Ancient Stronghold [Camille Temple]

« Merde, Camille ! »

Je tendais les doigts autant que je le pouvais, dans l'espoir d'attraper la main de Nathan. Mais le contact tant attendu, celui qui, j'espérais, aller rompre le maléfice, provoqua au contre une satanée décharge électrique. Nathan hurla, et se retrouva expulsé vers l'arrière. J'hurlais également, ressentant la douleur du choc jusque dans mes os, dans mes entrailles. Je m'arquais sur le sol, haletante de souffrance. Je ne vis pas Nathan se relever. La douleur courait dans mes veines, comme un feu brûlant. Comme de l'acide. Je sentais la magie corrompu essayer de s'emparer de moi. De ma conscience. Mais je résistais. Je luttais sans cesse, multipliant ma souffrance en refusant de me rendre. Jamais. Je ne me laisserais jamais corrompre. Je suis plus forte que ça. Plus... Forte...

« Bordel, comment je coûte cette saloperie ? »

Les coups de feux qui éclataient les cristaux m'apparaissaient comme assourdi. J'étais dans un état second, au-delà de la peine que je pouvais ressentir. J'entendais les ricanements de Dormin. J'entendais les lamentations de toutes les sorcières qui m'avaient précédées. Je ressentais leur chagrin, mais à un degré moindre. Non, en fait, je ne faisais que le percevoir.

Je sentais aussi le lien avec le molosse s'affaiblir, comme s'il ne pouvait pas lutter plus longtemps. Alors, de toutes mes forces, je luttais pour lui. Pour nous. Je tenais bon, jusqu'à ce que, finalement, la tension cesse. Brusquement. J'haletais toujours. J'étais en sueur. Le sable se collait à ma peau, se coinçait dans mes cheveux, se mêlait à mes vêtements. J'avais chaud. Trop chaud.

Précipitamment, je me redressais. Je défaisais les boutons de ma veste. Je l'arrachais presque, ayant l'impression d'étouffer. Ne restait que mon corset sur mon dos. Je jetais au loin ma veste de cuir, transpirant toujours. Peu après, le molosse vint vers moi, et le lien se renforça. Il se consolida. Il se "répara", dès qu'il posa sa truffe contre mon épaule nue.

D'un coup, la chaleur cessa d'augmenter. Je pus respirer librement, et je levais alors la tête vers Nathan.

« Camille ! Vous allez bien ?! »

Je hochais la tête, incapable de parler pour le moment. Je reprenais mon souffle. Les frissons qui restaient du choc électrique finirent de se dissiper. Enfin, je me redressais. Chancelante. Mais je tenais debout. Tout était calme. Les loups démoniaques étaient repartis. Mais du coup, j'avais comme un mauvais pressentiment.

Mon regard se posa sur les cristaux éclatés. Certains brillèrent encore fugitivement, et je repensais au diadème. Au joyau que j'ai explosé. Serait-ce possible que... Non.. En voulant bien faire, Nathan aurait-il détruit un autre sceau ? Ou bien y avait-il été poussé à le faire, comme je l'avais été pour le diadème ?

Je soupirais, et me rapprochais de l'homme.

« Je vais bien, mais uniquement grâce à vous. Il est plus fort que tout à l'heure. J'ignore comment ça se fait. »

Peut-être avait-il tiré son pouvoir du corps de Kairn ? Après tout, j'ignorais s'il était mort, ou vivant. Il avait juste disparu de devant mes yeux. Comme ça, d'un coup.

« Je pense... Je pense que nous avons peut-être fait une énorme erreur. Sans le vouloir, j'ai l'impression que nous avons détruit un autre sceau. Vous souvenez-vous du diadème, Nathan ? »

Je pris sa main, essayant de percevoir une quelconque influence. Une voix, peut-être.

« Quoiqu'il en soit, je vous remercie quand même. Je n'arrivais pas à lutter. Et si nous avons détruit un autre sceau... Et bien, il va falloir redoubler de prudence. Voilà tout. »

Je passais mon autre main dans mes cheveux, ôtant une grande partie du sable. Puis je la passais sur mon ventre, les stimulus électrique qui vibraient venaient de se calmer.

« Vous êtes toujours sûr de vouloir continuer ? Parce que je pense qu'il va nous falloir entrer là-dedans... »

Désignant le sanctuaire d'un signe de tête, j'avais un petit sourire amer.

« Je suis vraiment désolée de vous avoir attiré dans tout ça. »

Je titubais encore un peu, la faiblesse du maléfice mettant du temps à se résorber. Mais je me raccrochais à l'homme qui m'accompagnait, me tenant à son bras.

Nathan aurait détruit un sceau ? Il considéra cette information sans rien dire, songeur. Oui, il se souvenait du diadème, ainsi que des explications qu’il avait pu glaner auprès de Kairn et de ses hommes. Des sceaux magiques avaient été dressés pour retenir Dormin. Ils en avaient détruit un en brisant le diadème, et, visiblement, le pistolet de Nathan avait brisé une autre barrière... Il aurait pu se sentir coupable, mais il n’avait vu aucune autre option pour secourir Camille. Il avait agi dans l’urgence pour sauver la belle, alors, ce n’est pas vraiment comme s’il avait eu le choix.

*Néanmoins... Peut-être que nous avons arrivé à aller jusqu’ici pour accomplir les plans de Dormin...*

Ils avaient réussi à traverser tout le château, mais aucune des attaques de Dormin, ou de la Reine, n’avaient réussi à les stopper. Comment était-ce possible ? Est-ce qu’ils étaient tout simplement chanceux, ou est-ce que ses attaques n’avaient jamais eu pour but de les tuer, mais simplement de les conforter dans l’idée qu’ils étaient en train d’affronter Dormin ? Le plus simple, partant de là, était peut-être de partir d’ici, de quitter ce château. Malheureusement, Nathan ne voyait pas comment sortir, et il avait clairement vu les barghest, en relevant Camille. Ils étaient un message clair : ils ne pourraient plus partir cette fois. S’il tentait de faire demi-tour, les barghest l’attaqueraient, et la mer déchaînée les bloquerait.

Plongé dans ses pensées, il en ressortit en voyant Camille se tenir le ventre. Il espérait sincèrement que son bébé n’avait rien suite à cette attaque. Camille lui demanda alors s’il désirait continuer, et, avant qu’il ne puisse répondre, elle rajouta, presque gênée :

« Je suis vraiment désolée de vous avoir attiré dans tout ça. »

Un sourire traversa les lèvres de Nathan. Il était un peu plus grand que Camille, et il posa sa main sur le menton de la belle, relevant doucement son visage. Comme elle se tenait à lui, il ne fut pas trop difficile de le faire.

« Hey ! Je me suis foutu dans la panade tout seul en venant ici... Mais c’est une habitude chez moi. Je vous ai raconté que j’avais surmonté au déraillement d’un train, non ? C’est moi-même qui l’avait renversé... Croyez-moi, quand on a survécu à ça, on peut affronter n’importe quelle malédiction de pacotille et n’importe quel sorcier à la noix se prenant pour le roi du monde. Je vous la raconterais un autre jour, si vous voulez, cette histoire. »

Avec du recul, Nathan se demandait comment il avait fait pour survivre à ce maudit train. Il avait affronté un hélicoptère de combat, défié une armée entière de mercenaires lourdement armés et surentraînés. Grièvement blessé, il s’était retrouvé acculé dans un wagon, et, pour s’en sortir, il n’avait rien trouvé de mieux à faire que de tirer sur des bonbonnes de propane. L’explosion avait ravagé le train, et il se souvenait encore de sa situation précaire. Comme un petit pois balancé dans la nature, il s’était retrouvé suspendu dans le vide, accroché à la barre du wagon, tout le corps flottant au-dessus d’un canyon gelé, dans les hauteurs de l’Himalaya, quelque part entre la vie et la mort. Il avait survécu à l’Himalaya, ainsi qu’au Sahara. Une chance insolente à chaque fois, mais le fait est qu’il était toujours en vie. Non content d’être un chasseur de reliques, Nathan était surtout un survivant.

Il observait Camille dans les yeux, sentant bien que, si cette dernière avait avec elle la magie, il lui manquait encore l’expérience, et une certaine forme d’assurance, et de détachement professionnel. Elle était aussi proche de lui, particulièrement belle.

« Néanmoins, reprit-il, avant de vous accompagner, il faut que je m’assure de quelque chose... »

Nathan ne lui laissa pas le temps de répliquer, et se pencha vers elle, l’embrassa rapidement sur les lèvres. Le baiser fut aussi bref que délicieux, et l’homme le rompit, un petit sourire sur le coin des lèvres.

« Voilà qui donnerait à n’importe quel homme de te suivre jusqu’au bout du monde... »

S’ils devaient mourir, autant qu’il ait au moins eu l’occasion d’embrasser la belle. Dehors, les vagues se déchaînaient, et tombaient sur leur petit abri, passant par-dessus les récifs pour les inonder. Nathan avait effectivement raison : il serait désormais impossible de faire demi-tour. La tempête était maintenant bien trop forte, mais elle n’avait rien de naturel.

Il tourna ensuite son regard vers l’entrée du sanctuaire. Dieu seul sait ce qui les attendait à l’intérieur, mais il était résolu à y entrer... Comme quand il avait choisi de poursuivre Lazarevic à Shambala, alors que ce dernier venait de boire l’eau de l’Arbre de la Vie, et que la cité était en train de s’effondrer sur elle-même.

Il affronterait ce Dormin jusqu’au bout, et, même s’il ne servirait à rien dans un duel magique, au moins, il serait là.

« Hey ! Je me suis foutu dans la panade tout seul en venant ici... Mais c’est une habitude chez moi. Je vous ai raconté que j’avais surmonté au déraillement d’un train, non ? C’est moi-même qui l’avait renversé... Croyez-moi, quand on a survécu à ça, on peut affronter n’importe quelle malédiction de pacotille et n’importe quel sorcier à la noix se prenant pour le roi du monde. Je vous la raconterais un autre jour, si vous voulez, cette histoire. »

Je lâchais un petit rire, quand il avoua avoir fait déraillé un train et s'en être sorti. Il me rassura malgré tout. Il m'accompagnerait jusqu'au bout. Un grand poids s'ôta de mes épaules. Je craignais qu'il veuille rebrousser chemin. Oh, je ne lui en voudrait pas. J'avais peur de la suite. Et s'il avait voulu s'en aller... Je ne sais pas si j'y serais allée. Seule. Enfin, seule, avec le molosse.

Je serais ravi qu'il me raconte cette histoire en tout cas, quand nous serons sortis de ce merdier paranormal. Si nous en sortions... Non. Quand. Pas question d'être défaitiste. J'esquissais un sourire, hésitant à prendre la main de l'homme pour le remercier. Hésitant à me blottir contre lui pour me donner du courage. Mais ce fut lui, qui prit les devants.

