La jeune initiée [Lyssandre]

« ...Et c’est en somme pourquoi je suis convaincue que, faute d’une véritable prise de conscience globale des enjeux écologiques, et de l’importance qu’il y a à avoir un écosystème sain et pur, notre situation dans les prochaines années est sévèrement compromise. »

Sa phrase finale, de conclusion, donna lieu à des applaudissements assez nourris. Sans sourciller, Pamela Isley regarda les nombreux étudiants et adultes qui étaient présents dans le grand amphithéâtre, où elle venait de conclure la longue table ronde qui avait eu lieu. Elle se demandait combien d’individus, sur tous ces gens, auraient véritablement été touchés par son plaidoyer en faveur de l’écologie ? Combien changeraient d’habitude, et éviteraient de marcher sur l’herbe, de cueillir des fleurs simplement parce qu’elles faisaient jolies, d’abandonner leurs détritus contre les arbres ? Combien éviteraient encore de polluer l’atmosphère, de rouler avec d’énormes voitures qui étaient de véritables usines à gaz ? La réponse, elle le savait, serait très faible, voire même nulle. Il ne pourrait en aller différemment.

« Et bien, je vous remercie pour ces explications claires, et, ma foi, guère encourageantes, Isley-senseï. C’est donc sur cette dernière note, assez peu optimiste, que cette journée consacrée aux enjeux écologiques dans le monde se termine. Cependant, comme le planning l’indiquait, nos intervenants seront encore disponibles pendant une heure dans la salle des banquets. Vous pourrez ainsi leur poser toutes vos questions. Je vous remercie pour votre assistance au sein de ces débats, et j’espère qu’ils auront enrichi votre culture personnelle. »

Pamela avait vu que beaucoup d’étudiants avaient pris des notes. Pendant une demi-heure, elle avait expliqué en quoi, selon elle, les enjeux écologiques étaient menacés dans le monde, car ils n’étaient pas la priorité des gouvernements, mais aussi des gens de tous les jours. Elle avait commencé par parler de chiffres, comme on le faisait à chaque fois, avant de parler de manière bien plus personnelle, dénonçant tous les petits actes quotidiens qui, à leur manière, constituaient le cœur du problème actuel. Elle avait ainsi véritablement commencé son exposé en citant une scène qui avait valu à plusieurs jeunes enfants de se retrouver dans des cocons, ce qu’elle n’avait naturellement pas prévu. Elle faisait alors ses courses dans un supermarché, et, en sortant, elle avait vu plusieurs enfants boire des cannettes, avant que l’un d’eux, plutôt que de mettre la cannette vide dans une poubelle, ne la jette dans un parterre de fleurs, sous des buissons. Pamela s’en était arrêtée là pour expliquer en quoi, selon elle, il existait une « insouciance généralisée ». En réalité, quand elle avait vu ça, elle avait repéré l’adresse des jeunes enfants, et les avait capturé, pour les emmener dans son repaire. Jadis, elle les aurait tué, donné à manger à ses plantes. Elle s’était contentée de leur faire subir un lavage de cerveau pendant plusieurs heures, afin de les sensibiliser à la cause écologique.

Les étudiants commençaient à partir, et elle se releva, portant une blouse de scientifique. On pouvait voir des gants verts et des bottes de la même couleur. Un choix assez curieux, pour les gens, mais qui s’expliquait tout simplement par le fait que Pamela détestait porter des vêtements synthétiques sur elle. Elle portait ainsi une blouse ample, qui ne collait pas trop à son corps, et qui permettait de dissimuler les tissus organiques situés sur son corps, et qui formaient des espèces de vêtements particulièrement sexys. Elle ne pouvait pas vraiment venir faire une conférence en public avec son espèce de corset vert. Elle était venue participer à la conférence en sa qualité de représentante d’une ONG militant pour la cause écologique.

