Le Grand Jeu

Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Les alentours de la ville => Discussion démarrée par: Mélinda Warren le jeudi 05 juillet 2012, 20:50:09

Titre: [FINI] Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le jeudi 05 juillet 2012, 20:50:09
Suite du RP Gravité (http://hentai.forum-rpg.net/index.php?topic=8897.0)

Mercredi, manoir Warren
12h10
Une semaine après la visite d’Hitomi au manoir Warren


Citer
Chère Madame,

Comme d’habitude, je vous écris cette lettre pour vous parler de la semaine de votre fille. J’ai bon espoir que vous recevrez ces quelques informations Vendredi. Comme d’habitude, j’ai également joint à ce courrier un CD comprenant une vidéo montrant votre fille en train de jouer, de rire, et de prendre un repas. Ont été également joints une photocopie de sa dissertation de philosophie et d’une interrogation de mathématiques, qui confirme bel et bien que votre fille est plus intéressée par la réflexion abstraite que la logique cartésienne.

Cette lettre est porteuse de bonnes nouvelles. Comme je vous l’avais informé Mercredi dernier, votre fille continuait à manquer volontairement plusieurs cours, notamment les enseignements d’anglais. Ces raisons, indépendantes de votre volonté, commencent à se résoudre, et, bien que je comprenne vos interrogations à ce sujet, il m’est impossible de tout vous révéler pour le moment. Soyez assurée que votre fille est en train de se reprendre en main, et dispose à cet effet de tout un cercle d’amies prêtes à la soutenir dans les moments difficiles.

En revanche, je me dois aussi de vous informer de plusieurs problèmes qui me préoccupent. Les blessures et cicatrices au dos de votre fille se sont encore rouvertes, et ce malgré mes pansements. Cette dernière refuse de se faire hospitaliser, et je pense devoir bientôt prendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ces souvenirs d’un passé que, ni elle, ni vous, ne souhaitez raviver. Je tiens néanmoins à vous rassurer, et à vous certifier, comme les vidéos le montreront, que, malgré ces quelques blessures, votre fille est sereine, et fait preuve d’une vigueur et d’un entrain d’esprit qui sont très contagieuses. Elle est un peu le pilier de ma petite entreprise, et la voir ainsi me comble personnellement de joie.

Conformément à votre requête, j’ai tenté de lui parler de vous, mais, à la simple mention de votre nom, cette dernière s’est rétractée, et a refusé d’en entendre parler. Bien que je ne doute nullement de vos bonnes intentions, et de votre volonté de renouer avec votre ville, je suis toujours en réflexion sur votre proposition.

Bien cordialement.

C’était la lettre classique. Mélinda la contemplait silencieusement, hésitant à choisir quelle lettre elle devrait mettre dans l’enveloppe. Elle se mordilla les lèvres, en pleine réflexion, et contempla la nouvelle, celle qui avait germé dans son esprit quand Hitomi était venue la voir, il y a une semaine. Celle-là était plus audacieuse, plus originale, mais aussi plus risquée.

Citer
Chère Madame,

J’ai longuement réfléchi à votre proposition d’une rencontre, afin de vous permettre de revoir votre fille. J’ai soigneusement pesé le pour et le contre des implications et des conséquences d’une telle décision, et j’ai finalement consenti à accepter ceci. Comme vous avez du le constater, cette lettre, contrairement aux autres, ne contient aucun fichier joint. Je compte en effet vous remettre en mains propres ces éléments, et éventuellement vous permettre de revoir votre fille.

Je me tiendrais à disposition aujourd’hui même, à 18h, au café Dwanzig. C’est précisément celui où vous travaillez en tant que serveuse. J’espère vous y voir.

Bien cordialement.

Cette seconde lettre était bien plus courte, car Mélinda avait tout simplement eu moins de choses à mettre. Elle contempla les deux, l’enveloppe, et se titilla les lèvres. Habituellement, elle chargeait l’un des agents de la Sombra d’aller poster cette lettre depuis Tokyo, de manière à ce que la femme en question ne puisse pas remonter jusqu’à elle. Mais ce petit jeu épistolaire qui durait depuis des mois commençait à la fatiguer. Et elle avait justement l’occasion d’y mettre un terme. Grâce à Hitomi. La prof’ avait bel et bien dit qu’elle serait toujours disponible pour elles. Il était justement temps de le prouver. Mélinda consulta sa montre. 12h11. Hitomi était en route. Elle lui avait envoyé un message à 11h55, vers la fin de son cours, sur son téléphone portable. Un message court et simple :

« J’ai besoin de toi. Tu peux passer rapidement, stp ? Je t’offrirais à manger.
 
M.
»

M. pour « Merci », M. pour « Mélinda ».

L’accusé de réception avait confirmé que le message était bien arrivé, et, depuis, Mélinda attendait, nerveuse et inquiète. Si Hitomi ne venait pas, elle devrait envoyer la lettre classique. Et ce n’était pas vraiment ce qu’elle souhaitait. A vrai dire, Mélinda ne savait pas du tout ce qu’elle souhaitait, car elle se retrouvait ici face à un problème insoluble pour elle, un problème qu’elle n’avait jamais pu connaître, et qu’elle se prenait de plein fouet, maintenant qu’elle avait une fille. Ce problème était cauchemardesque, et le fait d’avoir Akira à domicile lui avait justement rappelé de la manière la plus désagréable possible l’existence de ce souci.

L’amour entre une mère et sa fille. Entre Clara et sa mère. Avec Mélinda qui se tenait en plein milieu.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le vendredi 06 juillet 2012, 02:23:06
La semaine a été bonne, l'un dans l'autre. J'ai à peine recroisé Clara, et on s'est très cordialement fuies comme la peste. La mise à l'épreuve que je m'étais imposée pour Kyle a été une leçon, celle de Mélinda n'a rien à voir. J'ai décidé de ne rien imposé, du moins pas sans être sollicitée. Le petit jeu de la prof et de sa simple élève se poursuit avec Shii, ou plutôt il est redevenu un jeu. Et bien sûr il y a une foule de choses à côté. Même si tous les nuages ne sont pas dissipés cette fois j'ai vraiment l'impression d'avancer, paradoxalement, avec Mélinda, ça revient à attendre tout bêtement.

J'ai profité de ces quelques jours pour rattraper le temps perdu où je le pouvais, donc loin de Seikusu. J'ai écrit à mes parents pour les rassurer sur mon état, assez posément pour qu'ils n'aient pas à en douter. J'ai d'ailleurs dit à ma mère de laisser ma petite offrande à Mister Tic-Pic la prochaine fois qu'elle passerait à la maison. J'ai aussi écrit à droite et à gauche et j'ai eu des nouvelles. C'est fou ce que le monde a tourné quand je ne regardais pas. Je me suis excusé auprès de Liam, et de sa fiancée, pour la lettre incendiaire que je lui avais envoyé. Et de savoir qu'ils comptaient appeler leur fille à naître Dana ne m'a pas effondrée, bien au contraire. Yukio et Sakura, deux anciens amis de la fac, filent encore le parfait amour. leur fils aura bientôt deux ans et il a un petit frère en route. Il me manquent tous.

Il y a quelqu'un d'autre qui me manque, et dont les nouvelles m'ont un peu peinée. Makiko. Visiblement elle n'a pas changé : virée de la ligue nationale pour avoir participé à des combats d'arts martiaux mixtes un peu douteux. Elle n'a pas l'air de regretter. Au contraire : elle donne des cours à une poignée de disciples triés sur le volet, qui doivent parfois le regretter. Et elle a tiré son épingle du jeu malgré la disparition de ses espoirs olympiques. Chorégraphe de combats pour la télé et le cinéma, à vingt-six ans, c'est plutôt... rassurant. Elle tient toujours la forme et ça doit lui donner de quoi bien s'occuper.

Il faut que je lui rende visite un de ces jours, mais les occasions de retourner à Tokyo ne vont pas se multiplier. Et j'ai ma petite carrière, moi aussi. Je dois encore un bon paquet de chapitre à mon éditeur. Je n'ai pas encore osé parler de ça à Mélinda. Je n'ai pas envie qu'elle pense que je suis revenue en quête d'un mécène. Vu mon quota de confiance j'ai peur qu'elle croit que j'ai voulu me venger et qu'elle se mette à chercher la petite bête. Elle reconnaîtra assez facilement nos expériences dans les passages érotiques, ça c'est clair. Et j'ai maudit ma petite Danu à travers une Banshee, pour ajouter tant au dark qu'à la fantasy.

Enfin ! Plus tard, tout ça. Pour l'instant je me dépense un peu. C'est peut-être de repenser à Makiko mais j'ai décidé d'aller cogner un peu dans le sac de la salle de sport du lycée. À l'époque on le tenait tour à tour, ou plutôt elle le tenait en me disant comment taper, puis je m'efforçais de ne pas décoller du sol à chacun de ses coups. Ce n'est plus pour défouler ma colère que je frappe. Je suis motivée, je vois clairement mes buts et je suis déterminée à les atteindre. Je dois fatiguer mon corps pour alléger mon esprit. Et depuis mon arrivée à Seikusu je n'avais pas vraiment pu prendre soin de mon corps. Dès le départ, avec Kyle, j'ai cherché à me rendre disponible. Ça m'a appris à tirer parti de mon temps libre. Alors je profite des deux heures de trou que j'ai aujourd'hui en fin de matinée.

Essoufflée mais bien contente de m'être prouvée que j'ai retrouvé la pêche, je laisse le sac de frappe ceinturé de ruban adhésif. Il ne pendouille pas bien longtemps avant que quelqu'un ne vienne prendre ma place. L'ambiance des salles de sport aussi m'avait manqué. Plein de gens qui soufflent et qui transpirent en faisant travailler les muscles... Ça réveille pas mal de souvenirs. Makiko se dépensait aussi beaucoup aux vestiaires, je n'ai jamais cherché à critiquer les méthodes d'une championne. Pour aujourd'hui je m'en tiendrai à la salle. Je déroule les bandes autour de mes mains en regagnant le banc où j'ai laissé mon sac, et je fait les cent pas avant de les y fourrer. Une petite douche, retour au tailleur, un gros plateau à la cantine, puis j'aurai un peu de temps pour buller avant de me remettre au travail.

Mais en rangeant les bandes, je trouve mon portable qui affiche un message reçu.

J’ai besoin de toi. Tu peux passer rapidement, stp ? Je t’offrirais à manger.
 
M.

J'hésite une seconde. C'est parti. Elle m'invite enfin à revenir. Est-ce que je serais vraiment à la hauteur ? Je n'en sais rien, mais j'ai promis d'être là. Mon prochain cours démarre en milieu d'après-midi, en attendant j'avais prévu de bosser quelques fioritures toutes personnelles à ajouter au programme de mes élèves. Le genre de petites choses qui faisait que j'étais moi et que j'ai laissé de côté comme le reste. mais je pourrai toujours m'en occuper plus tard.

J'arrive dans une demi-heure. J'ai une faim de loup.

H.

Je file vers les vestiaires pour prendre une douche et me changer. Puis en route pour le manoir. J'évite de me demander ce qui m'attend, même si le mot "besoin" a de quoi surprendre venant de Mélinda... Je préfère me dire qu'elle a déjà retrouvé assez confiance en moi pour l'employer.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le vendredi 06 juillet 2012, 10:28:40
Mélinda avait reçu une réponse, et en éprouva un indicible soulagement. Elle avait une « faim de loup ». Mélinda décida donc de quitter son bureau, et se rendit en bas. Il y avait quelques-unes de ses filles. Ni Shii, ni Clara, mais Kaori était là, avec Akira. Lorsque le regard de Mélinda croisa celui d’Akira, cette dernière préféra s’en aller, suçotant du sang par un verre. Elle le faisait sans gêne devant Kaori, mais, dès qu’elle voyait sa mère, elle n’arrivait pas à rester plus longtemps. Mélinda sentit sa bonne humeur être légèrement refroidie, et laissa Akira partir, impuissante à la retenir. Reprenant ses esprits, elle demanda à Kaori ce qu’il y avait à manger.

« Ben... On a commandé des pizzas... » expliqua cette dernière.

Des pizzas... Hum... Soit. Après tout, c’était bourratif, alors ça devrait sans doute convenir pour Hitomi. Mélinda ne pouvait que l’espérer. Elle ne put que remarquer à quel point Kaori était gênée. La situation entre Akira et Mélinda conduisait en effet la brave petite à se retrouver au milieu d’une dispute familiale vampirique. Ce n’était pas une position très enviable pour une humaine, surtout quand elle devait choisir entre sa meilleure amie et sa maîtresse. Et Mélinda ne pouvait pas non plus la forcer. Elle savait que Kaori essayait aussi, à sa manière, d’aider Akira, mais la tâche serait longue et ardue.

Les pizzas arrivèrent plus rapidement qu’Hitomi. Mélinda se tenait dans l’un des salons, devant une télévision murale qui diffusait les actualités à Midi de manière condensée. Au niveau des taux d’audiences, le débat organisé la veille sur l’avenir des super-héros avait accompli une belle performance, concurrençant sérieusement la diffusion de Men In Black II sur une autre chaîne. Plusieurs de ses filles l’avaient suivi. Visiblement, la chaîne appréciait peu les clowns bariolés. Ce fut après cette nouvelle qu’Edgar annonça la venue d’un scooter transportant les pizzas. Kaori s’était chargée d’aller les chercher, et Mélinda avait silencieusement regardé les informations.

« ...Et rappelons qu’Akori Aoyama est toujours introuvable. Cela fait maintenant plus d’un mois que personne ne l’a retrouvé, et, même s’il est trop tôt pour évoquer son décès, la police commence, comme l’ont révélé des sources internes, à se poser des questions. De même, beaucoup de gens font le rapprochement entre cette disparition et celle survenue, il y a plus d’un an, par Sakura Konoe... »

L’image de la belle lycéenne apparut dans un coin, et Mélinda éteignit rageusement l’écran en appuyant sur le bouton rouge de la télécommande. Le sort s’acharnait ! Elle bouillonnait sur place, et la porte se rouvrit, livrant passage à Kaori. Les pizzas étaient dans plusieurs petits cartons chauds, l’ensemble retenu par des cordes, et Kaori les posa lourdement sur la table. Mélinda en récupéra une, l’ouvrit, et sentit son estomac gargouiller en sentant l’odeur de la pizza. Elle ouvrit le carton en grand, et vit le regard gêné de Kaori. Elle tenait une autre pizza, et Mélinda comprit.

« Vas-y... » soupira-t-elle.

Kaori la remercia, et se rendit vers la chambre d’Akira, afin de partager avec elle sa pizza. Mélinda, de son côté, soupira. Plusieurs des autres pensionnaires du manoir débarquèrent pour commencer à manger. Mélinda les laissa faire, Seule Liana (http://images.ados.fr/bd-manga/photo/hd/3737829373/neko/neko-serveuse-2500458816.jpg), sa neko, choisit de rester avec elle. Elle se posa sur ses genoux, et se roula en boule. Tout son corps débordait plus ou moins, mais Mélinda appréciait le geste. Elle savait, cette petite, elle savait quand sa Maîtresse n’allait pas très bien.

*Dépêche-toi, Hitomi, ça va refroidir...*

Son portable finit par sonner assez rapidement. Elle le décrocha. Edgar. Hitomi. Le vigile mangeait une pizza, et elle ne tergiversa pas longtemps. Les portes s’ouvrirent, et la vampire n’eut qu’à attendre. Liana se poussa légèrement, et alla s’étaler sur un fauteuil dans un coin, sa queue atterrissant devant sa tête, qu’elle se mit plus ou moins à suçoter. Hitomi arriva ensuite. Mélinda la regarda avec un léger sourire, mine de rien rassurée qu’elle soit là. Il fallait qu’elle évacue Akira de sa tête. La vampire avait d’autres soucis pour le moment.

« Salut, Hitomi. Les filles ont commandé des pizzas. J’espère que ça t’ira... »

Autant l’accueillir, avant de lui sauter dessus pour lui exposer l’objet de sa requête. Jadis, Mélinda l’aurait accueilli par un gros câlin avec, dans la foulée, un tendre baiser, mais elle ne se sentait pas encore assez proche de la senseï pour se permettre un tel élan.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le vendredi 06 juillet 2012, 15:29:38
J'ai peut-être été un peu plus enthousiaste que prévu à la salle de sport. La douche m'a mis un coup de barre. Dans un monde parfait je remplirai le ventre pour aller faire une sieste, même pas crapuleuse. Je reste debout dans le bus pour éviter de somnoler et manquer mon arrêt. Mais je doit me tenir à la poignée qui pend du plafond pour résister à l'envie. Il faut dire aussi que j'ai presque deux mois de nuits blanches à récupérer. Presque deux mois de solitude aussi... Quand j'y pense c'est quand même bizarre : sur la forme les choses ne changent pas tant que ça. Je suis encore crevée, je dois encore m'acharner pour m'en sortir, je dois aussi me défouler et garder une certaine distance avec mon entourage. Mais dans le fond tout est différent. J'ai enfin trouvé les bonnes raisons et je le sais. Je ne me bat plus contre mais pour. Ça fait toute la différence.

Le bus s'arrête, et je mets dix bonnes secondes à percuter que je dois descendre. Puis je file pour remonter le trottoir en direction de chez Mélinda. la demi-heure que je lui ai annoncée était prise à la louche, j'espère que je ne la laisse pas poireauter. J'espère aussi qu'elle a effectivement à manger, parce que je pourrais manger un hippopotame en salade, dents comprises. Et ces bêtes-là, même bien cuite, c'est pas pour les mâchoires fragiles ! En approchant du manoir j'ai au moins la faim pour me distraire. Je me suis retenue d'imaginer ce que Mélinda peut attendre de moi, pour ne pas ouvrir la porte à l'angoisse. Je ne craque pas en arrivant devant la grille.

Une délicieuse odeur de fromage fondue et de sauce tomate chaude vient me caresser les narines. Mon estomac entame la danse de la pluie en espérant que ça va tomber. Le vigile, dont je ne connais toujours pas le nom, est en train de bouloter tranquillement une part de pizza. Il devient méfiant en remarquant mon approche, et je ne peux pas lui en vouloir. En fait je ne m'en soucis pas : c'est son boulot et c'est la confiance de la patronne que je dois retrouver. Je dois surtout me retenir de fondre sur sa pizza comme un rapace. Je lui sourie poliment, mais sincèrement. D'une certaine façon ce gars est un morceau de la porte que je suis contente de passer à nouveau dans le bon sens.

" Bonjour ! Cette fois je suis attendue. "

Un petit coup de fil à la patronne et je le remercie de m'ouvrir la grille. Je rejoint le manoir à foulées aussi grandes que la dernière fois. La dalle, ce serait mentir que de prétendre le contraire, et surtout la joie d'être à nouveau la bienvenue, un tant soit peu. J'entre et tout le monde est en train de manger. Une horde de jolies filles avec des pizzas, si je ne venais pas pour rendre service à Mélinda je pourrais me croire au paradis, ou en enfer vu ce que cette orgie ferait subir à ma ligne.

Un peu l'enfer quand même. Dire qu'avant, dès qu'on se voyait on se sautait dans les bras. Je me prends en pleine poire le mur que j'ai dressé entre nous. Ça fait mal mais je ne le cache pas plus que ma détermination à le démonter pierre par pierre. Je suis venue pour que tout aille mieux, et j'espère qu'elle le voit dans mon petit sourire. Elle ne m'a pas appelée pour rien. Je la sais, même si je le devine plus qu'elle ne le montre.

" Salut, Hitomi. Les filles ont commandé des pizzas. J’espère que ça t’ira...
- C'est parfait ! "

Je m'approche encore un peu. Toutes filles restent à distance respectueuse, ou plutôt froidement polie, mais elles nous surveillent. J'aime autant ne les laisser entendre que Mélinda m'a appelée à l'aide. Je suis encore détestée entre ces murs.

" Si tu as déjà mangé, ça te dérange qu'on commence à discuter pendant que je m'y mets ? Je sors de la salle de sport, j'ai vraiment faim. Mais ça m'empêchera pas d'écouter. "

Mon corps est affamé, mais je sens que la rancœur ambiante va vite me couper l'appétit. Et puis je préfère être honnête. Elle sait aussi bien que moi à quel point ses protégées m'en veulent d'avoir bousillé leur maîtresse, elle le sait même mieux. En revanche elle ne pouvait pas savoir que j'ai l'estomac dans les talons. D'ailleurs le réconfort de me remplir la panse ne pourra que me mettre dans de meilleures dispositions pour l'aider.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le dimanche 08 juillet 2012, 13:14:29
« Si tu as déjà mangé, ça te dérange qu'on commence à discuter pendant que je m'y mets ? Je sors de la salle de sport, j'ai vraiment faim. Mais ça m'empêchera pas d'écouter. »

L’arrivée d’Hitomi ne fut pas très bien accueillie par la plupart des filles de Mélinda. Une écrasante majorité des lycéennes en voulaient toujours à cette dernière d’avoir trahi leur Maîtresse, et de l’avoir blessé. Ce n’était pas quelque chose qu’on pouvait pardonner facilement. Pour elles, Mélinda était un symbole, une espèce de modèle à suivre. Ce modèle avait été flétri, marqué, fané. Mélinda était même partie en vrille pendant un temps. Elle reprenait peu à peu du poil de la bête, mais avait, pour ainsi dire, voyagé de Charybde en Scylla. Hitomi sentit bien cette apparente animosité, cette tension, et Mélinda fit signe de la main. Les filles en profitèrent pour rallumer la télévision, baissant toutefois le son, tandis qu’Hitomi, heureuse, se jetait sur les pizzas.

La chaîne retransmettait un débat télévisé qui avait eu une bonne part de l’audimat, dans laquelle plusieurs individus s’affrontaient : Paul Zickmann, spécialiste, Kenneth Douglas, un avocat, et d’autres. Le débat commençait, et les filles mangeaient des pizzas, jetant parfois des coups d’œil suspicieux vers Hitomi. Si tu oses refaire une connerie... Voilà ce que ces regards disaient, lourds de promesses allant en ce sens. Mélinda ne dit rien, se contentant de regarder Hitomi, se demandant comment aborder sa requête.

« Et que pensez-vous de l’apport sociétal des super-héros, M. Douglas ? »

L’animateur du débat venait de parler. Dans un impeccable costume ouvert montrant une chemise blanche avec des traits verticaux, l’intéressé tira sur les pans de sa veste avant de parler, un éternel sourire d’adolescent rivé sur les lèvres :

« Vous savez, Petey... Je peux vous appeler Petey, Petey ? En tant qu’avocat pénaliste, je ne peux être opposé à l’apport sociétal des super-héros, comme vous les appelez... Et je rejoins d’ailleurs en ce sens M. Zickmann dans ses analyses pertinentes. »

Hochement de tête satisfait et approbateur de l’intéressé. Amusé, Petey laissait Douglas parler.

« Vous voyez, quand j’ai à défendre le cas d’un client qui a été molesté par l’un de ces justiciers autoproclamés, l’affaire est pliée d’avance. Dans 95% des cas, les suspects qui ont été arrêtés par des super-héros sont relâchés pour un quelconque vice de forme qui rend toute l’enquête caduque.
 -  Voilà un chiffre qui fait mal !
 -  Voilà bien pourquoi je voudrais adresser à tous ces justiciers un message simple. Revenez. Les avocats ont besoin de vous.
»

Mélinda fronça les sourcils.

« Baissez le son ! »

Cette mode des médias était agaçante. Impossible de trouver un quotidien ou une chaîne télévisée qui ne parle pas un jour ou l’autre des clowns costumés. Mélinda, agacée, reprit son calme, et planta son regard dans celui de la senseï, afin de se mettre à parler.

