Les aventuriers de l'Arche des Morts {PV Shahin}

C'était décidé. Elle y allait. Elle partait ! Après de longues négociations avec elle-même, de longues réflexions, de longues heures à penser, de longues journées à réfléchir sur "oui" ou "non", la déesse de la Mort avait opté pour la positivité, pour le grand "OUI", pour partir ! Où ? Mais quelle question ! Elle partait à la recherche d'un artefact puissant qui se trouvait quelques part dans les landes dévastées, bien caché dans un temple, lui-même caché dans une jungle, elle-même cachée quelque part dans les landes, elles-mêmes à quelques jours de la demeure d'Ophélie, elle-même ... Non. En tout cas, elle avait pris la décision d'enfin y aller, de prendre toutes ses affaires et de partir à l'aventure pour trouver cet artefact. L'Arche des Morts. Ca claquait comme nom d'artefact, ça c'était certain ! Pour une fois, Ophélie avait fait un effort de tenue, trouvant qu'aller dans la jungle et chercher un trésor en bikini, c'était un peu exagéré. Un peu plus vêtue que d'habitude d'un haut qui cachait la moitié de son ventre et d'un short qui laissait un peu moins voir ses fesses rebondies.

Elle avait donc tout prévu, du sac qu'elle avait pris qui contenait de quoi se nourrir pendant de longs mois (si besoin était) aux sortilèges de magie blanche qu'elle avait revu, espérant ne pas avoir à se servir de ses pouvoirs hérités de Shemetet pour se guérir. D'après ce qu'elle avait lu sur l'artefact, il était tout de même bien gardé par des pièges, bien caché dans la jungle, mais avait en lui un aura magique considérable qui pourrait aider la Jeune Déesse a partir du bon pied dans son règne dans l'au-delà. Elle avait rédigé une carte lisible à partir de celles qu'elle avait trouvées dans la bibliothèque monumentale de Ruloc, rajoutant des lieux et des indications au dos de sa carte, prenant note de certains pièges déjoués par des aventuriers antérieurs qui avaient abandonné la quête avant de trouver l'Arche. Il se pouvait aussi que cet artefact soit un mythe, un mensonge, et n'existe pas, mais Ophélie était certaine qu'avec un peu de patience et d'endurance, elle arriverait à le trouver. Il était de toute manière réservé à une Déesse, les aventuriers mortels et humains n'auraient rien trouvé dans cet objet. De la richesse ? Peut-être, certes. Mais ils n'auraient pas pu s'en servir, à l'inverse de la Déesse fantôme qui comptait bien sur sa chance pour enfin arrivait à établir son pouvoir.

Elle regarda dans une direction donnée, cherchant quelqu'un dans la foule d'une petite ville de Terra, en frontière des landes dévastées. Elle cherchait quelqu'un, c'était bien vrai. Ophélie n'était pas du genre à partir à l'aventure seule, ses pouvoirs ne l'aidant pas vraiment pour partir toute seule. Non, elle avait décidé de partir accompagnée d'un terranide tigre qui pourrait la protéger au moment venu, qui pourrait l'aider si besoin était. Elle attendait donc ledit garde du corps, sous sa forme terrienne, en Lynx bicolore qu'elle était, sa longue queue touffue jouant autour d'elle allant de gauche à droite, en des mouvements rapides. C'était connu qu'Ophélie n'était pas d'une patience fantastique, et son museau affichait une légère moue boudeuse. Shahin, le Tigre qu'elle avait payé pour qu'il l'accompagne à l'aventure, ne devait pas non plus être connu pour sa ponctualité.

Enfin, le reconnaissant elle fit un signe de la main, un sourire en soin venant se dessiner sur ses babines, dévoilant quelques uns de ses crocs acérés de féline. Elle ne s'était pas armée, comptant sur Shahin pour les combats. Non, armer Ophélie c'était se tirer une flèche dans le pied, directement. Il valait mieux se suicider que de donner une arme à la Déesse. Sinon, on se retrouvait avec une arme dans le bras alors qu'on avait besoin d'avoir de l'aide. Pas dégourdie ? Non, pas vraiment. Elle sourit, donc, au Tigre. Ils s'étaient déjà rencontrés dans d'autres circonstances et Ophélie s'était rappelé de lui quand elle avait eu besoin d'un preux chevalier pour cette excursion dans les landes dévastées, à la recherche d'un fabuleux trésor. Sa queue s'enroula autour de ses jambes alors qu'elle hochait la tête pour dire bonjour au jeune homme, relevant la tête pour lui faire face. Il était grand, c'était vrai, grand et large alors que la Déesse était assez frêle et petite, ce qui l'obligeait à se reculer un peu pour pouvoir bien apprécier la silhouette de son interlocuteur.

" - Bonjour, Shahin .. " Elle hésitait à lui serrer la main, à ne rien faire. Poussant un léger soupir et haussant un sourcil avec un sourire sympathique quoiqu'un peu timide, elle reprit. " - Prêt, alors, pour partir ?"

Si le gros matou mal léché avait accepté d'accompagner Ophélie, c'était plus pour avoir une bonne raison de partir à l'aventure que pour vraiment lui rendre service. Shahin se cognait pas mal qu'une vague connaissance ait besoin de son aide, d'autant qu'il ne la considérait pas spécialement comme une amie. Mais la perspective de ce voyage à travers la jungle et les kilomètres l'avait séduit, d'autant que dans son souvenir l'Ophélie se traînait un cul tout à fait convenable. "Au moins aurai-je de quoi m'amuser quand l'envie d'un petit encas le démangerait entre deux palétuviers", avait il pensé en recevant le mot de la lynx qui lui avait donné rendez-vous dans un coin paumé des landes dévastées pour qu'ils puissent entamer leur périple. Shasha n'avait même pas prit la peine de demander ce que la terranide allait chercher : le résultat, en fait, ne l’intéressait pas trop. Pour le vagabond qu'était Shahin, la destination importait toujours bien moins que le trajet et pour le coup, il était servi. La jungle, le tigre ne connaissait que peu. Alors il avait accepté et s'était rendu vers la petite ville où il retrouverait Ophélie.

Il avait trouvé à dormir dans une écurie et avait flâné en ville tout le matin, finissant ses derniers préparatifs. Quelques onguents et potions par ici, un morceau de cuisse d'ours en guise de déjeuner et une arme supplémentaire ou deux pour Ophélie dont il était persuadé qu'elle ne prendrait pas la peine de se munir seulement d'une lame. Son baluchon sur le dos et ses glaives croisés au niveau des reins et bien calés au-dessus de la démarcation de son appendice caudal, Shahin avait seulement daigné se rendre au lieu de rendez-vous convenu qu'une fois le tour de la ville effectué. Ponctuel ? Non. Tant pis si Ophélie décidait de le planter, il trouverait simplement plus tard un moment pour la retrouver afin de lui avoiner le museau en guise de leçon de politesse.

Fendant la foule qui grouillait sur la place en ce jour de marché, l'impressionnant mâle ne semblait même pas relever les oeillades interrogatrices et craintives qu'on lui lançait. Son apparence fauve et sa carrure massive dissuadait le plus souvent les petits emmerdeurs et même la plupart des esclavagistes y regardaient à deux fois avant de seulement penser à le capturer. Dans un trou perdu comme celui-là, autant dire que Shahin n'avait pas grand'chose à crainde. Il se dirigea vers la fontaine qui marquait le centre de la place, y découvrant la silhouette fine et poilue de sa compagne de route. Le matou stationna devant elle, l'embrassant du regard comme si elle n'avait été qu'une pièce de viande bien saignante, avant de soupirer. Aucune arme, bien sûr ! Encore une de ces femelles à moitié inconscientes du monde pourri dans lequel elles vivaient, pour sûr.

