Retour à Galbadia [Elwäen]

« Notre Souveraine, Edea Kramer, s’exprimera bien ce soir, à l’occasion de la ratification du traité de paix entre Galbadia et l’Empire d’Ashnard. Cet évènement de première importance pour l’avenir de notre archipel permet en effet d’assurer l’autonomie du royaume, tout en nous préservant d’un éventuel conflit avec les Ashnardiens. Tous les citoyens sont conviés à ce discours, qui se tiendra, comme la coutume le souhaite, au palais présidentiel de Deling City... »

Le même message était diffusé chaque début d’heure depuis ce matin sur la chaîne officielle, et la seule autorisée, de Galbadia. Émise depuis l’énorme station de télévision de Timber, elle était diffusée à Galbadia grâce à l’antenne de communication géante se trouvant dans les falaises de Dollet. Edea était revenue d’un voyage de plusieurs semaines dans les profondeurs d’Ashnard, au sein de la capitale, afin de signer une convention bilatérale régissant les rapports entre l’Empire et Galbadia. En vertu de cet accord, Galbadia s’était ralliée à l’autorité impériale, lui prêtant une assistance militaire et financière, recevant, en retour, un secours ashnardien, qui, concrètement, allait s’exprimer par l’envoi de capitaux, de matériels de construction, afin de reconstruire Cintra, l’une des îles ravagées de Galbadia suite à un conflit entre les deux royaumes, avant que Galbadia n’annexe Cintra.

Deling City avait une activité touristique de plus en plus prononcée, à l’annonce du discours d’Edea. Beaucoup d’Ashnardiens étaient venus, notamment les journalistes et les chroniqueurs impériaux, afin de rapporter cet évènement aux journaux impériaux. La souveraine méditait dans son trône, son casque de sorcière sur la tête, lui permettant de faire de la méditation magique. Le temps défilait ainsi très rapidement lorsqu’elle sentit une présence dans son dos. Lanea, l’une de ses apprenties, était entrée, et le casque pyramidal allongé qui recouvrait une partie du visage gris d’Edea, se déplia lentement. Clignant des yeux, Edea revint dans le monde présent, et constata qu’il faisait nuit. Une porte ouverte avec des rideaux menait directement au balcon. De grands rideaux fins étaient repoussés.

« Le peuple vous attend, Souveraine.
 -  Hum... En effet, je peux les percevoir. »

Les Galbadiens étaient venus nombreux, comme à chaque fois. Elle avait l’impression d’avoir affaire à des espèces de rats et de cloportes qui se regroupaient en masse comme des fourmis, attendant la présence de leur Reine pour leur dire ce qu’il faudrait faire. S’étirant lentement, Edea fit craquer son dos, et se releva lentement. De quoi allait-elle bien pouvoir leur parler ? Elle avait des choses bien plus importantes à faire, mais ses conseillers avaient insisté pour qu’elle fasse un discours, avant d’expliquer au peuple ce qui allait se passer dans les prochains mois. Edea, curieusement, était très populaire. C’était curieux pour elle, car elle était, après tout, une sorcière. Et les sorcières, de manière générale, n’étaient guère appréciées par le peuple. Il fallait croire que la dictature de ses services fonctionnait plutôt bien, en présentant Edea comme une souveraine juste, une femme qui avait réussi, officiellement, à sauver Ashnard du pillage.

« As-tu réussi ton sortilège de putréfaction physique ? »

Lanea avait du s’entraîner toute la journée à transformer un prisonnier en statue. Un exercice très difficile, comme on pouvait s’en douter. Lanea baissa la tête, signe explicite qu’elle avait essayé, et qu’elle s’était plantée. A force de former ses sorcières, Edea avait appris à reconnaître leurs hésitations.

« Je... Ça a bien marché, au début...
 -  Tu t’es enorgueillie de ton succès, et tu as perdu ta concentration, répliqua calmement Edea. L’équilibre est le fondement de la magie.
 -  Oui, Madame.
 -  Maintenant, dis-moi donc pourquoi tu es venue me réveiller... Ce n’est sûrement pas que pour ce discours stupide. »

Lanea se mordilla les lèvres.

« Les prisonniers que j’ai interrogé... Ils appartiennent aux Héritiers de Cintra, et tout porte à croire qu’ils chercheront à vous assassiner ce soir. »

Edea ne sourit même pas devant la stupidité de la chose. Les Héritiers de Cintra étaient un mouvement rebelle, terroriste, qui voulaient supprimer la souveraine de Galbadia, affirmant que cette dernière était un tyran ne cherchant qu’à exploiter Galbadia pour ses recherches sur la sorcellerie... Ce en quoi ils n’avaient pas spécialement faux. Galbadia et sa survie n’avaient aucune importance aux yeux d’Edea. Si elle avait fondé des orphelinats pour recueillir les orphelins de Cintra, c’était pour sélectionner ceux qui pourraient rejoindre l’académie magique de Galbadia, loin des universités de Balamb et de Trabia.

« Et tu t’inquiètes pour moi ?
 -  Je m’inquiète toujours pour vous, Souveraine.
 -  Tu n’as pas à t’en faire. Je n’ai rien à craindre d’une attaque de ces clowns. Et puis, ça mettra un peu d’activité à la soirée. »

Et, disant cela, Edea sortit de la salle du trône, et rejoignit le balcon, avec un auditorium. Il y avait plusieurs soldats galbadiens pour la protéger, une escorte bien inutile. Le palais était au croisement de deux boulevards, face à un énorme arc de triomphe lumineux se trouvant au centre de la ville. Il y avait beaucoup de monde. Elle se rapprocha des micros, sous l’ovation de la foule, et commença à parler.

Galbadia. Une cité sous la domination d'une sorcière. Moult rumeurs circulaient au sujet de cette reine. Elle aurait prit la possession du corps d'une femme, lui permettant ainsi de quitter une dimension parallèle. Bien d'autres histoires parcouraient Terra à ce sujet, et rares étaient les personnes qui connaissaient l'histoire réelle, sans artifice, sans légende.

Elwäen était revenu de la Terre, pour une courte période. Son père adoptif connaissait que très peu de choses sur les élémentaristes, or le jeune homme souhaitait en apprendre d'avantages sur ses pouvoirs, ses capacités. Il avait des dizaines de questions qui ne trouvaient pas de réponses, comment avait-il acquis ce pouvoir ? Jusqu'à quel point pouvait-il développer son aptitude ? Certaines rumeurs sur les élémentaristes circulaient, parmi elles une qui intriguait beaucoup le jeune homme. Il y a fort longtemps, un élémentariste puissant aurait existé, il aurait été si puissant qu'il aurait pu contrôler d'autres choses que les quatre éléments. Les rumeurs les plus folles disaient qu'il pouvait maitriser le chaos ou entre les forces lumineuses.

