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L'insouciance aveugle [PV : Lorenzo Di Puccini]

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Yuzuriha

Humain(e)

L'insouciance aveugle [PV : Lorenzo Di Puccini]

vendredi 23 février 2018, 13:52:14

Le téléphone, meilleur ami des jeunes femmes. L'appel venait de sa soeur. Elle lui expliquait pourquoi elle ne pourrait pas venir à leur traditionnel shopping entre filles. Voilà qui contrariait les plans de Yuzuriha. si elle n'avait pas eut sa cécité, elle ne se serait pas posée de question et serait allé seule faire les soldes. Mais là, c'était plus compliqué. Elle n'était jamais allé sans compagnie dans un endroit aussi fréquenté. C'était bien là un défi, peut-être un appel du pied pour qu'elle se débrouille par elle même. Après tout, a part se prendre un ou deux gnons, que risquait-elle ?

C'était un après midi. Un après midi pluvieux ou même un chien ne voudrait pas sortir. C'est au moins ce que pouvait interpréter Yuzuriha face à l'absence d'envie de sortir de Bandit son Berger Blanc Suisse. D'ailleurs elle se demande parfois s'il ne comprend pas le Français. Dès lors qu'elle lui a dit qu'elle penserait à lui acheter un jouet en passant dans la galerie marchande, il se précipita si vite à l'extérieur qu'elle eu peine à le suivre.

Elle eut juste le temps d'ouvrir son parapluie et elle suivit docilement son gentil canidé. Arrivés à destination, Yuzuriha s'engouffra à travers les portes coulissantes. Fort heureusement, la jeune aveugle connaissait sur le bout des pieds la galerie marchande. Bien que Bandit soit fort doué, elle doutait qu'il comprenne le sens du mot lingerie. Elle compta donc les pas pour arriver devant la boutique.

Ne pouvant faire entrer son chien, elle héla une vendeuse pour prévenir de la présence de celui ci devant l'entrée. Yuzuriha comprit bien vite qu'il n'y avait pas une mais plusieurs vendeuses qui se précipitèrent sur le chien pour lui faire des câlins. Bandit était à lui seul une véritable attraction touristique. Un chien rare au Japon et qualifié de "Kawaï" par les jeunes vendeuses. C'est avec un sourire gentiment moqueur que la jeune femme entra. Elle se fit tant bien que mal un chemin à travers les rayonnages pour atteindre les articles qu'elle convoitait.

Elle touchait lentement chaque article. Elle détaillait les formes, les motifs brodés. Sous ses doigts, elle dessine les sous-vêtements dans son esprit. Ils deviennent clair comme de l'eau de roche. Pourtant, si elle peut les imaginer, elle est incapable d'en déterminer la couleur. Elle se doit de faire confiance à autrui. Elle passa plusieurs heures à chercher son bonheur. Ce fut tant et si bien qu'elle se retrouva devant la fin de journée sans avoir eut le temps de s'en rendre compte.

Elle se souvint alors avoir fait une promesse à son chien. Elle savait pertinemment qu'il ne comprenait pas mais s'en voudrait s'i elle ne lui achetait pas. Elle en prit un qui faisait un bruit horrible. Sur un coup de tête, elle décida d'aller se promener histoire de finir la journée dans un peu de calme. Seikusu était toute proche d'un parc qui se prolongeait vers un grand bois...ou une petite foret. Elle prit le bus et s'y rendit.

Elle marchait d'un bon pas, poussant la cadence jusqu'à sentir ses muscles la brûler dans l'effort, respirant à pleins poumons les odeurs de saison finissante, parfums de sève et d'humus, odeur d'humidité et de champignon. Elle aimait partir ainsi, choisir un lieu, loin de toute habitation, loin des hommes, un lieu sauvage et désert pour jouer à se perdre, pour apprendre à se trouver. Elle qui aimait la ville par dessus tout, son atmosphère électrique son fourmillement humain, sa vie nocturne, avait pourtant besoin de ses échappées dans des no man's land où se vider la tête, où récupérer dans le contact avec les forces primitives, où oublier les mots, les conventions sociales. Où elle pouvait enfin ne compter que sur elle même et n'avoir de compte à rendre à personne.... pour quelques instants solitaires n'être personne et être au monde comme aux premières heures de l'humanité.

