Ancient Stronghold [Camille Temple]

« Tout ce que je sens, c’est qu’il fait frisquet ici... Et que je vais conserver ce pendentif avec moi... »

Ah. Et Nathan n'a pas l'air de ressentir plus de chose que lui. Elle a sûrement fait en sorte de n'être audible que de moi... Ou alors, je suis officiellement devenue folle. Ce qui serait, avouons-le, vraiment très con. Je tentais de me redresser, prenant appui sur la muraille. L'effort me paraissais immense, mais j'ai réussi. Le chien se leva également, comme s'il était uniquement un bon chien de compagnie et pas un chien de je-ne-sais quel enfer. Je ne pus résister à la tentation de le caresser, et frôler son pelage ras déclencha une petite décharge énergétique. Si minuscule, et pourtant... Je me sentis beaucoup mieux. Pas au summum de ma force, mais suffisamment alerte pour marcher, et même trotter. C'est quelque chose à noter ça tiens.

« Vous êtes en état de marcher, Camille ? Je ne crois pas qu’il y ait grand-chose à faire sur cette tour...
— On devrait revenir dans la pièce aux sarcophages, je pense qu’il y a une piste à explorer là-bas.
— Ça devrait aller, merci. Je vous suis. »

Le compagnon de Nathan passa le premier. Et Nathan, lui, resta près de moi, à l'instar de l'énorme molosse. C'est gentil, de se soucier de moi.

Je suivis le mouvement, observant l'environnement dans lequel nous évoluiions. La pièce, à gauche de l'embranchement, me rappela des souvenirs. Cette vision, que j'ai eue tout à l'heure, quand j'ai vu la couronne, et le massacre. Victor déconseillait d'y aller, et j'approuvais. La couronne pouvait attendre. Je ne sais pas s'ils étaient aussi après la relique, mais moi, j'en avais besoin. Il paraît que quiconque la porte devient maudit. Et je vais empêcher ça. Je démantèlerais la couronne, et je "sanctifierais", en quelque sorte, ses composants. Je n'aurais pas besoin de public. Ça pourrait être dangereux. Alors je retournerais dans cette pièce quand je le pourrais. Seule.

On arrive finalement dans une pièce où des sarcophages trônaient.

« Je suis convaincu qu’il y a une réponse ici... »

Je laissais les hommes entrer d'abord. Et, quand je franchis le seuil, la chair de poule me saisit. Quelque chose de mauvais avait élu domicile ici. De vraiment maléfique. Je frissonnais, et je luttais contre cette envie de reculer qui me saisissait. Ça bourdonnait de fréquences magiques ici, et pas des plus inoffensives.

« Oh putain ! »

Je m'approchais de Nathan, pour voir ce qui avait motivé cette exclamation.

Et je frémis. Le chien infernal grogna sourdement. La vision de ce petit garçon était atroce. Mais ce n'était pas uniquement ça. Une vision s'imposa à moi.

C'était une sorcière. Elle me ressemblait. Une voix s'adressait à elle.

« Ne lutte pas, Ygerne. Ton fils est mien depuis le début. Tu ne me laisses peut-être pas te posséder, mais lui, si. Cette petite âme innocente, si facile à manipule, si facile à m'approprier... »

Je voyais la sorcière en sueur, en larme. Et enceinte aussi. Sur le point d'accoucher, même.

La vision s'évanouit, mais dès que ma main toucha le bois du sarcophage pour lutter contre la sensation de désorientation qui s'emparait de moi, une autre arriva. Je chancelais, m'accrochant alors à Nathan pour ne pas tomber, et partageant la vision avec lui sans m'en apercevoir.

Un bébé était dans les bras de la sorcière nommée Ygerne. Elle le tenait, serré contre son coeur, alors qu'il était encore rougis par l'accouchement, et qu'il braillait tout ce qu'il pouvait. La magie fut alors à l'oeuvre, et le bébé grandit, devint un petit garçon. Cinq ans, tout au plus. La croissance cessa quand la sorcière Ygerne mobilisa son énergie pour contrer le sort de la maléfique présence. Qui se manifesta aussitôt.

« Tu t'épuises en vain, Ygerne. Ton enfant est mien depuis le début. Et tu es mourante, de surcroit. Tu ne vas pas tenir longtemps. Ta fin approche, et je pourrais renaître, avec ton enfant...
— Noooon ! »

Sous la violence de la réaction d'Ygerne, les murs tremblèrent. Le gamin, observant sa mère avec des yeux captivés, mais d'où émanait une lueur violette, lâcha un rire. Comme un croassement de corbeau.

« Je ne te laisserais pas, mon petit... Je vais te délivrer... »

On sentait que ce qu'elle disait lui déchirait le coeur. Mais elle se leva, puisant dans ses réserves magiques, et conduisit son petit garçon vers le sarcophage que j'avais touché. Elle chancelait un peu, mais elle tint bon, et déposa son fils dans le cercueil en pierre. En granit. Elle pleurait. Son fils ne tarda pas à pleurer également. Et elle entama alors une litanie de mots à voix basse.

« Non ! Tu ne peux pas faire ça Ygerne, il est mien ! Noooon ! »

La voix était furieuse, et la pièce tremblait énormément. Mais Ygerne repoussa les attaques de la sorcière, et acheva son sortilège. Une lueur argentée entoura le sarcophage, et ce dernier de referma sous les cris du petit garçon et de la maléfique sorcière.

Ygerne, à bout de force, scella le sortilège avec son sang. Elle s'entailla le poignet avec un bout de métal, et répandit son sang sur la pierre. Avant de s'affaler sur le sol, et de mourir.

Je chancelais à nouveau, et je m'écartais vivement du tombeau.

« C'est... C'est elle... Elle veut mon... Mon... »

Les mots ne passaient toujours pas. Ma main libre s'appuya sur mon ventre alors que je me retenais toujours à Nathan.

« Oh mon dieu... »

Il me fallait m'en débarrasser, au plus tôt. De ce germe de vie.

Le molosse grogna, comme pour approuver mes pensées. Durant les quelques minutes qu'avait duré la vision, il avait aboyé comme un fou tandis que mon corps s'était raidis, comme du marbre. Et maintenant, il collait son flanc contre moi, comme pour me protéger.

En inspectant les autres sarcophages, Victor Sullivan arriva au même constata que Nathan : chacun d’entre eux abritait le cadavre squelettique d’un enfant. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Mais qu’est-ce qui avait bien pu se passer ici ? Il se retourna vers Nathan, en sachant que le garçon était plus futé qu’il n’en avait l’air, et qu’il avait un talent presque naturel pour démêler les problèmes. Le garçon était près de Camille, qui était décidément bien sexy dans sa tenue de cuir, et, alros que Sullie envisageait de se rapprocher, il vit la femme chanceler un peu, avant de s’accrocher à Nathan.

« Hey ! » s’exclama ce dernier, surpris.

Il sentit alors comme un remous, et vit Sullivan disparaître, ainsi que le chien, ne laissant plus que lui et Camille, tandis que la pièce semblait comme rajeunir, et que deux personnes venaient tout à coup d’apparaître.

*Bordel, mais qu’est-ce qui se passe ?!*

Était-il en train de rêver ? Les deux êtres ne semblaient pas le voir, et l’une tenait l’autre, un enfant qui hurlait. Un bébé paniqué. Une voix sinistre, forte, résonnait dans la pièce, afin de vouloir récupérer le bébé. Nathan crut discerner cette voix, comme si elle appartenait à celle l’avait attaqué tout à l’heure, sur le toit du donjon, en étant accompagné de ses corbeaux et des espèces de loups noirâtres. Elle voulait l’enfant, et l’autre femme, Ygerne, grimpa des marches menant vers un sarcophage, afin d‘essayer d’y déposer le bébé. En regardant le décor, Nathan vit les espèces de chiens-loups, dans les coins, ainsi que d’autres créatures sur les hauteurs, ressemblant à des gargouilles noirâtres avec un rictus malfaisant et des yeux rouges.

La femme comptait sceller le petit, quand l’autre femme s’énerva. La pièce se mit à vibrer, et Nathan essaya d’attraper Camille... Pour constater que ses mains passaient à travers. Ce n’était pas un rêve, mais probablement une réminiscence, un souvenir latent... Une vision magique, en somme. Ygerne scellait le bébé, et referma le sarcophage, tandis que la pièce vibrait dangereusement, comme si une tornade était sur le point d’éclater. La femme répandit du sang sur la porte du tombeau, son propre sang, et le ferma, le scellant à jamais. Elle s’écroula ensuite...

...Et Nathan revint à lui, voyant Sullie à proximité, inquiet, se demandant ce qui se passait. Nathan cligna des yeux, hébété.

« Que... ?! »

Camille s’écroula alors contre lui, et il la tint dans ses bras. Elle avait parlé de quelque chose, tout en posant une main sur son ventre, un geste qui avait échappé à l’aventurier, secoué par cette vision, mais pas à Sullivan, qui fronça lentement les sourcils. Il avait entendu le chien aboyer comme un dément, tandis que Nate et Camille avaient semblé comme en transe, et Sullivan finit par dire la seule chose censée qui lui venait à l’esprit :

« Merde, c’est quoi cette merde, Nathan ? »

Nathan laissa planer quelques secondes, réfléchissant silencieusement.

« Euh... Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais... Je crois que ces sarcophages font partie d’une espèce de rituel, et que le nana qui nous a attaqués cherche un nouveau corps pour sortir d’ici... »

Qui était cette Ygerne ? Cette image avait retourné Camille, qui semblait plus choquée que véritablement affaiblie. Sullivan regardait autour de lui. Il devait bien ya voir une centaine de sarcophages, soit au moins une centaine d’enfants morts ici... C’était particulièrement sinistre. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer là-dedans ? Nathan commençait seulement à apercevoir la hauteur de la mesure qui les attendait dans ce trou.

« Un gosse, hey ? » demanda Sullivan.

