Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Oneiros

Dieu

/ Titre issu de Shakespeare, La tempête. /

“Mmph”.

Le réveil, avec son petit soleil qui écrase déjà bien la gueule, n’était pas son point fort. Les vannes les plus récurrentes à son propos portaient sur sa relation avec le sommeil ; dieu de celui-ci, il passait pourtant une maigre poignée d’heures à dormir, et, quand il se réveillait, il n’avait rien d’une fleur fraîche qui s’éveille dans la rosée du matin. Au fil du temps, il lui semblait même que, peu à peu, le vin faisait partie de son aura naturelle. Il attendait le jour où il en serait dégoûté - mais l’éternité lui laissait le temps de s’en lasser mille fois, puis d’y revenir au moins autant de fois. Il avait eu une période de creux, quand sa mère, bien trop friande à son goût des excursions sur Terre, lui avait fait découvrir la bière ; mais celle-ci lui tapait trop sur le foie. Les caves de Dionysos avaient fini par l’aspirer à nouveau ; la volonté n’était pas sans plus grande qualité.

Oneiros étira son bras sur le lit, vérifiant qu’il était bel et bien vide. Il soupira de plaisir en constatant que c’était le cas, avant de capturer son visage dans ses mains. Tant pis pour l’heure - la notion de temporalité s’effritait vite au contact de l’immortalité - et tant pis pour tout le reste, ses obligations, la visite de courtoisie à Hypnos, les récits éclairants de ses amis sur deux trois black-outs de la veille. Il se redressa en s’étirant, calculant avec précaution la distance qui le séparait de son bain. Une dizaine de mètres. Bon. Courage. Une vague de fatigue s’empressa d’engourdir ses muscles, et il retomba dans son lit. C’était une de ces belles journées où il n’avait envie de voir personne, excepté lui-même et … Et elle.

Elle, c’était cette fille dont il ne connaissait pas le nom mais qui, chaque fois qu’il rejoignait le monde des rêves pour flâner, le surprenait. Il avait beau user, encore et encore, de ses pouvoirs pour bâtir chaque petit fragment de ses songes - dans lesquels il s’engouffrait de plus en plus régulièrement, au grand damn de sa mère qui le traitait de petit con, pour la simple et bonne raison qu’il évinçait la réalité trop facilement et fréquemment à son goût - elle était toujours là, et elle faisait toujours ce qu’elle voulait de cet environnement onirique qu’il devait pourtant avoir la faculté de maîtriser. Pourtant, à sa connaissance, il n’existait aucune déesse des songes qui pourrait être sa rivale ou simple compagne de jeu. Il n’y avait que lui. Hypnos, plus haut, oeuvrait à des entreprises qui lui échappait un peu ; et, s’il avait eu des doutes, pensant que cet ancêtre divin se grimait en petite blonde, ce dernier l’avait vite calmé : non, non, Hypnos ne traînait pas dans ses songes, il avait bien mieux à faire.
Il ne se formalisait pas de la présence de cette fille, au contraire. D’autant disaient qu’il était encore trop jeune, trop attiré par les femmes pour oser lui rentrer dedans ; lui trouvait simplement cette compagnie spectrale agréable. Jusque là, ils n’échangeaient que des regards, se croisaient, réciproquement surpris, l’un comme l’autre, de voir un autre être vivant dans les parages. Il lui arrivait de la voir sans qu’elle le sache, et il commençait à se dire que le contraire devait être au moins aussi vrai. Et quand il ne la voyait pas, il profitait de cette solitude tout en se sentant légèrement déçu.