Elle se rendit à la salle des fêtes, comprenant un buffet avec des gâteaux, de l’eau, et dus jus d’orange, et grignota un peu, mordant dans des parts de gâteaux. Secrètement, elle espérait avoir sauvé quelques âmes, qui viendraient discuter avec elle. L’espoir était une chose éphémère, que Pamela se permettait difficilement, tant elle était désabusée par sa propre espèce... Si tant est qu’elle puisse encore se considérer comme une humaine, ce qui était parfois difficile à admettre pour elle.

Insoupçonné, un regard étincelait de passion au milieu de la foule captive. L’intérêt suscité semblait autant provenir du charisme ou de la beauté de la maîtresse de conférence que des propos en eux même.
Ce genre de discours était suffisamment rare et précieux pour que la jeune femme apprécie chacun des mots à leur juste valeur. La nature restait beaucoup trop délaissée à son goût, cela empêchait nullement  son cœur jeune et plein d’espoir de rêver à sensibiliser le monde à l’importance d’en prendre soin.
L’étudiante applaudit la fin de séance avec engouement et sans véritable retenue, un sourire enjoué sur les lèvres.  Quelques personnes à proximité lancèrent même un regard perplexe à la jeune fille, devant l’intensité de sa réaction.

En fait, elle imaginait déjà de multiples projets  en relation qu’elle pourrait partager avec la conférencière, et éventuellement réveiller ainsi un intérêt pour les travaux qu’elle mène actuellement, dans le cadre de sa thèse. Peut-être même qu’une piste de publication pourrait voir le jour par son intermédiaire, si elle se montrait suffisamment pertinente et convaincante.

Ignorant les mignardises du buffet, elle prit plusieurs gorgées du cocktail d’honneur qui était plutôt à son goût. Un premier verre entier puis un deuxième et.. enfin elle se sentait enfin prête pour affronter le « trac » de cette première rencontre au sommet.

Prenant une grande bouffée d’oxygène, d’une cadence décidée, elle se dirigea vers la jeune femme en blouse blanche.  Maladroite, elle manqua à plusieurs reprises de faire renverser les verres de plusieurs convives. Miraculeusement, elle se retrouva face à Pamela sans qu’aucun incident ne soit à déplorer. Ses pommettes toutes rosies par l’alcool qu’elle avait certainement assimilée trop rapidement, elle entreprit de s’adresser à son interlocutrice en restant le plus naturel possible, malgré ses doutes quant à l’intérêt d’une simple étudiante comme elle pouvait se révéler être intéressante à son niveau.

"Bonjour Madame Isley ! Laissez-moi vous faire part du plaisir que j’ai ressentis en  assistant à votre conférence. Je suis véritablement ravit de rencontrer une personne telle que vous, qui aujourd’hui travaille essentiellement sur la sensibilisation du monde moderne, à l’importance de la sauvegarde de notre nature."

La jeune femme, arborait un sourire véritable et le ton employé révélait sa passion pour ce qu’elle partageait.

"Vous savez, de mon côté, je ne suis qu’une simple étudiante. Mais j’espère un jour être moi aussi capable de convaincre les gens de s’intéresser un peu plus à l’écologie. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai entrepris de réaliser une thèse sur le langage des fleurs.
Elles sont capables d’exprimer beaucoup de sentiments, vous savez ? Leurs parfums, leurs pétales, leurs vib…"

S’interrompt, Un peu moins sure d’elle, elle se mordillait la joue, un peu gênée.

"Enfin.. peut-être que je vous ennuie avec toutes mes histoires qui n'ont pas encore beaucoup de significations. Bref, dans tous les cas, j'espère réussir à faire un peu avancer nos connaissances dans le domaine pour prouver certaines théories qui pourraient aider de nombreux autres domaines scientifiques. Si nous parvenons à expliquer aux gens que la nature nous rends ce que nous lui donnons, ils changeront probablement d'avis sur leur façon de consommer et de vivre !"

