C’était une épaisse forêt. Retrouver une petite Terranide dans un endroit aussi vaste, c’était comme espérer retrouver une aiguille dans une botte de foin. Pour autant, les chasseurs d’esclaves, de vulgaires miliciens recrutés dans les villages voisins, ne désemparaient pas. Ils étaient payés par les membres de la guilde, qui y voyaient là une main-d’œuvre supplémentaire pour ratisser la forêt, afin de retrouver celle dont ils avaient eu le signalement. Depuis la vente d’un ancien esclave, Theorem*, Mélinda Warren, une vampire ashnardienne dirigeant un harem de luxe, avait acquis une belle petite fortune, et s’en était servie pour continuer à développer son activité. Le sexe était un marché qui était très rentable quand on savait abattre les bonnes cartes, et elle avait utilisé ses dividendes traditionnels, en plus de l’argent acquis par la vente de Theorem, pour racheter une guilde défectueuse. Pour ce faire, elle avait consulté la liste des procédures collectives ouvertes devant les juridictions commerciales ashnardiennes, afin d’en trouver une qui pouvait convenir, et avait négocié auprès du mandataire judiciaire l’épurement du passif de la guilde, et avait payé différentes parts sociales, afin de devenir actionnaire majoritaire dans la guilde. Faute de lui trouver un nom, pour l’heure, la guilde était surnommée «
Guilde Warren ». Elle amusait certains de ses concurrents, qui y voyait là la «
folie des grandeurs » d’un «
nain de jardin tout juste bon à fourrer des pines ». Néanmoins, Mélinda avait réussi à remettre la guilde sur les rails. Elle avait embauché de nouveaux mercenaires, leur offrant un salaire décent, ainsi qu’une bonne part des bénéfices qu’il rapportait en cas de primes ou de butins. De plus, les membres de la guilde Warren bénéficiaient de promotions dans le harem, ce qui était également un très bon moyen d’attirer les gens. En revanche, Mélinda licenciait ceux qui étaient incompétents : les escrocs, les arnaqueurs, plus généralement, les branquignoles. Elle ne voulait que des hommes et des femmes talentueux, qui sauraient réussir les contrats, et ainsi satisfaire les clients.
L’une des missions de la Guilde Warren était notamment de trouver des esclaves, et c’était dans le cadre de cette mission que
Naola supervisait la traque de la Terranide-écureuil. La prenant pour un vandale, les miliciens d’un petit village proche avaient tenté de la repousser, et elle avait fait du grabuge. La Guilde Warren avait entendu parler d’une prime portée par le bailli du village afin qu’on se débarrasse de cette peste, une Terranide qui avait ridiculisé ses hommes, les blessant avec des
tonfas. La prime avait atterri dans les nombreux comptoirs des guildes, dont celle de Warren, et Naolo avait décidé d’y aller, en étant accompagnée d’une femme plus jeune qu’elle, mais particulièrement douée,
Katarina. Elles avaient appris que le bailli du village local s’était entendu avec d’autres villages pour mettre en place une battue dans la forêt, et Katarina et Naola avaient décidé d’organiser la battue. Naola placerait des pièges, et Katarina dirigerait les hommes.
La forêt était grande, et il n’y avait pas qu’une petite Terranide dedans, mais aussi des animaux sauvages, comme des ours, des loups, ou des endriagues. Naola agissait seule, ne faisant qu’un avec la forêt. C’était une ancienne pisteuse, avec des ascendances elfiques. Comprenez par là que sa spécialité était de pister sur des centaines de kilomètres des animaux sauvages ou des fugitifs, et qu’elle disposait de la légendaire acuité visuelle elfique. Ce ne fut cependant pas elle où ses pièges qui tombèrent sur la trace de la Terranide, mais les hommes de Katarina.
Les miliciens étaient partagés entre la colère de voir deux femmes leur tomber dessus pour les commander et la satisfaction d’avoir deux femmes
expérimentées et
belles leur tomber dessus. Chez ces pécores, la présence de deux épées particulièrement grosses et tranchantes attiraient les fantasmes et les plaisanteries grivoises. Les femmes qui les accompagnaient préféraient ne rien dire, car, parfois, face à la bêtise, le silence était le meilleur des discours.
Ce fut un trio qui tomba sur la femme. Ils s’attendaient à une Terranide fuyarde et sans résistance, et furent donc surpris de la voir se battre. Celle qui tenta de la ceinturer était une solide villageoise, la fille d’un bûcheron, et elle essaya de l’étouffer. Elle ne s’attendait pas à ce que les
tonfas la frappent à hauteur des yeux. Elle avait instinctivement fermé les paupières, mais ce ne fut pas suffisant pour éviter un coup particulièrement douloureux qui fit saigner ses yeux sous ses paupières. Elle s’écroula sur le sol en hurlant, bonne pour recevoir une opération magico-chirurgicale de toute urgence.
«
Bah quoi, ce n'est pas déjà fini ? »
L’un des deux hommes était blessé, et l’autre dégaina son arme de combat : une hache qui servait à couper du bois.
«
Saloperie de monstruosité, j’vais te couper en deux, salope ! »
Il se rua sur elle en hurlant, sans aucune réelle chance de succès.
Ses cris, en revanche, attiraient d’autres hommes, dont certains étaient vraiment des soldats. Ils portaient des armures légères, et des arbalètes.
«
Elle est par là ! -
Chopez-là, vite ! »
Ils agissaient rapidement, nerveusement, signe qu’ils n’avaient reçu aucune réelle formation militaire. Si Naola avait vu ça, elle aurait probablement décoché des flèches assassines pour rappeler à ces idiots où ils étaient.
* :
Cf. RP « Vente de biens et de services ».