Le Grand Jeu

Plan de Terra => Les contrées du Chaos => Dictature d'Ashnard => Discussion démarrée par: Chipp Argan le dimanche 19 août 2012, 01:33:20

Titre: Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le dimanche 19 août 2012, 01:33:20
Il observait le paysage qui s'étendait à ses pieds. Les sourcils froncés, la main posée sur la garde de son épée courte, son esprit entièrement tourné vers les longues minutes qui avaient précédées. Il avait atterri au milieu d'un bois. Il ne trouvait aucun autre mot pour décrire son arrivée. Il avait fermé les yeux en se battant contre son père après qu'une lueur vive l'ait aveuglé l'espace d'un instant, et quand il les avait ouvert, il était ici. Perdu au milieu des arbres, l'obscurité ayant repris ses droits alors que le soleil était haut dans le ciel quelques instants auparavant, lorsqu'il avait failli être embroché par la lame de son paternel. Il avait marché quelques temps pour sortir des bois, et s'était retrouvé au sommet d'une gigantesque falaise, devant un paysage dont il ne connaissait rien. Et cette lune. Cette lune qui brillait au-dessus de sa tête. Dans son monde, les lunes étaient jumelles. Deux astres crépusculaires se disputant un ciel étoilé. Et là, non seulement elle était seule, mais les étoiles n'étaient pas placées de la même manière. Il fronça les sourcils. Ainsi, il avait compris. Il n'était plus dans son monde. Plus sur sa planète. Et il n'arrivait pas à s'expliquer cet état de fait. Il ne comprenait pas comme il était possible qu'il soit ici. Il avait déjà été téléporté, mais cette magie restait tout de même rare chez lui, et de toute façon, il ne voyait pas comment il était possible de changer de monde de cette manière.

Car il n'avait plus de doute à présent. Ce n'était pas son monde, pas le Royaume où il vivait. Il fixait les montagnes tout autour, et il ne les reconnaissait pas, alors qu'il était un voyageur accompli. Il visualisa au creux de son esprit les diverses chaînes de montagnes dont il connaissait l'existence chez lui, mais rien n'y fit. Ce n'était pas l'une d'elles. Se laissant tomber, assis par terre, il posa les mains sur son visage en soupirant. Au moins, il était en un seul morceau. Si la chose qui l'avait amené ici n'avait rien fait, il serait à l'heure actuelle coupé en deux par une épée forgée par le plus grand maître de cet art. Le moindre des deux maux... Même si la perspective d'être à jamais coincé dans un monde inconnu ne lui était pas vraiment agréable, il préférait ça à mourir. Il soupira à nouveau, et se remit sur ses pieds rapidement... Avant de porter une main à sa poitrine.

Il sentit sa tête tourner et son coeur accélérer brusquement, en proie à l'agitation intérieure de l'entité qui l'habitait. Il la sentait battre, presque paniquée, et l'effet sur son corps était foudroyant. Il tomba à genoux, la main crispée sur son torse, la respiration rapide, alors qu'il tentait de faire refluer sa malédiction. La douleur était atroce, mais il la supportait. Il en avait prit l'habitude. N'ayant plus conscience de l'extérieur, sa voix interne résonna au creux de son esprit. " Toi non plus, tu ne reconnais pas ton monde, hein ? Calme-toi, calme-toi, ou nous mourrons tout les deux. ". Il inspirait fort, expirait de la même manière, alors que quelques gouttes de sueur commençaient à perler sur son front. Son coeur battait de plus en plus vite, le plongeant dans un abîme de douleur. Il forçait sur son corps pour rester conscient, son autre main griffant la terre. Il continuait à enjoindre intérieurement la malédiction de calmer sa peur, et, après de longues minutes de combat, son coeur ralentit doucement, retrouvant un rythme viable, alors que sa respiration s'apaisa elle aussi. L'épreuve l'avait laissé pantois et éprouvé, mais tout allait bien. Tout allait mieux.

Il se remit debout, et, reléguant l'incident dans un coin de sa mémoire, il entreprit de repérer âmes qui vivent. Un bourg, un hameau, un village, un château, n'importe quel endroit où ils pourraient trouver des gens qui répondraient à ses questions. Il s'approcha du bord de la falaise, et plissa les yeux. Après une recherche fastidieuse, confondant sans cesse des silhouettes avec la cime de certains arbres, il finit par remarquer un sentier menant à une sorte de bastion qui ressemblait étrangement à une église. Il fronça les sourcils, et avisa les alentours, pour trouver l'endroit propice pour descendre.

Il finit par remarquer un autre sentier qui descendait au creux de la falaise. Un sentier impraticable normalement. Il avait sûrement été taillé par la nature, et non par l'homme. Il s'y engagea prudemment, sachant pertinemment que c'était dans les moments comme celui-ci que sa malchance frappait la plupart du temps. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait fait des chutes normalement mortelles parce qu'il avait trébuché sur quelque chose qui n'avait rien à faire à l'endroit précis où il posait le pied.
Heureusement, cette fois, il ne se passa rien de mauvais. La malédiction était sûrement encore trop perturbée par le changement de monde pour agir comme d'habitude.

Il continua de marcher, mais la route s'avéra plus longue que prévue. Il était passé plusieurs fois devant des grottes d'où provenaient des bruits étranges. De lourds grondements qui l'avaient dissuadé de s'en approcher trop près. Il avait été sur ses gardes tout le long du chemin, prêt à parer à toutes éventualités, mais il finit par arriver en vue de l'escalier menant à l'église - ou à ce qui y ressemblait. -. Il observa le ciel, et put ainsi se rendre compte qu'il avait marché pendant plus de deux heures pour venir depuis la falaise. Il se hissa sur la première marche, avant de grimper jusqu'en haut. Arrivé au bout, ou presque, il put distinguer des silhouettes. À première vue, il s'agissait d'hommes en armes qui montaient la garde. Mais pourquoi monter la garde devant une église ?...

Au moment où il atteignait la dernière marche, il leva la main pour saluer les hommes. Et tomba à terre.
Son coeur avait de nouveau accéléré, son corps vaincu par la douleur. L'entité s'agitait encore. Plus fort qu'auparavant. Elle était déchaînée au creux de son corps et de son esprit, et il cria de douleur, attirant l'attention des gardes. Il n'avait aucune idée du fait qu'en tant qu'étranger, il n'avait pas le droit d'être ici et qu'il risquait énormément, mais même s'il avait été au courant, à l'heure actuelle, dans sa position, il n'en aurait pas eu grand chose à faire.

Il sentit son coeur s'arrêter brusquement. Puis, s'accélérer à un rythme beaucoup trop élevé. Il n'arrivait plus à respirer correctement, et il ne put qu'émettre de petits gémissements tandis que les hommes de garde restaient à bonne distance, essayant visiblement de comprendre ce qu'ils voyaient avant d'intervenir. Une mesure de prudence.
Et, cette fois, il n'arriva pas à lutter. Sentant son coeur s'arrêter une nouvelle fois, pendant de longues secondes, le laissant les yeux écarquillés et la langue pendante, il sombra dans l'inconscience, son esprit s'envolant vers les méandres du néant, alors que son coeur se remettait à battre normalement.

Mais, malgré le calme apparent de la malédiction, il était tout de même inconscient. Et il le resterait un bon moment.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le dimanche 19 août 2012, 19:36:04
Alice était aussi nerveuse qu’agitée aujourd’hui. Elle avait reçu un corbeau ce matin. Une missive personnelle, rien que pour elle ! C’était assez rare, et elle avait cru qu’il s’agirait initialement de sa femme. Cette dernière était partie en expédition militaire dans une région qui était en proie à des soulèvements intestinaux, à un commencement de guerre civile, et les dragonniers venaient pour soutenir le seigneur local. Sakura s’était portée volontaire, désireuse de faire ses preuves, et Tywill avait accepté. Ça lui ferait des vacances, disait-il. Mais Alice savait que, au fond de lui, Tywill n’était pas mécontent que cette Terramorphe soit la femme d’Alice, car elle était valeureuse, et, bien qu’elle soit une demi-portion, forte et puissante. Alice avait donc reçu une missive, mais elle n’émanait pas d’Alice, mais de quelqu’un d’autre... D’une femme un peu plus... Brusque. Le message était sibyllin, mais elle avait senti son cœur bondir dans sa poitrine en le lisant :

Je serais à Sylvandell dans une semaine, bouton d’or.
Il faut qu’on parle.

Ciri’

Alice avait senti un sourire rayonner sur son visage en lisant cette signature. Ciri... Cirillia ! Elle allait revoir Ciri ! Elle allait revoir Ciri ! Elle... Elle allait revoir Ciri’ ?!

*Catastrophe !*

Il était difficile pour Alice de déterminer ce qu’elle ressentait à l’égard de cette femme. Après avoir grièvement blessé l’un des dragons sacrés de Sylvandell, elle avait échappé de justesse à la mort. Tywill, le Roi, avait décidé de voir si Alice pouvait réussir à la fouetter à sang. Comme il s’attendait à ce qu’elle échoue, il se préparait donc à condamner cette dernière à un châtiment exemplaire et particulièrement douloureux, mais, à la surprise générale, le sang du dragon avait bouillonné dans les veines d’Alice, qui était ensuite intervenue lors du procès de Cirillia, réclamant, à l’aide de vieux usages coutumiers, droit de vie sur elle, car elle avait administré elle-même la punition pour son crime. Ce faisant, Cirillia était devenue son esclave... Mais ce n’était pas vraiment un esclave au sens classique du terme. Une véritable teigne, plutôt. Leur histoire avait été longue, mais, quand Ciri avait enfin eu l’occasion de partir sans crainte d’être capturée, elle l’avait saisi.

Depuis, Alice s’était mariée, avait conversé avec des esclavagistes, avait même eu de nouveaux esclaves, une dame dans ce qui serait un jour sa Cour, mais Cirillia n’était jamais revenue. Et elle n’avait jamais eu de nouvelles d’elle... Jusqu’à maintenant. La missive était datée, et, en toute logique, Ciri devait arriver... Demain ! Dans cette circonstance, on peut donc comprendre pourquoi Alice était mortellement nerveuse. Ciri avait voulu l’entraîner au maniement de l’épée. Qu’est-ce qu’elle lui dirait, lorsqu’elle verrait qu’Alice ne s’était pas du tout améliorée ?

*Oh, et puis, qu’en ai-je à faire ? se sermonnait-elle. Et qu’est-ce qu’elle me veut ? De quoi veut-elle me parler ?!*

Ainsi, lorsque les gardes de la Griffe (http://img74.xooimage.com/files/8/9/6/sylvandell---la-pointe-304c1aa.jpg), ce dernier poste de garde avant d’entrer dans le Territoire des Dragons, surprirent un individu en train de s’approcher, la Princesse, elle, se tortillait dans son lit. Dans la Griffe, les gardes jouaient aux cartes, ou aux dés sur des tables, à la lueur de chandelles et de bougies. Le vent mugissait dehors. Les nuits sylvandines n’étaient rarement chaudes, même en cette période estivale.

« Et un de six !
 -  Trois de quatre !
 -  Bingle ! » s’exclama l’un des gardes en riant.

C’était un jeu de dés assez complexe, qu’on appelait le bingle. D’autres jouaient à des jeux plus connus, notamment du tarot.  Sur une terrasse à côté du bâtiment principal, des arbalétriers veillaient, près d’un grand feu pour les réchauffer. Heureusement, c’était l’été, et il ne neigeait donc pas fortement. On voyait même les étoiles, mais, pour autant, il faisait assez froid. Ce fut l’un des arbalétriers qui aperçut l’homme. Il se leva rapidement, et prit un cor, soufflant dedans. Le son ne se fit entendre qu’au sein de la Griffe, et les gardes se ruèrent dehors, tandis que les arbalétriers pointaient leurs carreaux sur le torse de l’homme.

« Arrête-toi immédiatement, le drôle !
 -  Vous foulez un sol sacré ! »

Le mystérieux individu avançait lentement, comme s’il était fatigué. Les gardes avaient oublié leurs jeux pour sortir leurs armes, faisant preuve d’un plus grand professionnalisme que ceux de l’époque où Cirillia était passée par là. Certains gardes portaient des torches, mais les autres pointaient leurs armes... Jusqu’à ce que le mystérieux inconnu s’effondre mollement par terre. Une ruse ? Un arbalétrier visa soigneusement, et décocha un carreau, qui vint se planter à quelques centimètres de l’oreille gauche de l’homme, faisant voler un peu de poussière. Aucune réaction. Le sergent qui commandait l’unité fit signe à un homme d’aller tâter le pouls de l’individu.

« Et si c’était une ruse, Mon...
 -  Ta gueule ! Avance, et fais ce que je te dis ! »

Le soldat bougonna, et obtempéra. Il s’approcha de l’homme évanoui, et lui tâta le pouls.

« Son pouls est faible, Sergent, mais il respire ! » cria-t-il.

Le sergent hésita sur la conduite à tenir. Envoyer un cavalier au camp ? Ou balancer le vaurien dans le vide ? Le garde entreprit de le fouiller, mais ne trouva rien d’intéressant. Aucun papier d’identité. L’individu fut en revanche privé des quelques éventuelles armes qu’il aurait pu avoir, et le sergent ordonna qu’on attelle l’un des chevaux se situant dans une petite écurie à proximité. En définitive, il allait s’en tenir à ce que la procédure militaire prévoyait : établir un interrogatoire. En soi, se rendre dans le Territoire des Dragons quand on y était nullement assermenté était un sacrilège puni de la plus haute peine, mais il fallait encore en connaître les motifs. Si l’individu n’était pas au courant, il arrivait que la justice sylvandine soit plus clémente.

Le sergent s’approcha à son tour de l’homme, et constata qu’il n’avait pas l’air bien dangereux. Il ordonna alors qu’on prépare trois chevaux, et désigna trois cavaliers : un pour porter l’homme, deux pour les surveiller, et pouvoir ainsi, si jamais l’individu se révélait menaçant, le tuer sur place. On sangla l’homme au dos du cavalier de tête, et les trois chevaux partirent assez rapidement, le sergent et les gardes les regardant s’en aller.

Les cavaliers dévalèrent la pente assez rapidement, une pente qui longeait un précipice vertigineux et immense où apparaissait un bout du vaste lac de Sylvandell. Ils virent en premier les tours du Château royal, puis ce grand pont séparant le Château de la partie haute de la ville, et, enfin, la colonne verte qui indiquait la présence de la Cathédrale de Sylvandell, dont une colonne de fumée verdâtre s’en échappait perpétuellement. Les cavaliers se rendirent précisément vers la Cathédrale, car c’est dans l’une des parties de cette structure qu’on trouvait l’aile médicale.

Le personnel de garde dans la Cathédrale accepta la présence des cavaliers, et on déposa l’inconnu dans un lit d’hôpital. Deux des trois gardes retournèrent alors à la Griffe, tandis qu’un apothicaire se pencha sur le cas de l’homme.

« Il est inconscient, énonça l’apothicaire comme une évidence, mais je ne détecte aucune blessure grave. Sans doute un choc, ou quelque chose comme ça. Il se réveillera dans quelques heures. »

L’apothicaire lui fit boire quelques potions, consigna quelques notes sur un rapport, puis s’en alla. On laisse l’homme attaché au lit, dans une petite pièce aux murs nus, éclairée par quelques bougies.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le lundi 20 août 2012, 13:14:01
Il ouvrit les yeux, doucement. Les paupières lourdes et la poitrine prise dans un étau résiduel de douleur. Il secoua légèrement la tête, tentant de retrouver ses esprits, essayant de déterminer l'endroit où il se trouvait. Il se rappelait s'être écroulé devant l'Eglise alors qu'il saluait les hommes en poste. L'entité avait réagi étrangement au contact de ce nouveau monde, et comme d'habitude, ça s'était mal terminé. Il tenta de se redresser, mais son corps était bloqué. Fronçant les sourcils, il releva un peu le buste, seule partie de son corps capable de bouger. Le voile devant ses yeux s'effaçant doucement, il constata qu'il était attaché sur un lit, dans une petite pièce toute simple. Les murs étaient nus, le lieu agrémenté uniquement de quelques bougies distillant une lueur mouvante sur les murs. Le jeune homme se racla la gorge, avant de s'humecter les lèvres. Il avait un goût indéfinissable sur la langue, qu'il n'arrivait pas à reconnaître.
Au moment où il chercha la porte du regard, il sentit un vent de panique le prendre aux tripes. La dernière fois qu'il avait été attaché de la sorte, c'était quand il était enfant... Et le souvenir le frappa de plein fouet. Il se souvenait déjà de ce passage de sa vie. Il avait peut-être perdu la mémoire, mais depuis quelques années, certains événements lui étaient revenus par bribes. La torture en était un. Il remua sur le lit, les poignets liés par des bandelettes de cuir renforcé à l'armature du lit. Son coeur battait fort. Il avait peur, en un sens. Peur d'être redevenu l'enfant ensanglanté et emprisonné qu'il avait été alors. Il se mit à se débattre violemment, tentant de défaire les attaches. C'était peine perdu, mais il était entièrement guidé par la panique, tandis qu'en lui, au contraire, l'entité restait calme. Elle semblait apaisée. Evidemment. Lorsque les démons l'avaient torturé, ils avaient fait en sorte de le maudire pour que la prophétie finisse par un jour s'accomplir... Et ils lui avaient fait perdre la mémoire par la douleur pour qu'il n'ait aucune idée du fait qu'il était leur instrument. Il imaginait que l'entité en son sein se " remémorait ", si elle en était capable, le moment où elle avait été convoqué par la magie démoniaque pour prendre possession du corps du jeune garçon. Ou, plutôt que de le posséder, tout du moins se cacher au fond de son corps.

Il se débattait toujours, en proie à ses anciens démons. Mais il ne s'autorisait pas, malgré toute sa peur, à crier à l'aide. Se contentant de serrer les lèvres, il finit par prendre conscience qu'il ne pouvait se permettre de perdre son calme, et il s'exhorta par quelques imprécations intérieurs à cesser de remuer aussi fort. Il se blesserait s'il continuait, et si quelqu'un venait, il n'avait envie de passer pour un fou. La situation était visiblement déjà assez compliquée comme ça, et il n'avait pas besoin d'aggraver les choses. Il se laissa retomber sur le lit, avant d'inspirer et d'expirer longuement pour retrouver son calme. Observant le plafond, il tenta de déterminer combien de temps il était resté inconscient, mais l'entreprise se révéla impossible. Il n'avait aucun moyen de voir l'extérieur et d'estimer la position du soleil - ou de la lune, si le jour n'était pas encore levé -. Il devait uniquement attendre que quelqu'un daigne lui rendre visite. Mais s'il était sans aucun doute prisonnier, il fallait bien que les prisonniers soient nourris. D'autant plus lorsqu'ils avaient été trouvé inconscient. Mais il ne comprenait pas pourquoi il s'était retrouvé dans cette cellule. Il n'avait rien à se reprocher. Peut-être la fameuse Eglise dont il s'était approché dans les montagnes n'était pas ce qu'elle semblait être. Peut-être un bâtiment important, ou sacré, et les gardes l'avaient perçu comme une menace. Il ne savait même pas s'il était encore là-bas ou s'il avait été transporté ailleurs. S'il avait été pris alors que les hommes le pensaient en proie à une crise ou à une malade quelconque, il était sûrement toujours dans cette Eglise : un prêtre aurait pu tenter de le soigner.

Soupirant longuement, il ferma les yeux, pour réfléchir à sa situation. Il était littéralement apparu sans raison dans un monde inconnu. Pourquoi ? Qui ? Il ne connaissait personne disposant d'une telle magie dans son entourage. Les divers sorciers qu'il avait croisé dans sa vie étaient plutôt rompus aux arts de la magie offensive. Et le peu qu'il se souvenait avoir assez de pouvoirs pour réaliser le prodige de transporter un corps vivant d'un point à un autre en un instant, était passé au fil de son épée il y avait longtemps. Les démons auraient pu posséder de tels pouvoirs, mais étant donné qu'il était leur instrument - contre sa volonté, certes, mais tout de même -, il n'imaginait pas qu'ils l'aient transporté dans un autre monde. Il avait connaissance d'assez d'éléments de la prophétie le concernant pour savoir qu'elle devait se réaliser dans son monde, et les engeances démoniaques n'avaient aucun intérêt à l'éloigner de la sorte s'ils tenaient tant à ce qu'elle s'accomplisse. Cette idée fut renforcée par le souvenir de l'entité, qui s'était déchaînée à son arrivée ici. Et ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose : ce n'était pas prévu. Ni par ses ennemis, ni par lui-même.

Il soupira à nouveau, secouant la tête. il n'avait aucun moyen de savoir pourquoi. Les réponses viendraient plus tard. Pour l'heure, il était surtout important d'essayer de sortir d'ici, et de trouver quelqu'un susceptible de le renseigner sur l'endroit où il était. Il n'avait aucune connaissance sur les lieux, et l'ignorance n'avait jamais été maîtresse de pouvoir. Il pourrait entrevoir le tableau avec plus de clarté quand il en aurait appris assez sur le monde où il se trouvait. Il fut interrompu dans ses réflexions par un bruit qu'il identifia tout de suite : une série de pas se rapprochant de la cellule, ou en tout cas, de la pièce où il se trouvait. Lorsqu'il estima que le bruit était assez proche, il se racla fort la gorge :

" Il y a quelqu'un ? "

Il avait parlé assez fort pour que sa voix porte à l'extérieur de la pièce, espérant attirer l'attention du quidam qui passait.

" J'ai besoin de manger quelque chose, de boire un peu ! Libérez-moi ! "
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le mercredi 22 août 2012, 02:01:07
Outre l’apparition d’un mystérieux individu, il n’y eut rien à signaler cette nuit. La nuit d’Alice fut terriblement courte. Nerveuse, elle remuait sans cesse dans son lit, excitée comme une puce. Alice se réveilla ainsi très tôt, surprenant sa servante, qui venait généralement à l’aube pour raviver le feu qui brûlait dans sa chambre, de manière à ce que la frêle Princesse ne prenne pas froid. Elle se leva donc tôt, s’habilla rapidement, et s’installa dans la salle commune, à savoir l’endroit où on mangeait, afin de se tenir au courant des dernières actualités. Chaque fois qu’un éclaireur passait par là, qu’un garde arrivait, qu’un messager venait, elle les interpellait, désireuse d’avoir des nouvelles de Cirillia. Elle était attendue aujourd’hui !

« Vous êtes sûr que vous ne l’avez pas vu ? Une grande rouquine ? »

On lui répondait toujours négativement, la désolant. La Princesse soupirait, grignotant de temps en temps, jusqu’à ce qu’elle voit une femme jaillir dans une longue robe. Une femme qu’elle connaissait plutôt bien, puisqu’il s’agissait de l’institutrice personnelle d’Ayano, sa belle-sœur : Mala.

(http://nsa29.casimages.com/img/2012/08/21/mini_120821075326889277.jpg) (http://nsa29.casimages.com/img/2012/08/21//120821075326889277.jpg)
Mala

Alice se précipita vers Mala pour savoir ce que cette dernière faisait. Surprise de voir la Princesse de si bonne heure, elle lui expliqua qu’elle devait aller voir un patient à la Cathédrale. Un énigmatique vagabond que les gardes de la Griffe avaient trouvé dans la nuit, venant vraisemblablement du Territoire des Dragons, et qui s’était écroulé sous la fatigue. Dehors, on pouvait entendre les dragons rugir de temps en temps.

« J’ai été chargée de me renseigner à son sujet, d’obtenir son identité, de vérifier s’il est rétabli, et d’estimer s’ilest une menace pour Sylvandell... En somme, de savoir ce qu’il faisait sur un sol sacré. »

Alice hocha la tête. Ce genre de choses était courant. La région étant grande, il arrivait que des aventuriers, des contrebandiers, des esclaves en fuite, des bandits, décident de passer par des sentiers éloignés du royaume pour tenter de le rejoindre en passant par le Territoire des Dragons. Les gardes, parfois, parvenaient à les récupérer, mais, généralement, ils étaient dévorés par les dragons. Elle hésita brièvement. Entre rester ici à se morfondre et à taper sur les nerfs des gardes, ou suivre Mala, dont le calme et la patience risquaient d’être mis à rude épreuve devant la nervosité du Joyau, Alice trancha rapidement.

« Puis-je venir avec vous ? demanda-t-elle, anxieuse.
 -  Hum... Bien que je ne pense pas que cette affaire nécessite l’assistance de la Princesse de Sylvandell, je ne peux rien vous refuser », répondit-elle avec un léger sourire.

Les deux femmes se mirent donc en route, quelques gardes les accompagnant. Rejoindre la Cathédrale ne fut pas particulièrement long. Le soleil se levait dehors, éclairant la région, et Mala et Alice rentrèrent, sortant de la calèche qui les avait déposé. Mala s’avança rapidement, au milieu du personnel, s’avançant dans des couloirs circulaires assez longs, jusqu’à approcher de la chambre de l’homme.

« On ignore tout de cet individu... Mais ceux qui passent par le Territoire des Dragons sont généralement des désaxés, des renégats, ou des fous... Ces histoires n’attirent donc pas grand-monde. »

Cette histoire lui rappelait Cirillia, et Alice restait donc silencieuse. Ceci dit, Cirillia ressemblait plus à une désaxée qu’autre chose, avec sa manie de zigouiller et d’engueuler tout ce qui bouge. Une femme forte... Alice n’aurait jamais osé l’avouer, mais elle enviait cette femme au tempérament de feu, cette femme forte... Alice aurait donné beaucoup pour avoir un dixième de sa fougue, qui aurait définitivement fait d’elle une vraie Korvander, et non une « demi-portion », comme le disait son père. Alice sortit de ses réflexions quand elle entendit un homme parler à proximité. Elle ne comprit pas ce qu’il venait de dire, et elle décida de faire preuve d’un peu plus de concentration :

« J'ai besoin de manger quelque chose, de boire un peu ! Libérez-moi ! »

Mala et Alice se regardèrent brièvement, puis elle entra la première, la Princesse suivant, avec deux gardes derrière eux.

« Allez lui chercher du pain sec et de l’eau, je vous prie », commanda-t-elle à l’un des gardes, étant donné qu’il était exclu de laisser la Princesse sans surveillance.

Mala s’adressa alors au jeune homme.