Il s’était lentement rapproché de la femme. Victor Sullivan côtoyait suffisamment les femmes comme ça pour être sûr de son coup. On aurait pu croire qu’il était un peu, pour Nathan, la voie de la raison, derrière son apparence tout à fait british, mais c’était mal le connaître.

« Comme celui que vous portez, Camille ? »

Nathan le regarda, se demandant si Sullie ne plaisantait pas... Mais le ton de la question n’était pas de l’humour.

« C’est pour ça qu’elle en a après vous, c’est ça ? » renchérit-il.

Il était alors sûr de son coup.

Avoir cette vision, et la confirmation de ce que voulait la sorcière, ça m'a sérieusement remuée. Je me raccroche à Nathan d'une main, comme s'il était une bouée. Je ne peux pas envisager de laisser la situation que j'ai vue se reproduire avec moi et... Le bébé. Mais je n'arrive pas non plus à envisager de m'en débarrasser froidement, justement, de ce bébé.

« Un gosse, hey ? »

J'hoche doucement la tête, et je tente de me redresser, de paraître moins faible.

« Comme celui que vous portez, Camille ? »

De nouveau, je hoche la tête. Je n'arrive pas à décrocher un mot, encore trop choquée.

« C’est pour ça qu’elle en a après vous, c’est ça ? »

Je soupire.

« C'est cela... Je n'en savais rien, en arrivant ici. Je l'ai appris... Sur le toit. Quand elle est apparue pour la première fois. »

Le molosse à mes côtés se couche sans me lâcher du regard. A part les squelettes dans les sarcophages, il ne doit pas y avoir de dangers immédiats.

« Et je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas lui offrir un nouveau corps, étant donné qu'elle est animée de mauvaises intentions. Mais.. Je ne peux pas... Je n'arriverais pas à me débarrasser de... Du bébé. »

Je soupire, et je me sens complètement inutile. Non, pas inutile. Sans recours, plutôt.

« Je ne sais pas quoi faire... je répète, à voix basse. »

Je repense à la raison de ma venue ici. Pour la relique. Et si... Si je n'avais pas vraiment voulu venir ici ? Si ce n'était pas mon idée ? J'essaie de me souvenir quand l'idée m'est venue. C'était il y a quelques semaines. Je crois. Un rêve... Un putain de rêve. Et là, tout me revient. La voix... Je l'avais déjà entendue. C'était elle.

« J'ai été manipulée. »

Je redresse la tête, brusquement.

« Ma grand-mère m'a dit un jour que les sorcières d'une même lignée avaient un lien privilégiés. Qu'elles pouvaient se sentir, ou je ne sais pas trop quoi. Apparemment, nous sommes de la même lignée. Elle... C'est une de mes ancêtres. Je ne dois pas être assez puissante, car je ne l'avais jamais ressentie. Mais elle a dû savoir. Bien avant moi. Pour le bébé. C'est elle qui m'a instillé l'idée de la relique. Qui m'a décidé à venir ici. Elle m'a manipulé, du début à la fin... »

Ce constat laisse un grand vide en moi. Je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais même pas comment la court-circuiter.

« Par contre, je crois que votre présence ici, elle ne l'avait pas prévu... »

Camille, enceinte ? Quand Nathan entendit ça de la bouche de Sullivan, instantanément, son regard se porta vers le ventre de la femme... Un réflexe typique, comme si on s’attendait à voir, tout d’un coup, une pancarte énorme sur le ventre de la mère, ou voir le bébé jaillir de l’estomac en perçant la cage thoracique à la manière d’un Xénomorphe. Il n’y eut rien de tout ça, et Nathan se dit que cette femme ne devait être enceinte que depuis très récemment... Et qu’elle n’était pas vierge, accessoirement. Pour un homme, c’était toujours une bonne information à prendre. Et, vu qu’elle était toute seule ici, il pouvait également en déduire que son amant, soit l’avait doublé, soit était parti... Ce qui, dans le fond, revenait un peu au même pour lui. Il ne fallait juste pas parler de son ex’, mais, ça, à vrai dire, ça ne gênait pas Nathan. De manière générale, c’est plutôt les filles qui avaient tendance à parler des ex’. Lui-même n’avait guère envie de parler de ses aventures passées, surtout si c’était pour évoquer Chloé ou Elena.

La sorcière leur confirma que la grossesse était récente, car elle l’avait appris aujourd’hui.

*Hum... Peut-être bien que son mec l’ignore, alors... Si elle en a un... Damn, Nate !*

Pourquoi fallait-il qu’il pense à ça ? Il venait tout juste de frôler la mort, de voir des cadavres de garçons dans des caisses en bois, et était maintenant obnubilé par le fait de savoir si cette femme, belle à en décrocher les mâchoires, était casé ou non. En même temps, comme le molosse, Nathan sentait qu’il n’y avait pas de menaces proches. Il pouvait donc se laisser aller à des pensées bien plus prosaïques. Ce n’était rien de plus qu’une sorte de détente après avoir frôlé la mort. Camille semblait désespérée, et Nathan, pour le coup, se sentait bien incapable de pouvoir l’aider. La grossesse, c’était un problème qui le dépassait... Il aurait été bien d’avoir Lara à proximité, et, alors qu’il envisageait de dire quelque chose, Camille leur assura alors qu’elle avait été manipulée.

Ce mot égaya la curiosité des deux hommes. Que voulait-elle dire par là ? La sorcière semblait être en train de réfléchir, et, visiblement, en savait un peu plus qu’eux sur ce temple. Elle leur expliqua que la femme qu’ils avaient vu sur le toit devait être une ancêtre de Camille, cherchant à se réincarner, non pas en elle, mais dans son bébé. Tout ça ressemblait au délire d’une paranoïaque, mais, vu les circonstances, on pouvait l’excuser pour ça. En effet, Camille en était jusqu’à considérer qu’elle avait été manipulée inconsciemment par son ancêtre pour venir ici. Pour un Terrien, peu lié à la magie, c’était un pur délire, mais, après tout... On pouvait faire plein de trucs avec la magie.

« Par contre, je crois que votre présence ici, elle ne l'avait pas prévu... » glissa alors la femme.

Sullivan haussa les épaules.

« On est un peu des trouble-fête, c’est notre marque de fabrique. »

Nathan ne dit rien, tandis que Sullivan regardait autour de lui. En réalité, les deux hommes ne savaient pas trop quoi dire, et ce fut finalement Nathan qui brisa un silence qui était en train de s’installer.

« D’une manière ou d’une autre, vous ne pouvez pas vous débarrasser de votre enfant ici. Et, si cette femme peut vous manipuler à distance, alors, même si vous arriveriez à partir, elle continuerait à vous nuire, ou à nuire à... Euh... À Junior. »

Il ne savait pas trop comment l’appeler, et regarda autour de lui, dévisageant les sarcophages.

« Je me suis un peu renseigné sur les légendes locales tournant autour de ce château. Elles sont contradictoires, mais s’accordent tous à dire qu’une source maléfique très ancienne rôde ici... Une force qui serait antérieure à ce fort. La construction même de ce fort aurait été faite pour tenter de contenir cet être... Et maintenant, il y a cette sorcière... Votre aïeule, si vous avez misé juste.
 -  Ce qui est sûr, c’est que l’Ordre Immaculé n’aurait pas bouclé l’endroit s’il n’y avait pas une menace ici... Et ces sarcophages, on dirait... Je ne sais pas... Un genre de rituel, quelque chose comme ça...
 -  Comme un sacrifice... »

Les deux hommes réfléchissaient à voix haute, avec cette conviction qu’ils avaient probablement fait une grosse erreur en venant ici. Ils étaient avec une femme enceinte, un énorme chien infernal, et une menace terrifiante... Et, alors qu’ils réfléchissaient, le molosse de Camille se mit alors à se redresser, en grondant, montrant les crocs. Nathan se retourna, surpris. Il s’était redressé, sentant une menace indicible. Un autre fantôme ? D’autres menaces silencieuses ?

« Que... ?
 -  Shhhttt !
 -  Hein ?
 -  La ferme... Écoute... »

Nathan obtempéra, et entendit alors... Des espèces de vrombissements lointains, mais qui enflaient et se rapprochaient de plus en plus.

« Qu’est-ce que... ?!
 -  Ça vient d’en-haut... Des fenêtres ! »

Sullivan s’avança vers l’escalier qu’ils avaient emprunté, et Nathan le suivit. Les vrombissements se rapprochaient, et évoquaient des rotors d’hélicoptères. Ils avaient l’air nombreux, et, en s’approchant d’une meurtrière, Nathan crut s’étrangler.

« Bordel...
 -  On dirait que la cavalerie vient de débarquer... »

Il y avait une dizaine d’hélicoptères dans le ciel, descendant lentement vers le fort, déployant des filins par lequel des commandos descendaient rapidement, filant le long de ces derniers, se posant dans la cour centrale. De grands hélicoptères obscurcissaient le ciel en se rapprochant, et Nathan voyait également d’autres modèles.

« Ceux-là, ils viennent de Tekhos... L’Ordre y est bien implanté là-bas... »

Entre Nexus et Tekhos, il y avait une mer à traverser. C’était loin, mais, en hélicoptères, on pouvait sauter les bouchons. Nathan regarda brièvement Camille.

« Vous ne savez absolument rien sur votre aïeule ? Aucune légende racontée par votre grand-mère au coin du feu un jour de pluie ? Visiblement, ces gars doivent en savoir plus que nous... »

« On est un peu des trouble-fête, c’est notre marque de fabrique. »

La remarque me tira un sourire. L'ambiance, avec ce qui venait de se passer, me paru moins lourde. Mais j'étais quand même en colère. Déçue. Vexée. J'avais été manipulée, et incapable de m'en rendre compte. Je ne méritais pas d'avoir mes pouvoirs. Je n'étais même pas fichue de me protéger correctement. Ni même de prévenir une grossesse indésirable.