« Bref... Je t’ai appelé pour un service, comme tu as du t’en rendre compte. Je ne peux pas trop en dire plus sans devoir tout t’expliquer, et j’aurais pour cela besoin de toute ton attention. Finis donc tranquillement de te remplir l’estomac, et je t’expliquerai tout. Tout ce que je peux te dire, c’est que ce service concerne Clara, et pourrait sensiblement améliorer tes relations avec cette dernière. »

Voilà qui devrait indéniablement attiser la curiosité d’Hitomi. Elle savait que les relations entre elle et Clara étaient toujours conflictuelles, et ce même après la visite surprise d’Hitomi au manoir. C’était même encore pire, et Mélinda avait eu du mal à savoir ce qui s’était passé. La senseï avait vu les blessures de Clara, et avait menacé cette dernière. Et Mélinda avait été incapable de la rassurer. Clara vivait depuis dans la peur constante d’entendre son père sonner à la grille, avec des policiers, pour ramener sa fille. Cette perspective la terrorisait. Tout simplement. Et Mélinda, sur ce point, ne pouvait que la comprendre.

*Mais je vais t’offrir l’occasion de prouver ta valeur, Hitomi... L’occasion de voir à nouveau toutes ces lycéennes qui te détestent te sourire radieusement.*
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 09 juillet 2012, 14:31:06
Je dois me concentrer pour bien mâcher mes bouchées de pizzas au lieu de les avaler tel quel. J'ai entendu quelque part que l'estomac met un certain temps à informer le cerveau, ce qui explique qu'on ne sache pas qu'on a trop mangé avant qu'il ne soit trop tard. Donc je réfrène un instinct de plus. Et j'en profite pour garder un œil sur la télé pour me distraire de Mélinda. L'envie de la manger elle aussi, bien sûr encore hors de ma portée, mais également de lui demander ce qu'elle me veut.

Mais les deux abrutis suffisants qui passent les super-héros à la moulinette avec leurs sourire éclatants me soulèvent le cœur. Je ne peux pas cacher une très acerbe pointe de colère dans mon regard, surtout pour l'avocat tout content de remettre en liberté 95% des mecs qui se font choper par les "justiciers autoproclamés". D'après sa statistique, les cinq hommes qui me sont tombés dessus le soir où j'ai rencontré Kyle s'en sont sortis les mains dans les poches, on peut sans doute y ajouter les deux dont Gabriel m'a sauvée. Alors c'est comme ça que ça doit marcher ? Je repense à Priscilla qui élimine froidement tous les gars de ce genre qu'elle croise. Sans aller jusqu'à l'approuver, je ne la condamne pas. Et une femme aussi "instinctive" ne peut pas être ailleurs qu'au bout de la ligne de prédation.

" Baissez le son ! "

Heureusement que Mélinda m'arrache à toutes ces conneries. Je commençais à imaginer ce qui serait arrivé si elle m'avait effectivement transformée en Vampire. Je suis une grande sensible et j'ai fait pas mal de dégâts autour de moi malgré ma petite condition de mortelle. Alors avec des crocs, des griffes, une force surhumaine et une soif de sang... je sens que je vais passer de très longues heures à creuser le sujet dans les aventures de ma petite Danu.

En attendant je suis bien contente d'échapper à ce genre de cas de conscience. Et même si je n'ai plus beaucoup d'appétit après avoir entendu ces deux zouaves se payer publiquement la tête de mon Kyle, j'arrache une bouchée de plus à ma pizza en revenant à Mélinda.

" Bref... Je t’ai appelé pour un service, comme tu as du t’en rendre compte. Je ne peux pas trop en dire plus sans devoir tout t’expliquer, et j’aurais pour cela besoin de toute ton attention. Finis donc tranquillement de te remplir l’estomac, et je t’expliquerai tout. Tout ce que je peux te dire, c’est que ce service concerne Clara, et pourrait sensiblement améliorer tes relations avec cette dernière. "

Mes relations avec Clara ? Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de les améliorer. Avant mes terribles conneries on se supportait, une sorte d'amour vache ou de concurrence déloyale pour les faveurs de Mélinda, avec cette dernière comme arbitre. Ensuite elle a été la seule à me mettre le nez dedans, bien qu'elle n'avait pas la carrure pour ça. Le fait est que je dois beaucoup à cette fille et que je ferais tout ce que je pourrais.

Quant à me remplir l'estomac, je suis en train de finir ma troisième part de pizza. Décidément, que les choses aillent bien ou mal, Mélinda semble en vouloir à ma ligne. Il m'est arrivé de me demander si quelques petits kilos bien placés, ça et là... Mais on verra après mon petit programme de remise en forme. Et il y a plus important.

Une fois la croûte de ma dernière part de pizza engloutie, je suis Mélinda jusqu'à son bureau. Je ne sais pas ce que Clara et Shii lui ont raconté de ce qui s'est passé au lycée. Je serais étonnée qu'elle sache pour le couteau, et même si je veux être honnête avec elle je ne lui en parlerais pas.

" Je préfère te le dire tout de suite, Mélinda : je te promets de faire de mon mieux, mais pas que ça sera facile. Tu sais comment ça se passe entre Clara et moi, quand tu n'es pas dans les environs on se saute à la gorge une fois sur deux. Et on pouvait déjà pas se voir avant que je te rencontre. Je ne sais pas ce que tu vas me demander, mais je sais déjà que c'est délicat. "

J'ai essayé de dire ça sur le ton le plus léger possible. D'accord, ça ne peut être que grave pour que Mélinda m'appelle à la rescousse. Surtout s'il s'agit de Clara. Mais si tout le monde en fait une montagne dès le départ on va droit dans le mur.

" Dit-moi ce qui te tracasse, mais reste simple. Si on s'emballe on fera plus de mal que de bien. Et tu sais que là : c'est l'expérience qui parle. "

L'expérience très récente, qu'il va falloir mettre à profit. Je doute de rassurer Mélinda en lui disant tout ça, mais je ne veux pas la rassurer. Je veux qu'elle sache que je vais faire au mieux, pas au plus rapide.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 10 juillet 2012, 01:05:59
Hitomi se mit à manger comme dix, dévorant la pizza. Silencieusement, Mélinda la regardait, se rappelant que, effectivement, la femme avait toujours eu un trou à la place de l’estomac. Il fallait aussi dire que, quand Mélinda l’avait dans ses petits souliers, Hitomi se dépensait beaucoup, sexuellement parlant. Fatalement, elle brulait énormément de calories. Est-ce que c’était toujours le cas depuis son expérience amoureuse ? La vampire en doutait, mais elle ne se sentait pas assez proche pour lui poser cette question. Ce qu’elle savait, c’est que ça lui manquait suffisamment pour qu’elle saute sur les opportunités que Mélinda lui offrait pour la rejoindre, quitte à négliger son déjeuner en comptant sur ce que la vampire lui offrirait.

Le repas fini, Mélinda se dirigea d’un pas tranquille vers son bureau. Hitomi la suivit, et c’est en s’asseyant sur son fauteuil, et en regardant la senseï, que cette dernière se permit une remarque qui fit légèrement froncer les sourcils de Mélinda :

« Dit-moi ce qui te tracasse, mais reste simple. Si on s'emballe on fera plus de mal que de bien. Et tu sais que là : c'est l'expérience qui parle. »

Elle rajouta sur un ton un peu sec :

« Évite de remuer le couteau dans la plaie, Hitomi. Ne va pas t’imaginer un seul instant que c’est parce que j’ai accepté de te réintégrer dans ma vie que j’ai oublié ce que tu as fait. »

Voilà qui était dit. Concis et on ne peut plus clair. Les agissements d’Hitomi étaient encore une plaie ouverte dans le cœur de Mélinda, une plaie qui se ravivait à chaque fois qu’elle voyait dans le regard d’Akira l’envie, au mieux de l’ignorer, au pire de la tuer. Mélinda se racla la gorge, et décida de rapidement penser à autre chose. Elle désigna les deux papiers posés devant elle. Elle avait écrit les lettres à l’ordinateur, sur du papier de premier choix.

« Regarde... Regarde ces lettres, Hitomi. La tâche que j’ai à te demander est rapide à résumer, mais, pour que tu comprennes tout ce que ça implique, je vais devoir te raconter une longue histoire. Commence donc par les lire. Et assieds-toi. »

Elle allait rester dans ce bureau pour un petit moment, car ce n’était pas une histoire qu’on pouvait boucler en cinq minutes. Un léger silence s’instaura tandis qu’Hitomi parcourut les deux lettres. Elles n’étaient pas très longues, et, quand Mélinda vit que le regard d’Hitomi avait fini de tout de lire, elle précisa quelques éléments importants pour qu’Hitomi comprenne bien tout ce qu’elle lisait :

« Ce sont des lettres que je compte envoyer à la mère de Clara. Du moins, une seule des deux. Et ça dépend de toi. A dire vrai, j’ai choisi de t’appeler car le poste que tu conviens au sein du lycée correspond à l’idée que j’ai en tête... Et parce que je crois que tu es un peu plus portée que moi sur l’amour filial. Dans la mesure où mon grand-frère m’a violé pour la première fois à l’âge de mes sept ans, et que j’ai tué ma mère en naissant, puis que mon père a été le premier homme à périr de mes griffes, je t’avouerai que l’amour filial est quelque chose que je ne comprends que difficilement. »

Mélinda n’avait jamais eu l’occasion de vraiment parler à Hitomi de son enfance, avant qu’elle ne devienne une vampire. Dit comme ça, c’était violent, mais assez exact. Quand Mélinda était née, la grossesse de sa mère avait connu des complications, et la pauvre en était morte. Son père en avait toujours tenu rigueur à sa petite fille, voyant dans son beau visage, dans ses yeux d’émeraudes, dans ce corps si similaire à celui de sa mère, une espèce de cruelle voleuse de vie.

« J’entretiens avec la mère de Clara une correspondance depuis maintenant plusieurs mois, et j’en suis arrivée au point où je me demande si cette situation doit rester ainsi, ou si je dois permettre à la mère de Clara de retrouver sa fille. J’aurais donc besoin, non seulement de ton avis sur la question, mais aussi, et surtout, de ta contribution. Tu m’as dit qu’on pouvait compter sur toi la dernière fois. Mais je ne veux rien t’imposer. Alors, dis-moi... Es-tu disposée à aider Clara ? A en savoir plus sur cette petite peste ? A savoir qui a causé ces marques dans son dos, et pourquoi elle déteste tant les professeurs ? »

Ce service pouvait également être profitable pour Hitomi, dans la mesure où, si Clara cessait de la harceler, la senseï ne pourrait fatalement qu’aller mieux. Mélinda ne pouvait qu’espérer qu’Hitomi serait capable de le voir, et d’agir intelligemment.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mardi 10 juillet 2012, 03:10:37
Je dois prendre sur moi, mais d'une force ! Il vaut mieux que je ne remues pas le couteau dans la plaie : elle le fait tellement mieux que moi. Au moins une chose n'a pas changé depuis notre rencontre : quand on ne parle pas de sexe elle prend systématiquement tout ce que je dis de travers. Je commence à me demander si le mieux n'aurait pas été de faire vœux de silence à le seconde où je suis tombée amoureuse de Kyle. Ou dès que j'ai mis un pied à Seikusu. C'est la même chose avec tout le monde, ou peu s'en faut : pour peu qu'on m'entende on ne m'écoute pas. Je suis peut-être tout simplement une inadaptée sociale ? Bien sûr, après ce que je viens de traverser, je vois ça de trop loin pour en faire un drame.

Inutile d'avoir toute l'histoire pour lire entre les lignes des courriers qu'elle me tend. D'un côté une situation qui pourrit bien gentiment sous l'eau de rose, de l'autre on crève l'abcès et advienne que pourra. Je suis même surprise qu'elle me demande mon avis, ça doit être difficile pour elle de demander conseil à quelqu'un, et par-là même avouer indirectement qu'elle n'a pas toutes les réponses. Donc la mère de Clara : je ne tombe pas de mon fauteuil. Une seule partira : je ne suis pas surprise. À moi de choisir : bin voyons ! Je commence à me demander si au lieu de me laisser une chance, elle ne cherche pas plutôt quelqu'un à qui en vouloir si ça part en vrille.

Et tant qu'à faire autant m'utiliser comme sac poubelle sentimental, puisque c'est gratuit. Elle aurait simplement pu me dire que la famille n'était pas sa tasse de thé, ça j'étais déjà au courant. Non, bien sûr. Il faut encore des drames, des viols et des meurtres, racontés bien froidement par l'inébranlable Mélinda Warren. Elle n'a pas parlé de la mort de son frère, s'il est encore vivant j'espère pour lui qu'il n'est pas à sa portée. En seulement quelques minutes les sentiments que j'ai pour elle ont perdu beaucoup de terrain face à mes seuls remords. Mes remords qui, eux, sont restés les mêmes.

Je la laisse finir son exposé, mais je n'écoute la dernière partie que pour la forme. J'ai répondu à son appel aussi vite que j'ai pu, j'ai accouru pour l'aider sans avoir la moindre idée de ce qui m'attendait. J'ai essayé de démarrer en douceur, je me suis faite aussi petite que j'ai pu. Si c'est pour me faire écraser : d'une c'est du foutage de gueule, et de deux... c'est du foutage de gueule. Je m'en veux mais je ne suis pas non plus responsable de tout. Et si elle veut vraiment mon aide elle va devoir me laisser de la marge.

Je ne sourie plus, je ne montre que ma détermination.

" Je vais être directe, Mélinda. Si tu me connaissais aussi bien que tu le crois tu saurais que le choix est déjà fait. Oui, je veux aider Clara. Et oui, elle doit revoir sa mère. "

Elle me croit aveugle ? Je sais très bien d'où vienne ses doutes. Elles viennent de cette fille dont le visage est sur des avis de recherche : Aoyama Akira. Cette même fille que j'ai aperçue en quittant le manoir la dernière fois, à faire la gueule en buvant quelque chose qui n'était certainement pas du jus de tomate. Mélinda est tombée sur un problème insoluble, qu'elle ne peut ni laisser de côté ni éliminer. Et qu'elle me remet sur le dos parce que je me laisse faire. D'un autre côté si je lui renvois ça en pleine face : elle m'égorge dans la seconde, pour de bon.

" La question n'est pas de savoir si elles doivent se revoir : c'est comment je vais préparer Clara à ça. Et ne le prend pas mal, mais si je m'en mêle c'est pour elle, pas pour te faire plaisir. Je ne vais pas contribuer. Je ne suis pas un fusible que tu pourras changer si ça se passe mal. C'est son problème, donc ce sera à elle de le régler comme une grande. Nous deux on sera là que pour l'épauler et la guider. "

Elle ne m'a pas encore sauté à la gorge, mais je sens que c'est pas loin.

" Et bien sûr il va falloir que j'en sache plus sur elle. Il va falloir que je sache qui lui a déchiré le dos, et pourquoi elle déteste les profs. Mais ce n'est pas toi qui doit me l'apprendre. Je vais déjà devoir aller la voir en lui disant qu'on pense qu'elle devrait revoir voir sa mère. J'ai bien dit on, parce que sinon c'est moi tout seule et tu seras la sortie de secours parfaite. Mais si en plus je dois lui dire que tu m'as tout raconté : elle va se sentir trahie par la personne en qui elle a le plus confiance. Là je parle de toi. Et si elle se sent obligée de jouer le jeu ça servira à rien. Faut que ça vienne d'elle. "

Clara et sa mère, comme s'il n'y avait pas une autre relation mère-fille disfonctionnelle derrière. Faut vraiment qu'elle soit conne pour me siffler comme une chienne avant de me coller ça sur les épaules. Et faut vraiment que je sois gentille pour accepter dans ces conditions. Mais si je ne pose pas clairement les règles du jeu on va toutes finir dans le mur, et bien sûr ce sera de ma faute.

" Donc pour te planter simplement le tableau : Clara doit pouvoir garder une confiance absolue en toi, tu dois me faire une confiance absolue pour gérer la situation, et je dois pouvoir te faire une confiance aveugle pour encaisser la pression. Ensuite c'est à moi de me démerder pour qu'elle me fasse confiance malgré tout ce qu'elle a contre moi. Ça va être difficile, et même si on s'en sort Clara va passer un très sale moment. Ça va peut-être même être la pire épreuve de sa vie. Mais avant d'en arriver à sa mère, le gros du boulot devra se passer entre elle et moi. C'est indispensable, Mélinda. C'est même vital. Je vais devoir la convaincre d'aller remuer la merde. Elle aura besoin de toi plus que jamais. Elle aura besoin de tout le soutien possible, surtout de toi... Et de Shii aussi. "

C'est le moment de tendre le cou. Elle m'égorge, ou elle décroche la laisse. De touts façons, si Akira a entendu parler de moi, j'ai deux Vampires en colère sur le dos. L'une d'elle a encore un peu d'affection pour moi, l'autre n'a pas encore eu le temps de me tomber dessus : pour autant que je sache ma survie ne tient à rien d'autre. Si je veux arranger un tant soit peu les choses, apprendre à Mélinda comment on prend soin de ses enfants, rendre à Clara ce que je lui dois et sauver mon joli petit cul : je dois prendre des risques.

" On fait comme ça et pas autrement. Sinon c'est foiré d'avance, autant laisser la situation pourrir et Clara crever avec ses problèmes. "

Autant que je me casse et que je me lave les mains une bonne fois de toutes ces histoires. Je le regretterai, ça c'est clair, je vais même en traîner des remords jusqu'à mon dernier souffle. Mais je ne peux pas changer le passé, et j'ai promis l'avenir à quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui voit en moi beaucoup plus qu'un joli petit cul ou un bouc émissaire... Quelqu'un qui n'a pas eu peur d'offrir son cœur à une maladroite comme moi, au lieu d'exiger le mien.

Égoïste ? Peut-être. Mais j'ai été à bonne école.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 10 juillet 2012, 23:36:56
« Je vais être directe, Mélinda. Si tu me connaissais aussi bien que tu le crois tu saurais que le choix est déjà fait. Oui, je veux aider Clara. Et oui, elle doit revoir sa mère. »

Sur le coup, elle ne pouvait qu’admettre. Si elle connaissait Hitomi aussi bien qu’elle le pensait, cette dernière serait à ses côtés, et serait tout, sauf une simple prof’ avec un problème de cœur. Mais bon, il était inutile de refaire le passé. Le choix d’Hitomi, visiblement, se portait sur une réconciliation entre Clara et sa mère. Les yeux d’émeraude de Mélinda la fixaient à chaque fois qu’Hitomi parlait, et qu’elle lui soumettait une idée assez curieuse : amener Clara à revoir sa mère. Comme il aurait été impoli de l’attendre, la vampire la laissa parler, un fait en soi surprenant. Il y a quelques mois, elle aurait rapidement balayé cette idée, mais, comme on lui disait qu’elle avait trop tendance à s’imposer, Mélinda essayait de se calmer, et de montrer qu’elle écoutait un peu plus les autres... Même quand elle avait l’impression qu’on lui sortait des conneries.

« On fait comme ça et pas autrement. Sinon c'est foiré d'avance, autant laisser la situation pourrir et Clara crever avec ses problèmes. »

Mélinda eut un léger sourire, et se redressa un peu sur son siège.

« Laisser la situation pourrir et Clara crever avec ses problèmes... répéta-t-elle. C’est une belle formule. Laisse-moi résumer ce que tu veux faire... »

Mélinda se passa les mains dans ses cheveux, fermant ses yeux en réfléchissant. Les problèmes familiaux, ce n’était définitivement pas sa tasse de thé, que ce soit ceux des humains, ou ceux des vampires. Elle réfléchit donc brièvement, et se mit à parler :

« Tu sais, si j’ai demandé ton aide, c’est pour Clara aussi. Contrairement à ce que tu sembles croire, je suis bien moins égoïste que tu peux le penser. Mais je ne peux pas t’en vouloir, on dit souvent que la fierté et l’égoïsme sont des synonymes. »

Il n’y avait pas besoin d’être grand voyant pour savoir ce qu’Hitomi devait penser de Mélinda. Ceci ne faisait que confirmer que Mélinda s’était bel et bien plantée sur son compte. C’était dur à admettre, mais, de toute manière, elle n’avait pas appelé Hitomi pour régler entre elles leurs comptes. Mélinda, de toute manière, estimait que leurs comptes étaient déjà réglés. Si elle ne voyait Hitomi, ce n’était que parce qu’elle avait vu en elle un moyen d’amener Clara à se réconcilier avec sa mère. Mais est-ce que Clara en avait vraiment besoin, de sa mère ? Pendant longtemps, Mélinda avait estimé que répondre favorablement aux demandes de cette dernière en lui indiquant où était sa fille causerait à cette dernière un plus grand préjudice que de ne pas la voir, ce sur quoi ladite mère l’avait pendant un temps rejoint. Maintenant, Mélinda en était beaucoup moins sûre. Avoir une fille, ça remettait tout en perspective, qu’on le veuille ou non.

« Ce que je sais, Hitomi, ce dont je suis convaincue, c’est qu’il y a une chose, sur toute cette planète, qui prend encore plus de place dans le cœur de Clara que l’affection qu’elle peut me porter, ou que la confiance qu’elle m’a. Une chose à laquelle même moi n’ait pas réussi à trouver de réponses, ce qui explique d’ailleurs ta présence. C’est la peur irrationnelle que Clara éprouve pour son père. Si tu vas la voir en lui disant que j’entretiens depuis des mois une correspondance avec sa mère, et que tu veux qu’elles se rencontrent, Clara se sentira trahie. J’ai déjà trahi la confiance de cette dernière en engageant un détective pour qu’il retrouve ses parents, et pour me tenir au courant de l’évolution de leur situation. »

Mélinda se mordilla les lèvres, et poursuivit :

« Clara ne t’aime pas, Hitomi. Et je pense que tu le sais. Il m’a fallu des mois et des mois pour qu’elle parvienne à se confier, et à progressivement m’expliquer pourquoi elle a fugué de Tokyo, avant que je ne la retrouve dans une ruelle puante en train de... Hum... Laisser la situation pourrir et voir Clara crever avec ses problèmes. Tu penses vraiment pouvoir l’amener à se confier à toi ? Si tu le crois, alors c’est que tu es aussi prétentieuse que je peux l’être, si ce n’est plus. Même Shii ne sait pas toute l’histoire, seulement des bribes que j’ai pu lui confier. Clara ne se confiera jamais à toi, je peux te l’assurer. »

C’était violent, mais honnête. Mélinda disait bien plus souvent la vérité qu’on ne le pensait. Il n’y avait tout simplement aucune chance pour qu’Hitomi parvienne à obtenir la confiance de Clara simplement en lui parlant. Et, pour qu’Hitomi le comprenne bien, il fallait que Mélinda précise les choses :

« Ce n’est pas de sa mère que Clara a peur, mais de son père. Et tout ce qui, de près ou de loin, se rapproche à ce dernier suscite sa peur, une peur qu’elle masque derrière sa colère. Quand on lui parle de sa mère, c’est son père qu’elle voit. Et, quand on lui parle des professeurs, c’est aussi son père qu’elle voit. Son père en est un. Un prof’. Ou était, plus précisément. »

Dit comme ça, Hitomi ne devait pas comprendre grand-chose, et Mélinda haussa les épaules.