« Bonjour, jeune homme. Je me prénomme Mala, et je suis l’une des prêtresses du Clergé de Sylvandell. Ce nom vous évoque-t-il quelque chose ? »

Elle parlait d’une voix douce et calme, et Alice se présenta alors, cet inconnu hagard occultant de son esprit la présence imminente de Cirillia :

« Je suis la Princesse de Sylvandell, Alice Korvander, et je me dois de vous informer que nos gardes vous ont trouvé dans un sol qui est sacré pour nous, le Territoire des Dragons. Que faisiez-vous là-bas ? Et comment vous appelez-vous ? »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le mercredi 22 août 2012, 02:47:21
Dardant son regard rougeoyant vers la porte, il plissa légèrement les yeux pour observer les deux jeunes femmes qui y entrèrent, accompagnées de deux gardes. Visiblement, même s'ils lui avaient prit toutes ses armes et qu'il était saucissonné comme un beau diable, ils le considéraient comme un danger potentiel. C'était embêtant. Si les choses commençaient de la sorte, il n'avait pas beaucoup d'espoir de sortir d'ici en un seul morceau. Ou en les laissant, eux, en un seul morceau. La deuxième jeune femme à être entrée, la belle blonde - une femme d'une beauté gracieuse, à n'en pas douter. Il ne la distinguait pas correctement à la lueur des bougies, mais si sa voix ne contrastait pas avec son corps, il avait devant lui une reine, en tout cas physiquement. -, demanda à l'un de ses gardes d'aller chercher de l'eau. Fronçant les sourcils une seconde, le jeune guerrier remarqua évidemment qu'elle venait de donner un ordre et qu'il avait obtempéré sans aucune discussion. Sans doute était-elle importante, ici. Au sommet de la hiérarchie. Il fut couper dans ses réflexions par la deuxième jeune femme. Elle se présenta, avant de lui poser une première question. Elle parlait calmement, avec douceur, et il ne put s'empêcher de lui sourire en coin, la remerciant intérieurement de tout faire pour qu'il se sente à l'aise. Il n'était pas tendu, mais si elle faisait ça avec tous les " prisonniers ", alors elle méritait au moins un petit remerciement.

Il allait répondre à la question, quand la petite blonde prit la parole pour se présenter à son tour. Chipp haussa les sourcils, d'étonnement, avant de prendre le temps d'ingérer les informations donnés par ses deux hôtes. Ainsi, l'endroit où il se trouvait s'appelait Sylvandell. Etait-ce un royaume, une ville, un pays, une région ? Et elle en était la Princesse. Voilà pourquoi le garde avait obéi instantanément, et pourquoi l'autre la couvait des yeux, sur ses gardes. Il lui aurait bien répliqué qu'il n'avait pas grand chose à craindre d'un homme désarmé et attaché, mais s'il voulait sortir d'ici, il lui faudrait ne pas perdre son calme et rester poli. Ce qu'il fit, donc, faisant sonner sa voix chaleureuse dans la pièce.

" Je me nomme Chipp. Chipp Argan. Et, avant de répondre aux autres questions... Il afficha une petite moue gênée, fixant la princesse dans les yeux. ... Dame Alice, pardonnez-moi de ne pas vous saluer comme je le devrais. En temps normal, devant une princesse, j'aurais mis genoux à terre, mais ma position actuelle ne me le permet pas... J'espère que vous ne le prendrez pas comme une insulte. "

Il n'avait aucune idée du protocole usité dans ce pays, mais il connaissait l'étiquette. Il avait été le mercenaire attitré de la Reine, chez lui, et peu à peu, il avait obtenu sa confiance. Ainsi, elle lui avait appris quelques-uns des usages en vigueur en présence de personnages importants. Il avait retenu le minimum, plus intéressé par l'aventure que par les courbettes, mais il savait qu'il devait tout garder en tête : on ne savait jamais de quoi demain serait fait. Il espérait sincèrement que la jeune femme ne prendrait pas ombrage de tout ça, ou qu'il n'avait pas dit une bêtise. Il finit par se mordre la lèvre inférieure délicatement, avant de se tourner vers la jeune femme aux cheveux gris. Elle était vêtue d'habits qui auraient plu aux sorciers de son monde, mais peut-être qu'ici, la mode était différente... Il reprit la parole.

" Ce nom ne me dit rien du tout. Je ne sais ce qu'est Sylvan... Sylvandell, c'est ça ?... Un royaume, une région ? Et j'ignore tout de cette Terre des Dragons. J'y cherchais mon chemin, simplement. Si j'ai foulé votre sol sacré, ce n'était pas dans le but de nuire à qui que ce soit. Je me suis réveillé dans un bois, et j'ai marché jusqu'à trouver âmes qui vivent... "

Il était bon d'en dire assez pour ne pas être inquiété, mais il ne fallait pas qu'il révèle tout. Pas tout de suite, en tout cas. Il n'avait aucune idée du genre de royaume que cet endroit était, et il ne pouvait pas vraiment faire confiance au premier venu. Dans le passé, ça lui avait surtout attirer des ennuis d'agir de la sorte. À présent, il avait appris la prudence... Il avait parlé doucement, calmement, répondant sur le même ton avec lequel Mala avait posé sa question. Mais gardant tout de même une certaine force dans la voix, tentant d'éviter à ce qu'elles le croient mensonger. Ensuite, il resta silencieux, guettant leurs réactions, ses iris écarlates, brillantes des flammes mouvantes des bougies, passant des yeux de Mala à ceux de la Princesse.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le vendredi 24 août 2012, 11:57:53
Chipp Argan... Que ce soit Mala ou Alice, ce nom ne leur disait absolument rien, ce qui semblait confirmer l’hypothèse d’un simple individu qui s’était égaré dans les montagnes... Alice aurait aimé le croire, mais la manière dont l’homme parlait semblait contraster avec un simple roturier. Aucune fioriture dans la manière de parler, aucun accent évoquant le patois local que les agriculteurs affectionnaient, et aucune difficulté à exprimer des mots. Au lieu de ça, il en allait même jusqu’à avouer connaître l’étiquette, le protocole des nobles... Un homme avec une certaine éducation, qui semblait, certes totalement hagard, mais avoir également les pieds sur terre. Être attaché au lit ne semblait pas lui faire plaisir, mais on n’était jamais trop prudents. Si jamais Père apprenait que sa chère s’était amusée à aller voir un inconnu qui avait été aperçu dans le Territoire des Dragons, elle était bonne pour se faire réprimander sévèrement ! La Princesse était surprotégée, et ne pouvait pas sortir du Château sans être accompagnée par un Commandeur. Une sécurité indispensable, dans la mesure où elle était l’héritière exclusive des Korvander. Elle écouta attentivement l’homme parler, avouant n’avoir jamais entendu parler de Sylvandell. Alice fit la moue, et répondit rapidement :

« Sylvandell est un royaume, mais la capitale de ce royaume porte un nom éponyme. Politiquement, le royaume est rattaché à l’Empire d’Ashnard, ce qui fait des Sylvandins les sujets de l’Empereur. »

Qu’un homme ignore Sylvandell n’était pas foncièrement surprenant. Le royaume était assez petit, ne comprenant même pas 100 000 âmes, et s’étalait sur une simple chaîne de montagnes. Même les nobles ashnardiens ignoraient l’existence de Sylvandell, ou en savaient si peu sur le royaume que ça en devenait risible. Elle n’allait donc pas se formaliser, et précisa rapidement, avant que Mala n’intervienne :

« Quant à l’étiquette, ne vous en faites pas, elle n’a qu’une faible importance à Sylvandell. »

Alice lui assura cela avec un léger sourire bienveillant, et Mala en profita pour prendre la parole, s’exprimant à son tour :

« Vous dites que vous avez... Émergé dans les bois ? »

Un Portail ? C’était possible, même si c’était assez peu probable. Il y avait des portails un peu partout sur Terra, des passerelles dimensionnelles permettant de rejoindre la Terre, et certains bougeaient constamment, compliquant ainsi leur localisation. Mala avait les sourcils froncés, et lança donc de nouvelles questions. Chipp Argan, après tout, n’était pas vraiment un nom en usage à Seikusu, pour autant qu’Alice le savait.

« D’où venez-vous exactement, Monsieur Argan ? »

Se raclant la gorge, Alice précisa :

« Sylvandell est, comme l’est l’Empire, en guerre contre Nexus. Il nous faut nous méfier des espions, mais aussi d’éventuels contrebandiers qui tentent de contourner nos frontières en passant par notre sol sacré. »

Chipp jouait serré. Il fallait qu’on lui fasse confiance, car, s’il s’avérait qu’il était venu dans des intentions guère nobles, la punition encourue serait terrible. Le royaume ne rigolait pas avec ce genre de choses. Qui était donc cet homme ? Alice ne lisait nulle malice dans son regard, mais un abattement qui avait l’air extrêmement sincère, on ne peut plus honnête. Cependant, il était possible que cet homme soit un parfait simulateur, un individu qu’on avait préalablement drogué pour lui faire croire à une fausse identité, et qui se rappellerait sa mission quand la drogue se dissiperait. Les Tekhanes, affirmait-on, disposaient de ce type de stupéfiants.

*Qui es-tu donc ?*
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le samedi 25 août 2012, 16:44:45
Empire d'Ashnard. Nexus. Empereur. S'il n'avait pas été attaché, il aurait posé une main sur son front, avant de longuement soupirer de dépit. Au moins, il avait une nouvelle preuve que son inquiétude était réelle : il était beaucoup plus loin de chez lui qu'il ne l'aurait imaginé. Enfin, le point positif était qu'il savait maintenant où il se trouvait. Sylvandell. Probablement un royaume de moindre importance, s'il était rattaché à un empire. Il ne pouvait pas en être sûr, mais le fait qu'une Princesse vienne au chevet d'un simple prisonnier, fut-il trouvé au beau milieu d'une terre sacrée, ne pouvait dire qu'une chose : qu'elle avait raison concernant l'étiquette. Elle n'était pas vraiment importante. Et il savait par expérience qu'un royaume majeur accordait toujours à l'étiquette une importance primordiale. Peut-être même trop d'importance pour que ce soit viable. Il avait été au service d'une Reine, jadis, et même si elle régnait sur le continent, elle s'était toujours efforcée de rester proche du peuple, d'autant plus que ledit peuple était un mélange d'une infinité de races différentes, et que les rivalités entre certaines étaient toujours d'actualités, malgré la paix. C'était pour cela que la guerre menaçait le monde de Chipp. Les vieilles rancoeurs avait été ravivées par un attentat, et chacune des ethnies attendait le bon moment pour lancer l'offensive...
Chipp, quant à lui, s'était mis au service de la Reine pour donner un but à sa vie. Il se rappelait encore leur première rencontre. Il n'était qu'un paysan errant avec une épée au côté. Il s'était mis à son service, et il avait appris à respecter le protocole, à évoluer dans un monde de noblesse qui ne lui était pas familier... Il soupira à nouveau, repensant aux mots d'Alice. La guerre menaçait son royaume à elle également. Elle avait peur qu'il ne soit un espion. Et, à cette mention, il eut une certaine tendresse et une forte empathie pour elle. Il avait eu affaire un jour à un réseau d'espion qui avait infiltré le palais de sa Reine, et les révéler n'avait pas été une mince affaire. Il n'avait pas assez l'habitude de la cour pour être efficace dans cette tâche. Alors il comprenait les inquiétudes de la jeune femme.
Néanmoins, c'est vers Mala qu'il se tourna.

" Oui, c'est exactement ça. J'ai émergé. J'ai ouvert les yeux, et j'étais là, au coeur des bois. Quant à l'endroit d'où je viens, c'est... très loin d'ici. "

Il eut un faible sourire, empli de nostalgie et de tristesse. Ses yeux se voilèrent un instant. Sa vie était menacée, la guerre allait frapper, il était traqué et risquait de devenir un pion des démons. Mais c'était son monde, et il lui manquait. Et si les combats éclataient alors qu'il n'était pas présent, il ne se le pardonnerait jamais. Il se tourna vers Alice, plongeant son regard rubis dans le sien.

" L'Empire d'Ashnard, Nexus. Ces noms ne me sont pas familiers. Je ne sais rien de votre monde, rien de vos coutumes... Je ne suis pas un espion. Juste un guerrier. Un mercenaire. Mais vous n'avez rien à craindre de moi. Je veux juste rentrer. Mais ça peut prendre longtemps, très longtemps... Y-a-t'il à Sylvandell des règles ou des interdictions en vigueur concernant d'éventuels voyageurs désirant demander asile à votre royaume ? "

Il tenait à ne pas faire de vagues. Il aurait pu s'échapper, il en avait les capacités. Il repensa à son dos. L'aile unique qu'il possédait, souvenir de ses origines angéliques, pouvait se déployer avec une force immense et briser les attaches. Mais elle était invisible, pour le moment. À l'époque où elle était apparue en même temps que le souvenir de sa mère morte, il l'avait trouvé embêtante. Son poids et sa taille le gênait dans ses mouvements, dans ses combats, et elle attirait les regards. Il avait ensuite rencontré un ange, une connaissance de son père, qui lui avait enseigné une magie pour camoufler son image et son poids, et sa taille. Comme s'il n'avait rien, comme s'il n'était qu'un humain.
Une fois qu'il aurait été libre, il se serait frayé un chemin vers l'extérieur à la force de son épée. Il était un bretteur hors pair, et la magie de sa malédiction était dangereuse.
Mais il ne voulait pas mettre la jeune Princesse et son amie dans une situation difficile. Elles l'avaient aidé, en un sens, et elles avaient l'air prête à le croire. Ses yeux se voilèrent à nouveau, leur rouge se ternissant légèrement, et une lueur d'abattement s'alluma au creux de ses iris. Il soupira, une nouvelle fois.

" Tout ce que je veux, pour le moment, c'est boire, et manger quelque chose. Je ne suis qu'un voyageur perdu, rien de plus. Et même si j'aimerais vous en dire plus, je ne prendrais pas le risque que vous me preniez pour un fou et me fassiez pendre haut et court. Si je vous racontais d'où je viens vraiment, vous ne me croiriez pas. Faites-moi confiance là-dessus... "

Il se mordit la lèvre... Avant d'être interrompu par la porte, qui s'ouvrit sur le garde qu'Alice avait envoyé chercher du pain et de l'eau. Chipp lui lança un regard de reconnaissance, avant d'afficher une moue gênée.

" Je vais avoir du mal à manger, avec les mains liées comme ça... "
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 25 août 2012, 19:03:14
De très loin... Voilà qui s’appelait être clair. Alice ferma lentement les yeux, se demandant si ce n’était pas un fou... Probable... Mais le doute était encore permis. Mala était la spécialiste, et elle avait déjà vu, ou lu, bien des cas .Des amnésiques qui, pour lutter contre un violent traumatisme, s’enfermaient dans un mensonge tellement perfectionné qu’ils y croyaient eux-mêmes. L’un des moyens de leur faire entendre raison était alors de démêler le vrai du faux, de trouver les incohérences dans les scénarios qu’un esprit malade faisait, puis de les confronter au sujet... Mala connaissait tout cela, pour avoir lu bien des livres traitant de la question, et pour avoir suivi, à l’académie, des cours traitant de la question. Elle était une magicienne, mais aussi une enseignante, une guérisseuse, et une psychologue. Mal assumait bien des rôles, ce qui en faisait une prêtresse de grande importance pour Sylvandell. Si c’était elle qui était en charge de l’éducation de la belle-sœur de la Princesse, ce n’était pas pour rien non plus. Et, pour l’heure, Mala se réservait tout jugement, préférant recueillir de plus amples informations. L’individu avait manifestement toutes ses capacités cognitives. Il réfléchissait rapidement, analysait la situation, et tenait un langage cohérent. Si ce n’est le fait qu’il se soit trouvé évanoui dans le Territoire des Dragons en pleine nuit, il avait l’air tout à fait normal. Et la manière dont il parlait... Je ne sais rien de votre monde. Indirectement, n’était-ce pas une manière de s’en extérioriser ? De considérer qu’il n’y appartenait pas ? Un Terrien ? Peu probable. Si Chipp avait été un Terrien, se retrouver ici l’aurait terrorisé. A dire vrai, c’était cela qui surprenait Mala : cette absence de peur, l’absence de ce sentiment logique et incontournable quand un individu était confronté à l’inconnu. Qu’elle ne lise pas cela dans les yeux de Chipp incitait pour l’heure Mala à penser qu’il était un Terran, un Terran qui avait vécu un traumatisme, et qui l’amenait à se considérer comme un étranger.

Ce dernier demanda alors à la Princesse s’il pouvait bénéficier du statut de réfugié. S’humectant les lèvres, la Princesse ne tarda pas à répondre, connaissant bien ses cours de droit sur la question :

« Le statut de réfugié, en application des dispositions des traités ashnardiens, ne peut être revendiqué que par les sympathisants ashnardiens. Ce statut s’entend ainsi des personnes appartenant à des États alliés ou neutres, ou des personnes qui, dans un État ennemi, sont des criminels politiques ou des rebelles. »

Elle ne faisait que réciter la loi en vigueur, qui posait parfois quelques problèmes. Il fallait en effet dissocier le rebelle du terroriste, et le criminel politique du criminel lambda. L’Empire d’Ashnard se refusait en effet à ce qu’on puisse le taxer d’État criminel acceptant en son sol des assassins et des meurtriers.

« Dans la mesure où vous êtes incapable de nous dire votre nationalité, vous avez le statut d’apatride. »

L’apatride, un homme sans État, un homme dont la protection juridique était quasiment inexistante. Il n’existait qu’une convention générale très large sur les apatrides, une convention à laquelle l’Empire avait souscrit bon nombre de réserves, et dont les interprétations des différentes clauses étaient extrêmement ambiguës.

« Vos droits se résument à, pour simplifier, revendiquer votre nationalité d’origine, ou demander la nationalité ashnardienne. Si vous refusez à ces droits, vous serez un esclave. Si vous revendiquez votre nationalité d’origine, un délai d’un mois se met à courir, pendant lequel l’Empire envoie des lettres à l’État d’origine, pour savoir ce qu’il faut faire sur vous. Et, dans l’hypothèse la plus courante, c’est-à-dire si on ne peut pas vous rattacher à un État, vous disposez d’un délai d’une semaine pour demander la citoyenneté ashnardienne. L’Empire dispose ensuite d’un délai d’un mois, au terme duquel il peut faire droit à votre demande, ou la refuser. Pendant ce délai, les autorités locales, c’est-à-dire nous, doivent veiller à votre état de santé. »

Elle ne précisa naturellement pas que, si l’Empire refusait cette demande, Chipp serait un esclave. On pouvait toujours faire un recours, mais, dans 99% des cas, tant que l’ordonnance impériale était motivée, les recours étaient rejetés. En gros, pour qu’une demande soit acceptée, il fallait que les autorités locales y adjoignent une vive recommandation. Tout cela, naturellement, Alice ne le mentionna pas à Chipp. Elle se contenta de l’essentiel, tandis que Chipp continuait, expliquant ne vouloir qu’une seule chose : manger. Il affirmait du reste que son récit le ferait prendre pour un fou. Mala en fut légèrement surprise. Bien sûr, en psychologie, il était risqué d’établir des profils-types, mais ce que les études, généralement, constataient, c’était qu’un fou cherchait la plupart du temps à convaincre les autres qu’il n’était pas fou, et ne se posait même pas la question de sa propre folie. Chipp semblait fonctionner différemmnt... C’était mince, mais cela suffisait à faire réfléchir Mala.

Les deux femmes n’eurent pas le temps de dire quoi que ce soit que la porte s’ouvrit. Un garde revenait, tenant un plateau avec du pain sec et de l’eau. Le « voyageur perdu » demanda ensuite à ce qu’on le détache. Alice et Mala se regardèrent, puis Mala hocha lentement la tête. On pouvait le détacher, et c’est ce que le garde fit, non sans rester prudent. De toute façon, l’homme était désarmé, et, au moindre signe suspect, il serait bon pour se faire égorger. Il n’avait pas l’air d’un fanatique, et ceci suffisait à convaincre Mala. Cette dernière laissa l’homme se restaurer, avant d’ajouter, après une mûre réflexion :

« La confiance est quelque chose difficile à d’accorder... Il nous sera difficile d’accorder le moindre crédit à votre histoire si vous ne nous la racontez pas. Quant à notre scepticisme... »

Mala haussa lentement les épaules, et poursuivit :

« Terra n’est pas la Terre, et Sylvandell n’est pas Tekhos. Nous croyons fermement en la magie et en l’ésotérisme, au même titre que les sciences admissibls. »

Alice ne disait rien depuis plusieurs minutes, se mordillant les lèvres en réfléchissant.

« Vous venez d’une autre planète ? Terra est reliée à un autre monde, la Terre, alors... Si vous êtes un Terrien, n’hésitez pas à le dire. Nous pouvons vous renvoyer chez vous. »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le dimanche 26 août 2012, 01:40:03
Le jeune homme se redressa sur le lit. Il leva les bras en l'air, doucement, pour ne pas que ses interlocutrices pensent qu'il ait des intentions belliqueuses. En l'occurrence, il souhaitait seulement s'étirer un peu. L'immobilité avait cette faiblesse de laisser le corps légèrement meurtri, et il n'aimait pas ne pas se sentir en pleine possession de ses moyens. Il récupéra le pain et l'eau, avant de hocher la tête en remerciement, à l'intention d'Alice, et de son garde. Croquant à pleine dent le pain, il mâcha doucement, ressassant les paroles de la Princesse. Les choses étaient compliquées, mais ça avait toujours été le cas. Il ne pouvait pas revendiquer sa nation d'origine, à plus forte raison maintenant qu'il savait qu'il était bien loin de sa planète. Si les autorités Ashnardiennes voulaient vérifier, ils ne trouveraient rien, en conséquence. Et il ne voyait pas vraiment pour quelles raisons ils accepteraient sa demande, s'il décidait de demander la nationalité. Pourquoi la lui accorderait-il ?... Il était manifestement dans une impasse. Et il savait avec pertinence que le statut d'esclave ne lui siérait guère. S'il devait en arriver là, il devrait fuir... Fuir, tout en cherchant une explication sur sa présence ici, et surtout, fuir en cherchant une solution pour rentrer chez lui. Il eut une petite moue en avalant le morceau de pain. Il avait l'habitude de fuir, et de vivre traquer. Si le royaume de Sylvandell ou l'Empire d'Ashnard envoyaient des troupes à ses trousses - il ne savait pas comment marchait la justice ici bas, mais un esclave qui fuyait était normalement poursuivi -, alors qu'il en soit ainsi. Il savait se dissimuler. Tout irait bien, mais il espérait ne pas avoir besoin d'en arriver jusque là. Peut-être ces jeunes femmes auraient une solution autre, s'il leur expliquait son dilemme, et son histoire.
Il but une gorgée d'eau au moment où Mala se remit à parler. Elle confirma ce qu'il avait déjà décidé de faire. Bien sûr qu'elles ne pouvaient pas lui faire confiance. Pas encore, tout du moins. C'était sage. Puis, elles lui donnèrent encore plus de noms inconnus, et il se sentit un peu perdu, l'espace d'un moment. Il mesurait à présent toute la mesure du travail qu'il aurait à faire pour s'intégrer par ici, s'il devait y rester longtemps. Et son instinct lui disait que cette histoire ne se réglerait pas en trois jours. Que ce soit la question de son retour au bercail, ou la question de ce qu'il allait devenir s'il devait s'établir un long moment dans cette partie de l'univers.

Alice finit par une phrase énigmatique, et il fronça les sourcils, son esprit travaillant à toute vitesse. Ce monde était lié à un autre ? La Terre ?... Il eut un vague espoir qu'un troisième monde puisse être lié aux deux autres, le sien. Mais il disparut vite. Si c'était le cas, quelqu'un, forcément, l'aurait déjà remarqué, ici, ou chez lui. Non, c'était forcément un cas isolé. Quelqu'un l'avait envoyé ici. Toute la question étant de savoir qui, et pour quelles raisons.

Il finit par poser le verre sur ses genoux, pour regarder la Princesse. Il secoua la tête.

" Je ne suis pas un Terrien. Ce nom ne me dit rien, comme celui de cette planète. Puisqu'il le faut, je vais tout vous dire. "

Il eut une grimace de gêne, avant de baisser les yeux vers son bras, sentant un liquide chaud couler le long de sa peau. Il avait une vieille cicatrice, là. Profonde, qui ne s'était jamais réellement refermé. Visiblement, elle s'était ouverte pendant qu'il était évanoui, et le sang coulait doucement. Il soupira, avant de remonter légèrement la manche de sa tunique de voyage, pour contempler la plaie. Elle était propre... Mais effectivement ouverte. Il n'avait que peu de cicatrices sur les bras, les plus impressionnantes et les plus nombreuses se trouvant sur son torse, et surtout dans son dos. Excepté celle-ci, qui partait du coude et faisait presque le tour de son avant-bras. Il saisit le bout de sa manche, et tira d'un coup sec, déchirant le tissu. Avant de le nouer d'une main experte autour de la plaie, s'aidant de ses dents. Il serra fort, jusqu'à sentir ses muscles forcer sur le bandage de fortune. Il revint vite aux jeunes femmes.

" Pardon. Je disais donc. Je ne suis ni Terrien, ni un habitant de Terra. Je suis Nargarethien. Ma planète se nomme Nargareth. Je ne saurais vous dire où elle se trouve exactement. Et je ne saurais vous dire pourquoi, ou comment je suis arrivé ici. J'étais engagé dans un duel à l'épée, quand, au moment où j'allais succomber à la lame de mon adversaire, un éclair de lumière m'a ébloui, me faisant fermer les yeux. Et quand je les ai ouvert... J'étais dans les bois de vos terres. "

Il se mordit la lèvre, conscient du peu de crédits que ses paroles devaient avoir. Il était déjà suspect, et son histoire encore plus. Mais c'était la stricte vérité, et elles l'avaient demandé, alors il leur livrait comme il l'avait vécu.

" J'ai vite compris que je n'étais plus chez moi. Il devait approcher midi, lorsque je me battais, et la nuit était déjà bien avancée quand j'ai ouvert les yeux. Le paysage m'était inconnu - alors que je suis un voyageur aguerri et que j'ai parcouru la totalité ou presque du continent où je vis. Où je vivais. -, et, l'indice primordial qui m'a donné à réfléchir quant à la possibilité que j'avais émergé dans un autre monde, c'est votre lune. "

Il se remémora le moment où il avait levé les yeux au ciel, pour contempler l'astre lunaire solitaire. Avant de boire une gorgée d'eau, terminant son verre.

" Chez moi, les lunes sont jumelles. Côte à côté dans les étoiles. Deux grandes lunes. Vous n'en avez qu'une, alors... Oui, définitivement, je ne suis pas chez moi. Et j'en suis très loin. "

Il soupira longuement, tout le poids de son discours lui pesant sur les épaules. Il devait les convaincre, mais il avait du mal à y croire lui-même. Il conclut, pourtant, en lançant un regard plein d'amitiés aux deux jeunes femmes. Au moins, elles l'avaient écouté, et elles l'avaient aidé un minimum.

" Je crois que je suis condamné à devenir un esclave, non ? Je ne peux revendiquer une nationalité qui n'appartient pas à cette planète... Quant à demander la nationalité Ashanardienne, je ne vois aucune raison qu'on me l'accorde. D'autant plus que je ne sais combien de temps je resterais ici, mais que mon seul but sera de trouver le moyen d'être ramené chez moi. La guerre menace, et j'ai laissé beaucoup de choses derrière moi... "

Il baissa les yeux. Avant d'inspirer longuement, et de lâcher un nouveau soupir. Il était las.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le dimanche 26 août 2012, 03:21:00
Il y eut un petit moment de flottement. Chipp mangeait avec appétit, et les femmes le regardaient, puis se regardaient, silencieuses. Alice était circonspecte, et avait brièvement le sentiment de s’être encore une fois embarquée dans une histoire complexe. Dire qu’elle attendait sous peu Cirillia... Il avait fallu qu’un nouvel individu débarque dans sa vie ! Comme si l’approche imminente de Ciri’ ne la perturbait pas assez comme ça ! Chipp réfléchit brièvement, et avoua ne pas venir de Terre, mais de... Nargareth ?!

