Menace sur la ville [Jude Sinclair]

Seikusu, Japon
Centre-ville
Lundi 02 Février, 21h38

Le chaos résonne autour de lui. Alors qu’il avance, et que ses oreilles sifflent, il perçoit, à travers ces dernières, les hurlements des badauds, les cris apeurés des gens qui sortent de l’immeuble en feu, et il perçoit les surpuissantes explosions à l’intérieur du bâtiment. Le terrifiant incendie part des derniers étages de l’hôtel. Il voit la police arriver, il voit les gyrophares, les sirènes, les ambulanciers, les badauds qui filment, qui appellent, il voit le chaos, il perçoit les hélicoptères qui s’approchent, les lances à incendie, les pompiers courageux qui rentrent dans l’hôtel pour éteindre le feu. Il titube légèrement, sonné, éternuant presque. Des bris de verre sont encore plantés dans son dos, mais il ne ressent rien. Il n’a pas mal, et c’est sans doute ça qui est le plus curieux. Alors, il fait comme les autres, il répète le même numéro. Il sort sa plaque, et hurle aux badauds de s’écarter. Il parle dans un mélange d’anglais et de japonais, car son esprit n’est pas encore totalement remis. Il n’entend pas les gens qui lui répondent, et, tandis qu’il avance le long de la rue, et que l’hôtel brûle de mille feux, il se rappelle comment il se retrouve ici.

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*  *

Lundi 02 Février, 21h25

L’équipe était passée par les égouts, en toute discrétion. Ils étaient des spécialistes, qui s’entraînaient à cette opération depuis une semaine. Ils avaient des plans détaillés de l’hôtel, et des rapports complets, grâce à des taupes, sur les forces en présence. C’était une opération risquée, et, pour Nathan, c’était un honneur de s’y retrouver. Il avait réussi à faire partie de cette escouade du SAT en raison de plusieurs éléments :

• Son excellente condition physique, et son passé d’ancien membre du SWAT, à l’époque où il était aux Etats-Unis ;
• Ses réussites dans certaines affaires récentes, qui avaient rehaussé son blason auprès des autorités japonaises ;
• La volonté du gouvernement japonais, sous l’influence américaine, notamment de la base militaire se trouvant à Seikusu, de rapprocher les forces américaines et japonaises, tant d’un point de vue militaire que civil ;
• La mutation de son commissaire, qui le détestait farouchement, pour un autre commissaire, moins strict que ce dernier.

Tous ces éléments avaient permis à Nathan de passer les tests de sélection, et de faire partie de cette unité. Mine de rien, à choisir entre ça et une enquête moisie sur un portable volé, ou on ne sait quelle autre connerie, le choix était vite fait. Dans cette armure, avec cet équipement de pointe, il se sentait un peu revenir lui-même. Nathan n’avait pas picolé, évidemment, et était dans le feu de l’action, en oubliant presque la Bête qui sommeillait en lui.

L’équipe était dirigée par le Capitaine Tatsuo. Leur mission était de s’infiltrer au 9^ème étage d’un hôtel placé en centre-ville, le long d’un boulevard, afin de procéder à l’interpellation de responsables yakuzas procédant à une vente de drogues avec des terroristes. Deux cibles devaient être interpellés :

• Aizen, le wakagashira du clan yakuza. Un individu important, que la police avait déjà coincé à plusieurs reprises, mais sans jamais pouvoir l’envoyer en prison, faute de preuves. Un flagrant délit le ferait obligatoirement tomber, et permettrait sans doute d’avoir des preuves pour coffrer l’Oyabun de son clan.
  
• Koth, le cocontractant, le terroriste. Les informations sur ce dernier venaient surtout des Américains. C’était un terroriste redoutable, essentiellement actif au Moyen-Orient, et qui prévoyait sûrement d’étendre ses activités en Asie du Sud-Est.

