Bien qu'elle sache tenir une dague et anticiper pour mieux esquiver en situation de combat, la sauvageonne ne possédait aucun attributs guerriers. Ses racines démoniaques ne suffisaient pas à palier à la faiblesse de sa constitution. Certes, elle restait plus solide qu'un simple homme. Ses capacités de régénération dépassaient celles du commun des mortels et ses réflexes égalaient ceux de ses semblables. Toutefois pour une démone, même de basse extraction, elle ne disposait que d'une force et d'une résistance physique très limitées. Elle pouvait facilement rivaliser avec celles d'un humain ordinaire, mais rien de plus. La fibre guerrière l'habitait peut-être, mais son corps quant-à lui travestissait trop souvent son vœux de hardiesse. De fait, Mélisandre Cairn n'avait rien d'exceptionnel. Sur le papier, elle paraissait même dérisoire, fragile. Avait-elle sa place, au sein de cet univers peuplé de créatures mirifiques et surpuissantes ? Le doute était permis, cependant, car en l'espace d'une journée, elle avait su défier le Yamata no Orochi et attirer l'attention du Serpent Blanc en personne, échappant par là même à une fin ignominieuse. Pourtant, elle n'avait aucun pré-requis pour. Et voilà qu'elle continuait à relancer la mise, sur la table, inlassablement, jamais satisfaite de ses acquis. Ambitieuse, la petite Cairn.
Son offre fit mouche. Elle le devina à l'expression qu'il arbora alors, teinté de mépris et de suffisance. Oh, à le voir et à l'entendre, elle ne doutait pas d'avoir titillé sa noble personne. Elle l'écouta, posément, tout en reconnaissant son talent pour lui dégotter de charmants petits sobriquets -petite truie, pute, chienne s'annonçaient récurent dans son discours, et son préféré pouilleuse à la chatte étroite, faillit lui arracher un sourire (auquel elle renonça, optant pour une mine de circonstance, sobre et sérieuse, malgré le pétillement vif de ses prunelles). Elle avait au moins le mérite de l'inspirer. Un élan créatif qu'il n'hésita pas à mettre au profit de l'énoncé de ses menaces, toutes aussi... inspirées et éloquentes.
Sa jument s'ébroua avec entrain, rendue nerveuse par la proximité de l'étalon. Un nuage de poussière prit forme sous ses sabots vernis, soulevé par sa bougeotte. Sa cavalière quant-à elle fit preuve d'un sang froid exemplaire, réprimant le feu de son tempérament pour ne laisser apparaître qu'une grimace fugitive lorsque l'Orochi lui fit sèchement rejeter la tête en arrière. Cette fois, plus que jamais, les mots retentirent avec gravité tout en égratignant son amour propre.
" Faîtes donc, " proféra-t-elle, avec suffisamment de conviction et de rage refoulée dans sa voix pour la faire gronder.
Après tout, le Yamata était libre de tomber dans les mêmes écueils que Stephen. L'image du démon flotta d'ailleurs dans son esprit, brouillée, avant de s'évaporer brusquement, tandis qu'elle recevait la précarité de sa situation en pleine figure. Levant la main pour éponger l'injure maculant son visage, Mélisandre eut la mauvaise surprise d'être devancée par l'illustre guerrier, lequel enduisit soigneusement sa frimousse de sa salive. Une manière, peut-être, de marquer son territoire. Muscles bandés, raidie sur sa selle, la jeune femme inspira pour ne pas céder à ses instincts d'indocile (soit riposter par un affront équivalent, ce qui l'aurait assurément condamnée). Elle balaya néanmoins sa main d'un geste impatient alors que celle-ci s'apprêtait à tourmenter son sein déjà endolori. Elle asséna, en prime, une claque retentissante sur la tête de son grand bai pour l'éloigner, mais c'est à peine s'il broncha.
Faire ses preuves. La brunette ne demandait que ça.
Devant les portes de la cité, Shie'ra, en brave petit animal domestique, guettait son maître, montée sur son cheval. Mélisandre l'examina d'un œil sombre, s'appesantissant davantage, plus attentive qu'à leur première rencontre, qu'elle se remémora. L'impulsivité de sa collègue blonde avait été modérée par ses paroles, bien que désagréables. La démone ne cacha par ailleurs pas sa surprise en apprenant sa survie, haussant un sourcil incrédule. Elle est du genre coriace. Un sourire étira brièvement ses lèvres, tandis qu'elle dépassait le fauve en armure.
