement, elle retourna s’assoir en tailleur dans ce qui lui servait de lit et attendit patiemment, baillant à s’en décrocher la mâchoire à un moment donné. Enfin le sommeil quitta aussi Takael et la Terranide eut droit à une magnifique érection matinale non loin de son visage quand il vint à se lever de son lit. C’est vrai…elle avait oublié ce petit détail de la morphologie masculine. Loin d’en être offusquée car elle aurait dû simplement y penser, la Louve suivit simplement du regard l’elfe qui cherchait à tâtons sa tenue de croisé.  Tiens ? Il lève sa main ? Elle ne bouge pas, suivant juste cette paume qui se rapproche…rapproche…et finalement qui devient un point où un index indicateur pointe le flacon posé sur le bureau. Dépitée, la Terranide abaisse ses oreilles.

« Hm oui. Par contre c’est…infecte. Je pensais justement ramener une cuillère à soupe afin d’avoir la bonne quantité dès demain. »

Autant éviter les erreurs de dosages si cela été possible ! Elle se lève à nouveau et émet un léger grognement quand la lumière du soleil vint emplir la pièce. Passer de la pénombre à la lumière n’était jamais plaisant. Puis sans un mot, elle se rend à ses côtés et sort avec lui en direction des cuisines. Cette fois, si le médicament faisait effet, elle devrait pouvoir garder son repas !  Lors de la traversée de la pièce où les soldats dormaient, la Terranide pu avoir encore une fois un bref aperçu de leur nombre. Et autant dire qu’ils étaient nombreux. Si un des gardes venait à la saluer, elle le saluait en silence en retour. Tout était calme…bien trop calme…La corne résonna à cet instant. Un son long, grave et puissant qui eut pour effet immédiat de réveiller encore ceux qui résidaient dans les bras de Morphée…et de faire porter ses mains à ses oreilles à la Terranide. C’était là le souci d’avoir des sens plus développés que les humains lambdas. La corne était littéralement un enfer pour son ouïe et elle ne put retenir un soupir de soulagement quand cette dernière termina enfin son office.

Direction la cantine ! Toujours aux côtés du Commandant, la Lycane put cette fois profiter d’un repas qui restait dans son estomac. Et au contraire du jour précédent, cette fois la salle était -un peu – plus bondée de monde. Et autant dire qu’une Terranide ne passaient pas inaperçue, surtout si cette dernière se tenait aux côtés d’un haut gradé. Ignorant simplement les regards et les réactions à son égard, la Louve se tourna vers Takael :

« Vous n’aviez pas dit hier que la journée serait bien remplie ? Qu’avez-vous prévu ? Et…ne devrais-je pas avoir une autre tenue plus appropriée ? »

Après tout, elle avait rapidement acheté celle-ci afin d’éviter de porter des haillons mais au sein d’un bataillon, le contraste était assez marqué. Et puis porter la même tenue tous les jours, si cette dernière n’est pas enchantée pour rester flambant neuve, c’était assez…malpropre. En songeant à cela, la Louve enchaîna sur une question du même acabit :

« Et il…y’ a un moyen pour se laver ? Je sais que d’ordinaire je vis au dehors et je me lave comme je peux mais si je peux le faire plus souvent, pourquoi s’en priver ? Et puis, l’hygiène doit être un facteur important également non ? »

Sentir le fauve s’il était possible de se laver ? Très peu pour Shad ! Mais dans tous les cas, elle était curieuse. Curieuse de voir ce que cette journée allait lui réserver.

Visiblement, Shad semble bien déçue de ne pas avoir reçu la caresse attendue. Ne hâtant pas son jugement, il note tout de même sa réaction et considère que c'est bon signe. Il réalise aussi que, pressé d'aller se coucher, il avait oublié de lui fournir de quoi doser son médicament. Cela dit ce n'est pas très grave, il leur suffira de se servir à la cantine et ça ira pour les jours suivants. Il lui répond donc :

« Oui, j'ai oublié hier soir. N'hésite pas à en prendre une à la cantine. »