Les deux cibles prioritaires se trouvaient au dernier étage de l’hôtel. L’informateur avait confirmé l’arrivée de Koth. Il portait d’élégantes lunettes noires, un long blouson, et une veste en cuir. Un individu aisément reconnaissable. Le groupe avançait le long des escaliers de service, jusqu’à atteindre le 8^ème étage. Les Yakuzas avaient réservé les deux derniers étages, plaçant leurs hommes. L’équipe ne devait pas se faire repérer, et les agents avaient donc agi rapidement et efficacement, neutralisant les gardes, les dissimulant, jusqu’à rejoindre le dernier étage. Ils ne parlaient pas entre eux, se dirigeant par signes. Une équipe de 4. Tatsuo, Nathan, Kusuke, et Minoru. Les quatre avaient fait plusieurs opérations d’entraînement ensemble, avant de devoir agir. Utilisant des équipements de pointe, ils se servaient de miroirs pour regarder sous les portes, agissant rapidement, vite, se dirigeant à l’aide de signes. C’est ce qui leur permit, en toute discrétion, d’atteindre la porte de la salle de réunion. Deux à gauche, deux à droite. Nathan se chargea de prendre le miroir. Il vit une table, des fauteuils, de nombreux hommes, et des valises noires pleines d’argent. Ainsi qu’un grand type qui leur tournait le dos. Probablement Koth. Se repliant prudemment, Nathan délivra quelques signes. Les cibles sont là. Nombreux hostiles, indiquant ensuite un chiffre avec ses doigts. Tatsuo, qui avait travaillé à Tokyo, hocha la tête, et donna plusieurs ordres avec ses doigts. Placer bombe sur le générateur pour couper le courant. Enfoncer la porte, balancer grenade étourdissante, et rapidement se mettre en position.

Kusuke se déplaça, jusqu’à atteindre la boîte de fusibles répandant l’électricité, et plaça un petit explosif télécommandé, afin de couper le courant. Il rejoignit ensuite ses comparses. Tatsuo inspira légèrement, fixant chacun de ses hommes dans les yeux. Le regard lui fut rendu, et il fit signe d’y aller. La porte s’entrouvrit légèrement par Nathan, et Kisuke dégoupilla la grenade, avant de la balancer. Il y eut quelques exclamations, puis un bruit sourd. Tatsuo se releva ensuite, et frappa avec toute sa force contre la porte, l’arrachant de ses gonds, s’avançant en pointant son arme.

« Mains en l’air, enfoirés ! Police de Seikusu ! Levez les mains !
 -  Ton arme, jette ton arme ! JETTE TON ARME ! »

Nathan dut se retenir de ne pas hurler le célèbre « Drop your gun ! », préférant opter pour le japonais, qui était moins percutant que l’anglais. Néanmoins, quand on hurlait, tout devenait agressif. Les Yakuzas étaient aveuglés, et obtempérèrent. Seulement un homme leur tournait le dos. Koth. Nathan pointait son arme sur lui.

« A genoux ! A genoux !! Mains sur la tête ! »

Koth ne répondit pas, et se retourna lentement. C’était un homme plutôt immense, un véritable colosse, qui portait des lunettes noires, et planta son regard dans celui de Nathan. Il monopolisait l’attention, ne disant rien, et un Yakuza courageux, téméraire, en profita pour sortir son arme. Il visa Tatsuo, et Kusuke ouvrit le feu, envoyant une rafale de balles qui atteignit le Yakuza au ventre, l’envoyant s’étaler sur le sol. Les autres Yakuzas répliquèrent instantanément, et la fusillade commença. Nathan visait Koth, qui continuait à le regarder, et il crut voir deux boules de feu brûler dans ses yeux. Nathan sentit alors un appel venir de l’intérieur de son corps, de la Bête.

*Méfie-toi !*

La main de Koth attrapa alors Nathan, le soulevant, et plusieurs balles atteignirent le colosse, mais rebondirent contre sa peau. Koth balança Nathan contre le mur, près de la fenêtre donnant sur la rue. L’homme sortit fébrilement son pistolet, et canarda Koth. L’homme ne bronchait pas, et son long blouson tombant, révélant une veste courte, sans manches. Nathan vit alors les bras de l’homme se recouvrir d’une espèce de seconde peau faite de roches, avant que des boules de feu ne jaillissent de ses mains.

« Rien n’est plus joli qu’une explosion, plus vif et plus vivant que le feu qui entre en action. Ne trouvez-vous pas ? »

Koth écarta les doigts, et la boule de feu grossit, avant de provoquer une terrifiante explosion qui souffla les portes, se répandant dans tout l’étage. La déflagration frappa Nathan de plein fouet, qui passa à travers la fenêtre, et fit une chute de plusieurs dizaines de mètres, son corps se recouvrant d’une texture noirâtre, avant qu’il ne s’écrase violemment sur une voiture, la pulvérisant sous le choc. D’autres explosions résonnaient en haut de l’immeuble, et ses oreilles sifflaient.