*Jadis, j’aurais probablement utilisé mes fameuses petites toxines sur tous ces gens condescendants...*

Pamela secoua lentement la tête. L’écologie, malheureusement, était loin d’être une préoccupation majeure, tant d’un point de vue politique, que sociétale. Les gens lambdas préféraient avoir de l’argent et du pain, plutôt que de se soucier des enjeux écologiques, de la protection de la Nature, et de l’état catastrophique du système écologique. Ils croyaient naïvement que la nature était toute-puissante, ce qui, malheureusement, était faux. Pamela sentait une certaine colère monter, et restait donc calme, isolée, mangeant des cakes. Elle était dans une ONG, et elle savait que bien des membres de l’organisation n’étaient pas concernées par l’écologie, et y allaient tout simplement parce que ça faisait « cool » d’être dans une ONG. De même, il fallait aussi se méfier des hippies et des junkies, qui fumaient à longueur de jour. Poison Ivy commençait à être lassée. Elle avait abandonné l’éco-terrorisme en quittant Gotham City, rejoignant Seikusu, et y avait découvert un autre monde, disposant de propriétés exceptionnelles, qui lui avaient permis de se doter d’un véritable repaire végétal dans les égouts, sous le lycée Mishima. Son refuge lui manquait. Elle regardait les différentes personnes se trouvant ici, cherchant lesquelles emmener faire un séjour dans ses plantes, afin d’en apprendre un peu plus sur les bienfaits de l’écologie, et sur la nécessité qu’il y avait à défendre la Nature.

Ivy y songeait lentement, quand elle entendit une femme lui parler. Surprise, elle tourna la tête, tombant devant une jeune femme assez mignonne, avec de longs cheveux verts. Un bon choix de couleur. La jeune femme semblait assez nerveuse, et lui parla en personne. En la revoyant, Pamela eut rapidement un souvenir de la conférence. Cette fille était dans les premiers rangs, et l’avait vivement applaudi suite à son discours. L’Empoisonneuse avait les bras croisés, et la femme continuait à lui parler... Et, au fur et à mesure qu’elle lui parlait, Pamela était de plus en plus surprise, de plus en plus... Indécise. Était-ce une blague ? Non, c’était trop sérieux pour être une blague.

« Si nous parvenons à expliquer aux gens que la nature nous rends ce que nous lui donnons, ils changeront probablement d'avis sur leur façon de consommer et de vivre ! » conclut-elle, sur un ton enjoué.

Pamela se mit alors à sourire légèrement, et décroisa les bras. Comme quoi, sur mille élèves, il arrivait parfois qu’on en trouve un seul qui vaille vraiment le détour. Était-il possible que ce soit cette jeune fille ? Dans tous les cas, elle était très intéressante. Pamela lui répondit rapidement :

« Malheureusement, les gens ont tendance à se préoccuper des choses qui leur sont essentielles. Il est très difficile de les responsabiliser, et de leur faire comprendre que le moindre petit geste peut avoir des conséquences dramatiques sur l’écosystème. C’est toute leur éducation qu’il faut revoir, car ils n’ont instinctivement pas conscience des problèmes écologiques graves. »

Ceci expliquait d’ailleurs pourquoi, initialement, Pamela avait agi sans chercher le consentement des gens, en voulant supprimer l’humanité, ou en la faisant muer, car elle la percevait (et la percevait toujours) comme une menace sérieuse envers la Terre. Une sorte de fils bâtard ingrat qui menaçait la survie de la Mère. Elle se devait donc d’agir, afin de protéger cette dernière. Aujourd’hui, elle avait juste opté pour des méthodes plus douces, plus diplomatiques... Même si elles impliquaient le rapt, la séquestration, et ce aussi bien sur des mineurs que sur des majeurs. Cependant, c’était sans douleur, et les sujets ne s’en plaignaient nullement.