Juste après, la trompe gronda, incommodant davantage sa louve que lui ou ses hommes. Il la voit soupirer de soulagement sitôt le bruit terminé, malheureusement il ne peut pas y changer grand chose. Elle finira bien par s'y faire en anticipant pour les matins suivants. Les soldats se lèvent, s'habillent, certains regardent Shad passer en compagnie du Commandant. Ils semblent plus curieux qu'autre chose et contrairement aux appréhensions de la louve, ne semblent pas se soucier de sa race. Les croisés sont un peu à part au sein de l'Ordre, ce sont des combattants de première ligne, qui s'enfoncent dans les territoires ennemis lors de campagnes éprouvantes. Il y règne une forte fraternité, un esprit de meute peu enclin aux guerres de castes sociales. Si Shad est avec le Commandant, c'est bon pour eux.

Lorsqu'ils arrivent à la cantine, les tables vide d'hier soir ont laissé place à une salle pleine à craquer. Les hommes discutent vivement entre-eux, regroupés par escadron autour des mêmes tables. Une odeur de pain frai, de café et de beurre émane des cuisines. La lumière du soleil levant éclairant la pièce de côté. Tout à coup, Shad l'interroge sur la suite du programme, sa tenue et l'hygiène, de bonnes questions. Auxquelles il répond immédiatement :

« Concernant l'hygiène, on sépare généralement les hommes en deux, pendant que le premier groupe mange le second se lave et inversement. Si tu veux, je te montrerais les bains pour le personnel féminin. Comme vous êtes moins nombreuses vous pouvez toutes y aller en même temps quasiment. Neliel doit y être actuellement, tu pourras y aller avec elle dès demain. Je te montrerais aussi où elle dort si jamais tu veux lui demander quelque chose hors service. »

Il sembla un peu plus embêté par une autre question et prit quelques secondes pour réfléchir avant de parler :

« En ce qui concerne les vêtements … Je crains que nous n'ayons pas grand chose à ta taille. J'enverrais quelqu'un en ville ce matin pour t'acheter des changes et je te montrerais où tu peux laver tes vêtements. Concernant le programme, tu verras bien assez tôt ce que je te réserve, nous allons déjà voir si tu as bien retenu mes conseils. »

L'elfe s'avança dans la cantine, souhaitant le bonjour aux cuisiniers tout en se saisissant d'un bol qu'il remplit de café, d'un couteau, d'un morceau de pain et de beurre qu'il entasse à l’extrémité de son bout de baguette. Pas de plateaux repas ici, tout doit tenir dans les mains, coincé entre les doigts. Il attend que Shad se serve elle aussi, puis se dirige vers une table réservée aux officiers. Il y a déjà trois personnes assises, dont le Capitaine qui avait engueulé la recrue hier. Un homme grand, aux épaules larges, aux cheveux blonds et aux yeux verts. En face de lui, un autre elfe, plus fin, lui aussi aux cheveux blonds et aux yeux bleus. À côté d'eux, un homme plus petit, aux cheveux bruns et aux yeux verts, une cicatrice traversant son visage du nez jusqu'au bas de sa joue. Après les échanges de politesses d'usage, Takael s’assoit en face de ce dernier et prend la parole :

« Je vous présente Shad, mon nouvel animal de compagnie. Shad, voici les Capitaines Beorth, Dielmar et Gabrand. »

Dit-il en montrant respectivement le blond, l'elfe et le balafré. Les trois saluèrent la terranide sans paraître surpris de la lubie de leur Commandant. Chacun repris le cours de son repas tandis que Takael étalait son beurre le long de son morceau de pain, avant de le tremper dans son café. Ils parlèrent peu, tout le monde cherchant surtout à bien se réveiller et ne le firent que pour échanger des informations sans grand sens pour Shad. Sitôt le repas fini, chacun ramène ses couverts à la cuisine et se sépare pour aller rejoindre son poste respectif. Takael lui, se dirigea vers les bains pour montrer à Shad l'endroit où elle pourra se laver. En chemin ils croisèrent Neliel, l'assistante du Commandant, qui venait tout juste d'en sortir, une serviette enroulée autour des cheveux. Après s'être salués, l'elfe lui demanda :

« Tu peux lui montrer où sont les douches des femmes et lui donner un savon ? Il reste des serviettes ? »
« Oui et oui. Suis-moi Shad, tiens, prends mon savon et il y a des serviettes propres à l'intérieur. »

Parti se laver de son côté, Takael les laissa et Neliel qui devait aller manger, laissa Shad seule sitôt l'endroit montré. Il s'agissait d'une petite pièce mitoyenne aux douches des hommes, alimentée par une sorte de château d'eau en bois. On peut y remplir une bassine d'eau froide, qui sert ensuite à se laver avec du savon et une sorte de chiffon. Sommaire, peu confortable, mais efficace. Ce fut aussi le premier moment où Shad pu se retrouver réellement seule depuis son arrivée ici.