*[cvolor=purple]Narga-quoi ?[/color]*

Elle n’avait jamais entendu parler de cette planète, tout comme Mala. Si la seconde parvint à contenir sa surprise, la première écarquilla les yeux de surprise, bouche bée. Est-ce que ça voulait dire que d’autres mondes étaient reliés à Terra ? En soi, rien ne l’interdisait, mais elle n’avait jamais entendu ça... Quoique... Après tout, il existait bien des Sanctuaires qui permettaient de rejoindre la dimension des Anges, les Cieux, et les démons pouvaient également concevoir des Portails menant aux Enfers, mais... Ici, c’était un peu différent, car Nargareth apparaissait aux dires de Chipp comme un monde normal, similaire à Terra ou à la Terre, si on faisait exception du fait que Nargareth semblait avoir deux satellites naturels, et non un seul. Mentait-il ? Alice ne le croyait pas. Mais peut-être mentait-il involontairement, sans s’en rendre compte... C’était compliqué, car le mensonge, en philosophie, était conçu comme quelque chose d’actif. On dissociait le fait de mentir du fait de se tromper par le caractère actif du premier par rapport au second. Quelqu’un qui mentait le faisait sciemment...

*Mais, quand l’inconscient s’en mêle, la situation est différente...*

Mala continuait à se poser les mêmes questions. Si cet homme était sincère, alors il faudrait assurément en aviser le Conseil impérial. La découverte d’un autre monde relié par les Portails était préoccupante, surtout un monde qui n’avait été cité nulle part. Mala se souvenait vaguement d’avoir lu dans la bibliothèque impériale quelques théories compliquées sur la question. Les Portails, officiellement, n’existaient pas. Officieusement, il y avait des siècles que les plus puissants États les surveillaient, car ils étaient une brèche, une menace pour la sécurité nationale. Ils étaient donc contrôlés, et surveillés, dans la mesure du possible. Certains magiciens avaient supposé qu’il était possible d’envisager le développement d’autres Portails vers d’autres mondes, mais, comme ce n’était pas le domaine de prédilection de la prêtresse, elle ne s’était pas renseignée outre mesure. Il était néanmoins aussi possible que cette histoire ne soit qu’un mensonge sciemment élaboré. En psychiatrie, quand on était avec un patient qui délirait et façonnait la réalité à sa manière, il fallait faire attention à conserver son esprit critique, et à ne jamais se faire absorber par son histoire. Chipp pouvait très bien être un amnésique qui avait eu un traumatisme grave, et qui avait lu dans un conte pour enfants Nargareth. Mala allait devoir faire des recherches.

« Si ce monde existe vraiment, il vous sera difficile de le retrouver seul, expliqua posément Mala. Car je suppose que le Portail que vous avez emprunté devait être à sens unique... Nous ferons toutefois des recherches près de l’endroit où vous avez attiré. S’il nous est impossible de bloquer ces Portails, ou de les contrôler, nos capteurs magiques permettent de les repérer. »

Il était néanmoins probable que ce Portail, comme 99% des Portails qui existent, ait changé de place. Mala ignorait qui avait conçu ces Portails, mais leur déplacement constant empêchait de s’en servir à des fins militaires. Comment planifier une invasion quand le passage qu’on voulait utiliser était instable ? Cet énigmatique Portail vers Nargareth était assurément non répertorié dans la base de données de l’Empire. L’Empire avait dépensé des sommes faramineuses pour étudier ces Portails, allant jusqu’à pratiquer de l’espionnage auprès des services militaires tekhans pour obtenir de plus amples informations, les Impériaux ayant compris tout le potentiel de ces Portails, ainsi que le danger qu’ils représentaient.

« Vous pouvez aussi choisir de quitter l’Empire, pour échapper au statut d’esclave. Mais les terres sauvages de Terra sont particulièrement dangereuses. Vous pouvez tomber sur des monstres, des bandits, des tyrans locaux, des seigneurs de guerre, ou même des raiders... »

Alice réprima alors un bâillement, posant sa main devant sa bouche, et papillonna des yeux. Mala n’y fit pas attention. Il était tôt, surtout pour la Princesse.

« La citoyenneté ashnardienne peut vous être accordée si je la recommande. Et, quand bien même vous ignorez tout de notre monde, ou pensez tout ignorer, l’Empire d’Ashnard est l’État qui a le meilleur service d’informations au monde. »

Alice le croyait sincèrement. L’Empire était une puissance militaire à part entière, et l’information était un élément indispensable d’une puissance militaire digne de ce nom. De plus, l’Empire avait de nombreux contacts avec les démons, les Drow, les gobelins, et de nombreuses autres espèces qui n’avaient pas leur pareille pour obtenir des informations. Tekhos pouvait se vanter d’avoir un armement technologique hors du commun, mais le fort sexisme qui régnait chez les Tekhanes amenait bien des peuples à se méfier d’elles. Et, quand on voyait l’état de Nexus, qui se rapprochait toujours de la guerre civile, il était logique qu’on préfère se tourner vers l’Empire, qui était globalement stable depuis maintenant des siècles.

« Pour l’heure, je recommande de le laisser ne liberté surveillée à Sylvandell. J’ignore encore si je peux vous faire confiance, M. Argan, si vous êtes sincère, ou si vous mentez sans vous en rendre compte, mais vous ne m’apparaissez pas comme une menace prioritaire. Vous êtes libres de quitter Sylvandell, mais, si ce que vous dites est vrai, vous comprendrez bien vite qu’il n’est pas dans votre intérêt de partir... Et que, si vous venez effectivement d’un monde qui n’est pas répertorié encore dans nos bases de données, le Conseil Impérial vouera un grand intérêt à vous rencontrer. »

Mala se redressa, et regarda Alice.

« Je n’ai plus rien à faire ici.
 -  Hein ? Mais... ?
 -  Il n’a aucune blessure profonde, et, comme il n’est pas Sylvandin, la loi ne m’oblige pas à veiller sur lui, répliqua Mala. Et j’ai d’autres tâches à accomplir. C’est à toi de voir si tu veux donner suite à cette affaire ou non. Normalement, j’aurais du t’envoyer mon rapport pour savoir si tu voulais autoriser qu’on fouille le Territoire des Dragons pour détecter son Portail, mais, puisque tu es là, je vais m’épargner de la paperasse inutile. »

Et, sur ce, Mala sortit, laissant une Princesse penaude qui clignait des yeux. Il n’y avait plus qu’elle, Chipp, et le garde, qui, lui, ne partirait pas de là. Alice se racla lentement la gorge, et regarda l’homme.

« Je vais voir si je peux organiser une expédition dans la journée... En attendant, je vous encourage à vous reposer, et à vous renseigner sur Terra. J’ignore si vous venez vraiment d’une autre planète ou pas, mais vous avez tout intérêt à essayer d’en savoir plus sur ce monde. Vous n’aurez qu’à demander au garde de vous conduire à la bibliothèque. »

Avec un peu de chance, il croiserait également Alice, dans la mesure où cette dernière comptait aussi s’y rendre plus tard dans la matinée, afin de se renseigner sur Nargareth, et sur les Portails.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le dimanche 26 août 2012, 15:21:37
Le jeune homme s'efforça d'intégrer toutes les informations que les deux demoiselles lui donnaient, écoutant attentivement la conversation, et les mots qu'elles échangèrent entre elles. La solution de la princesse était sûrement viable... Mais à court terme, il ne pouvait pas quitter Sylvandell. C'était là qu'il était arrivé, et il y avait sûrement une raison pour qu'il soit transporté ici plutôt qu'ailleurs. Mala avait parlé de Portails, mais le guerrier songeait plutôt à un sortilège. Il savait par expérience que la magie, dans son monde, était extrêmement puissante, et il ne doutait pas que certains mages avaient des capacités divines. Mais il ne détromperait pas ses interlocutrices. Il n'avait pas spécialement envie de s'étendre sur la question de sa planète, pas tant qu'il n'en aurait pas le besoin immédiat. Son monde était déjà bien assez sombre pour qu'il lui pose d'autres soucis. Et s'il était relié à Terra, ce serait un problème qu'il ne pourrait pas régler en claquant des doigts. Toujours est-il que malgré les avertissements de la princesse, il n'était pas effrayé plus que ça, et il ne le serait pas s'il devait quitter le royaume. Les bêtes, les brigands, les chefs de guerre, les tyrans, c'était sa vie, après tout. Tout une vie consacrée à ce genre de combats, à ce genre d'affrontements. Il en avait vu énormément, malgré son jeune - mais relatif - âge. Et il avait surtout affronté les trois épéistes les plus redoutables de son monde. Et il en était sorti... En apparaissant ici.
Il soupira, avant de sourire à la princesse. S'il arrivait à obtenir sa confiance, il pourrait obtenir la nationalité, elle le recommanderait, et il pourrait se consacrer entièrement à la recherche d'un moyen de rentrer. Il n'allait rien faire d'autres. Les affaires de Sylvandell ne le regardait pas, et même s'il était reconnaissant envers la princesse et son amie, il ne se mêlerait pas de ce qui ne le regardait pas.

Mala continua en indiquant qu'il pouvait partir mais qu'il avait plus de chances d'avoir certaines réponses en restant là. Il hocha la tête.

" Je ne comptais pas partir de toute façon. Si je veux des réponses, il vaut mieux que je réside quelque part, et que je n'aille pas voyager encore. Quant à votre Conseil Impérial, s'il veut me rencontrer, qu'il en soit ainsi... "

Mala eut un bref échange avec Alice, avant de quitter la pièce. Le jeune homme reporta son attention sur la belle blonde, alors qu'elle lui parlait. Il eut un petit sourire, de remerciement une nouvelle fois. Avant de hocher la tête.

" Je vais rester un peu ici, réfléchir, essayer de comprendre... Essayer d'éclaircir un peu mon esprit, d'abord. Je dois vous avouer que je suis légèrement... perdu. Ce qui n'est pas réellement étonnant, je pense. Après ça, j'irai à la bibliothèque. "

Il sourit à nouveau, avant de frotter doucement ses tempes. Un léger mal de crâne le faisait souffrir depuis quelques minutes, mais rien de grave. Et la malédiction au creux de son corps semblait très calme, il n'avait rien à craindre de ce côté-là. Il attendit que la princesse sorte, saluant son départ d'une inclinaison du haut du corps - il était toujours assis - avant de s'allonger. Il ferma les yeux, mais ne voulait pas s'endormir. Il voulait simplement faire le point sur sa situation, évaluer ses possibilités immédiates, et relativiser les choses.

Après de longues minutes de silence, il finit par se redresser et se lever. Il épousseta sa tenue, fit quelques mouvements pour s'assurer que tout allait bien, et s'étira longuement. Il sortit de la pièce, avisant un des gardes non loin.

" Pourriez-vous m'indiquer le chemin pour sortir d'ici ? Et l'endroit où se trouve la bibliothèque ? "

En écoutant la réponse du garde, il s'aperçut qu'il n'avait plus son arme. Les gardes l'avaient sûrement récupéré quand ils l'avaient capturé. Il soupira, avant de remercier le garde pour sortir du couloir. Il marcha jusqu'à l'extérieur de la Cathédrale, ébahi par la beauté des lieux. Cette colonne, ces statues. C'était une architecture noble, splendide, et la taille de l'édifice le laissait pantois. Il lui rappelait un peu l'Eglise de la capitale du royaume où il vivait. Il s'efforçait de ne pas laisser son corps trahir son admiration. Il ne manquerait plus qu'il passe pour un paysan n'ayant jamais vu pareil spectacle. Lorsqu'il fut à l'extérieur, il plissa les yeux, ébloui par le soleil. Posant sa main sur son front pour se cacher de la lumière, il regarda autour de lui. Les montagnes, au loin. Il se demanda un instant si c'était là-bas qu'il avait été trouvé. Il n'y avait pas grand chose dans le coin. Quelques bâtiments çà et là, des terrains d'entraînements, des tentes. Il posa les mains sur ses hanches, se rappelant de ce que le garde lui avait dit. Il fallait aller à droite. Ce dernier lui avait certifié qu'il ne fallait surtout pas qu'il avance tout droit, en face de la Cathédrale. S'interrogeant un instant sur la raison, il haussa les épaules avant de prendre le chemin indiqué.

Après quelques longues minutes de marche, il parvint devant un bâtiment qui lui fit froncer les sourcils. Le vent s'était levé, faisant voleter sa chevelure grisâtre. Et il contemplait l'édifice. Un toit de brique rouge, et de grandes colonnes à l'entrée. Inclinant la tête, il posa une main sur son menton. Il n'avait jamais vu une telle architecture. A Claire, la capitale de son royaume, les bâtiments étaient bien moins impressionnants. Le palais de la Reine était incroyablement beau, mais le reste de la ville... Ce n'était qu'une ville, et rien de plus. Aucune fioriture. Il n'y avait qu'un jardin à l'Ouest, un grand parc où poussait certaines plantes rares utilisées par les herboristes de la ville, mais à part cet espace de verdure, les bâtiments de sa ville étaient normaux, vides, et presque sans âmes. Mais malgré tout, il faisait bon vivre. Jusqu'à récemment. Il soupira, avant de s'engager dans la bibliothèque.

Il chercha un instant la personne en charge de l'endroit, avant de s'en approcher pour lui demander des renseignements. L'endroit où il pourrait trouver des livres sur l'histoire de Terra, l'histoire du monde, et quelques ouvrages politiques pour qu'il puisse se faire une idée de la situation, et des différents territoires qui composaient cette planète. Il se le fit indiquer, avant de s'y rendre. Il récupéra le maximum de livres qu'il pouvait, avant d'aller s'installer à une grande table. Il n'y avait que peu de monde ici, et il en déduit qu'il devait s'agir du milieu de la matinée.

S'asseyant avec les ouvrages, il les feuilleta les uns après les autres, engrangeant des informations qui ne trouvait aucun écho dans son esprit. S'il avait quelqu'un pour répondre à ses questions, ce serait plus simple, mais lorsqu'il essayait de s'adresser à ses voisins de table, ils se refermaient comme des huîtres, et ne lui répondaient pas. Il avait probablement l'air d'un étranger... Et ils avaient l'air de se méfier. Il ne leur en voulait pas, c'était normal.
Il continua de lire, s'intéressant surtout à la situation actuelle de Terra, et non à son passé. Les différents royaumes, empires, villes importantes, technologies. Il tomba sur un ouvrage traitant de Tekhos, et il en resta pantois. La technologie et les moeurs décrites dans ce livre étaient stupéfiantes. Il n'avait jamais entendu parler d'armes à feu, et il se demandait bien à quoi cela faisait référence. À quoi bon avoir une arme pour lancer du feu s'il y avait des magiciens ou des sorciers qui pouvaient faire de même simplement avec leurs mains ?...
Il inclina la tête, avant de se perdre dans ses différentes lectures, l'esprit complètement concentré sur la compréhension de ce qu'il lisait. Il avait du mal avec certaines informations, les références lui manquant pour les comprendre, mais il faisait du mieux qu'il le pouvait.

Et la pensée qui lui trottait dans la tête était la même depuis qu'il était éveillé...
Je ne rentrerai pas avant un moment...
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le lundi 27 août 2012, 18:35:13
La fatigue la rattrapait, et Alice ne tarda pas à laisser Chipp. Elle se leva, le salua de la tête, et sortit de la pièce, retournant dans le couloir. Là, elle se tourna vers un garde, et lâcha rapidement :

« Surveillez-le. »

La Princesse avait envie de lui faire confiance, mais ce n’était pas pour autant qu’elle était idiote. Aucune preuve ne venait pour le moment étayer les explications, pour le moins rocambolesques, de Chipp. Paradoxalement, si ce dernier était vraiment un espion nexusien, il aurait assurément choisi des méthodes bien moins discrètes pour atteindre le château. Se faire passer pour un immigré, par exemple. Cette histoire semblait trop farfelue pour être inventée par quelqu’un qui lui voulait du mal, mais on n’était jamais trop prudents. Suivie par un autre garde, Alice retourna au Château, et fila tout droit dans sa chambre, puis s’écrasa sur son lit. Cirillia n’était toujours pas là, et la Princesse tombait de sommeil. Elle s’effondrasur son lit, et y dormit bien une bonne heure avant d’émerger silencieusement. Il lui fallut bien une bonne demi-heure pour se redresser. Elle était en sous-vêtements, sa belle robe négligemment posée par terre. Alice se frotta les yeux pensivement, puis se redressa, et s’approcha de la fenêtre... Pour voir qu’il y avait, au-dehors, des flocons de neige. Rien d’inhabituel dans un royaume vivant en pleine montagne. Elle contempla brièvement les flocons, puis enfila sa robe, tout en espérant que la neige ne durerait pas. Les routes risquaient autrement d’être bloquées, et Ciri’ ne serait toujours pas là.

Pourquoi diable est-ce qu’Alice était tellement nerveuse ? Ça faisait des mois que la guerrière était partie, et personne ne l’avait vraiment pleuré. C’était une femme difficile, colérique, une véritable Amazone, une tête brûlée qui, en raison des crimes qu’elle avait commis, ne pouvait pas trop rester au royaume sans risquer de se faire agresser. Elle n’était pas la bienvenue ici, mais, malgré tout, Alice l’appréciait. C’était compliqué à comprendre, car elle était une criminelle, une meurtrière qui avait tué des gardes sylvandins et blessé un dragon. Pourquoi revenait-elle dans un endroit où elle avait neuf chances sur dix de se faire tuer ?

*Procède par élimination, Alice...*

Ciri en revenait sûrement pas simplement pour revoir la Princesse. Elles s’entendaient bien, certes, mais c’était insuffisant. Elle était une âme solitaire, et, même si Cirillia avait adoré lui faire l’amour, ce n’était pas une raison pour risquer sa vie. Quoi d’autres ? Si Ciri était en danger, Alice la voyait mal demander de l’aide. Ce n’était pas son style, et elle irait encore moins le faire devant Alice, sa fierté le lui interdisant. Par conséquent, il fallait trouver autre chose, une autre explication... Mais, quelle que soit la réponse, Alice était perplexe. A vrai dire, elle ne voyait pas du tout ce qui pouvait amener la redoutable femme à revenir. Est-ce que Cirillia avait changé ? Est-ce qu’il s’était passé quelque chose ? Ou est-ce que, d’une manière ou d’une autre, elle avait besoin des Sylvandins, de leur savoir, de leur connaissance ? Ça faisait bien trop de questions à répondre, et elle secoua la tête, retournant dans le salon.

Père était là, en train de manger, et Alice se rappela alors l’amnésique dans la Cathédrale, qui parlait de Nargareth... Il fallait organiser une expédition. Se raclant lentement la gorge, la jeune fille se rapprocha de son père, qui était en train de manger un quignon de paix en parlant avec un guerrier.

« Ils ne se révolteront pas, l’assura Tywill. Ces eunuques pisseront dans ce qui leur sert de calbut quand le Maréchal tapera du poing sur la table.
 -  Les éclaireurs attestent pourtant que des constructions ont été entreprises pour rénover les fortifications de plusieurs forts... objecta le guerrier.
 -  J’connais ces culs-terreux ! tempéra le Roi. Y passent le foutu temps de leur foutue journée à se plaindre du temps qui fait, de la pisse de leurs vaches, mais c’est rien que des fermiers et des pécores ! »

Les deux hommes discutaient d’une province intérieure qui était soupçonnée d’avoir des velléités rebelles. Les agents ashnardiens avaient repéré des tracts nexusiens appelant à la révolte dans plusieurs petits villages, et mis à jour l’existence d’une cellule terroriste tentant de créer une rébellion. Plusieurs agitateurs publics avaient été arrêtés, et le Conseil soupçonnait plusieurs gouverneurs locaux d’être des sympathisants, qui prévoyaient de déclencher une guerre civile, et de s’enfuir à Nexus. L’information était l’un des nerfs de la guerre, avec la propagande, et les guérillas. En voyant sa fille approcher, Tywill s’interrompit.

« Bonjour, Père..., commença prudemment cette dernière.
 -  ’Jour, ma fille, répondit ce dernier en mordant dans le pain.
 -  Je... Hum... Je désirais savoir si... Euh... »

La vue de son père la brouillait toujours autant, lui rappelant à quel point elle était petite, et lui grand. Même sans son armure, Tywill restait massif. Un véritable roc, taillé dans le granit. Alice lui parla d’un individu qui venait d’arriver depuis le Sanctuaire des Dragons, et prétendait venir... D’un autre monde, un monde qui s’appelait Nargareth. Tywill haussa les sourcils, se demandant de quoi sa fille venait lui parler, et elle expliqua qu’elle voulait réunir plusieurs soldats pour organiser une expédition près de l’endroit où Chipp était arrivé, afin d‘essayer de retrouver son Portail.

« Je n’enverrais pas mes hommes se peler le cul pour les beaux yeux d’un échappé de l’asile, répliqua rapidement Tywill, en grognant.
 -  Mais, Père... Si cette information est véridique...
 -  Véridique, mon cul ! riposta ce dernier. Bien des évadés de l’asile prétendent venir d’une autre planète, mon ange. Il y a même des mages farfelus qui affirment que ces mondes existent. »

Alice soupira, se mordilla les lèvres, puis décida de ne pas insister. Il allait falloir commencer par trouver des informationssur Nargareth, et, pour cela, elle se rendit vers la bibliothèque. Dehors, la neige continuait à tomber, commençant à recouvrir la zone. Elle comprenait son père. Avec la neige, les sentiers menant au Territoire des Dragons risquaient d’être impraticables. Des nuages gris s’étalaient partout, et elle s’enveloppa dans un manteau en fourrure, filant à la bibliothèque.

La bibliothèque était bien plus petite que la bibliothèque impériale, et comprenait une grande pièce avec de vastes étagères, un étage, et plusieurs petites pièces pour les enfants, ou pour lire en paix. En s’aventurant au milieu des étagères, Alice ne fit pas attention au regard des citoyens qui chuchotaient en la voyant passer. Se rendant près des salles de lecture, elle eut un léger sourire en voyant le brave Chipp, qui avait toute une pile de bouquins à côté de lui. Elle s’approcha lentement, et attrapa l’un des livres, regardant le titre. « L’Échiquier terran ». Elle l’avait lu. Il avait été écrit par un spécialiste, et traitait des relations diplomatiques entre Tekhos, Ashnard, et Nexus, en essayant de déterminer quel était, des trois, l’État le plus puissant. Le livre se découpait ainsi en deux parties : une première partie qui faisait un état des forces en présence, et une seconde qui établissait des pronostics pour l’avenir. Selon ces statistiques, l’Empire d’Ashnard serait, d’ici plusieurs siècles, l’unique puissance de Terra. C’était une forme de scientisme qui laissait Alice sceptique, mais qui faisait plaisir aux notables ashnardiens.

« Vous vous instruisez ? » demanda-t-elle en croisant le regard de Chipp.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le lundi 27 août 2012, 23:39:51
Ne faisant aucunement attention aux regards des autres utilisateurs de la bibliothèque, Chipp était submergé par plusieurs piles de livres qu’il parcourait rapidement. Il ne voulait pas passer trop d’heures à lire, d’autant plus qu’il ne pouvait tout comprendre de lui-même, et que c’était plus une perte de temps qu’autre chose. Néanmoins, il s’efforçait d’accumuler des informations sur les différents royaumes, restant dans des connaissances générales. Au moins connaître la géographie de Terra, et un poil de géopolitique. Se rappelant la conversation entre Mala et la Princesse, et les choses qu’elles lui avaient dit, il sourit en pensant qu’il comprenait maintenant beaucoup plus ce dont elle parlait. En tout cas, il savait ce qu’était Nexus ou Tekhos. Même s’il se posait beaucoup de questions sur ces territoires et sur cette étrange technologie dont ils étaient visiblement pourvus. Il avait laissé ses questions de côté, sachant pertinemment que toutes les descriptions du monde ne pourrait répondre à ses questions, et changea de livres. Il tomba sur une sorte de bestiaire de Terra, peut-être une encyclopédie sur la faune et la flore de ce monde inconnu. Il le feuilleta, avide, se disant qu’il avait intérêt à apprendre le plus de choses sur cette nature qu’il ne connaissait, s’il devait finir par quitter Sylvandell comme la Princesse lui avait dit.

Il récupéra un autre ouvrage, mais rien ne parlait de Portails ou de magie pouvant expliquer sa présence ici, ce qui renforça son idée comme quoi sa venue était le fait d’un mage de Nargareth, et non pas d’un phénomène magique inhérent à Terra. Il ne trouva pas non plus d’ouvrage sur la Terre, cet autre monde dont avait parlé Alice et qui était relié à celui-ci. C’était étrange, mais peut-être que ce genre de livres étaient gardé secret par les autorités. S’il devait parier, il imaginait que les petites gens n’étaient pas au courant du passage entre ces mondes. Toujours perdu dans ses pensées, il ne fit pas attention à l’arrivée de la jeune femme, et sursauta presque lorsqu’il remarqua sa présence. Il croisa son regard, et elle l’invectiva d’une question.

Souriant doucement, il la salua d’un signe de tête avant de désigner la table d’un mouvement de menton.

« Effectivement. J’essaie juste d’en apprendre un peu plus sur l’endroit où je suis. Mais certains ouvrages sont... difficiles d’accès pour quelqu’un n’ayant aucune référence de ce monde. Et d’autres sont écrits étrangement. »

Il désigna d’un signe de main celui qu’elle avait prit sur la pile, « L’Echiquier terran ».

« Celui-ci, par exemple. La situation de base est décrite avec exactitude et il dresse un portrait précis de chacun des territoires, mais la deuxième partie... Ces pronostics sont beaucoup trop statistiques pour être pris réellement au sérieux, je pense. L’avenir n’est jamais sûr, n’est jamais établi par le passé. Demain, il pourrait se passer n’importe quoi. Une guerre meurtrière, un cataclysme naturel... Et tous ces pronostics seraient balayés en peu de temps. Ca me paraît un peu léger... »

Il se mordit la lèvre, un peu gêné, avant de détourner légèrement le regard en rosissant.

« Mais je ne veux pas mettre en doute quoique ce soit, je ne suis qu’un étranger. Je vous livre juste mes sentiments, simplement. Peut-être que je me trompe sur toute la ligne. »

Il se gratta la tête, avant de la tourner à nouveau vers Alice pour la fixer dans les yeux.

« Ceci dit, je n’ai rien trouvé sur Nargareth, ni sur ces fameux Portails dont vous parliez, ni sur cette Terre qui est reliée à Terra, comme vous me le disiez ce matin. Et j’ai lu quelques ouvrages sur la technologie de Tekhos, et je vous avoue que je n’ai pas vraiment tout compris. Ces procédés technologiques et ces armes étranges, ça ne me parle pas vraiment. »

Le travail serait encore long avant qu’il ne comprenne réellement le monde où il était. Quant à savoir comment il rentrerait chez lui, c’était encore pire. Mais au moins, il était sûr et certain qu’il n’avait pas rêvé. Il n’était pas dans son monde, il n’avait pas imaginé Nargareth, et si la Princesse et son amie avaient eu quelques doutes à ce sujet, lui, il le savait : il n’était pas sous l’emprise d’une drogue quelconque ou d’un sortilège qui aurait modifié sa mémoire pour lui faire croire qu’il était un voyageur spatial alors qu’il viendrait en réalité de Terra. Non, il n’avait pas inventé toute la vie dont il se souvenait.