Bon, pour la grossesse, je n'ai pas vraiment été moi-même, et donc j'aurais été incapable de la prévenir. Mais si je n'avais pas eu cette confiance aveugle en Desmond... Si seulement j'avais su voir la bête en lui, le monstre qui s'était tapi dans l'ombre... Je n'aurais jamais eu tout ces ennuis. Surtout que j'ignore encore ce qu'il me veut, Desmond...

« D’une manière ou d’une autre, vous ne pouvez pas vous débarrasser de votre enfant ici. Et, si cette femme peut vous manipuler à distance, alors, même si vous arriveriez à partir, elle continuerait à vous nuire, ou à nuire à... Euh... À Junior. »

Junior. Ça faisait tout drôle à entendre. Spécialement quand ça s'adressait à une chose qui grandissait dans mon ventre.

Je hochais la tête, le reste de sa phrase étant d'une logique incontestable. J'approuvais également la suite, concernant les légendes sur l'Être qui serait contenu dans l'édifice. Oui, ça devait forcément être mon aïeule. J'ignore même son nom. C'est dire...

Laissant les hommes discuter de ces légendes locales, mon regard explora la pièce. Les sarcophages étaient tous entouré de cette aura de tristesse, de douleur et de terreur. De mort. Imaginer qu'il y avait un jeune enfant dans chacun d'entre eux me retournait l'estomac. Cette sorcière... Si c'était bien une de mes ancêtres, comme tout portait à le croire... C'était décidément un monstre. Mais un monstre puissant. Depuis tout ce temps, elle n'avait pas perdu de force. Ou alors, ses pouvoirs étaient décuplés, au temps où elle avait sa propre enveloppe corporelle.

« Bordel...
— On dirait que la cavalerie vient de débarquer... Ceux-là, ils viennent de Tekhos... L’Ordre y est bien implanté là-bas...
— Vous ne savez absolument rien sur votre aïeule ? Aucune légende racontée par votre grand-mère au coind u feu un jour de pluie ? Visiblement, ces gars doivent en savoir plus que nous...
— Je ne me rappelle pas de grand-chose. Mais je n'avais jamais rien entendu sur une sorcière aussi puissante. Jusqu'à ce qu'elle m'en parle elle-même... »

Ce qui était assez étrange, avouons-le. Même les mercenaires de tout à l'heure, paix à leurs âmes, en savaient plus que moi sur elle.

« Si la moitié de ce que les mercenaires ont racontés, tout à l'heure, est vraie, j'imagine qu'ils ont envoyé des renforts pour récupérer cette satanée relique... On est passé devant tout à l'heure. Il faudrait aller la récupérer. Je peux... Je pense pouvoir désactiver les effets qu'elle déploie. J'ai eu un aperçu de son pouvoir tout à l'heure... Oui, il faut que j'aille la désamorcer. Sinon, si ces gars s'en emparent... Je peine à imaginer la catastrophe que ce sera. »

La relique permettait à la sorcière de posséder la personne qui la portait. J'avais pu le deviner, avec le bref aperçu que j'ai eu. Et si une personne dépourvue de magie la touchait, elle serait incapable de lutter contre l'âme de la sorcière. Elle se ferait anéantir, purement et simplement, et alors là, le chaos qui en découlerait serait inimaginable.

Plus les hélicoptères se rapprochaient, et plus je sentais l'urgence de la situation. Si ces types-là s'emparaient de la couronne... Et si cette urgence m'était envoyée par la sorcière ? Non... Le dogue démoniaque le sentirait... Non ?

Oh j'en sais rien.

Mais dans le doute...

« Je me souviens du chemin. C'est par ici. »

Je pris l'initiative de sortir de la pièce. Les sarcophages commençaient à m'oppresser en plus. Penser à tout ces enfants...

Le chemin était comme inscrit dans ma mémoire. Piège ou pas piège ? Le doute s'insinuait dans mon esprit, mais me faire manipuler était toujours moins grave que ce qui pourrait se passer avec ces mecs en hélico. Je pourrais toujours contrer les attaques magiques. Pas eux.

Je m'arrêtais subitement. Tournant la tête vers les deux hommes, je demandais :

« Vous êtes sûr de vouloir me suivre ? Je ne sais pas si la sorcière pourrait s'en prendre à vous. Je ne présumerais pas de mes forces en affirmant pouvoir pour forger un bouclier contre les attaques magiques. Surtout si la relique est aussi maléfique que la sorcière. »

J'avais beau avoir repris des forces, je ne maîtrisais rien aujourd'hui. La puissance des attaques de la démoniaque sorcière m'avaient à chaque fois laissées affaiblies.

Après leur réponse, je continuais. Le chien gronda dès lors qu'on s'approcha de la pièce contenant la relique. Je le comprenais. Moi aussi je ressentais les vibrations négatives de la pièce. Même les simples humains devaient ressentir une sorte de frissons. Et puis, l'odeur métallique du sang... Il allait sans doute y avoir d'autres chiens loups, comme sur le toit. A moins qu'ils ne soient encore trop affaiblis par la croix de l'Ordre Immaculé...

« C'est ici. »

Je m'étais arrêtée sur le seuil, contemplant le bain de sang.

« Oh mon dieu... »

Des corps démembrés, du sang à perte de vue... Et cette odeur.. Sang, tripes...

Je retiens un haut le coeur avant de m'avancer prudemment. Grondant, le molosse n'essaie toutefois pas de m'en empêcher. Et la couronne scintillait au centre de la pièce, sur un piedestal. Attirante. Répandant des reflets rougeâtres dans la pièce avec la luminosité extérieure.

Je ne sais pas si la couronne à le même effet sur les deux hommes, mais moi... Elle m'attire irrémédiablement. Je m'avance, tel un fantôme, tendant le bras vers la relique scintillante. Je mobilisais un peu d'énergie pour tenter de contrer cette attirance, mais toujours, je m'avançais.

C’était toute une cavalerie qui venait de débarquer. Une véritable armée pour fouiller ce château de fond en comble. Cependant, quelque chose disait à Nathan que ces types ne seraient pas forcément enjoués à l’idée de les voir ici. Quand Camille leur annonça savoir où se trouvait la relique, les deux hommes se regardèrent brièvement, étonnés, avant de se décider à la suivre. Après tout, qu’avaient-ils à perdre ? Ils étaient juste surpris de savoir que cette femme connaissait l’emplacement de la relique qu’ils recherchaient. Que savait-elle donc d’autre ? Pouvait-on vraiment lui faire confiance ? La manière dont ce chien s’était rapprochée d’elle... Et puis, c’était une sorcière. Était-elle fiable ? Nathan se posait toutes ces questions en avançant. Bien qu’il soit plutôt futé et endurant, il était aussi naïf, suffisamment naïf pour se faire fréquemment avoir par ceux envers qui il accordait sa confiance. Le duo suivait Camille, s’enfonçant dans les couloirs de cet énorme château, jusqu’à ce qu’elle se retourne vers eux.

Elle préféra les mettre en garde, les avertissant du danger qu’ils avaient à la suivre :

« Vous êtes sûr de vouloir me suivre ? Je ne sais pas si la sorcière pourrait s'en prendre à vous. Je ne présumerais pas de mes forces en affirmant pouvoir pour forger un bouclier contre les attaques magiques. Surtout si la relique est aussi maléfique que la sorcière. »

Les deux hommes se regardèrent brièvement. Sullivan haussa les épaules, et Nate répondit :

« Tu veux déjà te débarrasser de nous, Camille ? Après ce qu’on a vécu sur le toit, je croyais qu’on était devenus intimes... »

Ils continuèrent à s’avancer, nullement inquiets. Pour eux, la route n’allait pas s’arrêter là. Il était trop tard pour faire marche arrière. Une relique maléfique... Nathan n’avait jamais cru à ces vieilles superstitions, mais, sur Terra, tout était différent. La magie était palpable ici, et il avait pu en faire la désagréable expérience. Elle n’était pas moribonde et aux abois comme elle pouvait l’être sur Terre, elle s’affirmait, dans toute sa puissance, et dans toute sa dangerosité. Laprudence était de mise pour éviter de tomber dans des pièges grossiers et dangereux.

Le trio se rapprocha donc, jusqu’à sentir l’odeur de la mort, des cadavres en putréfaction. Ils tombèrent sur d’autres cadavres, dans une vision sinistre. Il y avait une bonne dizaine de cadavres, et Sullivan et Nathan les observèrent brièvement.

« Impacts de balles, lacérations multiples...
 -  Ils se sont entretués... Mais pourquoi ? »

La réponse s’imposa d’elle-même quand ils virent, au centre de cette grande pièce, sur un piédestal, une magnifique couronne dorée, qui scintillait, émettant des lueurs enchanteresses. Sans pouvoir se l’expliquer, Nathan ne put détacher son regard de cette dernière, allant même jusqu’à en oublier les fesses rebondies de Camille. Il voyait la couronne, devant lui, et, alors qu’elle grossissait dans son esprit, il entendit une voix siffloter dans sa tête.

*Ne le sens-tu pas ? Elle peut t’offrir tout ce que tu veux... Qui est ton père...Ta famille... Et pense à la fortune que représentera cette relique si tu l’exhibais fièrement. Même cette insolente de Lara Croft sera forcée de te reconnaître à ta juste valeur. Tu ne seras plus le garçon errant de Carthagène, le vagabond vivant dans l’ombre de Sullivan... Tu entreras dans une nouvelle ère. Avec cette couronne, les gens se rueront à toi comme si tu étais leur idole. Un nouveau Dieu... Ne crois-tu pas l’avoir mérité PLUS QUE QUICONQUE, Nathan ? HEIN ?! N’as-tu pas ASSEZ souffert comme ça durant ta vie ? Prends-là, c’est ce qu’elle VEUT ! Elle te veut, TOI !! Prends-là !!*

La voix était de plus en plus insistante, et Nathan secoua la tête. Il fallait... Il fallait lutter contre... Contre cet enchantement infernal. Il ferma les yeux, et essaya de détourner la tête de la couronne, mais c’était comme si son cœur était criblé de mille flèches. Instinctivement, sa main se portait vers son arme, car il voyait Camille s’en rapprocher, inexorablement, se rapprocher de SON bien.