- S'lut, se contenta t'il de dire.

Déposant son baluchon à terre, Shahin fit passer sa queue animale devant lui. Prise dans la poigne de l'agile appendice, la garde d'une épée dépassait. A l'autre bout, la pointe qui dépassait prouvait qu'elle était au fourreau. La queue se présenta devant Ophélie, attendant qu'elle tende les bras pour y lâcher l'attirail. L'arme était de simple facture, comme le ceinturon de cuir supportant son fourreau, mais c'était bien suffisant. Fouillant dans son sac, Shahin en tira une dague de qualité assez similaire à la première arme.

- Installe toi ça. T'aime pas ? M'en branle. T'es pas d'accord ? M'en branle aussi. Là où on va, tes crocs et tes griffes n'suffiront certainement pas.

Le ton de Shahin était celui qu'il employait toujours et, comme la plupart du temps, il semblait ne pas tolérer un refus ou une contrariété. L'arrangement ne convenait pas à Ophélie ? Et bien elle se retrouverait tout simplement seule sur la place de ce marché de paysans, se démerdant pour se trouver un autre garde du corps. Shahin ne demandait ni argent ni compensation (même si il comptait bien la prendre, dans tous les sens du terme) mais posait ses petites conditions.

- Une fois que tu seras harnachée, on se mettra en route. Et dis m'en plus sur ce que tu veux aller foutre dans cette jungle à la con, tant qu'à faire. T'as une carte, au moins ?

"Gros matou ... ! Gros matooooou ... !" C'était exactement ce que pensait Ophélie en voyant arriver Shahin. Son cerveau s'était arrêté à ces deux mots qu'elle répétait comme si c'était extraordinaire, merveilleux. En tout cas ça devait être amusant, ou intéressant parce que l'esprit de la Déesse n'arrivait plus à penser à autre chose qu'au fait que le Tigre ressemblait effectivement à un gros matou de compagnie, du genre qui s'lève le matin, mange, s'couche, mange, vient s'coucher sur vos cuisses, mange et retourne s'coucher avec vous le soir. Le gros matou faignant de base que tout le monde adore alors qu'il ne fait rien et râle dès qu'il n'a plus assez à manger à son avis de félin dévoreur. Et la gueule mal aimable du garde du corps allait très bien avec cette superbe description très réaliste d'un des chats de la narratrice, Shahin était un gros matou/tigre qui devait râler comme un putois à maintes et unes occasions et qui le reste du temps devait se coucher sur les cuisses, ou entre les cuisses de ses maîtresses. En tout cas, il était impressionnant de taille et Ophélie paraissait être une sauterelle à côté d'un bovin, ou une puce à côté d'un pingouin. Vous voyez l'image ? Elle plissa un instant des yeux, voyant la queue du félin amenait devant lui une arme, une épée bien empaquetée plus précisément. Enfin, empaquetée, ça ne devait pas se dire comme ça, mais Ophélie n'était plus d'humeur.

Plus. Elle tendit le bras et attrapa l'arme entre ses pattes, lançant un regard froid au gros matou qui venait de perdre quelques points dans le cerveau de la demoiselle. Elle faillit lui tirer la langue, mais s'en empêcha, remarquant que ce n'était pas une attitude très digne et qu'après tout, ne pas paraître tout de suite, incapable de bien se comporter, pouvait avoir un avantage auprès du Tigre. Lui lançant seulement un regard mécontent, elle commença à accrocher la ceinture de cuir autour de sa taille, serrant au maximum pour ne pas qu'elle tombe, le fourreau tapant contre ses jambes nues. Elle prit la dague entre les doigts l'enfonçant sans plus tarder dans le petit sac qui pendait sur son côté droit. N'empêche qu'il était pas poli/poli et que le caractère on ne peut plus emmerdeur car enfantin de la Déesse n'aimait pas qu'on la prenne à défaut comme ça. Ni qu'on lui oblige de faire des choses, ni qu'on lui donne des ordres, ni ... Elle planta sa patte sur le torse du Tigre, en lui assénant, droit dans les yeux :

" - Si tu te retrouves empaler sur cette arme pendant un combat, ça sera TA faute. Tu me l'auras donné. Alors, faudra pas m'en vouloir. Parce que je le fais pas exprès. T'es prévenu, Shahin !"

Elle avait l'air sérieuse, malgré le demi sourire qui plissait ses babines. Elle retira sa patte du torse du Tigre et vint fouiller dans son sac pour en sortir la carte qu'elle avait dessiné et légendé de sa petite écriture rondouillarde et penchée. Elle la tendit au Tigre pour qu'il en prenne connaissance, si l'envie lui chantait sortant encore quelque chose de son sac tenu ouvert par sa queue. Un long parchemin se déroula devant les yeux du Tigre alors qu'Ophélie refermait sa besace d'un geste rapide, ne laissant pas le choix à Shahin de prendre la carte ou non. Elle lui mit entre les pattes, pour lui montrer précisément ce qu'ils allaient chercher. Le long parchemin représentait l'Arche des Morts qu'Ophélie avait redessiné avec l'aide d'autres dessins et de descriptions pour avoir une représentation presque parfaite.

" - Voilà ce qu'on va chercher. On appelle communément ça l'Arche des Morts, elle renferme une quantité de magie importante et certaines âmes de Morts Illustres."

Elle tapotait le parchemin. Le dessin était fin, représentant un rectangle finement orné d'or, surmonté de deux angelots dont les ailes se refermaient. L'œuvre démontrait un artefact de grande richesse et de grande beauté. Ophélie referma son parchemin en l'enroula longuement pour le remettre dans sa besace, reprenant des mains du Tigre la carte qu'elle lui détailla oralement, rapidement.

" - Elle est censée être claire. Si t'y vois pas d'inconvénient, garde-la. Comme ça si on s'perd, je pourrais dire que c'est ta faute. Chacun ses petits caprices, hein. 'La perds pas, surtout. En plus ça m'a pris du temps d'écrire au dos tous les pièges recensés jusqu'à maintenant, alors t'as pas intérêt de la perdre. Bon, allez, on y va maintenant !"

Elle lui laissa la carte entre les mains, sa queue se mettant joyeusement à voguer autour d'elle alors qu'elle partait vers la sortie de la ville à grands pas. Elle savait qu'il suivrait et ne prit pas la peine de se retourner totalement, vérifiant seulement du coin de l'œil où il était par rapport à elle.  Elle comptait continuer son explication, avant d'en venir sans doute à un point du contrat qu'ils n'avaient pas établis. Mais elle verrait après. Tant qu'il venait avec elle et la protégeait un tant soit peu, elle était contente. Sa queue s'enroulant doucement autour de la jambe de la Lynx qui marchait assez rapidement, non pas pressée de partir de la ville, mais en forme. Malgré la gueule du gros matou pas content, Ophélie était d'une humeur assez heureuse. Elle avait déjà oublié le petit discours de Shahin qui lui avait déplu, tout à son sujet de prédilection actuel, l'Arche.

" - Oui, je t'ai pas dit, je sais. Quand on trouvera le temple qui abrite l'Arche, il faudra y rentrer dedans. Et ça devrait se corser, parce que le temple est rempli de pièges mortels. Je compte déjà sur mes notes pour passer les premiers. Pour les autres, je compte sur toi."

Elle lui lança un sourire enjôleur alors qu'elle haussait un sourcil pour lui montrer qu'elle riait un peu. Un peu. Parce qu'elle comptait réellement sur lui.