« J’ai étudié la carte de Terra, et la géographie du monde, et c’est bien différent de chez moi. Ne serait-ce que cette histoire de lune unique. »

Il soupira longuement, et se prit la tête dans les mains l’espace de quelques secondes, laissant le désespoir s’emparer de son coeur et de son esprit. Il s’accorda quelques secondes pour se remettre et repousser ses pensées, avant de se redresser en changeant complètement de sujet. Il ne voulait pas perdre la Princesse dans ses réflexions, et une question le taraudait depuis qu’il s’était réveillé dans la Cathédrale.

« Ma dame, est-ce que vous sauriez si quelqu’un a pris soin de mon arme quand j’ai été capturé ? Ce n’est qu’un détail, mais cette épée m’accompagne depuis maintenant de nombreuses années, et je me sens un peu nu sans elle... Même s'il est évident qu'en tant que prisonnier, ou quoique je fus, je n'ai pas le droit de la porter au côté, cela me rassurerait de la savoir en de bonnes mains... »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le mercredi 29 août 2012, 22:46:45
Pensivement, Alice s’assit en face de lui, et l’écouta parler. « {i]L’Échiquier terran[/i] » était un ouvrage qui avait fait l’objet de nombreuses discussions, car son analyse, très complète, des choses, donnait lieu à débat. Les arguments de Chipp firent légèrement sourire Alice. Elle ne dit rien, gardant ses pensées pour elle-même, le laissant parler. Il avoua n’avoir rien trouvé sur Nargarteh, ce qui ne surprit pas outre mesure la Princesse. Il aurait fallu se rendre à la Bibliothèque impériale, au cœur de l’Empire. Elle était bien plus fournie que celle de Sylvandell, qui, au niveau des disciplines magiques, traitait surtout des dragons : les Cris, les dovahkiin, les différents types de dragons, les préparations magiques à base de sang de dragon, la manière de dépecer le cadavre d’un dragon pour obtenir des armures résistantes... Voilà essentiellement le genre de livres pratiques qu’on trouvait à la bibliothèque de Sylvandell. « L’Échiquier terran » n’y figurait que parce qu’Alice en avait acheté plusieurs exemplaires, quand elle avait fait un voyage à la capitale impériale. Elle avait bien aimé la lecture de ce livre, notamment sur l’évolution statistique de Tekhos. L’auteur avait fait des recherches scientifiques et génétiques. A Tekhos, les femmes se reproduisaient beaucoup entre elles, ce qui influait sur le taux de natalité. Selon les recherches de plusieurs spécialistes, une femme avec un sexe masculin était bien plus inféconde qu’un mâle normal, et, de surcroît, les chances pour que l’enfant à naître soit affublé de tares génétiques était renforcé. Certains scientifiques prédisaient avec inquiétude une détérioration du gène tekhan dans les prochains siècles, un abâtardissement de la population, dont on mesurait déjà les effets à travers l’augmentation croissante des toxicos, des désaxés, et des raiders qui pullulaient dans le pays. Des courbes statistiques avaient ainsi déterminé que, si la situation continuait ainsi, dans un siècle, Tekhos ne serait plus que l’ombre d’elle-même, ce qui posait le problème des Formiens, et l’intervention nécessaire de l’Empire pour préserver l’équilibre des forces. L’auteur tablait en effet sur le fait que la guerre civile en cours à Nexus ne conduise le pays à n’imploser définitivement dans les prochaines années, et à amener l’Empire à pouvoir s’emparer de la plus grande ville du monde.

En somme, bien des théories étaient explorées dans ce livre, ce qui en faisait plus un genre d’ouvrage de recherche que d’affirmation. On s’en servait pour débattre dans les académies et les universités. Du reste, que Chipp n’ait rien trouvé sur les Portails était normal. Pour des raisons évidentes, l’Empire ne les avait pas révélé au public, et conservait secrète toutes les informations traitant des Portails, afin d’éviter des mouvements de panique. Pour qu’un livre soit diffusé dans les librairies ashnardiennes, il devait recevoir l’aval de commissions de lecture au Palais, et ce, peu importe l’objet du livre. Que ce soit un conte pour enfants, un roman, une autobiographie, ou un essai scientifique, les commissions se chargeaient de lire. Plus généralement, ces commissions appartenaient à toute une section du Palais : le département artistique, ou département propagandiste pour les détracteurs. Ce département traitait de tout ce qui concernait l’art, que ce soit l’art officiel, ou la surveillance des œuvres artistiques. Et l’Empire avait une définition assez large d’« œuvre artistique », puisqu’elle incluait, non seulement le contenu, mais aussi le contenant. C’est ainsi qu’un essai scientifique pouvait être qualifié d’artistique, au sens administratif du terme. Tout ce qui traitait des Portails était ainsi classé, archivé, et ne pouvait être analysé dans les académies magiques que pour les élèves de cycles très supérieurs. Chipp termina en essayant de s’enquérir de son arme, et Alice précisa donc :

« Votre équipement est entreposé dans notre armurerie. Compte tenu des circonstances, vous comprendrez qu’on ne vous la rende pas encore, mais ne vous en faites pas. Elle est conervée. »

Il y avait peu de chance qu’un garde s’en serve, car l’arme de Chipp était dans les réserves. Alice se racla la gorge, et parla alors :

« Pour le reste... Vous n’accéderez pas ici à une documentation intéressante sur les Portails. Tout ce qui les concerne est envoyé à la Bibliothèque impériale, dans des sections très réservées... Des sections auxquelles j’ai accès, précisa-t-elle. L’Empire veut éviter des mouvements de panique si la population devait apprendre qu’il existe un autre monde. »

C’était logique, et elle rajouta :

« Pour le reste... Ne soyez pas surpris qu’on cherche à prédire l’avenir... Un État est à bien des égards comparable à l’attitude d’un individu lambda... Un individu qui cherche à obtenir de l’argent pour entretenir sa maison, réparer les toits, s’assurer qu’il y aura toujours à manger, et qu’aucun vandale ne viendra tenter de le piller ou s’attaquer à sa famille... Et un individu lambda se projette toujours dans le futur, vous ne croyez pas ? S’imaginer comment on sera... Dans cinq ou dix ans. Dans le fond, un État ressemble à ça. »

La comparaison était osée, mais, pour Alice, elle se tenait. Elle n’était nullement anarchiste, ni hostile à l’État. Mais, après tout, elle était une Princesse, une noble. Elle n’allait pas cracher dans sa propre soupe. Il fallait juste voir les choses en grand, mais l’Empire d’Ashnard n’était pas, comme les Nexusiens l’affirmaient, un « Empire du Mal ». Il n’était pas non plus un Empire bienveillant et miséricordieux, mais il était après tout dangereux de mélanger morale et politique. Alice aurait volontiers pu en parler pendant des heures et des heures, car la politique, fort naturellement, la passionnait, mais elle ne voulait pas embêter ce brave Chipp. Elle avait l’impression qu’il était honnête avec elle, sans toutefois pouvoir s’expliquer pourquoi elle lui accordait une telle confiance.

« En toute honnêteté, je crains fort que Sylvandell ne puisse pas faire grand-chose pour vous. Nos connaissances sur la question sont trop restreintes. Quand je disais que le Conseil Impérial risquait de s’intéresser à vous, ce n’était pas quelque chose de négatif. Je pense que seules les ressources de l’Empire peuvent vous permettre de retourner dans votre monde natal. En attendant, si vous avez des questions sur Terra, n’hésitez pas à me les poser. Les livres sont très complets sur la question, mais vous risquez rapidement de finir noyé sous l’avalanche d’informations et de connaissances. »

Elle parlait sur un ton calme et posé, et lui fit un léger sourire. Elle avait déjà affronté ça. Elle était une véritable ratte de bibliothèque, et avait jadis passé des journées entières entre ces murs, à lire et à écrire, à se perdre dans les romans, les histoires d’aventures, les légendes, et dans l’Histoire. Pour une Princesse aussi faible qu’elle, physiquement parlant, il lui fallait compenser en fortifiant son esprit et ses connaissances.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le jeudi 30 août 2012, 12:41:56
Son équipement était en sureté. Ça, c'était une nouvelle excellente. Il eut un petit sourire de remerciement pour Alice, avant de remiser la question de son arme au fond de son esprit. Elle était réglée et avait trouvé réponse, il fallait maintenant passer à autre chose, et la jeune Princesse parlait de nouveau. Il comprenait aisément que l'existence des Portails était cachée au peuple. Même si la magie existait et était peut-être familière de ces gens, un autre monde, c'était autre chose. D'autant plus qu'Alice avait parlé de guerre, et qu'il savait par expérience que les personnes les plus touchés par le conflit étaient celles qui ne pouvaient se défendre. Et que ces dernières pourraient avoir un mouvement de panique. Qui sait ce qui pourrait passer par la tête de ces gens s'ils connaissaient l'existence de Portails venant à un autre monde. Une exode massive... Même si leur emplacement n'était pas connu, rien de la recherche de ceux-ci pourrait s'avérer problématique. Chipp, lui, n'avait voulu trouver des informations sur les Portails que pour acquérir un peu de connaissances en plus. Étant donné qu'il était persuadé que sa venue ici n'avait rien à voir avec un Portail, il ne pensait pas réellement à trouver une solution à son problème grâce à une documentation sur eux. Mais il était tout de même bon de savoir qu'il pourrait se tourner vers cette solution s'il ne trouvait rien d'autre. Peut-être quelqu'un pouvait-il convoquer un Portail vers chez lui ? Même s'il imaginait que l'entreprise n'était pas aisé.

Elle lui donna ensuite son avis sur ses arguments sur " L'Echiquier terran ". Elle n'avait pas tout à fait tort, mais cette façon de penser était absente de l'esprit du jeune homme. Lui-même avait un avenir plutôt sombre, pour ne pas dire flou. S'ils avaient eu cette même conversation des années auparavant, Chipp aurait été d'accord avec la Princesse. Parce qu'il aurait encore pu s'imaginer un futur, et où il serait des années plus tard. Aujourd'hui, dans cinq ou six ans, il serait mort. La malédiction avait un but, et il savait qu'en l'accomplissant, elle quitterait son corps, et que le choc le tuerait. Et l'échéance s'approchait de plus en plus. Il le savait, il le sentait, et les événements s'était précipités en ce sens. Au moins, il avait gagné un peu de temps de vie supplémentaire en atterrissant à Terra...

Il lui rendit son sourire alors qu'elle concluait. Avouant elle-même que Sylvandell ne lui serait pas d'un grand secours, et qu'il ferait mieux de chercher à l'Empire pour trouver ses réponses à la question de savoir comment rentrer. Mais pour l'instant, ce n'était pas une option dans l'esprit du jeune homme. Il avait déjà une chance folle que quelqu'un le croit ici, et il n'en connaissait pas assez pour entreprendre un voyage pour la capitale de l'Empire ou quoique ce soit de ce genre. Si le Conseil Impérial voulait le rencontrer, il n'irait pas vers eux pour autant. S'il représentait un quelconque intérêt pour eux, c'était eux qui viendraient vers lui quand il demanderait la nationalité Ashnardienne. De toute façon, cela ne lui couterait rien. Une fois retourné à Nargareth, ça n'aurait plus d'importance. Il sourit à nouveau à la Princesse, refermant le livre qui était auparavant ouvert devant lui.

" Merci, pour mon arme. Et pour tout le reste. Je sais que ce n'est pas facile à croire, mais je vois que vous me faites confiance, au moins un minimum, et c'est un luxe que j'apprécie à sa juste valeur. "

Il eut un petit sourire charmant en coin, les yeux fixés dans ceux d'Alice. Avant d'afficher une petite moue, réfléchissant à ce qu'il pouvait bien dire, maintenant.

" Vous savez, la prédiction de l'avenir... Tout ça me passe un peu au-dessus de la tête. Au-delà du fait que pour le moment, autant chez vous que dans mon monde, j'ai un avenir qui n'est pas tracé, et qui a tendance à vouloir s'arrêter brusquement à chaque instant. J'étais un homme traqué, chez moi. Et ici... Devenir un esclave n'est pas une sinécure, et même si j'y échappe grâce à vous, il me restera toujours à trouver un moyen de rentrer, et ça ne me semble pas une entreprise aisée. "

Il haussa les épaules, comme indifférent. Il ne servait à rien de s'inquiéter plus que ça. S'il avait peur, il n'arriverait à rien. Il devait garder la tête froide, étudier ses possibilités, et agir en conséquence. Lorsqu'il combattait, il suivait son instinct, mais il n'était pas si calculateur. Là, la situation était beaucoup plus délicate que de simplement envoyer son épée à travers la panse d'un adversaire de chair et de sang.

" J'aimerai bien savoir si vos Dragons sont les mêmes que ceux que nous avons, mais ce n'est pas une question à laquelle je peux répondre. J'ai déjà affronté un Dragon, chez moi... Mais je ne connais pas réellement cette race, et je ne pourrais pas faire une comparaison même en en apprenant sur les Dragons de Sylvandell. "

Il haussa les épaules de nouveau.

" Par contre, je me pose des questions sur cette étrange technologie que semble posséder Tekhos. Ces " armes à feu ", et toutes ces choses que j'ai lu et qui me semblent un peu... Étranges. Par exemple, qu'est-ce qu'un hélicoptère ? Comment se fait-il que la technologie diffère tant entre Tekhos et ici, par exemple, alors que nous sommes dans le même monde ? "

Il rit un peu. Il avait lu sur Tekhos beaucoup de choses... Et il n'en comprenait pas la moitié. Il avait l'impression d'avoir lu un ouvrage sur un autre monde, tant il semblait différent par rapport à Ashnard ou même simplement Sylvandell.

" Pour finir... Il releva la tête vers la Princesse, et plissa les yeux, un air sérieux remplaçant soudain le ton rieur dont il avait usé une seconde auparavant. ... Princesse, parlez-moi de la guerre contre... Nexus, m'avez-vous dit ? Mon monde a été longtemps en proie à la guerre. Notre Reine est arrivée, et a unifié les peuples, ce qui nous a valu une paix durable de plusieurs dizaines d'années... Mais les vieilles rancunes ne s'oublient pas, et le conflit menace à nouveau. Il a même presque déjà éclaté, j'ai participé à plusieurs escarmouches. Je me sens étrangement solidaire, envers vous. À cause - grâce ? - à ça. Et si je peux aider en quoique ce soit. Enfin, j'aimerai en savoir plus sur cette guerre qui vous préoccupe... "
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le vendredi 31 août 2012, 22:40:25
La conversation se poursuivait, Chipp lui avouant que l’avenir n’était pas quelque chose qui l’intéressait pour le moment. Alice pouvait le comprendre, vu les circonstances, mais elle trouvait ça assez triste. Ne pas s’intéresser au futur, c’était vivre au jour le jour, comme une espèce d’animal qui ne penserait qu’à assouvir ses instincts et ses besoins primaires. Si les Dieux avaient permis à l’humanité et aux autres espèces conscientes d’avoir, justement, une conscience, et la capacité d’avoir des raisonnements poussés, c’était précisément pour qu’ils fassent autre chose de leur vie que simplement vivre au jour le jour. Alice avait pitié de tous ces hédonistes et ces épicuriens dont la philosophie de vie se résumait à s’abâtardir progressivement en ne songeant pas aux conséquences. Chacun devrait contribuer à la société, car, pour elle, c’est ainsi que l’humanité se concevait : un ensemble de tout collectifs dans lesquels les moi individuels devaient s’insérer, pour parvenir à former un tout unique. Ceci étant dit, elle ne pouvait pas spécialement reprocher à Chipp d’être déboussolé et perdu. Il était dans un monde différent du sien, si tant est qu’on accepte de croire à son histoire. Qu’Alice lui fasse confiance ne signifiait nullement que la Princesse le croyait. Il ne représentait pas une menace, parce que ce n’était pas crédible, mais il pouvait toujours mentir à lui-même.

Il fallait le pousser à bout, essayer de trouver les incohérences. C’était le problème de Mala, mais Alice savait que peu de gens lui viendraient en aide. Chipp ne semblait pas dérangé, mais simplement perturbé. Et, comme il n’avait pas la nationalité sylvandine, Sylvandell ne pouvait pas l’aider. Si Alice s’intéressait à lui, c’était avant tout pour avoir autre chose à penser que la venue imminente de Cirillia, pour s’occuper l’esprit... Assez égoïste, dans un sens, mais on ne pouvait pas non plus lui reprocher le contraire. Alice avait le cœur sur la main, sa femme le lui disait fréquemment, mais elle ne pouvait pas s’occuper de toute la misère du monde. Sa place dans Terra était de s’occuper d’un royaume, un petit royaume, mais qui, pour elle, signifiait tout. C’était amplement suffisant.

Chipp lui posa bien des questions, et Alice tenta d’y répondre calmement, le laissant parler, avant de répondre :

« J’ignore à quoi ressemblent les dragons de Nargareth. Et il serait bien trop long de vous parler en détail de ceux de Terra. Pour résumer, il existe de nombreux dragons différents, que ce soit par leur âge, la couleur de leurs écailles, ou leurs tailles. Les historiens spécialistes de la question établissent qu’il y a plusieurs générations de dragons. Les dragons les plus anciens, qu’on surnomme, selon les sources, ‘‘dragons primaires’’, ‘‘dragons fondamentaux’’, ou ‘‘dragons ancestraux’’, sont considérés comme les pères des dragons, voire même comme les pères de Terra. Plusieurs historiens considèrent en effet que les dragons ont façonné le monde. Ces dragons primaires ont disparu. On ignore s’ils sont morts, ou s’ils sont tout simplement... Au repos, quelque part dans les profondeurs de Terra. A la place, il reste de nombreux dragons, qui sont généralement hostiles et dangereux. Un dragon, toutefois, n’est pas une simple créature. Ils ont une conscience très développée, sont fiers, dangereux, et mésestiment l’humanité. »

C’était très succinct, mais Alice ne pouvait pas non plus s’étaler pendant des heures. Elle lui expliqua brièvement que la couleur des écailles permettait de déterminer la force et le rang d’un dragon. Les dragons verts étaient les dragons les plus courants et les moins dangereux. Les dragons noirs étaient, inversement, considérés comme les créatures les plus dangereuses de Terra. Et il existait également les dragons dorés. Ceci amena Alice à parler de Sylvandell, et du culte que le royaume vouait à un dragon, le « Patriarche », ou « dragon d’Or ». Il était le plus vieux dragon de la région.

« Sylvandell a été fondée par Erwan Korvander, et ce dernier a pu fonder le royaume en créant un pacte entre lui et le dragon d’Or. En vertu de ce pacte, les Sylvandins peuvent chevaucher les dragons dorés qui l’acceptent, et utiliser les ressources de la chaîne. Sylvandell a été bâtie à proximité du Territoire des Dragons, et, à chaque fois qu’un Korvander naît, il doit renouer ce pacte ancestral. Le dragon d’Or ne reconnaît qu’un seul Korvander, et le fait en fonction de la qualité du sang royal des Korvander. C’est ce qui explique pourquoi Erwan a prescrit d’éviter d’avoir trop d’héritiers, afin de ne pas détériorer la qualité du sang des Korvander, et afin d’éviter des querelles successorales. Tywill Korvander est mon Père, et, il y a de cela de nombreux mois, le dragon d’Or m’a reconnu comme son héritier. Je serais appelée à devenir Reine de Sylvandell lorsque mon père ne sera plus en état d’assurer ses fonctions. »

Elle avoua cela avec le cœur lourd. La perspective de devenir un jour la Reine de Sylvandell la rendait folle d’anxiété. Comment succéder à quelqu’un comme Tywill, quand on était son exact opposé ? C’était une question à laquelle la petite Princesse n’avait pas la réponse, et, même si elle s’affirmait face à son père, il y avait encore bien du boulot à accomplir. Secouant la tête, elle préféra passer à autre chose, continuant à éclairer la lanterne de Chipp. Elle le mit juste avant en garde : s’il s’attaquait à l’un des dragons de Sylvandell, il risquait gros. Ces animaux étaient sacrés au sein du royaume.

« Un hélicoptère est un appareil qui vole dans le ciel. Son mécanisme est assez complexe, mais il utilise des hélices pour flotter dans les airs. Pour le reste... La disparité technologique entre Tekhos et le reste du monde a bien des explications. »

Là encore, ce serait un sujet assez long. Tekhos avait, de manière générale, préféré se tourner vers les sciences plutôt que vers la magie, et avait bénéficié de génies scientifiques, tout en évitant de sombrer dans une période d’obscurantisme religieux. Le rapport entre religion et recherche scientifique était intéressant, et avait, pendant des siècles, retardé le progrès scientifique, que ce soit sur Nexus, ou sur Ashnard. La religion fonctionnait en effet sur une approche dogmatique. Impossible d’avancer dans la religion ; on ne faisait qu’interpréter des règles indérogeables, car présumées divines. On ne pouvait pas critiquer le dogme, simplement l’admettre comme la vérité incontestable. Inversement, la démarche scientifique était une perpétuelle remise en cause des connaissances acquises, une critique permanente et constructive. Tekhos avait suivi cette voie, là où Nexus et l’Empire s’étaient fiés aux prêtres et aux croyants. A Tekhos, l’Ordre Immaculé avait été clairement restreint à certaines activités spirituelles, et bien moins influent que par ailleurs. Cet écart technologique considérable n’était pas particulièrement surprenant. A plus petite échelle, il existait aussi, sur Terre, des peuplades qui vivaient encore à l’âge de pierre, chassaient avec des lances, et ignoraient tout des apports technologiques du dernier siècle. Sur Terre toujours, il avait fallu seulement un ou deux siècles pour que la technologie explose, alors que, pendant des siècles et des siècles, les progrès scientifiques avaient été bien plus lents.

Alice expliqua tout cela à Chipp. C’était assez complexe à comprendre, mais fondé et logique. C’était la raison principalement avancée et reconnue pour justifier cet écart assez fort.

« Quant à la guerre... Elle dure maintenant depuis des années, et, bien que les deux camps s’en rejettent la responsabilité, elle a été démarrée par les Ashnardiens. »

Nexus s’était toujours vanté d’être un rempart contre l’agresseur ashnardien, cet envahisseur sauvage qui massacrait des civilisations entières, asservissait des populations, et avait des milliers d’esclaves pour entretenir une machine de guerre invincible et irrépressible. Là encore, les raisons de la guerre auraient mis des heures, et Alice alla donc à l’essentiel. L’Empire d’Ashnard était un Empire militaire, agressif, qui vivait dans des terres hostiles et peu fertiles. La mentalité des Ashnardiens était de tout conquérir, et, depuis des siècles, l’Empire grossissait ainsi, s’étendant, balayant les royaumes voisins, les annexant... Sylvandell avait suivi la marche. Le royaume était jadis adversaire de l’Empire, avant de l’avoir rejoint, et d’être l’un de ses plus actifs soutiens militaires, en raison de ses dragons, qui apportaient un avantage militaire décisif.

« Les méthodes de l’Empire sont peu honorables, mais, sr le long terme, on estime qu’elles sont bénéfiques pour les populations asservies. Bien des royaumes étrangers ont des coutumes et des pratiques que l’Empire a du combattre et condamner : l’excision, les sacrifices rituels, le cannibalisme, etc... L’Empire envahit bien des États, les détruit, mais les reconstruit ensuite, et les améliore. Contrairement à ce que soutient la propagande nexusienne, si on se contentait uniquement de tout raser, personne ne pourrait entretenir la machine de guerre ashnardienne. Terra est un monde hostile, dangereux, un monde de loups. On peut trouver les méthodes de l’Empire brutales et injustes, mais elles sont nécessaires... Et, de toute manière, les Nexusiens ne sont pas franchement mieux. »

La guerre n’avait pas éclaté du jour au lendemain. Les problèmes avaient commencé bien avant que l’Empire n’aille attaquer un royaume sous protectorat nexusien, déclenchant ainsi officiellement les hostilités. Elle avait commencé dans les négociations, elle avait commencé quand les soldats ashnardiens s’approchaient, que les Nexusiens soupçonnaient des espions ashnardiens, que les ambassades avaient été fermées, que la voie diplomatique avait échoué. Les réunions et négociations avaient toutes échoué. L’Empire voulait que Nexus accepte de former avec Ashanrd une organisation internationale pour unir leurs forces contre la menace tekhane. Officiellement, d moins, car les termes du traité offraient intelligemment à Ashnard un pouvoir important. Les juristes nexusiens avaient interprété ce « torchon » comme une « capitulation sans panache ». Il y avait eu des avenants, des modifications, mais le ton continuait à monter. On repérait des espions dans les deux camps, et les crieurs publics s’emportaient pour dénoncer les uns comme les autres. La guerre avait fini par éclater.

L’Empire avait lancé de grandes offensives, mais elles n’avaient jamais réussi à percer. Puissance économique, Nexus parvenait constamment à embaucher des troupes, à réparer ses surpuissants forts, et à repousser les hordes ashnardiennes. Nénamoins, la victoire de l’Empire semblait de plus en plus assurée, car on avait rouvert la diplomatie, afin d’inviter Nexus à se rendre. La révolution qi éclatait à Nexus affaiblissait énormément le régime, donnant lieu à des traîtres partout. Alice expliqua à Chipp que la reine actuelle était trop jeune pour diriger, et que ses conseillers étaient tous des escrocs, des traîtres, des bonimenteurs, et que la révolution nexusienne était un mensonge, une illusion financée par des opposants politiques. Nexus était rongée par la corruption et par l’affaiblissement du sentiment patriotique, qui amenait les nobles à se sentir de plus en plus individualistes. Difficile d’avoir foi envers une Reine qui préférait jouer à la poupée que d’écouter les doléances du peuple.

« Tout cela est très sommaire, nuança Alice. La situation de l’Empire n’est pas rose non plus, et je vous ai à peine parlé des Formiens. »

Il y avait tant à dire, tant qu’elle avait omis... L’Empereur fou, la guerre civile, les problèmes intérieurs... Il restait beaucoup à dire, mais, si Alic edevait le faire, elle y passerait des heures.