" On dirait bien que j'ai honoré mon titre de putain désarmée en baisant ta copine -jusqu'à l'os, " veilla-t-elle à glisser, ouvertement sarcastique.
En arrivant au camp, ses iris folâtrèrent, notant chaque détails dans un coin de son esprit -chose à l'intérêt limité car tout l'équipement présent laissait supposer une grande mobilité à la troupe. Elle s'imprégna de l'effervescence de l'endroit, pareil à une fourmilière. Ou plutôt, un nid de serpents. Une impression d'organisation rigoureuse ressortissait cependant de l'apparent désordre de cette agitation ambiante, en pleine ébullition. Le malaise qui aurait dû la tenailler faisait place, en vérité, à un curieux sentiment d'excitation, presque fébrile, semblable à celle d'un enfant sur le point d'ouvrir les portes d'un monde fabuleux. Sauf que celui-ci était loin de l'être.
L'odeur du Pourrissant frappa de plein fouet Mélisandre, avant même qu'il ne s'introduise devant son maître. C'était un mélange infâme de relents, associant la suavité écœurante de parfums capiteux et la puanteur repoussante de la viande avariée. Ce qu'il était peut-être, à en juger par son aspect corrompu et le fumet faisandé de sa chair putréfiée. S'agissait-il d'un Orochi ? A la dérobée, elle scruta l'honorable faciès du Serpent Blanc, s'étonnant de n'y déceler aucun dégoût. De son côté, elle s'appliqua à respirer par la bouche, s'efforçant de ménager la susceptibilité du puant. C'est dans ces conditions qu'elle mit pieds à terre, après avoir appliqué une caresse gratifiante à sa jument, et c'est fascinée qu'elle contempla ensuite Tihanna, amenée entre temps, et ses pathétiques tentatives pour se dresser comme la Vipère fière qu'elle prétendait encore être. Son champ de vision s'avéra très vite obstrué par la masse conséquente de l'alpha cependant, pareil à un monument de nerfs et de muscles noueux. Affichait-il constamment cet air sévère ou bien le lui réservait-il tout spécialement ? Il anticipa probablement la réaction véhémente de l'Indocile, car il confisqua son poignard avant de faire connaître ses volontés, lesquelles lui firent immanquablement serrer les poings.
La nudité. Mélisandre était à l'aise avec elle, car son corps, ses courbes harmonieuses et la sensualité étourdissante de ses formes constituaient une ode à la féminité qu'elle assumait pleinement. C'était quelque chose qu'elle réservait d'ordinaire à l'intimité d'une communion, avec et pour son partenaire, dans le cadre de ses caprices et de ses désirs. Une habitude, un usage qui remontait jusqu'à son existence d'humaine, pourtant révolue depuis des siècles. Etre nue, exposée, au milieu d'un regroupement de vipères sur lequel elle ne possédait aucune prise ne la tentait que très modérément.
La féline toisa la Terranide, digne dans sa posture, et se laissa dépouiller de ses vêtements, sans émettre de protestations ni amorcer le moindre geste de défense. Tu dois faire tes preuves. De son côté, Shie'ra l'effeuilla comme une rose, se faisant plus douce, plus vigilante, au fur et à mesure que le corps sybarite de la démone s'esquissait, épuré jusqu'à ne rien laisser paraître d'autre que le raffinement exquis de sa nudité, aussi fraîche et délicate qu'une fleur sauvage. Le Serpent Blanc la désigna dans son discours, et l'Indocile redressa le menton, irradiant une audace peu commune, aussi fière et ombrageuse qu'un fauve, faisant, de son corps exhibé, une force plutôt qu'un aveu de faiblesse.
La ravissante créature se plaça ensuite à la hauteur du chef Yamata, habillée d'une myriade de regards. Elle darda le sien dans celui du mâle, après avoir récupéré sa lame, recevant les consignes. Rien chez elle ne trahissait l'once d'une hésitation. Sa main tremblerait-elle ?