Il lui était arrivé de craindre de se perdre, à vagabonder ainsi au milieu de nulle part, mais elle avait toujours fini par regagner un lieu habité avant la nuit et elle appréciait ces petites frayeurs qui faisaient parti de l'aventure. Souvent, en marchant ainsi, seule au fond des bois, ou dans des sentiers, elle avait perçu des bruits étranges, homme ou animal elle ne savait, qui semblait la suivre. Son coeur s'accélérait et elle se moquait de son imagination maladive qui ne la laissait jamais totalement en paix !

Ces marches étaient aussi l'occasion de promener Bandit en liberté. Il s'éloignait d'elle, vagabondant, rajoutant aux sonorités ambiantes. Yuzuriha s'amusait à repérer son animal, écouter ses jappements. Il revenait souvent à elle, prévenant d'un éventuel écart de trajet. Jamais bien loin, toujours protecteur. Garde-fou dans ce dédale arboré. Pendant leurs marches, elle s'amusait à lancer comme elle pouvait le nouveau jouet qui rebondissait d'un un bruit de caoutchouc.

La forêt, entre les grands arbres, dans les brumes froides d'une soirée d'hiver, lorsque le vent soufflait aussi froid qu'un frimas de montagne. La forêt, son odeur, ses bruissements multiples, sa solitude irréelle. Elle avançait, froissant les feuilles mortes en décomposition sous ses chaussures. Chaque pas produisait sa propre mélodie, un bruissement distinct des autres. Elle ne prenait pas garde au bruit que faisait sa marche, autour d'elle, Yuzuriha percevait le frôlement léger de multiples pattes qui s'enfuyaient à son approche.

La jeune femme relança une nouvelle fois le jouet de Bandit. Ce fut  un étrange silence qui lui répondit. Pas de rebonds, pas de jappements. Seul l'air lui répondait entre les feuilles éparses. Elle attendit un petit moment que son chien s'en retourne à elle. Il ne revint pas. Yuzuriha perdit un peu de sa superbe. Un pointe de peur s'immisça en son sein, lui étreignent la gorge.

- Bandit ? Viens mon chien !

Nulle réponse. Elle tenta, avec toute la difficulté du monde, d'évaluer vers où elle avait lancé le jouet. Elle devait retrouver sa bête. Non seulement parce qu'elle ne voulait pas qu'il lui soit arrivé du mal, mais aussi parce qu'elle se retrouvait démunie sans lui. Elle avança à pas de loup.

Levant la tête, elle huma un parfum différent, quelque chose de suave, à la fois lourd et léger, des relents de sucres mêlés à une fragrance épicée. Elle changea l'orientation de sa marche pour aller à la rencontre de l'odeur. A travers les branchages, un pâle soleil baignait les bois de teintes ouatées et oppressantes. La nuit était en train de tomber, tout semblait tendre à la fin. Sa démarche souple s'était faite silencieuse, ses semelles se posaient avec délicatesse sur le tapis de feuilles, sans bruit, comme une caresse.

Elle avait peur.

Elle arriva au sommet d'une bute qui surplombait un sentier forestier en contrebas, chemin, à peine esquissé entre les arbres, qui se perdait au loin et semblait surgir de nulle part. Chemin qu'elle était incapable de voir. Chemin dont elle dévia pour mieux s'enfoncer dans le sous bois. Avançant doucement elle l'entendit. Un froissement caractéristique. Les deux jambes de la jeune femme étaient recouvertes d’un jeans usé qui semblait avoir connu des jours meilleurs. Ce qui attirait le plus le regard restait cependant la haut rouge à capuche qu'elle portait comme un flambeau à travers les bois. Flagrantes couleurs dans la monotonie forestière. La capuche remontée sur sa tête masquait son visage, seules quelques mèches de cheveux noirs semblaient vouloir s'échapper de cet écrin pourpre. Le bruit s'approchait.

- Bandit ? C'est toi ?

Si celà avait été le cas, nul doute qu'un aboiement sonore se serait fait entendre.

- Il y a quelqu'un ? S'il vous plait ? Je me suis éloignée de la ville et je ne trouve plus mon chemin...

Ne pas dire qu'elle était aveugle. Ne pas dévoiler tout de suite toutes ses faiblesses.