« Mais assez parlé de Terra... Parlez-moi de Nargareth, de vous, de votre place au sein de votre État, de ce dernier... Je suis sûre que vous pouvez me dire plus sur Nargareth que simplement mentionner le nombre de ses satellites naturels, n’est-ce pas ? »

Elle avait posé cette question avec un léger sourire. A Chipp, maintenant, de satisfaire sa curiosité !
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le mardi 04 septembre 2012, 02:10:52
Chipp avait écouté la Princesse. Sans l’interrompre, hochant la tête de temps à autre, acquiesçant lorsqu’elle lui annonçait des affirmations qui méritaient des réponses - comme cette avertissement concernant les dragons, sur le fait qu’il ne devait pas s’en prendre à eux. Il avait été attentif, et compréhensif, mais encore une fois, la masse d’informations était conséquente, et il regretta un peu d’avoir posé tant de questions d’un coup. Mais il avait parfaitement compris la totalité de ce qu’elle avait raconté, décidant d’éluder certains points qui ne l’intéressait pas outre mesure. Notamment cette histoire de technologie tekhane. Il ne se rendrait pas à Tekhos pendant son séjour, de toute façon. Il avait déjà du mal à s’imaginer sortir de Sylvandell vu la situation dans laquelle il était, alors voyager... C’était une idée presque utopique. Il était nettement plus intéressé par la réponse concernant la guerre. Étant lui-même un guerrier, un mercenaire, il était dans son élément alors qu’elle parlait des raisons ayant menées au conflit. D’autant plus qu’il connaissait le même genre de troubles. Les conséquences et les implications étaient loin d’être similaire entre la guerre dont parlait la Princesse et celle qui menaçait Nargareth, mais ça restait une guerre.

Il répondit à son sourire alors qu’elle posait à présent des questions sur lui. Il hésita une seconde avant de décider de jouer franc jeu avec la jeune femme. D’abord parce qu’il savait qu’en donnant plus d’informations et sur lui, et sur son monde, elle aurait tendance à le croire. Et aussi parce qu’elle semblait avoir confiance en lui, alors il le lui devait. Et... Peut-être aussi parce qu’il savait qu’il ne connaissait strictement personne à Terra, et qu’il partirait un jour ou l’autre. Ce qu’il disait ne pourrait être utilisé contre lui de quelque façon que ce soit. Il agrandit son sourire, avant de refermer le livre ouvert devant lui en commençant à parler.

« Et bien, commençons par moi. Il y a beaucoup de choses à dire, parce que j’ai une histoire compliquée dont je n’ai pas encore saisi tous les tenants et aboutissants, mais je pense pouvoir assouvir votre curiosité. »

Néanmoins, il ne savait pas trop par où commencer. Il inclina la tête légèrement, avant de hausser les épaules. Autant commencer par ce qu’il était. Mais il ne parlerait pas des démons, des tortures et de son amnésie de jeunesse. Ni de sa malédiction. C’était autant de faiblesses qui pourraient se révéler utile pour lui nuire, d’autant plus qu’il était plutôt sensible à ces sujets.

« Autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas entièrement humain. Ma mère était un Ange. Elle est morte quand j’étais tout jeune, et je me suis retrouvé seul. Mon père était parti peu avant la mort de ma mère. J’ai quitté le domicile familial après sa mort, et j’ai été recueilli par un cirque. Ils m’ont élevé comme l’un des leurs. J’ai appris leurs arts. La danse, par exemple. Le lancer de couteau, le jonglage... Mais surtout la danse. J’en ai tiré mon propre style de combat à l’épée, d’ailleurs. »

Il était fier de cet héritage. Et cet apprentissage faisait de lui un guerrier hors du commun. Il n’y avait que peu de personnes dans son monde capable de rivaliser avec lui à l’épée. La magie, par contre, c’était autre chose. Il ne l’aimait pas trop. Il estimait lâche de se battre à distance avec des sorts.

« Une fois que j’ai eu l’âge requis pour voler de mes propres ailes, j’ai quitté le cirque, et j’ai commencé à voyager à travers le monde. Je voulais retrouver mon père, et trouver les assassins de ma mère. J’ai erré pendant longtemps. Je n’ai rien trouvé. Quant à mon père... Je l’ai même cru mort, et finalement, c’est lui qui m’a retrouvé. Il me cherchait également, en réalité. Quand il était revenu à la maison, qu’il avait appris la mort de ma mère et ma disparition, il avait mené ses recherches. Quand il m’a retrouvé, ça a été l’occasion pour moi d’apprendre la vraie nature de ma mère - je n’avais pas su, enfant, qu’elle n’était pas humaine. Et il a répondu à beaucoup de questions concernant ce passé. Je n’avais pas beaucoup de souvenirs de cette époque, et j’imagine que la mort de ma mère m’a causé un choc qui m’a fait délibérément refouler certains souvenirs. Il a répondu à mes questions, me disait que depuis toutes ces années, il avait enquêté également sur les gens qui avaient tué ma mère, sans rien trouver. Nous nous sommes mis d’accord pour nous séparer et continuer de chercher. Mais j’avais eu certaines réponses, et j’en avais assez d’errer. Je suis devenu mercenaire, louant mes services aux plus offrants... »

Il n’avait pas vraiment menti. Excepté sur la mort de sa mère - tuée par les démons. Et sur sa fuite. Il avait d’abord été capturé par lesdits démons, torturé, et maudit. Ensuite, les démons l’avait délibérément relâché pour qu’il accomplisse la prophétie démoniaque qu’ils attendaient depuis des siècles. Mais Alice n’avait pas à le savoir, pas encore.

« Jusqu’à une journée spéciale. Je venais de finir un contrat, je me reposais dans une taverne d’un petit village, et j’ai entendu l’appel d’un crieur. La Reine en avait envoyé dans tous les hameaux, villes, villages du continent, pour recruter des guerriers pour une mission de la plus haute importance. Travailler pour la Reine... Ca m’a paru une bonne idée. Le paiement serait conséquent. J’y allé, j’ai effectué la mission - en compagnie d’une dizaine d’hommes de tout horizon qui avaient répondu à l’appel eux aussi. Et en rentrant... Je me suis mis au service exclusif de cette femme. Depuis, je la sers, du mieux que je peux. »

Parfaite transition pour parler de l’histoire de Nargareth. Une histoire longue et compliquée. Mais peut-être pourrait-il rassurer Alice quant à sa capacité à être une bonne reine et à pouvoir succéder à son père. Elle lui avait semblé un peu hésitante en en parlant.

« Concernant Nargareth... Il y a une chose importante à savoir, d’abord. À l’origine, la terre était séparée en plusieurs petits continents. Chacun d’entre eux était le berceau d’une espèce différente. Nains, Elfes, Humains, Elfes Noirs, Lycanthropes, Vampires, Orcs. Il n’y avait aucun contact entre ces races. Ils restaient dans leurs territoires. Jusqu’à ce que, il y a plus d’un millénaire, un cataclysme secoue la planète. Un cataclysme d’origine inconnue - probablement magique. En l’espace d’une nuit, une seule et unique nuit, les sept continents se sont rapprochés, et ont fusionné pour ne former qu’une seule et grande terre. Inutile de vous dire que la planète a perdu des milliers d’âmes, cette nuit-là. La rapidité des mouvements a été telle que de terribles tremblements de terre, de tempêtes, ne balaient la totalité ou presque des habitants de Nargareth. Et depuis ce jour, nous vivons, toutes les races, sur le même grand continent. Pendant de longs siècles, les peuples ont essayé de perdurer, en survivant tant bien que mal. Les Elfes se sont cachés dans les plus grandes forêts, les Nains sont allés se terrer dans les montagnes, et ainsi de suite. »

Il ne lui donnait qu’une version édulcorée des choses. Après le cataclysme, l’établissement de toutes ces races avaient été lent. Le monde venait d’être amputer d’une grande partie de ses habitants, il fallait apprendre à vivre sur une unique terre... Et ça avait forcément mené à la suite.

« Ce qui a amené la guerre, évidemment. Autant de races antinomiques sur la même terre ? Le conflit a vite éclaté. Un siècle de guerre. Un siècle où le destin des peuples n’a été que le combat. Les races se sont battues, entretuées. Sans relâche. Et sans jamais que l’une d’entre elles ne cède. Ca a été une période réellement sombre pour Nargareth. Les rancunes entre les peuples avaient atteint leur paroxysme. »

La suite était l’exploit. L’arrivée d’une personne précise. Héroïque, presque, qui avait su faire parler la diplomatie.

« Si rien n’avait été fait, nous nous serions exterminé, et je n’aurai jamais vu le jour. Mais, un beau jour, il y a une cinquantaine d’année, un jeune roi a prit le pouvoir dans le royaume humain. Il n’avait pas beaucoup de personnalité, peu de caractère. Mais il avait prit pour épouse une jeune noble ambitieuse et pleine de qualités. La Reine Claire. Elle était devenue la vraie souveraine de notre royaume. Son mari lui a laissé toute latitude. Et elle a mit fin à la guerre. Envoyant des ambassadeurs et des diplomates dans tous les royaumes pour parler aux souverains, en les accompagnant elle-même, elle a mit un terme à la guerre par la seule force de sa persuasion et de sa personnalité. Elle a uni les peuples sous une seule bannière, et ils l’ont même élu Reine du continent. Les races ont commencé à se mélanger entre elles, à vivre ensemble. Depuis... Une paix durable règne. Voilà pourquoi j’ai fini par me mettre au service de cette Reine, qui est encore au pouvoir aujourd’hui, et maintient la paix à chaque instant. Parce qu’elle a réussi où tout le monde avait échoué. Parce que c’est une femme que chacun respecte. Et moi également... »

Malheureusement, toutes les belles histoires ont une fin, et celle-ci n’échappait pas à la règle. Le visage de Chipp s’assombrit, alors qu’il était plus ouvert, plus souriant auparavant. Là encore, il ne lui avait livré qu’un résumé des événements. Tout raconter dans les détails auraient été bien trop longs.

« Malheureusement... Il y a environ trois ans, les géographes de notre monde ont découvert une chose étonnante : une autre plaque de terre, de l’autre côté de la planète. Un autre continent, de la même taille que le nôtre, que personne n’avait vu auparavant. Qui semblait ne pas exister. Mais il était là. La Reine y a envoyé de petites expéditions. C’était la mission dont je vous parlais, à laquelle j’ai participé. Nous avons posé le pied sur ces terres. Elles semblaient inhabitées, et le climat était différent du nôtre. Des jungles humides, tropicales. C’est tout ce que nous avons vu. Nous sommes vite repartis. Nous devions seulement établir un contact avec les éventuels autochtones, mais nous n’avons croisé personne, alors nous sommes repartis. Il n’était pas prudent de s’enfoncer dans les terres. Mais, en revenant à la Capitale, nous avons apprit que les autres expéditions - qui avaient été envoyés sur d’autres côtes pour couvrir plus de terrain. - n’étaient jamais revenus. Les hommes et les navires avaient disparus. Morts et détruits, probablement. Ce qui indiquait probablement la présence de peuplades vindicatives. »

Il avait été atterré en apprenant la nouvelle. Les chances qu’ils aient été la seule expédition survivante étaient faibles, et ils avaient même été accusés d’avoir trahi la mission, et la couronne. Mais ça n’avait pas duré.

« Quelques jours plus tard... La Reine a subi une tentative d’assassinat. Et elle aurait été réussi, sans la présence de sa doublure, qui est morte à sa place. La nouvelle a secoué le continent tout entier. Qui avait bien pu en vouloir assez à Claire pour commanditer son assassinat ? Elle était aimée de tous, y compris des représentants des autres races qu’humaine ! C’est là que la situation a dégénéré. Les Nains ont accusé les Elfes, les Vampires ont accusé les Lycanthropes. Les vieilles tensions, les vieilles rancoeurs sont réapparues... Et c’est pourquoi la guerre menace de nouveau. Néanmoins, après enquête, il s’est avéré que le tueur venait du continent mystérieux. Mais ça n’a pas suffit à apaiser les doutes. Une nouvelle expédition devait se conduire là-bas, je devais en faire parti... Mais j’ai été envoyé ici, sur Terra, alors... Je ne la verrais probablement pas. »

Il soupira. Avant de baisser la tête. Il n’avait parlé ni des Anges, ni des Démons, parce qu’ils n’avaient pas leur place dans l’équation. Ils étaient liés à Nargareth mais venaient d’un autre plan. Les Anges et les Démons se menaient une guerre millénaire qui ne regardaient qu’eux. Ca, Chipp l’avait apprit par son père. Ce dernier avait aimé une représentante de la race angélique, et il avait été dans leur plan dans sa jeunesse, mais peu de personnes était au courant de l’existence de ces races. Elles tenaient du mythe pour la plupart des habitants de Nargareth. Mais Chipp, comme le peu d’autres personnes au courant, savaient que si les Démons vainquaient les Anges, ils prendraient le contrôle de la planète et des mortels, et ce serait le chaos. Mais c’était une autre histoire, une autre réalité. Chipp y était plongé jusqu’au cou, mais il n’avait pas à en parler. Ce serait également trop long...

« Voilà. Vous avez la réponse à la plupart de vos questions, j’imagine. Je me suis efforcé d’être clair et concis... Si des points vous semblent obscurs, n’hésitez pas à demander des précisions, j’essaierai de faire au mieux pour que vous compreniez tout. »

Il lui offrit un nouveau sourire, son regard rougeoyant planté dans celui d’Alice. Il avait sûrement oublié certaines choses ou était passé rapidement sur certains détails, mais en résumant l’histoire d’une planète, ce n’était pas très étonnant. Il espérait qu’Alice verrait la vérité dans ses propos. Peut-être aurait-elle tendance à croire à son histoire, au final. Pas seulement parce qu’il ne voulait pas d’ennuis. Mais parce qu’elle était authentique...
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le mardi 04 septembre 2012, 15:43:57
Il parla, et, silencieusement, elle l’écouta. Il commença par parler de lui, se décrivant comme le fils d’une ange, et ayant grandi dans un cirque. Elle n’en fut qu’à moitié surprise. En soi, il était plus fréquent qu’on ne le pensait que des anges décident de s’accoupler avec des mortels, et de fonder des familles. Sur Terra, les Cieux déconseillaient toutefois fortement ce genre de croisement, car on ignorait quelles pouvaient en être les résultats sur la descendance. D’après ce qu’elle savait, les Archanges recommandaient aux Anges voulant se lier avec des mortels de devenir eux-mêmes des mortels. On leur coupait les ailes, tout simplement, et l’ange devenait un simple humain. Cependant, les choses étaient peut-être différentes sur Nargareth. Alice n’osa pas lui demander de quoi sa mère était morte ; elle savait que c’était douloureux d’en parler. Oui, elle le savait même plutôt bien, vu qu’elle n’avait jamais connu la sienne. Comment quelque chose qu’on n’avait jamais connue pouvait vous manquer ? C’était pourtant le cas pour la Princesse, qui, de sa mère, ne pouvait se fier qu’aux témoignages qu’on en disait. Tywill, son père, n’en parlait quasiment jamais, car il avait probablement honte de ce qu’il avait fait. Même Alice ne connaissait pas tous les détails de cette histoire sordide.

Chipp avait choisi de quitter le cirque pour rejoindre les services de la Reine, et accomplir des missions pour elle. Notamment une... Mais il laissa son récit en suspens, en profitant pour décrire Nargareth. Était-ce un délire issu de son imagination, ou la vérité ? Il était difficile de le dire. Son histoire semblait cohérente, mais le délire d’un fou semblait toujours cohérent. Il ne fallait pas se laisser abuser, Alice le savait, mais, pour autant, son histoire était intéressante. Semblait-elle crédible ? Pas vraiment. Il y avait ce curieux phénomène qui avait permis de rapprocher les continents entre eux... Alice n’était pas géologue, mais, de ce qu’elle savait de la planète et du mouvement des plaques tectoniques, ce processus s’étalait sur des millions d’années. Soit on avait menti à Chipp, soit il était dans l’erreur, soit il s’était passé quelque chose d’inexplicable, un phénomène magique majeur qui aurait pu, à lui seul, expliquer ceci. Alice allait devoir faire des recherches, afin de déterminer si une telle chose était possible. Des mages avaient sûrement du en parler à l’académie impériale d’Ashnard... Mais ceci nécessitait de voyager jusqu’à la capitale. Quoi qu’elle fasse, la Princesse revenait toujours au même point : un voyage vers la capitale, voyage qui ne l’enchantait guère. Non suelement la capitale était éloignée, mais les Ashnardiens, soit la prenaient pour un monstre, soit voulaient à tout prix la courtiser. Qu’elle soit mariée ne changeait pas grand-chose, car, beaucoup de nobles, Sakura ne signifiait rien. C’était en soi exact, car elle était une ancienne esclave. Beaucoup de nobles voyaient ce mariage comme une excentricité sylvandine, et envisageaient de séduire Alice pour qu’elle divorce. Elle avait donc beaucoup de raisons de ne pas vouloir d’un voyage long et éprouvant, mais quelque chose lui disait que cette éventualité devenait de plus en plus probable.

Nargareth comprenait plusieurs ethnies, qui étaient rentrés en guerre. Soit... Des guerres raciales, Terra en avait aussi connu, selon les historiens, notamment entre les elfes et les nains, les « anciennes races ». Ces conflits étaient toutefois latents, maintenant. L’humanité s’était imposée, et, si les nains et les elfes éprouvaient encore des rivalités, il n’y avait plus de guerres raciales... Du moins, entre eux, car le racisme était invincible. Il s’instaurait maintenant plutôt entre humains et non-humains, de plus en plus d’humains percevant les non-humains comme de la racaille. Ce n’était pas vraiment le cas dans l’Empire, car l’Empire, d’ascendance démoniaque, était cosmopolite. Mais il existait des royaumes où c’était le cas, et où l’Empire tirait profit de cette situation en finançant, en entraînant, et en armant des mouvements terroristes non-humains, afin d’affaiblir les royaumes, puis arrêter ensuite plus facilement les terroristes, une fois le royaume vaincu. Cette stratégie faisait partie des stratégies modernes de la guerre que les Ashnardiens employaient. La guerre avait été stoppée à Nargareth par les efforts diplomatiques d’une seule femme, ce qui, là encore, surprit un peu Alice. Elle connaissait suffisamment les relations internationales pour savoir que la diplomatie n’était qu’un écran de fumée. Concrètement, des États ne songeaient à la diplomatie que quand l’option militaire impliquait des pertes trop élevées. Et, en tant qu’Ashnardienne, elle voyait surtout en la diplomatie une forme latente et passive de manipulation. Mais soit...

*Ne sois pas si sceptique, Alice. S’il y avait eu une guerre d’un siècle sans interruption à l’échelle planétaire, il est probable que les dirigeants soient beaucoup plus tournés vers la diplomatie que vers la continuation de la guerre...*

Ce n’était en tout cas pas le cas entre Nexus et Ashnard, qui étaient déjà en guerre quand Alice avait ouvert les yeux. Et cette guerre, par son ampleur, était planétaire. Deux des trois puissances majeures se faisaient la guerre d’arrache-pied, et l’option diplomatique semblait inconcevable. Chipp en profita pour revenir à sa mission, expliquant qu’il y avait un autre continent à Nargareth, un continent sauvage, et qui, visiblement, posait problème. Quelqu’un cherchait à assassiner la Reine, et réveillait les vieilles velléités, menaçant ainsi qu’une guerre n’éclate.

Avec toutes ces explications, Alice comprenait un peu mieux le problème de Chipp, mais ne savait toujours pas s’il fallait le croire ou non. Cette histoire ressemblait à un roman pour enfants, avec des péripéties, des intrigues, une belle reine à sauver, et des complots... Peut-être que Chipp l’avait lu dans un livre, et que son esprit fracturé s’était reconstruit autour de cette histoire. Ou peut-être qu’il disait vraiment la vérité. Dans l’indécision, autant lui accorder le bénéfice du doute.

« D’accord..., dit-elle après un bref moment, lui permettant de remettre de l’ordre dans son esprit. Je crois que, peu importe la manière dont on retourne cette histoire, une visite à la capitale est nécessaire. »

Que ce soit pour corroborer ou infirmer son histoire, Alice ne pouvait le faire d’ici.

« Malheureusement, une tempête vient d’éclater, et, quand c’est le cas, les ponts permettant de quitter Sylvandell sont fermés, pour éviter qu’ils ne se brisent. »

En conclusion, Chipp était coincé là.

« Vous pouvez continuer à vous instruire, si vous le souhaitez. Autrement, vous pouvez toujours visiter le royaume... »

Elle s’arrêta là, ayant l’impression de ressembler à une agence de voyage, et soupira lentement, puis reprit :

« Et, si vous voulez revoir Mala, n’hésitez pas à me le demander... Bien que vous ne soyez pas l’un de mes sujets, j’essaierai de vous aider. »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le jeudi 13 septembre 2012, 18:14:06
Elle acquiesça après un moment de réflexion silencieuse, et le jeune homme inclina un peu la tête. Si elle l’avait cru inconditionnellement, il aurait été surpris. Sa réaction cadrait à peu près avec ce qu’avait attendu le jeune homme. Ç’aurait été un miracle qu’il en soit autrement. En tous les cas, il sourit lorsqu’elle parla du voyage à la Capitale. Effectivement, il n’imaginait pas pouvoir trouver des réponses à Sylvandell. Non qu’il n’avait pas conscience en la pertinence de leurs érudits ou de leurs mages, mais le problème qu’il avait amené avec lui ne pouvait se régler aussi facilement que ce à quoi ils devaient avoir l’habitude. Il hocha la tête pour appuyer les dires d’Alice. Et si la tempête le coinçait à Sylvandell un moment... Ca l’embêtait de devoir attendre, mais il n’avait pas le choix. En cela, autant qu’il utilise son temps efficacement. Elle lui suggéra plusieurs solutions, s’instruire encore, visiter le royaume, ou revoir la jeune femme qui était avec la princesse à son réveil. Il étudia les propositions, avant de refermer le livre qui était posé devant lui.

« Assez d’instruction. Après tout, je suis un homme d’actions qu’un homme d’éruditions, et vous avez répondu à mes questions les plus prioritaires. »

Il sourit, avant de remarquer l’air peu enjoué de la princesse. Soupirant, affichant une moue contrite, il s’inclina légèrement, parlant d’une voix douce et légère.

« Je suis vraiment navré des problèmes que je vous apporte. Et de vous imposer ma présence de la sorte. J’imagine que vous avez maintes choses à faire plus intéressantes que de faire la conversation à un homme étrange venu d’on ne sait où... »

Son visage s’éclaira d’un petit sourire d’excuses gêné. Il repoussa la chaise, continuant de fixer Alice.

« Pour réparer ça, je peux vous proposer mon aide. Si vous avez une tâche quelconque à me confier, n’hésitez pas. Même si je ne suis pas un de vos sujets, vous m’avez été d’une aide certaine, et si je peux me rendre utile en quoique ce soit... »

Il croisa les bras sur sa poitrine. L’esprit en ébullition, toujours. Qu’allait-il faire, dans l’immédiat ?...

S’il devait entreprendre un voyage long vers la Capitale, il lui faudrait se préparer. Si Alice avait raison, les terres de Terra étaient dangereuses, et même s’il était accompagné, la route risquait de s’avérer compliquée et pleine de dangers. Et il se sentait un peu faible depuis son réveil. La malédiction ne s’était pas manifestée, signe qu’elle semblait peut-être vivre ce changement de monde comme un événement imprévu pour la prophétie. L’entité qui habitait le jeune homme ne devait pas encore savoir comment réagir à la situation, mais il était évident qu’au moment où elle se manifesterait à nouveau, ce serait douloureux. En attendant, il fallait que Chipp soit prêt à parer aux éventuels problèmes qui se poseraient à lui pendant le voyage vers la capitale. Ainsi, il reporta son attention sur Alice.

« J’irai voir Mala plus tard, je pense. Peut-être aura-t-elle certaines réponses. Et si ce n’est pas le cas, peut-être pourra-t-elle pronostiquer que je dis la vérité, et que mon histoire n’est pas sorti d’un recoin de mon imaginaire. »

Il inclina la tête.

« En attendant, j’aimerai vous demander : auriez-vous, ici à Sylvandell, un terrain d’entraînement aux armes, ou quoique ce soit s’en approchant ? Depuis mon réveil, je suis un peu vaseux, un peu engourdi. Un peu d’exercices me ferait du bien, je pense. Si c’est possible. »

Tout en parlant, il avait empilé les livres qu’il avait emprunté, les soulevant avant de se diriger dans les rayons autour de la table pour les ranger précisément aux endroits où il les avait pris. Il espérait n’avoir pas trop importuné la princesse, et qu’elle pourrait répondre à sa requête. Et puis, elle était plutôt mignonne, et quelques minutes de plus en compagnie d’une jolie femme n’étaient jamais perdues...
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 15 septembre 2012, 01:29:51
La conversation touchait à son terme. Alice ne pouvait rien faire d’autre pour ce brave Chipp. Ce n’était plus en son pouvoir de l’aider. Elle pouvait lui offrir une carte pour aller jusqu’à la Capitale, mais elle se voyait mal l’accompagner jusqu’au cœur d’Ashnard. Il devrait accomplir ce périple seul. La Princesse ne pouvait pas le soutenir jusque-là. Alice se redressa lentement, alors que Chipp lui demandait s’il pouvait être utile à quelque chose ici. Elle ne répondit pas, car la réponse était logique, et coulait d’elle-même. Elle ne pouvait être que négative, en tout cas pour ce qui concerne les activités au château. On ne laisserait jamais un inconnu dans l’enceinte du Château. Même ici, dans la bibliothèque, il ne se passait pas dix secondes sans qu’un garde ne s’approche. Ce n’était pas tant Chipp qui était étroitement surveillé que la Princesse héritière. Sa constitution physique en faisait, selon les critères sylvandins, une femme fragile, une créature qu’il fallait protéger. Elle était le point fort et le point faible de Sylvandell. Sa mise en danger aurait de graves conséquences sur l’intégrité du royaume, sur sa survie et son existence. Et le Roi savait qu’Alice était par nature intrépide et aventureuse, un trait de caractère (l’un des rares) qu’elle avait malheureusement hérité de lui.

Chipp s’excusait pour gêner la Princesse, mais elle se contenta de hausser les épaules, balayant avec un léger sourire les inquiétudes du brave homme. Elle haussa simplement les épaules. Chipp ne s’en rendait pas compte, mais ses problèmes, originaux, rendaient aussi service à la Princesse. Le brave poursuivit sur sa lancée en lui demandant s’il y avait un endroit où il pouvait s’entraîner. Alice haussa les épaules et se racla lentement la gorge.

« Oui... Oui, il y en a, bien sûr... » lança-t-elle, reprenant ses esprits.

Allons savoir pourquoi, la Princesse était partie dans ses pensées. Elle revint au moment présent, essayant de ne pas montrer sa nervosité à l’approche de Cirillia, et parla un peu, commençant à exposer à Chipp des choses évidentes.

