Mon nouveau lieu de travail... [PV Mary Jane]

C'est d'un air absent que Makoto écouta la radio ce matin là, en mâchouillant sa tartine de confiture. Les actualités de Seikusu lui passaient un peu par dessus la tête depuis que sa carrière d'Idole c'était achevée brutalement quatre ans auparavant, et qu'elle enchaînait les petits boulots. Son agance avait mis fin à son contrat pour une raison proprement stupide, et elle ne s'en sortait vraiment que grâce à l'argent issus de la vente de ses disques, la seule chose que son producteur n'avait pas pu lui prendre. Toutefois, elle ne pouvait pas continuer ainsi. Il lui fallait donc absolument trouver un emploi stable. Makoto fini donc par ouvrir le journal en recherche de petites annonces. La jeune femme préférait largement cette méthode plutôt que de passer par agence pour l'emplois ou par internet, qui n'apportaient aucun résultats, plus particulièrement dans son cas.

Elle tomba ainsi sur plusieurs offres d'emplois plus ou moins intéressantes... Mécanicienne dans un garage ? Bof, c'était pas trop son truc et elle ne tiendra pas plus d'une journée... Serveuse dans un fast-food ? Mouais, ça pouvait le faire, mais on ne lui donnera sans doute pas plus de deux mois et avec un salaire d'étudiants, et encore... Animatrice dans un centre aéré ? Elle ne sera jamais prise au sérieux... Elle feuillta ainsi le journal encore quelques minutes, jusqu'à finir par voir une annonce écrite en tout petit dans un coin.

Recherche chanteur/chanteuse en vue de l'ouverture d'un cabaret au Japan Broadway.

Travail prévu pour le soir, avec possibilité de travailler tous les jours de la semaine.

Aucune expérience professionnelle requise, simplement la volonté de travailler.

Envoyez CV et lettre de motivation par voie postale ou par voie électronique aux coordonnées suivantes (de plus amples informations disponibles sur notre site Internet.)

Une carrière de chanteuse dans un cabaret... Certes, elle avait l’expérience, mais c'était sur une grande scène, pas dans un cabaret... Cela pourrait être intéressant... mais encore fallait-il qu'elle soit acceptée. Enfin bon, elle n'avait rien à perdre à postuler et ce n'était pas en restant ici qu'elle aura sa réponse. Aussi, Makoto décida t-elle de se rendre aux coordonnées indiquées en dessous de l’annonce, et s'habilla rapidement d'un jean et d'un survet'. L'avantage d'avoir son physique - le seul avantage à vrai dire - c'était qu'elle ne faisait pas tripoter dans les transport, les pervers la prenant souvent pour un jeune ado.

Il lui fallut trois quarts d'heure pour arriver jusqu'à l'adresse indiquée dans le journal, qui s'avéra être une boite de nuit. Pour l'heure, celle-ci était fermée - en même temps, il n'était que 10h passé - et Makoto frappa donc à la porte, attendant ensuite qu'on vienne lui ouvrir, les mains croisées dans le dos.

Petit à petit, l’oiseau faisait son nid. Ce vieux proverbe pouvait très bien s’appliquer au Japan Broadway, le club de Mary Jane Watson. Conçu initialement comme un simple night-club, son club tendait à se diversifier, car MJ essayait d’attirer la clientèle la plus large possible, en surfant sur le fait que la culture occidentale intéresserait nécessairement les Japonais. C’est à cette fin que, parallèlement à la boîte de nuit, MJ comptait ouvrir un endroit un peu plus distingué, destiné à une population plus adulte, un restaurant/cabaret, le genre de trucs qui faisaient florès à Manhattan. Son immeuble était suffisamment vaste pour qu’elle puisse ouvrir le cabaret de l’autre côté, et elle était en train d’aménager ce dernier. Sa stratégie reposait sur l’idée de permettre à toute une famille de venir, les parents allant au restaurant/cabaret, les adolescents au night-club, et, pour les plus petits, elle comptait aussi ouvrir une salle d’arcades, et avait, à ce titre, commandé des pachinkos, et d’autres trucs, comme des tables de air hockey.

Lentement, donc, son club prenait forme, mais elle avait besoin de personnel... Notamment des artistes et des chanteurs pour le cabaret. MJ avait avec elle les souvenirs des cabarets de Broadway. Elle avait donc besoin d’artistes, d’humoristes, et donc de chanteurs, d’où le fait d’avoir recouru à de multiples petites annonces sur les journaux locaux. Le Japan Broadway était encore jeune, mais il marchait bien, étant en plein essor, ce qui, selon son cabinet d’experts-comptables, était vraiment une bonne chose. Une excellente dynamique, due essentiellement à la motivation de Mary Jane, véritable bouc-en-train, que rien ne semblait pouvoir calmer.