Oneiros sortit de son lit dans un petit grognement, les muscles rompus. Il se traîna, avec assez peu de grâce et beaucoup d’épuisement, vers son bain ; situé près de son lit, il consistait en une vasque immense creusée dans le sol. Que l’eau soit froide, il s’en foutait un peu ; il n’avait qu’à fermer les yeux, rejoindre le sommeil, pour qu’elle se réchauffe. Et c’est exactement ce qu’il fit. Il profita de quelques minutes de détente, avant d’atteindre un nouveau palier dans le sommeil ; un endroit dans lequel il pouvait passer des heures. D’humeur bucolique, il dessina un temple grec en ruine, des plantes, partout, ruisselant sur la pierre comme des petits cours d’eaux, un ciel paisible, aucun oiseau (leur piaillement était insupportable pour ses pauvres petites oreilles divines). Il ajouta, ici et là, des bosquets et des arbres, une cascade dont les remous et les sursauts charmaient particulièrement ses tympans, et quelques autres fragments en ruine ; ici des colonnes, là des atriums envahis par les mauvaises herbes. D’un souffle, il donna au ciel la teinte d’un crépuscule lent et vaporeux, avant d’ajouter, sur sa peau, un kimono trop large taillé dans le tissu d’une toge.

C’était tellement cliché qu’il adorait ça. Le dieu qui se repose dans la nature, avec une certaine langueur et une autorité foutrement divine, un brin insolente. On a beau être immortel, on n’a vingt qu’une fois ; il l’avait réalisé après avoir été élevé par sa mère : elle avait beau avoir la beauté d’une femme bien avancée dans la vingtaine, sa tête était ruinée par les années, les années, et encore les années. Son nihilisme passait pour incorrect venant d'une divinité, mais il persistait à y voir une forme de sagesse qu’il finirait par atteindre, un jour ; alors, ils se saouleraient ensemble, sur Terre, blasés tous deux de tout ce que le(s) réel(s) pouvai(en)t apporter. Seulement, pour le moment, son insouciance lui collait au corps, et il en profitait autant que possible, conscient que cela finirait bien un jour.

"Viendras-tu, dis-moi."

Il se parlait à lui-même, avançant entre les ruines, faisant pousser des montagnes à l'horizon, changeant leurs teintes d'un battement de cils, transformant l'eau en vin, en rhum, puis à nouveau en vin, et faisant glisser le ciel du bleu nuit tendre au rouge un brin sanguin. Les nuages se posaient dans le ciel, immobiles, avant de bondir, de se déchirer dans les airs. Le souffle frais et léger du vent, il le fit enfler, exploser ; le bruit de l'orage fit craquer un ciel parfait à trois reprises, avant de s'éloigner, pour n'être plus qu'en fond sonore. Il dessina une statue, haute, imposante, qu'il émietta du regard ; elle devint un tas de sable, qui s'envola en spirales dans les airs, puis en tornade, avant de disparaître tout simplement. Ce simple plaisir de maîtriser son environnement le rendait tout simplement heureux.

C'était un de ces plaisirs égoïstes qu'il lui fallait.

Aurora Rosenwald

Humain(e)

Aurora feignait le repos.

Allongée sur le dos, les mains croisées sur le ventre, elle écoutait tous les sons qui parvenaient à elle, attendant la venue d'un rêveur pour lui tenir compagnie. Aujourd'hui, elle voulait être trouvée, et non être celle qui devait chercher. Au bout de quelques minutes, quelques heures, une petite fille vint s'allonger à côté d'elle, lui demandant si elle était un ange... Alors Aurora, le temps d'un songe, devint cet ange, volant dans le ciel pour le simple plaisir d'une enfant qui disparut trop rapidement, rejoignant un monde réel bien morne. Tout le contraire du monde éclatant de couleurs dans lequel elle se trouvait.

Aurora se laissa à nouveau porter par un courant d'air imaginaire, les yeux rivés sur une voûte céleste aux étoiles brillant plus intensément que le reste. Puis-je aller parmi les étoiles ? Dans cet "espace" que l'on m'a raconté ? De ses longs doigts fins, elle effleura la voute céleste, mais se contenta de cette simple vision générée par un rêveur quelconque en contre-bas. C'était fou ce que les gens se sentaient plus rassurés avec des pieds bien ancrés sur un sol, même imaginaire.

Là, elle entend encore se demander si elle est un ange. Aurora sourit, mais continue à voler. Comme souvent, l'ennui la prend, l'étreint tendrement. Et puis le ciel change, selon les songes qu'elle traverse. Là, pour tromper son ennui, elle décide d'aider une âme en peine. Ici, elle décide de chanter pour un rêveur afin d'apaiser ses cauchemars, mais surtout, pour profiter de ce monde d'ombres chinoises aux teintes bleutés qu'elle affectionne. C'était un petit plaisir égoïste, et peut-être aurait-elle pu s'en vouloir. Mais elle n'en fit rien. A défaut de pouvoir être dans son propre rêve ou de s'en créer un, Aurora pouvait choisir celui dans lequel elle voulait évoluer.