« J’ai déjà étudié bien des possibilités, et je pense que le mieux pour Clara est que je consomme pleinement ma trahison. Je pourrais me rendre moi-même à Tokyo pour la voir, mais, si je lui explique que je suis une vampire, les choses, qui sont déjà très compliquées, risquent de devenir totalement ingérables.  Voilà pourquoi j’ai besoin de toi. La mère et le père de Clara ne se fréquentent plus, ils sont divorcés, crut-elle utile de préciser. Ceci étant dit, rien ne t’empêche d’aller voir Clara et d’essayer d’obtenir sa confiance. De réussir là où j’ai échoué. »

Mélinda soupira. C’était presque un aveu, et elle continua en lâchant :

« Je ne suis pas aussi parfaite et géniale que j’aimerais qu’on le croit. Je me dois d’avoir cette image pour ceux et celles que je protège, mais, quand bien même je suis une vampire, je ne suis pas pour autant parfaite. Je ne sais tout simplement pas ce qui est le mieux pour Clara. Si, pour toi, il faut jouer l’honnêteté, et lui expliquer tout, alors, nous allons jouer la carte de l’honnêteté. Ça va peut-être te surprendre, Hitomi, mais, même après ce que tu as fait, je continue à te porter dans mon estime. »

La vampire secoua la tête, regarda par la fenêtre, soupira, puis décida d’en finir :

« Shii est là, et Clara rentrera bientôt au manoir. D’ici quelques minutes, normalement. Si c’est comme ça que tu veux jouer ce jeu, Hitomi, alors on jouera comme ça. »

Et ce quand bien même Mélinda pensait que c’était une mauvaise idée. La vampire n’était vraiment plus la même. Akira lui avait fait perdre ses convictions, à tel point qu’elle en arrivait à faire confiance à une humaine qui l’avait trahi par le passé pour résoudre un problème qui était potentiellement susceptible de nuire à sa relation avec Clara. Or, Mélinda tenait énormément à Clara. La petite vampire avait pleinement conscience de prendre des risques sérieux.

*De toute manière, prendre des risques, c’est ce que je sais faire de mieux.*
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 11 juillet 2012, 02:16:58
Forcément, elle me laisse m'emballer avec seulement la moitié facile du problème. Et elle a encore pris de travers ce que je lui ai dit. En même temps je voulais juste la prévenir qu'à la place que je me donnais dans le plan : je ne me gênerais pas pour me carrer ses conseils. D'ailleurs c'est toujours d'actualité. C'est elle qui demande mon aide, après tout. J'écoute. Clara ne m'aime pas, ça je le sais. Je note les points importants. Clara a une peur panique de son père, et elle ne sais rien pour les lettres. Il fallait commencer par ça, le capitale confiance de Mélinda ne peut plus nous servir. La mère a fini par lourder le père, ce qui n'aide pas forcément. Et comme Mélinda est la seule à tout savoir sa position est encore plus critique. Le père était prof, ce dont je me doute déjà au moment où elle me le dit.

Et la fin n'étant plus vraiment liée au problèmes de Clara, je laisse mon regard, et toute ma tête avec, dériver en direction de la fenêtre. Je n'ai qu'une conclusion, que je compte larguer rapidement.

" Shii est là, et Clara rentrera bientôt au manoir. D’ici quelques minutes, normalement. Si c’est comme ça que tu veux jouer ce jeu, Hitomi, alors on jouera comme ça.
- On est dans la merde. "

Un soupir, et plutôt abattu. Il y a de quoi. Bon, il faut changer d'approche.

" Je comptais pas avoir la confiance de Clara en cinq minutes, Mélinda. Je te parlais psychologie. Même si elle avait décidé d'y mettre du sien, ça aurait pris des semaines rien que pour qu'elle me parle. Mais on en est déjà plus là. "

Je reviens à Mélinda. Il faut que j'arrête de parler plus dans ma tête qu'en dehors. Après tout si elle ne me connaissait pas si bien, c'est que je n'ai pas dû assez lui en apprendre. De toutes façons j'ai changé. Je compte bien faire en sorte qu'elle en apprenne plus sur moi, qu'elle puisse refaire ma connaissance. Je ne suis plus la même, mais je suis de nouveau entière.

" Tu peux oublier tout ce que je t'ai dit, à quelque détails près. D'abord on obtiendra de bien meilleures résultat en la persuadant doucement qu'en la forçant. Mais on va quand même devoir la forcer un peu. De toutes façons Clara est plus du genre à se rebeller qu'à écouter. On va devoir l'amener à affronter ses démons. Personnellement j'ai donné, et ça a pas été une partie de plaisir. Je doute qu'elle ait soudain une révélation. Mais on sera là tout du long pour la soutenir. "

Je me lève, j'ai besoin de faire quelques pas, de bouger. Je sens l'excitation qui monte, la motivation. Je vais vers une épreuve très difficile, un défi à relever. Je vais aider, pour une fois. Vraiment aider. Si ce manoir a besoin d'une chose c'est d'optimisme.

" On ne peut plus tabler sur la confiance, pourtant il faut bien qu'on agisse. Je vais être directe une fois de plus : je n'ai pas la moindre idée de comment on doit s'y prendre. Je pense même qu'on va méchamment se planter une paire de fois. On va provoquer une très sale crise dans sa vie. Je sors de ce genre d'épreuve, et comparée à elle je suis le Dalaï-lama. Alors on va dire que mon aide et mes conseils s'arrêtent là pour l'instant. "

Je m'arrête, et je me tourne vers Mélinda. Je lui souris, avec confiance et aussi une pointe de défi, pour déjà lui dire que je suis prête à risquer le coup et que je n'attends plus qu'elle.

" Et la question qui se pose, c'est : est-ce que tu es prête à me suivre, pour pousser Clara dans le vide ? Sans savoir si on réussira à la rattraper, sans garanti qu'on la sortira du trou, ou qu'elle nous laissera seulement essayer. "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mercredi 11 juillet 2012, 13:43:09
« On est dans la merde. »

Le tout ponctué d’un soupir. Mélinda n’ajouta rien. Hitomi commençait-elle à comprendre toute l’ampleur de la tâche qui les attendait ? Clara était une véritable montagne, et l’escalader, la dominer, n’aurait rien de facile. Ceci étant dit, si ça avait été le cas, la vampire n’aurait jamais fait appel à Hitomi. Et, même maintenant, dans un petit recoin de sa tête, elle se demandait si, tout compte fait, elle avait bien agi en choisissant d’y mêler la senseï. Son rôle initial était tout simplement de servir de courtière, mais la prof’ semblait en vouloir plus. Le problème était de déterminer jusqu’où son implication irait dans cette histoire.

Emballée, la senseï parlait rapidement, devant même se lever, comme si elle ne tenait pas en place. Une fois encore, c’est dans un pieux silence que Mélinda l’observait. C’était une femme curieuse, cette Hitomi. Elle avait des sautes d’humeurs imprévisibles, et, visiblement, était bien moins égoïste qu’elle aimait le faire croire. La perspective d’aider Clara semblait la réveiller de cette léthargie dans laquelle sa romance avortée l’avait plongé. Dans le fond, Mélinda lui offrait un cadeau : la possibilité de contribuer à quelque chose.

*Clara a besoin de toi, mais c’est surtout toi qui a besoin d’elle, Hitomi... réalisa pensivement Mélinda. Tu ne veux pas d’un modèle à suivre, pas d’une petite vampire que tu crois intouchable et inébranlable, c’est d’une femme brisée dont tu as besoin. Afin de la reconstruire, et de te reconstruire...*

On aurait presque dit son propre cas, à elle. Brisée dans son enfance, brisée et martelée dans sa vie d’humaine, réduite en pièces, au point de devenir une arme qui avait commis un parricide. Mélinda avait autant besoin de ses esclaves qu’eux d’elle. C’était ce lien qu’elle s’efforçait de construire, un lien de dépendance et d’amour mutuels, avec comme base le respect. Hitomi, quant à elle, poursuivait son raisonnement, et Mélinda retint un passage assez significatif :

« Je vais être directe une fois de plus : je n'ai pas la moindre idée de comment on doit s'y prendre. Je pense même qu'on va méchamment se planter une paire de fois. On va provoquer une très sale crise dans sa vie. Je sors de ce genre d'épreuve, et comparée à elle je suis le Dalaï-lama. Alors on va dire que mon aide et mes conseils s'arrêtent là pour l'instant. »

‘‘Je sors de ce genre d’épreuve’’... Est-ce que ça ne voulait pas tout dire ? Est-ce que ça ne confirmait pas ce que Mélinda pensait ? Hitomi était en souffrance, et l’était sans doute encore bien plus qu’elle ne daignait le montrer. Mais, pour autant, Mélinda ne la laissera pas faire du mal à Clara. Que Clara souffre, c’était évident, mais Mélinda ne provoquerait pas une ‘‘très sale crise’’. Ça ne faisait pas partie des termes de l’accord tacite. Mélinda y songeait, alors qu’Hitomi cessa de gesticuler, et la regarda. Un sourire, un regard plein d’assurance. Elle savait qu’elle allait entrer dans un ring, et ça l’emballait plus qu’autre chose. Hitomi était ainsi, après tout : une fonceuse. Une Irlandaise.

« Et la question qui se pose, c'est : est-ce que tu es prête à me suivre, pour pousser Clara dans le vide ? Sans savoir si on réussira à la rattraper, sans garanti qu'on la sortira du trou, ou qu'elle nous laissera seulement essayer. »

Sur le coup, Mélinda répondit assez vite :

« Non. »

Elle renforça le mot choisi en secouant la tête, et se déplaça alors de l’autre côté du bureau, près d’une étagère avec de nombreux et énormes dossiers rangés par ordre alphabétique. Elle se dirigea vers la lettre « C », en sortit un épais dossier bleu intitulé « CLARA », et le posa sur le bureau. Dans cette liste de dossiers, il y avait même un dossier « HITOMI », mais il ne comprenait pas grand-chose. Mélinda essayait de dresser un dossier sur chaque personne qu’elle connaissait. Elle ouvrit donc le dossier « CLARA », et sortit plusieurs sous-dossiers de couleur différente. Elle écarta un gros dossier jaune, et se mit à parler :

« J’ai fait sortir Clara du trou, ce n’est pas pour la replonger dedans. Je ne tiens pas à ce qu’elle refasse une tentative de suicide. »

Mélinda ouvrit un dossier bleu, et écarta des feuilles volantes, cherchant un document en particulier. Elle finit par jubiler en le voyant. Le document comprenait plusieurs pages reliées par une agrafe, et elle le tendit vers Hitomi.

« Voici une copie du jugement de divorce prononcé entre ses parents. Ton rôle initial, Hitomi, consistait à être une courtière. Mais, comme tu désires plus, il faut effectivement revoir mes plans. »

Mélinda réfléchit brièvement, passant sa langue sur ses lèvres, et lâcha, après avoir légèrement réfléchi :

« Toute seule, tu n’as aucune chance. Clara a trop peur de toi. Voilà pourquoi je commencerais à lui parler. Mais, quoiqu’il arrive, je doute fortement qu’elle racontera son histoire. Même à moi, elle n’a jamais réussir à tout dire. Je me suis servie des informations de sa mère pour réussir à relier les différents éléments donnés par Clara. C’est donc moi qui te le dirais, en présence de Clara. Ce n’est pas ce que tu souhaites, mais il me semble que c’est le meilleur que nous pourrons obtenir, pour le moment. »

Il était pour l’heure inconcevable que Clara puisse se confier à Hitomi, ce qui amena Mélinda à enchaîner.

« Quant à conduire Clara à vouloir revoir sa mère... »

Il y eut une petite pause, le temps que Mélinda y réfléchisse.

« Ça n’est pas impossible, mais ça me semble difficile. Je pensais lui faire la surprise, mais, si tu estimes que c’est mieux pour elle, alors ce sera à toi de la convaincre de venir avec toi à Tokyo... Même si Clara a peur de toi et a de la rancœur pour toi, elle continue malgré tout à t’aimer. C’est bien pour ça qu’elle s’acharne sur toi, d’ailleurs. Elle t’en veut. Elle doit sûrement penser que tu nous as trahi, et que tu reviens nous voir, hypocrite, pour qu’on te serve de roue de secours. Ce sera à toi de lui montrer que tu tiens à elle. »

Le plan se dessinait, les contours se précisaient. Il serait d'autant plus difficile pour Hitomi de convaincre Clara que c'était aussi ce que la vampire pensait. Après tout, si ça avait marché avec son abruti, Hitomi ne serait pas là, non ? Elle n'aurait jamais débarqué au manoir en furie il y a une semaine pour reprocher à la vampire de l'avoir abandonné. Mélinda et ses filles n'étaient, dansle fond, rien d'autre que des roues de secours auxquelles Hitomi se raccrochait pour ne pas sombrer définitivement. Cette perspective suffisait à enrager la vampire, et c'était bien pour ça qu'elle avait, à plusieurs reprises, précisé qu'elle n'accepterait pas une nouvelle fois qu'Hitomi vienne fanfaronner sous son nez en lui disant d'aller se faire voir. Quand on pardonnait une fois, c'était par compassion. Quand on pardonnait deux fois, c'était par bêtise. Décidant de songer à autre chose, Mélinda enchaîna pour conclure :

« En somme, beaucoup de choses reposeront sur tes épaules, mais, ne t’en fais pas, je serais là pour le soutenir. Et, comme je t’ai dit, il est hors-de-question que cette discussion brise Clara. Qu’elle l’attriste et l’émeuve, c’est concevable, mais réussir à la reconstruire psychologiquement, à la sortir de sa dépression, est une tâche qui m’a pris des mois. Je n'ai pas particulièrement envie de recommencer. Et Clara est bien plus fragile qu’elle aime à le faire croire. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 11 juillet 2012, 15:41:26
L'image du trou n'était pas la meilleure. Le problème des lieux communs c'est qu'ils veulent tout et rien dire. Le plan de Mélinda était une catastrophe programmée. Bien sûr, sur la forme, une prof est la personne toute indiquée pour servir de trait d'union entre Clara et sa mère. Mais pas une prof que Clara déteste, qui a été si proche d'elle et lui a fait autant de mal. Pour elle je n'aurai qu'une trop bonne raison de résister ou de fuir. Mais comme vivre dans le drame est le meilleur moyen d'y rester coincé, je m'accorde quelques petites dérives. Je me demande si elle a un dossier pour moi ? Probablement. Pas étonnant qu'on aient couru droit dans le mur.

Je la laisse encore parler jusqu'au bout, et sans doute me juger encore. C'est ça le problème. Mélinda n'a vraiment confiance qu'en elle, qu'en sa façon de voir. Mais je ne suis pas revenue vers elle parce que ce serait facile. Clara pourrait me voir comme une hypocrite qui cherche une roue de secours ? Seulement Clara ? Tout ce petit jeu apparaît de plus en plus sombre. Je préfère ne pas trop y penser, ne pas vraiment me faire d'idée. En fait je me fous de ce qu'elle pense de moi. Je suis venue lui prouver que je tiens à elle et à ses protégées. Et ça me fait réaliser que j'ai été aveugle. C'est tellement évident, pourtant. Mélinda et ses filles ne comprennent plus que la dépendance affective la plus absolue, elles sont autant des refuges que des prisons les unes pour les autres. Ce n'est pas ma façon de les aimer. J'ai mis du temps à m'évader, à vrai dire je n'y suis parvenue qu'après ma dernière visite. Mais si je ne me sentais pas capable de les quitter à nouveau je ne serais pas revenue aussi vite.

Ça va vraiment être difficile de trouver les mots pour leur faire comprendre ça. Surtout de leur faire comprendre que c'est ma façon de les aimer encore plus qu'avant.

J'ai jeté un coup d'œil au papier du divorce, mais honnêtement je n'en ai rien retenu. Ça dissocie formellement le père et la mère de Clara, rien de plus. Les détails ne me concernent pas. Et que Clara soit bien plus fragile qu'elle ne veut le montrer, ça on le sait toutes.

" Ce n'est pas plus mal que Clara ne craigne et me déteste, Mélinda. Et si elle m'aime vraiment encore un peu ça pourra aider. Moi je tiens à elle, et c'est bien pour ça qu'elle risque d'en baver. Je vais lui faire avouer qu'elle n'est pas aussi forte qu'elle veut le montrer.. "

Mon sourire se fait moins excité, plus... je ne sais pas. Tendre ? Rassurant ? Protecteur ? Je me demande si Mélinda comprend déjà que ça s'adresse aussi à elle.

" Parce que sans ça, elle ne pourra pas voir qu'elle est plus forte qu'elle ne le pense. "

Et tant qu'à faire je joue la carte de l'honnêteté, comme elle l'a dit. Toujours avec le sourire. Un sourire plus las, moins confiant. mais tout de même un sourire.

" Je ne suis pas venue combler un vide ou implorer ton pardon. Je ne me pardonne pas, Mélinda, j'arrive seulement à comprendre pourquoi j'ai agi comme je l'ai fait. Je ne reviendrais pas en arrière avec toute la volonté du monde. Alors je vais de l'avant. Je suis venue parce que je tiens à toi, et que tu me donnes une chance de t'aider à aller de l'avant comme j'y arrive, difficilement. Je suis venue faire tout ce que je peux, le peu que je pourrais, parce que je tiens à toi. Si tout ce qui est encore possible entre nous deux ne devait se résumer qu'à ça, je m'en contenterais. Ça vaut pour Clara, pour Shii et pour toutes les autres. De toutes façons je ne peux en voir une sans toutes les voir... "

Mon sourire est remonté un peu, juste un peu.

" Et toi devant elles. "

Le temps de souffler, mon sourire remonte carrément.

" Mais ne va pas croire que je suis résignée ! Et c'est pas parce que c'est sérieux qu'on doit en faire un drame. On doit pas oublier ce qu'on risque de perdre, mais on doit aussi penser à ce qu'on veut gagner : une Clara en pleine forme. Alors sourie un peu ! À te voir comme ça c'est foutu d'avance. On a une chance, oui ou non ? "

C'est vrai, quoi. Je vais finir par me dire qu'elle m'a appeler pour l'enterrer au fond du jardin...
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le jeudi 12 juillet 2012, 13:15:33
« Je vais lui faire avouer qu'elle n'est pas aussi forte qu'elle veut le montrer. »

Mélinda n’ajouta rien. Elle était trop intelligente pour deviner le sous-entendu. Cette phrase-ci pouvait à vrai dire autant s’appliquer à Clara qu’à Mélinda, et même qu’à Hitomi. Elle pouvait à vrai dire s’appliquer à beaucoup de monde. Mais c’était ainsi. La Terre était, comme Terra, un monde de loups. Montrez à quelqu’un vos faiblesses, et vous pouvez être sûrs qu’il en profitera. Même outre ça, quand on faisait un métier qui impliquait un contact relationnel, il fallait toujours paraître en bonne santé. Ferait-on confiance à un avocat avec la tête d’un dépressif ? A une prof’ qui viendrait en sous-vêtements assurer son cours ? Personne ne pouvait vraiment lire dans les pensées. A défaut, il fallait savoir se mettre en valeur. Mélinda se devait de paraître forte. Tout un chacun se le devait. Seuls les idiots et les faibles, les incrédules et les naïfs, daignent afficher leurs faiblesses. Ceux qui n’ont pas réussi à vieillir, et qui croient encore que Papa et Maman sont là pour veiller sur eux. Des larves. Le début de ce discours inquiétait à vrai dire un peu Mélinda, mais elle laissa Hitomi parler, exposer son idée.

« Parce que sans ça, elle ne pourra pas voir qu'elle est plus forte qu'elle ne le pense. »

Là encore, difficile de savoir si elle s’adressait spécifiquement à Clara, ou si elle parlait d’elle-même. Mélinda ne se sentait pas vraiment concernée, car elle n’avait jamais douté de ses capacités, de ses points forts comme de ses faiblesses. Ils se confondaient généralement. Sa fierté était autant un avantage qu’un défaut. Mélinda savait pertinemment qu’elle avait tendance à instaurer un climat de dégoût, de jalousie, de suspicion, d’irritation, autour d’elle. Elle savait très bien qu’elle préférait toujours se fier à son propre avis, à sa propre intuition, qu’à celle des autres. Mais elle était ainsi. Une vampire fière d’elle, indubitablement convaincue de sa supériorité sur la majorité des êtres vivants, qu’ils soient humains ou non. Ce n’était pas que génétique, pas que lié à sa race. Bien des vampires avaient du mal à admettre leur supériorité. Akira en était un parfait exemple.

Mélinda, elle, n’avait pas ce problème. Elle savait qu’elle était forte. Pas parfaite, les évènements récents le lui avaient cruellement rappelé, mais forte. Suffisamment forte pour être devenue esclavagiste, alors qu’elle était esclave. Suffisamment forte pour avoir surmonté ses traumatismes vampiriques. Suffisamment forte pour s’être forgée toute seule, et avoir consolidé des alliances avec l’Empire, et être ainsi très bien placée. Suffisamment forte pour diriger un petit empire financier qui lui assurait une fortune personnelle importante.

Ceci étant dit, ce qui s’appliquait à elle ne s’appliquait pas forcément à elle. Clara, effectivement, était loin, très loin, de réaliser tout son potentiel. Comme Shii, comme Kaori, Akira, et toutes les autres... Mélinda ne les avait pas pris sous son aile par générosité, ni même par pitié... Quoique, la question pouvait se poser pour Akira, mais, si Mélinda ne tenait pas à sa fille, elle l’aurait déjà tué. Clara dévoilerait son potentiel sur Terra, car elle n’avait rien à faire sur Terre. Avec son tempérament de feu, son courage et sa détermination, elle dompterait probablement des monstres ou des démons, et deviendrait une redoutable guerrière. Shii, elle, resterait sur Terre, car sa place était là. Elle deviendrait une femme d’influence, une grande avocate, voire une magistrate ou une politicienne, et elle atteindrait le sommet en devenant membre du conseil d’administration de la Sombra Corporation, voire même PDG. Elle serait alors l’une des plus femmes les plus riches de la Terre et les plus influentes de l’Empire d’Ashnard, puisqu’elle aurait en charge les activités impériales sur Terre. Kaori, elle, irait très certainement sur Terra, pour faire partie des hautes sphères du harem. Avec sa douceur et son entrain naturel, elle entraînerait, formerait, et initierait les jeunes recrues, les rassurant, et les protégeant. Ayumi, elle, serait une nageuse de haut niveau sur Terre, une vedette qui participerait aux Jeux-Olympiques et à des compétitions mondiales.

Mélinda ne se le répéterait jamais assez, mais l’esclavage, c’était quelque chose qui rapportait énormément sur le long terme. Toute cette génération d’esclaves constitueraient un essor inédit du domaine Warren. Hitomi poursuivit ses explications :

« Je ne me pardonne pas, Mélinda, j'arrive seulement à comprendre pourquoi j'ai agi comme je l'ai fait. Je ne reviendrais pas en arrière avec toute la volonté du monde. Alors je vais de l'avant. »

Mouais. Mélinda ne dit rien, mais restait sceptique. Hitomi sembla progressivement le réaliser, et finit donc par lâcher :

« Alors sourie un peu ! À te voir comme ça c'est foutu d'avance. On a une chance, oui ou non ? »

Mélinda dessina un léger sourire sur ses lèvres, et haussa les épaules. Elle était plongée dans ses pensées, et retourna à la réalité. Elle rangea la copie du jugement de divorce dans l’attaché-case bleu, et attrapa ce dernier. Elle regarda alors Hitomi, et sourit légèrement. Un sourire un peu plus assuré, un peu plus serein et honnête.

« On a toujours une chance, Hitomi. Reste à la saisir... Mais j’ai confiance, ne t’en fais pas. »

Elle se rapprocha d’elle, tenant le dossier, et fila par la porte.