Elle avait reçu il y a quelques jours une proposition pour une chanteuse, une certaine Kikuchi Makoto. Mary Jane avait mené une recherche rapide. La jeune femme savait que, au Japon, la J-Pop était un phénomène de mode, mais dont le problème était l’absence de noms peinant à s’imposer, et ce à cause, non pas du talent des jeunes groupes, mais de la politique des studios et des producteurs, qui se prenaient de grandes marges de bénéfices, et exploitaient littéralement les groupes. La J-Pop était un mouvement en plein essor au Japon, qu’on retrouvait dans le reste de la sphère asiatique sous d’autres noms, comme la K-Pop au Corée. Pour en avoir écouté un peu, Mary Jane devait bien admettre que le style était assez entraînant.

Kikuchi Makoto, donc, avait été une star japonaise, et Internet recelait d’articles sur elle. Une idole japonaise, qui avait eu une destinée tragique. Qu’une star vienne postuler à un club jeune n’était pas sans surprendre MJ, car Kikuchi avait fait des concerts le long du Japon, mais, peu à peu, avait fini par sombrer dans l’oubli. Une histoire tragique, donc, car elle avait été violée et battue par son père... En plus d’avoir un problème hormonal, qui faisait que son corps n’arrivait plus à grandir, la coinçant dans le corps d’une jeune adolescente de quinze ans, légèrement anorexique.

*Est-ce qu’elle compte relancer sa carrière avec moi ?*

MJ avait accepté l’offre, flattée d’avoir une artiste si connue... Et compréhensive. Elle aussi, sa propre carrière d’actrice avait été un échec cuisant, et, sur ce point, la jeune femme pouvait donc comprendre la femme... Ainsi que sur la question de son père. Si MJ avait vécu avec sa tante, Anna, ce n’était pas pour rien. Philip, son père, était un professeur de littérature réputé, mais qui avait toujours souffert du fait d’être un piètre écrivain. Lui qui avait toujours voulu être romancier n’avait jamais eu un seul best-seller, mais seulement une série de navets, des livres fades et creux, aux intrigues molles et aux personnes insipides. En colère contre lui-même, il avait peu à peu laissé sa frustration s’abattre sur son couple, sur Madeline, sa mère, ainsi que sur la grande sœur de MJ, Gayle. C’est ainsi qu’Anna avait fini par se retrouver en charge de Mary Jane, après des années à voyager de villes en villes, développant ainsi chez Mary Jane l’amour du voyage... À tel point qu’elle avait fini par se retrouver au Japon.

Un rendez-vous avec Kikuchi avait donc été fixé à dix heures du matin, et, dans le Japan Broadway, comme très souvent, de la musique déferlait. Cette fois-ci, la playlist avait laissé David Bowie chanter son Rebel, Rebel, une musique qui résumait à elle seule tout le rock’n’roll des Seventies... Toute une époque, celle où on pouvait fumer en grattant sur sa guitare, avec des coupes de cheveux improbables.

On toqua à la porte, alors que MJ était assise à côté du bar. La femme se redressa rapidement, et baissa un peu le son, puis alla ouvrir la porte... Et baissa la tête.

*Oh... Effectivement, elle est petite...*

Ce qui n’empêcha nullement MJ de lui faire un sourire éblouissant :

« Salut, Kikuchi ! Tu vas bien? Je t’en prie, rentre ! Je suis contente de te voir !! »

Avec son débardeur noir et son jean bleu, MJ détonait dans le rôle de patronne...

Makoto n'eu pas à attendre très longtemps avant que la porte ne s'ouvre, laissant place à une jolie rousse sulfureuse, dans un jean slim et un mini haut très sexy... Le genre de physique qui laissait un arrière goût d'amertume lorsque la jeune femme se comparais à de tels bombes. Quand elle songeait que c'était à cause de ses problèmes de croissance, Makoto avait envie de hurler. Evidemment, elle ravala cette envie et répondit aux sourire de la rousse.

- Salut, Kikuchi ! Tu vas bien?

- ça va, merci.

- Je t’en prie, rentre !

- Avec plaisir.

- Je suis contente de te voir !!

Makoto passa donc le pallier, ne se formalisant pas qu'elle l'appelle par son nom de famille tout en la tutoyant. C'était une habitude du lycée et sa petite taille donnait l'impression qu'elle venait d'entrer au lycée. M'enfin tant qu'elle ne lui demandait pas si elle avait des soucis avec ses camarades de classes et qu'elle oublie que la jeune femme n'appartenait plus au système éducatif, tout devrait bien se passer. Plutôt que de ressasser ses pensées négatives, Makoto préféra ainsi détailler les lieux, ce qu'elle espérait être son nouveau lieu de travail, sur le long terme. L'endroit était assez spacieux, avec une piste de dance relativement moderne, des tables et des sièges autours pour consommer, une scène assez grande et un bar qui prenait une bonne moitié de la largeur de la salle. Elle nota également des escalier plus loin, signe qu'il devait sans doute y avoir plusieurs étages.

