La Fée Dévoilée [PV Senri Dokkyo]

Oriana se trouvait au centre commercial de Seikusu. Même si elle aimait séjourner sur Terra, plus précisément la région appelée Nexus, elle appréciait quand même la Terre. Après tout elle y avait quand même vécu quelques siècles (ou millénaires, elle ne savait plus trop) et elle était en quelque sorte sa seconde patrie, après l'Arcadie. Qui plus est, cette ville, qui ne payait pas de mine, possédait un intérêt non-négligeable vu qu'elle était un foyer où se concentraient différents courants de force psychiques et spirituels.

Pour cheminer tranquillement parmi les humains sans attirer l'attention, elle avait pris l'apparence d'une collégienne tout ce qu'il y avait de plus ordinaire : cheveux noirs, taille moyenne, petites lunettes, traits normaux, uniforme scolaire. Bien entendu elle laissait dans son sillage une douce odeur de fraise mais il fallait vraiment avoir le nez fin pour bien la sentir (à ce sujet elle avait remarqué que les hommes du monde moderne, tout au moins ceux suffisamment contaminés par la Banalité, avaient les sens atrophiés) ; sans compter que les multiples odeurs émanant des différentes boutiques, comme les parfumeries ou les confiseries, masquaient la sienne.

Elle entra dans une librairie et marcha dans les allées au petit bonheur. C'est alors qu'elle poussa un "Ah !" de satisfaction quand elle vit les nouveautés. Oriana adorait les Martine et en faisait collection ; elle avait non seulement tous les albums en français mais également ceux dans les autres langues. Malheureusement, Martine n'avait pas eu droit à une version japonaise. Du moins jusqu'ici.
Ravie, elle ouvrit le premier album : bien entendu c'était en japonais et elle avait toujours eu un peu de mal avec les kanjis mais elle s'en fichait car l'essentiel était de compléter sa collection.

Il était toujours difficile de différencier le vrai du faux, plus encore lorsque le nombre d'information était innombrable. Pour Senri qui cherchait la vérité, tout s'était compliqué ces derniers temps. Le jeune homme avait une question bien précise mais personne ne pouvait vraiment lui répondre, enfin, si sans doute, mais c'était risqué. Tout aussi risqué que de dire à un psychologue que le feu attirait ou qu'on trouvait la chair de bébé délicieuse... Au mieux on lui rirait au nez, au pire, on l'enfermerait. C'était tout aussi simple que ça. Seul dans ses recherches, le jeune homme s'était tourné vers l'une des sources d'informations les plus conséquentes de l'époque : Internet. Mais avec tout ce qui circulait dessus, il était difficile de trouver avec précision ce qu'on désirait. Pire encore, il fallait trier les sites ou les documentations qui disaient tout simplement n'importe quoi. Comme par exemple que les vampires brillaient au soleil alors que le site d'un côté disait que cela les réduisait en cendre. Enfin, c'état de ce genre là.

Cela faisait plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines que le jeune homme avait commencé ses vraies recherches. Bien sur, il avait quelques idées sur le sujet, mais il fallait les vérifier et surtout les clarifier. La plupart de ses recherches le menaient dans des sujets remontant à plusieurs siècles alors il y avait eu le temps des on-dit pour déformer le tout. Ces derniers temps, Senri s'était concentré sur son ordinateur pour naviguer sur plus d'une centaine de site. Aujourd'hui, il allait changer un peu. Le soleil était au rendez-vous et il lui fallait faire quelques courses. C'était l'occasion de sortir un peu.

Ce qu'il n'avait pas tardé à faire d'ailleurs. S'habillant rapidement, comme à son habitude, d'un jean et d'une chemise classique, il avait pris ses affaires et était sorti après avoir fait un tour des vérifications. Dehors, il n'avait pas gambadé joyeusement tel le chien satisfait de sa promenade, bien que.... Cela aurait pu lui arriver. Il s'était simplement dirigé vers le centre-ville de Seikusu et en particulier au centre commercial. Au moins, il serait sur de trouver une bonne librairie car oui, ce serait d'abord par là qu'il commencerait. Ce serait toujours mieux que d'y aller les mains remplies de sacs remplis.

Ce fut donc rapidement que le jeune homme arriva à la librairie pour se rendre directement au rayon qui l'intéressait. Ce n'était pas la première fois qu'il était venu ici alors il commençait à connaitre le chemin comme sa poche. Arrivé, Senri s'arrêta devant le rayon en question et commença sa recherche. Certains noms de livre lui disaient quelque chose, sans doute car il avait vu leur titre sur un site ou deux. Était-ce suffisant comme référence ? Difficile à dire. Longuement, il observait les livres, en prenant un de temps en temps pour voir la couverture, la page de fin ou l'ouvrir pour le feuilleter rapidement. Perdant petit à petit espoir, il reposa un énième livre qu'il avait feuilleté avant de voir un livre caché derrière les rayons. Cachés ? Non, plutôt tombé entre les meubles de rangement. Le titre lui semblait familier. Oui, il l'avait vu sur un site qui en parlait sommairement, bon nombre de commentaire disait qu'il était intéressant et détaillé regroupant alors diverses descriptions de créatures mythologiques ou fantastiques. Curieux de le feuilleter davantage, il essaya de l'atteindre, sans succès. Malgré sa taille, le jeune homme avait la main et le poignet trop large pour passer dans le petit creux qu'il y avait. Frustré, Senri se redressa et regarda les alentours. Pas un vendeur dans le coin... Quelle misère. Fallait-il renoncer ? Non. Il y avait une personne qui pouvait faire l'affaire.

