La Marque de Cain

Vanessa redécouvrait le plaisir de simplement déguster une crêpe ou une gourmandise, autour d’une table en pleine journée estivale. Surtout, en compagnie d’une personne qu’elle appréciait. Cassandra était d’excellente compagnie et Vanessa aimait chaque minute qui passait avec elle. Leurs crêpes furent servies, et les deux femmes se mirent donc à les déguster. L’agente savourait ce délicieux dessert qu’elle avait, visiblement, un peu oublié depuis. Pourtant, elle a toujours été une fan de crêpe ! Même quand elle vivait en Angleterre, elle en raffolait. Au sucre, à la pâte à tartiner, au caramel … Tout était bon, avec une crêpe ! Cela dit, elle était un peu moins friande des crêpes salées. Toujours était-il qu’elle transmettait avec plaisir ce gout à Cassandra, qui semblait fortement apprécier le dessert.

Surtout quand Vanessa se surprit à la voir manger rapidement. À un tel point que la pauvre fut prise d’une petite crise de hoquet. « Il ne faut pas manger trop vite Cass’ ! » Lui dit Vanessa, en lui tendant une petite serviette pour qu’elle essuie les bords de sa bouche. Le hoquet, c’était ce qui arrivait quand on se précipitait. C’était drôle à voir, surtout sur une personne comme Batgirl. Vanessa ne put s’empêcher de sourire en voyant cela. Une femme aussi sérieuse, aussi … Héroïque que Batgirl, qui était prise d’une vilaine crise de hoquet. C’était amusant à voir ! Vanessa, dans sa tête, faisait le parallèle entre Cassandra et sa double-identité et cela la faisait sourire à chaque fois. Car cela lui confirma qu’en fin de compte, même derrière un masque de bravoure et de perfection, se cachait un humain, avec ses faiblesses, ses forces, et ses petites manies.

Et pour le dire ; Vanessa aimait beaucoup l’humaine qu’était Cassandra. Les deux femmes finirent de déguster les deux crêpes, avant que Vanessa ne s’étire un peu. « C’était délicieux, n’est-ce pas ? » Lui demanda-t-elle avec un petit sourire, avant de baisser ses yeux un moment. « Qu’aimerai-tu faire après ? Aujourd’hui c’est ta journée donc, on fait juste ce que toi tu désires … Petite chanceuse va. » Lui dit l’agente en gloussant doucement.

Cassandra enfila un grand verre d’eau pour nettoyer sa trachée, et soupira ensuite de soulagement. Ce n’était pas de sa faute, ce qu’elle mangeait était tout simplement trop bon pour qu’elle se contente de faire la fine bouche. Elle agissait par gourmandise, mais, après avoir passé des années à manger des boîtes de conserve, de la purée infecte, et des rations militaires, manger des viennoiseries, des plats sucrés et chauds, ne pouvaient que la ravir au-delà de tout. Elle rougit donc légèrement suite à sa bévue, et hocha la tête devant la remarque de Cassandra.

« O-Oui… Plus… Plus lentement. »

Elle coupa à nouveau dans la crêpe, et prit, cette fois, le temps de « bien mastiquer », comme dirait Barbara. En voyant Cassandra ainsi, on avait effectivement du mal à l’imaginer sous le costume. Elle paraissait si jeune, si innocente, si… Si enfantine. Comment imaginer que ce soit elle qui puisse se dissimuler sous le costume de Batgril, et aille ainsi vilipender contre le crime ?

« Oui, c’est… C’est très bon. »

Vanessa lui parla de nouveau, expliquant que, aujourd’hui, elles faisaient ce que Cassandra voudrait. Cette dernière, en conséquence, se mit à réfléchir un peu. Puis, très rapidement, l’idée lui vint. Puisque c’était sa journée…

« F-F-Foire ! »

Elle hocha la tête, avant de répéter ce mot :

« Foire ! »

Cassandra avait déjà vu des fêtes foraines, mais elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion de s’y rendre. Pour autant, le peu qu’elle avait vu avait provoqué en elle de curieux frissons d’excitation. Or, le long de la plage, Seikusu d’une fête foraine, la foire de Seikusu. Alors, puisque c’était sa journée, voilà où elle souhaitait se rendre…

À la foire !

Vanessa ressentait beaucoup d’affection envers cette femme. Elle préférait se dire que c’était grâce au fait qu’elle lui avait sauvé la vie il y a quelques jours, que tout autre chose. Pourtant on assistait là à une merveilleuse chose. La naissance d’une belle relation. Vanessa se sentait investit dans sa mission de devenir l’amie de Cassandra, la faire un peu découvrir d’autre choses que ce qu’elle pouvait voir quand elle était dans son costume. Batgirl, c’était la superhéroine badass qui cassait des dents pour protéger les plus faibles. En revanche, Cassandra était une femme très singulière, unique, dont l’enfance lui avait été volé. C’était à la fois touchant et triste. L’ex policière se sentait concernée par cela, et c’était pour cette raison que c’était avec le plus grand des plaisirs qu’elle passait la journée avec elle. Cassandra, malgré son manque de connaissance social, était une femme très agréable et qui était de très bonne compagnie.