« Ainsi donc, reprit Pamela, l’écologie est votre passion ? C’est une admirable passion... Et je suis au courant que les plantes communiquent entre elles. Tout ce qui est vivant communique et est lié avec le monde. C’est ce qui m’a toujours amené à considérer avec un certain scepticisme les individus qui, parce qu’ils refusent de manger du vivant, sont herbivores... Comme si les salades n’étaient pas constituées d’organismes vivants... »

L’hypocrisie humaine la sidérait parfois. Encore une fois, elle se référait à sa propre expérience. Elle avait eu dans son ONG une collègue qui était farouchement opposée à la culture de la viande, et prévoyait de participer à une grande manifestation écologique dans les États-Unis, contre ces immenses fermes dans le désert où des milliers de vaches étaient amassées. Elle ne se mangeait que de plantes et de salades, car, pour elle « le simple fait de manger du vivant était insupportable ». A l’heure actuelle, sa collaboratrice végétait dans une plante.

« Et tu ne m’ennuies pas du tout. C’est tellement rare, de nos jours, de rencontrer des personnes vraiment intéressées par les sujets sérieux. Regarde autour de toi. »

Sans vraiment le réaliser, elle venait, sous l’effet de la passion, de glisser du vouvoiement au tutoiement.

« Combien, suite à cette conférence, iront faire des recherches complémentaires sur l’état de l’Amazonie ? Et combien qui, en ayant fait ces recherches, décideront de changer leur comportement ? De respecter la Nature pour ce qu’elle est... Notre mère à tous. »

Pamela soupira légèrement, et revint au vouvoiement :

« Mais je n’ai pas eu la chance de connaître votre identité, jeune femme. Vous faites une thèse, alors ? »

Elle désirait naturellement en savoir plus. Sa curiosité était éveillée. Et, pour un scientifique, quand la curiosité était éveillée, c’est que la chose était d’importance.

  Lyssandre se rendit compte qu’elle avait complètement omit de se présenter, marquant une fois de plus son attitude de "tête en l'air".

« Qu’elle sotte je fais ! » pensa-t-elle. Les joues rosis de honte, elle reprit le cours de la discussion :

« Pardonnez-mon impolitesse, je vous prie.. Je me prénomme Lyssandre Sydile. N’ayant pas publié encore d’article dans des revues de presse spécialisées, je ne pense pas que vous ayez entendu parler de moi. Je débute à peine ma première année ! »
 
  La jeune femme avait les yeux rivés sur son interlocutrice, ignorant les autres personnes, le vacarme ambiant de l’assemblée ainsi que le monde qui les entourait. Plus elle l'écoutait, plus elle ressentait une sensation assez inhabituelle.
  Une aura bien particulière émanait de son être, celle-ci lui rappelait étrangement la caresse des pétales de ses précieuses amies, lors de leurs échanges. Son parfum titillait son odorat en éveillant quelques parcelles de souvenirs familières, ce qui ne manqua pas de la troubler.
Intriguée, irrésistiblement attirée par ce mystère grandissant qu’elle découvrait peu à peu, elle s’investi à mieux comprendre ce qu’elle ne parvenait pas encore à percer.

Elle reprit : « Ah oui en effet, une thèse, sur un domaine qui à mon sens n’est pas encore véritablement exploré. J’ai quelques théories sur le sujet, assez novatrices et probablement un peu.. « folle », je dois l’avouer. Je sais que je m’aventure sur un terrain glissant pour tout scientifique qui souhaite se tracer une voix vers une carrière de renom. Ce n’est de toute façon pas vraiment mon objectif ! »

  Lyssandre arborait un sourire vivifiant, commençant peu à peu à se détendre, sentant que leurs passions communes les rapprochaient naturellement. Même si elle prenait un peu plus ses aises, elle décida de ne pas tutoyer Paméla pour le moment, souhaitant respecter leur différence d’expérience et d’âge.