« Shii doit être rentrée, maintenant... Allons lui en parler, avant de cueillir Clara. »

Mélinda sortit donc du bureau, et avança d’un pas rassuré et tranquille vers la chambre de Shii. Hitomi lui emboîtait le pas, et l’esclavagiste glissa quelques mots à son attention :

« Tu sais, je crois que pour vous, les humains, le passé présente plus d’importance que le futur. Ce n’est pas une critique. Cet état d’esprit a bien des avantages. C’est dans le passé qu’on trouve les solutions du futur, car l’Histoire, après tout, n’est qu’une éternelle répétition. Mais c’est toutefois assez regrettable, car cette attirante obsession du passé vous amène à ne jamais vouloir abandonner les histoires mortes. C’est le cas pour Clara, mais aussi pour toi, Hitomi... Et même pour moi... »

Les Terriens l’influençaient bien trop. Elle ne cessait de se le reprocher, et cessa d’y penser quand elle atteignit la porte de la chambre de Shii. Mélinda toqua brièvement à la porte, et, n’obtenant aucune réponse, ouvrit la porte. Une musique de rock, assez forte, se déversa dans ses oreilles. Bad Religion. Le groupe de rock américain hurlait, et Shii... Et bien, Shii était en train de sauter sur le lit, avec sa chemise d’écolière, et sa petite culotte. Dès que Mélinda ouvrit la porte, elle vit Liana bondir à toute allure en miaulant, paniquée par cette musique suraiguë. Liana, de manière générale, aimait bien être avec Shii, car elle était calme, et elle recevait beaucoup de câlins. Cependant, il y avait des fois où Shii se laissait aller.

« THIS IS JUST A PUNK ROCK SOOOOOOOOONG, WOOOOOOHHHH !!! »

Mélinda s’avança un peu dans la pièce, et se rapprocha de l’ordinateur portable répandant la musique par des enceintes. Shii bondissait joyeusement sur le lit, et Mélinda ferma l’écran. Shii bondit sur place, et tomba à la renverse, s’écrasant à côté du lit. Elle releva la tête, si bien que seule cette dernière jaillit d’au-dessus du lit... Et devint rouge comme une pivoine en voyant Hitomi et Mélinda.

« Oh non... » gémit-elle.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le jeudi 12 juillet 2012, 23:42:23
C'est vraiment motivant de l'entendre. On a toujours une chance et elle a confiance, ça c'est bien. Mais la suite...

" Mélinda, si c'est dans un éternel cercle vicieux d'histoires mortes que t'as confiance : autant que j'y aille toute seule. "

Et elle ne veut pas que Clara RE-fasse une tentative de suicide. Elle commence à me gonfler avec son fatalisme. En fait il faudrait la congeler, puis la passer au micro-onde une fois que tout le monde sera mieux dans sa peau. Encore que je ne sais pas comment un Vampire, même congelé, réagirait dans un micro-onde. De toutes façons, avec sa manie de vouloir tout régenter, je ne donne pas cher de notre chance. Toute seule elle bloque, elle ne veut pas me laisser faire, à part s'envoyer en l'air : ensemble on est bonne à rien. Et je doute qu'une partie à quatre avec Clara et sa mère soit la solution. En fait je n'ose pas lui dire carrément qu'elle n'a que deux options : vampiriser Clara pour l'envoyer tuer son vieux, ou accepter de se glisser dans la peau d'une Humaine.

Quand elle ouvre la porte c'est la débande du genre félin, ainsi qu'une petite révélation pour moi. Alors comme ça Shii aussi se défoule de temps en temps. Et elle n'y va pas à moitié, si bien que quand Mélinda ferme les vannes, la jeune femme tombe du lit. Je file pour l'aider à se relever, sans faire grand cas de sa gêne. Je m'en fous : je suis une gai-jin.

" Oh non...
- Ça va, Shii ?
- Oui, Sensei. "

Je m'écarte du lit pour laisser passer la lycéenne, trop gênée pour rester en petite culotte devant moi. Ce n'est pas plus mal vu ce qu'on lui réserve. Et le temps qu'elle se rhabille je lance un regard à Mélinda.

" Sérieusement, vous ne vous nourrissez qu'au punk ici ? "

Je n'ai rien contre, en fait le style ne m'importe pas vraiment. Quand j'accroche c'est à une morceau. Peu de temps après l'Irlande je me suis faite un gros traitement de choc à base de "I Just Want To Celebrate" des Rare Earth. Et ces derniers jours c'est surtout "The Creationnist" de Kerli. C'est peut-être à cause de mon identité plus si secrète d'auteure pas encore tout à fait à succès ? D'un autre côté j'ai du mal à trouver des chansons qui me parlent. À peu près autant que des gens qui me pigent.

Donc j'hésite une seconde à parler la première. De toutes façons, un démarrage en douceur ne sera pas envisageable avec Clara. Autant ne pas pécher par excès de prudence. Je retourne me planter à côté de ma vampirique acolyte. D'ailleurs je crois que je viens de trouver une petite idée pour la forcer à se remuer un peu. Une petite pointe pour picoter son orgueil, mais pas devant témoins.

" Shii, on va avoir besoin de toi pour quelque chose d'important. Ça va nécessiter toute ta bonne volonté, et que tu regardes sous le lit voir si tu retrouves ta bonne humeur... Mélinda va tout t'expliquer. "

Je me tourne soudain vers cette dernière, me penchant pour chuchoter.

" Désolée, je trouve pas comment aborder le sujet. "

D'un autre côté, plus on mettra de pression sur tout le monde, plus vite la première crise viendra, et donc plus vite on commencera à vraiment avancer. Dans tout ce fatras, s'il n'y a pas une Irlando-japonaise pour positiver...
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 14 juillet 2012, 21:20:07
Mélinda se contentait d’un léger sourire amusé, bras croisés, en voyant Shii. La jeune lycéenne avait eu une semaine assez éprouvante, avec un certain nombre de devoirs et de contrôles. Partant de là, Shii était assez épuisée, et avait surtout besoin de se défouler. La vampire n’était, à vrai dire, pas surprise. Elle connaissait bien ses protégées, et savait que Shii, si elle était d’un tempérament très calme, devait parfois relâcher la tension. Elle imaginait très bien la scène. Shii rentrant des cours, s’enfermant dans sa chambre, voyant Liana en train de dormir. Là, elle lui faisait un tendre câlin, et mettait alors un peu de musique en se déshabillant pour enfiler autre chose que son sailor fuku. Mais la musique l’avait emporté. Shii était à l’âge rebelle, cet âge de contestation où on se méfiait intrinsèquement des gouvernements, de tout ce qui évoquait l’âge adulte. Bad Religion était donc tout à fait approprié pour elle, et, comme elle était seule, à l’exception de Liana, elle s’était donc laissée aller.

Jusqu’à ce que sa Maîtresse coupe la musique, et soit... En compagnie d’Hitomi ! Shii devint rouge comme une tomate. Si Mélinda ne l’inquiétait pas trop, en revanche, qu’une senseï l’ait vu ainsi, et bien... C’était gênant. Et puis, qu’est-ce qu’Hitomi fabriquait ici, d’ailleurs ?! Shii savait qu’elle et Hitomi s’étaient entretenues ensemble, mais Mélinda avait juré à une Clara suspicieuse qu’il ne s’était rien passé, et qu’Hitomi n’avait toujours pas droit de se promener librement dans le manoir, comme jadis. Que faisait-elle ici, alors ?!

« Ça va, Shii ? s’enquit Hitomi
- Oui, Sensei » répondit-elle au quart de tour, toujours aussi rouge.

Adossée contre son bureau, Mélinda avait posé le dossier bleu près de l’ordinateur-portable, et esquissait un très léger sourire. Hitomi se retourna alors vers elle, laissant un peu Shii essayer de sortir de sa torpeur, pour lui lâcher :

« Sérieusement, vous ne vous nourrissez qu'au punk ici ?
 -  Tes chastes oreilles ne le supportent pas ? répliqua Mélinda avec une ombre de sourire. Bien que je sois une maniaque compulsive qui adore tout contrôler, mes protégées écoutent la musique de leur choix. Personnellement, je préfère écouter du Guiseppe Verdi. »

Difficile de savoir à quel point Mélinda plaisantait ou était sérieuse. L’autocritique n’avait jamais été son fort, mais elle savait très bien ce qu’on pensait d’elle. Elle estimait même qu’elle laissait à ses filles bien plus de libertés que des parents normaux le feraient, tout en assortissant lesdites libertés de devoirs : entretenir sa chambre, accomplir les corvées, et, de manière plus générale, plaire à sa Maîtresse. Tandis que Shii se remettait, Mélinda laissa Hitomi s’amuser avec elle, en profitant pour rechercher dans le dossier divers documents qu’elle allait devoir montrer à Shii. Cette jeune fille serait le premier pas vers Clara, un autre moyen d’atténuer la colère que cette dernière éprouverait.

« Shii, on va avoir besoin de toi pour quelque chose d'important. Ça va nécessiter toute ta bonne volonté, et que tu regardes sous le lit voir si tu retrouves ta bonne humeur... Mélinda va tout t'expliquer. »

Les yeux de Shii se firent soudain plus interrogateurs, plus curieux, mais ce n’était pas pour autant qu’elle s’était rhabillée. Hitomi se tourna alors vers Mélinda, et lui fit un aveu de faiblesse. Mélinda ne dit rien, mais elle le pensait très fort.

*Comment comptes-tu affronter Clara, ma pauvre, si tu perds tes moyens face à Shii ? Crois-tu que Clara aurait rougi comme une tomate si tu avais débarqué dans ta chambre ? Mais peut-être que c’est justement face à l’affrontement que tu décides de te battre, Hitomi...*

Mélinda garda tout ça pour elle. Elle avait sorti plusieurs papiers, et regarda Shii, pour lâcher, sur un ton assez autoritaire :

« Nous n’avons pas le temps de jouer, Shii. Hitomi a déjà léché ton minou, et je t’ai déjà vu nue bien des fois. Alors, dépêche-toi de te changer ! »

Shii rougit encore plus, mais obtempéra. Elle laissa malgré tout sa culotte et son chemisier d’écolière, enfilant un jean. Elle était toujours aussi gênée, mais avait aussi vu les documents que Mélinda tenait. Elle ne disait rien, ne voulant faire aucune bêtise. Mélinda la relança donc :

« Où est Clara ?
 -  Au… Au Mac Do, avec des amies… Théoriquement, elle ne devrait plus tarder, maintenant. »

Mélinda hocha lentement la tête, puis se lança.

« Regarde... »

Elle lui tendit la copie du jugement de divorce, que Shii lit attentivement. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise, l’expression de son regard passant de la curiosité à l’étonnement, puis de l’étonnement à la stupéfaction, de la stupéfaction à l’incompréhension, et de l’incompréhension à une forte joie contenue. Toute excitée, elle finit par relever la tête.

« Il... Il faut qu’elle le sache ! Ça pourrait tout changer !
 -  Ça, Shii, c’est à moi d’en juger, nuança Mélinda. Vois-tu, j’ai décidé d’appeler Hitomi pour avoir besoin de son... Expertise sur les relations entre Clara et sa famille. Je comptais par cette même occasion réconcilier notre irascible Clara et notre volatile senseï.
 -  Oh... Ça va pas être simple... Et... »

Mélinda ne lui laissa pas le temps de poser sa question, préférant enchaîner.

« J’aimerais savoir si Clara t’a déjà confié des choses au sujet de sa mère. Je sais qu’elle déteste son père, mais j’ai besoin de savoir si c’est aussi le cas avec sa mère. »

Shii se tut légèrement, baissant les yeux, rouge, se mordillant les lèvres. Elle savait quelque chose, mais elle n’osait pas le dire, regardant tour à tour Mélinda, et, surtout, Hitomi. La vampire n’était pas idiote. Elle savait qu’il s’était passé quelque chose entre Clara et Hitomi. Quoi, elle l’ignorait précisément, mais elle savait que, si Hitomi avait débarqué en furie au manoir la semaine dernière, c’était parce qu’elle avait vu l’état du dos de Clara. Mais il n’y avait pas eu que ça. Mélinda rajouta, sur un ton doucereux :

« Shii... Je sais que je n’ai pas été au top ces derniers temps, mais je crois avoir suffisamment agi pour mériter ta confiance, non ? »

Shii rougit à nouveau, mais ne dit toujours rien. Mélinda était assise sur le lit, à côté de Shii, et prit dans sa main l’une des mains de Shii.

« Je t’aime, Shii. Je crois que tu le sais, non? Tout comme j’aime Clara. Et, bien que cet amour ne soit pas désintéressé, il n’en est pas moins honnête et réel. Je veux savoir si ça vaut le coup, Shii. Si je dois me battre pour que Clara retrouve sa mère, et si ça l’aidera à aller mieux... Je ne dis pas que Clara ne va pas bien, mais elle continue toujours à percevoir les adultes, la société, comme des menaces potentielles, et, tôt ou tard, ceci risque de lui être fatal. Et je sais tout à fait que ce que tu ressens pour Clara n’est pas que de l’amitié.
 -  Ce... Ce n’est pas vous, Maî... Maîtresse... »

Shii triturait nerveusement ses doigts, ayant donc libéré sa main de l’étreinte de Mélinda, et ferma les yeux en parlant. Mélinda pouvait sentir son sang battre furieusement dans ses veines. Shii avait une peur monstrueuse. Elle finit néanmoins par achever :

« C’est... C’est... »

Elle fit un simple mouvement de tête, mais Mélinda comprit. Faire appel à Hitomi était peut-être, en définitive, le pire choix possible.

« Cla... Clara ne... Elle ne veut plus que... Que... Enfin, voilà... Elle... Elle vous dirait tout, Maîtresse, mais... Je... Je ne veux pas la trahir... »

Elle ignorait ce qui s’était passé, mais elle comprenait ce qui avait lieu : Clara percevait clairement Hitomi comme une menace, une adversaire. Elle avait du confier des choses à Shii, mais en lui promettant de ne rien dire à personne. Tout comme Mélinda le lui avait promis. Les confier à Hitomi serait difficile. Mélinda regarda alors cette dernière, en remuant légèrement la tête, comme pour l’inviter à venir.

*C’est toi qui as voulu cette situation, Hitomi. C’est toi qui as voulu te rapprocher de Clara. Je ne t’en aurais jamais demandé autant, mais il est trop tard pour reculer. A toi de trouver les mots pour convaincre Shii, je ne peux pas le faire à ta place.*

Et, comme pour appuyer cette remarque tacite, Mélinda se releva, et s’écarta du lit, croisant les bras, laissant ainsi à Hitomi la place.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le dimanche 15 juillet 2012, 00:29:20
Mélinda qui se vanne toute seule ? D'un côté c'est une bonne chose d'accepter ses défauts, de se mettre en perspective. D'un autre, venant d'elle, ça ne me rassure pas vraiment. Il faut dire que je n' m'attendais pas à la voir risquer le moindre petit pas à l'écart de son piédestal. Je suis presque rassurée l'entendre sèchement rappeler à Shii que nous n'avons plus grand-chose à nous cacher, au moins pour le visuel. D'ailleurs je suis tellement nerveuse que sur le coup, je le lui rappellerais bien par l'exemple. Arrête de rêver, Hitomi ! Ou plutôt garde ça pour plus tard !

Et oui, exactement, je ne suis pas seulement revenue pour retrouver leurs bons sentiments à mon égard : je compte bien retrouver aussi leur façon de me les témoigner. Je ne suis pas hypocrite au point de m'en défendre. Si je n'ai pas jugé utile de préciser c'est parce que ça coule de source.

Bref ! Je me disperse, et ce n'est pas le moment. La réaction de Shii face au jugement est à la fois un bon et un mauvais signe, du moins si elle voit juste. J'aurais peut-être simplement dû aiguiller Mélinda, puis n'intervenir qu'en cas de problèmes ? Le peu que j'arrive déjà à décoder n'est pas encourageant quant à ma présence. Je ne me mêle pas de la suite, qui ne fait que confirmer mes doutes. J'en profite pour me motiver intérieurement. Si Clara a une si mauvaise image de moi, et même si je pense que la plupart des raisons ne viennent pas de moi et de mes nombreuses erreurs, je suis la seule à pouvoir redorer mon blason.

" Cla... Clara ne... Elle ne veut plus que... Que... Enfin, voilà... Elle... Elle vous dirait tout, Maîtresse, mais... Je... Je ne veux pas la trahir... "

Famille, amour, amitié, loyauté... C'est moi ou on est en pleine intro de drame shakespearien ? Et en général, à l'acte deux les cadavres commencent à s'entasser. On a pas cent sept ans, Clara ne passera pas l'après-midi sur son burger entre copines. Mélinda me laisse visiblement la place d'entrer en piste. Je rejoins Shii pour m'accroupir directement devant elle. Et la gai-jin que je suis à ses yeux sait très bien ce que ça peut signifier dans sa petite tête de Japonaise. La place que je me donne n'est plus celle de la sensei. Je ne suis pas là en tant que prof, ni elle en tant qu'élève, encore moins sachant que c'est ainsi qu'elle préfère nous voir.

Je prends ses mains dans les miennes en guettant son regard.

" On ne te demande pas de la trahir, Shii. "

Je dois faire vite et bien, avec des mots. Donc je préfère y aller à petits pas. De toutes façons la confiance se donne, elle ne se prend pas.

" Tu sais, l'expertise dont parle Mélinda ne va pas chercher très loin. De nous quatre je suis la seule à avoir pu garder des liens avec ses parents. Je suis la seule à savoir à quoi ça ressemble. Et encore, je t'ai déjà dit que mon cas n'est pas vraiment un modèle du genre. En fait je pense surtout que Clara a besoin de faire le ménage dans sa tête, et que revoir sa mère pourrait l'y aider. Ou au moins se confronter à l'idée de la revoir. "

Je lui sourie, avec un peu d'ironie.

" J'ai envie de l'aider, vraiment Shii. Pas seulement pour arranger les choses entre nous. Mais on sait toutes les deux qu'elle ne me laissera aucune chance. C'est pour ça que je compte sur toi et Mélinda. Et je ne veux surtout plus vous faire du tort, à aucune de vous trois. Alors je ne veux pas que tu la trahisses. Mélinda ne sait pas vraiment à quoi ressemblent nos problèmes de mortelles, pas de l'intérieur, mais elle connaît l'histoire de Clara. Moi je ne sais presque rien de Clara, mais les problèmes ça me connaît. Tout ce que je veux c'est que tu sois honnête : à ton avis, est-ce que Clara a besoin de faire le ménage dans sa tête ? Et surtout, avec nous trois pour l'aider, est-ce qu'elle est de taille ? "

Je lâche ses mains pour enchaîner rapidement, et mon sourire disparaît.

" Mais je préfère te prévenir, Shii : quoi que tu répondes tu devras l'assumer, au moins face à toi-même. À toi de décider quelle amie tu veux être pour Clara. "

Je ne vois pas comment mieux résumer la situation de Shii. En appeler à sa volonté me paraît risquer. Qu'elle le veuille ou non Mélinda a une trop grande emprise sur ses filles. Elle est leur protectrice, leur pourvoyeuse, leur guide et l'autorité qu'elles reconnaissent entre toutes. Mais elle ne peut ou ne veut pas être assez humaine pour les aider à grandir, à vivre avec leur passé au lieu de survivre avec leurs blessures.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le dimanche 15 juillet 2012, 16:47:23
Mélinda en profita pour se coller contre un grand placard en bois contre le mur, proche du lit. Elle laissait Hitomi agir, consciente que c’était désormais à elle de jouer. Elle avait voulu s’impliquer, à elle de se montrer à la hauteur. Shii n’était pas un adversaire bien difficile, alors Mélinda ne s’en faisait pas trop. Quand bien même on était dans le manoir, et en-dehors des horaires scolaires, et si ça n’avait rien à voir avec un entretien entre un prof’ et un élève, Hitomi restait toujours, aux yeux de Shii, la senseï. Et la rouquine se mit à genoux devant Shii, la prenant par les mains, et essaya de lui parler. Si Shii avait toujours le syeux clos, les quelques tressaillements sanguins que Mélinda pouvait percevoir indiquaient qu’elle écoutait.

Mélinda, quant à elle, profitait de sa position pour observer le dos du corps d’Hitomi. Plusieurs fois, elle y avait songé... L’inviter à nouveau dans son lit. Elle savait très bien qu’Hitomi était, au lit, un très bon coup. Pour une humaine, elle était extrêmement talentueuse dans ce domaine. Suffisamment douée pour avoir réussi à impressionner Kaileesha et Slotwenna, ce qui, il fallait bien le reconnaître, était une belle performance. Et, à chaque fois, la vampire évacuait cette idée. Elle avait sa fierté. Et il ne fallait d’ailleurs pas plaisanter avec cette dernière. Comme beaucoup d’humains, Hitomi vouait au sexe une trop grande importance.

*De toute manière, c’est sans intérêt... J’ai au moins la décence de ne coucher qu’avec les personnes que j’apprécie.*

Elle ne détestait pas Hitomi, mais, de là à dire qu’elle l’appréciait, c’était un pas qu’il ne fallait pas se risquer à commettre. Mélinda continuait à se persuader qu’elle avait accepté de ramener Hitomi dans sa vie à cause des filles. Les lycéennes la côtoyaient fréquemment, et la vampire tenait trop à leur avenir pour les gâcher à cause d’un agent administratif interchangeable. Vu sous cet angle, ça réduisait effectivement de beaucoup l’importance de la senseï.

« Mais je préfère te prévenir, Shii : quoi que tu répondes tu devras l'assumer, au moins face à toi-même. À toi de décider quelle amie tu veux être pour Clara. »

Ça, la réponse était plutôt simple. Shii ne voulait pas être une amie pour Clara. Elle voulait, et était, plus que ça. Clara ne se confierait pas à une simple amie. Avec une simple amie, elle ferait la forte tête, la femme inébranlable, mais, avec Shii, ses armes s’abaissaient. Difficile de dire, même pour Mélinda, comment leur relation avait pu tant évoluer. Quand elles s’étaient rencontrées pour la première fois, Shii et Clara se détestaient. La première voyait en la seconde une future chômeuse stupide qui passait son temps à embêter les autres parce qu’elle avait une vie minable, et la seconde voyait en la première une pédante casse-couilles qui en était justement dénuée. Leurs premiers rapports avaient été loin d’être tendres. Clara avait racketté Shii à plusieurs reprises, menacé, bousculé. Mélinda aimait dire qu’elle était responsable de l’amélioration de leur relation, mais elle savait très bien la vérité. Elle n’avait été qu’une petite boule, une simple poussée qui avait remis les wagons sur les rails.

Shii se mordillait les lèvres, et se força finalement à regarder Hitomi. Elle était rouge, et hésita un peu. Elle mettait, une fois n’est pas coutume, Mélinda au supplice. Son sang battait follement dans ses veines, lui donnant une envie irrépressible de la mordre. Shii finit alors par parler :

« Clara... Elle... Elle dit toujours qu’elle ne veut pas voir son père, ni sa mère... Elle...
 -  Continue, Shii, l’encourageait Mélinda. Si j’ai amené Hitomi, c’est bien qu’on peut lui refaire confiance, alors, vas-y... »

Shii se mordilla les lèvres, et poursuivit. Elle avait du mal à parler, mais, plus elle parlait, et plus sa langue commençait à se délier.

« Elle ne cesse de se rebuter quand on parle de ses parents, de sa famille, de l’endroit d’où elle est venue, mais... Quand je l’ai vu, au début, je croyais qu’elle était mauvaise. Méchante et tout... »

Shii soupira, secoua la tête, et reprit. Elle ne savait visiblement pas par quel bout commencer, et Mélinda estima que la forcer, l’aider à la diriger, serait contreproductif. Pourtant, Shii levait de temps en temps les yeux vers elle, et croisait le regard d’émeraude de la vampire, y trouvant probablement un quelconque implicite réconfort, un support pour lui permettre de continuer.