Puis le monde changea. Brutalement. Rapidement. Un instant désorientée, l'ange finit par se poser au sol. La voilà revenue au début d'une nouvelle boucle, allongée dans l'herbe. Non en quête de repos, cette fois. Sa posture est moins noble, assise sur l'herbe, sa robe immaculée s'étalant tout autour d'elle. Son regard curieux observait l'étrange phénomène qui se déroulait plus loin. À sa connaissance, personne ne maîtrisait aussi bien son environnement dans un rêve. Même ceux qui avaient une certaine emprise sur leurs songes agissaient avec lenteur. Son ennui s'apaisa un instant, tandis que fascinée, elle observait quelqu'un façonner avec un talent inédit un songe. Quand enfin les montagnes s'immobilisèrent, que le ciel se figea et que le vent se mua en souffle, Aurora se leva et d'une pensée, se dirigea vers l'endroit. Il y avait là des ruines, probablement d'un temple. On se croirait dans un tableau... Elle marcha entre les pierres, ses pieds nus foulant l'herbe sans odeur, craignant presque de briser la quiétude du rêve. Son regard se promenait ici et là, admirait la précision de tous les éléments qui l'entourait...

... Et au détour d'un pilier à moitié effondré, elle le vit. Aurora se cacha vivement derrière son abri et se pinça les lèvres, avant d'oser se retourner pour poser ses yeux sur cette silhouette si connue. Plusieurs fois, elle l'avait aperçu, cet homme à l'aura impressionnante. Jamais, cependant, ils ne s'étaient retrouvés si près l'un de l'autre. Il avait quelque chose qui terrifiait autant qu'il hypnotisait la jeune femme. Il avait quelque chose de hypnotisant, de différent de tous les autres rêveurs. Il était ici à son aise, chez lui. Il avait une maîtrise totale de son environnement, et Aurora le voyait à l'oeuvre pour la première fois. Et d'ailleurs, elle était tellement absorbée par ses gestes qu'elle ne cilla pas quand les doigts du Dieu se tendirent vers elle pour faire pousser, le long du pilier qui lui servait d'abri, un lierre touffu. Surprise, elle étouffa un cri qui résonna dans le silence sépulcral des ruines. Aurora savait qu'il était inutile de se cacher davantage, ou de chercher à fuir. De toute façon, elle en était incapable, clouée sur place par sa maladresse. Figée près du pilier, son regard croisa celui d'Onéiros, et elle ne put s'empêcher de murmurer :

"Vous aussi, vous sortez d'un tableau. Vous êtes trop parfait pour être un homme."

Oneiros

Dieu



Le monde des songes était un organisme dont il n'ignorait (presque) rien. Dès qu'il y faisait son entrée, il semblait entrer dans un corps, un corps immense et majestueux ; il se dissimulait dans ses nervures, les faisait vibrer, morceau d'un Tout où le réel n'existait qu'à travers des reflets déformés. Allongé sur le dos, les doigts flottant dans les airs afin d'agripper les membranes de rêves, et afin de les tordre, les faire plier selon sa volonté - un ciel qui tremble, des plantes qui s'étirent, une atmosphère qui s'alourdit avant de se rafraîchir - il était tout occupé à ne pas penser mais à faire quand ce cri écorcha le silence.