  Jeune, aveuglée d’une certaine naïveté et d’un optimisme débordant pour l’avenir des hommes, tout paraissait possible pour elle. Transmettre un nouveau savoir à travers sa passion pour l’écologie pourrait contribuer à changer le regard de l’humanité sur la nature et ses bienfaits. La méconnaissance générale était pour elle l’une des principales sources d’erreur des différents choix de nos influences politiques actuelles. Assurément, les intérêts économiques remplissaient une place importante voir majoritaires, chose que la jeune étudiante ne visualisait pas encore très bien.

  Au final, selon elle, il suffisait de dévoiler le pouvoir des plantes pour parvenir à convaincre une majorité, de ne plus se laisser entraîner dans des solutions de facilité qui malheureusement s’installaient très souvent au dépend de l’ordre naturel.
Dans un sens, peut-être qu’elle n’avait pas tout à fait tort, dans le sens où l’être humain est instinctivement attiré par le pouvoir, peu importe son origine. Même si ce n’était pas cette face de son projet qu’elle souhaitait mettre en avant, il était plus qu’envisageable de penser que ce serait celle-ci qui l’emporterait aux yeux des chercheurs ou des investisseurs.

Réfléchissant à la suite, elle se fit plus hésitante : « J.. je ne sais si vous seriez intéressée pour en savoir plus sur mes travaux, mais si cela est le cas, vous pouvez être certaine que je me ferais un plaisir de vous les présenter.. une fois terminés, bien évidemment !
Enfin, oui, tout comme vous, j’espère changer l’avis des personnes sur la question, d’une manière ou d’une autre. Même si cela ne semble pas évident. »

Lyssandre Sidile... Ce nom ne lui disait rien, mais il ne fallait pas s’en surprendre. Même Poison Ivy ne connaissait pas tous les écologistes de la planète. Cependant, elle sut d’emblée qu’il y avait chez Lyssandre quelque chose de singulièrement différent que chez tous les autres écologistes qu’elle avait pu rencontrer. Ceux-ci voyaient l’écologie, soit comme un passe-temps, soit comme une passion parmi tant d’autres, alors que, pour Ivy, c’était sa raison de vivre. Sans nature à côté d’elle, elle mourrait, indéniablement. Elle avait besoin des plantes pour vivre, tant d’un point de vue physiologique que mental. Elle ne disait rien, tandis que Lyssandre continuait à se présenter, donnant quelques informations très intéressantes. Du fait de son jeune âge, elle semblait empreinte d’une espèce d’optimisme candide, qui eut toutefois pour effet d’attendrir Ivy. Venant de Gotham City, elle, elle savait que l’espoir n’était pas de ce monde. Les humains ne prendraient réellement conscience des enjeux écologiques que quand la nature, déjà moribonde, sera totalement aux abois.

*Mais, si j’en étais si persuadée, je n’aurais pas fait cette conférence, et je continuerais à forcer l’humanité à admettre la supériorité et la fragilité de Mère Nature...*

Lyssandre hésitait à lui parler de sa thèse, ayant peur que Pamela ne la traite de haut. Oui, cette jeune femme lui plaisait. Non contente d’être très mignonne, un critère important pour Ivy, qui était sensible à la beauté de la Nature, elle semblait aussi intelligente, et motivée. Peu à peu, quelques idées se mettaient à graviter dans l’esprit de Pamela, s’articulant autour de la curiosité qu’elle ressentait à l’égard de la jeune femme. Sur le coup, elle avait envie d’en savoir un peu plus sur elle, de se renseigner davantage... Tant d’un point de vue professionnel que personnel.

« Vos travaux m’intéresseraient beaucoup, en réalité » répliqua alors calmement Ivy.

Elle résista à l’envie première de lui caresser ses beaux cheveux, et préféra se retourner un peu, serrant ses doigts verts, fermant ses poings.