Sachant que le jeune élémentariste souhaitait avant tout des réponses, son père adoptif avait fait des recherches. Un des ces anciens frères d'armes lui avait dit qu'un élémentariste transitait par Galbadia. Il devait avoir une quarantaine d'année mais il ne maitriserait que deux éléments. Ce dernier point signifiait que Elwäen était beaucoup plus puissant que lui grâce à la maitrise des quatre éléments naturels. Mais peu importait, il avait besoin de réponse et de ne plus se sentir seul, les élémentaristes faisant plus parti d'une légende qu'autres choses.

C'est ainsi qu'il décida d'emprunter un cheval à son père adoptif et de se rendre dans ces contrées obscures. Bien qu'il soit un peu anxieux, le jeune élémentariste n'avait pas peur, son pouvoir lui permettant de se défendre. De plus, il maniait l'épée et il emporta celle offerte par ses parents adoptifs pour son dix-septième anniversaire. Il prit assez de provisions pour le voyage.

Ce dernier dura deux jours. Il arriva dans la cité quelques heures avant la tombée de la nuit. Honnêtement, il ignorait comment faire pour trouver ce soit disant élémentariste. Des messages passaient en boucle dans les rues de la ville toute la population était conviée à rejoindre un palais pour assisté au discours de la reine. Elwäen parvint à la conclusion que c'était sa meilleur chance de trouver l'homme qu'il recherchait. Si tout le monde s'y trouvait, il avait un infime chance de le trouver ainsi. Le jeune homme se mêla donc à la foule qui se dirigeait vers le palais. Enfin, c'est ce qu'il conclut. Personne ne prêta attention à lui malgré son épée disposée sur son dos. Après quelques minutes de marche, il parvint à rejoindre le palais. C'était une grande bâtisse, digne du titre et surement de la noblesse de la personne qui y vivait. De longues minutes passèrent, il attendit patiemment en scrutant la foule à la recherche de l'autre élémentariste.

Puis, une silhouette se présenta devant des micros. Elle avait un corps élancé. Son regard perça la foule, il nota une lueur de dédain dans ce regard. La reine, puisqu'il devait s'agir d'elle, rayonnait de puissance magique et de charisme. Elle semblait accompagné d'une autre jeune sorcière. La foule se mit à applaudir. Elwäen ne bougea pas. Maintenant qu'il était présent, autant écouter ce qu'elle avait à dire. Il reprendrait ses recherches après. Il attendit donc que la reine de Galbadia commence son discours.

Depuis son balcon, Edea voyait une masse indistincte et compacte, un regroupement d’individus et de gens qui la regardaient. Les petits enfants étaient sur els épaules de leurs pères, et les plus fortunés utilisaient cette nouvelle technologie importée de Tekhos, les téléphones portables, pour la photographier, ou la filmer. Les caméras de la télévision braquaient leurs viseurs sur elle. Elle n’avait aucun papier devant elle, n’avait préparé aucun discours. Edea n’était pas une très bonne politicienne, et, en tant que sorcière pure souche, elle détestait l’humanité, ces êtres ignares qui avaient traqué et opprimé les sorcières au cours des siècles, les condamnant au bûcher, les torturant, les violant, sans aucune autre raison que la superstition et la peur que les êtres supérieurs impliquaient sur la masse. Elle s’éclaircit lentement la gorge, faisant la moue, attendant que l’ovation se calme, et commença à parler.

« Galbadiens, Galbadiennes... Je reviens d’un long voyage depuis l’Empire d’Ashnard, qui s’est achevée de la plus agréable des manières, par la signature d’une convention de paix entre Galbadia et l’Empire. »

Cette déclaration suscita une ovation. C’était bien dans un système dictatorial qu’on avait droit à une telle ovation. Edea n’était pas faite pour la politique, et, si elle préférait la dictature, c’était parce que ce système permettait de ne pas avoir d’opinion contestataire, et de permettre de manipuler les masses, afin qu’elles soient soumises.

« Cette convention amènera les Ashnardiens à envoyer vers notre archipel des matériaux et des ingénieurs, afin de nous aider à reconstruire Centra. »

On continuait à la photographier et à la filmer, et, indifférente, elle observait les gens. Jadis, le regard des enfants aurait sans doute pu l’attendrir, mais, plus elle voyait ces humains, et plus elle les imaginait en train de l’invectiver, sur un bûcher, alors que le feu lui léchait les pieds, et que ces mêmes enfants, quand on la traînait avec des chaînes le long des rues, lui balançait à la figure des pommes pourries et des gravats. Dans leur innocence, les enfants pouvaient faire preuve d’une terrible cruauté. Elle ne ressentait donc rien de sympathique pour eux.

« Cependant, les Ashnardiens ne fourniront que peu d’ouvriers. Il faudra donc vous attendre à devoir travailler encore plus durant les prochains mois, humains. En conséquence de quoi, l’âge légal à partir duquel les mineurs peuvent commencer à travailler sera révisé, et des camps de travail ouvriront sur Centra, le temps de la reconstruction de l’île. »

Là encore, il n’y eut aucune contestation. Le pire était qu’ils n’étaient même pas atteints par la magie, même pas hypnotisés. Ils étaient simplement endoctrinés. C’était aussi simple que ça. Comment pourraient-ils contester son avis ? Ceux qui le faisaient disparaissaient toujours, ne revenant plus jamais. Des soldats venaient les trouver, et les embarquaient, aussi bien en plein jour qu’en pleine nuit.

« Les navires ashnardiens arriveront à Dollet dans quelques jours, amenant avec eux les marchandises. Les travaux commenceront dans les plus brefs délais. Je compte sur vous pour aller vous inscrire auprès des bureaux d’inscription qui ouvriront dans les mairies de chaque commune. »

On l’applaudit encore, et Edea sentit alors une menace dans son dos. Elle se retourna subitement, et vit que les deux Galbadiens étaient au sol, la gorge tranchée. Elle fronça les sourcils, sentant un mouvement, et brandit sa main gantée, envoyant une onde d’énergie qui frappa un homme invisible qui allait bondir sur elle. Poussant un cri de douleur, un homme roula sur le sol, son brouillage optique étant détruit. Il portait des vêtements noirs, une cagoule sur la tête, et des armes blanches. Il se releva rapidement, se mettant en position de combat, ce qui arracha un sourire à Edea. Elle envoya des éclairs depuis ses doigts, qui rebondirent alors sur un bouclier que l’homme forma avec ses doigts.