*
*  *

Lundi 02 Février, 21h40

« C’est une attaque terroriste !
 -  Dressez un cordon de sécurité !
 -  Ne vous approchez pas du bâtiment, reculez ! »

Nathan secouait la tête, lentement, ses vêtements partiellement déchirés. Quelque chose venait de s’imposer à lui. Un nouveau criminel présentant des capacités paranormales venait d’apparaître. Et, visiblement, il aimait bien les explosifs.

Journée normale à l'agence. Deux ou trois couples venus pour s'assurer de la fiabilité de leurs domestiques, quelques femmes jalouses en quêtes d'informations sur les allées et venues de leurs conjoints. Bref, une journée normale. Et la fin de journée devait être parfaitement normale également. J'allais faire un peu de magie pour me vider l'esprit, et trouver les informations banales dont j'avais besoin pour mes enquêtes. J'avais tout préparé. Les bougies, les runes, et les poudres requises. J'entamais l'incantation après avoir fait le vide en moi.

Quand soudain, une explosion fit trembler la rue. Trois des six bougies sont tombées, la cire s'écoulant sur le lino et la flamme s'éteignant. Moi-même, je vacillais. Je me retins au bureau, laissant tomber le grimoire. Quand le tremblement se fut apaisé, je soufflais les bougies restantes. Ma caméra, soigneusement rangée dans sa house de protection, me faisait de l'oeil. Qui dit explosion, dit aussi sujet d'actualité intéressant.

Je la pris donc, et la mit en route pour ouvrir la fenêtre et voir ce qu'il se passait.

« Nom d'un chien... »

Le quartier était enfumé. L'explosion venait d'en haut. Et d'autres suivaient. Ma caméra braquée sur le haut de l'hôtel d'à côté, j'observais la rue. La sirène d'une voiture résonne depuis quelques instants. Comme si des gravats l'avait touchée. Sauf qu'en y regardant de plus près, ce ne sont pas des gravats. C'est un putain de mec qui lui a explosé le toit. Il a dû tomber d'en haut.

... Merde alors. Le voilà qui se relève. Comme si de rien n'était. Juste un peu sonné on dirait, vu comment il titube en marchant. Mais... J'hallucine. Heureusement que j'ai pensé à filmer. Ce ferait un bon sujet d'article. "Un super-homme dans la police" que je titrerais ça... Et avec la vidéo accessible aux membres premiums uniquement, j'allais récolter plusieurs milliers de yen. De quoi payer l'hébergeur du blog et de quoi m'offrir un nouveau kit d'appareils photos.

« Il faut que j'ailles le voir. Sur le terrain. »

Je gardais la caméra sur l'épaule, et j'ouvris la porte à la volée. Mes voisins aussi étaient dehors. Je n'eus qu'à les suivre. Un cordon de sécurité s'étendait pour maintenir les curieux à distance. Je m'approchais au maximum, et le zoom de ma caméra fit le reste. Je suivis le parcours de l'homme miraculé au milieu des autres. Quand il n'y eut plus rien à voir, je me reculais. Devant l'enseigne de mon agence, je retournais l'objectif.

« Qui est cet homme ? Comment arrive-t-il à survivre après une telle chute ? Je vais mener mon enquête pour vous, mes chers lecteurs. C'était Jude Sinclair, pour Hello World. »

~ ~ ~

Après plusieurs recherches, étendues sur quelques jours, je tenais le nom de mon miraculé. Nathan Joyce. Mais entre temps, une idée m'était venue en tête. Un tel homme devait forcément faire plus qu'être un simple policier. Il devait donc détenir des renseignements précieux. Et peut-être même des scoops qui feraient décoller mon blog et qui feraient de moi la reporter de l'année. Peut-être même un prix Pulitzer quand je rentrerais aux ISA pour voir de la famille.

Avec ma pêche aux renseignements, j'avais dégoté un certain emploi du temps. Non, je n'allais pas le suivre. J'allais l'intercepter. Juste à la sortie de son commissariat. Dès maintenant.

Vendredi 06 Février, 13h54.