« Elle a peur de son père... Et je crois que voir sa mère n’y changera rien. C’est ça qui la ronge, et qui la rongera toujours si on trouve pas comment faire... Son père la terrorise, et la seule évocation de ce dernier... Elle... Elle m’a raconté comment elle était, avant que... Juste après sa fugue... C’est pour ça que je l’ai aidé à remonter la pente, mais on a jamais triché... Je l’ai aidé à faire ses devoirs, mais je les ai jamais faits à sa place ! »

Quelques renâclements vinrent témoigner de la difficulté que Shii avait à ne pas fondre en larmes. Cette manie typiquement humaine de pleurer constamment pour un rien était agaçante à un point ! Mélinda ne dit rien, mais sentait l’impatience la gagner progressivement. Ne pouvait-elle pas en venir précisément aux faits ? Éviter toutes ses élucubrations ? Mais non, elle supposait que c’était normal. Croisant les bras, Mélinda rongea donc son frein. C’est qu’elles n’avaient pas toute la journée non plus ! Un Big Mac, ça se finissait en deux ou trois bouchées, et, à moins que Clara ne traîne avec ses copines, elle serait là d’ici quelques minutes.

*Il est primordial de la coincer alors qu’elle ne fait rien, Shii... Ne te mets pas à pleurer maintenant !*

Shii se mordilla les lèvres, et continua :

« Quant à sa mère... Le peu que j’ai cru comprendre de ces non-dits, c’est qu’elle ne la déteste pas autant que son père... Je sais pas, si... Si on lui montre que sa mère n’est plus aussi proche que ça de son père, peut-être qu’elle... Enfin, je suppose... »

Mélinda décida d’intervenir :

« Je pense que ça répond à nos interrogations. J’ai d’autres pièces qui pourront nous être utiles... Mais Clara sera la première à les voir, ce coup-ci. »

Shii hocha lentement la tête. Mélinda soupira. Les propos de Shii ne faisaient que confirmer ce qu’elle pensait, et ce qu’elle comptait faire. Voilà qui allait lui promettre de bonnes nuits blanches en perspective... Car elle allait devoir régler ça à la méthode des Terriens, et ce serait relativement long. Jusqu’à quel point pourrait-elle impliquer Hitomi, c’était une question dont la réponse s’étalerait dans le temps. Shii était en tout cas mal en point. Elle n’avait pas dit grand-chose de cohérent, et était gênée, ayant sans doute le sentiment d’avoir outrepassé sa confiance avec Clara. Sa conscience devait la ronger, lui montrant à quel point elle était une bonne amie. Mélinda pouvait presque entendre les reproches qu’elle se faisait, prenant la voix de Clara, tant elle connaissait Shii : *Une superbe amie, hein ! Il suffit de deux femmes qui te regardent avec insistance pour que tu déballes tout ! C’est jusqu’ici que ta confiance va ?!* Soupirant à nouveau, la vampire se rapprocha, et prit Shii dans ses bras, la tête de cette dernière heurtant ses seins. L’une de ses mains vint caresser ses joues, et elle déposa un baiser sur sa tête.

« Sois-en sure, Shii, nous agissons pour le bien de Clara, même s’il nous a fallu agir dans son dos pour ça.
 -  Co... Comment ça ?demanda lentement cette dernière, incrédule.
 -  Clara n’a jamais vraiment voulu tout me dire sur son passé. Et je dois connaître le passé de mes protégées, savoir d’où elles viennent pour déterminer d’où elles iront. Si je m’intéresse surtout au futur, vu que je suis après tout une femme d’affaires, je ne néglige pas pour autant le passé. Dans certains cas, les promesses du futur mettent en pièces les fantômes du passé, mais ça ne marche pas constamment. »

Shii hocha lentement la tête, comme si elle comprenait, et Mélinda savait qu’elle comprenait. Mélinda arrêta son câlin, puis regarda Hitomi, et lui fit un sourire engageant. Elle caressait dur este avec une main la nuque de Shii.

« Est-ce que tu pardonnes à Hitomi ce qu’elle a fait ? » demanda alors subitement Mélinda, en regardant à nouveau Shii.

L’intéressée sursauta, ne sachant, sur le coup, pas quoi répondre. Elle regarda Hitomi, puis Mélinda, paniquée, et décréta :

« Ce n’est pas à moi que...
 -  Et bien, je te le demande quand même ! la coupa Mélinda, agacée. Je ne te demande pas de faire comme si rien ne s’était passé, car un pardon n’est jamais un oubli, en insistant sur le mot ‘‘jamais’’, qui s’appliquait autant à Hitomi qu’à Mélinda, mais de voir si tu peux à nouveau lui faire confiance... Et pas en tant que senseï, j’entends bien. »

La question était naturellement difficile, et Shii baissa à nouveau les yeux. Mélinda savait qu’elle perdait du temps, et qu’elle en avait besoin pour se préparer à la rencontre avec Clara, mais il fallait aussi qu’elle s’occupe de ses autres protégés. Shii finit par répondre, en regardant Hitomi :

« Je... Je ne sais pas...
 -  Shii... soupira Mélinda.
 -  Il… Je comprends ce que vous avez fait, Hitomi, mais, euh… »

Elle rougit et détourna les yeux, et Mélinda comprit.

*Tu vois, Hitomi ? Elle pense que tu n’es revenue ici que pour tirer un coup. Tu es plus une gaijin qu’une senseï à ses yeux, plus une femme à ranger dans le groupe soto que dans le groupe uchi. Elle pense que tu n’es revenue nous voir que pour pouvoir baiser entre nous. Et elle n’est pas la seule à le penser, Hitomi.*

Évidemment, Shii n’oserait jamais le dire devant sa senseï. Elle était encore trop jeune pour ça, trop sensible, mais qu’elle ait réussi à tenter de le faire comprendre était, en soi, un exploit. Il y a quelques mois, Shii n’aurait même pas été capable d’aligner le moindre mot. Socialement, elle avait toujours été déphasée. Donnez-lui une équation à trois inconnues, et elle sera folle de joie. Donnez-lui une amie, et elle paniquera, car elle ne saura pas se mettre en valeur, ni comment l’aborder, tout simplement.

« Je pense qu’il est temps de s’occuper de Clara. Si tu as encore des interrogations, Hitomi, c’est maintenant ou jamais. Tu m’as dit que tu voulais être en position d’attaquante contre Clara, alors que je t’avais offert une position d’arrière. Donc, si tu as des questions, c’est le dernier moment. »

Après ça, il faudrait passer aux choses sérieuses. Mélinda était évidemment nerveuse, mais parvenait à la perfection à le dissimuler.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le dimanche 15 juillet 2012, 19:26:33
Shii ne nous apprend pas grand-chose, enfin de mon côté ce qu'elle dit ne fait que confirmer mes doutes. Mais elle s'implique et c'est un bon point. Maintenant elle aussi devra tenir jusqu'au bout. Je ne me fais pas d'illusion : je ne tiendrais pas la rampe bien longtemps. Et à vrai dire je le regrette de moins en moins. D'ailleurs je me retiens de poser à nouveau la main sur Shii pour la soutenir pendant qu'elle "trahit" Clara. Et mes réserves portent toujours le même nom. Bien sûr, on peut refaire confiance à Hitomi. Pas parce qu'elle vient en toute bonne foi, mais parce qu'elle sait ce qu'elle risque en cas de pépin. Ça me tue de me l'avouer, mais au fil des minutes mes autres raisons deviennent de plus en plus insipides. Elles se dissolvent dans l'air de ce manoir.

Je m'écarte pour laisser à nouveau la place à Mélinda. Et je commence à me demander si je fais bien de rester. Je me suis quasiment guérie de l'homme de ma vie pour lui revenir. Mais elle, c'est en la retrouvant que je sens mes plaies se refermer. Et je me dis que tout ce que je pourrais faire, c'est alléger ma conscience et ramener mes rapports avec les filles à la neutralité. C'est plus fort que moi, tout s'enchaîne machinalement dans mon esprit. Les salades qu'elle sert ne passent pas, ni ses regards. Je reste dans mon coin, je la laisse faire. Même quand elle utilise Shii pour me planter dans le dos, en insistant bien lourdement sur le pardon que je n'ai pas demandé. Je ne suis pas en colère, seulement distante. Je n'étais pas comme ça, avant. Je crois que c'est d'écrire qui m'a permis de pouvoir faire ça.

Je lui ai promis de tout faire pour assumer mes conneries. Je lui ai promis de lui venir en aide de mon mieux, d'être là autant que je pourrais en cas de besoin. Et je tiens parole, en ce moment même. Mais elle, que fait-elle à par en profiter ? J'ai peur d'avoir compris trop tard comment ça marche : si on fait un pas vers elle, elle en déduit que tout lui est dû. Je commence aussi à me dire que sans Shii et Clara, je ne serais jamais revenue vers elle. Ce n'est pas vraiment elle qui compte, pour qui j'ai vraiment de l'affection : c'est pour ses protégées. C'est bien pour ça qu'appuyée contre le bureau, bras croisés, j'adresse un hochement de tête et un petit sourire à Shii.

" Je comprends. "

Une réponse aussi courte ne doit pas ressembler à l'image qu'elles ont de moi. Ni le calme que j'affiche face à ce qui vient de se passer. Je pourrais m'énerver, ou justement me retenir. Mais non. Ce calme, je le ressens vraiment. Dès le premier instant je ne me suis pas sentie à ma place dans ce manoir, je n'y suis pas plus aujourd'hui. Et pour autant que je sache Mélinda ne voit en moi qu'une façon de contourner ses problèmes, de laisser quelqu'un d'autre endosser la responsabilité. Quelqu'un qu'elle n'aura pas à écouter avant de lui faire de nouveaux reproches. En fait si quelque chose a jamais été possible entre nous, ce n'était pas ce que chacune croyait dans son coin.

" Je pense qu’il est temps de s’occuper de Clara. Si tu as encore des interrogations, Hitomi, c’est maintenant ou jamais. Tu m’as dit que tu voulais être en position d’attaquante contre Clara, alors que je t’avais offert une position d’arrière. Donc, si tu as des questions, c’est le dernier moment.
- Je ne vois pas bien ce qu'on peut ajouter. Voyons déjà comment elle va réagir à ma présence. "

Fini, je ne cherche plus à faire de plans. Je ne cherche même plus à savoir comment je vais la jouer. Je verrais bien, je réagirais. De toutes façons Clara ne sera pas toute seule à affronter son passé.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le lundi 16 juillet 2012, 01:18:42
« Je ne vois pas bien ce qu'on peut ajouter. Voyons déjà comment elle va réagir à ma présence. »

Allons bon ! Mélinda ne dit rien, mais le ton de la senseï lui semblait... Résigné, comme défaitiste. Était-ce là toute la volonté dont elle pouvait faire preuve ? Elle était comme un deux face à un flush royal. Mélinda s’écarta, et Shii commença peu à peu à émerger.

« Que... Qu’est-ce que vous comptez faire, au juste ? »

Elle parlait sur un ton suspicieux, ce qui, il fallait bien le dire, fit sourire Mélinda. Plusieurs fois, elle s’était demandée comment Shii réagirait si elle la mettait à choisir entre elle et Clara. Il y a quelques mois, voire même quelques semaines, elle était convaincue que Shii aurait, à contrecœur, choisi pour Mélinda, mais, maintenant... Hitomi avait été une vraie tempête dans la vie tranquille de ce manoir. Elle avait fait bien plus que briser le cœur de la vampire, elle avait brisé son image de Maîtresse parfaite et infaillible aux yeux de ses protégées. Pendant une intolérable semaine, les rôles s’étaient presque inversées. Mélinda n’était plus la Maîtresse des lieux, celle qui rassurait ses filles, celle qui consolait Shii quand elle avait le malheur d’avoir une mauvaise note, celle qui affirmait à Clara qu’elle ne servait pas à rien, qu’elle avait un rôle à jouer, mais que ce rôle ne serait pas sur Terre, celle qui avait permis à Kaori de réaliser son fantasme en lui offrant un sexe masculin... Non, elle avait été l’assistée, celle qui avait transformé une innocente lycéenne en vampire après l’avoir violé dans sa cave, celle qui s’était, sexuellement parlant, défoulée sur Clara, au point de réveiller ses vieilles cicatrices, celle qui avait eu besoin du calme et du réconfort de ses protégées. Elle avait vu une Clara faire la vaisselle sans protester, une Liana ne pas exiger de quatrième câlin après le troisième, une Kaori qui la regardait avec de lourds reproches dans les yeux, mais sans jamais oser les formuler... Oui, Mélinda avait vu bien des choses, et ces choses l’avaient attristé.

Alors, pour en revenir au moment présent, Hitomi devait déjà s’estimer incroyablement chanceuse de n’avoir pas été tuée sur place dès que Mélinda l’avait revu, tout comme elle devait se sentir incroyablement miraculeuse d’avoir une chance de revenir dans la vie de Mélinda. Car c’était bien ce qu’Hitomi voulait, dans le fond. C’était bien pour ça qu’elle avait débarqué en furie au manoir, la semaine dernière, en balançant à Mélinda tout un tas de reproches.

*Mais, à chaque chose, malheur est bon... Mon errance a permis à Shii et à Clara de se rapprocher. Voilà pourquoi, maintenant, je sais que Shii choisira pour Clara.*

Mélinda regarda à nouveau Shii, et lâcha :

« Nous allons éliminer les démons obscurs du passé de Clara. De cette manière, elle ne pourra que se tourner vers son futur, et je lui dirais qu’elle ne sera pas un poids dans mes affaires. »

Tout serait progressif, bien entendu. Mélinda s’aventura hors de la chambre, et se mit à réfléchir sur la meilleure manière d’aborder la situation. Indéniablement, dès que Clara verrait Hitomi, il fallait s’attendre à ce que des éclairs sifflent. Fermant les yeux, Mélinda essaya donc d’imaginer la scène, de la visualiser. Où accueillir Clara ?D ans le living room, les fesses posées sur de confortables fauteuils rembourrés en mangeant des madeleines ? Hey, Clara ! On t’a réservé une place au chaud, tu viens ? Il faut qu’on discute de deux, trois trucs ensemble, rien de bien méchant... Vas-y, goûte les petits pains, ils viennent juste de sortir du four, ils sont, mais, DÉ-LI-CIIIIEEUUUUX ! En insistant sur la dernière syllabe, à la Française !

Non... Dans le grand salon ? Mélinda fit la moue, et imagina des situations assez cocasses, ce qui la fit même glousser. Elle s’étonna de pouvoir rire alors qu’elle allait probablement affronter un cyclone sur pattes. Hitomi, de son côté, allait probablement réaliser, à moins qu’elle ne le sache jamais, à quel point le contrôle de Mélinda sur les choses était factice, et à quel point la réalité était éloignée de ses propos. Alors que la vampire réfléchissait, ses fines oreilles entendirent une porte claquer, et la voix forte de Clara résonna dans le salon se trouvant juste en-dessous, les ondes sonores filant par les portes ouvertes le long de l’escalier pour atteindre la chambre de Shii, qui avait été volontairement placée à proximité de l’entrée :

« Raah, putain, j’ai les jambes sciées en deux comme une saloperie de cul-de-jatte, et la gorge aussi sèche que le cul d’une nonne ! Saloperie de bordel ! »

Un léger sourire amusé traversa les délicates lèvres de Mélinda, qui tourna sa tête vers Hitomi, avant de lui tendre, et de lui mettre dans les mains la copie du jugement de divorce.

« Je crois que le monstre vient de rentrer. Ce papier te permettra peut-être de l’amadouer. Allons-y. »

Clara, effectivement, venait de rentrer. Elle avait très bien mangé. Les pizzas, elle aimait bien, mais un MacDo entre copines, c’était autre chose. Les Européens snobinards et les vieux cons avaient beau gueuler sur les Américains, Clara, elle, adorait la culture américaine. Hollywood, les magazines people, la téléréalité où on se foutait de la gueule de Steven expliquant à Clint ses problèmes sentimentaux avec Amy sous la douche, et... Et la bouffe, surtout ! Y avait pas à tortiller du cul pour chier droit, comme elle le disait souvent, mais, pour elle, le McDo’, c’était le restaurant quatre étoiles par excellence ! Le Big Mac était la preuve que Dieu existait, et, à chaque fois que Clara en prenait un, c’était pour elle une nouvelle explosion de sensations et de plaisir à la chaque fois. Le Big Mac était petit, rond, et tout dedans était bon, même la salade. La croûte était molle, ni trop chaude, ni trop froide, le morceau de viande était succulent, et cette sauce... Elle en avait recommandé un autre, tant elle aimait ça.

De plus, rien ne valait un McDo’ entre copines. Clara avait retiré son sailor fuku dès qu’elle était sortie de la dernière heure de cours, se changeant dans les toilettes. Taoki, l’une des poulettes du lycée, avait été offusquée de la voir sortir des chiottes avec des bottes noires en cuir, une minijupe noire, des collants, un débardeur, et des lunettes de soleil. Elle avait eu droit à un doigt bien senti, et Clara était partie rejoindre ses copines. Elles avaient parlé de tout et de n’importe quoi : qui était le plus craquant entre Edward Norton et Christian Bale, rigoler en se rappelant quand elles avaient enfermé Uzawa dans son cahier, ou quand elles avaient balancé les affaires de Tenshî dans la poubelle, en invitant ce dernier à le récupérer, et quand cet abruti d’incapable impuissant avait confondu sa trousse avec une peau de banane, savoir si Marie avait enfin réussi à vaincre Jack Lupino dans Max Payne, et, surtout, savoir enfin si Lana était en cloque de Matthieu, ou de Toni.

Bref, un repas entre filles ! Clara en était ressortie en mettant des écouteurs sur ses oreilles, afin d’écouter un album que l’une de ses copines venait lui passer. C’était Psyborg Corp, et ça déménageait bien. Elle allait enchaîner My Mechatronics après s’être tapée un grand classique, Through The Fire And Flames, quand elle était revenue au manoir. Une sucette dans la bouche, elle avait tendu la main vers Edgar en éteignant son walkman.

« Yo, Ed’ la Canaille ! »

Ce dernier avait grommelé quelque chose dans sa barbe en ouvrant la grille, et en se replongeant dans la lecture de son journal. Clara avait souri. Ed’ était foutrement drôle, ouais, mais il était aussi foutrement con. Elle avait remis sa musique, tout en se demandant comment Liana réagirait si elle le lui mettait dans les oreilles.  Elle se rappelait encore de la scène, car elle en avait ri à s’en rouler par terre, et à avoir mal aux côtes. Elle en avait même pleuré ça de rire, car ça faisait longtemps, vachement longtemps même, qu’elle s’était pas bidonnée comme ça. Liana était impayable, tout simplement !

Elle dormait paisiblement, roulée en boule sur une chaise rouge. De ce sommeil paisible, avec ses petites lèvres qui s’ouvraient et se refermaient délicatement, avec sa poitrine qui s’abaissait et se soulevait. De ce sommeil qui donnait envie à toutes les greluches de la câliner, ou de la prendre en photo, tant elle semblait calme et heureuse. Et Clara, elle était en train de faire un véritable massacre sur un Call of Duty, dans ce niveau où y fallait justement buter des péquenauds dans un aéroport russe. L’un de ses préférés. Elle adorait se défouler sur ces pauvres types, et les massacrer jusqu’au dernier. Shii l’avait traité de « psychopathe compulsive » en la voyant traquer impitoyablement avec son viseur chaque dos en ouvrant le feu. Et elle était sur ce niveau quand elle avait remarqué la présence de Liana. Dans ses oreilles, AC/DC s’emportait, et on peut pas franchement dire, à notre époque, qu’AC/DC, ce soit très violent... Clara l’avait regardé à plusieurs reprises, et avait mis le niveau sur pause, avant de se relever. Quand Liana dormait, il fallait un tremblement de terre, ou l’odeur d’une viande en train de griller, pour la réveiller. Clara s’était donc rapprochée, et avait mis la musique sur pause, pile au moment où le chanteur s’emballait en hurlant son mythique « HIIIIIIIGHWAYYY TO HEEELL !!! ». Délicatement, elle avait posé le casque sur les oreilles poilues de la neko, et... !!

Même maintenant, elle en riait encore. Liana avait fait un tel bond qu’elle avait atterri sur le lustre, avant de retomber, et de se mettre à miauler comme une folle en bondissant sur la table. Le seul regret de Clara, c’est qu’elle ne l’avait pas filmé à cette époque... Une telle vidéo aurait fait le tour du Net. Au moins 100 millions de vues sur YouTube ! Rien à voir avec le macaque qui se met les doigts dans le cul ou le gros pâté qui chantait Numa Numa. Ça, c’était le buzz mondial ! Elle avait bondi comme une espèce de kangourou, avant de réussir par réflexe à enlever le casque, et à filer à toute allure.

*Je crois bien que je l’avais jamais vu courir aussi vite... La pauvre, elle a mis des heures à s’en remettre, et avait les poils tout tendus...*

Fort heureusement, Liana n’était pas rancunière. Mais, maintenant, elle essayait toujours d’être plus méfiante quand elle dormait, mais, pour une neko, dormir, c’était sacré... Clara se demanda vaguement ce que Liana penserait si elle lui balançait du Psyborg Corp dans les oreilles... Elle ouvrit l’une des multiples portes d’entrée, et la referma sèchement, avant de s’étirer d’un coup, sentant ses jambes et ses bras délicieusement craquer, et lâcha, sur un ton enjoué, comme pour signaler sa présence :

« Raah, putain, j’ai les jambes sciées en deux comme une saloperie de cul-de-jatte, et la gorge aussi sèche que le cul d’une nonne ! Saloperie de bordel ! »

Ça sortait tout seul, et c’était gratuit, on aurait tort de se priver. Attention, Mesdames et Messieurs, Clara était dans la place ! On rigole moins, hein ? L’héroïne venait de débarquer ! Et l’héroïne avait une soif infernale ! Rejoindre le manoir sous cette chaleur tropicale, ça vous sciait le cul comme si on lui enfonçait un rondin. Elle claqua des lèvres, et se dirigea vers le premier frigo à proximité. Depuis que le manoir avait été vidé de la moindre petite goutte d’alcool, à cause de l’autre pétasse, Clara était bien obligée de faire avec les moyens du bord : le Coca, et le jus d’orange. Elle ouvrit le frigo, sortit un Minute Maid, décapsula la cannette, et referma le frigo’ d’un coup de pied, avant de boire. C’était bon, et ça faisait du bien.

Ce fut à ce moment qu’elle entendit les marches de l’escalier craquer. Elles étaient plusieurs, et elle vit Mélinda entrer la première, avec une petite mine soucieuse sur le visage. Qu’est-ce qui la tracassait encore ? Akira qui boudait encore ? Clara remarqua alors que Mélinda portait un dossier bleu, et que plusieurs feuilles en ressortaient. C’est cela qui lui met les sens en alerte. Elle reconnaissait ce dossier. Mélinda en avait un sur chaque pensionnaire, dans son bureau, mais elle ne les sortait jamais.

« Un problème ? » demanda-t-elle.

Mélinda ne répondit pas sur le coup, s’humectant les lèvres, ce qui voulait dire que, oui, il y avait un problème, et que ça la concernait. Elle tenta de parler, mais Clara fut plus rapide. Elle se rapprocha de l’escalier, vit Shii qui se tenait timidement sur le pas de la porte, ainsi qu’une paire de longues jambes. Le temps sembla lentement se figer. Psyborg Corp disparut loin, Liana fut évanouie, et, au fur et à mesure que les yeux de Clara remontèrent, elle sentit une froide rage l’envahir. Elle ne sentit même pas la main maladroite de Mélinda tenter de la rattraper, et poussa Shii. La lycéenne avait remué les lèvres, mais Clara n’entendait rien, et ne voyait rien d’autre que la salope qui se tenait face à elle.