« Néanmoins, reprit-il, avant de vous accompagner, il faut que je m’assure de quelque chose... »

Je n'esquissais pas un mouvement. A vrai dire, je n'en eu pas le temps. Mais une chose est sûre. Je n'aurais pas reculé. Je pense que je me serais approchée. Que j'aurais répondu. J'entrouvre d'ailleurs les lèvres au moment où il redresse la tête. Je laisse échapper un sourire. Trop bref le baiser. Mais... J'ai quand même eu le temps de ressentir une pointe d'excitation. Il m'a remotivée.

« Voilà qui donnerait à n’importe quel homme de te suivre jusqu’au bout du monde... »

Je souris en retour, venant attraper sa gauche, la serrant contre la mienne.

« Alors, let's go. »

Je pris une grande inspiration, observant l'entrée du Sanctuaire. Ce n'était pas le moment de flancher. C'était le moment de se jeter dans la gueule du loup. C'est un piège. Je le sens. Mais déjà, le savoir ça peut être un avantage. On sera sur nos gardes.

Je ne sais pas combien de sceaux il restait. Cela dit, j'étais déterminée à anéantir Dormin. Nathan avant réussi à me motiver à nouveau. Il me donnait la force de continuer. D'avancer droit dans le mur, si on veut. Avec lui, je me sentais capable de le défoncer, ce mur. Et Dormin. Et peut-être même Damon.

« Droit dans le piège... »

Je me dirigeais alors vers l'entrée du sanctuaire, à pas lents. Le chien nous suivait. La tempête faisait rage, et de là-haut, une meute de loups infernaux nous guettaient.

Le couloir était large, et il déboucha sur une salle rectangulaire. Des piliers ornés de glyphes soutenaient le plafond voûté. En face de nous, une porte ciselée dans le marbre. Des autels étaient disposés aux quatre coins de la pièce. Des chandelles brûlaient à l'entrée, près de nous. De part et d'autre de la porte qui nous faisait face, des coupelles posées, chacune sur un piédestal. Le cuivre scintillait à la lueur des chandelles. On distinguait des motifs, martelés depuis l'intérieur du récipient. A l'intérieur, il devait y avoir de lui, étant donné que les flammes dansaient sur la surface noire.

Dès que je m'avançais dans la pièce, les murs semblaient s'illuminer. Des ombres de silhouettes dansaient dans l'éclat qu'ils émettaient, et une voix rocailleuse tonna alors :

« Camille... Tu es à moi... »

Je sursautais. Non. Je n'étais pas à lui. Pas plus que mes ancêtres.

« Ton enfant est mien. Bientôt... Bientôt je serais de retour sur la terre... Et alors, tout le monde me craindra. Et toi... Toi tu seras ma Reine. La mère de mon hôte. Tu seras la mère de ma descendance... »

Fronçant les sourcils, j'essayais de déterminer d'où venait la voix. Inutile de lui répondre. C'était toujours la même chose. Non, je ne serais pas à lui. Non, il n'aura pas mon foetus. Non, non, et encore non. Je serrais la main de Nathan pour rester concentrée. Un rai de lumière filtra de la porte en face de nous. J'entraînais mon compagnon, le molosse nous devançant. Je poussais la porte, et nous débouchâmes dans une autre pièce, circulaire cette fois. Un immense bassin trônait au centre, le marbre contenant l'eau était incrusté de joyaux. Des sceaux, compris-je, en sentant l'énergie qui s'en dégageait.

« Nous allons te détruire, Dormin. T'anéantir. Et tu n'y pourras rien. »

Une petite voix me soufflait de faire exploser le bassin, et les pierres qui le composaient. Mais je secouais la tête, serrant à nouveau la main de Nathan. Je ne me ferais plus avoir.

Mue par une soudaine impulsion, je tendis la main gauche, la paume face au bassin. Je commençais à accumuler mon énergie au bout de mes doigts. De l'électricité statique crépita autour de mes ongles. Sans lâcher Nathan, je m'accroupis. Le molosse derrière moi vint se placer à mes côtés, collant son flanc contre le mien, laissant sa tête soutenir mon bras tendu. L'énergie crépita de plus belle, formant une sorte de sphère d'étincelles bleues autour de mes doigts.

« Je vais te détruire, Dormin, et tu ne pourras rien y faire. »

Cette fois-ci, pas de boucliers. Je concentre l'intégralité de ma magie au bout de mes doigts. Quand je suis sûre qu'il y a tout ce que je peux produire, je lance. Une flèche de pouvoir traversa la pièce, venant se planter au centre du bassin. L'eau se mit à bouillir. Un dôme de protection couvrit les joyaux, avant que l'eau ne disparaisse, aspirée au fond du trou créé. Puis, une à une, les pierres se décollèrent, s'assemblant au centre du bassin, en suspension, pour n'en former qu'une. Les sceaux brisés n'importaient pas. Qu'importe ce qu'ils avaient libérés. Car tout ce qui composait Dormin fut aspiré par l'énorme joyau trônant au centre du bassin.

Finalement, alors que le joyau lui-même crépitait dangereusement, il se mit à descendre, à tomber vers le trou. Il s'enfonça profondément sous la terre. L'eau remonta, et le trou se combla. Le joyau était dans les abîmes de Terra. Il atteignit bientôt un noyau en fusion, et il explosa. L'entité à l'intérieur se consuma. Impossible pour elle, avec mon énergie protégeant la surface, s'étendant sur tout Terra, de remonter.

Quand je ne sentis plus rien de malfaisant en dessous, mon bras tomba, et je m'effondrais. J'haletais. De la sueur coulait depuis mon front. Je devais puiser un peu dans l'énergie de Nathan -j'aurais pu faire dans celle du molosse, mais il était comme moi. Presque à plat. Il m'avait aidé à annihiler Dormin- Je n'en prendrais pas beaucoup. Juste ce qu'il fallait pour que je ne perde pas conscience, et que je ne perdre pas la maîtrise de mes pouvoirs. Que je ne perde pas mes pouvoirs, tout court.

« Nathan... J'ai besoin... D'énergie... »

Mon regard l'interrogea de façon muette. Je n'attendais que sa permission, et je transférerais un peu de lui en moi.

Nathan voulait lui redonner confiance, mais il n’était pas vraiment convaincu lui-même d’arriver à l’affronter. Il disait ça juste pour la rassurer. La balle était dans le camp de la sorcière. Il avança dans le sanctuaire, prenant son arme. Une porte menait au cœur du Sanctuaire, devant une espèce d’étrange bassin à l’eau troublante. Est-ce que c’est là que se trouvait Dormin ? Dans ce bassin ? Nathan se disait que ce liquide qui remuait à la surface n’était pas une simple eau. C’était un liquide noirâtre, malfaisant. L’aventurier le sentait, mais il ne voyait pas quoi faire contre un tas de flotte. Est-ce que Dormin se résumait à ça ? Un tas de flotte noir ? Camille se mit à l’affronter, dans un duel magique. L’eau se mit à bouillir, s’évaporant peu à peu, jusqu’à ce qu’un joyau maléfique apparaisse au centre du bassin désormais vide. Levant la tête, Nathan vit que l’eau évaporée formait une fumée remuant au-dessus de leurs têtes.

« Euh... Camille ? »

Trop concentrée sur le joyau, Camille ne lui répondit pas, et réussit à enfoncer le joyau dans le sol. Nathan baissa la tête, et vit le gros joyau disparaître à toute allure, s’enfonçant dans les profondeurs du sol. Camille semblait épuisée, et Nathan, toujours indécis. Alors, Dormin était mort ?

*Si j’en crois la loi de Murphy, je dirais que c’est... Un peu trop facile.*

Nathan ne savait plus quoi en penser, et Camille se mit alors à l’implorer :

« Nathan... J'ai besoin... D'énergie... » soupirait-elle.

Nathan tendit sa main vers elle.

« Camille... » commença-t-il.

L’eau qui stagnait en haut sous forme de vapeur remua alors, s’agitant nerveusement, et la pièce se mit à trembler dangereusement, des fissures se formant un peu partout. Elles étaient petites, mais grandissaient progressivement, tandis que de la poussière tombait du plafond.

« Je crois qu’il est temps de décarrer vite fait ! »

Serrant la main de Camille, Nathan se mit à courir rapidement. Ils quittèrent le bassin, puis le sanctuaire, rejoignant la grotte avec la petite plage... L’aventurier vit la fumée noirâtre les dépasser et se matérialiser devant eux. Sous les yeux effarés de Nathan, il vit la Reine apparaître. Elle tendit sa main vers Nathan, et ce dernier sentit une force supérieure s’emparer de lui, et le balancer en arrière. Il poussa un hurlement de surprise et de douleur, ayant l’impression que tout son corps était déchiqueté et découpé en mille morceaux, et s’étala au milieu du sanctuaire, heurtant plusieurs autels. Le sol se fissurait sous lui. Nathan cligna lentement des yeux, et roula sur le sol, en évitant des stalactites... Puis tomba dans un gouffre.

L’éboulement obstrua ensuite la vue, laissant Camille face à son ancêtre... Et son molosse face à une vingtaine de barghests qui formèrent un demi-cercle autour des deux femmes.

« Une sorcière ne devrait pas s’attacher ainsi à un simple mâle sans intérêt, Camille... Tu as détruit le dernier support qui permettait à l’esprit de Dormin de se rattacher ici. Il n’est pas mort, non, mais il n’est plus ici. Il est donc temps pour moi de reprendre mon domaine... Et pour toi de bénéficier de ton héritage. »

Les barghests ne cherchaient pas à l’attaquer. La Reine tendit sa main vers Camille, et insuffla en elle l’énergie magique que Camille avait besoin.

« Tu as vaincu Dormin, mais la puissance qui l’animait se doit d’avoir un nouveau vecteur... Moi, je ne suis qu’un souvenir résiduel, sans corps, un simple fantôme. Toi, Camille, tu es appelée à une grande destinée. Toi et ton enfant porteront ce monde dans le creux de votre paume.. Tu ne dois pas te laisser perturber par des mortels insignifiants comme Desmond ou ce Nathan. Ils ne chercheront qu’à profiter de toi, ou à restreindre ton potentiel. Tu es une Sorcière, Camille, suis les enseignements de notre Déesse, et agis en conséquence. »

« Camille... »

Je pris sa main, reconnaissante. Mais je n'eus le temps de rien faire. La terre se mit comme à trembler, les murs à se fissurer, et de la poussière tombait sur eux à mesure que la pièce tombait en ruine.