Jetée en pâture à son destin, la diablesse s'érigea face à la guerrière brisée. Un cercle s'était formé autour d'elles, les isolant au milieu de la tourmente provoquée par l'Indocile. Pour sûr, Tihanna l'avait, cette rage impérieuse, celle de vivre, de survivre même, tandis qu'elle brandissait son arme, forte de la volonté de laver son honneur, terni par l'arrogance de cette petite garce démoniaque. Mélisandre quant à elle gardait son bras baissé, couvrant l'elfe d'un regard sombre, où ne perçaient ni clémence ni compassion. D'un claquement de doigts, le seigneur serpent déclara les hostilités ouvertes. Aussitôt la jeune femme se mit à décrire de larges cercles autour de sa rivale, confortable et paisible dans sa position d'ascendance. La sueur perlait du front de Tihanna, qui s'échina à découper le vide devant elle. Mais, prisonnière de son handicap, elle ne faisait que brasser de l'air, s'affaissant sous le poids de sa douleur, insoutenable. L'infernale s'arrêta le temps de considérer ses efforts navrants pour l'atteindre. Se jeter tête baissée dans un corps à corps avec la guerrière reviendrait à mépriser les autres possibilités, moins risquées, offertes par sa mobilité réduite. Même amoindrie, elle demeurait une adversaire redoutable, pour peu que la jolie brune fasse l'erreur de se jeter dans la mêlée. Alors la féline lança sèchement son couteau. Pas vers sa rivale, non : la lame fendit l'air à la verticale, s'élevant dans le ciel encombré de nuages, provocant un instant de flottement.
" BATS-TOI CHIENNE ! " vociféra l'elfe, défigurée par sa frénésie.
Pourtant Mélisandre avait déjà pris part à la bataille. L'éclair d'un pelage noir jaillit, atteignant en trois foulées bondissantes les arrières de la blonde. Quelques secondes suffirent à la belle pour récupérer sa forme originelle et faucher la garde de son poignard avant qu'il n'atteigne le sol. La Vipère voulu répliquer. Son bras chercha à porter un coup létal, à la tête, mais les réflexes de la diablesse primèrent.
" AAAARR-GH ! "
La dague cloua cruellement la main armée de l'elfe par terre, perforant la chair et l'os. La souffrance, fulgurante, attisa la fureur de la malheureuse, laquelle, animée d'une haine sans bornes, tenta d'agripper la chevelure noire, avec violence.
" RR-RHAAA ! "
" A présent, cesse de te débattre. "
L'Indocile laissa sa prise sur le manche du second poignard à présent logé dans l'autre paume de Tihanna, l'épinglant comme un joli papillon doré au sol, bras écartés. Impuissante et rongée par la douleur, proprement intolérable, la guerrière essaya de ruer, en dépit de ses jambes fracassées. Elle s'époumona, hurlant sa rage, sa peine, sa honte d'être vaincue par une vulgaire catin.
" SALE PUTE ! "
" Shhht... "
Mélisandre pesa sur ses épaules, l'incitant à s'allonger dans la poussière -ce qu'elle fit, incapable de faire autrement, vibrante de colère. Faisant abstraction de tout le reste, la brunette se pencha doucement sur son visage et le dégagea, d'un geste tendre, en repoussant quelques mèches moites derrière la pointe de ses oreilles.
" Je sais que tu souffres, ta douleur est grande, susurra-t-elle, mais je ne peux pas encore t'en délivrer. Ton maître a réclamé un cadeau. Tihanna. Je vais te faire longuement agoniser... "
Elle scella son jugement d'un fervent baiser, abandonné sur le front de sa partenaire. Cette dernière tenta de lui cracher à la figure, mais elle ne parvint qu'à émettre un gargouillis infâme, s'étouffant à moitié. On l'avait dépossédée de son armure sur sa couchette d'alitée, et l'exquise corruptrice n'eut aucun mal à déchirer l'étoffe de son haut pour dévoiler l'opulente poitrine. Répondant à l'appel des mamelons érigés, l'aspirante Orochi se jucha à califourchon sur sa martyre, pressa ses lèvres contre sa gorge, puis amorça la descente jusqu'à l'alléchante vallée de ses seins. Là, elle les embrassa, avec dévotion, passionnée, avant de s'attarder sur l'un des tétons qu'elle macula de salive pour mieux faire glisser sa langue dessus. Le pouce et l'index de sa main gauche alla tirailler le second, jusqu'à arracher à sa victime un frisson exalté, qui, conjugué à la douleur lancinante de ses membres, s'intensifia pour se traduire en gémissements d'abord plaintifs, puis lascifs. L'elfe s'acclimata à la chaleur des caresses explorant son corps pour l'apprivoiser et le préparer à recevoir plus. Mélisandre se cambra, merveilleuse dans son rôle de chef d'orchestre, pressant ses seins contre ceux moelleux de son amante. Ses lèvres se lièrent instinctivement à celles de Tihanna pour la faire chavirer, imposant son parfum et le goût de sa langue dans sa bouche. Ses doigts cuivrés se perdirent dans la chevelure d'or tandis que ses tétons durcissaient au contact des mamelons elfiques, enduits de salive. Les souffles se chevauchèrent, transportés par le stupre des deux jeunes femmes, offertes à la vue de tous.