« Sylvandell est un royaume guerrier. Il y a quantité d’arènes dans la ville haute. Beaucoup sont ouvertes au public, et sont constamment l’occasion de défis et de compétitions improvisées. Alors, vous devriez facilement trouver de quoi vous entraîner, mais... J’imagine qu’il vous faudra votre épée, non ? Je vais mander à un garde de vous l’apporter. »

C’était bel et bien une marque de confiance, mais, à dire vrai, Alice ne risquait pas grand-chose... Partant de là, un individu cynique aurait tôt fait de dire que la confiance que la Princesse lui vouait était assez atténuée. Cependant, on n’était pas dans une comédie de basse-cour ici. Alice ne pouvait pas se permettre de faire confiance simplement au faciès ou aux histoires que les gens racontaient ; elle n’aurait pas fait une bonne dirigeante, dans ce cas. Elle poursuivit donc, réfléchissant à ses propos :

« Je veux bien vous fournir une carte de l’Empire, mais vous comprendrez que je ne peux pas faire grand-chose de plus. Il vous est loisible de partir à pied vers la capitale, mais vous devez savoir que nous en sommes très éloignés. Le mieux serait donc de vous procurer un cheval. Nous avons quelques écuries dans les plaines qui peuvent en vendre, mais il n’y a pas de chevaux sauvages dans le royaume. De plus, vous devez savoir que, statistiquement, un individu qui s’aventure seul, sans aucune protection, finit très rapidement par être esclave. »

Dans un monde féodal, l’individu en tant que tel n’avait qu’une importance virtuelle ; le plus important était le groupe, la corporation. Il fallait faire partie d’un cercle, d’un groupement, d’une corporation quelconque, afin de bénéficier de la protection de ce groupement. Chipp pouvait prétendre à la protection sylvandine, efficace dans l’Empire, mais il lui fallait pour cela être naturalisé Sylvandin. Alice ne lui avait expliqué qu’une partie des choses quand elle lui avait exposé la possibilité d’être naturalisé citoyen ashnardien. Elle avait volontairement simplifié, mais, même au bout du délai d’un mois, Chipp ne serait pas un citoyen, plutôt... Plutôt un simple réfugié. Pour devenir citoyen, il fallait encore remplir d’autres conditions L’obtention de la nationalité fonctionnait, sur le principe, comme dans n’importe quel État, à travers. Soit on pouvait l’attribuer, et il fallait alors dissocier entre le « jus sanguinis » et le « jus solis », soit l’acquérir, à travers plusieurs scénarios possibles : la naissance dans l’État, le mariage, ou la naturalisation. C’était par le mariage que Sakura avait acquis la nationalité sylvandine, et, partant de là, le droit de bénéficier aussi de la nationalité ashnardienne.

Tout ceci n’était pas bien compliqué, mais ça aurait fait beaucoup à avaler, aussi Alice avait-elle été à l’essentiel, en limitant ses explications juridiques au droit des apatrides et des réfugiés politiques. Elle poursuivit donc.

« Il y a deux formes de protection reconnues au sein de l’Empire : la protection publique, qui découle des collectivités publiques, comme Sylvandell, et la protection privée. La protection privée offre l’avantage d’être extraterritorial, car il s’agit de toutes les guildes et corporations, qui ont généralement des influences internationales. Cependant, elle est moins forte qu’une protection publique, mais, en ce qui vous concerne, le mieux serait que vous rejoigniez une guilde ou une corporation. Si vous êtes un si bon combattant, je pourrais vous donner l’adresse de quelques guildes qui ont des bureaux dans la partie basse de la ville. »

Alice le lui recommandait chaudement. Il fallait s’appeler Cirillia pour arpenter seule Terra. Et, encore, elle n’était pas totalement seule, puisqu’elle bénéficiait de l’aide de son frère. Chipp, lui, ne connaissait personne, et, à moins d’avoir un pouvoir secret colossal, son aventure sur Terra risquait de fortement s’écourter, s’il ne se trouvait pas une protection. Alice hocha lentement la tête, et se redressa.

« Vous aurez le temps d’y réfléchir. Je vais vous montrer les arènes de combat. »

Comme Chipp n’avait pas encore son arme, Alice choisit d’aller vers une arène de pugilistes. Des combats à mains nues. Elle sortit de la bibliothèque, et n’eut aucune difficulté à trouver la zone de combat. C’était une estrade en bois où un homme présentait un champion, un chauve musclé et baraqué.

« 500 pièces d’or, jeunes gens, à celui qui viendra à bout d’Hyptose le Terrible ! Les frais d’inscription ne sont que de dix pièces d’argent ! Avouez que c’est une affaire ! »

Alice eut un léger sourire en tournant sa tête vers Chipp :

« Je peux vous avancer la somme, si vous voulez... Du moins, sauf si vous désirez attendre qu’on vous ramène votre arme... »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le samedi 15 septembre 2012, 04:17:18
Au moins, il avait réussi à la convaincre de lui faire assez confiance pour lui rendre son épée. De toute façon, même s’il avait de mauvaises intentions au sujet de la princesse, il n’était pas encore assez fou pour attenter à sa vie en plein milieu de son royaume, et en plein milieu de sa ville. Cela signerait son arrêt de mort, et il tenait encore beaucoup à sa vie. Il savait qu’elle serait irrémédiablement courte, et il ne comptait pas vraiment l’écourter un peu plus encore.
Il écouta ce que la Princesse avait à lui dire. Bien sûr, il n’avait jamais pensé qu’elle l’accompagnerait à la Capitale, ni quoique ce soit de ce genre. Il pensait déjà avoir usé assez du temps de la jeune femme. Et puis, ses idées n’étaient pas dépourvues de sens. Un cheval, par exemple, serait un excellent investissement. L’ennui étant qu’il n’avait aucune richesse. Par contre, la suggestion d’Alice concernant le fait de rejoindre une guilde pour bénéficier d’une protection ne le séduisait pas vraiment. Il comprenait que les dangers devaient être très nombreux dans le monde de Terra, mais c’était toujours le cas. Et il avait été un voyageur solitaire pendant de longues années. Il savait se débrouiller pour survivre en pleine nature, il était un guerrier accompli, et il avait toujours vécu plus ou moins seul. Il sourit cependant, ne révélant pas ses plans à la princesse. Il la suivit néanmoins alors qu’elle le guidait hors de la bibliothèque. Ils se retrouvèrent à l’extérieur, et le jeune guerrier songea à ce que la demoiselle lui avait dit. Si ces défis ou ses compétitions dont elle avait parlé étaient sérieux, il pourrait peut-être gagner assez d’argents pour acheter une monture et quelques provisions pour la route. Il chasserait la majeure partie du temps, mais il aimait partir avec un minimum de vivre au cas où il s’aventurerait dans des terres trop peu fertiles pour satisfaire à ses besoins vitaux.

Visiblement, la princesse avait choisi une arène pour les pugilistes. Étant donné que son épée n’avait pas encore été rapportée, c’était un choix judicieux. Chipp se débrouillait à merveille à mains nues, même si ce n’était pas sa discipline de prédilection. Après tout, il était un épéiste avant tout. Et en contemplant les alentours, il sentit son amour pour le combat le reprendre. Peut-être trouverait-il dans ce monde des adversaires à sa mesure... En attendant de pouvoir rentrer. Il ne connaissait que peu de gens, sur le continent d’où il venait, capable de rivaliser avec lui à l’épée. Cinq ou six personnes devaient être au même niveau que lui, et il connaissait les quatre guerriers qui surpassaient son niveau. Et trois d’entre eux voulaient le tuer. Une vie amplement joyeuse, en d’autres termes, d’autant plus que l’une de ces trois personnes étaient son père.

Il fut interrompu dans ses pensées par une voix qui s’éleva alors qu’ils s’approchaient d’une estrade en bois.

« 500 pièces d’or, jeunes gens, à celui qui viendra à bout d’Hyptose le Terrible ! Les frais d’inscription ne sont que de dix pièces d’argent ! Avouez que c’est une affaire ! »

Les yeux du jeune homme s’illuminèrent. 500 pièces d’or. C’était bien plus qu’il n’en fallait pour acheter une monture et des vivres. Avec cette somme, il pourrait partir serein. Malheureusement, il déchanta vite. Il n’avait pas de pièces d’argent pour l’inscription.
Alice vola à son secours, annonçant qu’elle pouvait lui avancer l’argent s’il le voulait. Il lui dédia un grand sourire avenant, la remerciant de toute la force de son regard rouge.

« Cela ferait de moi votre débiteur... Mais j’accepte. Et je vous garantis que je vous rembourserai quand j’aurai gagné. »

Il sourit à nouveau, avant de lever la main et de s’avancer vers l’estrade pendant que la jeune femme réglait l’inscription...

Et sa maladresse frappa pour la première fois depuis son arrivée à Terra. Au moment de poser le pied sur l’estrade, le bout de sa chaussure glissa sur le bord de la marche. Ainsi, il bascula en avant, et trébucha, son menton venant s’écraser contre le bois. Un craquement résonna, avant qu’il ne grogne de douleur en essayant de se redresser, laissant une trace d’hémoglobine à l’entrée où sa tête avait tapé. Des éclats de rire retentirent dans les spectateurs venus assister à la compétition, et l'annonceur du combat lança un commentaire désobligeant tandis que Chipp remontait, cette fois sans encombre, pour faire face à son adversaire.

Ce dernier affichait un visage confiant, sûr de lui après avoir contempler la maladresse du combattant qui souhaitait se mesurer à lui.

Le jeune guerrier amnésique croisa les bras sur sa poitrine, avant de poser ses mains sur son haut pour le retirer prestement, se mettant ainsi dans la même disposition que Hyptose, qui était torse nu.
Et lorsque l’étoffe quitta le torse de Chipp, les éclats de rire s’étouffèrent dans la gorge de ceux qui regardaient la scène. Ils purent tous contempler les innombrables cicatrices lardant le haut du corps du challenger. Il ne faisait aucun doute que les tortures qu’avait subi l’homme se trouvant devant eux surpassaient tous ce que la décence tolérait, et qu’il avait souffert plus que quiconque. Certains pans de sa peau nue donnaient même l’impression d’avoir été recousu ensemble, comme un ignoble patchwork. Il possédait également une gigantesque cicatrice barrant diagonalement son dos, qui surpassait toutes les autres en terme de longueur et de largeur. Une nouvelle fois, Chipp se félicita de la magie que lui avait apprise Orthos, son vieux mentor angélique, qui lui permettait de cacher son aile immaculée.

Il n’aimait généralement pas dévoiler ses cicatrices ainsi, et surtout pas devant un public, mais il savait que le mental jouait un rôle particulier pendant les combats, et il s’était ridiculisé assez pour perdre l’avantage avant même le début du pugilat. Avec la révélation de son corps meurtri, il espérait avoir rééquilibrer le tout. Il laissa son regard rougeoyant errer sur son adversaire. Ledit Hyptose était un homme tout en muscles, chauve et d’une taille supérieure. Il avait un visage dur, et ses yeux noirs lançaient des éclairs de défis. Chipp, lui était presque son opposé. Nonchalant, il était musclé également, mais son corps était plus svelte, sa musculature plus subtile qu’un gros paquet de pectoraux saillants. Il n’avait pas réellement l’air d’un guerrier, au premier abord, surtout avec la disparition de son haut. Habillé, il pouvait passer pour un combattant aguerri, mais une fois ses oripeaux disparus, son physique n’était pas si impressionnant. Séduisant - si on excluait les cicatrices - et agile, mais peu impressionnant. À l’inverse, il dégageait une force tranquille, un charisme que l’on ne pouvait négliger.

L’annonceur s’avança, alors que la foule semblait acquise au suivi du combat, qui semblait promettre beaucoup.

« Alors, pour 500 pièces d’or... Battez-vous, messieurs ! Le premier homme dans l’incapacité de se relever sera déclaré vaincu. »

À peine eut-il abaissé son bras qu’Hyptose chargea sans préambule. Chipp n’en fut pas surpris. Son adversaire du jour semblait être du genre à imposer son rythme et écraser son opposant par sa force physique pour ne lui laisser aucune chance de répliquer face à ses assauts furieux. Cela arrangeait le jeune guerrier. Il savait y faire avec ceux qui sous-estimaient sa puissance physique. Il esquiva un premier coup de poing qui fusait vers son visage, décalant son corps vers la droite. Il laissa traîner sa jambe, sachant pertinemment que l’élan d’Hyptose ne lui permettrait pas de s’arrêter à temps pour l’esquiver. L’autre butta sur son pied, basculant vers l’avant. Chipp sourit, persuadé d’avoir déjà mis à terre une première fois l’importun.

Une douleur cuisante explosa dans sa tête lorsqu’il sentit les phalanges de son adversaire s’écraser sur sa pommette, fendant la peau légèrement, le faisant légèrement décoller du sol. Il se réceptionna et recula de quelques pas, secouant la tête pour reprendre ses esprits. Il l’avait mal jugé. Hyptose n’avait pas trébuché, se rattrapant par une vivacité que le jeune homme n’aurait pu imaginer. Et ses coups étaient des coups d’enclume. Chipp essuya son sang sur sa joue du revers de la main, ses yeux rouges fixés sur son adversaire qui souriait doucement.

Une fois encore, il ne bougea pas, laissant Hyptose venir à lui. Il évita deux coups de poing, deux crochets qui n’atteignirent par leur cible. Il se déporta vers la gauche pour éviter un nouveau coup et placer un contre, tournant ses épaules vers son opposant. Son bras droit se leva, légèrement plié, et il banda ses muscles pour envoyer tout son poids dans sa frappe, se servant de la force de son ennemi contre lui. Le poing de Chipp cueillit Hyptose à la tempe, le sonnant une demi-seconde. Temps qui suffit à Chipp pour passer devant la montagne, et lui asséner une série de coups au niveau du ventre, afin de lui couper le souffle. Lorsqu’il sentit la garde du Terrible se relever, il se pencha légèrement en avant, et remonta le poing pour balancer un uppercut dans le menton du pugiliste, sous ses bras levés. Ce dernier ne broncha pas. Le coup avait bien porté, mais il avait eu la force nécessaire pour ne pas tomber. Surpris de l'inefficacité de l’assaut, Chipp laissa une ouverture, que saisit son adversaire pour lui balancer un direct en plein visage. Par un réflexe conditionné par des années d’entraînement, Chipp tourna la tête et encaissa le coup dans la joue pour minimiser les dégâts sans reculer toutefois, avant de repousser la main en se penchant à nouveau.

« Tu vas tomber ?! »

Boum, nouvel uppercut qui suivit le premier. Enchaîné avec un deuxième, de l’autre main, qui cette fois fit sauter une dent à Hyptose, dent qui s’envola jusqu’au sol, devant la foule. Et la montagne s’écroula plus loin.

Chipp recula, secouant la tête, jaugeant des dégâts reçus. Encore un ou deux coups de la sorte et il serait hors de combat, mais il espérait que son adversaire était dans le même état. Ce dernier remua, et se redressa tant bien que mal, les yeux voilés tout de même par la douleur. Et ce fut à ce moment que le réel revint à la charge.

La foule était en délire. Applaudissant et encourageant les deux combattants qui leur donnaient pareil spectacle. Chipp, concentré exclusivement sur son combat, ne l’avait pas entendu plus tôt, et cette clameur l’emplit de force et de confiance. Décidant d’en jouer, il leva les deux bras au ciel, entraînant un nouveau cri repris par tout ceux qui observaient le combat.

Hyptose venait de se redresser. Le combat pouvait reprendre... Et la fin en était proche.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 15 septembre 2012, 12:11:57
Quand on remarqua la présence de la Princesse, les cris d’encouragement se turent brièvement, les badauds se tapant les épaules en regardant Alice s’approcher d’eux.

« Hey ! Regarde qui v’là ! C’est la Princesse !
 -  La Princesse...
 -  Elle est aussi belle que ce qu’on en dit ! »

Alice s’approcha de l’un des responsables de l’arène, rougissant légèrement, sortit une pièce. A peine s’était-elle approchée des badauds que plusieurs soldats étaient également venus. Ils auraient normalement du rester collés contre elle, mais, à chaque fois qu’ils faisaient ça, Alice s’énervait. Par conséquent, les soldats restaient à distance, tout en étant suffisamment proches pour rapidement rattraper la Princesse. Elle men tirait en disant que ça la laissait indifférente. Elle aimait bien qu’on parle d’elle, et sa beauté suffisait généralement à attirer tous les regards. Elle donna une pièce d’argent, et Chipp monta alors sur scène... Pour heurter une marche et tomber au sol, déclenchant l’hilarité du public.

« Ce doit être le nouveau bouffon !
 -  Mon gars, avertit l’arbitre, je sais qu’on se damnerait pour les beaux yeux de la Princesse, mais Hyptose ne rigole pas. Tu peux toujours renoncer. »

Alice ne dit rien, s’écartant un peu, et personne ne vint la voir. Les hommes la regardaient de temps en temps, louchant parfois sur sa poitrine, mais se dépêchant de ne pas trop la regarder. Ce serait irrespectueux, et les gardes pouvaient volontiers leur coller des contraventions s’ils louchaient un peu trop sur le corps de la Princesse. Alice avait un léger sourire en coin. Elle savait qu’elle était un objet de fantasmes, et le savait depuis qu’elle avait trouvé, grâce à ses servantes, une revue pornographique sylvandine qui affirmait, selon ses lecteurs, que la Princesse de Sylvandell était la femme sur laquelle les citoyens fantasmaient le plus.

Hyptose, de son côté, ne disait rien, regardant l’adversaire. Cet individu était l’une des récentes recrues d’une guilde de Sylvandell. Cette guilde était spécialisée dans les combats au corps-à-corps, et recrutait donc généralement dans les auberges, quand des pugilistes s’affrontaient. Ce genre de combat permettait de financer la guilde, et de la faire connaître. Hyptose se battait pour devenir compagnon de la guilde, et ainsi monter en grade. Chipp amusait la galerie, mais les rires et les quolibets cessèrent quand l’homme retira le haut de sa tenue. Alice eut une grimace en voyant le corps de l’homme, couvert de nombreuses cicatrices ici et là. Chipp avait du souffrir terriblement, et la Princesse croyait discerner dans le dos des cicatrices résultant de coups de fouets.

*Il n’a pas eu une vie facile...*

Cette constatation remettait en cause ce qu’elle croyait. Est-ce que Chipp venait vraiment d’un autre monde ? Il avait eu un lourd passé... Peut-être avait-il été torturé au point d’altérer sa mémoire ? Alice ne savait pas quoi en penser, et fronça les sourcils, tandis que le combat commençait. Hyptose chargea, prouvant que, malgré sa corpulence, il était aussi assez souple et rapide. L’entraînement de la guilde était un savant mélange entre une alimentation saine et stricte, et des entraînements physiques réguliers et rigoureux. Hyptose menait la danse, et Chipp esquivait. Alice, bras croisés, observait le déroulement du combat. Peu à peu, le public, qui doutait des performances de Chipp, en vint à l’encourager.

Le combat entre les deux était le plus long qu’Hyptose avait livré de la journée. Il perdit même l’une de ses dents, et chancela, manquant de tomber de l’estrade, ce qui aurait signé sa défaite. La tête lui tournait, et il secoua la tête, avant de retourner à l’assaut, crachant du sang sur le sol. Il avait mal, naturellement, mais tâchait d’occulter sa douleur, de s’en servir pour amplifier sa rage. Ce faisant, il était beaucoup moins attentif à sa propre défense, car il cherchait surtout à briser Chipp. Sa musculature était plus développée que celle du guerrier, et il savait qu’un coup au but suffirait à le tuer. Hyptose était un ancien pugiliste, un fils de bûcheron qui utilisait la paye de son père tous les Samedis soirs à l’auberge, afin de participer à des tournois amateurs. C’est ainsi que la guilde l’avait recruté.

« Cesse... De... Bouger !! »

Hyptose s’énervait, perdait patience, permettant ainsi à Chipp d’en finir plus facilement avec lui. Les attaques du guerrier étaient bien plus désordonnées, et il prenait de plus en plus de risque.

« Chipp ! Chipp ! Chipp ! Chipp ! » scandait la foule.

Le pugiliste grommela, et bondit sur Chipp. A nouveau, l’homme esquiva, mais Hyptose ne lui laissa pas le temps de se replier. Il bondit sur la droite, chargeant avec son épaule, et heurta Chipp, le renversant. La tête du guerrier jaillit hors du ring, et le colosse bondit sur lui, tendant ses mains pour l’attraper. Si près de la rupture... Hyptose commettait ici une erreur de jugement en se fiant essentiellement sur l’apparence de Chipp. Un gringalet aurait été suffisamment sonné par cette bourrade pour ne pas profiter de la situation, afin de renverser le colosse, qui fléchissait les jambes... Mais les blessures sur le corps de Chipp suffisaient à dire qu’il en avait bavé, et qu’il savait jouer avec sa souffrance. Pour le saisir, et le jeter hors du ring, Hyptose avait abaissé sa garde, fléchissant en effet les genoux. Une simple bourrade aurait suffi à le mettre hors du ring.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le dimanche 16 septembre 2012, 01:05:03
Il allait gagner. Il avait toujours eu un excès de confiance sur ses capacités de combattant, mais il s’était tellement entraîné, tellement battu, qu’il savait pertinemment qu’un pugiliste de l’acabit d’Hyptose n’avait aucune chance, même s’il l’avait surpris au départ. Il avait pris le coup d’épaule dans le torse, lui coupant le souffle quelques secondes, le repoussant. Sa tête vola en arrière, et il remarqua du coin de l’oeil que son adversaire voulait profiter de son déséquilibre pour le saisir et le jeter hors du ring. Se faisant, il avait plié les genoux... Et laisser une monstrueuse ouverture dans sa garde.

Maintenant !

Le jeune guerrier fit pivoter ses pieds sur le sol pour retrouver son équilibre. Et le temps sembla s’arrêter. Les cris de la foule disparurent. Le vent se mit à souffler, accompagnant le mouvement de Chipp. Un mouvement impeccablement exécuté, et d’une rapidité presque surnaturelle. Il avait plongé vers Hyptose, avait lancé son bras, et son poing avait sèchement frappé le nez du combattant, le faisant exploser dans un gerbe de sang vermeil. Un coup vif, précis, sec. Mais il en faudrait plus pour achever l’homme. Chipp se pencha en avant, se mettant presque à genoux, et il saisit les jambes de la montagne de muscles sous ses épaules, forçant sur ses biceps pour soulever l’homme au-dessus de lui presque sans difficultés. Ce dernier bascula en arrière, et Chipp profita du fait qu’ils étaient juste au bord de l’estrade pour projeter Hyptose vers le bas, en dehors du ring. Le lâchant, ce dernier vint s’écraser sur la terre ferme, au pied de la foule.

L’action n’avait duré qu’une poignée de seconde. Et le grand guerrier chauve était immobile, perdu dans les limbes de l’inconscience. Chipp recula de quelques pas, laissant l’ambiance autour de lui revenir tandis qu’il levait un bras pour signifier sa victoire et remercier ceux qui l’avaient encouragé. Il avait mal, mais c’était monnaie courante pour lui, et l’adrénaline ne retomberait pas avant un long moment. Il avait gagné son passage vers la Capitale. Et il pourrait rembourser Alice.

Dopé par les cris alentours, le jeune homme se tourna vers la princesse, lui adressant un sourire rayonnant avant de s’incliner bien bas d’une révérence parfaitement exécutée. Il saignait encore au niveau du visage, et une de ses cicatrices sur son torse s’était ouverte, mais ce n’était pas un problème. Laissant l’arbitre vérifier l’état d’Hyptose et annoncer sa victoire, il retourna au centre de l’estrade de bois, s’étirant en levant les bras au ciel, un sourire aux lèvres, tandis que la foule continuait de crier de joie grâce au spectacle de ce beau combat.

Après quelques secondes, pendant lesquelles l’arbitre parlait encore, deux jeunes gens vinrent aider Hyptose à se relever. Chipp s’inclina pour le saluer, alors qu’il se faisait escorter plus loin, sûrement pour être un minimum soigné. Le jeune homme sauta ensuite de l’estrade pour rejoindre Alice, un sourire toujours aux lèvres.

« Vous ne m’aurez pas avancé pour rien. Avec ça, je peux me procurer un cheval et de quoi manger pour le voyage. Et surtout, je peux vous rendre ces pièces d’argents que vous avez dû payer pour m’inscrire. »

Il avait récupéré son haut au passage. L’avisant un instant alors qu’il le tenait en main, il fronça les sourcils, et épongea le sang sur son visage avec le vêtement, avant de le nouer autour de son torse pour stopper le saignement de sa cicatrice. De plus, dans les minutes qui allaient suivre, l’entité en lui se manifesterait pour soigner les quelques blessures qu’il avait récolté, et il ne voulait pas spécialement que la jeune femme assiste au phénomène. Les blessures sur son visage disparaîtrait un peu plus tard, et il aurait le temps de camoufler la magie avant que ça n’arrive. Ou, tout du moins, il l’espérait. Il lança un coup d’oeil amusé à la princesse.

« Et de nouveaux vêtements, aussi. »

Il contempla l’arène un moment, avant de hocher la tête et de l’incliner de côté légèrement.

« Malgré ça, j’avoue que le pugilat n’est pas ma discipline favorite. Je me sens bien plus à l’aise une épée à la main. Mais le jeu en valait la chandelle, je pense. »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le lundi 17 septembre 2012, 11:00:01
Chipp comprit qu’il tenait sa chance, et Alice, même si elle n’aurait jamais osé l’avouer en public, sa position princière lui interdisant de prendre partie, était secrètement pour l’homme. Elle lui avait donné de l’argent, après tout ! Et, même si ça paraissait banal, cette victoire témoignait que Chipp n’était pas qu’un simple paysan. Les mots pouvaient mentir, mais pas le corps. Pour avoir réussi à regrouper ses forces après avoir été frappé par Hyptose, Chipp devait savoir se battre... Et pas se battre comme un paysan, mais comme un solide guerrier. Est-ce que ça suffisait à dire qu’il venait d’une autre planète ? Non, mais ça renforçait cette version. Il pouvait toujours s’agir d’un soldat qui avait subi un quelconqe traumatisme. Sa victoire sur Hyptose eut droit à l’ovation de la foule, tandis que la brute se relevait. On écarta Hyptose pour qu’il n’attaque pas Chipp, les pugilistes ayant parfois bien du mal à apprécier la défaite. Et il n’aurait pas été acceptable qu’Hyptose attaque un homme qui avait reçu l’argent de la part de la Princesse. Laguilde ne tenait pas à se fâcher avec le pouvoir en place. On n’était pas à Nexus, après tout.

Retournant près d’Alice, Chipp rayonnait, et se dépêcha de se rhabiller. A contrecœur, on lui remit l’or, car la guilde ne voulait pas d’histoires avec la Princesse. Il y avait effectivement de quoi acheter un cheval. Quant à la rembourser... Alice haussa les épaules, et s’empressa de faire quelques précisions :

« Pour toute transaction financière excédant une certaine somme, il est nécessaire d’aller convertir votre argent en dragons sylvandins. Ceci se fait à la mairie de la ville basse. Pensez à le faire si vous irez acheter un cheval, et... Profitez-en pour consulter les registres de vente, vous y trouverez les adresses des fermiers vendant des chevaux, et des indications sur ces derniers. »

Ce tournoi faisait exception, car il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’une transaction financière... Du moins, pas au sens où les services fiscaux de Sylvandell l’entendaient. La conversion était nécessaire pour permettre à la monnaie sylvandine de ne pas être dévaluée, et pour éviter les fraudes, même si Alice avait toujours eu du mal à comprendre le fonctionnement du monde financier.

« Quant à me rembourser... Mettez cela sur le compte de la générosité princière, glissa-t-elle en souriant. Et ne vous en faites pas pour votre épée, le garde que j’ai envoyé devrait la récupérer rapidement. »

Le garde, en question, n’avait pas trop tardé, et remit à Chipp son épée. En regardant brièvement, il réalisa que l’homme avait étalé Hyptose, et les sourcils du garde se levèrent.