« Je crois qu’il est temps de décarrer vite fait ! »

Opinant du chef, bien qu'encore très faible, je suivis Nathan aussi vite que je le pouvais. Le molosse nous suivait. Je trébuchais de temps à autres, mais on arriva finalement sans encombre dehors. Malheureusement, une sorte de fumée nous dépassa, et prit forme devant nous. A mesure qu'elle se matérialisait, je reconnus la Sorcière. Mon ancêtre.

Nathan fut brusquement projeté en arrière, hurlant. Sa main m'échappa. Je ne pus rien faire pour le retenir. Un cri déchira ma gorge, alors que j'étais impuissante à le retenir. Je le vis tomber, sans pouvoir rien faire. Trop faible, je n'arrivais même plus à crier. Des larmes jaillirent de mes yeux, tandis qu'il disparaissait de ma vue. Le molosse essaya vainement de sauter, pour aller le rechercher, mais c'était trop tard. Et il était trop faible pour réussir. Il revint donc près de moi, penaud. Je posais une main sur son encolure, le rassurant. Il n'y pouvait rien. Moi non plus.

« Une sorcière ne devrait pas s’attacher ainsi à un simple mâle sans intérêt, Camille... Tu as détruit le dernier support qui permettait à l’esprit de Dormin de se rattacher ici. Il n’est pas mort, non, mais il n’est plus ici. Il est donc temps pour moi de reprendre mon domaine... Et pour toi de bénéficier de ton héritage. »

Je saisissais à peine ses paroles, mon esprit étant accaparé par Nathan. Etait-il en vie ? Blessé ? Comment allait-il se sortir de là ? Pourquoi l'avais-je entraîné avec moi ? Je me sentais coupable. Triste aussi. Il était le premier homme, depuis Damon, à s'être vraiment soucié de moi. En fait, non. Damon ne s'était pas soucié de moi. Nathan était le seul. Il m'a accompagné, jusqu'au bout, pour lutter contre Dormin.

Ça ne pouvait pas être vrai. Il ne pouvait pas disparaître comme ça.

« Tu as vaincu Dormin, mais la puissance qui l’animait se doit d’avoir un nouveau vecteur... Moi, je ne suis qu’un souvenir résiduel, sans corps, un simple fantôme. Toi, Camille, tu es appelée à une grande destinée. Toi et ton enfant porteront ce monde dans le creux de votre paume.. Tu ne dois pas te laisser perturber par des mortels insignifiants comme Desmond ou ce Nathan. Ils ne chercheront qu’à profiter de toi, ou à restreindre ton potentiel. Tu es une Sorcière, Camille, suis les enseignements de notre Déesse, et agis en conséquence. »

Je sentis alors l'énergie m'emplir. Je levais les yeux, voyant sa main tendue vers moi. Elle m'insufflait son pouvoir. Son énergie. Je me sentis revigorée. Je me sentis forte. Peu à peu, devant moi, la silhouette de la Reine devenait indistincte. Il ne resta bientôt plus qu'une lueur violette. Une luciole qui vint vers moi, et qui se fondit contre la peau de mon front.

Portant la main à mes tempes, soudain prise d'une violente migraine, je fermais les yeux. Sous mes paupières closes, je vis défiler des images. Des souvenirs. Ceux de la Reine. J'entendis le molosse geindre, en me voyant au sol. Et le flash s'arrêta. J'étais tombée à genoux. Je serrais contre moi ce chien des Enfers qui me vouait une fidélité sans borne.

Haletante, je levais les yeux. Les barghests attendaient, face à moi. Ils étaient immobiles. Ils attendaient mes ordres.

Les joues ruisselantes de larmes et de poussière, je leur criais :

« Cherchez Nathan ! Trouvez-le. Aidez-le ! »

J'étais incapable de bouger. J'avais recouvré mes forces. Non, j'avais recouvré des forces. Trop. Je me sentais nauséeuse. A quatre pattes, je gagnais l'éboulement qui masquait l'endroit où avait disparu Nathan. Les barghests n'avaient pas bougés. Je ne sais pas ce qu'ils attendaient.

Peu importait ce qu'avait dit mon ancêtre. Nathan n'était pas comme ça. J'en étais sûre. Prise de rage, et de désespoir, je voulu ôter les pierres une à une. Mais j'ai sans doute mis trop d'enthousiasme dans ma tâche. A peine avais-je pensé à le faire que le tas d'éboulis se souleva, et fila loin, vers la côte, disparaissant au milieu des flots.

Sans réfléchir, je me levais, m'égratignant les genoux. Je courus vers le sanctuaire, en hurlant le nom de l'aventurier.

« Nathan ! Nathan ! Où es-tu ? »

Etait-il conscient au moins ? Etait-il seulement encore en vie ?

« Nathan ! hurlais-je encore, ma voix se brisant sur la fin. »

Le molosse renifla l'air un instant, et se dirigea vers un gouffre qui n'était pas là tout à l'heure. Dans ma tête, mes pensées se bousculaient. Mes pensées, mais également celles de la Sorcière. La voix était ténue, mais présente. Elle me parlait de la déesse. De l'inutilité de s'encombrer de mortels. Je ne l'écoutais pas.

Accroupie au bord du gouffre, je distinguais la forme d'un corps au fond.

« Nathan ! »

Sans plus réfléchir, je tendis la main. Le pouvoir en jaillit, si vivement que je faillis tomber dans le gouffre moi aussi. Il enveloppa Nathan d'une douce lueur cuivrée, et remonta ce dernier. Au fur et à mesure qu'il s'approchait, mon regard brillait, luisant comme de l'or liquide.

Je le posais sur le sol, non loin de moi. Le pouvoir, sans que je ne le contrôle, ou alors inconsciemment, forma autour de nous une bulle protectrice résistant aux éboulements qui pouvaient y avoir.

En nage, haletante, je me penchais vers l'aventurier.

« Nathan... »

Soulagée de le retrouver, je ne calculais même pas mon geste. Je me penchais vers lui, et mes lèvres effleurèrent les siennes. D'abord doucement, puis de façon plus appuyée.

Bien vite, cependant, je me redressais.

« Pardon. Je... Oh, je suis si contente de te retrouver... »

Le gouffre était sans fin, comme s’il plongeait tout droit vers le noyau de Terra. Nathan était tombé dans une faille, son dos avait raclé contre le mur, puis il avait heurté une plateforme, continuant à chuter... Avant que sa main ne s’accroche à un mince monticule de pierre. Son front était ouvert, du sang s’en échappant, se collant à la terre qui maculait son visage. Épuisé, Nathan se cramponnait à ce mince abri, son ultime ligne de vie... Avant de constater qu’il était, encore une fois, suspendu dans le vide. Cette fois-ci, les vents glaciaux de l’Himalaya étaient remplacés par de la pierre noire. Ses vêtements étaient partiellement déchirés et troués, et son corps remuait d’avant en arrière.

*Tiens le coup, Nate, tiens le coup, tu l’as déjà fait, tu as déjà survécu à bien pire que ça ! Ce n’est pas une flaque d’eau qui va t’achever, hein ?!*

Pas une flaque, en effet. Nathan soupira. Des cailloux continuaient à tomber. La surface s’effritait, et son abri lui semblait aussi précaire que ce wagon en équilibre sur lequel il s’était accroché, grimpant progressivement pour rejoindre un endroit solide sur lequel se soutenir. L’aventurier regarda autour de lui. Une légère lueur brillait en hauteur, et il leva son autre main, s’appuyant sur ce monticule, et usa de ses muscles pour se soulever, tout en déplaçant ses jambes, jusqu’à trouver un abri, une sorte d’encoche dans la pierre. Un abri instable, vacillant, mais qui lui permit de se lever. Ses ongles s’éraflaient contre la paroi, ses doigts se tranchaient, ses mains se coupaient, ses vêtements mal en point souffraient encore plus. Tout son corps lui faisait un mal de chien, de la sueur plaquait ses cheveux, et, malgré tout ça, il avait chaud... Chaud à en crever, même ! Il en aurait presque ri. Au Tibet, il s’était gelé les couilles à se transformer en une saloperie de bonhomme de neige, et, ici, il crevait de chaud !

La vie était vraiment une pute. Il se retrouvait encore dans cette position, à jouer à l’homme-araignée pour espérer survivre. Est-ce que Camille était en vie ? Qu’est-ce qui l’avait balancé comme ça ? Il avait senti une force supérieure le renverser, le repousser dans ce trou. Dormin ? Quelqu’un d’autre ? Il savait bien que ça avait été trop facile ! Même malgré sa situation, il ne pouvait s’empêcher de penser à Camille, de se dire qu’il devait la protéger contre cette menace, quelle qu’elle soit. L’aventurier continuait à grimper, cherchant les appuis. Avec cette obscurité, il avait du mal à se repérer, avançant à tâtons, usant de son expérience pour identifier les appuis solides des pièges à putes qui le lâcheraient dès qu’il s’appuierait un peu dessus.

La roche continuait à trembler, ce qui n’augurait rien de bon. Nathan grimpait lentement, comme une tortue, mais il grimpait. Il sentit de nouvelles vibrations traverser la paroi. Des stalactites tombaient du plafond, et il en vit plusieurs foncer sur lui.

« Oh merde ! »

Un stalactite se brisa à quelques mètres de lui, et des morceaux le frappèrent aux épaules. Il faillit lâcher prise, et s’écrasa contre la paroi. Les appuis servant à soutenir ses mains tremblèrent, mais tinrent bon. La roche trembla à nouveau, des fissures supplémentaires se formant.

*Merde, merde, merde, merde !! Seigneur, c’est l’heure du miracle !*

La roche s’effritait sous lui, et, alors qu’il allait à nouveau faire le grand plongeon, il sentit... Comme une espèce de harpon le saisir. Sauf qu’il n’y avait pas de corde, et que quelque chose le heurtait dans le dos. C’était... C’était comme si une main invisible venait de le saisir, et de le soulever. En sueur, Nathan fut ainsi hissé, et se retrouva en quelques secondes dans la grotte, face à Camille... Et à des barghests qui, au lieu de les attaquer, les entouraient sagement.

*Que... ?!*

Nathan eut à peine le temps d’y songer que Camille lui rendit son baiser. Il cligna des yeux, remuant légèrement. Surpris, il se ressaisit rapidement, et répondit instinctivement à son baiser. Le baiser d’une dame... Un baume délicieux pour le cœur.

« Pardon. Je... Oh, je suis si contente de te retrouver... » souffla Camille.

Malgré sa douleur dans les hanches, et son dos qui lui donnait l’impression d’être devenu une réplique de celui de Quasimodo, Nathan réussit à sourire.