S'il y avait une présence autre que la sienne, ici, ce n'était pas de son fait. La méfiance, petit réflexe fluide, glissa le long de son cerveau. Puis il reprit ses esprits ; à présent, il n'en doutait pas, elle était là. Elle était quelque part, dans son paysage, son atmosphère, dans cette nébuleuse qu'il s'était inventé. D'un geste du poignet, il concentra quelques nuages autour de l'astre qui flottait tranquillement dans le ciel - un rayon de lumière, tiède, coula immédiatement sur elle. Il s'était lentement redressé, la détaillant avec une pointe de curiosité au fond des yeux, quelques grammes de méfiance encore. Il mit peu de temps à comprendre qu'elle n'était pas olympienne, ce qui le rassura légèrement ; il en avait vraiment sa claque des prêtresses qui zonaient dans son milieu naturel, après s'être procuré deux ou trois petites plantes ici et là, quand lui voulait être tranquille. Ces connes ne comprennent pas que si je ne les invite pas, elles n'ont rien à foutre ici - merde, elles sont déjà dans mon réel, qu'elles ne saccagent pas mon rêve. Mais, elle, c'était différent. Toujours sans faire un geste, la dévisageant alors qu'elle était inondée de lumière, de loin, serein, il entendit à peine ses murmures ; tout juste ses dernier mots : "Vous êtes trop parfait pour être un homme". Un sourire se traça brièvement sur son visage. Je suis peut-être pire que cela, tu sais.

Dans ce grand débat sur la prétendue perfection divine, il avait un avis bien tranché ; chaque être vivant savait comment creuser sa propre main pour accueillir la perfection dans sa paume, mais elle laissait vide toutes ces mains ; c'était comme passer ses doigts à travers un nuage de fumée, et ne garder, sur la peau, qu'une odeur disparate et éphémère de celle-ci - mais rien d'autre. Les Olympiens ne dérogeaient pas à la règle, mais ils jouaient aux cons, persuadés que leur immortalité était source de perfection ; si le temps vous offre la sagesse, l'éternité, elle, vous laisse largement le temps de vous trouver des excuses pour à peu près tout faire. La phrase la plus prononcée en Olympe, après "Qu'on m'apporte le nectar des dieux !", était "Je m'en fous, j'ai le temps". En Olympe comme partout ailleurs, la perfection n'était rien d'autre qu'un spectre vaporeux.
Mais le jeune dieu ne lui sortit pas son petit laïus ; il se contenta de lui sourire, sans lui faire comprendre qu'il l'avait plus ou moins entendue. Son ego divin se trouvait tout de même touché par les mots qu'elle avait prononcé. Tourné vers elle, il hésita à lui faire signe d'approcher - il se contenta d'écarter les nuages, pour que le soleil leur fonde dessus.

"Ma petite rêveuse. Hm, non, non ... Non, tu n'es pas qu'une rêveuse, n'est ce pas ?"

Il s'était redressé, en parlant, sans pour autant se lever. Le dos droit, le regard collé à sa silhouette encore bien trop lointaine, il fronça les sourcils, avant de lui faire signe de se rapprocher de lui, d'un signe de tête.

"Je ne sais pas - non, je ne pense pas - qu'il est normal que je rêve de toi aussi souvent, alors que je ne te connais pas."

Il aurait très bien pu lui asséner un "Alors que tu es dans mon monde", mais il se retint. Si elle était là, c'était qu'elle participait, d'une façon ou d'une autre, à ce monde. Il était cependant très surpris qu'Hypnos ne lui ait rien dit au sujet de cette femme. En même temps, lui, moins il en dit ... Effectuer une éducation divine auprès d'un être aussi taciturne et sombre qu'Hypnos était ... C'est une expérience. Il se promit tout de même de lui toucher quelques mots à propos de cette femme. Je suis à peu près sûr qu'il s'en contrefout, mais bon. Les anciens dieux - les premiers dieux, ses ancêtres - étaient des personnes très étranges. Peu de monde les voyait - et encore moins de monde les fréquentait. Il s'en était rendu compte très vite, en particulier en croisant Nyx chez sa mère, un soir, Nyx et ses yeux qu'il qualifiait volontiers d'angoissants. Hypnos - le fils de Nyx, en passant - était plus doux qu'elle, bien qu'excessivement silencieux, d'une froideur très douce. C'était surtout son frère jumeau qu'il espérait ne jamais, jamais croiser. Mmph ; si tout se passe bien pour moi, cela n'arrivera jamais.