La sulfureuse démone délaissa la bouche de sa compagne afin de dévaler ses courbes, laissant dans son sillage l'indice humide de sa langue, amoureusement promenée sur la peau veloutée de l'elfe, jusqu'à son aine, qu'elle embrassa aussi. Ses mains saisirent la culotte, l'abaissant jusqu'à mi-cuisse, puis revinrent à la hauteur de l'intimité inexplorée. Les lèvres semblaient gorgées d'envie, luisantes de cyprine. Tihanna gémit, étourdie, en percevant le souffle de Mélisandre contre sa fente, puis ses paumes, remontant sur ses hanches dans un délicieux carcan. La fragrance de son désir enivra l'Indocile, laquelle appliqua une première lapée, patiente et mesurée, contre le sexe brûlant. Sa partenaire poussa un soupir galvanisé, captive d'un plaisir inénarrable, dont l'intensité dulcifiait sa souffrance, jusqu'à ce que cette dernière se change en une émotion puissante, dénaturée par l'afflux de plaisir. Car la féline veilla à la submerger d'attentions en se régalant de sa petite chatte blonde, n'étant pas avare de coups de langue fiévreux, contre sa perle d'amour, auxquels elle joignit bientôt deux doigts unis, glissés à l'intérieur du fourreau de chair. Le traitement s'éternisa. Mélisandre doigta la Vipère, consciencieusement, quitte à répandre tous les fluides de son corps dans la poussière. Du moins, ceux qu'elle n'absorbait pas avec sa langue, imprégnée du jus intime.
" aaaaaAAAAAAHHHH ! "
Tihanna se contorsionnait comme la petite guivre ambrée qu'elle était. Sa tortionnaire n'eut aucun mal à la maintenir ouverte à ses intrusions, tant son corps éprouvé faiblissait. La sentant au bord du précipice, elle entreprit cependant de quitter son poste pour serpenter jusqu'à sa bouche, qu'elle accabla de baisers humides. Ses doigts quant-eux continuèrent à la fouiller, inlassablement, aussi implacables que le reste. D'une manière tout à fait inattendue, la démone délivra sa proie, ôtant avec précaution les deux poignards des plaies béantes, les laissant ensuite délibérément à portée. Mais plutôt que de s'en emparer, l'Orochi s'arqua et parcouru fiévreusement le corps de son amante, à gestes fébriles. La démone ondula alors, pour venir frotter leur deux sexes, l'un contre l'autre, en un tableau érotique des plus saisissants. Des perles de sueur constellaient les corps éperdus de désir, rendus écarlates par le sang versé de l'elfe. Puis, vint le moment de volupté, béni entre tous, auquel chacune d'elles aspiraient. Tihanna bascula dans l'orgasme et transporta la féline dans les mêmes affres de la jouissance, griffant son dos. La Vipère n'avait pas encore tout à fait refait surface qu'elle tâtonna pour brandir l'une des lames contre sa concurrente. Toutefois le sang poissant ses paumes ne lui permit pas de parvenir à ses fins. L'arme glissa fatalement et c'est d'un geste doux que Mélisandre la récupéra, embrassant une ultime fois son amante. Après quoi, elle la planta sèchement dans sa gorge, d'où jaillit un geyser pourpre. L'autre dague lui servit à découper proprement l'insigne du Serpent Blanc, tatoué sous la clavicule, brillant lui aussi de l'éclat coruscant du sang frais.
La jeune femme se redressa, lentement. Ses courbes chatoyaient, mises en relief par le manteau grenat qui les parait. Ses pas gracieux la menèrent face à l'alpha, devant lequel elle se présenta, droite et orgueilleuse. Elle lança le lambeau sanguinolent de l'emblème Yamata à ses pieds.
" La passion tue. Aussi sûrement que la plus effilée des lames ou le plus virulent des poisons, " déclara-t-elle, forte d'une nouvelle conviction.
Car, c'était certain, désormais : la nudité lui seyait comme un gant.