« Moi aussi... Mais ne sois pas désolée, tu embrasses plutôt bien, à vrai dire... Et je vois que tu t’es faite de nouveaux amis. »

Les barghests les entouraient, mais ils n’étaient plus hostiles, cette fois. Nathan n’avait cependant pas spécialement envie de rester là éternellement, et, prenant la main de Camille dans la sienne (il n’y fit presque pas intention, son cerveau lui commandant juste de le faire), il avança vers la sortie. Il n’aurait pas su dire en quoi, mais, en ce moment, Nathan sentait que quelque chose avait changé chez elle. Ils retournèrent devant la plage, mais le passage par lequel ils étaient venus était obstrué par un éboulis. Vu l’instabilité de la structure, le déplacer risquait de faire s’effondrer toute la grotte. Les barghests grognèrent alors, et se dirigèrent sur la gauche, leur désignant un passage à emprunter.

« Hem... Autant les suivre, ils ont l’air de s’y connaître mieux que nous. »

Nathan entreprit de les suivre, grimpant avec Camille. Il dut lui lâcher la main, car la pente prise par les barghests était très étroite, et montait sèchement. Et, plus Nathan s’avançait, plus il semblait comprendre à quel point ce lieu recelait de magie. Les parois se recouvraient d’inscriptions lumineuses, incompréhensibles pour lui. En d’autres circonstances, il aurait bien aimé les déchiffrer, en savoir plus sur les mystères qui planaient dans ce château, mais le temps leur manquait.

Il aurait espéré que la pente les ramène dans le château, mais elle les ramena le long des falaises. Ils se retrouvèrent sur une sorte de couloir pierreux, sur le flanc d’une espèce de vaste gouffre. En contrebas, il y avait de l’eau. Sur la gauche, on pouvait voir le lac, et, devant eux, de grosses chaînes en fer... Des chaînes qui maintenaient des sortes de cages circulaires suspendues dans le vide, se balançant de gauche à droite au gré du vent. Nathan vit, de l’autre côté, un trou dans la roche, avec un escalier. Un barghest se tenait là, comme pour leur faire signe d’avancer.

« J’ai bien peur qu’il nous faille sauter, Camille. Il faut passer de prison en prison pour rejoindre l’autre côté ! »

« Moi aussi... Mais ne sois pas désolée, tu embrasses plutôt bien, à vrai dire... Et je vois que tu t’es faite de nouveaux amis. »

Un rire secoua mon corps. Irrépressible. Nerveux. Soulagé. Amusé. Je passais une main dans mes cheveux, remettant un semblant d'ordre. Peu efficace, cela dit. La poussière, la sueur et le sang les laissant aussi disciplinés qu'une portée de jeunes chiots. Je devais paraître échevelée, et couverte de poussière. Cependant, Nathan n'était pas dans un meilleur état, aussi abandonnais-je toute tentative de me mettre un peu plus à mon avantage. Cela ne servirait à rien. Autant attendre d'en avoir fini avec tout ça.

En se relevant, il prit ma main. Je la lui abandonnais avec plaisir, appréciant son contact. C'était réconfortant. Il était là, avec moi. Pour moi. Que demander de plus ?

La sortie, peut-être. Et elle ne serait pas au même endroit que l'entrée. L'éboulement était trop instable. Le passage que je m'étais frayée c'était refermé, par une sorte d'effet boomerang, laissant le tas de gravats infranchissables à sa place. Plus instable encore peut-être. Les barghests, par contre, semblait connaître un autre passage. Heureusement. Je ne me sentais pas de refaire appel à la magie. Je me sentais plus forte. Trop, sans doute. Je ne pourrais jamais contrôler autant de puissance si je réessayais comme ça, à froid.

« Hem... Autant les suivre, ils ont l’air de s’y connaître mieux que nous. »

Hochant la tête, je suivis les chien-loups et Nathan. Le molosse infernal fermait la marche, son pas régulier résonnant à peine derrière nous.

Finalement, nos mains se séparèrent. Tout le réconfort que je pouvais éprouver, à tenir celle de Nathan, ne valait pas le désir de monter la pente et de sortir d'ici. J'avais un peu de mal à suivre, désorientée par la puissance que je sentais bouillonner en moi. Par la voix à peine audible de mon ancêtre, hantant mon esprit. Derrière moi, le terrible chien démoniaque assurait mes arrières. Il me poussait un peu du haut de son crâne quand je manquais de force, et avançait à pas sûrs.

Mon regard captait les inscriptions des parois, autour de nous. Au début, c'était des signes sans queue ni tête. Mais parfois, quand je m'attardais un instant à les regarder, elle semblait bouger, prendre une autre forme, plus compréhensible. Mais déjà, je sentais la truffe du chien contre mes cuisses, et je me remettais à monter à la suite de Nathan.

« J’ai bien peur qu’il nous faille sauter, Camille. Il faut passer de prison en prison pour rejoindre l’autre côté ! »

Arrivant au même niveau que lui, mon regard se porta devant nous. Les cages, qui se balançaient doucement, ne m'inspiraient pas confiance. Pourtant, à voir l'ouverture en face, dans la roche, c'était le seul passage. La seule issue.

Le barghest sauta le premier, atterrissant souplement, et sans la faire bouger, sur la première cage. Surnaturel. Il sauta à nouveau, et atterrit sur la seconde. Je pris une grande inspiration. Quand il faut y aller...

Jetant un regard à Nathan, je lâchais une phrase, destinée à faire tomber la pression qui montait en moi.

« Ne dit-on pas "Les dames d'abord" ? »

Un petit sourire accompagna ces mots. J'allais prendre les devants, suivre le barghest. Pourtant, un regard en bas me terrifia. C'était si haut qu'on voyait à peine les remous de l'eau. Mais non, je pouvais le faire. Je devais le faire.

Bridant mes pouvoirs, pour ne pas qu'ils fassent exploser les cages dès que je serais dessus, je pris de l'élan.

« Quand il faut y aller... »

Après avoir serré brièvement la main de l'aventurier pour me donner du courage, je m'élançais. Je sautais. Le temps suspendit son cours. Au-dessous, je voyais le vide. L'eau, tout en bas, mais surtout les roches sur lesquelles je risquais de me fracasser. Et puis le temps reprit son cours, et les barreaux métalliques des prisons rencontrèrent mes doigts qui cherchaient avidement une prise.

Et d'une.

Doucement, je fis mon possible pour faire le tour de la cage, me retrouvant finalement entre celle à laquelle j'étais accrochée et la suivante. Aidée du vent, je me balançais, serrant fermement les barreaux entre mes doigts. Gauche, droite. Gauche, droite. Et après quelques balancements, je tendis le bras. Trop court. Encore une fois. Ça y est presque. Une dernière fois... C'est bon. Je lâchais alors la première cage, et contournais la seconde.

Le poids de la prison fit qu'elle cessa bientôt de bouger, et qu'elle reprit sa place initiale. Nathan pouvait à présent s'élancer à son tour, tandis que je passais à la troisième. Et puis encore une autre. Je ne pensais à rien d'autre qu'à la cage suivante. Et encore une autre. Sept, au total. Et enfin, la terre. Je me balançais. Encore et encore. Et je lâchais prise. Pendant un instant, comme pour la première cage, j'eus l'impression que quelqu'un avait fait "stop" sur le film. Et je finis par toucher durement le sol, ayant le réflexe -un peu tardif- de me rouler en boule pour absorber le choc.

Je finis étendue sur le dos, dans la poussière de la roche. Un barghest se tenait au-dessus de moi, surveillant la progression de Nathan. De l'autre côté, le chien infernal surveillait aussi, attentif aux gestes de l'explorateur. Il sentait que je tenais à lui, et se tenait prêt à dévoiler ses particularités étonnantes pour aller à la rescousse de l'homme si le besoin s'en faisait sentir. Comme il l'avait été pour moi, pendant que je traversais.

A bout de souffle, je contemplais le ciel. Gris, nuageux. Mais moins menaçant qu'à notre arrivée. Où en étions-nous, par rapport au château ? Je n'en avais aucune idée. Je muselais la sorcière, qui n'arrêtait pas de me dire de me méfier des hommes, de suivre ma destinée, et de me parler d'une Déesse, ou je ne sais pas trop quoi. Je voulais quitter cet endroit. Avec Nathan. Avec le molosse, et les barghest. Quitter ce lieu, et aller récupérer dans une confortable auberge, avec un bon verre d'alcool, un grand repas chaud et copieux, et pour finir, un bon lit, grand et douillet. Et peut-être, avec de la chance, je finirais accompagnée dans ce grand lit douillet.

« Nathan ? »

Le vent faisait remuer les cages circulaires, de gauche à droite, et faisait grincer les parois métalliques. Nathan n’était guère rassuré à l’idée de devoir passer là-dessus, mais il n’y avait aucun autre chemin. De plus, les chaînes semblaient solides, permettant de soutenir les cages qui se balançaient lentement dans le vent. Nathan voulait passer devant pour éprouver leur résistance, mais Camille choisit de le doubler. Il lut dans son regard une détermination inébranlable, et hocha donc la tête, la laissant faire.

*Un peu de galanterie, Nate...*

Elle bondit la première, s’accrochant à la chaîne, faisant basculer la cage de gauche à droite. Il la laissa faire, un peu nerveux pour elle. L’aventurier n’était guère rassuré, mais elle arriva à aller de l’autre côté. Le vent continuait à souffler dangereusement, faisant couiner les cages. Nathan prenait lentement son souffle, puis bondit à son tour. Il atterrit sans problème sur le toit de la première cage, la faisant remuer légèrement, et s’appuya à la chaîne. Lentement, patiemment, Nathan attendit que la cage se stabilise, puis sauta à son tour sur une autre. Le vent sifflait dangereusement, la mer se déchaînait en contrebas, se fracassant contre les rochers et les parois. Il se maintint en place, reprenant lentement son souffle. Le vent faisait remuer ses cheveux. Attendant quelques secondes, Nathan se mit à courir à nouveau, bondissant en l’air, et atterrit sur une autre cage... Au moment même où une borurasque de vent la fit basculer. Son pied dérapa, et il glissa en avant, tombant dans le vide. Nathan réussit in extremis à s’accrocher à un barreau de la cage, et sa main heurta douloureusement le plancher de la cage.

« Raah, bordel !! »

La chaîne de la cage était rouillée, émettant de sinistres et inquiétants grincements. Les pieds de Nathan claquaient dans le vide, et il regarda autour de lui, cherchant une autre prise. L’homme respirait rapidement, en sueur, et leva son autre main, s’agrippant à un autre barreau. En bas, la mer était démontée, furieuse, mortelle. Il ne survivrait pas à un grand plongeon. Nathan banda alors ses muscles en avant, et commença à remuer, d’avant en arrière, faisant basculer la cage dans tous les sens. La chaîne de soutien de la cage continuait à trembler sur place, manquant de lâcher. L’homme prenait son élan, et bondit en l’air, s’agrippant à une autre cage.