Lui, jeune dieu, ne pouvait pas se permettre d'être orgueilleux. Mais il était très intrigué par cette jeune femme, et curieux de savoir une telle fille en liberté sur ce qu'il estimait, avec un brin d'orgueil nécessaire à toute divinité, être son territoire. Il avait, de plus, du mal à expliquer sa présence récurrente ici - qui signifierait qu'une fois sur deux, ils dormiraient au même moment, étonnant au vu des horaires changeant du jeune dieu. Quel petit être étrange que cette femme.

Aurora Rosenwald

Humain(e)


Quand bien même Aurora savait comment fonctionnait le monde des rêves, elle ne pouvait s'empêcher d'admirer avec quelle aisance ce rêveur-là agissait sur son environnement. Rares étaient les dormeurs à avoir conscience de l'emprise qu'ils avaient sur le monde onirique ; et même parmi ceux qui savaient qu'ils pouvaient changer les choses, personne ne le faisait avec autant d'aisance que lui. Aussi, malgré sa surprise, et son cri terriblement inopportun dans ce songe si calme, la jeune femme ne put s'empêcher de suivre ce poignet qui se leva, et son regard rencontra une lumière vive qui tombait sur elle, et seulement sur elle. Elle plissa les yeux, éblouie... Peut-être était-elle aussi à la recherche de la chaleur de l'astre, comme dans le monde réel. Il ne fallait cependant pas exagérer, l'illusion ne pouvait être si parfaite. Alors les fentes de ses yeux se fermèrent, et telle un modèle pour un peintre germanique, Aurora se figea dans cette position.

Elle perçut, faiblement, un mouvement. Ce n'était peut-être que son imagination, mais avec le silence qui régnait ici, le moindre froissement de tissu était perceptible. Lentement, très lentement, ses yeux se rouvrirent sur le ciel, et les nuages se dispersèrent. Elle sourit légèrement, et son visage se tourna vers Onéiros. Son regard énigmatique fut souligné d'un haussement d'épaules à peine perceptible. Ainsi, elle ne confirmait ni ne niait qu'elle n'était pas qu'une rêveuse. Ah ! Comme elle aurait aimé n'être qu'une de ces voyageuses éphémères, comme tout le monde ici ! Le regret d'être endormie depuis si longtemps passa rapidement dans ses yeux, avant qu'elle ne se rapproche d'Onéiros. Sa démarche était sûre, bien que prudente. Son pied nu dépassait à peine de sa longue robe blanche, immaculée. Et tout en approchant, elle commença à parler, et sa voix était comme une douce mélodie.

"Il m'est arrivé, il y a peu de temps, de parler avec quelqu'un qui explique les rêves aux gens. Il me racontait qu'il nous était impossible de rêver d'une personne que nous n'avions jamais vue dans la réalité. Tous ceux que vous croisez ici, vous les avez probablement croisés en étant réveillé."

Depuis cette conversation, Aurora s'était d'ailleurs permis l'espoir qu'on ne l'avait pas oublié et que, peut-être, on continuait de chercher son corps. Qu'on cherchait encore à la réveiller. Comme elle espérait fort que chaque personne dont elle traversait les songes était un rêveur qui avait au moins vu un portrait d'elle !

Aurora s'arrêta. Elle était à quelques pas du Dieu, et à cette distance, hors de portée et pourtant si proche, elle pouvait le voir - mais pas le toucher. Peut-être craignait-elle de le voir se dissiper au moindre contact. En tout cas, il était sublime. On dirait un de ces Dieux grecs... Sa tête se pencha un peu sur le côté, et un sourire à peine perceptible fit frémir ses lèvres rosées.

"Vous par contre, je sais que je ne vous ai jamais vu. Et que vous n'êtes pas un rêveur ordinaire. Personne n'agit sur son environnement onirique comme vous le faites."

Le voile de sa robe frémit à peine lorsque Aurora bougea pour s'asseoir. Un siège apparut derrière elle, aussi blanc que sa tenue. Elle se tenait droite, les mains croisées sur ses cuisses. Et si mille questions lui brûlaient les lèvres, elle préféra attendre. Attendre qu'il lui dise qui il était.

