Aller ! Je vais rattraper ma sœur ! Putain elle est loin ! Putain il fait chaud ! Putain j'ai mal aux bras ! J'en ai marre, stop ! Voici les quelques états par lesquels est passé Cindy depuis qu'elle est montée dans la barque, c'est à dire quelques secondes. Fatiguée et démotivée, je n'avais plus envie de continuer, surtout que je savais que je ne rattraperai jamais Lola, dans tout les domaines. Je me suis penchée en arrière, m'appuyant sur mes bras pour regarder le ciel en prenant une grande bouffée d'oxygène.
Dis donc t'aurais pu dire merci en partant. On t'as pas très bien élevé toi.
AAAH !!!
Sur le coup j'ai cru que j'allais avoir une crise cardiaque. En temps normal personne ne s'occupe de moi, alors quelqu'un qui vient me parler au milieu d'un lac, ça m'a fait un sacré choc. C'est un peu comme si tu passais trois mois dans le noir complet et qu'un abruti te collait tout à coup une lampe en plein dans les yeux en gueulant BOUH ! Elle en profita au passage pour réduire les ruines de mon ego à néant en me rappelant que, de toute façon, je ne la rattraperai jamais. J'ai écouté l'inconnue sans parler, pensive. Est ce que Lola se préoccupait de moi ? Bien sûr que non, je suis invisible après tout, l'éternelle seconde. Si le sport m'emballe ? J'ai l'air de m'amuser là ? Je ne suis là que parce qu'elle y est.
La jeune loueuse de bateau tapait directement là où ça faisait mal, abordant en quelques secondes tout les sujets que j'évitais ou presque. Alors, peut être à cause de la fatigue, peut être à cause de la lassitude, peut être à cause du fait que je ne la connaissait pas, j'ai dis sans réfléchir :
Je veux prendre sa place …
Quelques secondes après, j'ai réalisé ce que je venais de dire et j'ai pensé à me rattraper mais, l'inconnue avait eut droit au fond de ma pensée. Est ce que ma vie aurait été mieux sans Lola ? Oui, aucun doute. Est ce que je l'aimai vraiment ? Pas sûr. En fait, je crois que je voulais seulement sa place, prendre la première place et qu'elle se retrouve à la mienne. Oui, c'était mon seul et unique désir mais, le fossé entre nous deux était trop large pour que je la rattrape un jour. J'étais totalement jalouse de ma sœur, jalouse de son aisance, de sa beauté, de son charme, de son optimisme, de son insouciance.
Je n'ai donc pas cherché à me rattraper, au contraire, j'étais sensible au fait que quelqu'un se préoccupe enfin de moi. C'était l'occasion ou jamais de dire ce que j'avais sur le cœur, même si je ne savais pas qui elle était. Je me suis repliée sur moi-même, la tête contre mes genoux et j'ai simplement dis :
Je la déteste. Elle se sert de moi, elle sait que je ne peux pas me passer d'elle et que je l'admire. Je veux juste prendre sa place, pour exister.
Je n'ai pas bougé d'un pouce, j'attendais que l'inconnue réponde ou fasse quelque chose. J’espérais qu'elle me dise qu'elle comprenait, qu'elle me donne un conseil ou qu'elle se taise, qu'elle ne remue pas le couteau dans la plaie. Oui, pourvu qu'elle dise quelque chose, n'importe quoi, après avoir dis quelque chose d'aussi gênant, je ne voulais pas de silence ! Je n'avais plus envie de parler mais, c'était plus fort que moi :
À cause d'elle je n'ai jamais rien eu à moi ! J'avais ses anciens jouets, ses anciens vêtements, ses anciens livres d'école. Elle m'a toujours empêchée d'avoir des amis, des petits-amis, même les animaux la préfèrent. Alors oui, je veux prendre sa place, avoir tout ce qu'elle m'a volé et je veux qu'elle se retrouve à la mienne, seule.
Mon ton n'était pas triste, c'était de la colère, une colère refoulée, froide, qui s'était accumulée depuis des années. Il ne faudrait pas grand chose pour qu'elle éclate. Ou pour qu'elle soit détournée à d'autres fins.