*Non... Non, il est à moi !*

Le coup de feu jaillit alors, aux pieds de Camille, et Nathan tourna la tête. C’était Sullivan qui avait tiré, une lueur malsaine brûlant dans son regard.

« Ne pensez-vous pas que j’ai vu clair dans votre jeu, jeune femme ? Reculez-vous, bien sagement. Je n’aimerais pas avoir à ouvrir le front d’une si jolie frimousse, mais je n’hésiterais pas. Je suis venu pour cette relique, et je la prendrais ! La sorcière en a après vous, pas après moi ! »

Lamain de Sullivan tremblait, et, alors qu’il s’avançait, à son tour, vers la couronne, Nathan dégaina son arme, le visant à son tour.

« Désolé, Sully... Mais je n’ai jamais vraiment oublié Panama et tes petits coups tordus... Cette couronne est un trésor archéologique, Sully, pas une pièce que tu peux exhiber pour régler tes dettes de jeu !
 -  Un trésor archéologique ? Nate, putain, tu vois pas l’oseille que ce truc nous rapportera ? Tu comptes vraiment tout faire foirer parce que cette fille a un joli cul ?
 -  Ça n’a rien à voir avec ça ! Je ne te laisserais pas gâcher un tel trésor en le vendant au prêteur sur gages du coin ! »

Les deux hommes se dévisageaient mutuellement, leurs armes mutuellement brandies.

« Je n’hésiterais pas, Nate.
 -  Moi non plus. »

La tension entre les deux était palpable... La couronne les ensorcelait, et une voix tonitruante résonna alors :

« IDIOTS !! »

Nathan tourna la tête et vi tune intense source de lumière émanant du couloir, tandis que des mercenaires avançaient dans cet aura éblouissant. Nathan brandit son arme vers la source de lumière, mais un rayon lumineux le frappa alors au torse, le renversant sur le sol.

« Vous ne le volerez pas ! » hurla Sullivan en ouvrant le feu au jugé.

Une fléchette électrique l’atteignit au torse, répandant un courant qui l’envoya s’écrouler sur le sol. La lumière se dissipa peu à peu, révélant alors le visage sévère d’un homme, tenant un bâton magique : le Haut-Inquisiteur Kairn !

« Je suis l’Inquisiteur Kairn, sorcière, envoyé par le Grand Conseil Œcuménique pour purger ce fort du mal ancestral qui y règne. Cette relique est diablerie. Touche-là, et tu seras possédée à jamais par les forces maléfiques qui hantent ce fort... Et qui ont pris possession de l’esprit de ton aïeule. »

La magie sacrée semblait protéger l’Inquisiteur du maléfice de cette relique maudite... Partiellement, en tout cas.

La petite blague de Nathan me tira un sourire tandis que je secouais la tête doucement. Je continuais à avancer, appréciant mine de rien la présence des deux hommes derrière moi. Un renfort inattendu, mais bien accueilli. J'imagine que, seule, je n'aurais pas pu venir à bout des chiens-loups de l'enfer, ni de l'influence de la sorcière...

Et puis toute pensée qui n'était pas pour la couronne déserta mon esprit en entrant dans la pièce. Je n'avais d'yeux que pour ça. Une petite voix, au fond de moi, me disait que c'était très mauvais, que j'étais en train de me faire manipuler, que j'allais entrer dans le jeu de la Sorcière. Mais chaque fibre de mon être réclamait ce bien, ce don. Cette magnifique oeuvre d'art, ce bijoux d'orfèvrerie. Je ne voyais qu'ell- BANG !

Un coup de feu fit un trou dans le sol, juste à côté de mes pieds. Devant. Momentanément déconnectée de l'influence de la couronne, je tournais la tête pour voir Victor brandir son arme vers moi.

« Ne pensez-vous pas que j’ai vu clair dans votre jeu, jeune femme ? Reculez-vous, bien sagement. Je n’aimerais pas avoir à ouvrir le front d’une si jolie frimousse, mais je n’hésiterais pas. Je suis venu pour cette relique, et je la prendrais ! La sorcière en a après vous, pas après moi ! »

Non non non non non... Il ne peut pas ! Non seulement la relique permettrait à la sorcière de le posséder, mais je ne suis pas de taille contre lui. Physiquement. Et métaphysiquement, il aurait une puissance infinie, celle de la sorcière. Il ne serait plus Victor, mais elle, dans un corps d'homme puissant !

Je remarquais le tremblement de sa main, et ça me suffit pour comprendre que la couronne l'attirait aussi. Un soupçon de jugeotte me fit dresser mes barrières mentales avant de regarder à nouveau la relique. Mais la voix de Nathan jaillit à cette instant également.

« Désolé, Sully... Mais je n’ai jamais vraiment oublié Panama et tes petits coups tordus... Cette couronne est un trésor archéologique, Sully, pas une pièce que tu peux exhiber pour régler tes dettes de jeu !
— Un trésor archéologique ? Nate, putain, tu vois pas l’oseille que ce truc nous rapportera ? Tu comptes vraiment tout faire foirer parce que cette fille a un joli cul ?
— Ça n’a rien à voir avec ça ! Je ne te laisserais pas gâcher un tel trésor en le vendant au prêteur sur gages du coin !
— Je n’hésiterais pas, Nate.
— Moi non plus. »

Mon regard allait de l'un à l'autre, les dévisageant avec stupeur. Ils semblaient si amis... La relique les retournaient littéralement l'un contre l'autre. Ce n'était pas bon. Pas bon du tout. Ils allaient s'entretuer. Je voulais les en empêcher, mais une voix envoûtant me susurrait ses mots doux à l'oreille :

« Laisses-les s'entretuer, petite. Tu garderas la couronne comme ça... »

Mais... Non ! Je ne veux pas qu'ils meurent, même pour avoir la relique pour moi. J'allais crier, pour les faire cesser, mais une voix me devança :

« IDIOTS !! »

Qui arrive ? Pourquoi toute cette lumière ? Je me couvre les yeux en détournant le regard, renforçant un peu le bouclier magique que j'essayais de dresser contre la relique.

Mon regard se posa alors sur Nathan, qui voulu sans doute tirer dans le tas de lumière, mais qui se retrouva projeté au sol par un arc lumineux. Victor ouvrit alors le feu, et il finit également par terre. Je n'ai pas bien vu ce qui lui est arrivé, mais cette apparition -que je distinguais mieux maintenant que la lumière décroissait- avait mis les deux hommes à terre en trois secondes. C'était un peu effrayant.

« Je suis l’Inquisiteur Kairn, sorcière, envoyé par le Grand Conseil Œcuménique pour purger ce fort du mal ancestral qui y règne. Cette relique est diablerie. Touche-là, et tu seras possédée à jamais par les forces maléfiques qui hantent ce fort... Et qui ont pris possession de l’esprit de ton aïeule. »

L'Inquisiteur... L'Ordre Sacré était bel et bien derrière tout ce bordel. Ça expliquait ainsi la croix trouvé par Victor sur un des cadavres de mercenaires.

« Comment pouvez vous savoir autant de chose sur cette ancêtre, alors que moi, je l'ignore ? Et vous dites vouloir purger le fort du mal... Mais ça fait des années que le château est "interdit", et des années que la sorcière prends ses aises ici. Vous avez vu les sarcophages ? Vous avez vu leurs contenus ? Elle cherche un moyen de regagner un corps depuis des siècles ! A chaque fois, elle manipule une sorcière de ma famille, une de mes ancêtres tombée enceinte, pour prendre possession de l'enfant. Vous avez vu les corps ? C'est eux ! C'est ces pauvres enfants... Ils sont tous, TOUS !, de ma lignée. Vous prétendez protéger le monde, mais vous n'avez rien fait... Pourquoi venez-vous seulement maintenant ? »

Je me laisse emporter par ma tirade. Les joues rougies, le regard brillant. Je lutte en même temps, au même instant, contre l'attraction de la couronne. Je ne suis même pas sûre de ce que je dis. J'ai l'impression d'avoir l'épiderme brûlant. D'avoir les reins en feu. Ce n'est pas normal.

« Peu importe. Je vais détruire la malédiction. Maintenant. »

Je me retourne vers la relique, et je mobilise alors toute ma puissance. Le molosse se place à mes côtés, me communiquant l'énergie dont j'ai besoin. Je forme un dôme de magie autour de moi et de la couronne. Autour du chien et du piédestal. La puissance du bouclier est telle qu'il scintille face à la lumière sacrée de l'Ordre. Mais, grâce au dogue infernal, ce n'est qu'une infime partie de mon pouvoir qui est utilisée. Le reste, je le lance vers la couronne. Métaphysiquement. Un peu comme si je balançais un jet de flamme vers la relique, pour parler de façon plus terre à terre.

Le pouvoir de la sorcière démoniaque déferla alors. Il me fouetta les joues. J'avais les cheveux qui volaient, comme si une tempête rugissait autour de moi. Heureusement, ce déchaînement de pouvoir restait confiné dans la bulle protectrice que j'avais érigée. Ainsi, je ne me protégeais pas seulement de la magie sacrée de l'Inquisiteur. Mais je les protégeais tous de la sorcière. De mon ancêtre.