- C'est comme un gros dard, une épée. Une fois que tu sais t'y prendre, y'a moins de risques que tu t'blesses d'ssus.

Shahin faillit ajouter qu'Ophélie devait certainement bien s'y connaître en queues épaisses mais garda la pique pour lui. Pas qu'il voulait faire preuve d'un peu de politesse ou de retenue, mais même lui n'était pas assez grincheux pour se foutre à dos un compagnon de route dès les dix premières minutes passées ensemble. Enfin... Si Ophélie avait eu une paire de burnes à la place de ses flotteurs de poitrine, il l'aurait possiblement envoyée chier. Mais un coup à tirer restait un coup à tirer et c'était toujours plus gratifiant quand la femelle réclamait d'elle-même le racle-estomac que le gros matou gardait à l'abri mais toujours prêt à l'emploi. Dire que des types se prenaient la tête pour s'enfiler des gonzesses, alors qu'il suffisait de se montrer un peu correct et juste ce qu'il fallait de viril pour les entendre feuler... Bah. Y'en avait toujours pour aimer rouler des mécaniques et vouloir jouer à celui qui avait la plus grosse, partie que Shahin finissait la plupart du temps par emporter. Sûr de lui donc, le matou se contenta d'afficher sa gueule de travers et de faire semblant de vraiment s'intéresser à l'objectif de leur petit voyage.

Il récupéra le vélin d'un geste sec et le parcouru de ses yeux fendus, y découvrait la représentation de ce qu'Ophélie s'empressa de préciser être "l'Arche des Morts", un de ces artefacts à la con pour lesquels des tas de types mourraient. De par sa formation chez son ancien maître, Shahin connaissait vaguement l'Arche. Du moins, assez pour savoir que l'objet, outre de peser certainement un poids conséquent, était plutôt destiné à des forces supérieures. 

- C't'un truc pour les dieux, ce machin. D'accord, ça doit être doré à l'or fin et tout l'tremblement, mais on va quand même se casser le fion pour un machin dont on ne tirera pas assez d'argent pour s'dire que ça valait l'coup de faire tous ces efforts. T'as un cul d'enfer, mais tu fais bien chier, quand même.

Un refus ? Non. Shahin était grincheux mais n'avait qu'une parole et comptait de surcroît la mener à bien. Il accompagnerait Ophélie, la défendrait et s'arrangerait pour qu'elle ramène sa babiole de luxe là où l'envie lui prendrait. Toutefois, comme c'était un connard, il aimait bien donner son point de vue. Ayant parcouru la carte des yeux, il grogna un peu. Parce que ça l'emmerdait de garder la carte -qu'il roula pour la glisser à sa ceinture- mais aussi parce que le voyage serait long et sûrement fastidieux par endroits. Seul, ça ne lui aurait posé aucun souci, mais avec l'autre poseuse en short...

- T'as intérêt de suivre la marche, poupée. Si j'garde ta putain de carte et qu'en récompense  j'me traîne un boulet, tu vas entendre parler du pays. Je te ferais avancer à coup de pied au cul, histoire que tu puisse voir du pays.

Sans autre commentaire, Shahin emboîta le pas chaloupé d'Ophélie de son pas lourd et puissant, deux enjambées suffisant à le mettre au niveau de la lynx. Il avait jeté son baluchon sur son épaule et laissait sa queue osciller derrière lui alors que le duo fendait la foule pour s'acheminer tranquillement vers la sortie de la ville, qu'ils atteindraient d'ici quelques rapides minutes. D'un coup de queue discret, le matou vola deux pommes bien rouges sur un étal auprès duquel il passa et en fit voler une en direction d'Ophélie tout en croquant dans la sienne.

- Tu n'sais pas t'servir d'une épée, c'est ça ? J'vais t'apprendre en ch'min, on va avoir le temps. Y'a deux s'maines pour trouver ta jungle et une de plus au moins pour mettre la patte sur ton temple à la con. Plus si on a des emmerdes sur la route. Autant qu'on s'occupe. Dis moi c'que tu sais faire. Magie ? Cuisine ? T'as des pouvoirs ? J'sais pas moi, déballe. Qu'on fasse l'inventaire, quoi.

Effectivement, vu comme ça … Elle hocha doucement la tête de haut en bas, acquiesçant sans un son, ni un mot, passant sa langue rappeuse et toute rose sur ses babines et sur le haut de son museau grattant de sa langue son museau. L'image était quelque peu .. Comique, c'était bien vrai, la Déesse semblait vouloir attraper un papillon sur son nez qui n'existait pas, comme quand un chat essaie d'attraper sa queue en se tournant autour. Elle eut un léger sourire, haussant les épaules avec un léger soupir. Vu sous cet angle, une épée ne devait pas être très compliqué à garder entre les pattes. Par contre, l'image comme un gros dard restait quelque peu étrange aux yeux de la Jeune Déesse qui vint gratouiller sa joue avec une de ses griffes, réfléchissant longuement et toujours en silence sur cette phrase plein de sens. Un dard. Celui d'une abeille ? Non, parce que l'autre sens fonctionnait aussi. Au départ, quand tu t'y connais pas, tu peux te faire mal avec un dard masculin, mais dès que tu as l'habitude … Souriant légèrement à cette idée qu'elle trouvait amusante, quoi qu'un peu inutile, certes, elle laissa même échapper un gloussement encore plus inutile, en passant le coussinet de sa patte sur ses babines pour que Shahin n'entende pas son rire niais. En tout cas, elle reprit son sérieux en expliquant leur but, leur voyage, ce qu'ils allaient chercher, pourquoi, comment. Non, pas pourquoi. C'était vrai, elle n'avait pas du tout expliquait pourquoi, et le beau Tigre pouvait bien se poser des questions sur les raisons de leurs recherches. En soit, cette Arche valait un peu d'argent, mais pas assez pour faire le voyage, une non-déesse n'ayant aucun besoin d'un artefact pareil. Viendrait le temps où Ophélie devrait peut-être lui dire ce qu'elle était, mais elle n'était pas encore décidée, c'est pourquoi elle lui tira juste un peu la langue quand il lui fit remarquer qu'elle était une chieuse armée d'un beau cul.

" - Sans aucun doute, et en plus de ça … J'aime bien te faire chier personnellement." Souriant doucement en lui jetant un regard en coin amusé et moqueur elle reprit la parole pour lui expliquer un minimum pourquoi ils allaient chercher ça. " -  Je t'expliquerai un jour pourquoi ça vaudra le détour. C'est justement parce que c'est un artefact pour les Dieux, que c'est important et intéressant. Mais pour l'instant, il faut déjà aller le chercher et le trouver."

Elle lui sourit de nouveau, ne tiquant même pas quand il se remit à râler avec sa tête de gros matou grincheux qui n'avait pas assez mangé de croquettes pour venir se coucher sur les cuisses de sa maîtresse sans miauler ou grogner. Haussant les épaules en lui montrant qu'elle se foutait totalement de ses jolies menaces, et qu'elle se sentait bien prête à marcher longuement, elle reprit une allure assez rapide qu'elle se savait capable de tenir. On est félin ou on l'est pas, on est Lynx ou on l'est pas, et Ophélie l'était, sa queue faisant comme celle de son compère, bougeant comme une vague d'un côté à l'autre, de droite à gauche, en petits mouvements rapides et vifs, frôlant le sol par moment. Elle attrapa la pomme dans sa paume droite et croqua dedans alors qu'ils sortaient enfin de l'enceinte de la ville. Mâchouillant tranquillement son morceau juteux de pomme, elle hocha la tête vigoureusement, de bas en haut en acquiesçant de nouveau.