Ses mains étaient en sang, sa peau déchirée et entrouverte. Il banda ses muscles en avant, tandis que, derrière lui, la cage se rompit, tombant en contrebas. Elle se fracassa contre une paroi, explosant en plusieurs morceaux, et disparut dans la mer. Il se hissa lentement, et arriva à retourner sur le toit de cette cage, en sueur. Il se retourna vers Camille, assis sur le toit, soupirant lentement.

« J’a... J’arrive, Camille... »

Il avait juste besoin de reprendre son souffle. Ses mains tremblaient lentement. Il se releva un peu, puis sauta à nouveau, et atterrit à côté de Camille, sur ses jambes. Il se rapprocha d’elle, et tendit sa main vers la femme, l’aidant ainsi à se redresser.

« Allez, continuons, plus vite on sera sortis d’ici, et mieux ce sera ! »

Les barghests les attendaient, et Nathan vit l’un d’entre eux s’enfoncer dans une galerie. Ils tombèrent rapidement sur un étroit escalier en pierre, en colimaçon. Il monta le premier, tenant la main de Camille, puis la relâcha pour grimper plus facilement. L’homme commençait à aller mieux. L’escalier menait à un mur, une porte secrète. Nathan l’ouvrit, et l’écarta, puis s’avança... Pour constater qu’ils étaient retournés dans le château, dans la salle aux sarcophages d’enfants.

Et tous les sarcophages étaient en train de briller intensivement, émettant des lueurs bleuâtres et magiques. L’aventurier cligna lentement des yeux, se demandant ce qui pouvait bien se passer.

Comme pour répondre à son interrogation, un lourd mur s’abaissa au fond de la grande pièce, faisant trembler toute cette dernière. Un long escalier apparut, menant tout droit à la salle du trône. Dans cette dernière, l’ancêtre de Camille se trouvait là, attendant la venue de sa fille.

« Il est temps de venir récupérer ton héritage, Camille, lâcha la voix de la femme, venant de loin. Il est temps que tu deviennes la châtelaine de ce fort. »

« Raah, bordel !! »

J'avais entendu l'exclamation de Nathan, et allongée, je dresse tout de même la tête pour voir où il en est. Je le vois galérer à se rattraper comme il faut à la cage, et mon coeur se serre un instant, avant qu'il ne retrouve une prise sûre. Je laissais retomber ma tête contre le sol rocailleux, et je fermais les yeux un bref instant.

« J’a... J’arrive, Camille... »

Probablement plus que je ne le pensais, parce que je ne les rouvris que lorsque la voix de l'aventurier retentit à nouveau. Mon regard l'aperçu, près de l'arrivée, et je me redressais doucement, grimaçant quand mes muscles protestèrent. Il finit par arriver près de moi, et je luttais pour le prendre dans mes bras, contente qu'il soit arrivé là presque sans encombres. mais en remarquant ses mains qui saignaient, et son air épuisé, je me mordis la lèvre, en retenant une exclamation de stupeur. Je voulais le soigner, mais je m'en sentais incapable. Trop... Épuisée, je crois.

Je lui souris, et je pris sa main pour me relever, avec quelques difficultés.

« Allez, continuons, plus vite on sera sortis d’ici, et mieux ce sera ! »

Je hochais la tête. Plus loin, le chien démoniaque prit son élan, et exécuta un saut prodigieux pour atterrir près de nous, à peine essoufflé. Il frotta son museau contre ma main libre, et nous suivîmes alors les barghests.

Arrivés à l'escalier, Nathan relâcha ma main. Pour avoir de meilleures prises. Je le suivis d'assez près, entendant la respiration bruyante du molosse derrière moi qui fermait la marche. L'escalier me paraissais interminable, mais c'est parce qu'il était en colimaçon, et tourner en rond devient vite assez long. Heureusement, le bout du périple arriva, et c'est une porte qui marqua la fin de l'ascension.

Je marchais dans les pas de l'homme, m'arrêtant sur le seuil en constatant qu'on était revenus dans la salle où tout avait commencé. Enfin, presque. Dans la salle des sarcophages, où j'avais alors découvert que j'étais... Que je portais un foetus issu de mes relations avec Desmond.

Mais une chose clochait. Les sarcophages étaient tous illuminés, d'une lueur bleutée. J'arrimais ma main à celle de Nathan, peu confiante en ce qui allait probablement se passer.

D'ailleurs, un mur s'abaissa, révélant un autre escalier. Celui-là menant à une salle du trône, illuminée par magie. Je ressentis comme une torsion en moi, et une lueur violette fila vers l'ouverture, prenant ensuite la forme de mon ancêtre. Je saisis son nom dans un murmure quand elle se matérialisé. Charlotte Mayfair.

« Il est temps de venir récupérer ton héritage, Camille. Il est temps que tu deviennes la châtelaine de ce fort. »

Que... Quoi ?

Je n'ai aucune intention de devenir châtelaine de quoi que ce soit. Je veux... Je ne sais même pas ce que je veux en fait. Me débarrasser de l'enfant ? Le garder ? Faire cesser ce mariage idiot avec Desmond ? Me cacher de lui ? Rester avec Nathan un moment ?

Je ne sais pas. Mais ce n'est certainement pas une option, que de devenir la châtelaine de ce château. Surtout quand on sait qu'il est quand même la cible des Inquisiteurs de l'Ordre Immaculé.

« Non. Je... Je ne peux pas. »

La silhouette de la Reine lâcha un rire bref.

« Tu n'as pas le choix, ma fille. C'est dans ton sang. Tu ne peux pas lutter contre l'hérédité.
— Bien sûr que si ! »

Mais je m'insurgeais en vain. Une forte et éblouissante lueur blanche s'éleva du trône, et vogua vers moi. Vers ma tête. Elle entoura le sommet de mon crâne, avant de m'infiltrer plus encore, et de se nicher ne moi.

« Le fort te reconnaît comme sa propriétaire légitime. Où que tu ailles, tu ne pourras cesser d'y penser, d'être tentée de revenir.
— Non. Non, non, non. Je ne peux pas... Je dois... »

Avant que je n'ai fini de parler, la lueur s'estompa, et un poids se posa sur mon crâne. Je levais une main, celle qui était libre, pour tâter, et à ma grande surprise, je me retrouvais coiffée d'une couronne.

La silhouette de mon ancêtre disparut alors, et il ne resta plus que Nathan, moi, et le molosse démoniaque. Plus de barghests, ils avaient disparus en même temps que mon ancêtre. Et nous étions dans un endroit plus ou moins sûr.

Encore sous le choc, je me tournais vers Nathan. Je devais avoir l'air assez étrange, avec magnifique couronne, posée sur mes cheveux emmêlés, pleins de poussière, de sang et de sueur. J'étais vêtue de cuir, et non d'une robe de satin. Je n'avais pas l'air d'une reine conventionnelle.

Mais je ne suis pas une reine, en même temps. Je suis une créatrice de bijoux que j'ensorcelais après. Je ne suis qu'une humble artisan, sorcière. Je ne suis pas... Une reine.

« Euh... Nathan ? Dis-moi que je n'ai pas l'air trop... Bizarre ? »

J'esquissais un de ces sourire hésitant, entre le soulagement que ce soit enfin terminé, et l'incongruité de la situation qui nous arrivait.

Et puis, les êtres que nous avions laissés derrière nous avant de rencontrer Dormin me revinrent à l'esprit.

« Oh mon dieu. Nathan, il faut qu'on ailles voir si... Si Sullivan va bien. Si... Si on arrive à retrouver le Haut Inquisiteur... »

L'inquiétude m'envahit alors. On avait affronté des périls dans ces grottes, avec Dormin, mais les autres, à l'extérieur ? Je serrais la main de Nathan un peu plus fort, tandis que le molosse démoniaque toujours dépourvu de nom se détournait de la salle du trône, et commençait à trotter dans les couloirs, vers une probable sortie.

Nathan suivait  la jeune femme sur le perron menant à la salle de trône... Maios une sorte de bouclier magique le bloqua alors, comme si un mur invisible et liquide venait de se former, l’empêchant de penser.

« Bor... Camille ! Camille !! »

La jeune femme ne se retourna pas, comme si elle ne l’entendait pas. Nathan se recula un peu, et vit, sur le trône, la mystérieuse femme qui n’avait cessé de l’agresser. Il regarda autour de lui, n’arrivant pas à passer, et ne voyant aucune faille. L’aventurier se recula prudemment et attendit. Le mur invisible l’empêchait partiellement de voir ce qui se passait de l’autre côté, et encore plus d’écouter. Il n’entendait absolument rien, et plusieurs minutes s’écoulèrent, avant que le mur magique ne se rompe. L’aventurier, inquiet pour le sort de Camille, inquiet pour tout ce qui se passait autour de lui, s’avança rapidement vers elle. Elle portait un curieux diadème sur la tête. Qu’avait-il encore loupé ? Que venait-il de se passer entre Camille et cette mystérieuse femme ? Silencieusement, l’homme pensait le comprendre. Une passation de pouvoir.

Il alla naturellement prendre Camille dans ses bras, tout en sentant que quelque chose avait changé dans ce fort. C’était comme si le sentiment d’oppression qui l’habitait venait de se retirer, comme si la méfiance innée qu’il éprouvait pour ce fort s’était envolée. Camille désirait savoir si elle n’avait pas l’air « trop bizarre ». En d’autres circonstances, Nathan aurait éclaté de rire devant cette question. Ils étaient dans un château où il avait affronté des chiens-loups noirâtres, avait défié une flaque d’eau, et vu un Inquisiteur utiliser des pouvoirs magiques dignes de faire passer Gandalf pour un simple charlatan...

« Je dirais que tu vas bien, Camille... Et tu portes plutôt bien la couronne. »

Est-ce que c’était pour ça que cette femme était venue ici ? Est-ce que son ancêtre l’avait appelé pour qu’elle la supplante, pour qu’elle récupère son héritage ? Mais y avait-il seulement quelque chose à sauver dans ce fort maudit ? Y avait-il quelque chose qui en mérite encore la peine ? Pour lui, tout cet endroit devrait être détruit. Il ignorait encore clairement quelles étaient les horreurs qui avaient eu lieu ici, et il n’avait pas spécialement envie de le savoir. Alors que Nathan commençait à se détendre, Camille rappela à lui le sort incertain sur leurs camarades.