*Un mage... Voilà qui est intéressant...*

En contrebas, la situation se mit à rapidement dé générer, et il y eut des cris de panique quand plusieurs explosions simultanées retentirent, près des fourgons des soldats galbadiens. Des tueurs s’avancèrent rapidement, se dirigeant vers le palais. Edea ne tarda pas à repousser l’assassin, envoyant un cône de glace qui perça son bouclier, et lui transperça la gorge. Elle se retourna alors, et employa à nouveau sa magie. Plusieurs des gargouilles se trouvant le long de l’arc se mirent à bouger, prenant vie. Des gargouilles bondirent alors, fondant vers le plais, renversant plusieurs des civils effrayés, les piétinant. Les monstres poussaient de sordides grognements, tandis qu’Edea resta juchée sur le balcon, observant la scène.

Le discours débuta. A peine la reine avait-elle fini sa première phrase qu'une autre ovation parcourue l'assemblée au pied du palais. De sa position, le jeune homme ne voyait qu'une silhouette. Sur la tête de la sorcière une sorte de couvre-chef assez étrange trônait. Les gens tout autour de lui étaient littéralement transcendés par les paroles de leur souveraine. Le plus étonnant était que cette adoration n'était pas d'origine magique. Ils buvaient tous ses paroles, sans rien louper. Même lorsque la reine annonça l'abaissement de l'âge légal du travail, personne ne réagit négativement. La politique de la cité portait bien son nom : une dictature.

Le discours semblait touché à sa fin et la population Galbadienne applaudit de nouveau sa souveraine. Mais quelque chose se passait sur le balcon. Elwäen ne parvenait pas à voir ce qu'il se passait mais cela n'augurait rien de bon. Une première explosion retentit près d'un fourgon de militaire. Les sens du jeune élémentariste se réveillèrent, ses sens de guerrier et d'élémentariste. Plusieurs explosion suivirent la première causant une forte panique. Elwäen était à l'abri des explosions mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Il dévia les flammes qui allaient percuter de plein fouet un groupe d'enfant d'un simple geste de la main. Si quelqu'un y prêtait attention, il aurait pu voir que les yeux de l'élémentariste avait changé passant du gris au rouge.

Plusieurs guerriers fendirent la foule, tuant homme, femme et enfant sans distinction. Elwäen sortit l'épée du fourreau situé dans son dos et se mit en travers de la route de trois hommes qui attaquaient une femme. Il dévia le coup d'épée porté à la femme et transperça la gorge du premier homme. Dans un mouvement vif, il pivota pour se retrouver face au deux autres hommes. L'un d'eux décida de l'attaquer. Le jeune homme  esquiva l’assaillant. Ce dernier avait mit beaucoup trop d'élan dans son attaque. L'élémentariste transperça le dos de l'assaillant avec son épée. Il ne restait plus qu'un guerrier en face de lui. Ce dernier bandit son arc et tira sur lui. Il mit la main en l'air et se concentra sur le vent environnant. Il ordonna une forte bourrasque. A cet instant ses yeux passèrent du rouge au verre. La flèche repartit dans l'autre pour se planter dans le coeur du dernier homme.
Elwäen serait sans doute parvenu à les éliminer plus rapidement mais cela aurait drainé son énergie, chose inutile s'il pouvait utiliser son adresse au combat. 

Une gargouille vint s'écraser sur un villageois qui était non loin du jeune homme. Il entendit les os craquer sous le poids de l'animal en pierre. une autre allait atterri sur une petite fille, mais Elwäen utilisa une nouvelle fois son aptitude pour repousser la fille grâce à une autre bourrasque de vent. Elle aurait au pire une jambe cassée. L'élémentariste n'avait pas le choix. Il aurait pu repousser la gargouille mais cela aurait une nouvelle fois demandé trop d'énergie. La fille était plus légère, il avait prit le parti de la déplacer elle. La créature de pierre continuait sa route pour anéantir les assaillants.

Elwäen leva la tête vers le balcon. C'était elle qui dirigeait les gargouilles pour tuer ces ennemis, tuant au passage sa population.
Quelqu'un attira l'attention du jeune homme de 17 ans. Un homme traversait la foule vers le palais le regard assuré. L'individu alluma un briquet. Elwäen réagit immédiatement lorsqu'une énorme colonne de flammes se dirigea vers le balcon du palais. Il se concentra et dévia les flammes pour qu'elles se retournent vers l'individu qui les avaient envoyées. Une lueur de stupeur traversa le regard de l'homme. Il ne s'attendait surement pas à ce que quelqu'un de plus puissant que lui arrive à dévier son jet et qu'il s'agisse en plus d'un autre élémentariste. L'individu brûla sous les yeux de Elwäen. Ce dernier comprit qu'il venait de tuer la personne qu'il recherchait, cela pour sauver une reine. Il venait de tuer le seul élémentariste qui lui avait été donné de rencontrer.

Autour de lui, les combats commençaient à prendre fin. Ils avaient sans surprise tournés à l'avantage de la reine de Galbadia.

Tuer ses propres citoyens ne dérangeait nullement Edea, qui n’avait pas un cœur de glace pour rien. Les terroristes ne l’énervaient même pas, ils étaient un simple ennui. Un problème passager qu’il fallait mater rapidement. Et, de toute manière, son service de propagande mettrait cela sur le dos des terroristes. Les gargouilles fondaient sur les gens, s’attaquant surtout aux terroristes, mais faisant parfois quelques (regrettables ?) dégâts collatéraux. Depuis son balcon, Edea observait la scène. A la voir, on aurait pu la prendre pour une dépressive, une femme que rien, dans la vie, ne semblait pouvoir émoustiller. Avec son teint très pâle, Edea était aussi froide à l’extérieur qu’à l’intérieur. Elle vit une gargouille déchiqueter en deux un homme sans sourciller.

« Mort à l’usurpatrice ! » entendit-elle.

Elle vit un homme courir vers le balcon, chargé de magie, et allait tendre la main pour l’attaquer, quand l’un des badauds restés sur place, à sa grande surprise, envoya une attaque magique qui tua l’homme. Le magicien qui avait attaqué Edea avait envoyé des jets de feu, que le jeune homme détourna, les renvoyant à son expéditeur, profitant de l’effet de surprise pour réussir ce tour de force. Les lèvres violettes de la souveraine s’écartèrent légèrement, alors que son regard se planta dans les yeux de l’homme. Malheureusement pour lui, son action magique avait attiré les deux redoutables gargouilles, qui grognaient en se rapprochant de lui, voyant là un délicieux casse-croûte. L’assaut des terrorises avait été un échec retentissant, et Edea n’hésita que très légèrement, avant de lever la main, et de claquer ses doigts. Ceci eut pour effet de faire instantanément disparaître les deux gargouilles, qui redevinrent de simples statues inanimées.

