La vallée des femmes perdues

La requête de Grayle en était presque touchante. Il avait pris l’apparence de la Sage pour celle d’une sœur dont il aurait oublié le visage ... Ce qui, en un sens, n’était pas totalement dénué de sens. La Sage avait le visage de Grayle mais sous un autre jour, dans une autre version de lui-même. Chaque individu avait au moins eu à proportionnalité égale de naitre d’un sexe ou de l’autre. De ce fait, chacun et chacune possédait en lui sa version de sexe opposé ; tout du moins, la Sage était capable de la faire apparaitre. Sa magie était bien plus vaste et étendue que cela mais, cela faisait partie de ses capacités. Ainsi que Grayle trouvait son apparence familière était pertinent.

Néanmoins il avait tenu des propos – avant cela – qui n’avait pas vraiment trouvé écho en la créature. Celle-ci n’en fronça que légèrement ses délicats sourcils, avant de s’approcher d’un peu plus près. La Sage posa alors une main sur la tête de Grayle, sur sa chevelure. Une emprise douce mais qui possédait une certaine poigne. « Le sexe de Grayle n’a eu que peu d’incidence sur le cours des évènements derniers. C’est sa condition d’étranger, de visiteur infortuné, qui a causé ces dernières heures. » Expliqua-t-elle d’un ton calme et neutre, comme à son habitude. Il ne fallait pas que le voyageur se méprenne sur les intentions de ces natives de l’Enclave ... Bien qu’il était parfaitement compréhensible de penser à une forme de rejet du sexe masculin, la réalité était plutôt du côté du refus d’intrusion étrangère, sous toute forme que ça soit.

Mais de cela, il le comprendrait tôt ou tard. En attendant la Sage en avait presque finit avec lui, surtout alors qu’elle s’apprêtait à lui révéler à qui appartenait le visage qu’elle portait. « Je crains, Grayle, que cette apparence ne prends pas racine dans vos souvenirs. Je n’ai que pour modèle vous et vous seul ... » Finit-elle par avouer, laissant le soin à Grayle de faire la connexion logique. Une fois qu’il aurait compris qu’il ne s’agissait ni plus ni moins de lui-même dans une version du beau sexe, la Sage le récompenserait d’un délicat sourire, avant de soigneusement le faire se relever en le prenant par les poignets. Une emprise douce mais ferme malgré l’attention du geste, trahissant du sérieux de la Sage.

« Tout homme et toute femme est garant de défauts. Il n’en tient qu’à vous, Grayle, d’effacer ceux qui vous nuiront à l’Enclave tout en faisant attention à une chose ... Ne pas vous effacer vous-même. » Finit par dire, lâchant son emprise sur les poignets de l’homme. Il ne restait alors plus qu’une seule chose à faire avant que son destin au sein de l’Enclave ne soit décidé. Le visage de la Sage se figea, inexpressif, alors qu’elle fit quelques pas en arrière, s’écartant lentement de l’homme. « Grayle le Pérégrin, enfant de Mahadevi, accepte-t-il ou refuse-t-il les portes de l’Enclave ? » Conclut-elle, comme une sentence dont la réponse allait directement décider du sort de Grayle.

« Je crains, Grayle, que cette apparence ne prends pas racine dans vos souvenirs. Je n’ai que pour modèle vous et vous seul ... »

Grayle resta silencieux, le temps de réfléchir à cette phrase. Cette femme... c'était lui ? Il la regardait, encore. Une version féminine de lui ? Etait-ce donc pour ca qu'il reconnaissait quelque chose dans l'apparence de la Sage ?

" Oui, c'est logique... "

Elle se mit à sourire, avant de le faire se relever, en le tenant par les poignets. Il ne put s'empêcher de caresser ceux de la femme, visiblement ému, alors qu'elle continuait de parler. Qu'elle cite Mahadevi fit bondir son coeur. Depuis qu'il était seul sur la route éternelle, il n'avait pas eu le moindre signe de la Déesse, qui appartenait désormais à un temps lointain, de simples bribes de souvenirs effacées, presque un rêve, une illusion. La Sage venait de lui confirmer, ds siècles après, qu'il n'avait pas rêvé. Que la Déesse avait bien existée, que lui existait. Que son pélerinage infini avait un sens...

" Oui... oui je l'accepte, de tout mon coeur. " dit-il d'une voix claire, plus décidé qu'il ne l'avait jamais été...

Il sentit un poid lourd se détacher de son coeur. Un sentiment de tranquilité. Tout devenait flou. Il se souvint qu'il était dans une illusion. Qu'en réalité, son corps reposait au fond de l'eau. Alors que tout se dissipait peu à peu, il reprit la parole.

" Est ce que je vais vous revoir ? "

Silence. Il se mit à sourire. Il n'était pas triste. Personne n'avait autant d'expérience que Grayle dans les adieux.