Rapidement, il se rapprocha de celle-ci, une collégienne, visiblement qui semblait s'attarder sur un livre particulier que le jeune homme connaissait de loin sans vraiment aimer ou détester. Enfin, qu'importe ses gouts, il n'avait, à l'heure actuelle, besoin que de son bras suffisamment grand et mince pour passer et attraper le livre qu'il voulait. Arrivé à sa hauteur, il prit la parole sans détour, sa voix assez amicale et douce pour rentrer dans une conversation et commencer par un service.

Bonjour, excuse moi de te déranger mais j'aurais besoin de ton aide. Il y a un bouquin là bas qui est tombé et que je voudrais voir de plus près, mais j'arrive pas à l'atteindre, j'ai le poignet trop large. Est-ce que tu pourrais essayer de l'atteindre toi, s'il te plait ?

La demande était claire, le ton était courtois et la politesse était présente. Bien sur, elle pouvait toujours refuser, mais y aurait-il une raison à ce refus ? Qui dirait non ? Difficile à dire mais en ce monde, il semblait y avoir vraiment de tout.

Oriana allait donc se diriger vers les caisses pour régler son achat quand soudain apparut dans son champ de vision un jeune homme qui devait avoir la petite vingtaine ; il s'adressa à elle d'une voix amicale, lui demandant de l'aider à extirper un livre qui apparemment était coincé : son poignet était trop large mais celui de la Fée ferait parfaitement l'affaire.

- "Le poignet trop large" ? pensa-t-elle, observant le nouvel inconnu qui n'avait pas l'air du tout d'avoir des gros bras de routier ! La requête était bizarre et elle se demanda si ce n'était pas une tentative de séduction, de "drague" comme disent les humains de cette époque. Quoi qu'il en soit, elle ne décela rien d'inquiétant en lui et choisit finalement de lui rendre service. Et puis elle n'avait aucune raison de ne pas se montrer gentille envers un inconnu. Surtout avec une aussi jolie figure !

- Bien sûr ! fit-elle d'une voix douce. Elle se dirigea vers le rayon en question et passa sa main entre les deux ouvrages que lui avait indiqué le jeune homme, essayant d'attraper le livre qui l'intéressait. Effectivement, un poignet fin était quand même nécessaire pour se saisir du bouquin qui avait dû tomber entre les deux rayons quand il avait essayé de s'en saisir ; une pensée amusante lui traversa l'esprit : elle imaginait un gros monstre qui allait lui mordre la main pour avoir osé s'emparer du fameux Livre Mystique et Inconnu dont il avait la garde...

Au bout de quelques secondes, elle parvint, non sans quelques difficultés, à attraper l'ouvrage et elle le tendit, toute souriante, au garçon, lui gratifiant d'un "Et voila !" des plus enjoués.

Avec le léger effort de dextérité et de concentration qu'elle avait dû fournir, son odeur de fraise avait légèrement gagné en intensité...

La jeune femme, ou plutôt l'adolescente, difficile à dire vu son physique et le manque de talent du jeune homme pour deviner l'âge des autres, avait finalement accepté de l'aider. Chouette. Même s'il n'y avait aucune raison de refuser, il n'en restait pas moins qu'elle pouvait le faire sous une excuse plus ou moins bidon. Pas le temps, un rendez-vous urgent, un mal de dos l'empêchant de se pencher, enfin, une excuse un peu stupide pour refuser et prendre la poudre d'escampette. Mais ce n'était pas le cas et l'inconnue le suivi jusqu'au rayon en question. Là, Senri lui indiqua le livre derrière les étagères et lui laissa ensuite la place pour qu'elle aille le chercher.

Il ne fallut sans doute pas longtemps pour que la jeune femme comprenne pourquoi le jeune homme avait demandé de l'aide. La main et le bras n'étaient pas un problème, le hic était le poignet et plus particulièrement l'os du poignet. Enfin, elle réussi visiblement sans trop de mal et se redressa finalement pour le lui tendre. Avec un sourire et un hochement de tête, Senri ne tarda pas à l'attraper pour le jauger de plus près. Il aurait été difficile de dire que ce bouquin ne l'intéressait probablement pas devant elle. Il se contenta alors pour l'heure de la plus simple réaction possible.

Merci.

Simple politesse, simples remerciements. C'était une nécessité, ne pas le faire aurait été peu courtois et bien mal élevé. Enfin qu'importe. Le temps d'un sourire, Senri détailla un instant son interlocutrice avant de remarquer quelque chose qui clochait. Le temps d'un clignement d'œil, il crut voir quelqu'un d'autre. Clignant plusieurs fois des yeux pour revenir à la réalité et oublier cette étrange vision, il sentit alors une odeur de fraise. Assez proche, émanant même de son interlocutrice. Essayant d'éviter de renifler trop fort, il se contenta alors de faire la seule chose possible, demander à son interlocutrice et espérer ne pas être fou.

Dis, y'a une odeur de fraise ou je rêve ?