« Hyptose est un costaud, avoua-t-il. Vous ne devez pas être n’importe qui pour avoir réussi à le vaincre. »

C’était exactement ce qu’Alice se disait. Il était probable que les maîtres de la guilde du combat à mains nues ne tarderaient pas à venir voir Chipp, afin de lui proposer un poste. Alice était en train de le pistonner, en gros. Elle se retourna, et commença à s’éloigner de l’enclos. Les badauds hésitaient à approcher Chipp, afin d’en savoir plus sur ce type, mais la présence de la Princesse les encouragea à réfréner leurs curiosités...

« Il y a aussi des arènes pour le combat avec les armes. Si vous voulez vous entraîner, je vais vous conduire à une cour... »

Ensuite, elle le laisserait. Alice grimpa une petite colline menant vers l’une des casernes, et s’approcha d’une arène de combat, assez similaire à l’autre, à la différence près qu’elle avait des gradins... Et que bien des gens semblaient regarder... Dont un Commandeur ? Alice manqua s’étrangler en reconnaissant la silhouette d’Oberyn, debout sur l’un des gradins. Depuis quand un Commandeur assistait à un combat d’amateurs ?!

« Cette femme est le Diable en personne !
 -  Oh... Ohhhh ! »

Le public était en liesse, et la curiosité d’Alice fut à son comble. Une femme qui suscitait le regard d’un Commandeur ? Il ne connaissait qu’une seule personne au monde qui ait réussi à accomplir cet exploit. Secouant la tête, Alice se rapprocha, incrédule, et s’humecta les lèvres. Elle poussa quelques gardes, et entendit alors une voix qui la fit rougir et sursauter :

« C’est tout ce que t’as dans le ventre, minable ?! Retourne pleurer chez ta mère, gros cul ! »

Elle poussa un autre garde, et vit la scène... Elle en eut le souffle coupé en voyant une femme esquiver une épée, puis frapper avec le pommeau de son épée la tête de son adversaire, un soldat aguerri, l’envoyant tomber dans la crasse. La foule applaudit, et Cirillia, en simple tenue de cuir, sans son armure, les regarda brièvement, avant d’hausser les épaules... Puis de voir la Princesse. Alice rougit confusément, se rappelant alors instantanément les doigts de Ciri’ venant se glisser entre ses lèvres vaginales. Elle secoua la tête, et se força à regarder Cirillia, à soutenir son regard, tandis que cette dernière sourit, puis regarda l’assistance.

« Allez, Sylvandins ! J’ai fait un long voyage, et je suis un peu rouillée ! J’ai besoin de m’exercer ! Quelqu’un voudrait-il se dévouer à un combat ? »

Il y avait beaucoup d’hésitations. Alice regarda Oberyn, qui salua la Princesse en hochant la tête. Le Commandeur n’agirait pas. Une décision sage, et la Princesse comprit qu’il était avant tout là pour surveiller cette imprévisible femme.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le lundi 17 septembre 2012, 20:41:15
Alice lui fournit des informations intéressantes quant à l’argent qu’il venait de gagner, et le moyen de trouver un cheval rapidement. Ces adresses éviteraient au guerrier de perdre du temps à chercher à l’aveuglette un éventuel vendeur d’équidés. Elle ajouta qu’elle ne souhaitait pas être remboursée, que son geste n’était que générosité. Chipp fut une petite grimace suivi d’un sourire à cette mention. Même si elle disait, il se sentait redevable. Elle ne l’aidait que bien plus qu’elle aurait dû, et même si elle ne souhaitait pas de remboursements, il gardait en tête qu’il avait une dette envers elle. Puis, le garde survint en lui rapportant son épée. Il répondit au compliment d’un sourire humble, avant de saisir la garde de son arme pour l’attacher à son baudrier, autour de sa taille. Il se sentait rassuré, avec son épée au côté. Il suivit la princesse, qui avait décidé de le mener dans une autre arène, une arène pour les épéistes. Ils gravirent une colline, arrivant sur les lieux. C’était différent. Il ne savait pas si c’était à cause de l’appréciation du public pour les disciplines martiales, mais l’endroit semblait plus visité et plus impressionnant. Il y avait non seulement des gradins, mais ceux-ci étaient complets, et il y avait beaucoup plus de monde.

Visiblement, l’effervescence et l’excitation de la foule étaient à son comble. À en juger par les cris et les phrases qu’il parvenait à capter dans le brouhaha de sons, Chipp en déduisit qu’une femme faisait forte impression. Il sourit, s’apprêtant à faire une remarque à Alice, lorsque cette dernière fila droit en direction des gardes qui l’entouraient. Elle en poussa quelques-uns, pour manifestement contempler elle-même l’objet de cette liesse populaire. Lorsqu’elle eut la vue sur l’intérieur de l’arène, elle resta ébahie. Chipp l’avait suivi de près, une main sur la garde de son arme, avant de regarder à son tour la personne qui semblait faire naître tant d’applaudissements. Il entendit une voix jaillir de l’endroit. Une voix féminine, hargneuse.

« C’est tout ce que t’as dans le ventre, minable ?! Retourne pleurer chez ta mère, gros cul ! »

Esquissant un sourire amusé, le jeune homme observa la suite des événements. Elle s’était occupée du soldat avec une aisance remarquable. Il allait louer les talents de cette femme à la princesse, lorsqu’il s’aperçut que cette dernière avait rougi lorsque son regard avait croisé celui de la combattante. Haussant un sourcil, des dizaines de questions assaillirent son esprit. Est-ce qu’Alice la connaissait ? Qui était-elle, pourquoi ce rouge à ses joues ?

« Allez, Sylvandins ! J’ai fait un long voyage, et je suis un peu rouillée ! J’ai besoin de m’exercer ! Quelqu’un voudrait-il se dévouer à un combat ? »

Au moins, il put savoir qu’elle n’était pas l’une des sujets de la princesse. Cette dernière détourna les yeux pour saluer un homme, un peu plus loin, qui lui rendit son salut. Probablement une personne d’importance dans l’entourage de la jeune femme. Mais pourquoi un homme important viendrait-il observer un combat d’arène tout à fait banal ? Une seule réponse : pour la jeune femme qui combattait. Apparemment, cette dernière avait une certaine importance. Inclinant la tête, Chipp réfléchit quelques secondes avant qu’une idée ne lui vienne. S’il pouvait attirer l’attention de personnages d’autorité autres que la princesse, cela pourrait lui être utile pour sa naturalisation, ou son voyage. Caressant du bout du doigt la garde de son épée, le jeune homme sourit et se pencha vers Alice.

« Princesse, je crois que je vais me dévouer. Je ne sais qui est cette femme et pourquoi elle vous cause tant d’émotions, mais... Je crois qu’il serait intéressant de combattre. »

Il leva une main, et sa voix grave porta jusqu’à la championne. Ou en tout cas, celle qui était en passe de le devenir.

« Je tente ma chance ! Laissez-moi passer ! »

Après avoir annoncé son intention de croiser le fer avec la jeune femme, la foule clama à nouveau, ouvrant un chemin pour que Chipp puisse s’approcher du lieu de combat. Il s’avança jusqu’à être placé devant elle, avant de s’incliner.

« Je reconnais un vrai talent chez vous, damoiselle. Permettez-moi de vous offrir une danse... »

Un son clair retentit dans l’arène, une note métallique qui résonna autour d’eux, alors qu’il tirait sa lame de son fourreau. La pointant vers le sol, il la souleva ensuite droit vers son visage, déposant ses lèvres sur le fer, avant de la tendre vers la jeune femme.

« En garde. »

Il sourit, joyeux, tremblant légèrement d’excitation. Il aimait se battre à l’épée, tellement plus qu’aux poings. Il plia un genou, glissa un bras derrière lui, et se mit de côté, adoptant une garde étrange se rapprochant de celle de l’escrime. Chose étonnante, étant donné qu’il portait une épée normale et non un fleuret. Cela ne manquerait pas de surprendre les spectateurs, la princesse, et son adversaire. Ils allaient découvrir un style de combat exotique, qu’il avait mit au point lui-même, et qu’il avait eu l’occasion de parfaire pendant de longues années...
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le jeudi 20 septembre 2012, 00:08:21
Le petit cœur de la Princesse battait rapidement la chamade. Cirillia ! Cirillia, ici ! Elle avait du faire plus vite que prévue. Elle entendit vaguement Chipp annoncer qu’il allait la défier, et elle se dépêcha surtout de rejoindre Oberyn. Le Commandeur portait une toge pour éviter qu’on ne le reconnaisse, avec un capuchon, mais la Princesse le connait depuis qu’elle était toute petite. Elle s’assit à côté de lui, tandis que Chipp montait sur l’estrade.

« Je ne vous avis pas vu aussi excité depuis fort longtemps, Princesse... » lâcha, amusé, le Commandeur.

Alice le regarda en fronçant les sourcils, réprobatrice, puis regarda à nouveau Ciri’. Pour une surprise, c’était une surprise, et elle était de taille ! La Princesse était tout simplement médusée.

« Fermez votre bouche, Princesse, enchaîna le Commandeur, c’est malséant. »

Alice rougit, et obtempéra, puis regarda Oberyn, et réussit enfin à retrouver l’usage de la parole :

« Depuis combien de temps est-elle là ?
 -  Elle est arrivée hier, en fin de journée...
 -  Et vous n’avez pas jugé bon de me prévenir ?!
 -  Je ne l’ai appris que ce matin, pour tout vous dire. Je crois qu’elle désirait s’entretenir avec vous, mais quelqu’un a du la provoquer ici... Depuis lors, elle ne cesse d’étaler les adversaires successifs qui se pressent pour la défier...
 -  Ça ne m’étonne pas d’elle... Elle n’a pas l’air d’avoir beaucoup changé...
 -  Je puis vous certifier qu’elle est toujours la même. »

Ceci fit rougir Alice comme une tomate, et Oberyn ne dit rien. Officiellement, personne ne savait qu’elle avait perdu sa virginité avec cette femme... Mais, en réalité, elle se demandait si tout le Château n’était pas au courant. Le Château royal était plutôt petit, et Alice avait appris depuis longtemps qu’y avoir des secrets était un exercice difficile. Elle faisait après tout l’objet d’une importante protection, qui la contraignait dans sa liberté, et réduisait son intimité au strict minimum. Alice contempla l’arène. Chipp adoptait une posture étrange, et Oberyn fronça les sourcils, intrigué.

« Cette posture de combat est curieuse » avoua-t-il.

Cirillia, de son côté, avait levé son épée, optant pour une posture offensive. La garde du Faucon, ou garde du Toit, qui consistait à tenir l’épée au-dessus du corps. C’était une posture offensive, car elle permettait d’attaquer et de contrer automatiquement. Ciri’ tenait l’arme au-dessus de sa tête, rendant ainsi très difficile de savoir où elle attaquerait. En hauteur, la lame descendrait très facilement, et permettrait de contrer toutes les attaques. C’était la posture préférée de Cirillia, et elle s’avançait assez lentement vers Chipp, sans chercher à l’attaquer. Ce fut Cirillia qui attaqua la première, son épée fendant l’air pour rencontrer celle de Chipp, et entamer le duel. Le style de combat de Ciri’ était très acrobatique, assez sauvage, rapide et vif.

« Vous voulez toujours l’avoir comme Commandeur ? demanda Alice.
 -  Ce choix ne m’appartient pas... Mais ceci ne veut pas dire pour autant que j’ai oublié mes précédents affrontements contre cette femme. »

Alice ne dit rien. Lors de son séjour à Sylvandell, Cirillia avait affronté dans les camps d’entraînements plusieurs Commandeurs, et s’était révélée être une femme particulièrement talentueuse. Le combat risquait de promettre.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le jeudi 20 septembre 2012, 14:32:06
Le combat allait pouvoir commencer. La jeune femme se mit en garde. Levant l’épée au-dessus du corps. Chipp ne connaissait pas cette posture, mais il l’analysa rapidement, et un sourire serein éclaira son visage. Cet affrontement serait admirable, et difficile. Elle s’avançait vers lui, jusqu’à être assez proche pour lancer la première attaque. L’acier para le coup, et Chipp s’éloigna d’un saut gracieux vers l’arrière. Il se remit en garde, ses yeux rouges fixant la jeune femme devant lui. Un regard déterminé, confiant. Calme, également. Il était dans son élément. Ses muscles tremblèrent légèrement d’excitation. Sa voix s’éleva dans le brouhaha de l’arène, parfaitement perfectible malgré les cris et les encouragements de la foule.

« À mon tour, partenaire... »

Sa voix éraillée, excitée par l’ampleur du combat à venir, semblait pleine de douceur, alors qu’il annonçait son attaque. Il resta une seconde de plus immobile, réfléchissant à l’assaut...
Et il chargea.
Une seconde plus tard, il fut sur elle. À peine eut-il poser le pied dans sa zone d’attaque, qu’elle abaissa son épée pour interrompre son avancée. Il contra la lame, et riposta par une frappe de taille. Son adversaire contra la lame par une parade efficace. Chipp, à la seconde même où il sentit l’acier contre l’acier, tourna sur lui-même avant d’asséner un mouvement diagonale très ample en direction de la hanche de son adversaire. Une passe mortelle, mais prévisible. Il obligea ainsi Cirillia à contrer son coup, mais cette fois, il riposta plus rapidement. Reculant d’un pas, il saisit son épée à deux mains pour tenter un assaut de la pointe en direction de son ventre. Un coup d’estoc vif et sauvage, qu’elle esquiva d’un pas de côté. La lame effleura sa peau, et elle lança à son tour l’assaut. Deux coups rapides. Le premier passa à droite de la joue de Chipp, tandis qu’il mit son épée en opposition au second. Malheureusement, la vitesse des coups étaient telles que le premier sang fut versé. Une entaille s’ouvrit sous son oreille. Et la troisième attaque arrivait.

Mais celle-là, elle ne passerait pas. Chipp fixait l’épée adverse des yeux, et au dernier moment, il esquiva l’assaut. Profitant de l’élan de la jeune femme, il lâcha son épée, et saisit le poignet armé de Cirillia de sa main. L’attirant vers lui, il lui asséna un coup de genou dans le ventre, lui coupant le souffle une seconde. Il allait enchaîner lorsque son opposante le surprit. Elle avait subi le coup, mais elle encaissait tellement bien qu’elle lança un nouvel assaut. Pris au dépourvu, le jeune homme se pencha en arrière. La lame frôla son visage, ouvrant une petite plaie sur son front, tandis qu’il se laissait tomber en arrière. Tordant son dos, il posa ses mains au sol. L’une d’entre elle glissa sur le pommeau de son arme, par terre. Avant qu’il ne lance ses pieds vers le ciel, ces derniers frappant la lame de Cirillia, pour se redresser en un flip arrière. Il se remit en garde aussitôt, et repartit à l’attaque sans laisser le temps à la jeune femme de souffler.

Il avait un sourire aux lèvres. Au fond de lui, il le savait. Ils n’iraient pas jusqu’à se tuer l’un l’autre, et pourtant, le combat ressemblait à un dernier assaut à mort entre les deux adversaires.

Et le ballet débuta. Une valse presque mortelle. Douce brise enveloppant les deux danseurs. Tourbillonnante. L’essence même de la vie et de la mort semblait être captée par les voltiges des combattants. Un peintre pourrait personnifier le mouvement en laissant son imagination teintée la toile qu’il se représenterait en regardant cette rhapsodie d’acier, cette mélodie du fer. Le sable volait, tournoyant autour d’eux. Le sang vermeil, projeté parfois par les coups fins du maudit ou les assauts vifs et sauvages de la belle, semblait accompagner le bleu du ciel et le marron de la terre, soulevés par le combat. Alliance des couleurs pour tableau parfait.

Étincelles de métal vrillaient l’air de leur chaleur. Les deux duellistes ne voyaient venir les coups, agissant plus par instinct que par perception, ne sentant que la caresse des dieux du vent sur leur peau meurtrie par les coupures douloureuses des lames de son adversaire. Ils avaient l’impression de devenir le Vent en personne. Et contre la nature, aucune résistance n’existe, aucune n’est possible. Seule reste la contemplation de sa propre déchéance. Et, pour finir, de son propre trépas...
Deux nouvelles attaques portèrent, une de chaque côté. Et le sang macula le sol à nouveau. La foule était presque en folie devant la virtuosité du combat.

Ce n’était plus que l’homme contre la femme. Face à face, ils s’étaient arrêtés. Le temps était figé. Gravant sur le roc cette scène empreinte d’une majesté rarement atteinte. La belle, contre la bête. L’acier contre la peau.
Encore un coup au but. Équilibre parfait. Des coups plus puissants, cette fois. Plus dangereux, plus sanglants.

Le fluide carmin qui s’échappait des sections maculèrent le sol à nouveau, ainsi que le visage des deux adversaires. Arabesques de sang décoraient leurs peaux pâles, leurs joues glabres, s’enroulant autour de leurs yeux, l’écarlate de ceux de Chipp rehaussée par la teinte sanguine. Il recula, rompant l’afforntement. Cette fois, il avait besoin de souffler, et son adversaire aussi. Il se redressa un peu, effleurant ses blessures du bout des doigts.
La nature se tut.
Et le reste fut silence.

Chipp haussa les sourcils. La foule était silencieuse. Complètement accaparée par le combat, c’était comme si tous avait retenu leur souffle pour suivre chacun des mouvements, chacune des passes. Ainsi, plus d’encouragements, plus de cris. À peine un murmure, tant ils étaient subjugués.
Sans prévenir, Chipp partit d’un rire joyeux, avant de fixer la jeune femme qui lui faisait face et qui était dans le même état que lui.

« Un adversaire de ton niveau, il y avait longtemps. On s’amuse bien, hein ?... »

Il avait un grand sourire aux lèvres.

« Puis-je connaître ton nom ? »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le jeudi 20 septembre 2012, 23:50:44
Le combat entre Cirillia et Chipp promettait d’être intense, mais Alice se mit à craindre pour l’homme. Cirillia était une guerrière redoutable, aguerrie, qui se battait avec passion, et qui avait en elle le sang de dragons, renforçant ainsi ses capacités naturelles. Elle était particulièrement forte, rapide, et savait rapidement lire le jeu d’un adversaire. Même pour un Commandeur, Cirillia était un adversaire de taille, ce qui expliquait en partie pourquoi la Commanderie Noire avait, en son temps, cherché à l’enrôler. Ciri’ avait été l’une des rares à refuser ce poste. Elle préférait être indépendante... Ce qui, compte tenu de son caractère, n’était pas forcément une mauvaise chose. Si Alice voulait Cirillia auprès d’elle, c’était par pure possession. Avec le temps, elle avait appris à apprécier la présence de cette femme forte, qu’elle voyait un peu comme un modèle, quand bien même elle n’oserait jamais se l’avouer. Elle frémissait de honte à l’idée que Ciri’ apprenne qu’elle n’avait jamais vraiment cherché à peaufiner les entraînements à l’épée que les deux femmes avaient eu. La guerrière lui avait expliqué que, pour être la Reine d’un royaume guerrier, il était nécessaire de savoir au moins se battre un minimum ! La formation d’Alice à l’épée avait toujours été une série d’échecs, mais, avec Cirillia, il y avait eu des résultats, des débuts prometteurs...

L’affrontement surprit Alice, car Chipp s’avéra être à la hauteur. Cirillia fut également surprise, car les seuls individus qui avaient réussi à l’égaler à Sylvandell étaient les Commandeurs. Or, ces derniers ne participaient généralement pas à ce genre de compétitions. Elle avait bien vu Oberyn, mais elle savait que ce dernier n’interviendrait pas. Il était simplement là pour voir comment Cirillia se comportait, et probablement pour intervenir en cas de casse. L’homme portait, sous son ample manteau, son armure noirâtre dragonique, et Cirillia savait très bien que, avec cette armure, Oberyn la surpasserait... Sans compter les capacités magiques du Commandeur.

« Ton homme se débrouille plutôt bien... »

Alice fronça les sourcils. Le combat opposait deux virtuoses, et Ciri’ avait un sourire amusé, contrant les attaques de Chipp, avant d’attaquer à son tour. Dès deux, Ciri’ était clairement la plus offensive, mais c’était son style de combat. Souple, ample, rapide, elle bondissait à droite et à gauche, changeant constamment de pieds d’appui, voire même de main pour se battre. Elle était une merveilleuse ambidextre, et n’hésitait pas à donner des bourrades, des coups d’épaules, voire même des coups de pieds. Tout était bon, et on sentait bien qu’entre ces deux duellistes, le courant passait.

« Rares sont les soldats qui peuvent tenir tête à cette femme sans avoir reçu une lourde formation...
 -  J’aurais un service à te demander, Oberyn... intervint alors Alice, ayant une idée derrière la tête.
 -  Hum ? »

Alice se mordilla les lèvres, tandis que Cirillia venait de donner un coup au visage de Chipp, forçant à reculer ce dernier. Elle attaqua avec son épée, en se positionnant de profil par rapport à Chipp, de manière à ce que sa lame frappe fort. Elle heurta avec rage la défense de l’homme, qui tint bon. Le public était muet de stupeur. On avait presque l’impression de voir deux Commandeurs en train de se battre... Si on faisait exception de la magie que les Commandeurs n’hésitaient pas à utiliser entre eux.

« Ce visage vous dit-il quelque chose ?
 -  Nope, répondit rapidement Oberyn.
 -  Et son style de combat ? Parvenez-vous à l’identifier à une école précise ? »

Oberyn dut réfléchir un peu, et étudia un peu plus attentivement la garde de Chipp, la manière dont il se positionnait, dont il tenait la lame. C’était un style de combat assez sauvage, exotique, qui faisait de lui une espèce de danseur. Il le sentait absorbé, détaché dans ce qu’il faisait, dans une espèce de transe. Un bon épéiste, qui ne commettait aucune erreur de placement.

« C’est le style de l’école orientale des Deux-Tigres, finit par dire Oberyn. Je ne sais malheureusement pas grand-chose sur eux ou sur leurs élèves...
 -  Cette manière de se battre ne t’évoque aucun autre style ? »

Ciri’ s’était reçu un coup dans le ventre, qui la fit chanceler. Elle tomba sr els fesses, et roula sr le flanc, évitant la lame de Chipp. Elle ne commit pas l’erreur de se redresser, mais s’appuya sur ses bras pour rouler à nouveau sur le flanc, revenant à la position qu’elle venait de quitter. Ses jambes se déplacèrent alors, balayant l’air, afin de renverser Chipp. L’homme parvint à esquiver de justesse, mais Ciri’ n’avait pas encore dit son dernier mot. Elle bascula le poids de son corps sur son dos, et bondit en l’air, ses jambes touchant Chipp à la poitrine.

« Non... Bien sûr, je peux aussi ne pas connaître certaines écoles, mais je ne vois que celle-là qui offre un style assez similaire. Ils comparent un duel à l’épée à une sorte de danse fluide.
 -  Je vois...
 -  Pourquoi cette question ? »

Alice n’ajouta rien, réfléchissant. Elle allait se renseigner sur cette école, et obtenir le registre des élèves sortis depuis ces dernières années. Si elle trouvait un profil se rapprochant de Chipp, alors elle arriverait à confondre ce dernier, et à savoir qu’il mentait. En revanche, si elle ne trouvait rien... Et bien, il était toujours possible qu’Oberyn ne connaisse pas une école particulière, mais la Princesse n’y croyait pas. Oberyn était l’un des Commandeurs les plus expérimentés et les plus instruits.

L’affrontement entre les deux semblait aboutir sur un statu quo curieux. Chipp était excité, confirmant qu’il était bien un soldat. Cirillia lui rendit son sourire, également amusée de se battre ainsi.

« Je m’appelle Cirillia. »

Ciri’ attaqua alors à nouveau, tenant cette fois l’épée par le bas. Elle se rapprocha de Chipp, sauta en l’air brièvement, prit appui sur le sable avec son pied gauche, et se retourna immédiatement, levant sa lame, optant pour sa rapidité. Chipp esquiva toutefois d’un pas de côté la puissante attaque, et tenta de frapper Ciri’, qui, emportée par son élan, choisit de se laisser tomber. Ses deux mains s’appuyèrent sur le sable, et elle s’en servit pour rebondir, soulevant ses jambes. Sa botte frappa l’homme à la joue, et Ciri’ se releva, ayant lâché son épée. Elle enchaîna un coup de pied renversé qui toucha Chipp à la joue, lui faisant cracher du sang, récupéra soin épée, et frappa à nouveau. Les lames s’entrechoquèrent violemment, un sourire amusé éclairant le visage de Ciri’.

« Et le tien ? »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le vendredi 21 septembre 2012, 14:55:00
Il semblait à Chipp que la jeune femme utilisait un style assez similaire au sien, même si la différence était manifeste. Lui n’utilisait presque qu’exclusivement son arme, Cirillia usant également de ses pieds et ses poings pour prendre l’avantage. Mais ses mouvements, ses réactions, ses feintes... Elle était d’un niveau magistral, sauvage, rapide, vive. Elle bondissait, retombait, tournoyait. Elle était beaucoup plus agressive que lui. Mais le style de Chipp comptait autant d’assauts que de contres, et il aimait retourner les attaques de ses adversaires contre eux. Il se faisait même souvent toucher volontairement pour pouvoir porter un coup plus efficace. Leurs lames échangèrent quelques coups violents, s’entrechoquant une poignée de fois en projetant des étincelles sur la piste, avant qu’il ne la repousse pour répondre.

« Chipp. Chipp Argan. Enchanté, Cirillia. »

Un petit sourire aux lèvres, il inclina la tête, avant de porter un nouvel assaut. Il avait replacé sa lame comme si elle était au fourreau, et il en tenait la garde à deux mains. Il lança son attaque verticalement, frappant de haut en bas, et elle recula pour l’esquiver. Mais, au moment où le jeune homme vit le corps de Cirillia entamer son mouvement de recul, il usa de sa force pour rabattre l’acier vers le bas en avançant d’un pas, rendant l’esquive impossible, étant donné qu’elle n’avait pas anticipé le deuxième coup. Elle parvint tout de même à opposer son épée à l’assaut, mais la puissance du coup fut telle qu’elle entailla légèrement l’épaule de la belle. Chipp sauta ensuite en arrière pour éviter une riposte foudroyante qui faillit lui trancher la gorge.

Il souriait toujours, l’excitation parcourant ses veines autant que l’adrénaline lui faisant oublier toute douleur. Et il sentit au fond de lui la malédiction se réveiller. Elle n’agirait pas tant qu’il n’en donnerait pas l’ordre, mais l’intensité du combat excitait aussi l’entité qui habitait dans le jeune homme. Il la sentait battre presque au rythme de son coeur, il sentait son envie d’intervenir et d’aider le combattant avec sa magie. Mais il la refluait. Il ne comptait pas tuer Cirillia. Néanmoins, elle s’imposa à lui. Elle restait en retrait, parce qu’il l’empêchait d’agir, mais sa présence influa tout de même quelques changements.

Pendant quelques secondes, le jeune homme ferma les yeux. Surprise, Cirillia ne lança aucune attaque, et de toute façon, le processus prit si peu de temps qu’il ne s’en était presque pas écoulé avant qu’il n’ouvre les paupières. Pour révéler un changement notoire dans son regard. Ses iris rougeoyantes avaient disparu, et ses yeux étaient maintenant deux rubis écarlates, sa pupille comme la couche externe s’étaient teintées d’un rouge sanglant.