Lorenzo Di Puccini

Invité

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Re : L'insouciance aveugle [PV : Lorenzo Di Puccini]

Réponse 1 vendredi 23 février 2018, 21:26:43

Les bois de Castelquisianni n’étaient pas bien dangereux. Peu de prédateurs coexistaient aussi près des hommes. Les loups avaient été chassés, de même que les ours. Au pire des cas, c’était une vipère qui pouvait mordre les imprudents et les laisser en piteux état. Le seul gros risque, c’était de se perdre.

Il y avait plusieurs années, déjà, que Lorenzo avait entrepris un voyage en solitaire, à travers tout Terra. Il lui était rare de repasser par sa ville natale, mais cela devait bien arriver de temps en temps. Quelques jours à la guilde, d’autres chez sa mère, puis il repartait. En l’occurrence, cela faisait trois jours qu’il était de passage, ayant laissé son Spotanacci chez sa mère, pour qu’il l’aide aux travaux ménagers.

A la tombée de la nuit, il errait aux abords des sentiers, une lampe à huile flanquée sur la cuisse gauche, reliée à sa ceinture. La visibilité était faible, malgré tout, car le chemin n’était que mal débroussaillé. Lorenzo ne s’attendait pas à croiser qui que ce soit, lui qui revenait d’un petit coin sauvage où il avait attrapé deux lapins, et s’apprêtait à s’en faire un repas.

Sur le retour, cependant, une voix l’appela. Ou plutôt, sembla l’appeler. Il chercha l’origine du bruit, quelque peu désorienté par le noir complet. Où était-ce ? Puis, la voix se fit plus claire, et loin à sa gauche, le jeune homme devina une silhouette féminine, vêtue d’étranges vêtements. Il s’en approcha, lentement.

« Un problème, mademoiselle ? Vous n’êtes pas si loin de la ville, vous savez. » Dit-il, décrochant sa lampe pour la lever au niveau du visage de l’inconnue encapuchonnée. Jolie comme un cœur, quoique ses yeux d’un jaune inhabituel paraissent dénués de vivacité. Il comprenait mieux. Elle devait s’être perdu, elle n’avait pas l’air d’avoir une vue en très bon état. « Ah, je comprends, pour vos yeux. » Dit-il, le ton empathique. « Je m’appelle Lorenzo, et vous ? »

Il avait un sac avec ses deux trophées de chasse dans la main, et maintenant, sa lanterne dans l’autre. Le jeune chasseur raccrocha alors sa seule source de lumière à sa ceinture, et prit délicatement la petite main de Yuzuhira dans la sienne. Il était d’une grande douceur, malgré ses lourdes mains de mécanicien. Il espérait ne pas avoir été trop brusque, il s’en excusa même.

« Pardon, j’aurais dû vous demander. Je peux vous guider, si vous voulez. Je ne sais pas qui est Bandit, mais il est bien trop tard pour que vous alliez à sa poursuite. Vous devriez rentrer et le chercher demain. » Il l’invita à avancer, se faisant son repère pour le reste du trajet. Sa main tenait fermement la sienne, mais il ne tirait jamais trop fort, ne l’obligeant pas à le suivre si elle ne le souhaitait pas. Les bruits de l’herbe s’atténuaient petit à petit, remplacés par le bruit du gravier et du sol sablonneux. « Nous y voilà. » Dit-il. Ils avaient marché trois minutes, peut-être même un peu moins.

Aux portes, il y avait un garde, qui s’approcha et, reconnaissant la broche de la Gilda sur le torse de Lorenzo, lui fit signe de passer, souhaitant une bonne nuit aux « jeunes tourtereaux ». Ce n’était pas le gardien d’un quelconque parc public, cependant.

« Vous êtes d’ici ? Est-ce que je peux vous guider ? Nous sommes actuellement à la porte Sud de Castelquisianni. » Elle pouvait entendre le bruit de la foule, encore présente quoique de moins en moins dense. Et déjà, elle pouvait sentir que quelque chose était étrange. Les odeurs, les bruits peut-être. Elle n’habitait pas la campagne, et pourtant l’endroit en avait les grillons, les bruits de sabots et une odeur de foin bien prononcée. Le quartier marchand. « Dios, l’odeur est toujours épouvantable ici. » Dit Lorenzo. Heureusement, la jolie fille à ses côtés sentait la rose et l’herbe fraiche.


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