" - Non pas que je ne sache pas me servir d'une épée .." articula-t-elle entre deux bouchées, " mais je suis sans doute pas du tout douée avec, car j'ai toujours fait des dégats.." Elle hocha de nouveau la tête, jetant le trognon de la pomme qu'elle venait de finir. " - Je sais faire de la magie blanche si les emmerdes sont du genres très violentes, pour soigner. Je sais cuisiner, mais ça m'étonnerait qu'on est le temps de s'arrêter devant un p'tit feu pour créer un repas avec des couverts en argent .." Elle lui sourit en lui jetant un coup d'œil. Non, il n'était décidément pas du genre à manger avec un couvert en argent … Regardant un instant le ciel, elle réfléchit. Que savait-elle faire d'autre ? Pas grand-chose, décidément … " - Je sais amener des emmerdes, mais ça, je pense qu'on se passera de cette capacité. Mmm … Quoi d'autre … ? Je ne sais pas exactement. Faire apparaitre des tempêtes de sable, soigner comme je te disais. Je crois que c'est tout. Danser la danse du ventre, c'est pas utile, non plus ?" Elle le dévisagea une minute, avec un demi-sourire aux lèvres. " - Alors, cet inventaire, il te dit quoi ? Que je ne te sers à rien .. ?"

Elle reprit son sérieux en jetant un coup d'œil au tour d'elle. Oui, quand elle parlait, elle oubliait un peu ce qu'elle faisait en même temps.

Ophélie n'accomplissait nullement un exploit en faisant chier Shahin, parce que tout avait tendance à finir par gonfler le gros matou. La marche, l'aventure, l'apprentissage de nouveaux sorts, les confrontations physiques ou verbales, Terra et la Terre.. Le tigre finissait par se lasser fatalement de ce qu'il faisait et partait sur autre chose pour tromper son agacement. C'était pour cela qu'il appréciait sa vie en solitaire : elle lui permettait de passer du coq à l'âne à l'envie sans avoir de compte à rendre ou de tierce personne à prendre embarquer avec lui. C'était une expression comme une autre de son farouche désir de liberté qui s'exprimait par cette frivolité des occupations et la raison pour laquelle Shahin ne se faisait que très peu d'amis, en plus de son caractère de cochon. Le matou mal léché se connaissait et savait pertinemment que la quête dans laquelle l'embarquait l'Ophélie terrane finirait par le gonfler superbement. D'autant que le voyage serait long et la compagne pas forcément agréable.
D'un oeil, le chaton hors-norme considéra le physique de la lynx dans le but même pas voilé d'estimer son "potentiel érectile", comme le chat aimait à nommer les attributs féminins. Mouais. Pas mal, mais pas franchement le mieux qu'on pouvait trouver. La constatation le fit claquer sèchement de la mâchoire (un GNAP ! sec et menaçant qu'il produisait surtout pour lui-même) qui cadrait parfaitement avec la réponse de la déesse. Le faire chier, aller chercher le trésor... Ouais, ça l'emmerdait déjà. Si encore Ophélie avait eu des mamelles grosses comme pastèques !

En guise de réponse, Shahin se contenta de planter ses impressionnants crocs dans la chair du fruit qu'il avait chapardé, emportant la moitié de la pomme dans ce seul coup de dents. La ville fut finalement derrière eux et le duo s'engageait sur un chemin de terre qui serpentait à travers une immense plaine verte où le seul changement dans le paysage sur plusieurs kilomètres serait l'apparition de champs en pleine moisson à cette époque de l'année. Il faisait beau ce jour là et le ciel bleu laissait luire un superbe soleil d'été qui baignait la lande. Cette partie de leur périple, assurément la plus simple, serait possiblement la plus agréable. Le vent faisait bruisser leurs fourrures et Shahin marqua un temps d'arrêt pour fermer les yeux et lever légèrement la tête vers le ciel, se laissant caresser par le zéphyr. Comme il le faisait chaque jour, sorte de petit rituel qui s'acheva quand il fit son sort au reste de la pomme, trognon compris.
Il écouta Ophélie exposer ses capacités et faire montre d'un humour léger que le chaton aurait préféré gras et lourd, ce qui correspondait plus à ses canons personnels. Décidément, la lynx cumulait les points noirs face à lui ! Shahin grommela sans raison apparente à cette pensée avant de se concentrer de nouveau sur les propos de la terranide. Soigneuse, danseuse, cuisinière... Des compétences utiles à leur façon mais qui laissaient présager que le matou ferait le plus gros du travail.

- On s'passera des couverts, mais pas du repas. Tu feras la bouffe. Je t'apprendrais à chasser, parce que j'suppose que ça non plus tu n'sais pas faire ? La question était purement rhétorique, bien sûr. Et crois moi, ta danse du fion va servir.

Le félin dévoila ses dents en un sourire plus prédateur qu'amusé. Sur le côté, un paysan qui allait vers ses champs fit un pas de côté pour éviter de frôler Shahin et baissa également la tête. Le comportement habituel des bouseux qui craignaient les terranides les plus impressionnants et qui tenteraient de gagner quelques pièces si un marchand d'esclave venait à passer à leur suite.

- En fin d'après-midi, on arrivera à la Belle-Vaseuse, la rivière qui coupe ces terres en deux. On devrait trouver un bac pour la passer. Si mes souv'nirs sont bons, y'a une auberge un peu plus loin. On s'arrêtera là pour la nuit.

Shahin profiterait de leur halte pour établir un meilleur itinéraire pour les jours à venir et s'occuperait certainement à apprendre à Ophélie le maniement de son épée. Au moins les bases. Les premières régions qu'ils devraient parcourir était peu dangereuses pour les terranides en vadrouille, puisque très insignifiantes. Les esclavagistes ne s'y intéressaient que peu et bien que Shahin estimait ne rien avoir à craindre, il n'avait pas spécialement envie de rencontrer des embûches qu'il pouvait éviter. Toutefois, Ophélie allait avoir à adopter quelques règles.

- Ecoute moi bien, minette. On ne se sépare pas, compris ? Les mauvaises rencontres sont vite faites et j'n'ai pas envie de courir après ton cul dans toute la lande, pigé ? Tu me colles, c'est tout. On dormira dans la même chambre dans les auberges, aussi. Et t'évite d'aller te faire dégommer par le premier v'nu, aussi.

Autour d'eux, le blé qui cernait le chemin qu'ils empruntaient bruissait doucement sous le passage du vent.

- Je te laisserai le lit, ajouta t'il simplement.

Il était peut-être pire qu'elle. Non pas qu'elle soit dans le même genre de mauvais caractère, parce qu'elle n'était presque jamais de mauvaise humeur, mais parce qu'il devait être plus rapide à être énervé par une situation. Donc, c'était sans doute pire. Ophélie, son caractère enfantin et sa naïveté, la menaient à être par moment gonflée par une situation au bout d'un certain temps. Mais sans doute pas aussi rapidement que Shahin. Non, parce qu'elle ne lassait presque jamais de rien, découvrant toujours un peu plus. A l'inverse du gros tigre. Lui, il connaissait déjà le monde pour y avoir vraiment vécu depuis quelques années. Puis, Ophélie ne s'assumait pas, seule. Elle n'était pas du tout du genre à se supporter puis sa maladresse naturelle l'empêchait de pouvoir rester seule très longtemps. Pour faire simple et clair, et court, Ophélie était quand même tout l'inverse du chaton tigré qu'était Shahin. Sauf qu'elle aussi aimait la liberté, celle où on peut faire ce qu'on veut quand on veut, celle où personne ne nous oblige à obéir à ce qui lui plaît à lui.  La liberté belle et grande, opulente et adorable, la liberté qui vous fait voler dans l'air quand vous sautez de joie, qui vous fait crier de bonheur quand vous courez dans l'herbe ou sur un chemin, qui vous  rire quand vous souriez, libres. Mais elle était agréable, comme compagnie. Elle était désolée, elle se trouvait quand même moins désagréable que lui, ce gros tigrou mal-léché qui faisait 365 jours sur 366 la gueule comme si on lui avait envoyé une flèche d'orc dans une fesse et qu'il était en train d'en mourir en martyr. Elle, elle souriait. La Déesse de la Mort se trouvait très gentille, en plus. Modeste ? Oh, si peu.