" Merci de me laisser une chance... et d'avoir partagé votre histoire. " Alors qu'il disparaissait peu à peu, il lui fit une révérence, sa voix s'évanouissant comme dans un murmure.

" Je ne vous oublierai pas... "

Il se réveilla.

Les yeux ouverts, Grayle regarda autour de lui. Il était toujours dans le bassin, au fond de ce dernier, si c'était possible. Il était en position foetale, et grimaca en bougeant ses bras et jambes, ankilosés. Combien de temps était-il resté sous l'eau ? 30 secondes ? 1 minute ? 2 heures ? L'éternité ? Il sentit une force puissante et invisible le faire remonter,le repoussant peu à peu vers le haut, de plus en plus vite.

Dans le même temps, l'eau entrait dans ses poums. Il poussa un cri étranglé, paniquant. Il était déjà mort de noyade, une fois, et c'étant sans doute une des pires qu'il ait jamais ressentie. Il s'agitait dans l'eau, sentant une douleur puissante dans son corps, avant de crier.

Il voyait le plafond.

* Huh ? *

Le monde tournait. Il se rendit compte qu'il avait été projeté en l'air dans une explosion aquatique. Grayle flotta un instant dans les airs, poussant un cri plus aigu que d'habitude, avant de retomber dans l'eau. Il disparut sous l'eau un bref instant, avant de revenir à la surface d'un seul coup, se précipitant vers le bord, se hissant en dehors du bassin. Il crachait de l'eau, toussant comme un pestiféré, crachant de l'eau. Il ne voyait rien, à cause de ses longs cheveux devant son visage, et il les écarta d'une main.

* Attendez... mes cheveux ne sont pas si longs ! * pensa t-il avec étonnement, avant de regarder sa main, plus fine et élégante que les siennes, d'ordinaire calleuses.

* Hein ? *

Il était étalé face contre terre, et se redressa un peu sur ses genoux, et regarda son corps. Une belle paire de seins, fermes, ronds, pendant doucement, de l'eau y coulant sur le sol.

* Hein ?! *

Il recracha, vidant l'eau de ses poumons, avant de se retourner sur le sol, respirant avec peine, choqué. Ou plutot... choquée. Grayle regarda son entre-jambe, et vit avec un mélange de stupeur complète, d'effarement total et d'excitation... rien. Pas de sexe.Enfin, pas de membre. Il était devenu une femme. Elle était une femme. Plus petite, fine, avec un bassin généreux et de longues jambes, une voie plus fine, mais, en regardant les traits de son visage, elle s'agissait indubitablement de l'homme qu'il était auparavant. Une belle femme, une beauté simple, tranquille et apaisante, sans artifice ni exageration. Exposée au regards de toutes, Grayle , soudainement prise d'un excès de pudeur, se mit à cacher les formes de son corps, essayant encore de réaliser ce qui se passait.

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Pendant tout le temps où le voyageur était dans le bassin, un silence de plomb régnait dans la salle. Que ce soit la commandante ou la reine, tous les regards étaient dirigés vers l’eau. Quand allait-elle remuer ? Quand la Sage allait-elle prendre une décision ? Tout le monde savait qu’il ne fallait pas précipiter les choses ... Mais en attendant, tout le monde retenait plus ou moins son souffle. Jusqu’à ce que la surface de l’eau commença sensiblement à frémir, à remuer. La commandante fut la première à le remarquer et se tint alors prête, au cas où les choses auraient mal tourné pour Grayle. Cependant, les choses furent bien moins dramatiques.

En effet, un grand jet d’eau apparut et propulsa le voyageur dans les airs pendant un bref instant, avant que le corps ne retombe dans l’eau. La Sage avait donc pris sa décision et le résultat final se fit alors voir de tout le monde. Grayle émergea de l’eau en venant se tirer hors du bassin. Le voyageur se rendit compte plus tard qu’il avait changé, plutôt drastiquement. Mais pour tout le monde, ce fut comme un soulagement. La Sage n’avait donc pas rejeté cette personne. Ce qui signifiait qu’elle n’était pas un danger, ce qui naturellement rassurait tout le monde, y compris la reine. Lonara s’autorisa même un léger, très léger pincement de lèvre en coin en voyant le résultat.

Grayle était donc devenue une femme, en bonne et due forme. Cependant il ne s’agissait pas là d’un changement total, car effectivement, Grayle était simplement devenu une version féminine de lui-même. Autrement dit, il avait gardé ses traits. Lonara inspira profondément puis agita lentement sa main, donnant ce qui semblait être un ordre à sa commandante. Lowri acquiesça puis s’en alla auprès de la Graciée, comme on pouvait désormais l’appeler. La milicienne arriva auprès de la jeune femme encore troublée et perdue, les mains chargées d’un drap. Sans dire un mot, mais avec une intention plus amicale qu’autrefois, Lowri couvrit Grayle puis l’aida à se relever.