Ainsi donc, quand Vanessa lui demanda ce qu’elle désirait faire, elle la laissa réfléchir un peu. La jeune femme réfléchit donc, et finit par donner sa réponse assez rapidement. Sa langue buta un peu au début sur ce mot, puis elle finit par le dire correctement, en hochant de la tête. « La foire ? Excellente idée tient. » Répliqua alors Vanessa, toujours avec son petit sourire doux et bienveillant. Elle acquiesça d’un mouvement de tête, puis se leva en prenant ses affaires. « Allons-y de suite ! La marche nous fera un peu digérer en plus. » Dit-elle, allant avant cela régler la note. Une fois cela effectué, elle revint à Cassandra puis les deux femmes allèrent retrouver le bord de mer. Vanessa aimait de plus en plus cette journée, et elle sentait que cela faisait aussi du bien à Cassandra. Pauvre femme ne pouvait-elle s’empêcher de penser, à chaque fois. Cet … Enthousiasme était à la fois si touchant, mais si triste.

C’était un puissant facteur faisant que Vanessa éprouvait de l’empathie envers elle. Si elle n’avait eu personne, au moins, aurait-il eut Vanessa ! Cette pensée fit sourire un peu l’inspectrice qui marchait, aux côtés de son amie. Ne sachant pas si ce qu’elle allait faire serait bien accepté par elle, elle tenta quand même. Afin de se rapprocher un peu plus d’elle, et d’augmenter leur proximité, Vanessa passa son bras par-dessus son épaule, venant poser sa main sur celle-ci. « On ne t’as jamais prise ainsi Cass’ ? » Lui demanda alors Vanessa, en lui offrant un chaleureux sourire. Vanessa ne pouvait se mentir à elle-même ; elle voulait dorloter Cassandra, tellement celle-ci était, malgré tout ce qui s’est passé, attendrissante. Bien sûr, elle ne savait pas si l’intéressée allait bien le prendre ou non mais, elle pouvait refuser à tout moment.

Cependant, la chose qui était un peu moins évidente, c’était le fait que le cœur de Vanessa s’était mis à battre un peu fort au moment où elle avait passé son bras. Sans doute l’appréhension de faire un tel geste, pensa-t-elle. Mais était-ce réellement ça, au fond ? Personne ne pouvait le savoir à ce moment-là, et seul le temps dirait ce qu’il en était donc.

Éduquer Cassandra, ou, plutôt, la rééduquer, était pour Barbara un exercice constant, de tous les jours. Cassandra était une adolescente, en pleine fleur de l’âge, à qui il manquait des pans entiers de personnalité. En théorie, elle aurait dû finir dans un foyer, et, si Barbara n’avait pas une aussi mauvaise réputation des foyers et des orphelinats (à Gotham, ces endroits étaient immondes), elle aurait très certainement fini là-bas… Si tant est que sa pathologie puisse être soignée comme n’importe quelle autre pathologie. Cassandra avait été éduquée pour être une tueuse, et était relativement amorale. Il avait donc fallu commencer par lui apprendre que tuer était mal, qu’il ne fallait pas le faire. Un tel apprentissage avait pris longtemps, et n’était d’ailleurs toujours pas terminé. Cassandra restait affectée de lourdes pathologies qui continuaient à la perturber, et il était fort probable que la présence de Vanessa ne puisse, à l’avenir, que lui être prolifique.

Les deux filles marchaient donc vers la foire, et, à cette idée, l’esprit de Cassandra fourmillait déjà de multiples envies. Les grands manèges, les chansons, les lumières… C’était vraiment un endroit qu’elle adorait beaucoup, et elle était ravie d’y aller, encore plus en compagnie d’une amie.

Ainsi, tandis que les deux jeunes filles marchaient, Cassandra avait les yeux dans les étoiles lorsqu’elle sentit soudain le bras de Vanessa se poser derrière sa tête, filant sur son épaule. Surprise, elle en sursauta légèrement, avant de regarder la femme, clignant des yeux à plusieurs reprises. Vanessa lui demanda si on ne l’avait jamais prise ainsi, et les joues de la jeune femme s’empourprèrent légèrement.

« Je… N-Non… »

C’était… C’était une sensation très troublante. Quelque chose qui amena Cassandra à venir soudain se ruer contre Vanessa, entourant ses bras autour de sa taille, enfouissant sa tête à hauteur de sa poitrine.

« Câlin ! »

Pour elle, c’était ça que Vanessa venait de faire…

Un câlin !