Elle sursauta, sortant de ses pensées quand elle entendit un grognement et claquement de dent assez menaçant et dangereux venant de son compagnon de route qui venait de la zieuter. Mmm, ça voulait dire quoi, ça ? Elle fronça ses sourcils bruns, faisant une légère moue de ses babines. Ophélie passa elle aussi à détailler son compagnon de voyage. Un chaton hors-norme, une tigrou trop grand pour elle, un mâle imposant et terriblement effrayant quand il faisait la gueule. Elle eut un sourire en coin, un sourire malicieux alors que ses yeux pétillait joyeusement sans réelle raison, son faciès félin se détendant de nouveau. Elle se foutait du GNAP de son compagnon et garde du corps actuel. Il pouvait penser ce qu'il voulait d'elle, de toute manière. Elle espérait juste ne pas trop l'emmerder, parce qu'elle e voulait pas se faire abandonner au milieu du trajet parce que Môsieur mal léché était plus d'humeur à la suivre et à l'aider. Elle ferait quand même attention à ce qu'elle disait et essaierait de ne pas le contredire trop souvent. Ouais, c'était plutôt elle qui devait attention à son garde du corps, alors que s'était elle qui allait le payer et le remercier. C'était une logique particulière. Peut-être pas tout à fait logique, certes, mais qui mettait la relation des deux aventuriers sur un plan égalitaire. Même si Ophélie ne se pensait pas supérieure à Tigrou, elle ne pouvait plus du tout se sentir supérieure en devant faire attention à lui. C'était plus simple pour empêcher d'oublier.

Les rayons de soleil venait se perdre dans le pelage des deux félin, jouant avec leurs poils, venant chatouiller leurs museaux un peu levés vers le ciel pour profiter de cette lumière apaisante. Ophélie sourit doucement et soupira de bonheur, pas mécontente de profiter de la chaleur du soleil sur son corps, sa queue venant s'en rouler autour d'une de ses jambes pendant qu'elle marchait rapidement, inspirant rapidement pour longuement laisser l'air s'échapper de ses poumons. Shahin lui-même profita de ce soleil et de cette légère brume en s'arrêtant et en levant la tête comme pour remercier le ciel de leur accorder un voyage assez agréable. Elle ne l'attendit pas, autant prendre de l'avance quand lui prendrait du retard, l'inverse serait rapidement possible. Elle n'aurait certainement pas l'endurance du gros matou et elle savait qu'il ne serait pas tendre si elle venait à trop trainer derrière lui. Alors, elle essayait de se faire bien voir. Ouais. A c'point. Elle avait un peu peur de Shahin, en fait. Il devait gentil quand il n'était pas bourru mais...

Elle comprit que son humour ne faisait pas mouche. Mais elle ne pourrait pas se mettre à faire un gros humour bien gras et lourd qui tomberait bizarrement dans sa bouche et qui ne correspondait pas du tout à son caractère. Elle ne lui plairait pas, certes, mais ce n'était pas grave ! Un grommellement plus tard, il exposa enfin son avis, comme un saint qui parle enfin, qu'on écoute longuement parce qu'il a parole divine. Un messie des aventures, ce Shahin, en fait ! Cette image humaine fit rire Ophélie dans son coin qui pensait qu'un prophète comme celui-ci ne devait pas être des plus tendres avec ses fidèles ! Il ne faudrait pas qu'il devienne un Dieu, ça serait terrible ! Elle rit encore un peu, fixant le bout de la route et l'horizon avec un grand sourire heureux, avalant sa salive de nouveau quand elle tourna la tête vers lui pour lui répondre et l'écouter. Elle aimait voir les réactions des gens quand ils parlaient.

- A quoi servira-t-elle, exactement ? Je ne me vois pas en train d'essayer de charmer des ennemis en faisant la danse du ventre et en bougeant mes fesses. Mais si tu lui trouves une utilité … Tu es fort, quand même.

Elle était mi-figue, mi-raisin. Pas sûre d'être rassurée par le sourire de son compagnon, pas sûre qu'il se moque d'elle ou pas, pas sûre qu'il soit sérieux. Elle eut une moue et ses babines se retroussèrent pour dévoiler une nouvelle fois ses longs crocs. Elle haussa les épaules, se disant que ce n'était pas grave dans tous les coups. Jetant un regard rapide au paysan, elle eut un nouveau sourire moqueur. Un vrai garde du corps, ce Shahin, il faisait vraiment bien son boulot. L'homme avait eu peur rien qu'à voir la silhouette imposante du beau tigre car il fallait avouer qu'il n'était pas laid. C'était bien vrai qu'elle ne savait pas chasser, mais il lui restait son instinct, et elle avait su le faire pendant une bonne dizaine d'années.

" - Je sais un peu chasser. Il faudra juste que je reprenne l'habitude, à vrai dire. Ca fait bientôt dix ans que je n'ai plus essayé de tuer un animal, mais j'ai toujours l'instinct qu'il faut, et la rapidité. Je suis une Lynx, Shahin, j'ai vécu comme une animale pendant dix ans, tout de même.

Elle lui sourit mais son ton était légèrement plus sérieux. Non, mais elle n'était tout de même pas une femme incapable de faire quoique ce soit. Elle hocha de nouveau la tête. Passer la nuit à l'auberge était un luxe qu'ils ne pourraient pas avoir souvent, autant en profiter. Une fois éloigné de la côte de la Belle-Vaseuse, ils passeraient de moins en moins par des villes ou des villages et trouveraient plus souvent des bottes de foin pour dormir que de bons lits. Elle était donc d'accord pour traverser avant la nuit et profiter d'une literie pour prendre des forces.

- Très bien. Ca m'va.

Elle le regarda de nouveau, fixant presque ses pupilles mauves dans celles du grand mâle, le sentant encore plus sérieux que d'habitude, c'était donc peu dire. Elle serra les dents en hochant plusieurs fois la tête de haut en bas pour acquiescer vigoureusement à chacune des assertions de son ami et protecteur. Il avait bien raison. Puis il était assez convaincant. Elle ne comptait pas se séparer de lui, en plus. Il faisait trop bien son boulot, ce grand tigre. Dormir dans la même chambre ? Soit. Soit. Elle ferait avec. C'était peut-être extrême, non ? Non, elle ne le dirait pas. Elle le garderait pour elle, de peur de se faire engueuler. Puis elle ne comptait pas se faire le premier venu non plus.

- Tu me prends pour quoi ? Une inconsciente ? Je suis certes peu mature mais quand même...Et je ne suis pas une fille facile !

Elle eut un soupir devant cette idée et sourit doucement à sa dernière remarque.

- Ca s'rat gentil. Mais pas obligatoire. Je suis assez fine pour qu'on puisse le prendre à deux.