Oneiros

Dieu



Afin de lui répondre, il aurait pu s'enorgueillir de son statut de dieu ; et, dans ce cas de figure, ne la considérer que comme une fille à impressionner, ce qui rimait, la plupart du temps, avec ne pas parler de sa mère. Il suffisait de prononcer son nom pour que la réaction de la personne, en face de lui, change tout à fait ; soit elle mourrait de peur (ou, dans une variante, était prise d'une crise de panique, tétanie et tremblements offerts), soit l'aura de sa génitrice venait empiéter sur la sienne. Il était vrai qu'Héra faisait sa misère à ... un nombre de personne assez impressionnant, et que son charmant statut de reine des dieux étouffait beaucoup de choses. Les plus curieuses posaient alors des questions étranges sur sa généalogie, et il était assez compliqué, à son sens, d'expliquer pourquoi, en toute tranquillité, il était l'enfant de sa mère et du fils de cette même mère. Chez les dieux, ce n'était pas gênant - comme si le sang divin pouvait être tâché de déformations liées aux incestes - mais les humains avaient un regard assez dur sur ce genre de pratiques.

Quoiqu'il en soit, il lui répondit de la même façon qu'elle l'avait fait : un haussement d'épaules, un sourire furtif. Il embaumait le mystère, un mystère un peu insolent. Tout en cherchant - tout de même - ses mots, il la détailla du regard, ne serait-ce que pour la matter s'assurer qu'il ne l'avait jamais vu dans un autre contexte. Il en était sûr, il se serait souvenu de ces traits, de cette chevelure, délicieusement longue et adorablement blonde, de ces lèvres roses, et de cette peau qu'il osait, sans vraiment de scrupules, imaginer douce. Sa blancheur sous-entendait qu'elle pouvait tourner au rouge assez rapidement.

"Je suis ..."

Les yeux d'Oneiros, qui ne s'étaient pas privés de glisser sur elle, se plantèrent dans ceux de la jeune fille.

"Je ne suis pas rêveur ordinaire, non - belle intuition."

Il était difficile, quand on ne connaissait pas le jeune dieu, de savoir si ces deux derniers mots étaient moqueurs ou relevaient du compliment.

"Faisons quelque chose, tu veux ? Je vais te dire qui je suis, mais si tu me réponds encore par un de tes jolis sourires ... Mmh, disons que tu auras la confirmation qu'il n'y a pas que cet environnement sur lequel j'ai de l'emprise. Rien ne m'échappe dans ces rêves ; je dirais même que tout ce qui existe ici m'appartient plus ou moins. Je ne sais pas, je pourrais, d'un simple mouvement, d'une simple pensée, effacer ta robe ou te métamorphoser en petite brune."

Un sourire amusé ponctua cette phrase, avant qu'il ne remue la tête - comme pour dire "Je plaisante". A voir s'il plaisantait réellement. Jouer un peu au con, il savait le faire et, surtout, il aimait le faire. Il se leva et, les yeux rivés dans le ciel, sur les petites ruines antiques, les feuilles froissées par le vent, il fit le tour de la chaise sur laquelle elle était assise, avant de s'arrêter dans son dos. Ses mains se posèrent sur le dos de la chaise.

"Je m'appelle Oneiros."

Il souffla.

"Mmph, non, je pense que ça ne te dit pas grand-chose sur moi. Disons que ... Il y a des années de ça, à une époque que je n'arrive même pas à me figurer, n'existait que le Chaos - un Chaos qui ne connut sa fin qu'à l'arrivée des premiers êtres ; les divinités. Il y en a beaucoup, je vais t'épargner tout ce récit, mais l'un d'eux, l'un des premiers dieux, s'appelait Hypnos ; on le connait mieux sous le nom du Sommeil."

Le jeune dieu prit une lente inspiration.

"Le Sommeil ne va pas sans les songes, alors ... Alors, à ma naissance, je l'ai rejoint. Depuis ce jour, je fais partie des songes tout comme il font partie de moi - et ce monde m'appartient. J'y passe le plus clair de mon temps, et je t'y croise assez souvent."

Ce léger excès d'orgueil le fit sourire. Tranquillement, d'un pas lent, il se replaça en face d'elle, souriant.

"Je suis donc bien placé pour savoir que tu n'es ni une déesse, ni une créature divine. Il est légitime que je sache qui tu es, tu ne crois pas ? "


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