« N'essaie pas, Camille. Tu perdras. Comme toutes tes ancêtres. Tu perdras, et je renaîtrais. Grâce à toi. Ha ha ha ! Laisses-toi aller, Camille... Laisses-moi venir prendre possession de cette chose qui grandit en toi. Tu ne l'as pas désiré, en plus. C'est la faute de Desmond. Laisses-moi entrer, et je te jures que je te vengerais de Desmond. Je le ferais ramper à tes pieds. Tu seras toute puissante, et tu seras protégée grâce à moi... »

Le pire, c'est que je sentais que j'étais tentée. Mais non. Résister. Posant une main sur l'encolure du molosse, je puisais en lui la force de résister. Il fallait que je dénoue le maléfice qui hantait la couronne. C'était mon but, après tout.

De l'extérieur, je semblais figée. Il n'y avait que mes cheveux qui bougeaient, comme si j'étais en pleine tourmente des éléments. Mais intérieurement, je bouillonnais. J'espérais que le bouclier dressé en dôme protégeais les autres, à l'extérieur, de l'attirance pour la relique. Parce qu'il fallait que son influence soit uniquement dirigée vers moi pour que je puisse défaire le noeud du maléfice. Je le voyais clairement, niché dans le topaze de la couronne.

Puisant une dernière fois dans mes ressources, et dans celles du molosse, je lançais mon pouvoir contre le noeud. L'air rugit, le topaze brilla de plus belle, un peu à la manière de la magie sacrée de l'Ordre. Il brilla plus fort encore, et m'aveugla. Mais je continuais sur ma lancée, je ne cédais pas. Le molosse gronda, s'affaissant un peu contre ma cuisse. Je tenais bon. Je renforçais même mon énergie.

Finalement, au bout d'un temps qui me parut infini, le topaze explosa. Mon bouclier absorba une grande partie de l'impact du souffle de l'explosion que provoqua le bris du maléfice. Mais il finit par être également touché, et céda peu après. Néanmoins, le gros des dégâts était passé. J'avais eu l'impression d'être écartelée. Et quand le bouclier céda, j'ai été projetée au loin derrière, avec le molosse. Près de Nathan. Près de Victor. Mais également près de l'Inquisiteur.

Kairn n’était pas un Inquisiteur comme on pouvait se l’imaginer. Il n’était pas un fanatique, mais clairement quelqu’un qui faisait ce pour quoi l’Inquisition avait été créée : débusquer les maléfices, et les supprimer. Ceci impliquait les hérésies païennes, les traces démoniaques... Et les malédictions. Il préparait l’opération dans ce château depuis des années, et, maintenant qu’il avait enfin réussi à convaincre le Grand Conseil de mener cette opération, il était surpris de constater que cette opération avait lieu le même jour où la descendante de la Reine arrivait. Kairn avait lutté contre des tribus païennes qui pratiquaient des sacrifices rituels sur des enfants. Il s’était récemment illustré au sein de l’Ordre Immaculé en exorcisant un village d’un démon qui avait pris possession du corps d’un simple meunier. Ses exploits étaient reconnus au sein de l’Ordre, et on avait donc fini par autoriser cette mission. Kairn n’avait pas lésiné sur les moyens, car il sentait que ce château serait son grand-œuvre. On pourrait même le canoniser s’il arrivait à libérer ce château. Bien sûr, Kairn ne courait pas après la gloire ou la fortune... Mais ce serait une belle récompense pour lui.

Loin de l’écouter, cette femme tenta d’arrêter la relique, de l’emprisonner, sans se rendre compte qu’elle agissait sous la volonté de la créature qui rôdait ici. Plusieurs des novices de l’Ordre s’ avancèrent, mais Kairn tendit sa main vers eux, afin de les arrêter.

« N’en faites rien ! Sécurisez les deux civils, je m’occupe d’elle et de Dormin. »

Il s’avança, en voyant une aura noire recouvrir Camille. Kairn frappa le sol avec son bâton, et une onde magique recouvrit toute la pièce, permettant de percer l’ombre. Autour de Camille, on pouvait alors voir de sinistres griffes noirâtres qui essayaient de s’emparer de la femme. Kairn serra les dents, et une aura dorée enroula le sommet de son bâton, grossissant. Il pouvait sentir que la sorcière était en train de lutter contre la couronne.

« Ne faites pas ça, c’est exactement ce qu’elle veut... C’est pour ça qu’elle vous a amenés ici, ne... Ne la brisez pas ! »

Camille ne pouvait pas l’entendre. Elle était engluée dans son combat contre l’influence de sa mère, et lui devait lutter sur tous els fronts. Il protégeait ses hommes du sortilège de l’artefact, il repoussait la Reine, mais il essayait aussi de lutter contre Camille. Elle avait compris que le topaze de la couronne émettait des vibrations magiques, mais elle était encore une novice, ne comprenant pas ce qu’elle faisait. Les dents serrés, Kairn en appela à toute sa force spirituelle, mais sentait sa tête bourdonner. Du sang s’échappait de ses narines, mouillant sa barbe, et le topaze explosa brusquement, repoussant Camille, tandis qu’une épaisse fumée noire se mit à grossir, évoquant vaguement un corps humain, grotesque, avec un visage déformé.

La forme se matérialisa peu à peu, et Kairn déglutit en la reconnaissant : la Reine !

« Vos ancêtres m’ont déjà scellé une fois, hommes de foi. Une expérience très déplaisante...
 -  Recule, démon !
 -  Tu oses donner des ordres sous mon propre toit ? Arrogant humain ! »

La femme tendit sa main, et des ombres s’envolèrent vers le groupe. Kairn poussa un hurlement, et posa son bâton sur le sol, créant une nouvelle onde magique, un dôme, qui se heurta aux rayons noirâtres. La femme insista, et Kairn sentait la surface du dôme onduler, se craquant lentement, s’effritant au fur et à mesure que son adversaire insistait dessus. Les genoux s’abaissant sous le poids de cette terrifiante magie, Kairn serrait les dents.

« Succombe !
 -  Oblivium sempiternum daemonis, grinçait l’homme de foi, repentant inlassablement ce leitmotiv, oblivium sempiternum daemonis… DAEMONIS !! »

Son corps se parcourait de griffures et d’ecchymoses, ses os lui semblaient sur le point d’exploser, ses poumons en train d’éclater, alors qu’une véritable tempête magique se déchaînait, émanant de cette sinistre femme. Le dôme se fissurait de partout, et Kairn répéta sa prière. Il poussa un hurlement, la croix de son bâton s’illumina, et un rayon lumineux en jaillit alors, et frappa la femme de plein fouet.

« HAAAAAAAAAAAAAAA !!! hurla-t-elle alors. Je te tuerai pour ça !! Ce château sera ta TOMBE, prêtre ! Vous ne me scellerez plus jamais !! »

La Reine tournoya furieusement dans les airs, et, en hauteur, les fenêtres permettant d’éclairer la pièce éclatèrent alors.

« Empêchez-là de partir ! »

Les novices firent feu, mais les balles de leurs fusils d’assaut n’atteignaient que des ombres, alors que la Reine s’enfuit par la fenêtre.

« Elle…, lâcha l’Inquisiteur épuisé, en se tenant la poitrine, elle ne peut pas sortir d’ici... Pas encore. Mais son pouvoir... Il est bien plus grand que ce que je pensais. »

Kairn était épuisé, éreinté, et sa vision se troublait à moitié. Un novice s’approcha des trois corps. Camille n’était pas évanouie, mais elle était sonnée. L’Inquisiteur la regarda.

« Elle vous a guidé ici… Elle vous a manipulé depuis le début... Nous avions scellé cet endroit il y a bien longtemps à l’aide de runes comme ça... Si elle brise les autres, elle pourra s’échapper...
 -  Que faisons-nous, Monseigneur ? »

L’Inquisiteur réfléchit légèrement.

« Prenez ces deux hommes… S’ils sont toujours en vie, ils peuvent être utiles. Nous remontons à la cour principale. Les autres ont du installer le campement, maintenant. Je pense que nous devrions avoir une petite conversation, vous et moi. »

Cette dernière phrase était adressée à Camille.

Dès que le topaze explosa, je sentis mon esprit soudainement libéré d'une étreinte suffoquante. Je pris conscience, alors que j'atterrissais durement sur le sol dallé, de l'influence qu'avait eu la Reine sur moi. Je toussais, et je crachais un peu de sang. Je prenais de grandes inspirations pendant que l'Inquisiteur et la sorcière "discutaient aimablement". Ma tête me faisait un mal de chien, et quand la sorcière partit de la pièce, j'ai senti qu'elle essayait de reprendre possession de mon esprit. Comme si le fait d'être délivré du topaze l'avait momentanément affaiblie, avant qu'elle ne reprenne de la puissance. Ou peut-être que le duel avec l'Inquisiteur avait mobilisé toutes ses forces.

Je me pris la tête entre les mains, en tailleur sur le sol, tandis que les hommes de l'Inquisiteur obéissaient promptement à ses ordres. J'avais une migraine atroce tandis que le molosse, qui avait été sonné par l'explosion du topaze, se rapprochait lentement de moi, en gémissant. Mais, dès qu'il posa sa tête contre ma cuisse, la pression de la Reine décrut. Je soupirais, soulagée. Juste à temps pour entendre l'Inquisiteur de l'Ordre s'adresser à moi.

« Je pense que nous devrions avoir une petite conversation, vous et moi. »

Je me rendis compte alors de l'énormité que je venais de commettre.

« Et merde... »

Je me relevais, avec l'aide du molosse, et j'époussetais sommairement mes vêtements. Je me sentais salie, mais ça ne partirais pas comme ça. J'avais été manipulée, encore une fois. C'était... Dégradant. Je me sentais affreusement coupable également, et je me doutais que ça ne partirait pas comme ça.