Elle n'avait pas de mauvaises pensées, elle. Le chemin était droit, et elle jeta un coup d'œil au soleil qui commençait déjà à décliner à l'horizon. Un bruit d'eau qui coule lui fit remarquer qu'ils ne devaient déjà plus être bien loin de la rivière qu'ils comptaient traverser et elle accéléra le rythme de sa marche chaloupée pour voir plus rapidement la rivière. L'eau coulait doucement avec un bruissement agréable à l'oreille et arrivée près de la rive elle avança un pied de l'eau pour en sentir la température. Fraiche. Un frisson parcouru sa colonne vertébrale pendant qu'elle reculait d'un pas avec une moue. Trop fraiche même. Elle avança un peu le long de la rive. Il devait bien avoir des bacs, effectivement, puisqu'une barge en bois était construite. Posant une patte sur la barge qui semblait solide elle avança légèrement et entendit un crac peu avenant. Comprenant trop tard, elle sentit la barge s'affaisser sous elle alors que sa queue rentrait dans l'eau, suivie de tout son corps. Un cri de surprise lui échappa alors qu'elle tombait dans l'eau avec un plouf majestueux. Elle savait nager, certes et revint à la rive rapidement, gelée et toute trempée, son pelage collé à sa peau, son bikini devenant un peu plus clair et plus transparent. C'était bien sa veine, tiens.


" - Ne dit rien, Shahin. Il n'y avait rien d'écrit, la barge n'aurait pas du tomber. C'est de la malchance."

Oh oui, Shahin était fort. Le matou maouss voyait parfaitement quelle utilité tirer des capacités de danseuse d'Ophélie et son sourire s'étendit alors que l'idée se dessinait plus clairement dans sa tête. Voilà qui ne serait pas pour lui déplaire, comme en témoignait l'inquiétant rictus carnassier que la lynx pouvait découvrir sur les babines habituellement vides de toute expression un tant soit peu sympathique. Certes, celle qui reposait à présent sur la gueule de Shahin n'augurait rien de bon, mais toujours était elle différente de son sempiternel tirage de gueule. Il fallait voir ça comme une évolution, quelque chose du genre, même si le tigré donnait l'impression d'avoir envie de bouffer même du prédateur.
Le sourire s'effaca au fil des pas et la conversation reprit son cours tandis que les deux compagnons avalaient les kilomètres, la lande défilant tout autour d'eux. Au loin, le village dans lequel ils s'étaient retrouvés n'était plus qu'un point à l'horizon et face à eux la forêt qui se trouvait après le bras de la Belle-Véreuse que le duo envisageait de passer commençait tranquillement à se découper. Bientôt, ils apercevraient certainement les premiers volutes de la cheminée qui sera leur halte pour la nuit.

Ophélie revint sur ses capacités de chasseresse. Pas de quoi écrire une histoire, d'après le félin mal léché. La lynx n'était peut-être pas de ces terranides à la naïveté agaçante et au comportement plus cliché qu'intéressant mais elle restait presque d'une pureté virginale comparée à un Shahin qui avait roulé sa bosse partout sur Terra et surtout là où il ne le fallait pas. Ainsi, le petit discours de l'escortée tira au tigre testostéroné un soupir entre la lassitude et l'agacement.

- T'es comme tous ces terranides qui, à force de singer les hommes, oublient qu'ils sont des bêtes. M'fais pas rire avec tes dix putain d'années d'vie sauvage, tu veux ? C'quoi, dix ans pour un terranide ? Rien. Le jour où les terranides pigeront qu'ils sont des prédateurs et pas des putains d'proies, on parlera d'vraie révolution.

Shahin, bien qu’asocial au possible, accordait une certaine importance au sort des siens. D'après lui, la race c'était endormie sur des stéréotypes qu'on lui collait depuis des lustres et s'en contentait tant et si bien que ça se transmettait aux nouvelles générations. Voilà pourquoi les hybrides animaux restaient une marchandise avant d'être autre chose : parce qu'ils se contentaient de leur sort. Pourtant, si les terranides venaient à se réveiller, les rapports de force à la surface de Terra s'inverseraient en leur faveur. Tout ce dont manquait la race, c'était d'un leader à poigne. Mais si Shahin en avait les idées, il n'était pas homme de commandement. Ainsi, si il déplorait le sort de son peuple qu'il en était venu à détester pour sa passivité, il ne ferait sûrement jamais rien de concret pour l'en sortir. Le tigre se contentait d'espérer qu'un jour quelqu'un viendrait.

Quand Ophélie s'indigna du peu de considération que le matou semblait lui accorder, lui se contenta d'hausser les épaules. Pour qui la prenait-il ?

- Tu pue l'hormone à dix mètres, chérie. Il se tapota le museau du bout de la griffe. Tu fais bien ce que tu veux d'ton cul, r'marque. Mais que ça ne nous attire pas d'emmerdements, c'tout.

Il ne releva pas pour le lit à partager. Ophélie n'était pas bien épaisse, mais lui était imposant et large. Et pas du genre à juste dormir quand une femelle se trouvait dans la même couche que lui, ce qui aurait été d'après Shahin faire offense à sa propre nature. Alors, pour respecter ses fiers gênes, il n'hésitait parfois pas à forcer la main de la donzelle. Pour le coup, le faire avec Ophélie ne le dérangeait pas plus que ça mais il avait conscience qu'un viol avait souvent tendance à plomber une ambiance. Autant éviter les drames, du moins pour le moment.
Quand la Belle-vaseuse fut en vue, Ophélie accéléra le pas et laissa Shahin un peu en arrière. Le matou ne s'en soucia guère et conserva son rythme de croisière, arrivant au niveau de sa comparse tandis que celle-çi estimait la température de l'eau. Le félin la regarda faire tandis qu'elle parcourait la berge pour trouver un petit ponton à quelques mètres deux, avancée sur laquelle la lynx s'aventura. Mauvaise idée...
Le bois céda et la petite terranide partit saluer les poissons dans une belle gerbe d'eau, le spectacle faisant lever à Shahin les yeux au ciel avant qu'il ne se passe lassement une patte sur le visage. Il approcha d'Ophélie qui revint sur la rive à la nage et apprécia sa sortie de l'ondée, se pourléchant les babines alors qu'il découvrait le corps souligné par le pelage humide et les vêtements collants. Un mâle restait un mâle.

- Ça t'apprendra à rester prudente.

Il fouilla dans son baluchon, tirant du sac la couverture dans laquelle il lui arrivait de coucher parfois. A défaut de serviette, cela ferait l'affaire ! Il la jeta négligemment à la face de la lynx sans mot dire, avant de lui faire signe de rester à sa place. Shahin s'écarta alors, fouillant les hautes herbes derrière eux. Après quelques instants, le tigre revint vers sa compagne de roue en tira une petite barque rudimentaire qu'il mit à l'eau sans effort.

- Les gens du coin sont prévoyants, se contenta t'il d'argumenter. Monte.

Lorsque la femelle fut installée, le tigre s'empara des rames qui gisaient dans l'embarcation et les employa pour avancer sur le cours d'eau. Non loin, la rive opposée leur tendait les bras alors que la nuit tombait tranquillement et l'auberge qu'on pouvait voir se découper au bord de la route semblait déjà recevoir ses premiers clients. Shahin ne dit rien, se contentant de ramer et de les mener à bon port. Ils atteignirent sans encombre le petit ponton et y amarèrent la barque avant de s'en extirper, le matou veillant à aider Ophélie. Pas qu'il se montrait particulièrement galant, mais comme il y avait du monde, il voulait éviter une nouvelle gaffe de sa part...
Le matou entraîna la lynx à sa suite et ils pénétrèrent dans l'auberge qui ne s'animait pour l'heure que de discussions pataudes et tranquilles, interrompues par leur arrivée. Ophélie intéréssa quelques regards qui retrouvèrent vite le fond de leur verre lorsqu'ils passèrent sur son garde du corps. Des paysans, tous autant qu'ils étaient. Pas de quoi leur causer des problèmes.