Vanessa adorait les câlins, c’était quelque chose d’indéniable. Elle le remarqua d’autant plus quand Cassandra se serra contre elle, l’entourant de ses bras suite à son accolade. Cette femme était si touchante, malgré tout. Une innocence troublante, mais qui était belle. Vanessa se disait qu’elle ferait tout pour l’aider, même si au fond … Elle ne désirait clairement pas que Cassandra perde cette innocence quand elle était elle-même. Quand elle était Batgirl c’était autre chose. Mais, en civil, l’inspectrice désirait tout sauf voire Cass’ perdre de cette lueur presque enfantine bruler dans ses yeux. Rien que le fait d’aller à la fête foraine avec elle était quelque chose de singulier. Même si, une fête foraine était ouverte à tout le monde, de tout âge. Vanessa sourit donc face à cela et hocha doucement la tête quand Cassandra prononça le mot câlin.

« Tu n’es pas sortie d’auberge avec moi car … J’adore les câlins ! » Lui répondit-elle d’un air complice. Ainsi, l’une dans les bras de l’autre elles marchèrent tranquillement vers le lieu de la fête foraine. Deux amies, deux compères qui apprenaient à se connaitre en se faisant plaisir. Vanessa sentait déjà son âme d’enfant s’éveiller, rien que lorsqu’elle imaginait les montagnes russes, ou l’odeur sucrée des barbes à papa. Quelques minutes plus tard, voici que nos deux protagonistes étaient enfin arrivées. Vanessa prit une grande inspiration, et sourit en voyant la scène qui s’offrait à elle. Oui, c’était définitivement une très bonne journée ! Les rires, les sourires, les bonnes odeurs … Une journée parfaite pour elle et Cassandra, surtout.

« Alors Cass’, t’aimerai commencer par quoi ? Les montagnes russes, les auto-tamponneuses ? Ou bien la barbe à papa ? » Lui demanda-t-elle avec un sourire. Si ça n’en tenait qu’à la jeune femme, ele se serait jeter sur les auto-tamponneuses, car c’était l’une de ses attractions préférées. Enfant, elle se souvenait que c’était la première où elle allait quand ses parents l’y emmenait. Cette habitude ne l’avait pas quitté maintenant qu’elle était une adulte, visiblement. Même si, pour le coup, elle laissait le plein choix à son amie. De toutes les façons, même si elles ne commencent pas par cette attraction, elles pourront toujours la faire après. Aujourd’hui c’était une journée faite pour s’amuser, donc il n’y avait pas d’interdits ou de concessions !

La foire… Les lumières, les musiques, les hurlements de joie, les rires, les délicieuses odeurs de grillades s’échappant de stands proposant gaufres, glaces, crêpes, churros et croustillons… Le cœur de Cassandra se mettait à bondir dans sa poitrine en voyant tout ce spectacle autour d’elle. Ses yeux papillonnaient furieusement dans ses orbites, et elle regardait autour d’elle, incapable, sur le coup, de répondre à Vanessa, qui lui demanda ce qu’elle voulait faire. Cassandra avait déjà vu ce genre de choses grâce à Barbara, et elle était déjà venue à la foire… Mais sous la tenue de Batgirl. La nuit, l’endroit était féérique. Seikusu pouvait se targuer d’avoir une fête foraine ouverte toute l’année, financée par les grandes fortunes de la commune, comme l’était le lycée Mishima. Tournoyant sur elle-même, Cassandra observait ce spectacle, puis émit un sourire à l’attention de Vanessa, un sourire qui remontait jusqu’à ses oreilles.

Elle ouvrit alors grand les bras, et regarda Vanessa en lui répondant :

« Tout ! »

La jeune femme voulait tout faire, et observait la montagne russe avec fascination, en voyant les nacelles redescendre à toute allure, pour remonter, décrivant des virages serrés. Et, tout en marchant, elle se rapprocha des auto-tamponneuses, voyant un grand stand où des espèces de petites voitures glissaient sur un sol brillant, se rentrant dedans, ce qui ne manqua pas de l’interpeller. Pour elle, une foire, c’était quelque chose d’inédit, comme les feux d’artifices, ou, de manière générale, toute manifestation de joie collective.

Surprise, elle contemplait donc ce curieux spectacle, en constatant que les gens semblaient amusés. Certains étaient deux dans les autos, rigolant entre eux, et fonçaient délibérément sur les autres. Troublée, Cassandra voyait encore une chose dont elle allait devoir s’entretenir avec Barbara plus tard… Mais, pour l’heure, il n’y avait que Vanessa pour l’aider. Néanmoins, formuler ce qu’elle avait en tête était plutôt difficile, alors elle se racla la gorge, et désigna de la main le stand, en posant un seul mot :

« Pourquoi ? »

Pourquoi ces gens s’amusaient-ils en se rentrant dedans ?

Pour la jeune femme, ça n’avait aucun sens !