Crazy Taxi - [Nico]

La bulle de chewing-gum éclata. Avec adresse, elle glissa de nouveau la boule pâteuse d'un rose écœurant dans sa bouche qu'elle se remit à mâcher avec allégresse. Mains dans les poches de son short, elle donnait de temps en temps un coup de pied dans une canette ou autre déchet qui traînait sur le macadam. Un coup d'oeil furtive au bracelet montre qui ceignait son poignet et elle se rendit compte qu'il était l'heure.

Cela faisait depuis le début de l'après-midi que Solace traînait ses basques dans le centre-ville, sans but aucun. Après s'être joyeusement empiffrée dans un fast food sous l’œil à la fois fasciné et dégoûté des employés, elle avait traîné une bonne heure dans les boutiques ressortant un peu déçue. La raison de cette longue attente était un boulot confié par un des mafieux dont elle ne se rappelait jamais le nom (Steve, Akira, Samuel ?) et qu'il lui avait précisé et reprécisé qu'un paquet devait être délivré à temps à une adresse donnée. C'était important. Plus encore... c'était capital. Elle s'était donc retrouvé avec un sac en plastique dans lequel avait été fourré un petit colis dont il était presque impossible de deviner le contenu, étant donné qu'il était enveloppé dans plusieurs couches de papier kraft. Tant pis. Pour une fois, elle combattrait sa curiosité, puis vu les types qui lui avaient confiés le job il était voir probable que celui-ci ne soit pas vraiment intéressant. Et le type avait insisté... vraiment insisté. Bien sur, elle aurait pu s'en débarrasser, jeter le truc dans une poubelle et se frotter les mains : problème résolu. Mais, la jeune femme n'avait pas encore essayé au moins une solution facile. L'affaire n'était donc pas terminée.

Son salut vint sous la forme d'un petit taxi à quelques mètres d'elle. Prenant un instant pour remercier les forces divines à l'oeuvre, elle se précipita sur le véhicule... vide.

Alors qu'elle observait l'heure, quelque chose tilta dans son esprit. L'heure... L'HEURE. La circulation ! Solace laissa échapper un chapelet de jurons avant de tourner la tête de droite à gauche, puis de presser le pas. Oh oui, elle était dans la panade. Les voitures s'alignaient, les klaxons résonnaient dans l'air, et... elle était en retard. Le type avait dû avoir une urgence et avait laisser le véhicule sans surveillance. C'était une aubaine ! Elle s'installait au volant, trépignant de joie avant de tourner la clé qui était encore dans le contact. C'est à ce moment qu'un type courtaud sortait de la petite bâtisse à proximité, faisant de grands gestes dans sa direction. Trop tard. Elle mit le pied au plancher et la voiture démarra dans un grand crissement.  

La voie était royale. Alors qu'à côté de Solace, les visages gris des conducteurs bloqués dans le trafic défilaient, elle exhibait un magnifique sourire, les narguant alors qu'elle continuait à accélérer. Il ne lui fallut pas longtemps pour atteindre sa destination. Un type en costume vint à sa rencontre, regarda son "carrosse" sans un mot et l'invita à sortir. Ses doigts serraient fermement le petit paquet alors qu'elle entrait dans la petite boutique. Derrière le comptoir se trouvait un vieil homme qui lui adressa un signe de la main courtois avant de se replonger dans son boulot. L'échange vu bref et le paquet changea de main. Désormais, il ne lui restait plus qu'a tranquillement repartir vers d'autres aventures. Au lieu de laisser là le véhicule (cela aurait été du gâchis) elle se ré-engouffra à l'intérieur, tapotant sur le tableau de bord sur le rythme d'une mélodie imaginaire. Apercevant une silhouette dans son rétroviseur, elle se retourna... pour se trouver nez à nez avec un "client". Avant qu'elle n'ait eut le temps de dire quoique ce soit, les sirènes de police retentirent.  

Oups.

La dernière note d'une longue mélopée envoutante achève l’audience déjà conquise. Assemblés autour d'une jeune fille jouant de la flûte au coin de cette rue fréquenté, les applaudissements font échos aux pièces tintant les unes contres les autres dans la casquette posé devant l'artiste. La jeune fille salut ses admirateurs d'un jour en s'inclinant poliment, ses deux longues tresses rose et blonde suivant le mouvement. Contente de sa petite cagnotte elle ramasse sa casquette et empoche le précieux butin, prend son sac pour y ranger l'instrument doré et inspire longuement après cette longue journée. A présent il faut rentrer à l'hôtel.