La saloperie de pétasse qui l’avait menacé d’appeler les flics. La foutue senseï de merde qui avait pas été fichue de se contenter d’avoir pourri la vie d’un pauvre con, et qui se permettait de se pointer. Shii tenta d’insister, et Clara fut un peu plus violente. Elle poussa tellement Shii que la pauvre heurta lourdement le mur, faisant tomber un tableau qui lui heurta le crâne. Mais, de cela, Clara n’avait cure. Ses yeux ne voyaient qu’une seule chose : la salope. La salope qui tenait dans les mains un délicat papier blanc qui avait tout d’un courrier officiel. Et Clara n’avait aucun doute sur le contenu de ce papier, et comprenait très bien.

*C’était plus fort que toi, hein, foutue pétasse ? Le bonheur des autres, ça te fait vomir parce que t’as foiré ta vie ! Tu les as appelés, hein ? Les flics n’ont du avoir aucun mal à faire le rapprochement, à trouver une photo dans ce lycée à la con, et la montrer à mes parents. Je suis sûre que le trou-du-cul était ravi d’entendre ma mère pleurer au téléphone en se disant que sa petite fille chérie était retrouvée, et je suis sûre que mon père se disait qu’il était temps de remettre sa petite fille chérie dans le droit chemin. Elle était un peu turbulente, après tout, mais n’avait besoin que d’une petite pousse pour se remettre dans le droit chemin... Comment tu as pu me faire ça, sale pute ?!*

Ses poings serrés témoignaient de sa rage, et elle poussa Hitomi. Ou, plutôt, tenta de la poussa, car, si elle amorça le geste de lever une main pour la pousser, elle sentit un étau de fer emprisonner son poignet. Mélinda. Et la main de la vampire n’était plus du tout maladroite. Elle était ferme, assurée, solide, vampirique. Impossible de se défaire d’une telle emprise, mais ce n’était pas encore assez. Clara gémit, et se retourna pour faire face à Mélinda.

« Elle... ! » tenta de dire Clara.

Ce fut tout ce qu’elle parvint à dire avant que la main de Mélinda ne s’abatte magistralement sur sa joue.

*PAF !*

Une bonne grosse claque comme on en faisait plus ! Clara vit trente-six chandelles, et tomba par terre, sa tête heurtant le mur. Elle s’attendait à recevoir une correction en règle, mais Mélinda n’était déjà plus sur elle. Penchée sur Shii, elle la prenait entre ses bras. Clara secoua la tête. La claque était douloureuse, oui, mais avait fait l’effet d’une espèce d’électrochoc. C’est que Mélinda avait une sacrée poigne. Clara vit alors que le crâne de Shii saignait, et que cette dernière pleurait. Et ça, ce n’était pas du fait de Mélinda, mais d’elle... Clara faisait fréquemment de la musculation et des exercices physiques... Elle avait poussé Shii sans s’en rendre compte, et la tête de cette dernière avait violemment heurté le mur, faisant tomber un tableau qui avait heurté son crâne.

« Là, là, Shii, ce n’est rien... »

Clara était à terre. Revenue à elle, elle hésitait entre se fustiger elle-même pour ce qu’elle venait de faire ou la colère... Et ce fut la colère qui l’emporta. Elle tourna la tête vers Hitomi, qui tenait toujours entre ses doigts le papier blanc.

« Qu’est-ce qu’elle fout là ?! »

Mélinda ne répondit pas, se contentant de rassurer Shii, de lui dire que les blessures sur la tête saignaient beaucoup, mais que ce n’était que superficiel, tout en lui faisant un câlin et en l’embrassant sur la tête.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 16 juillet 2012, 14:19:18
Finalement ce n'est pas plus mal de ne pas avoir de plan. Il n'y a que dans ce genre de situations que les choses se sont bien passées. Il y a eu des galères, mais au final tout le monde s'en est plutôt bien tiré. Quand on y repense, depuis la première fois avec Mélinda je me suis laissée porter et tout allait bien. Il n'y a que quand j'ai dû réfléchir que les choses sont parties en vrille. Même chose avec Kyle, d'ailleurs, ou Gabriel.

" Lâche-la, Mélinda ! Je suis assez grande pour me défendre ! "

Il y a une chose qu'il faudra que je lui raconte sur l'homme de ma vie, ou plutôt trois : trois méchants de chez Méchant & Co. que j'ai repoussés toute seule comme une grande... Bon, après j'étais bonne pour de très longues heures de souffrance, mais je ne me suis pas non plus laissée faire. J'ai été coloc' avec une championne d'arts martiaux, maintenant je le suis avec un flic ancien chef de gang. Alors Clara peut bien me ressortir son couteau, elle ne sera pas déçue du voyage. Je suis une prof, pas une bonne sœur.

Une claque. Ça ne me plaît pas mais je dois reconnaître que ce n'est pas volé. La vampirique maîtresse ayant remis les pendules à l'heure à sa façon, et devant s'occuper de Shii, tout se joue entre Clara et moi. Je lève la lettre repliée, coincée entre deux doigts.

" Courrier du cœur. Si tu le lis pas je te raconte. "

Je tends la lettre. Clara hésite, consulte Mélinda du regard. Finalement elle prend le papier et le déplie. Je la laisse entamer la lecture, mais pas plus. Quand la colère sur ses traits commence à se troubler, j'attaque. Je reste distante et froide.

" C'est un homme, Clara. Rien qu'un homme. Il est loin, et maintenant il est seul. Ne le laisse plus te pourrir la vie ! Il ne peut plus te faire de mal, et s'il vient jusqu'ici pour essayer il le regrettera. "

D'une manière ou d'une autre, ça c'est une certitude. Si Clara n'a pas la force de le repousser ce sera Mélinda. Si pour une raison ou une autre Mélinda ne peut pas... Disons que de mon côté j'aurais des solutions.

" Ta mère veut te revoir. Quoi que tu penses d'elle : profites-en pour aller le lui dire en face. Et règle ça une fois pour toute. Sinon tu finiras comme ton vieux : seule et loin de tout le monde. "

Qu'ils soient terrifiants comme ceux de Mélinda et Clara, froids comme celui de Shii, ou tendres comme le mien : les pères sont des géants aux yeux de leurs enfants. Mais un jour ils doivent tomber. Mélinda est devenue plus grande que le sien pour l'abattre, Shii a tiré un trait sur le sien : elles sont débarrassée, ou au moins sorties de l'ombre. Mon père m'a aidée à devenir aussi grande que lui. Bien qu'il soit Japonais, si je devais imager notre relation, je prendrais deux bon vieux pochetrons irlandais rêveur pétés comme des coins qui rentrent à pas d'heure en titubant chacun un bras sur les épaules de l'autre pour essayer de se tenir droits. Deux accidentés de la vie qui se servent mutuellement de béquille.

Mais pour avoir droit à une béquille il faut d'abord admettre qu'on boîte. Je n'ai même pas à penser tout ça, je le sais. Donc je n'ai qu'une respiration à prendre avant d'enchaîner.

" Fuir ne te rend pas plus forte. Tu n'échapperas pas toute seule à ce qu'il t'as fait. "

Mon regard dérive un instant vers celui de Mélinda. J'espère qu'elle a fait le plein de patience, parce qu'à moins que Clara ne me retienne la séance sera ajournée pour moi. Il faudra laisser un peu de temps à l'idée pour faire son chemin.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 17 juillet 2012, 23:07:50
La pauvre Shii avait l’air sonnée, et Mélinda la tenait entre ses bras. Elle allait devoir la conduire à la salle de bains la plus proche pour lui nettoyer la tête. Le tableau qui lui était tombé dessus était plutôt lourd, mais laisser Clara et Hitomi seules ne l’encourageait qu’à moitié. Il s’était clairement passé quelque chose entre elles, et, si Mélinda avait su de quoi il retournait, si elle avait su qu’Hitomi avait vu les blessures de Clara, l’avait plaqué contre le mur en la menaçant d’aller voir la police, alors il est probable qu’elle ne l’aurait jamais appelé à l’aide. Seulement, elle l’ignorait, et il était de toute façon trop tard pour faire machine arrière. Elle présumait toutefois, vu comment Clara avait réagi, qu’Hitomi avait vraiment du faire quelque chose qui avait été grave pour Clara. La senseï sentit le vent menacer, et Mélinda la vit tendre à Clara le bout de papier. Cette dernière le prit en grognant, posa ses yeux dessus rapidement... Et sursauta légèrement, avant d’écarquiller les yeux. Ce fut à ce moment-là qu’Hitomi choisit de parler à nouveau :

« C'est un homme, Clara. Rien qu'un homme. Il est loin, et maintenant il est seul. Ne le laisse plus te pourrir la vie ! Il ne peut plus te faire de mal, et s'il vient jusqu'ici pour essayer il le regrettera. »

Si seulement Hitomi avait voulu que Mélinda lui explique ce qui se passait... La senseï n’en faisait qu’à sa tête. Fichue tête de mule irlandaise... Hitoshi pouvait encore faire du mal à Clara. La force physique n’était pas sa seule arme, et Clara le savait. Elle ne dit cependant rien, trop occupée à lire, à froncer les sourcils, n’en croyant toujours pas ses yeux. Elle vit également la date où le jugement avait été rendu, et écoutait d’une oreille distraite Hitomi parler et tenter d’apaiser la situation :

« Ta mère veut te revoir. Quoi que tu penses d'elle : profites-en pour aller le lui dire en face. Et règle ça une fois pour toute. Sinon tu finiras comme ton vieux : seule et loin de tout le monde. »

Mélinda ne disait rien, et avait entrepris de se redresser, continuant à tenir Shii, lui parlant à voix basse, lui demandant si elle allait bien. Shii haussait les épaules en faisant la moue, ce qui voulait tout dire et rien dire à la fois. La senseï avait balancé la sauce, ayant été très directe. Aller voir la mère de Clara. La perspective fit frémir Clara.

« Fuir ne te rend pas plus forte. Tu n'échapperas pas toute seule à ce qu'il t'as fait. »

Clara plia soigneusement le bout de papier, et leva la tête vers Hitomi, agressive, avant de répliquer :

« Ma mère a quitté ce vieux con ? Ça me fait une belle jambe, tiens ! T’as décidé de ranger la casquette de la prof’, maintenant ? Fourre-toi tes conseils de psy’ à deux balles bien profonds dans le fion, tu sais rien de ce que j’ai vécu, de ce que j’ai traversé, et de ce que j’ai enduré ! »

Et elle continua, hurlant presque :

« Si je m’étais pas cassée, je serais morte à l’heure qu’il est ! J’en ai rien à foutre, de ma mère, et j’en ai rien à foutre de toi non plus ! Va te faire foutre, Hitomi ! »

Clara fut à nouveau tentée de l’invectiver, et ce fut à ce moment que Mélinda choisit d’intervenir, histoire de calmer le jeu. Elle parla d’une voix douce et calme, mais non moins ferme et autoritaire, avec un regard fixe et imperturbable :

« Tu ne peux pas reprocher à Hitomi de ne rien savoir de toi, Clara. Tu es incapable de parler de ton passé sans perdre le contrôle. De plus, ce n’est pas parce que tu as fui que tu as réussi à échapper au souvenir de ton père. Tu n’as pas réussi à y échapper, d’ailleurs, mais c’est avant tout grâce à moi que tu es sortie du caniveau où tu étais en train de crever la gueule ouverte. Garde-toi de ne pas oublier de ce petit détail. »

Clara soupira, fulmina, serrant les poings. Insulter Mélinda était impossible, car elle avait raison. Clara avait envers elle une dette de vie, et rien n’était plus sacré qu’une dette de vie. Oui, c’était Mélinda qui l’avait sauvé, Mélinda qui l’avait aidé, qui avait réussi à la soigner de sa dépendance à la drogue, à renvoyer au placard son existence de toxico’ clocharde fuyant comme la peste la police, et obligée de se nourrir dans les poubelles des restaurants. Elle avait bel et bien failli en crever. Mélinda enchaîna alors sur un sujet connexe, mais qui permettrait de détendre Clara :

« Kaileesha n’acceptera jamais d’éduquer une humaine qui a encore peur de son père. »

Cette phrase fit mouche. Clara sursauta et tourna la tête, une lueur d’espoir dans les yeux.

« K-K-Kaileesha veut... Elle veut bien de moi ?! »

La question était posée sur un ton plein d’espoir, et Mélinda esquissa un léger sourire amusé, avant de préciser ce qu’elle savait maintenant depuis plusieurs semaines, mais qu’elle n’avait pas encore dit à la lycéenne, attendant pour cela le moment opportun... Et ce moment semblait justement être venu :

« Évidemment, nunuche. Kaileesha t’adore, mais elle connaît aussi tes problèmes. Elle m’a laissé jusqu’aux vacances d’été pour que tu te débarrasses de ces... Soucis. Passé ce délai, tu pourras faire ce dont nous avons convenu, si j’estime que tu es prête.
 -  Mais je le suis !
 -  Oh, je vois à quel point tu sais contrôler ta rage. Shii pourrait en témoigner, tu ne crois pas ? »

A cette phrase, Clara baissa lentement les yeux, déçue et triste, mais elle n’avait, sur le coup, rien à répliquer. Un léger silence s’instaura, avant que Mélinda ne le rompe en parlant à nouveau :

« Je vais aller soigner la petite entaille de Shii à la salle de bains. Si vous vous étripez toutes les deux... Je vous attache mutuellement par le cou et je vous fouette, tenez-le vous pour dits. »

Elle avait lâché ça avec un léger sourire, et s’écarta, tenant Shii par la main. Cette dernière eut juste le temps de tourner la tête vers Clara, mais pas celui de dire quoi que ce soit. Restée avec Hitomi, Clara baissa la tête pendant plusieurs secondes, considérant à nouveau le jugement de divorce, puis regarda Hitomi, le papier, et lâcha :

« C’est Mélinda qui vous a refilé le bébé, hein ? C’est tout à fait son style... Bon, on va pas rester plantées comme deux connes dans une cage d’escalier. »

Clara sortit de la cage, retournant dans le salon, et s’approcha d’un frigo dans un coin, près d’un bar.

« Je vous aurais bien proposé du whisky, mais Mélinda a décrété la Grande Prohibition dans son manoir, alors, il faut faire avec les moyens du bord. »

Elle sortit un jus d’orange, deux verres, restant près du bar, puis regarda à nouveau Hitomi.

« Qu’est-ce que vous me voulez exactement ? Qu’est-ce que vous nous voulez ? Y a quelques jours, j’aurais dit que vous aviez juste envie de baiser, mais, vu votre réputation, trouver un bon coup, ça doit pas vraiment vous poser problème... Pourquoi il faut que vous reveniez vers nous, alors que vous nous avez sorti de votre vie ? »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 18 juillet 2012, 21:54:27
Je me retrouve bien piégée, au final. Je suis complètement dans le gaz avec Clara, je ne connais que des bribes de son passé ou de son futur prévu. Apparemment elle tient à ce qu'elle fera avec Kaileesha, mais de quoi s'agit-il ? Pas seulement de l'aider à se détendre le soir, j'ai déjà vu qu'elle excellait dans ce domaine. En tous cas Mélinda a sauté sur l'occasion de me laisser seule avec elle. Après sa façon de s'accrocher et de dicter le comment sans me donner le pourquoi, c'est... C'est tout à fait son genre, en fait. Et Clara ne se gêne pas pour en remettre couche sur couche, même si ça pourrait être bien pire. Refiler le bébé, je sens qu'elle va me travailler un moment, celle-là. Et que mélinda interdise l'alcool : ça m'inquiète. À moins que toutes les filles aient choisi de prendre la cuite de leur vie en même temps et retapissé tout le manoir de vomi, je vois mal qui à part elle-même a pu motiver cette mesure.

Au moment de régler les comptes, ça risque de pas être plus brillant que la rupture.

Mais pour l'instant : Clara. Qui me sert un jus d'orange. Je commence à me demander laquelle des deux est le bébé dans l'histoire. Mélinda a peut-être raison, elle devrait nous enchaîner l'une à l'autre. Si aucune de nous ne tue l'autre pour lui couper avec les dents les morceaux pris dans les chaînes, ça sera plus facile au bout de quelques jours.

" Qu’est-ce que vous me voulez exactement ? Qu’est-ce que vous nous voulez ? Y a quelques jours, j’aurais dit que vous aviez juste envie de baiser, mais, vu votre réputation, trouver un bon coup, ça doit pas vraiment vous poser problème... Pourquoi il faut que vous reveniez vers nous, alors que vous nous avez sorti de votre vie ? "

Vaste question, qui appelle sans doute une vraie réponse. Mais finalement je crois que je n'ai pas ça en magasin. Je fixe le verre de de jus de fruit. Je crois qu'un peu de whisky dans plusieurs verres comme celui-là aurait pu aider aussi. En tous cas, je crois que ça m'aiderait. Tant qu'à faire autant dire ce qui me passe par la tête, pour débarrasser.

" Je sais pas. "

Je ne prends pas le verre, même pas par politesse. Je jette un œil alentours, et je me demande si c'est vraiment moi qui ait fait tous ces ravages. Le manoir est le même qu'avant, à peu de choses près. Mais je supporterais pas de vivre dans une ambiance pareille. Ça ne tient pas qu'à l'atmosphère tendue dont tout le monde, moi comprise, me tient pour responsable. Ces pièce immenses, rangées nickel-chrome, ce n'est vraiment pas fait pour moi.

" Je sais que j'aurais pas dû essayer de vous sortir de ma vie. Ou j'aurais dû m'y prendre autrement. Mais bon, ça :  tu t'en fous et c'est pas tes oignons. "

Ça va, je vais déjà devoir en parler avec Mélinda à un moment ou un autre. Et même si ça se passe moins mal que je ne le crains, ça aura quand même du mal à passer. J'en reviens à la lycéenne en m'accoudant au bar.

" Et puis, sorties de ma vie : t'es quand même gonflée. Parce que de toutes c'est toi qui a gratté le plus de place dans ma vie, avec tes plans pour me la pourrir. D'ailleurs je te remercie, ça m'a montré qu'au moins une d'entre vous m'en voulait. Parce que c'est surtout pour toi que je suis revenue. Je sais que tu m'a jamais portée dans ton cœur mais moi je t'aime bien. "

Je soupire. Finalement, à force de prendre de la distance je me sens fatiguée. Les choses étant ce qu'elle sont je vais encore me retrouver à causer à mes pompes pendant une paire d'heures, et on va me foutre à la porte.

" Ce que je te veux... Je te veux que du bien. Alors si je peux au moins t'aider à empêcher les souvenirs de ton père de te tuer à petits feu... "

Si... Je commence à en avoir marre des conditionnels. J'ai déjà assez d'heures de vol, je devrais déjà savoir on va. D'ailleurs je le sais, donc je me redresse.

" De toutes façons qu'est-ce que tu risques à me raconter ça ? On a jamais été foutues de se comprendre alors au pire ce sera un coup d'épée dans l'eau. "

Et quelques déchets de plus dans le sac poubelle sentimentale que je suis pour mon entourage. j'espère que ça sentira pas trop quand je te retrouverais, Kyle...

Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le lundi 23 juillet 2012, 13:46:50
« Shii, je ne suis pas dupe, tu sais... »

L’intéressée tourna la tête vers sa Maîtresse. Elles se tenaient dans une petite salle de bains, et elle demanda, d’une voix faussement plaintive et innocente :

« Mais de quoi parlez-vous, Maîtresse ? »

Mélinda fit la moue, avec un léger sourire, tout en passant un glaçon, de l’eau fraîche, et un chiffon sur la plaie de Shii.

« Ta plaie est très superficielle. Tu voulais que je les laisse seules, pas vrai ? »

Shii ne répondit pas, se contentant de serrer les lèvres. C’était un silence suffisamment éloquent, mais Mélinda ne pouvait pas lui en vouloir. C’était risqué, mais bien pensé. Clara et Hitomi avaient visiblement besoin de se parler. Mélinda ne comprenait pas trop ce qui unissait les deux filles, mais il y avait indéniablement quelque chose. Quand Hitomi les avait larguées, Clara s’était sentie... Trahise. Ça avait aussi été le cas pour d’autres filles du manoir, mais, visiblement, Clara avait été la plus marquée.

*Peut-être que je m’en fais trop... Mais je connais quand même Clara.*

Et elle la connaissait suffisamment pour savoir que cette dernière ne se confierait pas facilement. Clara, justement, écoutait Hitomi parler. Assise sur le rebord de la table, elle l’observait, essayant d’être aussi inexpressive que possible... Mais ce n’était pas facile. Elle n’avait pas les talents de Kaileesha et de Mélinda dans ce domaine. Ses doigts tremblaient nerveusement, sa respiration était lourde, et elle avait la désagréable impression qu’on pouvait lire en elle comme dans un foutu livre ouvert. Cette idée l’énervait. Hitomi pataugeait, lui avouant ne pas savoir ce qu’elle faisait, avant d’essayer de parler, de se justifier.

« Ce que je te veux... Je te veux que du bien. Alors si je peux au moins t'aider à empêcher les souvenirs de ton père de te tuer à petits feu... »

Clara faillit avaler de travers, et se cacha derrière ses paupières fermées et le jus d’orange. Son père... Le simple fait d’en parler rappelait en elle les souvenirs qu’elle avait refoulé. Quand il lui avait parlé dans l’étage, la prenant entre quatre yeux. Il faut qu’on discute d’un problème, Clara... Un problème entre quat’zyeux... Elle n’oublierait jamais ça, et se trouvait encore plus conne à l’idée d’y repenser, et d’être incapable de lutter. Hitomi aussi la voulait, sa conversation entre quat’zyeux, ce qui l’amena à préciser :

« De toutes façons qu'est-ce que tu risques à me raconter ça ? On a jamais été foutues de se comprendre alors au pire ce sera un coup d'épée dans l'eau. »

Clara reposa son verre vide, un peu trop brutalement. Elle avait les joues rouges, et regarda Hitomi, sur la défensive. Allez, Clara. Juste entre toi et moi, Hitomi. Une petite discussion tout ce qu’il y a de plus d’intime. Confiez-vous à moi, votre secret sera bien gardé, parole d’honneur ! Mais ce ne fut pas ainsi que Clara raisonnait.

« Mélinda et ses plans foireux... » nota-t-elle pensivement.

Bizarrement, elle n’avait pas envie de s’énerver contre Hitomi. Elle était pire qu’un furoncle dans le cul. Si elle s’énervait, Hitomi y verrait plus une incitation à rester et à insister qu’autre chose.