Les renforts ne tardèrent pas à arriver. Des soldats galbadiens, mais aussi des infirmiers. Si la plupart des terroristes étaient morts, plusieurs étaient simplement blessés, et furent emmenés par les soldats, tandis que le snombreux blessés civils étaient emmenés sur des civières. Plusieurs Galbadiens ne tardèrent pas à arriver dans le dos d’Edea, qui observait le mystérieux homme l’avait aidé. Il avait des pouvoirs magiques, et, en tant que tel, intéressait Edea. Plusieurs soldats se rapprochaient de lui, se livrant à un contrôle d’identité. Ils étaient agressifs et nerveux.

« Tout va bien, Madame ?
 -  Nettoyez le sol, répliqua simplement Edea.
 -  Bien, Madame.
 -  Et cet homme en contrebas… »

Les officiers se rapprochèrent, regardant également le magicien.

« Désirez-vous que nous le supprimions ?
 -  Il m’intrigue. Je veux le voir dans la salle de réception. Tout de suite.
 -  Bien, Madame. »

Edea s’en alla, et descendit dans le palais, entrant dans une grande chambre éclairée, servant généralement de salle de banquet. Elle s’assit sur un confortable fauteuil, croisant les jambes sous sa robe extrêmement serrée. Dehors, plusieurs Galbadiens entouraient le magicien. Ce dernier n’avait pas de papiers d’autorisation, et les Galbadiens envisageaient de l’emmener dans la prison souterraine de Galbadia.

« La Souveraine veut voir cet homme. Laissez-le passer, ordonna l’officier.
 -  A vos ordres, Monsieur. »

Les officiers étaient reconnaissables à leurs armures rouges, les simples fantassins ayant des armures bleues. Les deux officiers firent signe à l’homme de les suivre, et ils entrèrent assez rapidement dans la salle de réception, avec de jolis lustres. Edea regardait l’homme, un air inexpressif sur le visage.

« Asseyez-vous » ordonna-t-elle tout simplement.

Elle s’éclaircit lentement la gorge, avant de reprendre :

« Qui êtes-vous ? »

Le corps immobile de l'homme continuait de brûler. Elwäen pouvait sentir sa peau brûler de là où il était. Il retint avec difficulté un haut le coeur. Derrière lui, quelque chose attira son attention : deux gargouilles venaient droit sur lui. Cela n'était vraiment pas de bon augure pour lui. Comment pouvait-il vaincre ces créatures ? Malgré ses forts doutes sur une victoire, le jeune homme se tint prêt à les affronter. Mais, il n'eut jamais besoin de le faire. En effet, les deux gargouilles disparurent d'un coup.

Le jeune élémentariste ne put s'empêcher de lâcher un petit soupir de soulagement. Se battre contre des gens était une chose, eux étaient tuables, mais se battre contre des créatures de pierre était une autre histoire. Il abaissa sa lame couverte de sang. Elwäen ne pouvait pas la laisser dans cet état. Il se concentra pour faire apparaître de l'eau qu'il laissa couler sur son épée pour la nettoyer. Son père adoptif lui avait enseigné le respect que l'on devait à ces objets qui étaient l'extension de son propre bras. Une fois sa lame nettoyée, il la remit dans son fourreau qui était présent sur son dos.

Plusieurs soldats se présentèrent devant lui. Ils avaient des armures bleues et ne semblaient pas très amicaux. Certains ne semblaient pas très rassurés par la présence de Elwäen. Ils se présentèrent à lui pour un contrôle d'identité.

- Je n'ai pas de papier sur moi.
- Etes-vous résident de Galbadia ?
- Hum... c'est à dire que...

Le jeune homme ne voulait pas expliquer les raisons de sa venue sur ce territoire à quiconque. Qu'est ce qui lui avait prit de venir se foutre dans ce pétrin ? Sérieusement. Pourquoi s'était-il battu ? Il aurait mieux fait de ficher le camps. Les soldats commençait à discuter entres eux, plusieurs proposaient de l'envoyer tout droit en prison. Cela ne faisait malheureusement pas partit du plan du jeune homme. Ce dernier commençait à se demander comment faire pour se sortir de là. Il n'avait pas la possibilité d'affronter une véritable armée. Surtout depuis qu'il avait vu ce dont la reine était capable.
Un homme qui semblait être un officier et qui se distinguait pas son armure rouge, lui demande (ou plutôt ordonna) de se présenter à sa souveraine qui voulait le voir. Il ne manquait plus que cela...

N'ayant pas de choix alternatif, Elwäen suivit l'officier dans le palais. Il devait bien admettre qu'il était vraiment époustouflant. Assez flippant, mais époustouflant tout de même.
Ils pénètrent dans une salle qui devait très certainement servir de salle pour des cérémonies. La reine était assise là dans un fauteuil au centre de la pièce. Elle avait le teint pale, un drôle de couvre-chef et sa puissance était encore plus perceptible pour le jeune homme que lorsqu'il l'avait vu son balcon. La souveraine ne laissait transparaître aucune forme d'émotion.
Le jeune homme la salua comme le rang de la reine l’exigeait. Ce n'était pas par plaisir qu'il faisait ce geste, mais son père adoptif lui avait appris bien des choses et malgré le fait que la souveraine n'ait pas hésité à tuer sa propre population, ce serait une véritable honte pour son père de ne pas l'avoir fait. Donc, Elwäen se plia à la règle.

Par ailleurs, il ignora totalement l'ordre de la reine qui l’incitait à s’asseoir. Il avait presque suivit l'ordre tellement ses paroles étaient imprégnées d'autorité, mais il se ravisa au dernier moment. C'était pour le jeune homme de 17 ans un moyen de prouver qu'il avait du courage et qu'il ne se laisserait pas faire.

« Qui êtes-vous ? »
- Elwäen. Je ne vous retourne pas la question.

Bien que l'élémentariste ait dit ses paroles avec, sans doute, une pointe de défi, ce n'était pas la peine que la reine se présente. Il savait de qui il s'agissait. Il resta donc debout en attendant la suite des évènements.

« Elwäen. Je ne vous retourne pas la question. »

Elwaën... Un nom à consonance elfique ou celtique. Refusant de s’asseoir, malgré l’ordre direct de la souveraine, il se montrait assez impudent, ce qui agaça l’un des deux commandants se trouvant dans le dos d’Elwäen, et qui surveillait la Souveraine. Le protocole l’exigeait, car, en principe, Edea n’avait pas vraiment besoin qu’on la défense.

« Présente un peu de respect devant notre souveraine, vaurien.
 -  Laissez, commandant, répliqua calmement Edea en levant une main. Cet homme s’exprime avec franchise. Et, s’il veut rester debout, je ne vais pas le lui interdire. »

Le commandant galbadien se recula, croisant les mains derrière son dos, comme la coutume l’exigeait. Edea continuait à observer l’homme. C’était un magicien, mais il n’avait aucun papier, et aucun visa touristique. Il était venu ici en toute clandestinité. Pour quelle raison ? La souveraine était curieuse, tant d’un point de vue politique que magique. Galbadia était un petit archipel riche d’un point de vue magique, abritant plusieurs sites importants, mais il existait bien des endroits sur Terra encore plus intéressants. Pourquoi venir ici ? Que cherchait-il ? Edea se doutait que ce n’était pas un terroriste.

