Le gibier se débattait toujours. Cato le savait bien, lui qui chassait les hommes et les bêtes pour assurer sa survie : lorsque la proie était prise au piège, elle ne s'y résignait jamais et tirait sur ses entraves pour tenter de se soustraire au sort approchant; ce qui n'avait que très rarement d'effet. Les hommes solides et réfléchis comme le mercenaire à la face balafrée s'arrangeaient toujours pour que le piège et les liens soient impossibles à briser tant qu'ils se trouvaient en place. Parfois, la réflexion et la patience aidaient plus que la rage et la force brute, mais les esclaves et autres cibles réagissaient à la peur et au stress. De puissants moteur quand ils étaient bien utilisés, ce qui n'était pas le cas pour la lapine qu'il tenait par ses long attributs auditifs.
Cato avait saisit les oreilles d'Hîra avec assez de force pour que les mouvements désespérés de celle-çi ne parviennent pas à la libérer. En se débattant, la lapine ne faisait que se blesser et augmenter sa douleur, les doigts de Sicarius étroitement refermés sur la chair au pelage soyeux. Droit, le mercenaire ne bronchait pas tandis que l'archère remuait dans l'espoir d'échapper à l'étreinte et l'oeil unique se dardait sur elle pour ne perdre aucune miette de ses mouvements, abaissant le bras pour suivre le mouvement alors que la femelle tentait de se dérober en s'abaissant. A vrai dire, la lapine éveillait son intérêt : rare étaient les femmes aussi combatives qu'elle alors qu'elles se retrouvaient endommagées ! Hîra avait une épaule perforée et un poignet cassé mais n'abandonnait pas sa défense pour autant. Voilà qui plaisait à Sicarius. Ça ne changerait rien au sort de la terranide -il allait finir de la briser pour finir par la baiser et ensuite seulement lui demander des comptes- mais ça laissa à l'homme la volonté de lui accorder une dernière chance. Pour voir ce qu'elle en ferait.
Une fois qu'il l'avait immobilisée en la tenant par les oreilles, Sicarius avait eu la possibilité de la calmer pour de bon. La tuer, lui casser autre chose que son poignet, l'assommer, l'étouffer... Les options n'avaient manqué à aucun moment et pourtant Cato lui avait laissé redresser la barre, ce qu'elle avait fait de façon intelligente. Comme lui l'avait fait juste avant, Hîra avait récupéré le couteau toujours logé dans son articulation et lui avait asséné au bras un coup assez douloureux pour lui faire lâcher prise. Cato ouvrit donc la main et la lapine se soutreya à sa poigne, reculant et chutant pour mieux se redresser en le menaçant finalement de la pointe ensanglantée de l'arme qu'elle brandissait devant elle comme une menace terrible.
Un coin de la bouche du borgne se décala en une parodie de sourire, tandis qu'il déchirait un pan de sa chemise de lin pour lentement se bander l'avant-bras, son oeil ne quittant pas la lapine.
- Tu ne manques pas d'énergie, petite pute. Dommage que tu trembles comme une feuille. Je t'avais prévenu que je serais moins gentil, non ? Tout aurait put se terminer ici. Je t'aurais gentiment défoncé la chatte dans cette ruelle et je t'aurais laissée là parce que tu aurais été sage.
Le borgne acheva le bandage de fortune en s'aidant de ses dents, arrêtant ainsi sa tirade. Pour ne rien cacher, il avait autant besoin de soin que la lapine. Mais lui acceptait mieux la douleur et surtout, il menait la danse. La pauvre n'était qu'au début d'une très, très longue nuit.
Dans un éclair, sa main jaillit pour aller frapper sèchement celle de la lapine qui tenait la dague, l'écartant de la trajectoire qui séparait les deux. Presque instantanément, Cato fut à portée d'Hîra et ne perdit pas de temps à discuter et à prévenir. Son poing valide s'écrasa sur la joue de la jeune femme avec la force de percussion d'un marteau et le coup fut suivi par une volée d'autres tout aussi durement assenés. Sous ses phalanges serrées claquait la chair d'Hîra, ses joues se tuméfiant sous les impacts, ses mâchoires manquant presque de se briser. Il la tabassa vite et bien, le premier coup destiné à la sonner assez pour qu'elle ne puisse pas répliquer. Les autres enfonçaient le clou en la martelant avec violence, même si cela devait déformer sa jolie petite gueule candide.
Quand Cato fut certain que sa pauvre cible était assommée et incapable de se défendre, il s'arrêta. Son poing était ensanglanté et la petite gueule ne devait pas être bien mieux, mais le traitement aurait sonné assez Hîra pour la suite des évènements. Prenant la précaution de lui entraver poignets et chevilles pour l'empêcher de fuir, Cato la chargea sur son épaule valide et quitta la ruelle en direction de la planque qu'il avait dans les bas-fonds.
***
Elle était maintenue debout, complètement nue. Ses bras étaient tendus vers le haut et se rejoignaient au niveau des mains, littéralement épinglée l'une sur l'autre grâce à une dague qui les avaient perforées ensemble pour s'enfoncer profondément dans le mur contre lequel reposait son dos. La pièce dans laquelle la lapine se trouvait était vide de son agresseur, et vide de meubles à part le lit miteux aux draps sales sur sa droite et la table en bois qui comptait sur sa surface des vestiges de repas. Jetées dans un coin, ses affaires gisaient en boule. L'arc était là lui aussi, mais ses flèches avaient été conscienceusement brisées une à une.
Si Hîra se trouvait assez lucide, peut-être comprendrait-elle que son corps n'avait été nullement souillé pendant son coma léger : Cato ne l'avait pas violée, se contentant sûrement de la mettre en place contre le mur. Oh, elle pouvait se libérer. Au risque de causer de graves dommages à ses mains, c'était tout à fait possible pour elle. Aucun lien ne la retenait et considérant la dague, elle aurait même une arme pour le cas où elle en aurait besoin.
Seulement voilà, Le borgne était encore dans les environs. C'était certain. Si il lui tombait dessus... Son sort serait infernal, bien que ce qui l'attendait n'était de toute façon pas enviable.
Alors, c'était à Hîra de choisir : se soumettre ou se battre une dernière fois. Même si le résultat serait sûrement le même à l'issue des deux choix, la lapine avait la possibilité de sauver son honneur. Son corps, lui, était déjà entre les mains d'un bourreau qui ne tarderait plus à revenir pour le faire sien, dans la douleur et l'humiliation.