« Vous venez d’être graciée par la Sage. Votre vie à l’Enclave vient d’être sauvée par sa Grâce ... Estimez tout l’honneur qui viens de vous être fait, Voyageur. » Dit-elle de son ton ferme et solide, bien que ses dires sonnaient plus amicaux qu’auparavant. Ce n’était ni une menace ni une injonction, pour une fois. Cependant, bien qu’elle couvrît la jeune femme afin de cacher son corps et préserver sa pudeur, elle la confia bien rapidement à une prêtresse, qui prend dès lors tout en main. Celle-ci conduisit donc Grayle dans une autre pièce qui s’apparentait à une salle de repos couplée à un vestiaire. Un endroit très calme, très confortable où seules Grayle et ladite prêtresse étaient là.

« Tout va bien, Voyageur. Vous êtes à présent des nôtres, vous n’avez plus rien à craindre. » Dit-elle de sa voix très douce et apaisante. « Tant que vous serez à l’Enclave, désormais, vous revêtirez la forme que la Sage vous a accordé. À savoir ... Celle d’une femme. » Finit-elle par déclarer. Ce que Grayle devait alors comprendre était la chose suivante ; à l’instant où il pénétrerait l’Enclave et resterait dedans, il ne pourra lutter contre la magie faisant qu’il se changera en sa propre version féminine. Qu’il quittait les remparts de l’Enclave et il redeviendrait comme avant, sans séquelles. Qu’il y pénètre à nouveau, et son corps se changera en conséquence, aussi longtemps qu’il resterait ici.

« Comment vous sentez-vous ? Que ressentez-vous à présent ? » Finit-elle par demander. Dans cette salle, il y avait de confortables assises avec coussins et autres polochons pour se reposer. Mais il y avait aussi des rangements, et un miroir. Une fois que Grayle avait répondu, la prêtresse lui indiqua alors qu’il trouverait de quoi se vêtir dans ces rangements, et qu’il pouvait prendre tout son temps pour trouver ce qui serait à son goût. Une fois qu’il – ou plutôt elle désormais – serait satisfaite, il n’aurait qu’à sortir et aurait alors le droit à une rencontre avec la reine.

" Ce que je ressens ? "

Beaucoup et pas assez à la fois. Il... ou elle... elle se sentait légère. Faible aussi, plus que sous son corps masculin. Elle caressa ses bras, s'émerveillant de l'absence de poils et d'une pouce d'une douceur presque scandaleuse. Grayle fit quelques pas, sur la pointe des pieds et se planta face au miroir. Elle caressa ses cheveux bruns, devenus longs, légèrement bouclés, qui tombaient jusqu'aux épaules. Elle se déshabilla, nue, troublée par ce qu'elle voyait, à la fois quelqu'un d'autre, mais aussi elle-même. Grayle se toucha et se caressa, tatant ses épaules, son visage, son ventre et sa poitrine, poussant un petit soupir en caressant un mamelon. Si elle n'était pas opulente, elle avait une poitrine agréable à l'oeil, qui remplissait bien ses mains, qui elles, étaient devenues fines.

Pas de bassin trop large, ni de fesses trop opulente. Grayle était... étrangement satisfaite. Elle était à l'image de son alter-ego masculin. Mignonne, voir belle, mais dans l'ensemble, relativement banale. Seule source d'étonnement, ses pupilles devenues violettes. Et des lèvres pulpeuses sur une toute petite bouche.

Etait-ce normal d'être excitée à la vue de son propre corps ? IL... elle se trouvait séduisante. Attirante. Elle avait envie de s'embrasser, de se caresser. Sous sa forme d'homme, elle aurait très certainement une érection, née de la frustration de ce long voyage solitaire. Elle sentit une douce chaleur dans son bas ventre, et serra ses jambes l'une contre l'autre, frottant ses cuisses en poussant un soupir.

Lorsque la prêtresse toussa, Grayle reprit ses esprits.

" Pardon !  Merci. Je vais, euh... me changer. "

Elle ouvrit l'armoire. Il y avait...bien trop de vêtements pour elle. Des robes, des jupes, des pantalons, de toutes les matières. Grayle n'avait jamais été très coquet, préférant toujours des vêtements pratiques et simples. Elle réalisa qu'être une femme lui ouvrait la porte à beaucoup plus de choix vestimentaires, et elle était complètement perdue.

Elle mit au moins une bonne quinzaine de minutes à se décider. Un pantalon de toile marron légèrement bouffant, et un ensemble corset de cuir légèr et une tunique violette. Ainsi, elle se sentait couverte, même si elle remarqua uniquement une fois le tout enfilé que l'ouverture était large, et exposait une bonne partie de sa gorge.

*Jouer à la poupée avec soi-même est assez étrange... enfin.*

Elle sortit de la pièce. Elle était vêtue de simples sandales, et s'inclina devant la prêtresse.

" Je suis prête à voir la Reine. Je vous suis. "

Elle avait encore du mal à s'habituer à sa voix