Dehors, la paix revenait. Les cadavres des terroristes étaient regroupés pour être brûlés, tandis que ceux des civils étaient écartés, afin d’être inhumés. Les gargouilles seraient mises sur le compte des terroristes, et la version officielle s’établissait déjà. Qui contrôlait l’information contrôlait le pouvoir, car, en définitive, la seule chose qui importait était ce que le peuple savait. Edea ne craignait nullement une révolte. Elle était respectée, adulée, et crainte, de son peuple. Il n’y avait rien à craindre.

« Votre nom est une bonne information, mais insuffisante, j’en ai bien peur. Il n’existe aucun Elwäen dans les registres de l’université de Galbadia. »

La souveraine s’humecta les lèvres, pâle et glaciale. Ses yeux fixaient toutefois Elwäen, et elle poursuivit assez rapidement :

« L’usage de la magie sans autorisation, tout comme l’entrée sur le territoire sans une autorisation administrative, sont répréhensibles. Si je laissais mes commandants agir, vous seriez déjà dans un camion blindé vers ma prison, dans le désert. Une prison souterraine. Je vous laisse le choix, Elwäen. Une discussion avec moi serait bien moins désagréable pour vous qu’une conversation avec mes gardes. »

La menace était à peine voilée. Galbadia ne connaissait pas les droits de l’homme, et sa procédure pénale était des plus succinctes, tout comme les droits accordés aux suspects. Les avocats existaient, mais il ne fallait pas vraiment compter sur eux pour soutenir quelqu’un qui faisait l’objet d’un crime politique, où la législation était très sévère.

« J’aimerais savoir ce que vous êtes venu faire à Galbadia, où vous avez appris vos sorts... Savoir qui vous êtes, tout simplement. Un nom, c’est bien insuffisant pour se faire une idée sur la personne qu’on a en face de soi »

Le début d'audace du jeune élémentariste ne semblait pas plaire à la garde rapprochée de la reine de Galbadia. L'un des gardes lui fit la réflexion mais son interlocutrice calma son garde. Elle employait constamment un ton entre le dédain, la froideur et la fermeté. La reine était à glacer le sang.

Elwäen était venu en passant la frontière et en évitant les postes frontières, il était sans papier et tout seul. Aucune chance que quiconque trouve une trace de lui dans le royaume, c'était la première fois qu'il se rendait dans ces contrées. Il serra un peu plus la mâchoire suite aux menaces à peine voiler de la souveraine. Le jeune homme avait le don pour se mettre dans des situations inimaginables, mais celle-ci rentrait facilement dans son top dix. Il réfléchit un peu. Que pouvait-il faire ? Malgré ses pouvoirs, l'élémentariste doutait de pouvoir affronter la sorcière seule mais en plus elle disposait d'une armée entière. Tenter de s'échapper était hors de question.
Visiblement, la reine de cette empire était intéressée par lui, sinon il ne saurait déjà plus là. Le jeune décida se répondre à ses questions, il avait un avantage : pour l'instant il l’intéressait.

- La chaleur du désert risque de m’assécher trop la peau donc...

Il réfléchit une demi-seconde sur ce qu'il pouvait dire ou non à la reine. Cette dernière souhaitait sans doute tout connaître. Mentir était exclu, cela lui causerait encore plus d'ennui que s'il ne disait rien. Pour le moment, Elwäen décida de dire la vérité.

- Je ne sais pas d'où mes pouvoirs viennent et je me suis perfectionné seul. Il semblait que l'utilisation de mon pouvoir soit naturelle chez moi.

Elwäen marqua une petite pause avant d'expliquer la raison de sa venu à Galbadia. Il restait fier devant la reine et la regardait dans les yeux.

- L'homme qui a tenté de vous tuer et que j'ai éliminé, c'était pour lui que j'étais venu. Il s'agissait d'un élémentariste et j’espérais qu'il puisse m'en apprendre un peu plus sur mon pouvoir. Malheureusement, je n'aurai jamais l'occasion de lui poser mes questions...

Il resta debout, droit attendre la suite des évènements et de possibles nouvelles questions.

Elwaën, ce mystérieux jeune homme affublé de capacités magiques, hésita. En réalité, ses options étaient plutôt limitées. Soit il répondait aux questions d’Edea, soit il subirait la question. A voir la souveraine, on se disait qu’elle n’aurait aucun scrupule à torturer quelqu’un, et ce serait vrai. Pour elle, les humains étaient des êtres inintéressants, des larves et des couards, tout juste bons à être sacrifiés pour des rituels. Il en allait différemment de ceux ayant des facultés magiques, qui étaient des sortes d’élus, mais Edea, en tant que sorcière, avait une vision très féminine des choses. Pour elle, seul le sexe féminin était naturellement plus apte à percevoir les complexités profondes de la magie. C’était une question de biologie : la femme donnait la vie. Son ventre était le cocon de toute chose. Elwaën n’hésita pas longtemps. Essayant de faire toujours d’une bravoure qui ne semblait ni amadouer Edea, ni l’agacer, il s’expliqua. Il se présenta comme un Élémentariste cherchant des informations sur son pouvoir. Il avait tué l’homme qui était censé lui en dire plus. Elwaën flirtait avec la menace. Implicitement, il était en train de dire qu’il avait des contacts avec des terroristes, ou avait cherché à se rapprocher d’eux. Edea pouvait sentir ses gardes s’agiter. Si ça n’avait tenu qu’à eux, il y avait probablement longtemps que l’Élémentariste serait dans les geôles, à se faire rouer de coups.

« Tout pouvoir acquis par un Élémentariste est naturel, répondit Edea. De manière plus générale, la magie est un don naturel, qui échoit à n’importe quel être vivant. Cependant, parmi l’ensemble des êtres vivants, il n’y en a qu’une petite fraction qui sont naturellement capables d’utiliser ce potentiel, pour faire de la magie. »

Les raisons à cela étaient nombreuses et divergentes. Edea elle-même l’ignorait. On pouvait invoquer des raisons biologiques, et même religieuses. Elle restait confortablement assise sur son fauteuil, ses mains se joignant entre elles, au niveau de ses longs ongles tranchants. Aussi belle que froide, Edea était une créature redoutable, dont il fallait indubitablement se méfier.