Les réponses ne tardèrent pas à venir, la Lycane les écouta simplement avant d’hocher la tête en guise de compréhension. Bon, elle ne s’était pas trompée, ils avaient bien de quoi se laver ici, quant aux vêtements, elle n’avait qu’à espérer qu’ils soient décents et non dégradants…Mais elle se tenait prête à toute éventualité. Après tout, son lit était bien un panier ! Cependant en y songeant, mieux valait des habits communs à un fort pour remplir diverses tâches que d’autres qui pourraient être trop…extravaguant. Suivant donc le Commandant aux travers de la cantine, la Lycane pris à son tour les éléments qui lui serviront de petit déjeuner : un morceau de pain, un peu de beurre également mais à la différence de l’elfe, elle prit une tasse de thé fumante. Du thé, bon sang, depuis combien de temps n’en avait-elle pas bu ? Et même réflexion pour le pain au beurre ! Autant dire que ça ne pousse pas dans les arbres ces choses-là !

Direction la table des officiers ! La Louve reconnu sans trop mal le haut gradé qui avait sermonné une recrue hier pour une simple et bonne raison : ladite recrue avait oublié son arme. Grave erreur. Elle ne fit aucun commentaire quand elle fut présentée en tant qu’animal de compagnie. A force, elle en avait presque pris l’habitude et ignorait tout simplement cette appellation. Du moins, cela ne lui faisait à présent ni chaud ni froid. Et mieux valait cela qu’une présentation où la suite se passait sous la table. La Louve salua les trois gradés déjà présent et pris place là où on l’invita à s’assoir, mangeant tranquillement sans prendre la parole. Elle écouta d’une oreille attentive les quelques dialogues qui pouvaient se passer entre les quatre hommes mais autant dire que sans toutes les informations à leurs sujets, elle ne comprenait pas grand-chose.

Le petit déjeuner passé et le tout rangé, direction les douches ! Sur le chemin, Neliel fut rencontrée et après une rapide discussion entre le Commandant et son assistante angélique, la Terranide fut amenée là où elle pourrait se laver. A présent toute seule, l’Okami poussa un long soupir avant de plonger une main dans la bassine d’eau et la retirer immédiatement.

« Tain c’est froid ! »

Bon, ce n’était pas la première fois qu’elle faisait face à un peu d’eau froide et il était évident que l’eau chaude était un luxe que le bataillon ne pouvait se permettre. Après tout, les douches étaient faites pour être prises rapidement et non pour se prélasser pendant des heures.  Néanmoins…Si elle en avait eu la possibilité, la Lycane aurait bien aimé réchauffer un peu l’eau, mais, cela serait impossible pour l’instant. Songeant qu’elle n’avait guère le temps de rêvasser, surtout si elle devait de nouveau avoir un entraînement, la Lycane retira ses habits et entama de se laver, passant le savon sur son corps, retirant la grasse qui aurait pu s’y accumuler.  Cheveux, corps, queue…tout y passa ! Un petit rinçage plus tard et attrapant une serviette propre, la Terranide se sécha énergiquement avant de pousser un autre soupir tout en mettant la serviette à l’endroit adéquat pour qu’elle soit changée.  Baissant son regard, elle observa un bref instant son ventre et posa une main dessus : Cela aussi c’était une sacrée surprise :

« Gnagnagna tu devrais faire un test de grossesse ! Bon sang…Et dire que j’ai cru qu’il blaguait…Bon neuf mois et tout devrait rentrer dans l'ordre...»