« Mr Joyce ? Inspecteur ? Jude Sinclair. J'aurais quelques questions à vous poser. En privé. »

Vendredi 06 Février, 13h50

Semaine de merde. Voilà comment Nathan résumait la semaine qui s’approchait. Quand il s’était levé ce matin, qu’il s’était regardé dans la glace, alors que le métro aérien faisait trembler les murs de sa coque de noix, il n’avait eu qu’un mot en tête... Ou, plutôt, un acronyme : TGIF. Son week end ne serait guère palpitant. Il ne sortirait pas en boîte le Samedi soir, et n’irait pas nourrir les canards au lac le Dimanche avec son fils. Mais, au moins, il n’aurait plus à faire de rapports, et à subir la pression de l’inspection des services. Les évènements de Lundi soir n’avaient pas été sans conséquences. Toute une équipe d’intervention qui disparaît, plusieurs étages qui explosent, des tonnes de décombres s’écroulant dans la rue... En une nuit, Seikusu était encore revenue sur le devant de l’actualité, contribuant à accroître la réputation de plus en plus folklorique que la ville prenait. Les médias s’étaient régalés, d’aucuns ayant même été jusqu’à accuser des groupes terroristes islamistes comme Al Qaïda. Nathan avait fait deux nuits blanches, avant de pouvoir rentrer chez lui. Étant le seul survivant, il avait du inventer toute une histoire. Il ne pouvait pas en effet dire que le responsable de tout ça était un terroriste dont le corps était aussi résistant qu’une cuirasse, et qui avait provoqué une série d’explosions, tout comme il ne pouvait pas dire qu’il avait fait une chute mortelle en survivant. Il avait donc inventé des mensonges, déformant légèrement la vérité. Oui, Koth était un criminel dangereux, et avait plastiqué l’étage. La police scientifique continuait encore à chercher des traces des explosifs, mais ils ne risquaient pas d’y arriver. Il aurait fallu faire appel à un ghostbuster. Quand bien même le Japon était un pays bien plus superstitieux que l’Occident, Nathan ne pouvait décemment pas leur dire qu’il avait survécu grâce à l’aide d’un symbiote extraterrestre créé par une organisation privée proche de l’armée américaine.

Pour sa chute, il avait affirmé qu’il était tombé en rappel, et que la corde l’avait sauvé de s’écraser sur le sol, ralentissant suffisamment sa chute. Un miracle, tout simplement. C’était un mensonge grotesque, mais, par expérience des interrogatoires, Nathan savait que les mensonges les plus efficaces étaient les plus simples. Pour autant, son statut de gaijin était ressorti au grand jour, et l’inspection générale se livrait à une enquête sur lui, d’autant plus que les éléments scientifiques récupérés sur la scène de crime contredisaient, sur plusieurs points, sa version. Des balles écrasées avaient été retrouvées, et les enquêteurs n’arrivaient pas à comprendre ce qui avait pu les écraser à ce point, dans la mesure où ils n’avaient relevé aucun impact sur les murs. De même, les spécialistes en explosions avaient émis des réserves sur l’usage des explosifs, dans la mesure où les explosions n’avaient pas produit les dégâts normalement attendus. Des démineurs envoyés sur place ne voyaient pas quel type de bombes avaient pu provoquer ce genre de dégâts.

Des déclarations avaient été faites lors de conférences de presse, indiquant, selon toute vraisemblance, que l’attentat avait été commis par un terroriste international, qui était activement recherché. Une cellule de crise incluant plusieurs experts et de nombreux agents avait été mise sur place pour appréhender Koth. Nathan avait eu la chance d’en faire partie, mais le responsable de la cellule était un fervent antioccidental, comme on en rencontrait parfois chez les vieilles personnes, plus traditionalistes. La priorité de la cellule de crise était de remettre la main sur Aizen. Parmi tous les cadavres retrouvés, celui du Yakuza n’était pas là, ce qui laissait supposer qu’il était en vie. Aizen était la seule piste de la police pour remonter jusqu’à Koth.