« Je connais les Élémentaristes, poursuivit-elle. Et, comme tu as contribué à défendre la souveraine de Galbadia, j’en déduis que ceci régularise tes infractions. »

De la main, elle fit signe aux gardes de s’éloigner. Ces derniers hésitèrent, rechignant, mais obtempérèrent. Restant seule avec Elwaën, elle l’observa à nouveau, toujours sans sourire. Voir Edea sourire était un mince exploit.

« Demain, tu te présenteras au palais, et tu demanderas un titre de séjour. Ce papier t’autorisera à t’inscrire à l’académie de Galbadia, et d’aller à l’université. Tu y trouveras les connaissances que tu recherches sur les Élémentaristes dans les livres entreposés à l’intérieur. »

La bibliothèque universitaire de Galbadia n’égalait pas celle de Nexus ou d’Ashnard, mais elle était déjà bien remplie. Elle le serait encore plus dans les prochains mois, en raison de l’alliance avec Ashnard. Généreuse, Edea offrait à Elwaën la possibilité de se refaire, de retrouver des informations. Elwaën pouvait en profiter, il était rare que la Galbadienne se montre généreuse. Comme quoi, tout était possible.

Elwäen observait toujours la reine. Elle ne laissait transparaître aucun sentiment. Rien, pas une expression du visage pouvait laisser deviner à quiconque ce qu'elle pensait. Lorsqu'il avait annoncé qu'il était à la recherche du "terroriste", les gardes s'étaient montrés encore plus méfiants envers le jeune homme, si cela pouvait être possible. Il vit plusieurs des soldats de la garde rapprochée poser leur main sur la paume de leur épée. L'élémentariste ne connaissait rien de cet homme, ni de ces activités, ni des raisons de sa présence à Galbadia. Du moins, ce dernier point s'était éclaircit, l'homme était venu pour tuer la reine. Bien que le titre d'impératrice soit plus approprié à ses yeux.
Il ignorait les projets du terroriste et ne comptait pas y participer. La preuve en eut été faite lorsqu'il l'avait tué lui-même. Mais, les gardes de la reine ne semblait pas du même avis.

Son attention devint encore plus intense quand la femme affirma connaitre les élémentaristes. Il ne put cacher une lueur d'étonnement et de curiosité dans son regard. Peut-être n'avait-il pas fait tout ce chemin pour rien ? A vrai dire, Elwäen savait qu'il n'y avait rien de surprenant à ce que la reine connaisse l’existence de cette caste de magicien, elle-même étant une puissante sorcière.
Finalement, la reine congédia les soldats en ajoutant que ses "infractions" étaient rattrapées par l'acte qu'il avait fait.

Le jeune homme aurait dû être soulagé que les soldats sortent, mais se retrouver seul avec la reine le laissait mal à l'aise. A l'annonce qu'il pouvait revenir au palais le lendemain pour obtenir une carte de séjour et l'accès à la bibliothèque universitaire où se trouvait des informations sur les élémentaristes, Elwäen fut totalement surprit et prit au dépourvu. Il ne s'attendait pas à tant de générosité de la part de la reine. Cela cachait-il quelque chose d'autre ? Possible, mais une telle occasion ne se représenterait pas deux fois. Peut être voulait-elle qu'il lui soit redevable pour l'utiliser un jour. Peu importait, il accepta la proposition.

- Merci... votre Majesté. Sachez, par ailleurs, qu'une fois mes recherches terminées, je quitterai votre royaume. Sauriez-vous où je pourrai me loger pour la nuit ?

Edea était une sorcière, avant d’être politicienne. Et elle était une sorcière plutôt douée. Elle avait même quelques facultés psychiques, et elle put percevoir le trouble d’Elwaën. Il ne s’attendait probablement pas à ce qu’elle se décide à l’aider. Comme quoi, la Galbadienne pouvait être imprévisible. Lire ses sentiments était un exercice difficile, car son corps était aussi hermétique que son esprit. Les deux étaient solidement fermés, et elle ne laissait pas facilement quelqu’un pénétrer dans son esprit, ou pouvoir deviner ce à quoi elle pensait. Ce jeune homme un peu naïf, en réalité, l’amusait. Il avait traversé la mer pour rejoindre l’Archipel, en toute illégalité, afin d’en savoir plus sur les Élémentaristes. Il lui aurait suffi de se rendre dans n’importe quelle grande académie magique pour obtenir ses informations, et, au lieu de ça, il s’était perdu dans son archipel. En un sens, il l’intriguait.

« Merci... votre Majesté. Sachez, par ailleurs, qu'une fois mes recherches terminées, je quitterai votre royaume. Sauriez-vous où je pourrai me loger pour la nuit ? »

Elle ne sourit nullement quand il l’appela Votre Majesté, et attendit un peu. Elle décroisa les bras, les posant sur les accoudoirs du fauteuil, et ne tarda plus guère à lui répondre :

« Vous pourriez aller dans l’un des nombreux hôtels de la ville, mais, faute de documents pour justifier votre identité, je crains que vous n’ayez aucune chance de trouver une chambre. »

La Galbadienne se releva alors, et tendit sa main, venant caresser, avec ses griffes, l’une des joues d’Elwaën. Elle glissa sur la joue de l’Élémentariste.

« Mais vous pouvez toujours vous reposer au palais. Ce dernier comprend des chambres d’hôtes. »

La sorcière retira ses doigts de son visage, et se retourna, se mettant à marcher. Il régnait encore un peu d’agitation dans le palais, mais on avait nettoyé la salle de méditation de la Reine, ce qui était le plus important.

« Suivez-moi. »

Edea s’avança, et monta un bel escalier en marbre, se rendant dans ses quartiers personnels. Il y avait des gardes devant de belles portes, qui lui ouvrirent cette dernière. Elle entra dans de beaux couloirs avec des tapis. A part Edea, il n’y avait que des sorcières qui dormaient ici. Elle fut ainsi accueillie par l’une de ses favorites, Lanea, celle qui était avec elle. La sorcière se rapprocha d’Edea, et les deux femmes s’embrassèrent brièvement. Lanea considéra ensuite l’Élémentariste en fronçant les sourcils.

« Qui est-ce ?
 -  Elwaën, un jeune homme un peu niais qui a soif d’informations. Quand tu iras à l’université demain, tu voudras bien qu’il t’accompagne ?
 -  Bien sûr, Madame. »

Edea fut contente, et embrassa à nouveau Lanea. La Galbadienne se retourna ensuite vers Elwaën.

« Je vous présente Lanea. C’est l’une des étudiantes de l’académie, une sorcière avec un grand potentiel, qui réside chez moi, eu égard à ses talents particulièrement élevés. »

Un frisson de fierté brilla dans les yeux de Lanea. Edea n’était pas que son instructrice ou sa souveraine, mais aussi sa mère. Elle était l’une des nombreuses orphelines résultant du conflit meurtrier entre Galbadia et Centra. Elle avait été personnellement formée par Edea dans les nombreux orphelinats qui avaient ouvert à Centra, et qui recueillaient les orphelins de guerre. Autant dire que la sorcière avait voué sa vie à servir Edea.