- Avant de commencer, je voulais préciser que je n'ai pas vraiment l'habitude des cabarets... Plus celle de chanter pour des ados à vrai dire... Aussi, je voudrais en savoir plus sur ce sujet...

Makoto espérait surtout que, si le cabaret ne lui convenait pas, elle pourrait au moins rester pour la salle des plus jeunes... Elle avait absolument besoin de ce travail. Même être seulement serveuse dans le pire des cas...

La bonne humeur de Mary Jane était quelque chose contre laquelle il était difficile de lutter, contre une sorte d’inébranlable mur qui se dressait fièrement contre l’amertume et le désespoir. Malgré tout ce qu’elle avait vécu aux États-Unis (l’incident d’avion, sa capture par un maniaque se prenant pour Peter, l’échec de sa carrière à Hollywood, la destruction de son club, l’attaque du Bouffon Vert sur elle et ses amies), Mary Jane restait une femme très optimiste. La Rousse laissa donc Kikuchi Makoto entrer, cette dernière répondant sur un ton calme, posé, presque détaché ; à ses invectives. MJ referma la porte derrière elles, et laissa le soin à Makoto de voir l’ensemble de la pièce. Elle venait d’arriver dans le cœur du Japan Broadway : le restaurant, faisant office de night club le soir, avec une mezzanine à l’étage, et une piste de danse. Ce qui était bien au Japon, par rapport aux États-Unis, c’est que le disco n’était pas encore totalement mort, tout comme la techno. Si les discothèques occidentales allaient parfois jusqu’à vous balancer du rap, ou, en tout cas, des musiques plus modernes, comme Miley Cirus, et souvent du Daft Punk, au Japon, on pouvait opter pour les classiques des Eighties et des Seventies, comme Boney M. La pop music était en train de faire un grand retour en Asie du Sud-Est, comme une sorte de second souffle, et il fallait se rendre place pour constater le phénomène, ce que MJ avait eu l’occasion de faire.

Après avoir observé les lieux, l’ancienne starlette se retourna vers MJ, qui, elle, était toujours en pleine réflexion. Qu’avait-il bien pu arriver à cette jeune femme ? Elle ne parlait pas tant de ses problèmes de croissance que de sa carrière brisée... Le monde du showbiz était un monde dur et cruel, où on ne brillait jamais longtemps au firmament, et où, dès qu’on commençait à devenir un has been, on disparaissait des radars. C’était sans doute le mieux, car ceux qui duraient ne finissaient pas vraiment bien. Nicholas Brendon, l’un des héros des Nineties pour avoir joué dans « Buffy contre les vampires », était maintenant un vieil alcoolique dépressif. Justin Bieber, le chanteur canadien, était un toxicomane qui, s’il ne faisait pas une overdose, finirait en prison. Le mythe d’Icare continuait à se confirmer, et, pour ces stars qui avaient volé trop près du soleil, l’atterrissage était parfois sans retour.

La question de Makoto tira alors la jeune New-Yorkaise de ses pensées :

« Avant de commencer, je voulais préciser que je n'ai pas vraiment l'habitude des cabarets... Plus celle de chanter pour des ados à vrai dire... Aussi, je voudrais en savoir plus sur ce sujet... »

MJ hocha la tête, et sourit à nouveau :

« Ça tombe bien, tu ne chanteras pas pour des adolescents. Vois-tu, j’essaie de diversifier mon club, de le rendre... Plus cosmopolite. Oh, je ne m’attends pas encore à ce que les aristocrates de Seikusu viennent y descendre... Mais je sais que la législation japonaise est stricte sur les boîtes de nuit, et je me suis dit que ça pourrait être bien d’avoir un système permettant aux parents d’être dans le club en même temps que leurs enfants, sans leur coller sur le dos. C’est pour ça que, parallèlement à mon night club, j’ai utilisé une autre partie de mon espace pour faire un restaurant-cabaret. »

La gérante s’avança, et montra à Makoto de quoi elle parlait. Elles traversèrent un couloir, longeant la salle d’arcades, et, au fond du couloir, une autre porte menait sur le restaurant-cabaret. Il y avait un bar dans un coin, et une série de tables avec, au fond, une estrade et des tapis rouges. En chemin pour s’y rendre, il y avait une petite plateforme qui descendait, séparant ainsi le cabaret en deux : une partie surélevée, et l’autre.

« J’envisage de permettre à des humoristes de se produire, à des artistes itinérants... Et aussi à des chanteurs comme toi. »

On pouvait encore sentir l’odeur de peinture fraîche, mais, au moins, les bâches avaient été retirées.

« Tu en penses quoi ? »