La petite demoiselle toute souriante se met en route, il y a un monde fou à cette heure dans les rues et sur la route, elle doit même attendre son sandwich pendant presque vingts minutes en trépignant dans une file de gourmands. Une fois son petit estomac remplis une seule envie subsiste, celle de se reposer, dormir. Elle baille d'ailleurs longuement et se prend un lampadaire en pleine tête par inadvertance. Heureusement un passant s'arrête pour la remettre sur pieds, non sans afficher une mine confuse après avoir eu l'occasion de jeter un œil à sa culotte sous la jupette verte et noire s'étant subrepticement relevé. Le sourire gêné et les joues roses d'embarras de la jeune fille ne font que renforcer ce sentiment qui le fait un peu fuir sans demander son reste.

Si cet étranger se montra prévenant avec elle, il n'en est rien pour la vague suivante qui n'hésite pas à la bousculer, la pousser, la faire sursauter en lui disant de bouger. C'est comme si elle s'était soudain retrouvée dans un flipper jusqu'à ce qu'elle soit propulsé contre un banc sur un SDF entrain de dormir sa bière à la main. Ses excuses muettes ne font que l'énerver et elle fuit avant de recevoir la canette dans la tête. Décidément les grandes villes sont vraiment trop dangereuses pour elle, si elle n'était pas ici pour un événement particulier elle serait partis depuis bien longtemps vers d'autres horizons.

La marche à pied repris avec difficulté, d'autant qu'un énorme porc lui marche sur les pieds quand elle passe devant une boutique de costume. L'expression muette de son hurlement le fait rire, s'en est encore plus insupportable, elle se met enfin à courir de petites larmes aux coins des yeux. Malheureusement courir avec les yeux embrumés n'est toujours pas  une bonne idée quand on est aussi maladroite que la petite bicolore, elle trébuche sur une laisse de chien, tombe sur un enfant et se fait insulter par sa mère. Vite vite elle se relève comme elle peut et fuit la nouvelle situation. Son salut est là, un taxi! Tant pis pour les économies elle paiera le trajet et pourra enfin rentrer tranquillement pour retrouver son lit. Les chauffeurs de taxi sont toujours très respectueux du code de la route! Super!

Toute contente elle essuie ses petites larmes et s'engouffre dans le véhicule en souriant naïvement. Le chauffeur n'est pas encore là mais peu importe, elle attendra le temps nécessaire dans cette carapace d'acier bien plus sure que la jungle citadine qu'elle viens de traverser. Peu de temps  après le chauffeur arrive, un drôle de chauffeur mais peu importe.

La petite commence à fouiller sa poche pour trouver le bout de papier avec son adresse pour indiquer sa destination... c'est à ce moment que les hurlement des sirènes de police retentissent. La désagréable sensation au creux de son ventre et son petit sourire crispé semble indiquer qu'elle de doute qu'elle va encore devoir affronter un moment difficile, c'est inévitable.

Quelle journée de poisse!

Bon, il ne restait pas beaucoup de solutions potentielles. Au diable les convenances. Elle aurait bien été désolée pour la pauvre âme qui se retrouvait pris dans ses péripéties, mais pour le moment son attention était accaparée par les lumières qui brillaient dans son rétroviseur, et les passants qui pointaient du doigt, avec un air ahuri, la flotte de bagnoles qui se dirigeaient dans leur direction. «  Eum... je...  » Elle allait l'inviter à sortir, après tout elle n'avait pas besoin de traîner quelqu'un d'autre dans ce foutoir. Puis avouons-le ça risquait sans doute d'être plus gênant qu'autre chose.