Elwäen n'aimait pas être dans cette situation, devoir être redevable à quelqu'un, notamment à cette reine qui n'hésitait même pas une fraction de seconde à utiliser ses sorts malgré les potentiels blessés, voire morts chez son peuple. Mais, il pouvait se douter que la souveraine de Galbadia n'était une personne ayant des tendances amicales ou à accorder son aide régulièrement, donc décliner une proposition d'accès à l'université n'était pas recommandé. Pour son propre bien. Et puis, il trouverait peut être des informations utiles. Qui pouvait savoir ?

La reine lui indiqua qu'il avait peu de chances de trouver un endroit pour se reposer, n'ayant aucun papier. Le jeune homme ne souhaitait guère se retrouver à dormir quelques parts dans les rues de cette cité. Il pouvait sans aucun doute se défendre relativement aisément, mais cela risquait de lui attirer d'autres ennuis. De plus, il ne connaissait ni la ville, ni les dangers qu'elle pouvait abriter. La femme se leva avant de s'approcher de lui. Elle approcha une main près de sa joue avant de faire glisser un ongle, ou plutôt une griffe, le long de sa joue. Elwäen ne broncha pas, bien que ce contact avec sa peau lui glaça le sang. Si quelqu'un la surnommait la reine de glace, cela ne le surprendrait pas plus que cela. La reine de glace lui proposa ensuite de loger dans le palais pour la nuit. Avant de le lui laisser le temps de répondre, elle lui demanda, ou plutôt ordonna de la suivre. L'élémentariste s’exécuta. Bien qu'il doutait de pouvoir dormir sur ses deux oreilles dans ce palais, cela valait mieux que de errer dans la nuit dans la cité Galbadienne.

Durant le trajet, le jeune homme ne pouvait que se faire la réflexion que le palais était somptueux. Malgré lui, il ne pouvait pas plus s'empêcher d'admirer l'escalier de marbre qu'ils empruntèrent ou encore les couloirs tapissés. Une jeune fille se présenta devant eux. Elwäen l'avait déjà vu. En effet, lorsqu'il avait été parmi la foule au pied du palais, il avait remarqué la jeune fille derrière la souveraine. Les deux femmes s'embrassèrent rapidement. Il observa rapidement la jeune fille essayant de la jauger. Cette dernière demanda qu'il y était. L'élémentariste s'apprêtait à lui répondre mais la reine le devança. Il n’appréciait d'ailleurs pas le mot ""niais" pour le décrire. Mais, il ne pouvait rien dire. Ou s'il disait quelque chose, cela lui coûterait surement cher. La jeune fille semblait avoir une place important aux yeux de la reine. Cette dernière la présenta comme une sorcière ayant de fortes aptitudes. Elwäen ne put s'empêcher de remarquer la fierté dans les yeux de la dénommée Lanea. Il lui fit un geste respectueux de la tête avant de se retourner vers la reine.

- Je vous remercie pour votre hospitalité.

Lanea était heureuse d’être près d’Edea, près de sa souveraine, de son institutrice, de sa mère, et de son amante. Oui, Edea tout ça à la fois. On la disait froide, insensible, mais c’était mal connaître la sorcière, qui était surtout une femme extrêmement calme. Comme elle le disait, la concentration était indispensable dans l’art de la magie. Pour contrôler la magie, il fallait savoir contrôler ses passions, car la magie était avant tout affaire de passions. Edea était d’un calme placide, et sa peau pâle lui donnait l’impression de ne pas avoir de cœur, impression renforcée pour son profond détachement pour la chose politique. Lanea savait que, en réalité, Edea se désintéressait des hommes, préférant les mépriser, estimer qu’ils ne méritaient pas sa haine. Lanea était bien moins tendre que la souveraine. Sa famille avait été massacrée par les soldats, par les humains, et elle les méprisait. Elle considérait donc avec suspicion cet Elwaën. Même si Edea l’acceptait dans son antre, il n’était pas un sorcier, mais appartenait aux autres.

« Je vous remercie pour votre hospitalité » lâcha-t-il poliment.

Edea délaissa Lanea, se retournant vers l’Élémentariste. Son visage était toujours aussi inexpressif, de même que ses pensées. Lire dans l’esprit d’Edea était un défi redoutable. A plusieurs reprises, la Galbadienne provoquait ses élèves, les encourageant à tenter d’entrer dans son esprit, de lire ses pensées, ce que ces dernières n’arrivaient jamais à faire. Son esprit était solidement cadenassé, alors qu’elle arrivait avec une facilité déconcertante à lire les pensées des autres. Avoir des secrets face à Edea était difficile. Si elle parvenait à gouverner sans aucune difficulté, c’était bien pour ça. On ne pouvait que difficilement lui cacher quoi que ce soit. Comment mener une rébellion, quand on savait à l’avance que la dictatrice n’aurait aucune difficulté à vous percer à jour ?

« Je vous enjoins à aller vous coucher. Il faudra vous lever tôt demain. »

Edea parlait aussi peu, ne disant rien d’inutile et de superflu. Il fallait s’y habituer. Lanea étant amoureuse d’elle, elle s’habituait à tout. Elle regarda à nouveau cette dernière, et tendit l’une de ses mains, caressant avec ses griffes sa belle joue chaude. La sorcière se mordilla les lèvres, se retenant de rougir. Edea l’embrassa à nouveau. Froide, vraiment ? Elle embrassait délicieusement bien, et Lanea gémit de plaisir, fermant les yeux, en sentant la belle langue de sa souveraine titiller ses lèvres. Elle avait perturbé entre les mains d’Edea, alors qu’elle avait à peine quinze ans. Edea lui avait offert ce cadeau dans l’orphelinat, enfonçant ses griffes en elle. Elle avait goûté à son propre sang en léchant les doigts de cette terrifiante femme, puis avait follement joui. Chaque fois, elle y repensait avec bonheur.

« Toi, par contre, je sens que ta nuit sera courte...
 -  Une sorcière ne se repose jamais, elle médite » riposta Lanea avec un sourire espiègle, reprenant à son compte l’une des réponses qu’Edea avait faite à une sorcière lui demandant si elle se reposait.