- Une chambre pour deux et une tablée pour ce soir, aubergiste. Ils étaient arrivés au niveau de ce qui devait faire office de comptoir.
- 3 pièces d'or l'tout, l'ami.
- Nan. Je t'propose d'l'animation pour ce soir, alors en compensation tu m'fais l'service gratuit, aubergiste.

Le tenancier parti d'un rire gras, avant de s'accouder sur le bois au vernis écaillé depuis longtemps.

- Quelle animation, j'te prie ?
- Danse du cul. Dans un geste impérieux et sec, Shahin ôta la couverture de sur Ophélie la dévoilant à semi-dénudée à l'assistance et à l'aubergiste, qui sembla presque la palper du regard. Elle remue comme une déesse, mon vieux. Tu pourras te rincer avec la clientèle supplémentaire, c'est pas beau, ça ?

L'homme sembla réfléchir un moment, profitant de ce temps de battement pour décortiquer la belle Ophélie de ses yeux globuleux. Nul doute que bien des idées lui passaient en tête à cet instant et c'était bien ce que Shahin escomptait. Comme l'aubergiste s'éternisait, le félin grogna légèrement. Cela suffit à rappeler à l'ordre le commerçant et lui faire annoncer son verdict.

- Ça marche. J'espère que ta poule sait bien remuer son fion, on est des gens d'qualité dans l'coin !

Concluant sa tirade par un rot qu'il ne prit pas la peine d'étouffer, il tendit une clé à Shahin et indiqua l'escalier qui disparaissait vers l'étage. Le félin hocha simplement la tête en guise de remerciements et attrapa Ophélie par le bras pour qu'elle le suive.

- Je t'avais dis que ta danse serait utile, non ?

Effrayant, inquiétant...A quelle sauve comptait-il la manger ? Au vue de ce sourire si singulier qui lui déplaisait encore plus que son habituelle gueule de deux mètres de long, Ophélie ressentit un léger frisson parcourir son pelage, en même temps qu'un courant d'air chaud. Elle préférait le voir faire la tronche, elle était au moins sûre qu'il était dans son état normal. Ce sourire ne voulait certainement pas dire qu'il était dans son état normal, et  cela effrayait un peu Ophélie qui plissa les yeux de nouveau, cherchant ce qui pouvait expliquer une telle expression. Il ne pouvait utiliser sa danse que pour un plaisir personnel, ce qui n'était pas non plus très rassurant. La voir bouger les fesses, bouger le ventre, et louvoyer au son d'une musique langoureuse, ne pouvait quand même pas être très utile, si on exceptait le fait que cela pouvait retirer les pulsions du gros matou. Mais ce n'était pas le rôle de la Déesse. Sinon, elle ne voyait décidément pas à quoi sa danse pouvait servir. A part à se trouver un amant dans la minute … La danse ne servait à rien. Elle fronça les sourcils, soupira, respira, pensa et abandonna l'idée de trouver une véritable raison à ce sourire si effrayant qui éclairait d'un air quelques peu intriguant le visage de son garde du corps. Elle se rappellerait juste qu'un sourire chez Shahin voulait dire qu'il était content, et qu'il n'en faisait presque jamais, et que c'était mieux ainsi.

Ils avaient avancer assez vite, un pas rapide de deux félins dans la force de l'âge, deux terranides qu'on regardait avec des yeux un peu méfiants et intrigués. Ophélie était contente d'être partie à la recherche de l'Arche et se promettait de bientôt expliquer à son garde du corps Tigre qu'elle était une vrai Déesse et qu'elle avait donc une super raison d'aller chercher L'Arche des Morts, de l'amener dans une futur merde assez compliquée. Comment lui avouer qu'elle lui avait menti depuis le début ? Elle avait peur qu'il le prenne vachement et décide de la laisser au milieu du voyage. Mais en même temps elle se devait de lui dire la vérité, de lui expliquer qu'elle était la Déesse des Morts et qu'elle n'était pas capable de se déplacer sans lui, qu'elle avait besoin de sa présence. Elle allait devoir être encore plus gentille avec Shahin, parce que le connaissant elle allait sans aucun doute avoir droit à une partie de gueulage. Une Déesse sait se défendre, pourquoi tu m'as mené dans cette merde alors que t'es une putain de Déesse ?! Puis pourquoi tu m'as rien dit ? Elle entendait déjà le Tigrou en train de râler et de pester contre la Mère des Morts-Vivants qui cherchait donc dès maintenant une manière pacifiste de l'avouer à son compagnon de voyage. Puis, bientôtun autre problème allait se présenter. Quel pris devait-elle payer le Tigre ? Ils n'en avaient pas parler. Elle comptait payer à ses frais tout le voyage, bien sûr, mais il fallait bien payer Shahin avec de l'argent, un service, en nature ou quoi. Non. Pas en nature. Elle eut un léger frisson doublé d'un rire. Putain, en nature ? C'était con, comme raisonnement et elle retourna à sa première pensée. Donc, payer Shahin. Il faudrait en parler avec lui.

Elle eut un nouveau frisson quand il soupira. Ah, ça ne lui avait pas plus. Baissant ses oreilles et faisant la moue en attendant la sentence du garde du corps mal léché qui allait raler ou quoi elle lui lança un regard plein de gentillesse.

   - D'accord. j'ai rien dit. Oublie, Shahin. Je suis désolée.

Elle poussa un soupir un peu agacé et faillit lui tirer la langue comme la dernière des gamines mal-élevée qu'elle était mais se retint en voyant et en écoutant le ton sérieux de son compagnon. Elle abandonna l'idée de jouer avec lui et laissa sa queue entourer sa taille pendant qu'elle réfléchissait de nouveau, une nouvelle brise venant caresser son beau pelage pendant qu'elle relevait les yeux vers le soleil qui luisait et commençait à décliner à l'horizon. Elle n'était pas vraiment d'accord avec l'avis de son "mentor" du jour. Elle ne s'était pas endormie, elle n'avait pas singé les hommes ! On l'avait obligé à ça. Elle avait subit. Mais elle était toujours assez bonne en chasse, elle avait un instinct qu'on ne trompe pas. Elle trouvait que les Terranides étaient trop souvent utilisés en tant qu'esclaves pour qu'on puisse le dire que c'était leur faute s'ils étaient devenu trop humains. Elle poussa une nouveau soupir un énième soupir alors qu'elle se disait qu'il était quand même assez chiant, son garde du corps et qu'il ne se prenait pas pour une queue de cerise. Elle eut un sourire à cette idée et sa queue se déroula pour venir embêter les jambes de Shahin.

Et là. Là, elle lui en voulu. Mais genre beaucoup, beaucoup, beaucoup. Il la prenait réellement pour une petite pute en manque de sexe ? Enervée, la jolie et frêle Ophélie eut un haut le cœur de colère et se plaça devant le matou en posant sa patte sur son torse. Elle tapota puis tapa presque son torse avec une moue rageuse.