« Je... Je vous demande pardon, Inquisiteur Kairn. Je me rends compte de l'emprise que... Qu'elle avait sur moi. Je n'ai pas... Non, rien ne peut m'excuser, je suis désolée. Commnt puis-je vous aider à réparer mes bêtises ? »

S'il savait combien je me sentais coupable... Je n'étais pas croyante. Plus maintenant, en tout cas. Mais je l'ai été , quand j'étais plus petite. Avant que mes pouvoirs se manifestent. Seulement, à part de cet instant, j'ai été chassée par l'Ordre, qui me traitaient d'hérétique. J'ai vécu avec ma grand-mère dans un coin reculé, isolé. Peut-être que si j'avais gardé ma croix... Mais dans un accès de rage, après m'être échappée des grands pontes de l'Ordre qui voulaient me fouetter et me crucifier, me marquer avec un fer rouge et me laisser pourrir sur la grande place de Nexus, je l'avais jetée. Je l'avais renié, ce Dieu.

Peut-être était-ce ma punition, aujourd'hui.

« Comment l'aviez-vous scellée, autrefois ? J'imagine qu'en joignant mes dons aux votres, nous pourrions la sceller à nouveau, voire la détruire ? »

On dit que les liens du sang sont plus fort que tout, mais à cet instant, je reniais tout ce que me liait à Elle. Après ce qu'elle m'a fait, après ce qu'elle a fait à mes ancêtres, à leurs enfants... Je veux juste la voir disparaître. Pour de bon. Et raser ce château. Purifier la zone.

« Avez-vous entendu parler des Grands Anciens, Madame Temple ? »

La tente de Kairn était un peu plus grande que celle des autres soldats qui l’accompagnaient, mais elle comprenait beaucoup de livres. On avait monté des bibliothèques dans lesquelles s’entassaient de nombreux grimoires magiques, des traités de théologie, et autres livres. Kairn avait invité Camille dans sa tente, tandis que les deux hommes étaient dans une tente à côté, se reposant. Les soldats avaient pris possession de la cour principale, utilisant leur technologie et des runes magiques pour dresser un périmètre de sécurité, tout en disposant de cartes très précises du château. Les hélicoptères étaient partis se réapprovisionner en carburant, et Kairn avait trouvé que c’était le bon moment pour s’entretenir avec cette femme.

Avisant sa bibliothèque, il s’empara d’un livre, et le tendit vers Camille. C’était un livre écrit par un érudit, un frère qui vivait dans un monastère, et qui avait compilé une série d’informations sur les Grands Anciens.

« Les Grands Anciens dominaient le monde et l’espace, autrefois. C’était des tyrans, aux pouvoirs cosmiques défiant toute imagination. Ils ont été bannis, chassés de notre espace et de notre temps, enchaînés à jamais hors des confins de la réalité... Mais leur mémoire continue à errer ici. Ceux qui ont bâti ce château ne le savaient pas, mais ce lac était autrefois le refuge d’individus vénérant un culte à Dagon, le Dieu-Poisson. »

Un marque-pages, dans le livre, menait directement à la partie concernant Dagon. On y parlait de l’Ordre Ésotérique de Dagon, une secte qui vénérait Dagon, et qui existait dans certaines parties du monde, bien qu’elle soit très minoritaire. Plus troublant, le livre mentionnait surtout l’existence de peuples aquatiques vénérant le monstre, comme les Sahuagin. Les membres de cette secte recherchaient les créatures de Dagon afin de se reproduire avec elles, donnant ainsi naissance à d’horribles monstruosités.

« J’ai déjà affronté ces cultistes jadis. Ils avaient pris possession de toute une ville, et sacrifiaient les nouveau-nés à des rites barbares, dans l’objectif de réveiller Dagon. Ce sont des fanatiques, mais ils ne sont plus que des groupuscules éteints... Du moins, c’est ce que je pensais. Aveuglé par ma fierté, je n’ai pas vu que je n’avais pas réussi à éradiquer cette secte. Ils recherchaient cette place. Ceux que j’ai traqués dans ces petits villages côtiers... Certains d’entre eux sont venus ici, afin de réveiller la fondatrice de ce château... Votre ancêtre. Ce château était une cellule morte depuis que l’Inquisition l’avait purgé. Ils ont réveillé la Reine, et elle vous a appelé pour finir le travail. »

C’était l’heure des explications. Kairn avait repris du poil de la bête. Depuis la torpeur dans la pièce abritant le topaze, il s’était peu à peu remis, et s’assit sur une chaise, continuant ses explications. Ce château avait été bâti parce qu’il était bien protégé, au milieu du lac. La femme qui l’avait bâti était une puissante sorcière, qui avait étendu l’influence de son domaine à l’aide de ses charmes et de ses sortilèges. Elle n’était foncièrement pas méchante, s’amusant à ensorceler les hommes et les femmes, couchant avec eux pour obtenir ensuite leur soumission. Elle était plutôt douée dans ce domaine, comme Camille avait du s’en rendre compte. C’était une puissante femme, mais même elle n’avait pas pu lutter contre l’influence de Dormin. Ce que Camille avait ressenti face à cette couronne, c’était ce que son aïeule avait ressenti.

« Elle avait enquêté là-dessus... Elle savait qu’une force malfaisante rôdait dans ces grottes, et elle avait envoyé ses disciples, ses élèves, ses soldats, afin de retrouver le sanctuaire où se trouvait le Portail menant à la prison de Dagon. C’est comme ça que Dormin a pris possession d’elle. Elle n’est rien de plus qu’une victime, corrompue par Dormin. »

Kairn lui expliqua que Dormin était un démon, une créature qui existait sur Terra depuis le Grand Conflit entre les anges et les démons. Un démon qui, comme tous les démons, avait essayé de prendre le pouvoir, et qui avait visiblement cherché à obtenir l’aide des Grands Anciens. Les anges avaient tué son enveloppe physique, mais Dormin avait su tromper la mort. Son âme était enfermée ici, et il avait pris possession de celle de l’aïeule de Camille. Elle avait probablement essayé de le battre, mais avait échoué, et était alors devenue une créature malfaisante. Les habitants de l’époque s’étaient révoltés contre elle, et avaient réussi à la sceller, à l’aide d’artefacts comme cette couronne... Et de sacrifices rituels.

« Quand l’Ordre est arrivé dans cette région, nous avons appris que les habitants étaient terrorisés par ce fort. Ils le disaient hantés, et affirmaient qu’il fallait, chaque génération, sacrifier un enfant pour que le Grand Démon soit apaisé, et ne sorte pas de ses gonds. Nous avons mis fin à cette pratique barbare, en condamnant ce fort. Ce n’était qu’une cellule morte, mais, progressivement, la cellule s’est réveillée. Les adorateurs de Dagon ont entendu son appel, et pensent que Dormin est un avatar de Dagon. J’ignore ce qui est arrivé à ceux qui ont tenté de libérer la Reine en venant ici. Peut-être nous surveillent-ils, ou sont-ils tous morts... »

Kairn pensait avoir répondu à toutes les questions que la sorcière pouvait se poser, mais il lui restait encore des points à expliquer. Il lui indiqua qu’il venait de Nexus, mais que les soldats ici présents appartenaient à un ordre chevaleresque tekhan. L’Ordre Immaculé avait une forte influence à Tekhos.

« Et de votre côté ? Je sais que certains de mes frères vous ont pourchassé... Malheureusement, l’Ordre a encore bien du mal à admettre que les choses ne fonctionnent pas sur un mode binaire. Si cela peut vous rassurer, je n’envisage pas de vous crucifier ou de vous mettre sur un bûcher. Dormin vous veut. Il possède votre aïeule, et voit en vous un moyen d’échappatoire, une seconde fraîcheur... Ou, plutôt, en votre enfant... Il appartient à votre ancien époux, n’est-ce pas ? Desmond ? Pardonnez ma curiosité, mais... Que savez-vous exactement de lui ? Pourquoi avoir décidé de le fuir ? »

Pendant ce temps, dans sa tente, Nathan était lentement en train d’émerger, avec l’impression lancinante d’être à un lendemain de cuite dans un pub de Dublin. Il se relevait faiblement, regardant autour de lui.

« Bordel... » soupira-t-il.

Il émergeait progressivement.

C'est avec attention que j'ai écouté les explications de l'Inquisiteur. J'ai été surprise qu'il connaisse mon nom de famille, mais à la lumière de ses révélations, ce détail est devenu insignifiant. Ça expliquait beaucoup de choses, quant à ce qu'il venait de se produire dans ce château. Ça expliquait les sacrifices. Les manipulations. Les ondes profondément négatives que j'avais ressenti. Ça expliquait aussi, probablement, les terrifiants chiens qui ressemblaient à des loups. La seule chose d'étrange, c'est le molosse. Il était à côté de moi, à cet instant, et semblait très calme. Sa tête massive était posée sur ses grosses pattes, croisées. Son regard brûlant semblait m'observer tranquillement, attendant la suite des évènements. Je pouvais donc, je pense, faire confiance à Kairn.

« Desmond... »

Je soupirais. Il était aussi au courant pour ça. Pourtant, il avait usé de mon nom de jeune fille, et nom de celui d'épouse. Mais, ça n'avait pas d'importance. Je pris une grande inspiration pour lui répondre, sans parvenir à cacher la haine que m'inspirait l'homme que j'avais épousé.

« J'ignore presque tout de Desmond. Je croyais le connaître mais... Il m'a manipulée, depuis le début. Je crois que c'est l'histoire de ma vie d'ailleurs. Être manipulée... Ceci étant, je ne sais pas à quelle fin. J'ignorais même être enceinte avant... Avant aujourd'hui. »

J'hésitais à faire part de mes réflexions à l'Inquisiteur, mais un regard au molosse me décida.

« Je pense... Et certaines allégation de mon aïeule me conforte dans cette idée... Qu'il veut mon enfant. Qu'il veut... S'approprier les pouvoirs qu'aura l'enfant. D'après la sorcière... D'après elle, cet enfant aurait de grands pouvoirs. Je ne sais pas si c'est lié à Desmond, ou si c'est uniquement parce que ce sera mon descendant, mais il semblerait qu'il représente une sorte d'élu. Et j'imagine que tous veulent faire pencher la balance en sa faveur, car comme pour tous, la destinée d'un individu est en grande partie liée à son éducation, n'est-ce pas ? »

Je m'adossais contre une des bibliothèques, jouant avec le bout de la page du livre que j'avais dans les mains.