« Je m’excuse pour tout ce que je vous ai fait... Mais n’allez pas croire que, parce que Mélinda a je sais pas quel plan tordu en tête, vous aurez droit à ma confession. J’ai des problèmes avec mon père, ouais. Mais, à ce que je sache, vous êtes pas une psy’, ou une foutue bonne femme d’assistance sociale. Rien d’autre qu’une prof’ ! Je vois pas en quoi vous pourrez m’aider, et en quoi ma pétasse de ma mère pourra faire mieux que brasser de l’air. »

Ce fut à ce moment que Clara entendit des bruits de pas. Elle tourna la tête, et aperçut Mélinda, qui s’avançait lentement vers elles. Avec un sourire narquois sur les lèvres, elle essaya de détendre l’atmosphère :

« Heureuse de voir que vous n’avez pas déjà commencé à vous étriper !
 -  J’ai pas besoin d’elle ! s’emporta Clara en la désignant du doigt.
 -  Ça, ma chère, c’est à moi d’en juger. »

Un court silence s’instaura entre les deux. Clara les fusillait du regard, comprenant qu’elles étaient de connivence. Elle se sentait acculée, et Mélinda crut bon d’ajouter :

« Quand je t’ai séquestré dans le manoir, Clara, quand je t’ai soigné du mieux que j’ai pu pour que ta carcasse cadavérique ressemble à un corps de femme, et pour que tes problèmes de drogue s’en aillent, tu ne cessais de dire que tu n’avais pas besoin de moi, que tu étais... Hum... ‘‘Suffisamment grande pour me démerder toute seule’’.
 -  Je... tenta de dire Clara pour sa défense, mais Mélinda ne comptait pas la laisser s’en tirer à si bon compte.
 -  J’ai choisi d’appeler Hitomi, oui. Quant à savoir si c’est une erreur ou une opportunité, ça, je me réserve encore le droit d’en décider. »

Clara fit la moue, hésita, puis lâcha :

« Pourquoi l’avoir rappelé ?! »

Ce fut au tour de Mélinda de soupirer. Elle regarda brièvement l’intéressée, serra les lèvres dans un léger pincement, puis finit par répondre :

« Parce que je crois qu’Hitomi ne sait pas comment aimer, tout simplement. »

Une telle réponse devait sans doute appeler à des développements, mais Mélinda n’avait pas le temps de s’y occuper. Ce qu’elle voulait dire lui semblait simple à comprendre. Clara fit la moue, guère convaincue.

« Je pense qu’on peut lui faire confiance. Mais je sais combien ton passé est douloureux pour toi, ce que je comprends. J’ai eu un passé difficile, moi aussi, comme tu le sais. Et, si je peux maintenant en parler avec aisance, c’est parce que j’ai brisé celui qui m’a fait du mal. Quand j’ai épuisé ma haine et toute ma souffrance, il ne me restait rien d’autre qu’à aller de l’avant. Mais ce n’est pas vraiment le parcours facile. Et, tu auras beau prétendre le contraire, ma petite Clara, je sais pertinemment que ton passé continue à te torturer. »

Clara ne disait rien, toute rouge. Elle avait les yeux baissés, les poings serrés, et la vampire enchaîna :

« Elle peut nous aider. Crois bien que, si, j’avais pu le faire toute seule, je ne l’aurais pas forcé à devoir nous revoir, mais... »

C’en fut trop pour Clara. Elle releva la tête, et hurla presque :

« MAIS QU’EST-CE QUE TU VEUX QU’ELLE FASSE ?! Je n’ai PAS besoin de ma mère ! »

Mélinda ne se laissa pas démonter par cet accès de rage. C’était le signe qu’elle avait touché le point sensible, et, même si elle était triste de mettre Clara dans cet état, elle devait continuer à poursuivre. C’était un rôle qu’Hitomi ne pouvait pas remplir. Ne pouvait plus remplir, plutôt.

« Oh si, tu en as besoin. Je le répète tellement que tu devrais le savoir, non ? Un futur ne se construit que quand le passé est propre. Nous, les Ashnardiens, résonnons ainsi. Le tien ne l’est pas, et il ne continuera pas à l’être, tant que tu continueras à le regarder comme une petite fille. C’est ça, Clara, le coût de la maturité. »

Clara trembla, et ne dit rien. Mélinda s’écarta alors d’elle, et regarda pour de bon Hitomi, qui devait un peu se sentir seule :

« Je vais lui dire ce que je sais, Clara. Et je veux que tu y assistes. Car, aussi talentueuse que je sois, j’ai moi aussi mes limites. Et j’ai... Non... Nous avons besoin d’elle. »

Clara ne dit rien, ou presque. Elle hocha la tête, et Mélinda prit ça pour une confirmation. Soufflant légèrement, Mélinda, assise sur le rebord de la table, regarda alors Hitomi.

« Je te préviens, ça risque d’être long. Et je sais que tu aurais préféré que ça sorte de la bouche de Clara, mais je crois que tu vas devoir supporter ma voix pour l’heure à venir. Prépare-toi, car, une fois que j’aurais commencé, je ne m’arrêterai pas avant d’avoir fini. C’est une histoire bien trop longue pour que je me permette de faire des pauses. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 23 juillet 2012, 20:11:03
Ça démarre pas fort, mais au moins ça démarre. Et comme c'est déjà trop beau que Clara me réponde sans casser son verre contre la table pour m'égorger avec, Mélinda revient. Puisqu'on ne peut pas y couper il va falloir faire avec. Mais si ça foire ce ne sera pas faute de l'avoir prévenue, alors je lui laisse la main et m'appuie contre la table, les bras croisés. Et j'en profite pour voir comment les choses se... Quoi ? Je sais pas comment aimer ? Je sens que ça va encore être le sujet d'une conférence interminable du Professeur Warren sur la vie, l'univers et le reste. Ce n'est pas le moment de relever, et de toutes façons ce serait inutile. Autant essayer de convaincre un arbre de pousser sous la terre en lui parlant.

Inutile également de relever la suite. Les explications avec la maîtresse vampire qui a tout pigé et tout dépassé : ça viendra en temps voulu. Et elle me pose quand même en victime de la situation en laissant entendre qu'elle m'a forcée à venir. Ou elle trouve juste un moyen d'éclipser son appel à l'aide en le transformant en ordre ? Rien à cirer pour l'instant, ça me change un peu de place dans le tableau que Clara doit se faire donc ça aidera peut-être.

" MAIS QU’EST-CE QUE TU VEUX QU’ELLE FASSE ?! Je n’ai PAS besoin de ma mère ! "

Une bonne question sans réponse et un refus. Si on voulait tirer dans les coins on ne s'y prendrait pas autrement. Au moins Mélinda maintient la pression, ce qui est la seule chose à faire pour l'instant. Et je n'interviens toujours pas, j'attends qu'on m'invite. Elles ont besoin de moi. Celle-là c'est vraiment la meilleure de la journée. Si je n'avais déjà fait un gros travail sur moi-même, c'est moi qui pèterais un câble.

" Je te préviens, ça risque d’être long. Et je sais que tu aurais préféré que ça sorte de la bouche de Clara, mais je crois que tu vas devoir supporter ma voix pour l’heure à venir. Prépare-toi, car, une fois que j’aurais commencé, je ne m’arrêterai pas avant d’avoir fini. C’est une histoire bien trop longue pour que je me permette de faire des pauses. "

Je fixe Mélinda quelques secondes, ou plutôt je la jauge, sans vraiment laisser paraître ce que j'ai en tête. Puis mon regard passe à Clara avec un haussement de sourcil.

" Elle va le faire, tu la connais. "

Elle a déjà jugé de ce qui était important et de ce qui devait être fait, toute seule, comme d'habitude. Alors autant aller quelque part où elle n'aura pas d'emprise.

" L'autre jour, dans le couloir... "

Je sens que j'ai toute l'attention de la lycéenne, et cette fois elle sait que les faux-fuyants ne la sauveraient pas si j'en disais trop.

" ... Je voulais t'aider, c'est tout. J'étais sur les nerfs, peut-être pas autant que toi. Je m'y suis mal prise. J'ai pas réussi. Mais je voulais seulement t'aider. "

Je baisse la tête et je soupire, le temps de calmer les pensées qui bouillonnent dans ma tête et ont envie de sortir. Elle ne le feraient ni au bon moment ni de la bonne manière. Je relève la tête et les yeux vers Clara. Puis je passe rapidement sur Mélinda avant de revenir à la lycéenne. La tête un peu penchée, une idée me vient qui me fait sourire.

" Puisqu'on va s'embarquer pour une longue histoire, sans doute pleine de détails sordides, je pense qu'on devrait d'abord prendre cinq minutes pour se calmer. Peu importe qui va raconter. Le but c'est que toi, Clara, tu arrives à prendre un peu de recul. Alors respirez, toutes les deux. C'est moi qui vais raconter une petite histoire. Faites pas ces tête-là, ça prendra pas longtemps. "

Je prends une gorgée de jus d'orange avant de me lancer.

" Il était une fois une belle princesse et un prince charmant... Vous voyez, c'est rien de terrible. Donc la princesse et le prince venaient de se rencontrer, et ça collait déjà entre eux. Ils commençaient à flirter un peu, échanger des regards, glisser de petites maladresses dans les conversations. Une petite histoire qui commençait, d'amour ou de fesse : la princesse n'était déjà plus très prude... "

Mon regard n'arrête pas de passer de l'une à l'autre, pour garder leur attention et guetter le moment où elle vont comprendre. En tous cas je m'étonne moi-même, je devrais prendre des notes pour ma prochaine nouvelle.

" Et le soir venu, en jeune homme bien élevé, le prince offrit à la princesse de la raccompagner. Mais voilà que sur le chemin, ils croisèrent cinq brigands qui s'en prenaient à une jeune fille. La princesse fut la première à les remarquer, et elle n'était pas maline. Alors elle avança vers les cinq bandits sans attendre son prince et leur arracha la jeune fille en lui disant de prendre la fuite, ce qu'elle fit bien entendu. "

Ça commence à avoir du mal à sortir, surtout de cette façon. J'ai la gorge qui se serre légèrement, le cœur qui commence à battre plus vite.

" Ce que la princesse ignorait, c'est que les cinq bandits étaient de la pire espèce et qu'ils ne se laisseraient pas impressionner. Le prince le savait, alors il tenta de les amadouer. Mais avant de s'en rendre compte il se faisait jeter au sol par deux hommes qui le rouèrent de coups. Et les trois autres attrapèrent la princesse. Il la tinrent et la frappèrent. Mais elle se débattit, et elle réussit à leur faire lâcher prise. Mais quand elle vit le prince... "

Je sens une larme qui roule sur ma joue, échappée d'un regard furieux. J'ai du mal à croire que la scène que je raconte est celle qui repasse devant mes yeux.

" Quand elle vit le prince toujours au sol, écrasé sous les coups de poing et de pieds des bandits, elle les attaqua. Elle leur sauta dessus pour frapper, mordre et griffer tant qu'elle pouvait. Mais comme le prince elle fut jetée au sol. Sa tête cogna si durement qu'elle en fut sonnée, mais encore consciente. Elle sentait les deux hommes qui tenaient ses bras écartés, qui les écrasaient sous leurs genoux pour l'empêcher de bouger. Elle sentait aussi qu'on déchirait sa jupe, puis qu'on tirait sur sa culotte pour la lui arracher. Mais elle n'avait même plus la force de serrer les cuisses. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était respirer et fermer les yeux, se dire qu'elle avait fait de son mieux et que ça n'allait être qu'un mauvais moment à passer. "

J'ai presque grogné la fin, pour ne pas la vomir en larmes. Il me faut une petite seconde pour reprendre mon souffle et m'essuyer le coin des yeux. Je lâche la suite d'une voix plus détachée, presque blasée.

" Puis soudain le prince se releva, chassa les bandits et emporta la princesse dans son château. Ils avaient tous les deux mal partout, et le prince avait la gueule en sang, mais ça les a pas empêcher de faire l'amour et de se promettre la lune. Tout ça pour qu'au bout d'un mois le prince traite la princesse de salope et qu'elle l'envoie chier. Générique de fin, à suivre la semaine prochaine. "

Je prends mon verre de jus d'orange.

" Arrêtez de me prendre pour Cendrillon, toutes les deux. Ça commence à me gonfler. Personne ne m'a violée parce que j'ai toujours réussi à m'échapper, ou j'ai eu la chance que quelqu'un me sauve. Mais ceux qui ont essayé étaient des inconnus, dans la rue. Et je suis bien obligée de retourner dans la rue et de croiser des inconnus tous les jours : je me suis pas téléportée jusqu'ici. Mes tortionnaires peuvent surgir de partout, n'importe quand. Je peux pas tuer tous les gens que je croise ou rester enfermée chez moi pour toujours. Tu veux ma méthode miracle, Clara ? Vide ton sac, chiale un bon coup et recommence jusqu'à ce que tu puisses en parler au passé comme je viens de le faire. "

J'ai encore un peu grogné la fin, mais cette fois ce n'était pas pour esquiver les larmes. Je bois une gorgée de jus d'orange avant de reposer le verre, et de lever les yeux vers la lycéenne.

" Tu vois, c'est pas si difficile. Alors tu t'en charges ou tu te caches derrière Mélinda ? "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 24 juillet 2012, 13:51:45
L’heure était donc aux révélations. Hitomi raconta à Mélinda et à Clara une petite histoire. Si Mélinda fut au début surprise par ce revirement, elle écouta néanmoins avec attention et avec silence, assise sur la table, croisant les bras. Hitomi avait du mal à boucler son histoire. De ce que Mélinda crut en comprendre, elle racontait une histoire autobiographique, ou qui, en tout cas, concernait quelqu’un de très proche. Un viol. Un viol pour les beaux yeux d’un type qui l’avait plaqué. Son fameux petit ami ? Ou un autre ? Comment le savoir ?

*Et quelle importance ça a, dans le fond ? Ta vie ne m’intéresse pas, Hitomi. D’autres temps, d’autres lieux. Jadis, j’aurais pu m’intéresser à toi, mais plus maintenant. Remballe tes histoires et tes conseils à deux balles.*

Mélinda était rancunière, oui. Et, plus la journée se poursuivait, plus elle se disait qu’elle avait fait une nouvelle erreur en rappelant cette femme. Hitomi avait fait son choix. Et un choix impliquait des conséquences. Il en allait toujours ainsi. Il ne fallait jamais négliger les conséquences, car, en définitive, c’étaient elles qui détermineraient si le choix était bon ou mauvais. Une solution qui, sur le coup, paraît bon, peut s’avérer par la suite être un véritable cauchemar. Mais ça, Hitomi devait en savoir quelque chose. Et ce n’était pas Mélinda qui irait la plaindre. Elle avait beau prétendre être une grande fille, la senseï tenait plus d’un colosse aux pieds d’argile qu’un inébranlable roc.

Entre grognements et sanglots, Hitomi acheva son histoire. Mélinda ne savait pas quoi dire, et avait de plus en plus le sentiment d’être une espèce de petite amie de substitution. En tant que compagne, elle aurait pu accepter cette histoire. En tant que Maîtresse aussi. Mais Hitomi avait tout racheté. C’était comme si un gars venait vous prendre le bras dans la rue, alors que vous alliez tranquillement acheter le pain et le journal, pour vous sortir tous ses malheurs. Hitomi essayait de se justifier en disant qu’elle avait raconté cette histoire pour l’exemple, et l’exemple uniquement.

*Vraiment ? aurait eu envie de dire Mélinda, plantant son regard inquisiteur dans celui de la femme. Si tel était le cas, Hitomi, tu ne serais pas au bord de la crise de larmes. Crois-moi bien, j’aurais bien aimé te serrer dans mes bras, te consoler, voire même te baiser sauvagement dans le lit pendant toute une nuit, te baiser à tel point que tu aurais demandé grâce, puis te réconforter, te rassurer, écouter les souffrances que tu tentes de dissimuler, t’aider à rafistoler ton cœur que tu tentes de réparer avec un morceau de scotch et de la glu... Mais un choix implique des conséquences.*

Hitomi lâcha donc, sur ce ton légèrement agressif, provocateur, qui la caractérisait :

« Tu vois, c'est pas si difficile. Alors tu t'en charges ou tu te caches derrière Mélinda ? »

Clara fronça les sourcils, puis tourna la tête, rouge. Une adolescente, ça pouvait être sacrément têtue, et Clar n e croyait pas un seul instant à toutes les conneries de cette femme. Oh, pas à son histoire, non, mais à ce qu’elle lui avait dit avant. J’ai fait ça pour t’aider, ‘faut pas m’en vouloir, je voulais te faire du bien, en fait, en te plaquant contre le mur, en menaçant d’appeler les flics. Si, si, je t’assure, c’était vraiment pour t’aider, hey ! J’ai pas l’air sincère, peut-être ? Alors là, tu me fends le cœur ! Elle serra les dents, sentant une pointe de rage la saisir. Elle finit par lever les yeux, et son regard était mauvais :

« Sympa’, ton histoire, mais, sans vouloir te vexer, tes problèmes, j’en ai rien à foutre. Si tu veux raconter tes merdes, va voir une pétasse d’assistante sociale, ou les connasses de psys’, elles sont là pour ça : t’écouter parlant en brassant de l’air. ‘Viens pas me faire chier avec tes mensonges de merde. Tu es exactement comme lui. A déformer la réalité et à nier ta responsabilité. M’aider ? Tu parles ! Je t’ai rien demandé, moi ! »

Ses mains tremblaient nerveusement, et Mélinda se racla alors la gorge.

*Interviens, ou ça risque de finir en pugilat... Et je suis déjà suffisamment fatiguée comme ça. J’aimerais vraiment que ça se termine avant de revoir Akira, elle me pose déjà suffisamment de problèmes.*

Mélinda ferma lentement les yeux, puis se redressa, sachant que, par ce simple geste, elle aurait, au moins brièvement, l’attention des deux femmes.

« Très bien. Je ne veux pas un instant dénier tout le tragique de ton histoire, Hitomi, mais, quand bien même je pense que tout cela est loin d’être définitivement du passé pour toi, tu te trompes de registre. Il n’y a pas de viol dans l’histoire de Clara... Du moins, pas en ce qui la concerne, elle. Et les cicatrices dans son dos... Disons que les yeux ne montrent que la surface des choses, et qu’il faut faire attention aux conclusions hâtives. L’histoire de Clara est désespérément banale, ordinaire... Ce qui, dans un sens, la rend encore plus terrible. »

Clara baissa à nouveau la tête en soupirant. Mélinda se lança enfin, entamant pour de bon son récit. Elle avait les bras croisés en commençant, mais, très rapidement, elle allait devoir marcher, s’adosser contre le mur. Clara, elle, resterait de marbre pendant un certain temps.

« Notre histoire commence de la plus merveilleuse des manières. Un vrai conte de fées, avec une histoire d’amour. Mais, pour que tu comprennes vraiment, Hitomi, il faut remonter en arrière, bien avant que les parents de Clara ne se rencontrent. Revenir là où tout se joue, à cet âge où on est incapable de comprendre ce qui se passe. Les Dieux ne manquent pas d’une singulière ironie. »

Lui, il n’avait pas eu l’enfance facile. Pas du tout, même. Il n’était pas battu, mais il n’était pas non plus forcément heureux. Il était né au sein d’une famille nombreuse. Sa mère était la bonne de son père, et avait trente ans de moins que lui. Quant à son père, c’était un ivrogne, qui passait son temps à boire, à insulter ses enfants, et qui était bien trop âgé pour avoir autre chose à faire de ses jours que regarder les jeux télévisés. Il riait comme un bossu devant les blagues des présentateurs, rotait et pétait dans son grand fauteuil. On aurait alors pu se dire que la mère compenserait ce manque effectif. Il n’en fut rien. Sans doute aimait-elle ses enfants, mais elle fut incapable de le montrer. Il faut dire qu’elle n’aimait pas son mari, et que ce serait après la mort de ce dernier, après sa vraie mort, soit environ quinze ou vingt ans plus tard, qu’elle expliquerait qu’elle n’avait jamais été consentante pour un seul rapport sexuel. On pouvait donc dire qu’elle avait été violée, mais, à cette époque, les juges s’accordaient pour considérer que les époux ne pouvaient pas se violer entre eux. Et, de toute manière, elle n’aurait jamais eu le courage d’aller saisir la justice. Ce serait sa parole contre la sienne, et, au Japon, le choix aurait été vite fait. Elle n’avait jamais fait un seul câlin à ses enfants, et était obsédée par la seule chose qui, à ses yeux, pouvait encore représenter de l’intérêt, et qui avait justifié qu’elle choisisse de sacrifier toute sa vie : l’argent. L’argent avec un grand A. Elle comptait tout. Les moindres dépenses. Avec elle, les courses étaient un enfer. Ne prends pas ce sachet de pâtes, prends celui-là, il est 5 yens moins cher ! Elle avait épousé son mari parce qu’il était un ancien handicapé de guerre, et touchait une confortable pension. Lui n’avait jamais connu l’amour. Pour autant, il était enjoué, heureux, vif. Il avait de l’humour, une bonne culture générale, de longs cheveux, et il quitta la maison familiale pour aller à l’université, et tenter de décrocher ses diplômes. Il s’était juré de ne jamais faire comme ses parents, d’aimer ses enfants, d’être pour eux le père qu’il n’avait jamais connu. C’est au lycée qu’il l’avait rencontré. Ils étaient dans les mêmes cours, et il s’était fait remarquer de la plus anodine des façons. Il était son voisin, derrière elle, et il s’amusait à jouer avec son stylo-bille. Elle ne supportait pas ça, et pestait, bouillonnant sur place, bouillonnant tellement fort qu’elle se fait exclure une fois sur deux du cours, tandis que lui ne pouvait qu’en rire. Ils s’étaient connus ainsi. Ils étaient devenus des amis, voire même plus que ça, mais tout devait définitivement changer entre eux le jour où il reviendrait, avec ses diplômes, dans la maison familiale. Sa mère le laisserait parler pendant cinq minutes, avant de lui dire de foutre le camp. Héberger son fils le temps qu’il trouve un emploi lui aurait coûté de l’argent, et elle n’aimait pas dépenser. Sauf pour elle. Et son fils ne faisait pas partie de l’équation. Son mari venait enfin de crever. Après avoir bu comme un trou et l’avoir violé (si tant est qu’on puisse employer ce mot, vu qu’elle n’avait jamais rien senti), il était enfin mort, lui léguant tout son argent. Et elle allait devoir abandonner tout cet argent à ses enfants ?! Était-ce une blague ? Elle lui avait claqué la porte au nez, et il n’y avait plus qu’un seul endroit où il pouvait se rendre. Chez elle. Il vint avec sa mobylette.

Ce soir, ils perdirent mutuellement leur virginité. Et leur destin fut scellé. On dit du monde beaucoup de choses. On le dit cruel, on le dit mauvais, on le dit beau, on le dit fou, mais le monde est, avant tout, ironique. S’il fallait bien trouver un mot pour résumer toute l’humanité, pour résumer l’Histoire toute entière, pour résumer toute la Création, ce serait celui-là. La Création était une grande ironie.

Elle, elle avait connu l’amour. Elle l’avait même bien trop connu. Elle était la petite fille, la dernière de trois sœurs, et celle que son père préférait. Mais son père ne parvenait pas vraiment à s’imposer face à sa femme, qui était dure, rigide. Aimante, bien sûr, mais dure, rigide, et qui, indéniablement, préférait sa deuxième fille à la troisième. La deuxième fille, quant à elle, savait qu’elle avait l’amour de sa mère, mais pas celui de son père. Et, pardonnez l’expression, mais ça la faisait royalement chier. Alors, elle jalousa la plus jeune, et devait sans cesse la jalouser. La dernière fut ignorée, et n’apprit qu’à vivre par procuration. On la laissa s’occuper de la première sœur, qui n’avait jamais été très bien dans sa tête. A tel point qu’elle fut internée à l’asile pour plusieurs mois à l’âge de ses seize ans. Quand ses parents allèrent la voir, elle était tellement blindée de médicaments qu’elle était incapable de remuer les yeux, ou d’avaler sa propre salive. Et elle, elle s’occupa de sa sœur aînée. Elle était gentille, bien trop gentille, et bien trop persuadée, bien trop convaincue que les hommes, dans le fond, sont des êtres bons et généreux. Qu’ils ont tous en eux cette petite étincelle de bonté qui les force à se tourner vers les autres, cette petite flamme qui brûle au fond de leurs âmes. Elle était incapable de penser d’abord à elle, car elle avait été éduquée, formatée, pour songer d’abord à s’occuper de ses proches. Quand elle demandait à sa mère de l’argent pour s’acheter des affaires, cette dernière, catégorique, lui refusait toujours. Nous n’avons pas assez d’argent, alors arrête avec tes caprices. Naturellement, quand il s’agissait de la seconde sœur, on trouvait toujours un peu d’argent dans les fonds de tiroir. Elle ne savait pas dire « Non ». Alors, forcément, le jour où un bon ami, pour qui, il est vrai, elle éprouvait bien quelque chose, vint toquer à sa porte en lui disant que sa mère l’avait flanqué dehors afin de s’asseoir sur l’héritage de son mari, elle n’avait pas su refuser. Or, s’il est vrai qu’elle avait bien aimé cet homme, à cette époque, il y en avait un autre qu’elle aurait préféré. Et, pour son malheur, lui le savait. Mais il était persuadé qu’elle l’aimait. Et elle aussi s’en persuada.