«  ACCROCHEZ-VOUS.  » hurla-t-elle à la passagère avant d’écraser l'accélérateur. La voiture démarra au quart de tour, relâchant un panache de fumée noir qui fit tousser quelques badauds qui s'étaient rassemblés derrière le taxi. Bien heureusement, aucun n'avait eut la mauvaise idée de se placer devant, c'était déjà ça. Solace sursauta légèrement lorsque les pneus heurtèrent le trottoir... et elles étaient en route. Elle récupéra facilement la distance que les voitures de flics avaient avaler pendant sa course, mais ils leur collaient toujours au train. Elle alterna entre le rétroviseur et le pare-brise avant, tout de même, de voir ce qu'ils se passaient devant elle. «  Pas trop tôt.  » marmonna-t-elle.

Ses mains serraient le volant, le faisant brutalement tourné lorsqu'elle aperçu, un peu tard, une voiture qui tournait à un carrefour. Le taxi effectua un dérapage avant de redémarrer vers la droite. Elle aperçu dans l'un des rétroviseurs la collision fatidique entre une caisse d'un policier et un pauvre malheureux qui était en train d'effectuer un créneau. Tout de même soucieuse du bien être et de la sécurité de la jeune femme, elle se jetait fréquemment de petits coups d'oeils à celle-ci via le rétroviseur intérieur. Pas folle la guêpe, parce que si on la chopait et qu'on lui collait kidnapping et agression comme chefs d'accusation...

«  Eh derrière ça va ?  » cria-t-elle pour couvrir le bruit du moteur. La pauvre. Elle devait être méchamment secouée vu la vitesse et la tenue de route que Solace avait adopté. Un autre tournant fit pencher un peu le taxi, derrière les sirènes continuaient à rugir... et il lui semblait qu'il y avait de plus en plus de bagnoles de flics.

A peine la petite bicolore commence son habituel manège pour indiquer qu'elle ne peux parler que par des gestes en levant le doigt qu'elle est projetée en arrière sur le banquette. Les petites jambes de la jeune fille cherchent à retrouver la sécurité relative du sol en gesticulants en l'air, la jupe tombant sur elle en cachant sa vue et en révélant ses dessous à tout les passants pour peu qu'ils aient des yeux suffisamment rapides. En effet la voiture ne cesse d'accélérer et de... tourner! La bouille d'ange s'écrase contre la vitre d'un côté, puis de l'autre, puis manque de passer par dessus le siège passager au bout d'un moment suite à un freinage infernal. Immédiatement elle se fait rejeter au fond de la banquette mais cette fois elle réussit à rester assise, les ongles perçants presque le tissu des sièges ses yeux sont grands ouverts et sa mine crispé à l'extrême. Des gouttes de sueur perlent, son teint pâlit, et le rictus tiquant au coin de ses lèvres annonce un choc particulièrement violent.

Elle nota enfin la jeune femme au volant cherchant à la rassurer en criant, lui posant des questions ridicules. Bien sur que non ça n'allait pas, comment est-ce que ça pourrait aller? La promesse d'un délicieux repos s'était transformé en véritable cauchemars éveillé aux bruits tonitruants insupportables. Les sirènes, la conduite sportive, les cris de la conductrice aux cheveux bleus, tout cet amas de sensations percèrent tant les tympans de la gamine qu'elle fini par tourner de l’œil à l'arrière. La cavalcade continua sans elle, empirant même. Comme une poupée de chiffon elle se fait jeter dans tout les sens, ses vêtements se déchirants sur chaque petit bout de métal qui dépasse, sa peau se couvrant de bleus, ses cheveux à présent détachés volants dans tout les sens en un feu d'artifice spectaculaire. Elle fini par se retrouver jetée à bas derrière les sièges de devant, ainsi bloquée elle bougea beaucoup moins malgré les tours et les détours toujours plus approximatifs dans des rues toujours plus étroites.

La course poursuite dura un temps indéterminé jusqu'à enfin sortir de la ville pour entrer sur le périphérique. La conduite moins périlleuse sur ces larges routes aurait pût permettre à Nico de reprendre conscience dans de bonnes conditions... Si seulement elles n'étaient pas à contre sens ! La bicolorée se réveille lentement et passe sur le siège passager avant d'attacher sa ceinture, toute tremblante, les yeux larmoyants. Elle jette enfin un regard dans les yeux de son "bourreau" avec l'air d'être passée dans une machine à laver tant ses vêtements et ses cheveux sont meurtris. Son regard est effrayé mais on peut clairement y lire toute l'incompréhension du monde.