Il leva son arme, se remettant en garde. Petit répit, qui permit à la malédiction de s’affirmer d’une autre manière encore. Imperceptiblement au début, une légère aura noire s’échappa du corps du jeune homme. Comme de très légères volutes de fumée obscures suintant de chaque pore de la peau de Chipp, il semblait entouré par de belles arabesques tracées autour de lui par la magie. Adressant un sourire doux à Cirillia, qui manifesta une surprise manifeste, il parla.

« Pas d’inquiétude. La magie que je porte est tout aussi excitée que moi par cet échange, et elle nous le fait savoir... Mais cette danse des épées est bien trop belle pour que je la gâche en l’utilisant... »

En effet, elle se manifestait, mais elle ne changeait en rien les capacités du jeune homme. Ce qui aurait été bien différent dans un combat réel, où la mort déciderait du vainqueur. Alors qu’il attendait quelques secondes que ses paroles parviennent à la compréhension de Cirillia, il finit par lancer son attaque après avoir soufflé quelques autres mots.

« Par contre, je vais te montrer ma botte secrète... »

Souriant toujours, son esprit entièrement tourné vers le combat, concentré et prêt à réagir à chaque assaut, chaque attaque et chaque parade. Son âme analysant chaque possibilité de mouvements, chaque ouverture, même la plus minime... Il lança son attaque.

Elle commença par quelques coups banals, lancé tout de même à la perfection. Cirillia les contra tous, et au dernier d’entre eux, le jeune homme pivota sur lui-même, avant d’accélérer son tournoiement pour frapper en diagonale sur son flanc gauche. Étant gaucher, le coup serait forcément anticipé par la jeune femme, mais sa force et sa rapidité étaient telles qu’elle était obligée d’y opposer son épée. C’était la première phase de sa botte secrète. Les deux épées s’entrechoquèrent, mais Chipp ne se déroba pas, et enchaîna en tournant de nouveau, très rapidement, pendant que Cirillia se remettait en garde après avoir pris la force du coup dans son bras porteur. Et il porta exactement la même attaque. Qui fut contrée à nouveau. Deuxième phase.

Cette fois, la riposte fut foudroyante. Au moment où il sentit l’épée de Cirillia frapper contre la sienne, il réagit avec une rapidité supérieure. Il recula son bras armé, libérant sa lame juste assez pour que le mouvement de gauche à droite continue, avant de la faire changer de direction en se déhanchant avec grâce pour lancer une frappe d’estoc dans l’épaule droite de la jeune femme. L’action fut si rapide que cette dernière ne la vit pas venir, son épée toujours placée de telle sorte à contrer le coup précédent. Et la lame de Chipp s’enfonça dans son épaule, en haut de celle-ci pour ne toucher aucun points vitaux.

Les plus observateurs, durant cette botte, purent apercevoir la sueur de Chipp couler le long de ses tempes, et les veines de son bras gauche ressortir. En effet, cette botte secrète qu’il avait mis au point était inutilisable par la grande majorité des hommes. Pour une raison simple. Les deux premiers coups offraient des ouvertures non-négligeables s’ils n’étaient pas exécutés avec une vélocité suffisante. De plus, le troisième était encore plus difficile à réaliser. L’épée partant de gauche vers la droite avec une force colossale, il fallait pouvoir faire changer de direction la lame en un laps de temps très court pour frapper d’estoc à droite, et la puissance à déployer par le bras était si forte qu’un homme normal aurait le muscle disloqué. Néanmoins, Chipp pratiquait cet assaut depuis de longues années, et il l’avait mit au point pour tromper ses adversaires qui auraient pu sous-estimer son corps svelte. Un assaut imparable, en quelques sortes. Dans un combat à mort, il aurait usé de la lame plongée dans l’épaule pour trancher le bras de son adversaire, mais ce n’était pas un combat à mort, et Cirillia avait trop de talents pour qu’il aille jusqu’au bout.

Mais il mettait tout de même à rude épreuve le corps du guerrier, son bras lui causant maintenant une certaine douleur. S’il avait utilisé sa magie pour renforcer ses muscles, il n’aurait rien senti, mais il avait bien fait comprendre à Cirillia qu’il n’userait pas de magie pour ce combat. Reculant d’un pas en ressortant la pointe de son épée de l’épaule de la jeune femme, il recula de quelques pas, essoufflé.

« Alors... Qu’en dis-tu ?... »

Souriant toujours, mais atteint physiquement, il pouvait tout de même continuer le combat. Il sentait la malédiction réagir toujours plus fort, et il avait du mal à la contenir et à l’empêcher de lui venir en aide. Si la danse durait encore, il finirait par abandonner pour ne pas risquer de perdre le contrôle...
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le samedi 22 septembre 2012, 17:14:16
Le combat entre Chipp et Cirillia continuait à culminer, et Cirillia s’interrompit en sentant une espèce d’aura démoniaque s’emparer du corps de Chipp. Alice aussi vit les lueurs noirâtres tournoyer autour du corps de l’homme, des espèces de sombres vapeurs qui l’enveloppaient tels des nuages maléfiques. De la magie noire, indéniablement, et Oberyn s’agita un peu, prêt à intervenir. L’usage de la magie dans un duel physique de ce style était proscrit, a fortiori quand il s’agissait de magie noire. Sylvandell était assez superstitieux, et l’usage de la magie noire dans le royaume était soumis à de sévères restrictions. Or, l’aura qui se dégageait de Chipp semblait clairement malfaisante, et surprit les villageois observant le combat, qui se reculèrent craintivement. Cette torpeur disparut toutefois brièvement, et le combat put reprendre.

« C’est un individu bien mystérieux que vous avez ramené là, Majesté, commenta le Commandeur.
 -  C’est bien l’impression que j’ai... »

Alice fit la moue, ne comprenant pas ce que tout cela cachait. Qui était donc ce mystérieux Chipp ? Un soldat magique ? Ils n’étaient pas rares à Ashnard, mais il avait l’air tellement doué qu’il ne pouvait pas passer inaperçu... Il n’y avait que dans les contes qu’on ne trouvait aucune trace des grands guerriers, ces bretteurs qui parvenaient à défier des dizaines d’adversaires et à s’en sortir honorablement. Il était forcément passé par une école, avait eu un maître... Retrouver le passé de Chipp était difficile, et il fallait pour cela supposer que l’homme mentait, et ne venait pas d’un autre monde. Alice aurait besoin d’experts pour se renseigner sur son cas... Mais, en même temps, rien ne la forçait à en faire autant pour cet homme. Elle ne le connaissait pas, et il n’était pas l’un de ses sujets. Elle en avait déjà fait beaucoup pour lui.

*Même l’hospitalité a ses limites, Alice... Si tu continues à agir ainsi envers quelqu’un qui n’est même pas ton sujet, ceci pourrait créer une situation d’iniquité. Une souveraine se doit d’être juste envers ses sujets, ne l’oublie pas.*

Elle se sermonnait elle-même, tandis que le combat commençait à terminer. Chipp opta pour une attaque spéciale, Ciri’ parlant peu. La guerrière n’aimait pas trop la magie, qu’elle assimilait tout simplement à une forme de tricherie. Le premier Commandeur qu’elle avait rencontré, le Limier de Sylvandell, Sandor Clegane, l’avait après tout battu en utilisant la magie. Elle fit donc la moue, tout en retournant se battre, jusqu’à ce que Chipp emploie sa botte secrète, en trois temps. Deux attaques puissantes et rapides en tournoyant sur soi-même afin de briser la garde de l’adversaire, et un ultime coup, précis, qui s’enfonça dans l’épaule de Ciri’. Cette dernière poussa un cri de douleur, et chancela, le sang jaillissant de sa plaie pour teinter le sable. Elle porta sa main à l’épaule. Une simple égratignure, car Chipp avait visé juste au-dessus, mais il aurait pu faire bien plus mal. Le coup était parfait, et ce dernier s’écarta, posant une question à Ciri’, qui le regarda en fronçant les sourcils.

« Fin du combat ! » annonça alors l’arbitre en montant sur l’arène.

Ce combat n’était pas un combat à mort, et, en portant un coup décisif, Chipp avait remporté l’affrontement. Dans un véritable combat, l’issue aurait été incertaine, car Ciri’ aurait porté son armure, et non de simples vêtements en cuir pour le voyage. L’armure l’aurait protégé de cette attaque, et elle aurait tout à fait pu continuer à se battre. Elle pouvait d’ailleurs continuer à le faire, mais l’arbitre ne voulait pas d’un combat à mort. C’était un combat privé, qui était toléré sous d’étroites conditions, et les décès étaient toujours mal vus. La guilde ne voulait pas d’autres procès pour négligence.

Ciri’ eut un sourire, et retira sa main de sa blessure, poussant l’arbitre qui voulait savoir si elle désirait se faire soigner. Elle rangea sa lame dans son dos, là où elle avait l’habitude de ranger ses deux épées, puis regarda Chipp.

« Ton petit tour était pas mal, je dois le reconnaître. Mais il ne marchera pas à tous les coups. »

Une attaque parfaite, dans ce domaine, était impossible. Il y avait trop d’éléments à prendre en compte, et il existait toujours des parades. Ciri’ contempla brièvement sa blessure, puis estima que ce n’était pas grave, et monta l’estrade, se rapprochant vers Alice, qui se mit à rougir comme une tomate, et regarda partout, sauf vers la femme.

« Elle... Elle vient vers nous ?! dit-elle d’une petite voix.
 -  Je le crois bien ».

Alice rougit encore plus, rêvant d’être partout ailleurs, sauf ici. Elle rêvait d’être une petite souris, et de se faufiler sous les gradins. Ciri’ alla se camper droit devant elle, et Alice leva la tête, la femme lui masquant le soleil.

« Ci... Ciri’... »

Elle rougit à nouveau, se rappelant les mains de la femme se faufilant dans son intimité, alors qu’elle se cambrait sur leur lit, découvrant des sensations incroyables, inédites et insoupçonnables pour elle... Comme quand Ciri’ lui avait enfoncé ses doigts dans la bouche pour lui montrer, avec son tact habituel, que ce n’était pas de l’urine. Rougissante, Alice regarda ses pieds, et sentit alors les mains de Ciri’ se poser sur elle. Alice se retrouva alors blottie contre le corps de la femme, et eut un frisson de plaisir.

« Ciri’, tu... Tu m’as... »

Elle sentit la main de Cirillia glisser sur ses cheveux.

« Ça me fend le cul de le reconnaître, mais, oui, toi aussi, tu m’as manqué, petite blonde... »

Alice sourit, et releva la tête, les yeux rougis. Elle ne dit rien, et posa sa tête contre les seins de Cirillia.

« Il se défend bien, ton ami...
 -  Hmmm...
 -  C’est gentil de me l’envoyer quand je reviens... Je ne sais pas s’il faut interpréter ça comme un cadeau de rupture ou autre chose... »

La Princesse rougit à nouveau, et secoua la tête.

« Jamais, Cirillia... Je... »

Alice ne dit rien, réalisant soudain la situation, et s’écarta subitement de Ciri’, toute rouge et confuse.

« Et c’est qui, ce gars ? Sûrement pas un Commandeur... Son petit tour avec les ombres était assez sympa... »
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Chipp Argan le dimanche 23 septembre 2012, 19:07:25
L’arbitre rejoint les combattants dans l’arène alors qu’ils s’observaient après la botte de Chipp. Levant la main, il annonça la fin de l’affrontement, et par ce fait, la victoire du jeune homme. Affichant une moue un peu déçue de devoir s’arrêter là, Chipp se redressa, rompant sa garde. Il salua la jeune femme en s’inclinant légèrement et en lui rendant son sourire. Alors que Cirillia rengainait sa lame, elle l’invectiva, et il hocha la tête. Elle le félicitait, plus ou moins, pour son dernier coup, et il eut un nouveau sourire. Elle avait raison, cette botte ne marchait qu’une seule fois... Mais ayant pour but de tuer ou d’estropier l’adversaire, il n’avait que rarement besoin d’en user plusieurs fois sur la même personne. Il observa la femme rejoindre la princesse. Visiblement, elles se connaissaient, il avait deviné juste. Ne s’y intéressant pas pour le moment, il se dirigea vers l’arbitre pour lui demander s’il pouvait avoir un linge pour nettoyer la lame de son épée. Lui fut apporté une étoffe, dont il se servit pour ôter consciencieusement le sang du fil de l’acier. Puis, il remit son arme au fourreau, avant de regarder autour de lui. Le combat était terminé, et il était blessé.

Son coeur accéléra un instant. Bientôt, la malédiction entrerait en action pour soigner les blessures. Mais cette manifestation serait aussi impressionnante que celle exécutée durant le combat, et il avait remarqué la réaction de son adversaire et la réaction du public. Si la magie apparaissait, il aurait des ennuis. Il lui fallait trouver un endroit hors de vue. Laissant sa place dans l’arène, il balaya l’endroit du regard, avant de trouver une alcôve sombre. S’y dirigeant rapidement, sans faire attention à ce qui l’entourait, il alla se dissimuler dans l’ombre, tout au fond du renfoncement, avant de s’adosser à la pierre. Cette femme était douée. Beaucoup plus que la majorité des gens.

Sa poitrine se soulevait à un rythme encore effrénée, mais il arrivait peu à peu à retrouver son souffle. Puis, lorsque ce fut fait, il sentit sa magie s’imposer à lui. Fermant les yeux, en priant que personne ne jette un oeil dans l’alcôve sombre pendant l’accomplissement de ses soins, il ouvrit son esprit à l’entité. Il sentit une vibration dans son corps, et, contemplant les plaies qu’il pouvait voir, observa l’énergie noirâtre suinter de ses blessures. Elle semblait grouiller sur sa peau, apaisant le jeune homme qui soupira d’aise. Après une longue minute de ce traitement, les blessures n’étant à proprement parler par très graves ni très impressionnantes, la magie reflua et revint se lover au coeur du corps du jeune homme, le laissant entièrement soigné.

Malgré la nature maléfique de sa malédiction, elle pouvait s’avérer utile. Le consensus était simple - même si le mot « consensus » n’était pas vraiment utilisable ici, l’avis de Chipp n’ayant jamais été demandé - : La malédiction le protégeait de la mort. Mais c’était uniquement pour que le jeune homme puisse parvenir à l l‘accomplissement de la prophétie. Et cet accomplissement le ferait mourir. Étrange paradoxe. Une magie sombre qui l’empêchait de mourir prématurément, pour qu’il meurt au contraire au moment où la prophétie l’avait décidé. Soupirant à nouveau, il observa son corps et fut satisfait de l’absence de blessures.

Lorsque les coupures étaient petites et nettes, la guérison prenait un temps très faible pour soigner le corps de Chipp. S’en était autrement avec les blessures les plus graves. Une fois, il était resté alité pendant une semaine entière le temps que ses blessures se remettent, malgré l’aide de la magie. Et pour les blessures les plus graves - décapitation, amputation -, la malédiction ne pouvait rien.

Ressortant dans l’arène, le jeune homme observa les gens autour de lui.
Et il sentit une grande solitude étreindre son coeur.

Un autre monde. D’autres gens, aucun repère connu. Il se sentait perdu, d’un seul coup. Perdu dans un endroit dont il ne reviendrait pas. Aucun allié pour le soutenir, aucun ami pour lui parler. Il savait que la princesse était toujours là, mais il savait aussi qu’en tant que tel, elle avait sûrement d’autres obligations plus importantes que de s’occuper d’un homme désespérément perdu. Il soupira longuement. Pour la première fois de sa vie, il n’avait aucune idée de ce qu’il lui fallait faire dans l’immédiat. Ses épaules s’affaissèrent, et il baissa la tête. La secouant ensuite, il retrouva ses esprits.

Chipp avisa la princesse et la jeune femme qu’il avait affronté, en compagnie d’un homme. Il s’en approcha, à temps pour entendre Cirillia demander qui il était. Se raclant la gorge, il attira l’attention. Ils avaient vu les deux jeunes femmes enlacées, et les joues d’Alice avaient toujours une teinte écarlate - probablement de la gêne - mais il n’avait pas à poser de questions sur ces faits. Il se contentait de sourire, sachant pertinemment que la guérison de ses blessures et la manifestation de sa magie pendant le combat attireraient les questions et les interrogations. Gardant ce problème pour plus tard, dans un coin de son esprit, il inclina la tête en direction de Cirillia.

« Je vous l’ai dis, qui j’étais. Chipp Argan. Un simple voyageur égaré. »

Ne sachant encore rien sur la relation qui liait la princesse à cette femme, il ne pouvait décemment pas lui révéler trop de choses. Et les oreilles indiscrètes étaient nombreuses, par ici. Il haussa les épaules.

« Je vous remercie pour ce combat, c’était instructif. Maintenant... »

Encore une fois, ce sentiment d’être perdu revint à la charge. Son visage s’assombrit, et il regarda autour de lui d’un air un peu hagard. Soupirant de nouveau, il haussa les épaules, encore une fois. La lassitude pouvait se sentir dans son regard rouge.

« Je pense que je vais... »

Oui, qu’est-ce que tu peux faire, Chipp ?...

« Je ne sais... pas. Je vais y aller, je pense. Je crois. J’ai assez abusé de votre temps, princesse. Merci pour votre aide. »

Saluant les trois personnes présentes en s’inclinant bien bas, une main posée sur la garde de son arme, il se retourna. Malgré son air perdu et son regard désespéré, il avait toujours une attitude très noble, très respectueuse envers les autres. Une fois qu’ils furent derrière lui, il commença à fendre la foule.
Titre: Re : Âmes qui vivent [ Princesse Alice ]
Posté par: Princesse Alice Korvander le mardi 25 septembre 2012, 01:04:48
Bien au-dessus de l’arène, au-dessus des cimes et des montagnes, flottant parmi les nuages, le puissant Léviathan veillait. Ailes tendues, le redoutable dragon doré surveillait son territoire. Il était depuis des siècles le dragon attitré des Rois et des Reines de Sylvandell. Tywill le chevauchait, et, un jour, ce serait au tour d’Alice (ce qui n’était pas sans terroriser cette dernière). Léviathan était investie d’une mission divine, voulue par le Dragon Primordial de Sylvandell : guider ces « Deux-Pattes » dont les dragons avaient besoin contre leurs ennemis. Léviathan était un dragon d’une puissance terrifiante. Il était rapide, vif, résistant, et disposait surtout, comme quelques rares dragons, de la maîtrise du Thu’um. Il disposait de nombreux Cris, et ses Cris étaient particulièrement puissants. Léviathan était un dragon très sensible à la magie, et particulièrement vigilant.

Si les Deux-Pattes ne sentirent pas l’aura malfaisante que Chipp dégagea en se soignant, Léviathan, lui, la perçut. Son vol, très légèrement, s’infléchit, le dragon étant surpris, et il se laissa descendre, fendant les nuages en filant droit vers Sylvandell. Une menace, un danger rôdait près du Territoire, et il comptait régler le problème au plus vite.

Dans l’arène, Alice était folle de joie (et de nervosité) de retrouver Ciri’. Sa brave Ciri’, sa tête brûlée, cette petite sauvage qui avait failli se faire décapiter à Sylvandell au moins quinze fois. Elle avait tué des Sylvandins, et, même si c’était plus ou moins une situation de légitime défense, vu que les gardes avaient voulu la violer, il n’empêche que, pour sa réputation, ça passait assez mal. Ciri’ avait eu bien de mal à échapper à la potence, et, même si elle ne le disait pas, Alice savait que, au fond de son cœur, la redoutable rouquine lui en était reconnaissante. Alice avait contribué à lui sauver la vie, et Ciri’ l’avait aidé à grandir, à lui montrer des plaisirs dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence, et même à se battre. Alice n’avait pas été très performante dans ce domaine, et elle espérait que la guerrière ne lui en voudrait pas.

Elles n’eurent pas le temps d’approfondir la question que Chipp se rapprocha d’elles. Le jeune homme était perturbé, hagard, et une profonde détresse se lisait dans ses yeux... Si bien que, pendant un bref moment, Alice en oublia ses retrouvailles avec Cirillia. Il se présenta comme un « voyageur égaré », et Ciri’ fronça les sourcils. Il y avait quelque chose d’anormal chez ce type, qui n’en faisait pas un simple « voyageur ». Il avait réussi à lui tenir tête, et même à la blesser. Or, Ciri’ était améliorée. Le sang de dragon qu’elle avait bu lui conférait des réflexes hors-du-commun. La blesser nécessitait donc d’avoir des capacités paranormales, ce qui était le cas des Commandeurs, dont les herbes mutagènes rendaient bien plus forts. En définitive, ce type n’était pas un simple humain, et cette lueur d’ombres qu’elle avait perçue autour de lui... Le brave Chipp était complètement désemparé, et, en bafouillant lentement, commença à se retirer. Alice aurait bien été tentée de el retenir, mais Ciri’, alors que l’homme commençait à descendre, lâcha :

« Ce gars est tordu... Tu t’attires vraiment de drôles d’amis, petite Princesse... »

Alice rougit légèrement, et secoua la tête :

« Et c’est toi qui dis ça... »

Ciri’ tourna la tête.

« Qu’est-ce que c’est censée vouloir dire ? fit-elle, un brin soupçonneuse.
 -  Rien, laisse tomber... fit Alice, évasive. Et Chipp n’est pas vraiment un ami, c’est... C’est un individu que des patrouilles ont trouvé errant dans le Territoire des Dragons.
 -  Et je suis sûre qu’eux n’ont pas tenté de le violer... ironisa Ciri’.
 -  Lui n’a pas tenté de tuer un dragon ! protesta Alice, sentant le rouge lui monter au nez.
 -  Je ne lui avais fait qu’une légère égratignure... »

La « légère égratignure » avait nécessité des soins de magie blanche urgents, mais, aujourd’hui, le dragon était pleinement remis. Tant mieux ; si Cirillia avait réellement été jusqu’à tuer la bête, rien n’aurait pu la sauver. Ses prouesses guerrières avaient joué en sa faveur, car, à Sylvandell, on appréciait les guerriers. Ceci avait ainsi permis à la jeune femme de survivre. Chipp se mélangeait dans la foule, et sortit.

« Je suis heureuse de te revoir, Ciri’... Même si tu avais promis de ne plus jamais revenir...
 -  Notre hospitalité est-elle donc si inhospitalière que cela ? demanda alors Oberyn.
 -  J’évite généralement de retourner dans des endroits où j’ai failli mourir... »

Le Commandeur et la femme se regardaient, probablement avec une envie mutuelle d’aller se battre. Oberyn, toutefois, était moins vindicatif que d’autres Commandeurs. Cirillia avait fréquemment combattu ces derniers, et, si elle avait été une adversaire de valeur, l’équipement des Commandeurs leur avait toujours donné l’avantage au bout d’un moment. Oberyn ne se permettrait toutefois pas de remettre en cause les talents de Cirillia.

« Sachez que l’offre de la Commanderie en votre faveur n’a pas encore été prescrite...
 -  J’ai toujours eu une âme de solitaire, et je ne suis pas revenue pour souscrire à votre engagement. »

Pourquoi diable était-elle revenue ? Alice savait que ce n’était pas que pour la Princesse ; Cirillia ne donnait pas dans ce sentimentalisme primaire. Elle reporta son attention sur Alice.

« Et, au fait... Mes félicitations pour ton mariage. »

Alice rougit à nouveau, et se sermonna.

*Arrête donc de rougir, pauvre idiote ! On dirait une gamine attardée !*

La Princesse releva la tête, tentant de reprendre son aplomb :

« Tu... Tu es au courant ?
 -  La nouvelle s’est répandue jusque dans les tavernes putrides de Nexus, bouton d’or. »

Ah ? Surprenant... Alice ne pensait pas être aussi célèbre. Sylvandell était un petit royaume, après tout.

« C’est un bon choix... Même si ta femme est plate comme un tronc d’arbre. »

Alice s’empourpra à nouveau, et protesta :

« Elle n’est pas plate !
 -  Bien sûr que si…
 -  C’est faux ! »

Oberyn se racla alors la gorge, comme pour rappeler la Princesse à l’ordre. Cette dernière croisa les bras, bougonne. Sa petite Sakura portait juste des robes qui dissimulaient ses formes, voilà tout. Mais elle savait mieux que personne que sa femme avait deux belles bosses... Ses seins étaient peut-être un peu moins prononcés que ceux de la Princesse ou ceux de Cirillia, mais... Mais pourquoi elel pensait à ça, au fait ?!

*Ne la laisse pas te perturber, Alice !*

Ça, c’était trop tard... Elle releva la tête vers Cirillia...

...Et ce fut à ce moment que Léviathan rugit en s’écrasant pile devant Chipp, au milieu de l’arène, dans un rugissement tonitruant. Cirillia porta immédiatement la main vers la garde de son épée, Alice sursauta, et de nombreux badauds tombèrent à terre, avant que Léviathan ne regarde Chipp, tombé à terre sous la surprise.

« Léviathan ?! »

Le dragon rugit devant Chipp, et sa queue se leva, fendant l’air en deux pour plonger sur Chipp. Elle avait la force de trancher n’importe quoi. Alice se mit à courir. Léviathan étant le dragon des Rois, la Princesse pouvait communiquer avec lui. Pourquoi attaquait-il Chipp ? Il tenta de lui arracher un bras, ses dents claquant dans le vide.

*Léviathan ! Que signifie ceci ? C’est un invité !
Ton ‘‘invité’’ porte en lui un sceau démoniaque malfaisant.*

Hein ?! Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? Non, Léviathan devait se tromper ! Cette idée ressortit immédiatement de l’esprit d’Alice après y être rentré. Léviathan ne pouvait pas se tromper. Le dragon s’envola au-dessus de Chipp, et cracha son souffle de feu mortel. Les chances de Chipp contre Léviathan étaient nulles, et Alice s emit à courir. La queue de Léviathan claqua à nouveau dans l’air, frôlant l’une de sjambes de Chipp, le couchant au sol, et le dragon plongea droit sur lui... Avant qu’Alice, malgré Cirillia et Oberyn, ne s’interpose entre lui et Chipp. Surpris, Léviathan dévia de sa trajectoire, et ses pattes arrière se reçurent sur les gradins, son poids massif pulvérisant plusieurs estrades. Il s’élança à nouveau dans les airs, et se posa pile devant Alice.

*Que fais-tu ?!
J’ai confiance en lui !
Pas moi, il porte en lui une menace…
Je ne te laisserai pas lui faire de mal, Léviathan !*

La Princesse pensait sincèrement avoir pété les plombs. S’opposer ainsi à Léviathan était du suicide, le dragon n’en faisant qu’à sa tête. Léviathan hésita, gronda, et poussa un rugissement de rage et de frustration devant Alice, en tendant ses ailes... Mais la Princesse ne bougea pas. Léviathan grogna, et s’écarta alors. Alice se retourna vers Chipp.

« Je crois que vous nous cachez des choses, Chipp... Léviathan ne s’en prend pas à un inconnu sans raison. »

Il y eut un nouveau rugissement du dragon. Il avançait le long de l’arène, ses pas faisant trembler le sol.