Et non ce n’était pas une blague ! Et cela elle l’avait appris à ses dépens ! Au moins elle pouvait se consoler en se disant qu’elle aurait pu tomber sur bien pire. Beaucoup pire. Mais au moins maintenant elle savait également que tout devrait redevenir comme avant d'ici quelques mois, il ne lui suffisant plus qu'à patienter. Et plus qu'une prison, elle prenait cela  comme une nouveauté, curieuse de voir où tout cela la menerait.Changeant l’eau comme Neliel lui avait indiqué avant son départ, la Terranide fini par sortir, trouvant Takael qui l’attendait sur le pas de la porte. Avait-elle pris trop de temps ?  Non, elle était restée en tout cinq à dix minutes.

« Hum…Désolé de l’attente ? Je tenterais d’être plus rapide la prochaine fois. »

A vrai dire, elle n’avait aucune raison de s’excuser, rien ne lui indiquait si elle avait mis trop de temps ou non. Levant un bref instant le nez au ciel, la Terranide vit trois griffons passés au-dessus de leurs têtes. Elle apposa ensuite son attention sur l’elfe :

« Nous allons déjà voir si tu as retenu mes conseils…Je présume donc que nous allions de nouveau nous battre, je vais chercher l’équipement et je vous rejoins dans la cour ? »

Si dans le premier cas, il l’autorisait à aller chercher l’équipement nécessaire en lui indiquant l’emplacement, la Terranide irait…tout simplement le chercher. Dans un second cas où elle devrait juste le suivre, elle…le suivrait tout simplement. Une fois dans la cour, la Terranide se mis rapidement en position. Et cette fois, quand le combat débuta, elle ne joua pas que sur la défensive, oh elle ne l’oubliait pas pour autant ! Mais ses mouvements étaient plus offensifs que la fois précédente. Elle cherchait à déstabiliser son adversaire, ne lui laissant aucun temps de repos et quand il devait s’y attendre le moins…elle empoigna l’épée en bois et la jeta tel une arme de jet. Etrangement, cet entraînement lui permettait également de vider toute la colère qu’elle pouvait avoir. Autant dire qu’outre l’aspect pratique, cela lui faisait un bien fou !

Ayant pris un peu d'avance sur Shad, il se lave, rompu à l'exercice et sans le handicap d'avoir une queue et de longs cheveux à sécher. L'habitude parla donc, permettant au Commandant de ressortir de sa toilette avant sa protégée. Il hésite à aller demander tout de suite à quelqu'un d'aller acheter des changes à Shad, mais préfére l'attendre plutôt. Il sera toujours temps de demander ça un peu plus tard, pendant qu'elle s'équipera pour l’entraînement, par exemple. Après une petite minute d'attente, la louve sort elle aussi et s'excuse pour l'attente. Takael se senti donc obligé de lui dire, sur le ton de la plaisanterie :

« Si tu étais en retard, je serais venu te sortir de là en te tirant par la queue ! Réserve tes 'désolée' pour quand tu l'es vraiment. »

Façon de dire qu'elle n'est pas en retard et n'a pas à s'excuser pour rien. Car l'elfe n'aime pas cela, entendre constamment des excuses, il préfère quand les relations sont plus détendues. Il impose le vouvoiement pour la façade publique, mais lui-même est tout sauf à cheval sur ce genre de choses. Pour la suite, il n'eut rien besoin de faire, la louve ayant déjà comprit la suite du programme par elle-même. Effectivement, ils vont s’entraîner et il va profiter du temps qu'elle aille se changer pour charger un de ses hommes d'aller faire des emplettes. Lorsque Shad revient, elle peut voir Takael tendre une bourse à un soldat habillé en civil, qu'elle se rappelle peut-être avoir vu dans le dortoir du premier escadron ce matin. L'homme salue son supérieur et s'en va acheter de quoi vêtir la louve.