Elwaën pouvait presque être oublié, mais une porte s’ouvrit comme par magie à côté de lui, ainsi que des lumières, révélant une chambre cossue, avec un tableau représentant la souveraine, et un confortable lit. Lanea s’écarta de l’étreinte confortable d’Edea pour donner quelques informations à Elwaën :

« Je viendrais vous réveiller à l’aube pour aller à l’université. Je vous souhaite une bonne nuit. »

On disait des sorcières et autres personnes capables d'utiliser la magie, qu'elle pouvait s'introduire dans l'esprit des autres, mais également que toutes personnes possédaient des défenses mentales plus ou moins fortes selon la personne. L'élémentariste ne s'était jamais adonné à de telles pratiques. Cela était notamment dû au fait que personne ne lui avait enseigné, et que jusqu'à présent il n'en avait pas besoin. Et ce n'était surement pas avec la reine que Elwäen allait s'essayer à pénétrer dans l'esprit. Non seulement il n'aurait sans doute pas l'ombre d'une chance, mais en plus il mourrait dans la seconde. Le jeune homme l'ignorait mais ses propres barrières mentales étaient assez puissantes, malheureusement il n'en avait pas conscience. Certes ce n'était surement pas assez pour repousser longtemps une sorcière telle que la souveraine de Galbadia, mais certains magiciens avec un excellent niveau et des années d'expériences ne parviendraient sans doute jamais à son niveau. C'était une chose naturelle chez lui, toute aussi innée que son don pour maîtriser les éléments.

La jeune protégée de la reine continuait de le regarder avec cette même suspicion, comme si elle le rendait responsable de tous les malheurs sur Terra. Sa maîtresse l’invita d’ailleurs à aller se coucher car Elwäen allait devoir se coucher tôt le lendemain. La souveraine enlaça une nouvelle fois Lanea. Les yeux de cette dernière laissait transparaître bien plus que de l'admiration, c'était de l'amour ? Dans tous les cas, cela ne rassurait pas vraiment le jeune homme, mais il savait cacher son léger malaise.
Une porte s'ouvrit derrière lui laissant apparaître ce qui allait être sa chambre pour la nuit. Il se retourna vers les deux femmes avant d'ajouter à leur égard.

- Merci. Je suis certain que votre nuit sera agréable.

L'élémentariste fit un petit geste vers l'avant pour s'incliner respectueusement devant elles. Il ne s'inclina pas très bas, mais assez pour témoigner un minimum de respect. Il avait été éduqué ainsi par son père adoptif, bien qu'il n'appréciait la reine plus que cela. Il rentra dan sa chambre et ferma la porte derrière lui. Elwäen laissa couleur son regard dans la pièce. Un lit confortable y trônait ainsi qu'un tableau représentant la maîtresse des lieux. Ce tableau n'était pas là pour le rassurer, le jeune homme n'était pas certain de pouvoir dormir sous les yeux de cette représentation. Cette dernière lui donnait l'impression d'être surveillé par la reine en personne. Il s'approcha du lit avant de retirer son épée de son dos pour la poser dans l'angle que faisaient le lit et le mur de la pièce. Puis, il entreprit de retirer ses chaussures ainsi que son t-shirt. Puis, il s'allongea sur le lit, le regard perdu plusieurs minutes sur le plafond. Le jeune élémentariste venait de se rendre compte qu'il n'avait pas manger depuis plusieurs heures. Mais, qu'il était également épuisé. Après quelques instants, il commençait déjà à somnoler...

Agréable, c’est tout à fait le mot qui convenait. Ce fut une nuit longue, ou courte, selon les points de vues. Elle se déroula dans la grande chambre d’Edea, une magnifique pièce avec un tableau la représentant, un énorme lit à baldaquin, une terrasse donnant sur les jardins intérieurs du palais. Lanea et Edea commencèrent par une sorte d’entraînement télépathique reposant sur la magie rose. Concrètement, Edea envoyait dans l’esprit de Lanea des images érotiques, des fantasmes, afin d’amener Lanea à jouir, cette dernière devant se défendre pour retenir l’orgasme. Elle résista pendant une longue heure, son corps se tendant progressivement, ses doigts se crispant, ses lèvres se serrant, son corps tremblant, avant qu’elle ne finisse par jouir. Elle poussa un léger soupir en s’abandonnant, répandant sa cyprine sur le sol. L’entraînement se termina ainsi, et elles firent l’amour dans le lit pendant plusieurs heures, sans relâche, longuement, leurs corps se pressant l’un contre l’autre. Généralement, il arrivait que Lanea invoque, sous la houlette d’Edea, un incube. Parmi tous les incubes infernaux, il y en avait un que Lanea aimait particulièrement : Asthol, un délicieux incube incroyablement beau, au corps souple et légèrement musclé, qui lui faisait l’amour divinement à chaque fois. Ce soir, il n’y eut aucune invocation, et elles se contentèrent de faire l’amour. Pendant ce temps, la machine propagandiste galbadienne se mettait en marche, les journaux s’apprêtant à diffuser en boucle les mêmes messages. Edea et Lanea finirent longuement l’amour, utilisant leurs magies, et dormirent l’une contre l’autre, faisant des rêves communs, où elles continuaient à faire l’amour, en n’ayant désormais plus comme limite que leurs imaginations délirantes.

Le lendemain, la version officielle fut diffusée dans tout l’Archipel. Des terroristes avaient honteusement attaqué la souveraine, enchantant des statues pour créer de redoutables démons, qui avaient été stoppés par le courage et la force de la souveraine bien-aimée. Les autorités galbadiennes promettaient une sévère répression, et organisaient une cérémonie funèbre pour les morts. Edea se souciait bien de cela. Elle savait que Galbadia avait un fort appareil autoritaire, et c’était amplement suffisant. Si elle dirigeait, c’était pour éviter que les pouvoirs publics n’établissent des politiques discriminatoires à l’égard des sorcières, et pour pouvoir pleinement se consacrer à sa tâche, sans interférence du pouvoir.

Les deux femmes se réveillèrent sans difficulté aux lueurs de l’aube.

« Tu donneras ta conférence ?
 -  Assurer mes cours est bien plus important que siéger à des réunions politiques inintéressantes. »

En privé, Lanea pouvait tutoyer Edea, et ne se privait pas pour le faire.

« Je vais y aller. »

Lanea s’était habillée à l’aide de la magie, et embrassa la souveraine, encore nue. Cette nuit avait été magique, tout simplement. Elle sortit de la chambre, et se dirigea vers celle d’Elwaën. Avant d’aller à l’université, elle irait manger au salon, en contrebas. En théorie, Elwaën mangerait avec elle. A cette idée, elle était toujours nuancée. Lanea, comme toute bonne sorcière, admettait difficilement la présence d’étrangers dans son cercle intime, a fortiori des hommes. Néanmoins, elle faisait entièrement confiance au jugement d’Edea. Elle se rendit vers la chambre d’Elwaën, toqua à la porte, et l’ouvrit.

« J’espère que vous avez passé une bonne nuit. Nous allons manger, avant d’aller à l’université. »

Elle essayait d’adopter un ton chaleureux, tâche guère aisée.