« Techniquement, je m'appelle encore Thornbrush... Mais j'apprécie plus l'usage de Temple. »

Je lâchais un grand soupir, désabusée.

« J'apprécie également votre... Ouverture d'esprit. Je dois avouer avoir eu, en effet, un mauvais passif avec votre Ordre. »

Alors que j'allais demander où était les deux hommes qui m'avaient accompagnée précédemment, le molosse infernal sauta sur ses pattes en aboyant comme un fou. Quelques secondes après, une onde négative balaya la tente, me coupant le souffle momentanément. Mais ce fut bref. Si bref, que si le chien n'avait pas aboyé, j'aurais cru avoir rêvé. J'avais senti tant de haine, tant de cruauté... Et un soupçon de peur aussi. La sorcière n'avait pas dû apprécier que les membres de l'Ordre la confinent dans le périmètre du château, encore une fois.

Les jambes tremblantes, le souffle court, j'avais lâché le livre que je tenais. Je me penchais pour le ramasser, et le tendre à nouveau à l'Inquisiteur.

« Comment pouvons-nous mettre un terme aux agissements de ce Dormin ? Je peux vous être utile ? Je désire plus que tout réparer mes erreurs, et ensuite, j'aviserais concernant mon... Concernant l'enfant. »

Nathan avait mal au crâne, mais émergeait peu à peu, les souvenirs affluant dans son esprit. Le fort... La relique... Camille, la sorcière, les chiens noirs, les corbeaux... Tout lui revenait à l’esprit, ainsi que cette curieuse relique, et le curieux sentiment qu’on avait pu se jouer de lui. Il se rappelait avoir brandi une arme sur Sullie, mais... Non, ce n’était pas possible. Pourquoi aurait-il fait ça ? Nate était embrouillé, et, surtout, il ignorait où il avait débarqué. C’était une tente, et il entendait du bruit dehors. Accessoirement, il n’avait plus son Glock, ce qui, pour le coup, l’ennuyait. Ses souvenirs récents étaient flous... Mais il n’avait pas imaginé braquer Sullivan.

« On aurait du rester sur notre bonne vieille Terre, Nate... »

Victor était assis sur le sol, et Nathan tourna sa tête vers lui.

« Bon, okay, j’admets que les filles sont légèrement plus sexy ici, si on exclue ta copine Lara, mais les ruines qu’on explore sont rarement aussi animées que celle-ci. »

Nathan ne dit rien. Il pouvait lui accorder celle-ci, car il visait juste. La magie... Ils n’étaient pas préparés pour lutter contre ça. Ils n’étaient que de simples aventuriers, des chasseurs de reliques débusquant des trésors enfouis pour les revendre à des musées ou à des collectionneurs privés. Parfois, c’était ces derniers qui les envoyaient sur place. Ici, ils avaient agi de leur propre volonté. Du moins, c’est ce que Nathan pensait. Victor les avait envoyés ici. C’était ces informations qui les avaient amené ici, mais il semblait être aussi dépassé que lui. Des informations qu’il avait obtenu à Nexus, en traînant dans les bars et les auberges de la cité-État. Nathan n’osait croire que Victor ait pu lui cacher quelque chose, car il savait que le vieil homme était loyal.

Le duo se remettait de leurs émotions, et Nathan remarqua que la fermeture de la tente n’était pas verrouillée. Il l’ouvrit donc, sortant dehors, et se retrouva au milieu d’un campement dressé sur plusieurs cours internes. Il y avait des ponts en pierre en hauteur, découpant la cour en plusieurs parties, et de nombreux hommes armés. Ils portaient des combinaisons de combat, et déchargeaient du matériel, utilisant des espèces d’appareils semblant tout droits sortis de Ghostbusters pour prendre des relevés. Il y avait aussi pas mal de femmes, certaines étant plutôt bien foutues dans leurs combinaisons moulantes. Nathan regardait autour de lui, peinant à voir Camille. Où était-elle passée ? Pour autant qu’il s’en souvienne, elle avait cherché à s’emparer de la relique... Qu’avait-il bien pu lui arriver ensuite ? Avisant une femme, Nathan essaya de l’arrêter.

« Madame, je... »

Elle l’ignora superbement, et Nate grommela.

« Monsieur ! Les relevés captent un pic d’activité !
 -  Vous êtes sûr que l’appareil fonctionne bien, Monsieur ?
 -  Évidemment qu’il fonctionne ! »


Pendant ce temps, dans la tente de l’Inquisiteur, ce dernier s’était assis, tandis que Camille s’était rapprochée d’une bibliothèque. Elle lui expliqua que Desmond l’avait manipulé, et qu’elle pensait que Dormin voulait de sa progéniture, car elle était dotée d’un grand pouvoir. Silencieusement, Kairn écoutait, attentif. Il lui était impossible de savoir si ce fœtus serait puissant ou non. Pour l’heure, ce n’était qu’un embryon. Il était possible que Camille soit simplement une mère aimant se dire que son enfant serait puissant et aurait une vie riche et importante, comme n’importe quelle mère. Cependant, quelque chose disait à Kairn qu’il y avait autre chose derrière... Si ce bébé était aussi celui de Desmond, peut-être était-ce la raison ayant poussé Camille à s’échapper ? C’est en se disant ça qu’il se disait que cet enfant avait peut-être effectivement quelque chose de spécial.

L’homme l’écouta ensuite évoquer l’Ordre, mais il sentit alors une présence. Les verres présents sur la table de la tente vibrèrent, tout comme les livres.

« La Reine ne veut pas de nous... » commenta-t-il.


Dehors, Nathan vit les oiseaux fondre sur eux. Comme dans un mauvais remake du film d’Hitchcock, ils fondirent sur eux, avant qu’un bouclier magique ne les repousse. Le dôme se mit à luire, et Nathan brandit instinctivement une main devant lui, comme pour essayer de se protéger de cette charge.

« Whoa ! » s’exclama-t-il.

Les oiseaux s’envolèrent alors, ne parvenant pas à percer le dôme.

« La vache, bordel ! »


Kairn ne fut guère surprise. Il s’attendait à des attaques de ce genre, afin d’éprouver leurs défenses. Ils n’étaient pas les bienvenus ici, il le savait, et il en tiendrait compte. Il avait senti toute la rage de la Reine, furieuse qu’on lui arrache de près son héritière, et toute la rage de Dormin, soucieux de pouvoir enfin s’échapper de cette maudite prison.

« Comment pouvons-nous mettre un terme aux agissements de ce Dormin ? Je peux vous être utile ? Je désire plus que tout réparer mes erreurs, et ensuite, j'aviserais concernant mon... Concernant l'enfant. »

Il hocha lentement la tête.

« Je dirais que vous êtes l’élément central... Et que, quand je reviendrais à Nexus, je me renseignerais sur votre époux. Pendant un temps, je pensais même que vous travailliez avec lui. Votre époux a de biens sombres fréquentations, mais je n’ai aucune preuve pour l’heure, simplement des soupçons, et des allégations. »

Il reprit son souffle, réfléchissant un peu à ce qu’il convenait de dire ou pas. Quelque chose en lui lui soufflait de faire confiance à cette femme, qu’elle était honnête, et réellement soucieuse d’agir pour le mieux, de s’en sortir indemne, en purifiant cet endroit.

« Pour accomplir ce rituel, pour prendre possession de votre bébé, la Reine devra vous conduire au sanctuaire... C’est là-bas que tout a commencé, et c’est là-bas que tout se terminera. Cependant, je dois avouer qu’il y autre chose qui me turlupine... Et qui concerne ces deux hommes qui vous accompagnent. Cet homme âgé... Certains de mes hommes l’ont aperçu à Nexus, dans certaines auberges... Il était en train de discuter avec des hommes proches de votre époux. Que pouvez-vous me dire sur eux ? Car, pour ne rien vous cacher, je les soupçonne de travailler pour le père de votre futur enfant. »

« Pour être honnête, je ne sais même pas ce qu'il fait réellement dans la vie. Il me disait qu'il avait d'importantes choses à faire au Palais, et comme j'étais droguée, je n'ai pas eu la présence d'esprit de demander plus de détails. »

Je me passais une main sur le visage, essuyant la poussière et la sueur qui s'y collait. J'étais épuisée. Trop d'usage de magie aujourd'hui, trop d'émotions... Mais j'étais déterminée. J'aiderais cett Inquisiteur à purifier cet endroit. Je lui faisais confiance, aussi étrange que ça puisse paraître. Je savais qu'il voulait autant que moi mettre fin à ce cauchemar. Je le sentais. Et j'étais sûre de moi, ce coup-ci. Je n'étais manipulée par personne. C'était ma volonté propre, mes pensées, mes envies.

« Pour accomplir ce rituel, pour prendre possession de votre bébé, la Reine devra vous conduire au sanctuaire... C’est là-bas que tout a commencé, et c’est là-bas que tout se terminera. Cependant, je dois avouer qu’il y autre chose qui me turlupine... Et qui concerne ces deux hommes qui vous accompagnent. Cet homme âgé... Certains de mes hommes l’ont aperçu à Nexus, dans certaines auberges... Il était en train de discuter avec des hommes proches de votre époux. Que pouvez-vous me dire sur eux ? Car, pour ne rien vous cacher, je les soupçonne de travailler pour le père de votre futur enfant. »

Non, je ne peux pas y croire. Nathan et Victor ne seraient pas du côté de Desmond quand même ? Ils m'ont paru si... Surpris des affaires magiques qui se sont déroulées dans le château. Je ne pense pas qu'ils pourraient être liés à Desmond.