« Je vous en prie, suivez-moi, j’ai envie de profiter un peu de l’air frais. »

Pamela se mit à marcher, lentement, s’écartant de la foule des étudiants, et rejoignit l’entrée de l’université. Il y avait plusieurs arbres et des buissons, et elle s’approcha de l’un d’entre eux, caressant délicatement son écorce. De légères bouffées de vent faisaient remuer ses cheveux. La nuit était en train de s’abattre sur la ville.

« Cet arbre... Ils sont à l’image de la Nature : fiers, éternels, mais tellement fragiles. Notre espèce est une bien mauvaise fille, Lyssandre. »

Elle se retourna alors vers elle.

« Pour être entièrement honnête avec toi, je ne m’attendais pas vraiment à trouver quelqu’un qui soit vraiment passionnée par l’écologie... Et, du peu que je vois de toi, tu as l’air d’en faire ta passion principale, et d’y consacrer ta vie. »

Instinctivement, Pamela était passée du vouvoiement au tutoiement, car elle s’estimait déjà bien plus proche de la jeune femme.

« Tu m’intéresses beaucoup, Lyssandre. Et je serais honorée d’en savoir plus sur tes recherches... Ainsi que de t’y aider. »

C’était presque un euphémisme. Qui y avait-il de plus gratifiant, pour un professeur, de rencontrer un disciple ? Pas un simple élève qui ne s’intéresserait aux plantes que parce qu’il avait la possibilité d’expérimenter des fantasmes sexuels, mais une véritable écologiste convaincue, une femme qui ne faisait pas ça parce que c’était cool d’inscrire dans son CV qu’on travaillait dans une ONG.

« Mais je ne veux pas t’en parler ici, sur ce parking... As-tu quelque chose de prévu ce soir, Lyssandre ? J’aimerais t’inviter à un restaurant, afin que nous puissions discuter plus avant de tes recherches... Entre autre chose... Si tu le souhaites, bien sûr. Et... Hum... Tu peux m’appeler Pamela, Lyssandre. »

Poison Ivy lui parlait sur un ton calme et confident. Elle aimait bien cette jeune femme. Elle ne savait pas grand-chose, mais elle avait instinctivement foi en elle. Et l’Empoisonneuse se fiait toujours à son intuition.

  La jeune étudiante n’espérait pas spécialement intéresser une influente conférencière du milieu, encore moins l’éblouir de ses travaux actuels. Avoir l’opportunité d’échanger avec elle, était déjà une véritable chance qu’elle considérait de son regard pétillant, exprimant ainsi une certaine admiration. Un sourire fleurit sur son visage quand elle se prit conscience de l’intérêt suscité à son égard. Sa timidité ainsi que sa maladresse ne lui avait pas permis jusqu’alors, de se faire connaitre ou même d’approcher une personnalité vraiment représentative de l’écologie.
 
  Malgré tous ses échecs sociaux, elle restait intimement persuadée qu’un jour elle finirait par rencontrer des personnes intéressantes qui oseraient accorder un peu de crédit à ses idées.
 
  Ainsi, ce moment tant espéré semblait comme par magie se révéler à elle pour effleurer son âme d’une fraîche brise de bonheur. Elle suivit tranquillement son interlocutrice jusqu’à l’extérieur, récupérant dans un élan de gourmandise un dernier gâteau au chocolat au passage. Même si elle allait probablement regretter un peu le somptueux buffet, elle appréciait de s’éloigner enfin de la foule à laquelle elle n’était pas habituée, ni à l’aise. Profiter d’une courte balade en compagnie de la charmante dame, lui permettrait de poursuivre plus sereinement leur discussion.
 
  Au-delà de simple intérêt qu’elle relevait, la proposition de prendre le temps de concrétiser un échange plus sérieux à travers une invitation le soir même, la troublait de joie.
 
*  Cela signifie donc qu’elle s’intéresse vraiment et que ce n’était pas simplement un passage anecdotique, futile et volatile ? Pour une fois, je pense que je suis avec une personne sincère ! * Pensa-t-elle.
         