« Je... Oui, il faut les retrouver, tu as raison... »

Victor Sullivan devait sûrement se trouver quelque part dans ce château, à pester contre les cailloux du fort, contre son âge, et contre tout ce qui tombait sous son regard. Mais Kairn... Nathan l’avait vu tomber dans le vide devant le moulin. Pour lui, le Haut-Inquisiteur était mort, mais Camille avait raison. Il y avait sûrement des survivants de son groupe dispersés dans le château. Ils ne pouvaient tout de même pas être les seuls survivants ! Hochant lentement la tête, il délaissa donc le corps de Camille... Mais pas avant de l’avoir embrassé.

Nathan prit la main de la femme dans la sienne, et sortit de la salle du trône... Pour voir que Kairn était là, en contrebas.

« Quand on parle du loup... »

Sa robe était en triste état, et il se tenait au milieu de la salle. Cependant, quelque chose en lui avait l’air changé. Sa respiration était lourde, et sa tête était penchée vers le bas. L’instinct de Nathan lui souffla qu’il se passait quelque chose d’anormal avec lui... Ou bien était-ce simplement son comportement primal qui s’exprimait ?

« Kairn ?! Bon Dieu, vous êtes encore en vie ?! Nous...
 -  L’esprit de Mayfair a accompli son but, glissa Kairn en levant la tête, son regard croisant celui de la femme. Vous savez ce qu’on dit sur les fantômes... Certains ne parviennent pas à trouver le repos tant qu’ils n’ont pas accompli quelque chose de précis sur ce monde. Votre ancêtre a sacrifié sa vie pour ce château, pour ces briques, pour son statut de noble femme. Elle voulait quelqu’un pour léguer cet héritage. Maintenant, elle est partie, et tout le pouvoir magique qui réside dans ces murs vous appartient, Temple. »

Le Haut-Inquisiteur respirait lentement, et l’impression de Nathan se confirma en voyant son regard. Il était acéré, et l’homme ne semblait guère heureux de savoir que toute cette histoire était terminée... Comme si, pour lui, ce n’était pas encore totalement terminé.

« Vous n’êtes pas venus ici que pour purifier ce fort, Kairn, n’est-ce pas ? anticipa Nathan, parlant prudemment.
 -  Votre lignée a été incapable de contrôler le pouvoir magique qui réside dans ces murs. Dormin a toujours un point d’ancrage ici, et les choses terribles qui ont eu lieu constituent une source de connaissance non négligeable sur les Grands Anciens, sur la manière dont ils contorsionnent la magie pour continuer à influencer notre univers. »

Son ton était de plus en plus grave, et son bâton magique flamboyait entre ses doigts.

« Qu’est-ce que ça signifie ? Où voulez-vous en venir ?!
 -  Ce château est vôtre, Miss Temple. Pensez-vous vraiment avoir totalement vaincu Dormin là-dessous ? Son esprit est immatériel, mais les règles sont claires dans ce château ! Mayfair a sacrifié son âme pour vous retransmettre la propriété de ce fort. Je ne vous ai jamais menti : nous sommes venus ici pour la réclamer... Mais le château ne l’acceptera pas tant qu’il y a déjà une propriétaire. »

Ses intentions étaient claires, et Nathan comprit... Il comprit pourquoi Kairn était encore en vie après sa chute. Dormin avait pris possession de son corps, profitant probablement du fait que le Haut-Inquisiteur soit presque mort pour s’emparer de lui. Ses yeux étincelaient d’une intense lueur magique, et des éclairs dorés fusèrent autour de son corps.

Nathan l’avait bien senti : le combat contre la flaque d’eau n’avait pas vraiment eu l’allure d’un combat final.

« Je dirais que tu vas bien, Camille... Et tu portes plutôt bien la couronne. »

Un petit rire m'échappa. Il dénoua la tension qui habitait mes épaules, d'une façon que je ne m'expliquais pas. Peut-être était-ce parce qu'il me tenait entre ses bras, à cet instant ? Possible. Je me laissais aller contre lui, soulagée. J'avais vraiment envie de me poser quelque part, de manger, et de dormir. Peut-être bien de boire un coup aussi. Cette journée paraissait interminable. Vraiment.

« Je... Oui, il faut les retrouver, tu as raison... »

A regret, j'allais me séparer de Nathan. Mais il me prit par surprise, et m'embrassa. D'abord interdite, je lui rendis bien volontiers le baiser, mettant dedans autant d'ardeur que de passion. Je ne sais pas comment ça va finir, mais si on passe par la case intime, je ne suis pas contre.

Dès lors qu'il me relâcha, je laissais un sourire un peu béat naître sur mes lèvres. Ma main se glissa tout naturellement dans la sienne, et nous descendîmes alors les marches de la salle du trône. Au début, je ne le remarquais pas. Mais Nathan m'aiguilla bien vite sur le visiteur inattendu qui se trouvait un peu plus loin.

« Quand on parle du loup... »

Mon sourire s'agrandit, en voyant avec soulagement que Kairn n'était pas mort. Mais quelque chose clochait. Mon sixième sens s'emballa immédiatement après, ressentant des vibrations négatives.

« Kairn ?! Bon Dieu, vous êtes encore en vie ?! Nous...
— L’esprit de Mayfair a accompli son but. Vous savez ce qu’on dit sur les fantômes... Certains ne parviennent pas à trouver le repos tant qu’ils n’ont pas accompli quelque chose de précis sur ce monde. Votre ancêtre a sacrifié sa vie pour ce château, pour ces briques, pour son statut de noble femme. Elle voulait quelqu’un pour léguer cet héritage. Maintenant, elle est partie, et tout le pouvoir magique qui réside dans ces murs vous appartient, Temple. »

Le regard plongé dans celui de l'Inquisiteur, je m'étais raidie contre Nathan. Une lueur flottait dans le regard de l'homme de foi. Quelque chose que je ne parvenais pas à définir comme autrement que maléfique. Et moi qui pensais que c'était enfin fini...

J'avais du mal à voir où voulait en venir Kairn, entièrement concentrée sur l'énergie qui se dégageait de l'homme un peu voûté, qui se tenait tant bien que mal, apparemment, à son bâton. La bataille avait dû l'épuiser. Je l'avais cru mort. Etait-ce ça qui chatouillait mon sixième sens ? Non. Ce ne serait pas cette impression du mal à l'état pur que je sentirais sinon.

« Vous n’êtes pas venus ici que pour purifier ce fort, Kairn, n’est-ce pas ?, souffla Nathan, anticipant ma question.
— Votre lignée a été incapable de contrôler le pouvoir magique qui réside dans ces murs. Dormin a toujours un point d’ancrage ici, et les choses terribles qui ont eu lieu constituent une source de connaissance non négligeable sur les Grands Anciens, sur la manière dont ils contorsionnent la magie pour continuer à influencer notre univers »

Et merde. Je commence à voir où tout ça va nous mener. Je serrais ma main autour de celle de Nathan. Il devait l'avoir senti aussi, instinctivement.

« Qu’est-ce que ça signifie ? Où voulez-vous en venir ?!
— Ce château est vôtre, Miss Temple. Pensez-vous vraiment avoir totalement vaincu Dormin là-dessous ? Son esprit est immatériel, mais les règles sont claires dans ce château ! Mayfair a sacrifié son âme pour vous retransmettre la propriété de ce fort. Je ne vous ai jamais menti : nous sommes venus ici pour la réclamer... Mais le château ne l’acceptera pas tant qu’il y a déjà une propriétaire. »

Non, bien sûr que je n'ai pas vaincu Dormin. Je l'ai juste piégé. Pour le plus longtemps possible. N'est-ce pas ?

Sans doute pas. J'étends mes perceptions autour de Kairn, et l'évidence me frappe. Ce n'est pas l'énergie du Haut-Inquisiteur que je sens. Elle est amoindrie, étouffée par une autre. Plus puissante. Plus mauvaise. Dormin. Et merde !

Je resserre mes doigts autour de ceux de Nathan, tissant déjà un bouclier de protection. Je le sentais mal, son bâton qui brillait. Vraiment, ça ne m'inspirais aucune confiance.

A peine avais-je fini de lier le bouclier invisible qu'un rai de lumière le frappa, me secouant métaphysiquement. Je faillis perdre la maîtrise de mes pouvoirs, mais je me raccrochais physiquement à la main de Nathan, et je repris mes esprits, récupérant mon contrôle. Le bâton de Kairn crépitait toujours, menaçant.

« Non Kairn ! Vous êtes plus fort que Dormin. Luttez, je vous en prie ! »

Je vous rajouter autre chose, pour encourager le Haut-Inquisiteur à ne pas laisser l'entité prendre possession de lui totalement, mais une pensée parasite m'interrompis. Ou plutôt une petite voix dans ma tête, issue de la mémoire que mon ancêtre m'a légué.

Sha peut t'aider, ma enfant. C'est la déesse des Sorcières. Pries-la, crois en elle. Elle te protégera.

Interdite, je restais figée quelques instants, avant de glisser un mot à Nathan, tandis que le bâton de Kairn enflait toujours d'une grosse vague magique.

« Euh... Tu as entendu parler d'une déesse qui s'appelle Sha ? »

Je ne savais même pas comment je devais faire pour la prier. Je ne connaissais pas cette déesse. J'ignorais s'il y avait des mots précis à dire, des prières à apprendre... Dans le doute, je me contentais de penser très fort à cette déesse, d'essayer de me persuader qu'elle était bien réelle, qu'elle assez forte pour débarrasser le monde de Dormin.

A cet instant, une nouvelle boule d'énergie heurta le bouclier, et je vis alors qu'il y avait une sorte de fracture dans l'air, montrant ainsi que le bouclier s'affaiblissait.

« Merde, merde, merde... Sha, déesse des sorcières, si vraiment tu existes... S'il te plaît, aide-nous... »

Le bâton magique de Kairn se mit à flamboyer, puis un trait lumineux fonça vers eux. Nathan en fut surpris, et, quand le trait explosa contre le bouclier magique de Camille, Nathan en tomba au sol, amorçant un mouvement de recul. Tout le bouclier magique apparut, formant comme une ligne en surbrillance, un dôme qui les recouvrait. Ce qui se passait était un maudit scénario de mauvais film de série B. L’arroseur arrosé ! Kairn était tombé sous l’emprise de celui-là même qu’il était venu pour combattre, et ne s’en rendait pas compte.

« Non Kairn ! Vous êtes plus fort que Dormin. Luttez, je vous en prie ! » l’incitait Camille.

En vain, car le bâton magique de Kairn se concentrait à nouveau.