Lorsqu'il aperçoit Shad, l'elfe se tourne vers elle et lui fait signe de se mettre face à lui. Il attrape deux épées en bois, les saisi par la 'lame' et les tend à la terranide qui s'en saisit. Il se recule un peu, pensif, puis s'exprime après avoir pris une décision :

« Bien ! Mêmes règles qu'hier, a une exception. Je sais que tu vas appliquer mes conseils, je ne me fais aucun soucis pour ça. Donc je vais corser un peu la difficulté en utilisant un peu de magie. Je peux fusionner mon corps avec celui de mes invocations et là je vais utiliser les yeux de mon griffon pour voir le monde au ralenti. C'est très pratique pour ce genre de combats où les réflexes sont primordiaux. Si tu arrives à me toucher malgré ça, tu toucheras pratiquement n'importe qui d'autre. C'est parti ! »

Le blanc des yeux de Takael vire au noir et son iris, normalement orange, vire au bleu clair. Les mouvements de ses yeux se font plus rapides, plus abrupts et des les premiers coups la louve peut voir la différence. L'elfe d'hier qui esquivait au dernier moment parfois n'est plus, là ses esquives commencent dès qu'elle amorce ses mouvements et ses feintes sont immédiatement contrées. Il note toutefois chaque tentative de feinte ou chaque enchaînement qui aurait normalement mené à une victoire. En revanche il n'essaye pas de la désarmer, le temps de voir ce qu'elle vaut dans ce nouveau contexte. Il constate avec plaisir que la louve a prit confiance en elle sans pour autant prendre la grosse tête. Elle attaque davantage, mais ne néglige pas sa protection.

Alors que la louve vient de le forcer à esquiver une frappe horizontale de revers, particulièrement bien placée. Tout son corps pivote pour asséner un grand coup de l'autre main, en diagonale cette fois. L'elfe qui a été forcé de reculer a un équilibre trop précaire pour réagir, même s'il avait compris son intention de lancer. L'occasion est juste trop belle pour faire autre chose à ce moment-là. Pourtant, malgré son anticipation et ses réflexes améliorés, son corps a des limites physiques s'imposant à lui. La seule chose qu'il est capable de faire à temps est de placer son bras sur la trajectoire de l'épée pour l'intercepter. Heureusement pour l'elfe, le bout de l'arme d’entraînement est arrondi, diminuant ainsi la force de l'impact. L'épée de bois tombe au sol, le Commandant reconnaissant immédiatement la victoire de Shad en levant sa main. Il arrête de bouger et ses yeux reviennent à la normale, avant qu'il ne prenne la parole :

« Bien ! C'est beaucoup mieux qu'hier Shad ! »

Il s'avance et sans même penser à ses suggestions de cette nuit, pose sa main sur la tête de la louve pour la caresser.

« Tu étais beaucoup plus agressive, plus rusée, si je n'avais pas eu mes yeux de griffon tu m'aurais touché bien avant. Surtout, ton dernier coup était redoutable. Je n'ai pu que sacrifier mon bras pour survivre et c'est tout ce que ton ennemi aurait pu faire à ma place. Si tu avais lancé une véritable épée, elle aurait transpercé mon bras sans problème. Sans mon bras entre deux, elle aurait sans doute pénétré la cotte de mailles et perforé mon poumon. Un coup mortel si je n'avais pas réagis donc. »

Tout le long il caressa la tête de Shad, spontanément, se permettant même une petite grattouille derrière l'oreille. Ce n'est qu'en voyant sa réaction qu'il se rappela de ses suggestions, qui lui étaient sorties de la tête. Il ne pu qu'en constater l'efficacité. Bref, contrairement à hier, ils ont le temps pour davantage d'exercices et le suivant est un peu particulier. Il arrête de caresser la louve, souriant et recule de quelques pas. Il prend à nouveau la parole :

« Nous allons travailler ton lancer et tes mouvements avec une méthode particulière. »

Sans plus d'explications, il tend sa main vers la louve et un gros tas de slime vert apparaît, avant de se ruer sur elle. La créature enveloppe tout son corps, laissant juste un tunnel d’accès pour l'air. La masse verte oppose une certaine résistance et semble suivre ses mouvements au ralenti. L'elfe s'explique alors :

« Quand tu nages, l'eau autour de toi oppose une résistance. Mon slime peut faire la même chose, sauf qu'il peut aussi faire varier cette résistance. Tu vas donc t’entraîner là-dedans, c'est un peu gênant, mais tu t'y feras vite. Quand tu pourras bouger suffisamment vite là-dedans, je te ferais tester avec une vraie épée sur la cible d’entraînement. Pour l'instant, contente toi de faire comme hier sur la cible, imagine un ennemi devant toi. N'hésite pas à lancer ton épée d'ailleurs, le slime la retiendra sans problème et te la remettra en main. »