Ce Vendredi, Nathan revenait d’un McDonald’s, s’apprêtant à travailler. Outre Koth, il avait aussi de menues affaires à faire. En l’occurrence, il avait des rapports à taper, des auditions à mener, et devait se renseigner sur l’état du terrorisme au Japon, et sur les informations que les agences américaines avaient sur Koth. Il serait d’autant plus facile pour lui de les obtenir qu’il avait accès, vu ses capacités paranormales, aux services d’informations du SHIELD, cet organisme onusien spécialisé dans tout ce qui traitait du paranormal. L’homme s’avançait vers l’entrée principale du commissariat, avec de grandes portes vitrées, lourdes et solides, et un léger perron. Le commissariat central de Seikusu était un énorme bâtiment noir entouré de dépendances. De nombreux gens entraient et ressortaient continuellement. En s’avançant, il vit, près d’une voiture, une superbe femme blonde dans une espèce de manteau noir moulant en latex. Le Japon... Un pays des plus loufoques, assurément. Il se désintéressa de la femme, et se rapprocha de la porte, quand elle s’approcha vers lui, et se planta sous son nez.

« Mr Joyce ? Inspecteur ? Jude Sinclair. J'aurais quelques questions à vous poser, lâcha-t-elle. En privé » enchaîna-t-elle.

Surpris, Nathan s’arrêta sur place. Jude Sinclair ? C’était qui, cette nana ?! Il la regarda, surpris, et cligna des yeux. Cette femme ne lui disait absolument rien, et elle ne travaillait pas pour l’inspection des services. Soit c’était une fan de Nathan Joyce, ce qui était peu probable, soit c’était une journaliste qui voulait son papier. C’était le plus probable, car certains journalistes avaient appris qu’il était le seul survivant de l’opération de Lundi, qui continuait encore à faire le buzz sur Internet.

« Laissez-moi deviner... Vous êtes une journaliste, c’est ça ? Même si votre tenue m’inciterait à accepter des questions de votre part, je vais rester professionnel. Je n’ai rien de plus à vous dire qu’à ceux qui m’ont appelé. Je vous souhaite une bonne journée. »

Nathan était naturellement bien loin de se douter que cette femme, Sinclair, avait sur lui des éléments que les autres journalistes n’avaient pas. Lui tournant le dos, il eut une brève pensée pour son corps, superbement moulé, et commença à gravir le perron.

Un petit sourire aux lèvres, j'hochais la tête. Journaliste oui, mais pas que. J'ai une triple casquette moi. Bon, les civils normaux pensent que je n'ai qu'une double-casquette, mais ça... Je n'allais tout de même pas crier sur tous les toits que j'étais une sorcière, hm ?

« Journaliste oui. D'investigation, principalement. Mais ce n'est pas pour ça que je viens pour voir. Je me fiche de ce donc raffolent les autres en ce moment. Je ne veux pas d'interview, ni rien. Mais j'ai quelque chose à vous montrer. »

Je souris, et mes doigts vinrent piocher le Sony Xperia U qui ne me quittais jamais. La vidéo compromettante qui le concernait était dessus. C'était une copie, évidemment. L'original était bien en sécurité, protégé dans un coffre fort blindé de sortilèges et autres maléfices.

« Vous devriez, je pense, nous trouver un endroit isolé. Un bureau, ou bien quelque chose du genre. »

S'il avait ça. J'ai entendu dire que les policiers avaient rarement de bureaux à eux, fermés, sauf quand ils étaient chefs de commissariat ou autre.

« Sinon, je peux vous proposer les ruelles. Elles sont pas très fréquentées en journée. »

Je fis glisser mon doigt sur l'écran, mettant en marche la vidéo, mais sans le son. Je le tournais ensuite vers le policier, pour qu'il puisse juger par lui-même de la nature de ce que je voulais lui montrer.

« Voyez ? Je pense que nous serons donc plus à l'aise dans un lieu clos. »

Comme il s’y attendait, la journaliste ne le lâcha pas. Nathan soupira. Il aurait probablement du se sentir honoré que des journalistes viennent s’intéresser à lui, le misérable gaijin alcoolique à tendance dépressive, mais, curieusement, il était surtout agacé. Ces gens l’énervaient, des sortes de vautours, des rapaces à l’affût du moindre scoop. Il s’arrêta quand elle avoua vouloir lui montrer quelque chose. Avait-elle assisté à une infraction ? Pourquoi s’adresser particulièrement à Nathan, alors ? Curieux, ce dernier se retourna, la voyant voir un téléphone portable dernière génération. Ils étaient si perfectionnés qu’on en faisait presque des micro-ordinateurs. Une vidéo apparut, et Nathan serra des dents en voyant cette scène, qu’il reconnaissait très bien. L’écran trembla quand le haut de l’hôtel explosa, et il vit une silhouette enfumée descendre, l’objectif de la caméra se fixant sur elle. Une sorte de corps noirâtre, méconnaissable, qui pulvérisa une voiture, avant qu’un homme n’en sorte en titubant. L’objectif zoomait, et on vit clairement son visage.