« Le sacrifice a toujours été exigé dans ma foi ! L’Homme-Jésus lui-même s’est sacrifié pour nous protéger. Je dois vous tuer pour vaincre Dormin, pour bénéficier enfin du pouvoir d’accomplir la volonté du Christ, et débarrasser enfin le monde de l’influence néfaste des anciens tyrans qui nous ont gouverné. Votre résistance est vaine. »

Il se concentrait pour une nouvelle attaque, t Camille se mit alors à lui parler d’un chat :

« Euh... Tu as entendu parler d'une déesse qui s'appelle Sha ? »

Nathan, qui n’avait jamais entendu parler de cette greluche, crut que Camille était en train de péter un plomb, en parlant d’un chat divin. Est-ce qu’elle comptait envoyer un chat noir ? Lui n’avait plus que son Glock. Elle se mit alors à prier, et le bâton magique frappa à nouveau. Le bouclier explosa violemment. Nathan, qui avait senti le coup venir, brandit son pistolet, et fit feu à plusieurs reprises. Kairn n’eut qu’à froncer les sourcils, et les balles s’alourdirent, jusqu’à tomber sur le sol.

« Bordel..., s’exclama-t-il, éberlué.
 -  Homme de peu de foi, incroyant. La magie sacrée brûle en moi, aucun de vos sortilèges ou de vos tours de passe-passe ne peut me terrasser.
 -  Vous parlez comme l’un de ces putains de fanatiques, Kairn ! »

Le chasseur de reliques visa à nouveau, et Kairn écarquilla alors les yeux. La crosse du Glock se mit alors à brûler la paume de Nate... Puis son Glock explosa en mille morceaux.

« Vous manquez de conviction... »

Nathan se mit à courir vers lui, quand il sentit une force invisible s’emparer de lui, comme une main énorme qui le souleva, et l’envoya s’envoler en l’air. Nathan heurtait un sarcophage douloureusement, arrivant sur l’une des mezzanines en hauteur. Son dos avait craqué à ce contact, et la douleur était comme un marteau assourdissant lui pilonnant le dos, l’empêchant de bouger.

« ...Mais pas d’obstination. Ne jamais sous-estimer l’attirance sexuelle entre deux êtres. Votre envie de la baiser m’a agressé les narines dès que nous nous sommes vus, tout comme votre réaction puérile à mon encontre la première fois, une rencontre uniquement motivée par le désir de souiller cette catin...
 -  Dormin... Kairn...
 -  Et quand bien même, hein ? S’il est en moi... Je sens une force surnaturelle s’emparer de moi, un pouvoir incommensurable. Quel mal y-a-t-il à en bénéficier ? Si cela me permet de me rapprocher de mes ennemis, je pourrais les occire plus facilement. »

Nathan avait le dos en compote. Kairn marchait lentement vers Camille, et son bâton s’apprêta à frapper à nouveau, concentrant un rayon de lumière concentrée. Il allait la faire brûler sous les yeux, et la lumière était éblouissante, empêchant de se concentrer. Nathan ne pouvait rien faire. Il avait du mal à respirer. Sa colonne vertébrale avait été partiellement brisée, et des bouts d’os avaient perforé ses poumons. Sa respiration était ralentie, sa vision était trouble, et Kairn délirait.

« Je construirais un nouveau Chapitre ici. Cette faille nous permettra d’envahir le territoire des Grands Anciens, et de les briser. Ma LUMIÈRE les éblouira, et...
 -  Pauvre FOU ! » tonna alors une voix surnaturelle.

La lumière éblouissante du bâton s’assombrit soudain, et toute la pièce tomba dans une obscurité profonde, comme si des brumes venaient d’arriver. Nathan sentit sur son visage des courants d’air, et vit, dans l’obscurité, des espèces d’ombres mouvantes, comme s’il était au cœur du cyclone. Les sarcophages se mirent à vibrer. Kairn se concentra, et poussa un hurlement. Un halo lumineux l’entoura alors, repoussant les attaques d’ombres.

« Sorcière infâme !! »

La peau de Camille était partiellement brûlée, et, comme par magie, toutes ses brûlures disparurent, tandis qu’une silhouette ombreuse apparut devant elle. Sha, l’Ombre, la Déesse des Sorcières.

« Tu m’as appelé, Camille, et je suis venue. Ce religieux est entre les mains d’un Grand Ancien, possédé par lui... Et ton amant est en train de mourir. Soigne-le, pendant que je m’occuperai de lui, ma fille.
 -  Shaaaa !! Tu aurais du rester scellée ! Ton vagin est rempli du foutre des démons !! »

« Le sacrifice a toujours été exigé dans ma foi ! L’Homme-Jésus lui-même s’est sacrifié pour nous protéger. Je dois vous tuer pour vaincre Dormin, pour bénéficier enfin du pouvoir d’accomplir la volonté du Christ, et débarrasser enfin le monde de l’influence néfaste des anciens tyrans qui nous ont gouverné. Votre résistance est vaine. »

Cette fois, c'était certain. Kairn avait complètement craqué. Il était sous l'influence de Dormin, c'était certain, et ce dernier usait des désirs profonds de l'Inquisiteur pour le manipuler et l'amener à faire ce qu'il désirait. J'avais pitié du pauvre homme. Je l'avais apprécié, mine de rien, malgré l'appréhension que j'avais par rapport à l'Ordre.

Nathan eut moins de scrupules que moi. Même si je savais que c'était Dormin qui guidait les pas de Kairn, je ne pouvais me résoudre à lui faire du mal. Alors l'aventurier mania son arme, un peu vainement cependant. Les balles s'arrêtèrent à deux pas de l'Inquisiteur, et tombèrent au sol. Nous n'avions plus de bouclier pour nous protéger, et je n'avais pas le temps d'en tisser un nouveau. En pure perte, en plus.

« Bordel...
— Homme de peu de foi, incroyant. La magie sacrée brûle en moi, aucun de vos sortilèges ou de vos tours de passe-passe ne peut me terrasser.
— Vous parlez comme l’un de ces putains de fanatiques, Kairn ! »

Je tentais de rassembler mes forces pour lutter contre la magie que Dormin utilisait à travers Kairn, mais je n'arrivais à rien, et Nathan lâcha soudain son Glock comme s'il s'était brûlé.

« Vous manquez de conviction... »

L'homme s'élança alors vers Kairn, et je n'eus pas le temps de le retenir. Un instant plus tard, je voyais l'aventurier s'écraser sur un sarcophage. Tout en priant la déesse Sha d'intervenir, je ne pus retenir un cri :

« Nathan ! »

Je voulais aller le secourir, mais quelque chose me bloqua. Comme un mur d'air invisible.

« ...Mais pas d’obstination. Ne jamais sous-estimer l’attirance sexuelle entre deux êtres. Votre envie de la baiser m’a agressé les narines dès que nous nous sommes vus, tout comme votre réaction puérile à mon encontre la première fois, une rencontre uniquement motivée par le désir de souiller cette catin...
— Dormin... Kairn...
— Et quand bien même, hein ? S’il est en moi... Je sens une force surnaturelle s’emparer de moi, un pouvoir incommensurable. Quel mal y-a-t-il à en bénéficier ? Si cela me permet de me rapprocher de mes ennemis, je pourrais les occire plus facilement. »

Je fermais les yeux, atterrée. Écœurée. Où était passé l'honorable Inquisiteur ? Sans doute mort. Il ne restait que quelques fragments de son âme, et Dormin en prenait possession.

« Je construirais un nouveau Chapitre ici. Cette faille nous permettra d’envahir le territoire des Grands Anciens, et de les briser. Ma LUMIÈRE les éblouira, et...
— Pauvre FOU ! »

Je commençais à serrer les dents, atteinte par la douleur du sort de Kairn. J'avais l'impression de brûler vive. Et soudain, une voix tonna. Je rouvris brusquement les yeux, en entendant la voix. Se pourrait-il que... ? Sha ? Les souvenirs de Charlotte Mayfair étaient clairs. C'était bien la déesse, l'énergie qu'elle dégageait était unique.

« Sorcière infâme !! »

Kairn repoussa tant bien que mal les assauts de la déesse, alors que je retrouvais ma liberté de bouger. Je me mordis la lèvre pour ne pas gémir quand ma peau brûlée se tirailla alors que je bougeais. Mais bientôt, je ne ressentis qu'une douce chaleur, et un intense soulagement. La déesse venait de me guérir, et je l'en remerciais d'un regard éperdu.

« Tu m’as appelé, Camille, et je suis venue. Ce religieux est entre les mains d’un Grand Ancien, possédé par lui... Et ton amant est en train de mourir. Soigne-le, pendant que je m’occuperai de lui, ma fille.
— Shaaaa !! Tu aurais du rester scellée ! Ton vagin est rempli du foutre des démons !! »

Hochant la tête, je lançais néanmoins, tout en me précipitant vers Nathan :

« Merci, déesse Sha ! »

Je filais auprès de Nathan, et je m'accroupis à ses côtés. J'avais assez d'énergie pour réparer les dommages internes, alors je m'y employais aussitôt. Posant une main sur son front, et une main sur son coeur, je fermais les yeux et je laissais mon énergie se diffuser à travers la paume de mes mains, insufflant un souffle vital à l'homme, et un flux réparateur.

« Ne me laisses pas, chuchotais-je en penchant la tête vers lui. Guéris, je t'en prie. »

J'y mis toutes mes forces. Toute l'énergie donnée par Charlotte, en plus de la mienne. Le chien démoniaque, resté en retrait jusqu'à présent car immobilisé par Kairn, arriva près de moi, et posa sa truffe sur l'épaule de l'aventurier. Il joignait également son énergie à la mienne, et bientôt, les dommages externes disparurent. Je sentais également les os se ressouder, et les perforation se combler.

J'ignore combien de temps je suis restée comme cela. J'étais dans une sorte de transe, et je n'entendais même pas la lutte de l'autre côté de la pièce. Mais j'étais sûre que Sha ne ferait qu'une bouchée de Kairn, et de Dormin, par extension. Cette certitude venait de Charlotte, une fervente adepte de la déesse. Mais je partageais sa certitude, et je me concentrais uniquement sur Nathan.

Bientôt, l'énergie reflua, et regagna mon corps. Je m'appuyais doucement sur Nathan, et pressais mes lèvres sur son front. Je sentais la vie en lui, il était de nouveau indemne.

« Nathan, soufflais-je. Nathan, réveilles-toi... »

La guérison complète, comme je l'avais fait pour l'aventurier, avait un inconvénient. Pour ne pas que l'être détourne l'énergie qui était insufflée en lui, le blessé était plongé dans l'inconscience.

« Nathan, tu es sauvé... »

Ma voix n'était qu'un murmure à son oreille. Lentement, je reprenais conscience de mon environnement. J'attendais que l'aventurier ouvre les yeux pour m'intéresser de nouveau à ce qui était advenu de Kairn/Dormin.