" - Je ne pue pas les hormones. Je ne suis pas en manque de sexe, Shahin. Tu retires ses paroles de ta bouche tout de suite, vieux matou aigri ! Mon cul n'est pas un garage malgré tout ce que tu penses sur moi. "

Elle se détourna, sa queue lui donnant un coup dans les jambes. Non mais oh ! Elle siffla de mécontentement. Vexée, la Déesse ? Si peu ! Elle ne supportait décidément pas qu'on lui parle trop de sa sexualité, et encore moins quand on était un mâle qui faisait une gueule de deux mètres de long 24h sur 24h. Et non, elle ne comptait pas qu'il la viole, non, ça ne faisait pas partie du planning et oui il pouvait dormir par terre si ça le rassurait sur ses instincts animaux. Elle souffla un peu d'air par les narines avec une moue d'enfant gaté. Puis, elle tomba. Elle remarqua aussi le pourléchèment de Shahin qui reçut un regard furieux en échange. Mais décidément .. ! N'empêche qu'il n'avait pas tort sur le fond, elle n'aurait pas du  s'avancer sans faire attention sur cette avancée. Elle lui tira la langue. Enfin, elle laissait ses instincts d'enfant prendre le dessus et le bouda un instant alors qu'elle sortait de l'eau, bougeant ses pattes pour que les gouttes d'eau tombent sur le sol. Elle envoya sa queue dans l'air faire quelques tours pendant que l'eau coulait sur le sable vaseux de la rive. Elle attrapa la couverture et s'enroula doucement dedans, frottant sa tête et ses cheveux pour sécher un peu son visage. Elle installa la couverture sur ses épaule, la tenant plus ou moins fermée sur son corps à demi-nu. 

- Ça t'apprendra à rester prudente.

Certes. Lachant un soupir elle haussa les épaules. Pendant qu'il s'écartait pour aller chercher une barque qu'il trouva sans tomber, sans aucun problème parce que, lui, n'avait pas à tomber la tête la première dans l'eau comme la dernière des imbéciles, parce que lui il était beaucoup plus dégourdi qu'elle et que c'était comme ça .. ! Bref, pendant qu'il allait trouver la barque et la ramenait comme un athlète sans effort, la féline souffla un rapide :

   - Je fais ce que j'veux …
   
Qui voulait effectivement dire que si elle avait envie de tomber dans l'eau pour jouer à s'noyer elle pouvait le faire parce qu'elle voulait le faire. Ce qui était totalement con, effectivement, aussi. Mais, passons. Elle monta en hocha la tête vigoureusement, se calant dans la barque avec un léger couinement. Elle le regarda prendre les rames et commençait à ramer comme un bon matelot. Un sourire se dessina sur les babines de la Déesse des Morts qui laissa doucement sa patte dans l'eau. Sa patte faisait des petites rides sur l'eau alors qu'elle fixait l'horizon et l'auberge qui avançait vers eux. Elle ne regardait même plus le bon rameur qui restait aussi silencieux qu'une tombe. Ophélie paraissait dans ses pensées et elle commençait doucement à réfléchir à leur route pour le lendemain, comptant en fait sur Shahin pour trouver le meilleur chemin avec le moins d'encombres. Elle lui lança un regard étonné pendant qu'il l'aidait à sortir de la barque et compris à son regard à lui qu'il faisait ça pour éviter un nouveau plongeon qui enlèverait à  coup sûr le sérieux du couple de voyageur. Le petit saligaud. Il la croyait si peu dégourdie ? Et il avait raison, en plus ! Elle passa sa langue sur ses babines en lui passant à côté sans un regard pour se venger. Même si elle savait que cela ne ferait rien pour son compagnon de voyage.

N'empêche que d'avoir un si imposant garde du corps évitait tout problème avec la gente masculine et Ophélie remercia mentalement Shahin, oubliant déjà qu'elle voulait être en colère et mode boudeur envers lui. Trop sympathique n'est-ce pas ? Elle resta à quelques pas de lui pendant qu'il prenait la peine de marchander avec l'aubergiste. Marchander. Marchander avec l'aubergiste ?! Mais c'était des prix fixes, normalement, non ? Pourquoi, comment, de quelle manière pouvait-il marchander avec ce bourru d'aubergiste ? Il n'avait rien à lui offrir, non ? Une bagarre pour animer ne plairait sans doute pas au propriétaire de l'auberge et elle ne voyait décidément pas ce qui pourrait faire de l'animation. Puis d'un coup, Ophélie comprit quand avançant pour entendre ce qu'ils se disaient, la main de Shahin retira la couverture qui cachait son corps maintenant sec. Effet de surprise garantie, la Mère des Morts-Vivants retint de râler en s'disant qu'il valait mieux la fermer et engueuler plus tard son compagnon de voyage.

- Danse du cul. Elle remue comme une déesse, mon vieux. Tu pourras te rincer avec la clientèle supplémentaire, c'est pas beau, ça ?

Tu penses pas si bien dire. Elle retint aussi un soupir et serra les dents avec un faux sourire sympatoche pendant qu'elle maudissait mentalement le tigre. Il allait le sentir passer, tiens. Elle se sentit légèrement gênée de se faire ainsi bouffer du regard par l'aubergiste qui profitait de la vue pour commencer à se rincer l'œil. Pourtant, elle ne laissa rien paraître et attendit le verdict de l'homme qui accepta enfin avec un rot tout à fait charmant. Ophélie rejoint rapidement son compagnon dans les escaliers et ne lui répondit pas tout de suite, attendant qu'ils entrent dans la chambre pour laisser éclater sa rage. Elle laissa tomber la couverture sur le sol et posa son baluchon sur le lit, plaçant ses poings sur ses hanches avec un regard coléreux.

" - Tu m'avais dit. Mais tu m'avais pas prévenu comment ! Ca aurait été sympathique de me dire comment tu comptais m'utiliser, hein ! Pas que danser devant des ivrognes ne m'enchante pas, hein, mais ça me donne la légère impression de faire fille de joie à en devenir ! Et pour quelqu'un qui voulait que je garde mon cul pour moi, tu m'aides bien, tiens ! Et puisqu'on y est, puisque tu me fais faire des économies, on pourrait parler de ce que tu demandes comme prix pour m'envoyer faire de la danse orientale dans les auberges !"

Elle n'était pas énervée. Non. C'est pour ça qu'elle parlait sans discontinuer et passant d'un sujet à l'autre avec une rapidité déconcertante. Elle lui fit la gueule une seconde de plus et le fixa. Là, il devait répondre. Parce que soit, elle était en colère, mais elle avait enfin commencé à parler du sujet qui l'intéressait. Mais en fait, elle ne le laissa pas répondre et ressortit de la chambre pour aller accomplir son devoir de danseuse du ventre (oui du ventre ! Du ventre, pas du cul, du veeeeentre). Pour la beauté de la chose et le lectorat nous allons même décrire les actions d'Ophélie qui malgré l'énervement n'était pas mécontente de danser. Avec une disparition de sa timidité naturelle, elle revint dans son bikini habituel, ayant attrapé ses voiles dans son baluchon pour s'en "habiller". Elle chercha une table assez centrale et assez vide pou monter délicatement dessus et claquant des doigts pour trouver un rythme convenable. Son claquement de doigt encourageant l'assemblée à la regarder et à taper dans leur patounes pour scander le rythme sur lequel elle allait danser. Commençant doucement à langoureusement bouger les hanches de droite à gauche dans un même mouvement, ses pieds ancrés dans la table. Elle bougeait seulement le bas de son corps, dont les fesses, effectivement, relevant les mains en dessus de sa tête pour faire voleter ses voiles alors qu'elle prenait un rythme un peu plus soutenu. Tout le bas de sons corps louvoyait dans un même mouvement ample et délicieusement langoureux. Ses jambes commençaient elles aussi à bouger en tapant un peu le rythme, elle tournait sur elle-même.