Mais en même temps... Je ne connais rien d'eux. Juste le peu que j'ai découvert aujourd'hui. Je sais que Nathan m'a sauvée, que Victor l'a fait également. Mais, honnêtement, je ne sais rien d'autre. La petite scène de la tentation devant la couronne, ça m'a livré un peu leurs intentions. Ils étaient là pour la couronne. Mais était-ce la seule chose ? Si ça se trouve, s'ils travaillaient pour Desmond, il m'avait intentionnellement sauvée. C'était peut-être une sorte de plan. Engager les mercenaires pour me capturer, et pour que lui puisse venir me délivrer ensuite... Ils m'auraient suivie ? Depuis le début ?

« Je ne sais pas grand chose d'eux. Je les ai rencontrés aujourd'hui même. Nathan m'a sauvée des mercenaires. Et ils avaient l'air surpris de me savoir enceinte. Je ne les crois pas de mèche avec Desmond, mais je ne les connais pas donc peut-être qu'ils le sont. Je n'en sais strictement rien. »

Je m'agenouille alors, et caressait la tête du chien distraitement. Bizarrement, l'Inquisiteur n'a pas posé de question sur lui. Mais bon, avec les Pouvoirs Supérieurs de l'Ordre, il sait peut-être déjà à quoi s'en tenir.

« Et, concrètement, comment comptez-vous en finir au sanctuaire ? Aurez-vous besoin de mon aide ? Ou servirais-je juste d'appât ? Je n'ai rien contre cette dernière idée, hein, mais j'aime juste connaître les plans à l'avance. »

Nathan eut de la chance. Il tomba rapidement sur un homme plus loquace, un jeune blanc-bec qui rougissait en regardant le cul d’une autre femme, un cul qui, pour sa défense, était superbement bien moulé. Pris en faute, le blanc-bec essaya de nier l’attirance physique qu’il ressentait pour cette femme, et Nathan, en souriant, l’invita à se détendre, confirmant qu’elle était bien roulée. C’est de cette manière que lui et Peter sympathisèrent. Peter lui expliqua qu’ils venaient de Tekhos, et que, quand on était un mâle à Tekhos, il n’y avait pas beaucoup de solutions pour sortir des ghettos. Les églises de l’Ordre Immaculé étaient un terrain de jeu très profitable, car l’Ordre, en tant qu’institution mondiale et religieuse, prônait l’égalité des sexes. Elle acceptait donc les hommes, et les assignait généralement à des ordres guerriers. Comme partout, l’Ordre Immaculé avait sa propre milice, des chapitres de paladins qui venaient secourir la veuve et l’orphelin. Avec la menace formienne, les milices tekhanes de l’Ordre étaient très occupées, et certaines se rendaient parfois dans les Badlands, un nom officieux désignant le désert qui séparait Tekhos de l’Empire d’Ashnard, un désert envahi par la criminalité et par les trafics entre Ashnard et Tekhos. Peter se mit à parler beaucoup, et Nathan s’avéra dans l’incapacité de l’attirer.

Au sein du chapitre, le jeune homme était encore un novice, sous la responsabilité de sa supérieure, et, vu le regard qu’il coula vers la femme au joli cul, le chasseur de reliques comprit que le blanc-bec avait très envie de pénétrer sa supérieure. Il lui souhaitait bien du courage, car les Tekhanes étaient connues pour être de grandes lesbiennes, ayant une vision assez réduite de l’intérêt du sexe masculin. Dur, quand on voyait à quel point ces poupées étaient bien roulées. La vie était une pute, et Nathan compatissait sincèrement avec la douleur de Peter. L’Ordre Immaculé ne voyait pas d’un très bon œil la sexualité, estimant qu’elle ne devrait être utilisée qu’à des fins reproductives, et que ceux qui ne prenaient leur plaisir que par le sexe ne méritaient pas d’être des humains, et n’étaient rien de plus que des animaux. Peter ressortait les leçons du catéchisme, et Nathan l’écouta, orientant la conversation. Peter avait été assigné aux Badlands, mais sa section avait été démobilisée pour rejoindre le Haut-Inquisiteur Kairn.

« Kairn ? » l’interrompit alors Nathan.

Dans le ton de Peter, Nathan sentit un profond respect. Il lui expliqua que Kairn – le Haut-Inquisiteur Kairn – était une légende au sein de l’Ordre Immaculé. En entendant Inquisiteur, Nathan se mit à craindre pour la santé de Camille, l’Inquisition n’ayant pas une très bonne réputation sur Terre, mais Peter lui expliqua que Kairn était différent des autres. Il était comme eux, il avait grandi à Tekhos, dans les ghettos, et avait rejoint un chapitre. Il s’était fait connaître par ses pouvoirs magiques élevés, et avait gagné en influence et en pouvoir grâce à son sens affiné de la politique. Pour autant, ce n’était pas un flagorneur. Il avait délivré bon nombre de Tekhanes de malédictions, et avait fini par rejoindre l’Inquisition. Même sur Terra, l’Inquisition était fortement décriée, et Kairn avait su lui redonner ses lettres de noblesse. Il avait combattu des sectes démoniaques, des païens et des hérétiques vénérant des Dieux cruels. Il avait renversé des ducs cruels accusés d’hérésie, et les bardes et les conteurs avaient répandu le récit de ses aventures dans les tavernes et les auberges. Nathan comprit que c’était un homme populaire, et essaya d’en savoir plus sur cet endroit.

Peter lui expliqua que Kairn travaillait sur ce fort depuis des années. L’homme ignorait ce qui s’était vraiment passé ici, mais, ce dont il savait, en revanche, c’était que l’adversaire se terrant ici était redoutable, et que Kairn risquait gros. C’était une opération importante, mobilisant un nombre élevé d’hommes. Nathan remercia le novice, qui lui apprit ensuite que la sorcière était en train de discuter avec Kairn, dans sa tente, en la désignant. Résolu, Nathan s’engagea alors vers cette dernière.


Kairn, de son côté, était effectivement intrigué par ce molosse, mais, s’il n’en avait pas parlé à Camille, c’était tout simplement parce qu’il n’avait pas encore eu l’occasion de le faire. La présence de ce chien infernal était étonnante, car il était sûr que Camille ne l’avait pas eu en venant ici. Elle lui avoua faire confiance aux deux hommes, et lui demanda, ensuite, ce qu’il comptait faire pour atteindre ce sanctuaire. Finalement, on en arrivait au chien, en fin de compte.

« Je fais du repérage avec mes hommes... Mais je pense que le flair de votre chien pourra nous être utile. Vous l’avez récupéré dans le fort, n’est-ce pas ? Je me demande bien comment vous avez fait... »

L’Inquisiteur n’était pas soupçonneux, mais il sentait bien que ce molosse était dangereux, et que, si jamais Camille lui ordonnait de tuer quelqu’un, il le ferait sans hésiter.

« Peut-être bien qu’il reste, malgré l’influence de Dormin, un substrat de moralité chez votre aïeule... Un substrat inconscient qui s’exprime par le biais de ce chien. Je suppose qu’il n’obéit qu’à vous... »

Kairn s’attarda un peu sur cette théorie, la trouvant intéressante. Si elle était vraie, alors le chien pourrait les aider à retrouver le sanctuaire. Ce château était immense, et il y avait une multitude de passages secrets, rendant très difficile la progression à l’intérieur... Sans compter les attaques récurrentes de la Reine contre ses hommes. Kairn était conscient des risques, et chaque mort supplémentaire alourdissait son bilan.

Un homme fit alors irruption dans la tente. L’un des deux individus accompagnant Camille : Nathan. Il s’arrêta sur le palier de la tente, puis sembla rassuré en voyant Camille.

« Camille ! s’exclama-t-il. Tout va bien ? »

« Je fais du repérage avec mes hommes... Mais je pense que le flair de votre chien pourra nous être utile. Vous l’avez récupéré dans le fort, n’est-ce pas ? Je me demande bien comment vous avez fait... »

Je souris en jetant un regard au chien. Je me demandais également comment j'avais fait. C'était comme si la loyauté de ce molosse avait été transférée à moi.

« Peut-être bien qu’il reste, malgré l’influence de Dormin, un substrat de moralité chez votre aïeule... Un substrat inconscient qui s’exprime parle biais de ce chien. Je suppose qu’il n’obéit qu’à vous... »

C'était une bonne question ça. Il n'obéissait qu'à moi ? Pour le moment, tout ce que je savais, c'est qu'il me protégeait. Qu'il me transmettait son énergie.

« Peut-être, en effet. Je ne sais pas s'il n'obéit qu'à moi, mais il semble tenir à me protéger, en tout cas. Il sera sans doute uti- »

Je m'interromps alors que quelqu'un survient. Nathan. En le voyant, je me sens inexplicablement rassurée. Pourtant, je le connais à peine. Mais il m'a sauvé la vie.

« Camille ! Tout va bien ? »

Les soupçons de l'Inquisiteur, concernant Victor et ses fréquentations, remonte soudain, mais je le fais taire. Je ne peux pas croire qu'ils puissent tous les deux être envoyés contre moi.

« Nathan ! Je vais bien, l'Inquisiteur Kairns a été très accueillant, et j'ai pu comprendre un peu ce qui s'était passé avec la Sorcière, et tout ça. »

Je lui souris, heureuse de voir qu'il semblait aller mieux que tout à l'heure. Que l'effet de l'explosion du topaze s'est dissipé.

« Vous avez l'air d'aller bien également. »

Je me retournais vers l'Inquisiteur, de nouveau soucieuse de la suite.

« Alors, je demande au chien de trouver la piste menant au Sanctuaire, c'est bien ça ? Et une fois là-bas, une fois que Dormin, que la Sorcière m'aura sentie, c'est là qu'il faudra intervenir, n'est-ce pas ? Alors allons-y. Réglons ça. Que tout ce cauchemar prenne fin. »

Je voulais que tout se termine vite, qu'il y ait le moins de dommages collatéraux possible. Même si je devais jouer l'appât. C'était le moins que je puisse faire.