La capacité de fusionner avec ses invocations ? La Terranide avait connaissance du griffon mais quid des autres ? Et surtout quelles étaient leurs nombres ? Voilà un élément qui resterait pour l’heure sans réponse. Mais qui avait également réveillée la curiosité de l’Okami. Elle vit donc les changements s’effectuaient aussi bien aux niveaux des yeux du Commandant que sur sa capacité à esquiver ses attaques. La Terranide ne se faisait aucune illusion, s’il avait voulu la désarmer, il l’aurait fait depuis bien longtemps. Loin d’être découragée d’être sensiblement désavantagée, Shad continuait à mettre en l’œuvre les conseils de la veille…Jusqu’à ce qu’enfin son arme fasse mouche. Elle avait réussi à le toucher ! En soit c’était déjà une petite victoire pour la Louve.

Il posa sa main sur sa tête et commença à la caresser tout en détaillant ce qu’il venait de se passer. Sous le contact de la caresse, la Louve ferma presque instinctivement ses yeux, un fin sourire venant orner son visage tandis que sa queue battait l’air, la pointe légèrement recourbée. Tous les signes étaient présents pour ainsi démontrer à Takael que sa suggestion de la nuit passée avait parfaitement marché ! Et quand il vint lui gratter derrière l’oreille, la Louve ne put s’empêcher de pencher légèrement sa tête, collant presque sa joue contre sa main. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et les caresses se stoppèrent bien (trop) rapidement.  Et voilà qu’il parlait d’un autre entraînement ! Curieuse, la Lycane se demandait de quoi cela pouvait-il s’agir.

Un pas en arrière fut effectué quand il tendit sa main vers elle et un autre quand le slime se jeta sur la Lycane.  Emprisonnée dans cette espèce de substance gluante et épaisse, elle devinait facilement que s’il voulait la tuer, il lui suffirait de boucher l’entrée d’air. Bon, elle avait ainsi connaissance d’une autre de ses invocations et…autant dire qu’elle ne l’appréciait pas réellement ! Ou du moins, elle comprenait sans trop de peine la puissance de cette dernière en termes de capture et d’immobilisation. Oh, beaucoup de chasseurs payeraient cher pour avoir accès à une telle efficacité ! Mais par chance, l’utilisation du slime ici présent n’avait pas pour objectif une quelconque capture, bien au contraire ! La Louve écouta attentivement les explications de Takael et lui lança un regard pouvant signifier « c’est une blague n’est-ce pas ? » voilà tout simplement qu’il lui demandait qu’il y’ait un adversaire invisible devant elle ! Bon…Cela ne devrait pas être trop difficile à imaginer également…

La Lycane leva son épée pour la mettre à bonne hauteur et nota rapidement un point important : ses mouvements étaient en effet bien ralentis. Pour être sûr, elle remua sa queue et sentit également une bonne résistance. Cela n’allait pas être une partie de plaisir…Plus de muscles et d’efforts allaient devoir être sollicités et la Terranide ne voyait pour l’instant pas l’objectif qu’avait en tête le Commandant. Mais cela, elle le découvrirait bien assez tôt. Prenant une inspiration, elle commença ses enchaînements, sentant la force qui s’exerçait autours d’elle, ralentissant chacun de ses mouvements. Et ne parlons pas du jet de l’arme ! Au ralenti, cela avait l’air assez comique ! Mais elle réessaya plusieurs fois, mais rien n’y faisait, elle se sentait toujours aussi lourde.

Elle s’arrête quelques instants, pris une autre inspiration et recommença, encore et encore jusqu’à ce que ses mouvements deviennent un peu plus fluides que les précédents. On était bien loin d’une parfaite aisance mais la progression était belle et bien présente. Doucement mais sûrement, les gestes de l’Okami étaient moins lourds et l’épée lancée allait également bien plus loin que les phases précédentes. Cherchait-il à lui faire travailler sa vitesse de frappe par ce mécanisme ? D’un côté, la Terranide était curieuse de voir ce que cela donnerait sur un mannequin d’entraînement avec une arme même si elle avait certains doutes à ce sujet.