La puissance du Haut-Inquisiteur Kairn était déjà, en soi, terrifiante. Il manipulait la magie sacrée, qui était l’une des rares magies en ce monde capable de vraiment ébranler les Dieux, surtout ceux qui, comme Sha, étaient des adeptes de la magie noire. Cependant, Dormin avait perverti son esprit, et sa magie sacrée était moins puissante... Au profit d’autres formes de magie. Ses yeux irradiaient de mana. La magie était en train de le posséder, commençant à creuser son visage, formant des traits lumineux sur tout son être. Un observateur extérieur néophyte aurait pu croire que ce combat manquait de panache, se résumant à une multitude d’ombres venant se fracasser contre une sphère dorée... Ça aurait été une erreur de le croire, car l’Ombre employait des sorts très puissants, et la sphère magique protégeant Kairn était également très efficace. Le combat résonnait d’une furieuse intensité magique, faisant lézarder le sol, faisant trembler ce dernier. Kairn, comme Charlotte et Dormin avant lui, étaient les esclaves d’un Grand Ancien, quelqu’un qui savait au mieux manipuler les pensées de ses victimes pour les convaincre de le faire sortir. Sha les connaissait, car elle avait déjà affronté ces monstres dans le passé, en compagnie des autres Dieux qui s’étaient ligués contre eux. Elle n’était pas de taille, depuis son bannissement, contre un véritable Grand Ancien, mais Kairn n’était qu’un émissaire, corrompu par ce dernier. Malheureusement, il lui tenait tête, et, à chaque fois que le bouclier rapetissait, il envoyait une nouvelle décharge qui le faisait grossir.

Nathan, de son côté, se sentait peu à peu revenir. Il luttait contre l’engourdissement, contre la fatigue, contre cette absence de sensations qui, peu à peu, s’inséraient dans son être. S’il se mettait à s’endormir, à s’écrouler, alors il savait qu’il ne se réveillerait pas. Camille se rapprochait de lui, mais il sentait aussi une autre présence... Autre encore que celle de son molosse. Quand il releva la tête, il vit une femme forte, qui n’était pas Camille, mais qui le regardait, et qui posait sa main sur son torse. C’était la fameuse Charlotte, l’ancienne Reine de cet endroit maudit, qui l’aidait à revenir, à se soigner. Nathan sentit ses poumons se soigner, et ses os se déplacer dans son corps, se repositionnant pour reconstituer sa colonne vertébrale. Un prodige dépassant l’entendement, dépassant toute réalité scientifique, mais qu’il ne pouvait nier, en étant lui-même le principal récepteur. Sa vision de Camille devint flou, lumineuse. Il tenta de dire quelque chose, mais il avait l’impression qu’un ange venait de le toucher.

« Ca... », réussit-elle faiblement à articuler, presque un murmure du bout des lèvres.

Le chasseur de reliques s’effondra ensuite, fermant les yeux. Sha, elle, continuait à frapper, et Kairn poussa alors un hurlement de rage.

« Cela suffit !! »

Le bouclier le protégeant explosa alors, et le toit se déchira en deux. Les murs s’ébranlèrent, et de multiples sarcophages se mirent alors à tomber, heurtant violemment le sol, se fendillant, s’ouvrant... Révélant, non pas des cadavres d’enfants, mais d’étranges créatures ombrées, avec une flamme bleue brûlant au-dessus de leurs têtes.

« Les sacrifices..., nota Sha. Des enfants qui ont été vidés de leur énergie pour permettre au Grand Ancien de revenir. Contemple ce que sera ton œuvre, Kairn. »

Le Haut-Inquisiteur regarda ces ombres, ces âmes éthérées, ces ombres d’âmes.

« Non…, s’exclama-t-il alors, en secouant lentement la tête.
 -  Ces enfants étaient amenés depuis des siècles par les habitants locaux pour apaiser la Reine démente qui régnait ici ! Le chapitre qui veillait sur ce fort n’a jamais compris ce qui se passait ici ! Ils étaient scellés ici, condamnés à mourir, condamnés à être lentement dévorés par ce fort pour alimenter le Portail qui se trouve dessous ! La voilà, la vérité, Ha   ut-Inquisiteur ! Dormin était un démon qui a été corrompu parles promesses de puissance d’un Grand Ancien, tout comme l’a ensuite été Charlotte, et tout comme vous l’êtes maintenant. Leur arrogance leur a à chaque fois masqué l’ampleur du désastre.
 -  Tu… Tu mens, démone ! Ta langue est vicieuse comme celle des serpents ! Elles sifflent à mes oreilles pour me détourner de mon but !
 -  Vous valez mieux que ça...
 -  Tu mens ! »

La magie explosa dans le corps de Kairn, et il envoya, depuis son bâton, des arcs électriques jaunâtres, concentrant ensuite, dans sa main libre, un rayon lumineux, qu’il balança vers Sha. Cette dernière se le reçut dans le ventre, et fut repoussée, roulant par terre. Sha se releva rapidement, puis se transforma en un corbeau, volant rapidement, et se téléporta, reprenant sa forme divine, à côté de l’ennemi. Ses doigts s’allongèrent alors démesurément, formant des fouets noirâtres nimbés d’arcs électriques qui frappèrent l’homme, se brisant contre son bouclier magique, mais le faisant tout de même hurler de douleur. Il se retourna, un rictus de haine sur les lèvres, et ses yeux se mirent à flamboyer, devenant extrêmement lumineux, provoquant un flash de lumière aveuglant Sha.

Quand cette dernière retrouva l’usage de la vue, Kairn s’était écarté, et se tenait en haut de l’escalier menant à la salle du Trône.

« Je vais en finir, Sha ! Prépare-toi à connaître l’étendue du pouvoir de l’Ordre Immaculé !! »

Kairn leva alors sa main, et frappa sur le sol, se concentrant dangereusement. Sha sentit la magie exploser autour de lui, et serra les dents. Il avait beau faire nuit dehors, un rayon de lumière apparut alors, comme si un soleil venait d’apparaître... Et Sha comprit que ce n’en était pas un. Un cri se fit entendre, comme le hurlement d’un oiseau.

*Un Phénix !!*

Kairn leva haut son bâton :

« PHOENIX FLAME ! »

Le Phénix, oiseau légendaire de feu, se plaça juste derrière Kairn, et ouvrit ses ailes en hurlant, déployant un enfer de flammes étincelantes droit vers Sha, Camille, et son compagnon. Un feu surhumain, qui carbonisait tout ce qu’il touche. Sha dressa un bouclier magique, et fit de même pour sa sorcière et son amant, déployant ainsi deux boucliers. Le tapis de flammes dura quelques secondes, et le Phénix se volatilisa ensuite, disparaissant dans des jets de flammes.

« Beaucoup moins puissant que ce à quoi je m’attendais, Inquisiteur. Vous avez perdu la foi, je ne sens plus en votre âme cette bonté d’esprit nécessaire à la magie sacrée.
 -  Ne… Ne me provoque pas, SALOPE !! »

Il se concentra, et sa main envoya un autre rayon lumineux... Mais Sha n’eut aucune difficulté à le renvoyer, le réfléchissant, le trait filant dans le ciel. Des gouttes de sueur traversèrent son front.

« Je ne verrais aucun problème à débarrasser le monde d’un Inquisiteur, Kairn, mais vous n’êtes pas l’un de ces fanatiques qui brûlent les sorcières sans raison. Ressaisissez-vous, luttez contre cette malédiction !
 -  Vous... Non, je... Je ne suis pas... » baragouinait-il, indécis.

Kairn chancelait sur place, une migraine épouvantable semblant lui ouvrir le crâne en deux. Sha sentait en lui le conflit, la lutte, et leur combat avait ébranlé les fondations de ce château, le faisant trembler en profondeur. Arriverait-elle à le résonner ? Ils n’étaient pas dans le même camp, mais ils combattaient le même ennemi.

(H-S -- Je change un peu le style de mes réponses. La façon dont je faisais avant est très galère avec mon téléphone ^^.)



Toujours agenouillée aux côtés de Nathan, je contemplais la lutte entre Sha et Kairn. C'était impressionnant. Je sentais le pouvoir qui émanait d'eux comme un raz-de-marée de puissance. Et encore, je n'étais pas au centre du déchaînement de magie.

Mon regard accrochait les dégâts fait au château avec inquiétude. Quand les sarcophages se renversèrent, je projetais mes dons pour former une bulle protectrice autour de moi et Nathan, évitant ainsi de finir écraser par les monuments funéraires. La bulle se fendilla quand le plus gros des éboulements fut passé, et je redressais la tête, avisant avec inquiétude les spectres qui s'échappèrent de leur prison de pierre scellée. Ils étaient mauvais, oui. Corrompus, comme le disait Sha.

Me relevant péniblement, j'enjambais le corps inconscient de Nathan pour me mettre devant lui. Levant les mains, je fermais les yeux et je me concentrais, murmurant d'antiques paroles de protection pour ériger un mur de magie autour de l'aventurier. Les spectres étaient tout proches quand j'ai enfin réussi à terminer le sort, et je me retournerais, lançant des ondes offensives pour atteindre les esprits corrompus. Mais à chaque entité que je repoussais, deux nouvelles s'approchaient.

Pendant que Sha essayait de raisonner le haut inquisiteur, je m'affaiblissais à essayer de repousser les attaques des ombres. J'étais trop concentrée sur ma tâche que je ne vis pas la forme qui se matérialisait derrière moi. Je ne captais sa présence que lorsqu'elle se glissa derrière moi. Ce parfum... Je le reconnaîtrais n'importe où. Desmond.

Je n'ai même pas eu le temps de me retourner que déjà, un de ses bras s'enroulait autour de mon cou. Il balaya les spectres d'un mouvement de la main, et je pus ressentir le pouvoir qu'il possédait. Corrompus lui aussi. Je compris alors qu'il était à la botte d'un de ces Grands Anciens.

« Non ! Lâche-moi, Desmond ! »

Mais je me débattais sans succès. Je retournais alors ma magie contre lui. Un déchaînement tel que je ne l'avais encore jamais fait. Avec pour tout résultat, un éclat de rire.

« Et bien, ma chère petite épouse... Je vois que tu as progressé, depuis ta fugue. C'est bien. C'est parfait... Il posa une main sur mon ventre et rit de nouveau. Et notre fils sera puissant, oui. Très, très bien. Maintenant, tu vas rentrer avec moi, petite furie. Tu vas être la gentille et dévouée petite épouse cochonne que tu as juré d'être. N'est-ce pas mon cœur ? »

Je mordis férocement les doigts qui caressaient mes lèvres.

« Jamais, sombre crétin, lâchais-je en serrant les dents. »