*Merde !*

Jude Sinclair coupa la vidéo. Personne n’avait rien vu, à part eux. Les gens passaient rapidement, et les voitures circulaient. Pour Nathan, ce fut comme s’il avait reçu une douche d’eau froide. Il observa Jude sans rien dire.

« Voyez ? Je pense que nous serons donc plus à l'aise dans un lieu clos » lâcha-t-elle alors.

La première impression que Nathan ressentit fut une violente envie de l’étrangler. Il s’imagina la soulever par la gorge, et broyer son cou, avant de la dévorer. Il sentit la Bête rugir, avec cette impression d’être devenue la proie. Elle avait contre elle des preuves compromettantes, qui pouvaient, non seulement lui faire perdre son emploi, mais aussi remettre sur sa piste le BlackWatch, cette milice privée américaine qui était responsable du symbiote traînant dans son corps.

« Putain de merde... » finit-il par commenter.

Non, la tuer ne serait pas raisonnable, même si c’était tentant. Il ferma les yeux, se passant une main sur la tête, puis secoua cette dernière.

« Okay, M^lle Sinclair, suivez-moi. »

Nathan rentra alors dans le commissariat, poussant la lourde porte blindée menant dans une antichambre, avec des portes en verre. Ils avancèrent dans un grand hall avec plusieurs salles d’attente, et un grand bureau réservé à l’accueil, avec des policières et des policiers. Nathan reconnut deux policières sexy, qui détruisaient la rumeur de la policière aussi attirante qu’une routière. Il était sûr que, avec leurs uniformes, elles auraient fait malheur dans un film érotique. Il passa rapidement, et s’engagea dans un couloir, rejoignant une série d’ascenseurs. Il en appela un, et se tourna vers Jude.

« Le seul endroit véritablement discret que je connaisse est dans ma voiture. »

Un ascenseur ne tarda pas à arriver. Nathan laissa plusieurs gens passer, puis rentra, et descendit à l’un des étages souterrains où il y avait sa place de parking. Ils sortirent encore, et marchèrent un peu dans le parking souterrain, jusqu’à atteindre la voiture de Nathan. Une Toyota Avensis gris métallique. Il pénétra à l’intérieur, et attendit que Jude rentre. Nathan continuait à réfléchir à toute allure, se demandant surtout ce que cette dernière voulait. De l’argent ? Improbable, elle devait bien savoir qu’un flic ne roulait pas sur l’or. Il alluma les phares, et s’engagea vers la sortie, évitant de parler. Ce ne fut que dans la rue qu’il se mit enfin à aborder le sujet, ayant eu le temps d’accuser le coup.

« Bien... Pour commencer, je n’ai jamais aimé les journalistes. Comme vous ne m’avez présenté aucune carte de presse, j’en déduis que vous devez être une indépendante. Ou alors, vous travaillez au Shinbun... Et, comme vous n’avez pas sauté au premier quotidien avec votre enregistrement, j’en déduis aussi que vous êtes du genre maligne. Ceci m’amène à considérer que vous ne voulez pas d’argent de ma part, car vous savez que les flics ne roulent pas sur l’or. »

Le Asahi Shinbun était l’un des grands journaux japonais, dont la particularité était d’avoir une ligne éditoriale assez critique à l’égard du Japon, contrairement à la plupart des grands journaux, plutôt conservateurs. Le Asdahi Shinbun était mondialement connu, et se livrait à des reportages en profondeur. Il faisait des millions de tirages, ce qui en faisait l’un des journaux les plus lus dans le monde, dans le Top 3. Depuis une dizaine d’années, le journal était aussi publié en anglais, par le biais de l’International Herald Tribune. Nathan le savait, car il était abonné à cette édition. Il roulait le long du boulevard, sans vraiment chercher où aller.

« Même si je pense que ça ne vous arrêtera pas, vous rapprocher de moi est risqué. Je ne suis pas vraiment un flic comme les autres. Maintenant, et sans plus attendre... »

Il s’arrêta à un feu rouge, et tourna sa tête vers elle.

« Qu’est-ce que vous voulez ? »