  Elle contenait difficilement son excitation, laissant apparaître un sourire éclatant sur son doux visage, devant la proposition généreuse de la jeune femme. Peu à peu, une légère odeur de jasmin flotta subtilement dans l'air, on aurait pu croire à cet instant qu’une de ses plantes en fleur se trouvait à proximité.
 
D’un ton enjoué : « Je suis… très heureuse que vous vous intéressiez à mes recherches. Vraiment. Cela tombe assez bien ! Je n’avais.. rien trop prévu en particulier ce soir, malgré mon emploi du temps.. extrêmement chargé. » S’interrompit un instant sur cette pointe d’humour.
 
 
Elle reprit : « C’est très généreux de votre part de me faire confiance, Paméla ! J’accepte avec joie de me joindre à vous.. ce soir. »

Observatrice, Pamela nota d’emblée que la perspective de passer sa soirée avec elle semblait ravir Lyssandre. Curieuse jeune femme que voilà... Et elle semblait aussi... Particulièrement timide. Mais, en soi, ce n’était pas vraiment dérangeant. Pamela, avant de devenir la plantureuse Poison Ivy, avait aussi été une étudiante nerveuse, timide, mal dans sa peau, qui préférait (et préférait toujours, à quelques exceptions près) le contact des plantes à celui des humains. Lyssandre fut enchantée par l’idée de partager un repas avec Pamela, même si elle continuait instinctivement à la vouvoyer. Son bonheur était communicatif, et Lyssandre, en réalité, rappelait à Ivy son passé... Cette époque où elle était une étudiante nerveuse, qui avait été manipulée afin de servir de rat de laboratoire. Woodrue avait utilisé son corps pour ses expériences, et, si elle lui en avait jadis voulu, elle ne pouvait maintenant que le remercier, car, en modifiant son corps, il lui avait offert la possibilité d’être infiniment plus proche des plantes, et d’utiliser ses propres sécrétions naturelles pour renforcer leur résistance. Elle était ainsi devenue l’Empoisonneuse, une femme qui servait les plantes, et les protégeait.

« C’est très généreux de votre part de me faire confiance, Paméla ! J’accepte avec joie de me joindre à vous.. ce soir. »

Pamela lui sourit.

« Mes intuitions me trompent rarement, Lyssandre. Mais, je t’en prie, tu peux me tutoyer. Viens, je connais un petit restaurant sympathique. »

Elle n’allait pas encore l’emmener dans son antre. C’était tentant, et, en temps normal, Ivy se contentait parfois de bien moins pour inviter ses élèves à côtoyer de plus près ses plantes, mais sa curiosité l’amenait à vouloir en savoir plus sur cette étudiante très mignonne, et très timide. Pamela héla un taxi se trouvant hors de l’université, puis grimpa à l’arrière, à côté de Lyssandre, et demanda au chauffeur de les conduire à un restaurant en bord de mer. Ce n’était pas un restaurant chic, juste un simple restaurant. En chemin, Pamela déboutonna les boutons de sa blouse.

« Ce n’est pas vraiment une tenue idéale pour sortir, mais, à dire vrai, la Nature se moque bien de savoir de quoi nous sommes vêtus, non ? » fit-elle, avec un léger sourire vers Lyssandre.

Pour le coup, la tenue de Pamela, sous sa blouse, était même carrément provocante, et très sexy. Elle portait sa longue tenue verdâtre, avec des espèces de feuilles, et de longues bottes vertes.

« Je me sens bien mieux ainsi ! »

Le chauffeur de taxi, nota Ivy, eut dès lors beaucoup plus tendance à regarder dans son rétroviseur arrière. La voiture finit par s’arrêter devant le restaurant, qui comprenait une terrasse à un étage supérieur, et donnait une belle vue sur la baie de Seikusu.

« N’hésite pas à te faire plaisir, Lyssandre » lâcha-t-elle en sortant, et en se dirigeant vers l’entrée du restaurant, attirant bien des regards.