Clara fut conçue hors mariage. Ils achetèrent une maison, lui utilisant son salaire de prof’. La banquière fut adorable. Une vraie ange. Il aurait fallu la recommander, car elle accepta leur prêt avec un grand sourire. Il était sûr qu’elle aurait eu une chouette vie. En réalité, mais cela, les parents de Clara ne pouvaient pas le savoir, elle fit une dépression, et est, depuis ce jour, internée dans un asile, enfermée dans un déni de réalité.

« L’amour entre deux êtres, Hitomi, ne peut marcher que si ces individus sont forts, s’ils se vouent une confiance mutuelle, et s’ils s’estiment d’égale importance. Mais, et c’est là que c’est ironique, si l’homme était fort, alors il n’aurait pas besoin d’avoir envie d’être aimé pour se persuader qu’il est important, non ? Une relation amoureuse n’est rien d’autre qu’un long et insidieux poison. Des années où on se dope d’illusions, où on se persuade que, ça y est, l’amour a frappé à notre porte, que Cupidon nous a touché de ses flèches... Et, un beau jour, la lumière clignote, et les ombres, insidieuses, grossissent, enflent, et infectent tout. Assez souvent, il arrive que le couple soit suffisamment gorgé d’illusions pour les masquer... Ou alors, c’est parce que la femme est trop soumise à son mari pour le dire, mais, de plus en plus fréquemment, ces petits à-côtés finissent par détruire des vies entières. Et, dans ce genre de situations, les enfants sont en première ligne, et sont les premiers à sauter. »

Clara ne disait rien, mais ce silence était éloquent. Mélinda se racla la gorge. Elle avait beaucoup parlé, et l’histoire ne faisait que commencer ! Elle secoua la tête, faisant voleter ses belles boucles, et regarda Hitomi.

« Tu veux bien me passer un verre d’eau dans le frigo ? Tu es à côté, et... Disons que j’ai soif. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mardi 24 juillet 2012, 18:37:38
Toujours la même chose. Quoi que je dise ou que je fasse : elles s'en foutent autant l'une que l'autre. Mon aide ? Elles ont besoin d'aide, ça c'est clair. La mienne ? Elles sont trop fières pour l'accepter. Clara veut que je sois la connasse qu'elle voit en moi, Mélinda me veut à la place qu'elle m'a choisie. En fait je suis comme la mère de Clara : trop gentille et trop facilement piégée. Je m'en suis assez voulue, je me suis assez égosillée. En plus Mélinda a le culot de me faire une nouvelle leçon de sentiments, une leçon bien hypocrite vu la façon dont les choses se sont passées entre nous. Cette fois ça va trop loin. Puisqu'elle ne veulent pas plus que ne leur permettent leurs opinions tranchées, alors je n'essaierais pas de leur donner plus. Tant pis pour elles.

J'ai tout écouté, appuyée au plan de travail les bras croisés. Les tristes histoires banales des parents et des grand-parents de Clara ont eu du mal à m'atteindre. Tous ces gens : je ne les connais pas, je ne peux pas changer leur passé. Bien sûr, si je les rencontrais et s'ils me demandaient mon aide j'essaierais. Mais dans cette cuisine, dans cette maison, et surtout dans la bouche de Mélinda : ils sont moins que des fantômes. Et ils ne servent à rien. À part peut-être la mère de Clara, vu qu'elle est concernée. Je sais au moins que dans l'histoire je ne suis pas la seule à m'être faite baiser par ceux auxquels je tenais... Et je réalise que j'y pense au passé. Mais seulement à Mélinda et aux filles. Si elle croit que je vais me résigner à abandonner Kyle elle va vite déchanter.

" Tu veux bien me passer un verre d’eau dans le frigo ? Tu es à côté, et... Disons que j’ai soif. "

Je me retourne, j'ouvre le frigo pour y prendre une bouteille d'eau. En servant le verre que Mélinda m'a demandé, j'ai la désagréable impression d'être en train de faire la chose la plus utile depuis que je l'ai rencontrée. Pencher une bouteille sans rien renverser à côté : il n'y a que pour ça qu'elle peut me faire confiance. Malgré tout ce qu'elle a pu dire, pour le reste elle ne me fait aucune confiance. Je ne veux plus la juger ou essayer de deviner ses raisons. Elle veut rester un mur, alors qu'elle ne compte plus sur moi pour essayer de combler ses lézardes.

Je range la bouteille au frigo et je regagne ma place. Qu'elle finisse son histoire, peut-être que ça fera réfléchir Clara un minimum. Ensuite retour sur les rails : j'irais voir la mère de Clara pour lui dire ce que Mélinda voudra, sur le ton qu'elle voudra. On les collera toutes les deux face à face et advienne que pourra. Que cette petite conne fonde en larme ou continue de faire la fière, au moins sa mère sera soulagée de la voir vivante et en bonne santé. Au moins toute cette histoire aura apporté du bon à quelqu'un. Ensuite je quitterais définitivement ce manoir et ses occupantes. Je ne les abandonnerais pas, puisqu'elles m'auront rejetée.

En fait, la seule que j'abandonne est celle qui a payé à ma place et à qui je n'ai jamais parlé. Mais tout ce que j'aurais à lui dire se résume simplement : c'était moi ou une autre, et si j'avais su ce n'aurait pas été une autre.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mercredi 25 juillet 2012, 17:14:30
Mélinda remercia Hitomi, et porta le verre à ses lèvres. Elle avait beaucoup parlé, et elle devait reconnaître, même si elle ne le dirait jamais, qu’Hitomi avait eu raison sur un point. Il fallait que Clara s’implique. Qu’elle affronte les démons et les fantômes de son passé. Maintenant que Mélinda avait lancé les choses, Clara était piégée. Impossible de faire machine arrière, mais, pour autant, faire acte de présence était insuffisant. La situation exigeait plus. Et Mélinda posa le verre sur la table, à côté de Clara.

« L’eau est fraîche. Elle est pour toi. »

Clara leva la tête.

« Merci, mais je n’ai pas soif.
 -  Parler beaucoup, quand on n’est pas habitué, ça fatigue la gorge. Crois-moi, tu auras envie de boire.
 -  Hein ?! Hey, là, une minute, j’ai pas envie de... »

Mélinda l’embrassa alors sur les lèvres. Un baiser rapide, un simple frottement de la bouche, mais ça produisit quand même un délicieux *SMACK* très agréable aux oreilles. Clara rougit faiblement, et baissa les yeux. Les deux mains de Mélinda la caressèrent sur les joues, et elle alla lui baiser le front, dans de délicats gestes d’affection et de tendresse. Elle remonta ses doigts vers les oreilles de Clara, leurs têtes se collant.

« Là, là, ma chérie, tout ira bien... Tu me fais confiance, n’est-ce pas ?
 -  O... Oui, oui, oui...
 -  C’est ton histoire, pas la mienne... Et puis, j dois veiller sur Shii. La pauvre... Tu la connais, non ? Il suffit qu’elle reçoive une piqûre de moustique pour qu’on doive l’emmener aux urgences. »

Clara pouffa, la tête toujours collée contre le corps de sa gardienne.

« Ouais, c’est pas faux... »

Elle releva la tête. Nouveau baiser, nouveau *SMACK*, bien que plus délicat. Clara se sentit mieux. C’est fou, l’effet qu’un baiser pouvait avoir.

« Je peux aller m’occuper de Shii ? Tu jures de pas laisser notre invitée en plan ?
 -  N-Non, vas-y, vas-y, c’est bon...
 -  T’es okay ?
 -  Ouais, t’en fais pas...
 -  C’est dans ma nature de m’en faire, Clara.
 -  Ouais... Ouais, je sais... »

Nouveau sourire. Un peu plus engageant. Si engageant que ça méritait bien une récompense, et il fallait bien, après tout, honorer les vieux dictons, même quand ils ne voulaient rien dire. Alors, il y eut un autre baiser, et Mélinda s’écarta ensuite, cessant là ses gestes d’affection. Elle se moquait alors bien mal qu’Hitomi prenne ça comme une provocation. Qu’elle prenne ça comme elle veut, la vampire s’en moquait bien ! Ou, en tout cas, elle prétendait s’en moquer, ce qui, avouons-le, n’était pas forcément la même chose. Mélinda commença à s’éloigner, avant que Clara ne lâche :

« Mélinda...
 -  Hum ?
 -  Tu... Euh... Tu voudras bien dire à Shii que... Enfin, que... Que je suis désolée. »

Mélinda sourit à nouveau, de ce beau sourire étincelant où ses magnifiques dents d’une éclatante blancheur apparaissaient. Elle aurait pu jalouser tous les effets spéciaux des spots publicitaires pour des dentifrices. Elle se contenta d’un clin d’œil rassurant pour Clara, puis regarda à nouveau Hitomi... Et lui offrit un tendre sourire, puis s’écarta, sa longue et fine robe remuant entre ses jambes. Clara et Hitomi restèrent à nouveau seules, et, à nouveau, un léger silence gêné s’installa. Clara se gratta l’arrière de la tête, puis regarda Hitomi. Elle abaissa à nouveau les yeux, puis les releva, et haussa les épaules, avant de se tenir debout.

« Je vous préviens, je raconte pas aussi bien que Mélinda... »

Elle se contenta des détails. Comme le disait si bien Mélinda, « quand on voulait appréhender une chose, il fallait commencer par en explorer les contours ». C’était précisément ce que Clara allait faire. Elle commença donc par délimiter les contours, et parla d’évènements anodins. Elle avait vécu dans une belle maison en campagne. Sa mère, pour autant qu’elle s’en rappelle, était sans emploi, et son père quittait la maison très tôt, pour revenir assez tard. Sa mère la conduisait donc, et, comme d’habitude, à l’approche de Tokyo, il y avait des bouchons. Il fallait se lever tôt, et elle dormait avec deux ours en peluches.

« Je les appelais Titi et Tata. Au début, ils étaient frère et sœur, et puis, Tata était la petite copine de Titi. C’est con, hein ? Bien sûr que c’est con... »

Mais parler des choses connes, c’était le meilleur moyen pour Clara de parler des choses qui l’étaient moins. Elle prenait de l’assurance. Elle raconta que les voyages étaient longs, dans la voiture. Sa maman avait fini par arrêter la radio, en ayant marre des émissions débiles du matin, préférant mettre un disque. Clara, quant à elle, attendait à l’arrière, et comptait avec sa mère le nombre de camions quand la voiture approchait d’un petit tunnel.

« Le midi, elle revenait me chercher. Parfois, on allait au restaurant, mais, généralement, on retournait à la maison. Mon père, lui, était au lycée. »

Le soir, il rentrait. Évidemment qu’il rentrait. Et, à chaque fois, Clara se dépêchait de mettre ses chaussons. Car la première chose que Papa disait, ce n’était pas « Bonsoir », ni « Comment a été ta journée ? » Non, quand il voyait que sa chère fille n’avait pas ses chaussons, qu’elle salissait le sol, il lui disait, de sa voix autoritaire : « Mets tes chaussons ! ». Clara sentit une larme rouler sur ses yeux, et ferma les sourcils, la balayant.

« Il était... Très froid, très distant... J’ai toujours cru que c’était normal... Qu’une famille fonctionnait comme ça... Y m’a jamais battu... Il était pas alcoolique non plus... Mais il avait aucun ami... Tous ses amis, c’était ceux de ma mère, les parents de mes copines... Mais bon, je me disais que c’était normal, que ça avait aucune importance... »

La jeunesse avait cette chose merveilleuse et horrible qu’elle voyait tout sous les traits de l’innocence et de la candeur la plus forte. Clara continuait à parler, mais elle abordait maintenant des choses sérieuses, et sa voix se mettait à nouveau à trembler. Mélinda ne serait pas là pour la secourir, et elle en venait à l’un des passages les plus marquants, l’un des moments où sa vie avait commencé à basculer. Elle-même ignorait comment les choses avaient pu se dérégler à ce point... Elle avait alors huit ans quand son père l’avait abordé. Clara ferma les yeux en soupirant.

« J’étais... J’étais en train d’aligner toutes mes peluches sur mon lit quand il est entré. Sans toquer à la porte. Il ne le faisait jamais. Et... Et... Il ma dit qu’il avait quelque chose d’im... D’important à... A me dire... Une... Une conversation entre... Ent’quat’zeux... »

Une nouvelle larme roula. C’était dur, bien plus dur que ce qu’elle avait escompté. Les mots sortaient difficilement de sa bouche, maintenant. Elle n’arrivait plus à regarder Hitomi, serrant les poings sur ses genoux.

« Il... Il m’a dit que... Qu’il... Qu’il y avait de fortes chances pour que... Pour que... »

Elle ferma les yeux, soupira, et lâcha le tout :

« Pour que je ne sois pas sa fille... »

Clara fit couler deux nouvelles larmes, avant de relever la tête, et de soupirer, se tenant les bras avec les mains, sentant de nouvelles larmes affluer. Ce fut sur un ton brisé et saccadé qu'elle lâcha :

« Putain, je sais même pas pourquoi j’vous dis ça... »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 25 juillet 2012, 21:28:27
Et voilà. La reine mère claque des doigts et tout est arrangé. Vu d'un peu plus haut il y a une logique. Finalement j'ai servi de leurre, j'ai fait la chèvre : Mélinda m'a laissée bêler et agiter ma clochette pour détourner l'attention, puis au moment opportun elle a porté le coup de grâce à Clara. Comment l'aider malgré elle, sinon ? Pourtant vu du sol je suis encore la bonne poire. Alors je fais l'impasse sur les sourires jusqu'au débriefing, du moins pour la Vampire. Qu'elle ne se fasse pas trop d'illusions : on va vers de très désagréables discussions, toutes les deux. Je suis venue apporter toute l'aide que je pouvais, si ça veut dire être le dindon de la farce ainsi soit-il. Mais je ne suis pas venue endosser plus que ma part et je trouve qu'elle s'amuse un peu trop à m'écraser depuis le début.

" Je vous préviens, je raconte pas aussi bien que Mélinda...
- Ce n'est pas grave. "

Mon petit sourire est un peu là pour la rassurer. Il est aussi un peu malhonnête. Même en faisant au maximum abstraction de ce qu'il y a entre nous je trouve que Mélinda devient vite assommante. C'est peut-être qu'avant on communiquait plus par des gémissements que de vraies phrases ? Un point de plus qui me fait penser qu'à part baiser je ne suis bonne qu'à donner des cours d'Anglais. Je chasse vite ces pensées devenues aigres depuis le temps, et je me concentre sur l'histoire de Clara. Je sourie de temps en temps, au début, sans intervenir. Le coup des peluches me ramène aux poupées que je voulais caser avec Mr Tic-Pic, quand j'étais gamine. Mon père dans les embouteillage, qui lui ne se lassait pas des idioties de la radio. Ces petites choses que je ne trouve pas connes. Mais en Irlande ou au Japon, personne ne rentrait plus tard que moi à la maison.

Si l'envie m'en prend je raconterais tout ça à quelqu'un. En attendant ce n'est pas moi le sujet. Et la contrefaçon de Mélinda aux cheveux roses arrive en bout de piste. Pour une fois qu'un masque tombe je ne prend pas le risque de faire un faux-pas. Ce qu'il y a de bien quand on les bras croisés, c'est que la main visible peut avoir l'air de rien pendant l'autre plante ses ongle dans vos côtes. Papa était froid et distant, jusque là ça devrait aller. Sauf que la voix qui raconte ça cache encore des choses qui ne vont pas du tout. Il n'y a pas une cause pour une conséquence. Maman prenait toute la place à la maison, papa n'avait donc plus que son boulot. Ça a compté, forcément. Ajouter à cela qu'il se fanait les gosses des autres au travail et ça fait choses qui ont compté un tant soit peu. Je n'y ai pas été confronté et je ne le serais sans doute jamais, pourtant je connais des collègues qui ne savent pas où se mettre : prof ou parent d'élève ? D'autant que notre boulot nous suit à la maison encore plus que nos élèves : on ne récolte pas qu'une colle ou un cours à recopier quand on ne fait pas nos devoirs.

Clara n'a pas vu le vice derrière tout ça, et je me sens encore plus chanceuse d'avoir eu mon enfance. À l'âge où on joue avec des peluches et où maman vous emmène à l'école, comment on fait pour voir ça ? Et comment on supporte qu'un père dise une chose pareille ? Clara tien encore sur ses jambes et franchement elle m'impressionne. Je voudrais la prendre dans mes bras pour la consoler, trouver des mots pour la féliciter d'avoir déjà raconté tout ça, lui dire que pour aujourd'hui elle en a assez fait. Mes bras, je ne fais que les décroiser pour les appuyer contre le plan de travail, la tête basse.

" Putain, je sais même pas pourquoi j’vous dis ça...
- Parce qu'il fallait bien le dire à quelqu'un. "

Je relève la tête et rejoint la lycéenne pour la prendre doucement par les épaules.

" Regarde-moi, Clara. L'important ce n'est pas ce que tu as dit : c'est que tu ais réussi à le dire. Personne n'y croyait début, toi encore moins que nous. Mais on t'a fait confiance, c'est pour ça qu'on t'a poussée. Et j'ai vu à quel point ça a été difficile pour toi. Mais tu y es arrivée. Tu ne t'es pas esquivée, tu as tenu jusqu'au bout : c'est ça l'important. "

Ma main droite remonte jusqu'à son visage pour lui caresser tendrement la joue, avec un sourire.

" Ce que tu m'as raconté n'est pas devenu anodin, et le raconter n'a pas changé le passé. Tu crois qu'après avoir entendu ça j'ai pitié de toi ? Non. Je suis triste, c'est vrai. Ce qui t'est arrivé était vraiment injuste et je sais ce que ça fait de payer pour ses parents. Les miens vivaient à des milliers de kilomètres l'un de l'autre, alors je sais. Mais je n'ai pas pitié, Clara : je suis fière de toi. Et tu peux l'être aussi. "

Ma main redescend sur son bras le masser doucement. Maintenant j'ai une vue un peu plus dégagée sur le tableau, donc je vois un peu mieux d'où tout est parti. Je peux au moins comprendre. Le sac poubelle sentimental passe au tri sélectif.

" Il y a encore des choses à dire, mais si tu trouves que c'est assez pour aujourd'hui on s'arrête là. Je dirais à Mélinda que tu m'as parlée, rien de plus. Ce que tu as dit et le ton sur lequel tu l'as dit : ça reste entre nous. Sauf si tu veux le contraire. "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le jeudi 26 juillet 2012, 03:17:32
C’était sorti. Mélinda avait aiguillé le train Clara sur les rails, et ce dernier était parti. Plus besoin de pilote pour l’aiguiller, pour lui dire où aller. Le train Clara fonçait tout droit. Une locomotive géante que rien n’aurait pu arrêter, si ce n’est ses propres wagons. Un par un, ils se détachaient, mais certains étaient plus lourds que d’autres. Cette conversation... Il suffisait de peu, de si peu... On passait des mois à construire quelque chose, parfois des années, des années entières. C’était l’œuvre de toute une vie quelquefois, et il suffisait d’une seconde pour tout détruire, pour tout balayer. Pour Clara, cette minute avait été cette conversation entre quatre yeux voulue par son père, où il lui avait annoncé qu’il n’était peut-être pas son père. Comment une petite fille pouvait-elle se construire après ça ? Elle aurait presque préféré que son père le batte, qu’il la frappe, qu’il l’attache avec des sangles, et la frappe avec sa ceinture. Ce qu’il avait fait, c’était encore pire. Comment Clara pouvait-elle se plaindre ? Elle ne tenait pas la route par rapport aux véritables victimes, à ces gosses qu’on battait, qu’on oubliait.

Hitomi la tenait dans ses bras, et elle était grande. Quand Mélinda tenait Clara dans ses bras, ce n’était pas la même chose. Mélinda ne pourrait jamais comprendre. Pour elle, et c’était vrai, Clara n’avait pas assez souffert. C’était bien là tout le problème : Clara n’avait pas assez souffert par rapport à elle, elle qui avait été battue et violée, et vendue comme esclave. Une telle expérience l’avait complètement détruite, et elle avait réussi à se reconstruire. Mais Clara... Son père ne l’avait pas totalement détruit. Mélinda s’était reconstruite en se jurant que ce salaud paierait pour ce qu’il lui avait fait. La haine avait été salvatrice, mais Clara n’arrivait pas à haïr son père. Elle en avait peur, oui, mais pas au point de lui souhaiter sa mort. Comment expliquer ça à Mélinda ? Elle soupirait, estimant que Clara ne faisait rien de plus qu’un caprice, lui dirait qu’elle avait tout pour être heureuse, maintenant. Elle avait le confort d’un manoir luxueux, et l’amour de toute une grande famille de substitution, qui, il fallait bien le reconnaître, remplaçait à merveille sa famille d’origine.

Anggun avait raison : on n’oubliait jamais d’où l’on vient. Clara renifla longuement, regardant Hitomi, avant de baisser les yeux. Elle essayait de se contrôler, de se calmer. Hitomi... Elle l’avait détesté, elle avait même cru la haïr, quand elle les avait largué, quand elle s’était servie d’elle pour attaquer Shii... Elle essayait de se raccrocher à ce qu’elle croyait comme acquis, mais réalisait que ses convictions étaient fuyantes, qu’elles étaient des châteaux de sable qui s’effondraient sous la marée montante.

« Il y a encore des choses à dire, mais si tu trouves que c'est assez pour aujourd'hui on s'arrête là. Je dirais à Mélinda que tu m'as parlée, rien de plus. Ce que tu as dit et le ton sur lequel tu l'as dit : ça reste entre nous. Sauf si tu veux le contraire. »

Clara ferma les yeux, essaya de refouler les larmes, puis s’écrasa alors contre Hitomi, plaquant sa tête contre elle, à la recherche indéniable d’un câlin. Elle se mit à parler d’une voix hachée. Sa conscience la travaillait trop :

« Je... Je suis désolée, Hi... Hitomi, je... Je suis désolée... !! »

La lycéenne se mit alors à pleurer, versant quelques chaudes larmes sur l’épaule d’Hitomi. Pendant cinq minutes, Clara s’entrecoupa de gémissements de soupirs, essayant de se calmer, avant de sentir une nouvelle vague la saisir. Hitomi faisait désormais partie des quelques rares personnes qui avaient eu le privilège de voir la teigneuse Clara pleurer devant elles. Mélinda y avait eu droit, et Shii aussi. Pour Shii, ça avait été quand cette dernière était rentrée plus tôt que prévue d’un après-midi à la bibliothèque. Elle y allait pour étudier des livres et des traités scientifiques, afin de se préparer à son entrée à l’université, mais des lycéens étaient venus, et avaient fait du bruit. Énervée, elle était retournée au manoir, dans sa chambre, chambre qu’elle partageait avec Clara, et avait vu cette dernière tenir une photo. Quand elle était rentrée, elle s’était attendue à ce que Clara lui gueule dessus, mais elle avait vu, dans le regard de cette dernière, qu’elle était mal en point. Shii l’avait pris dans ses bras, et Clara avait pleuré.

Elle finit par se calmer, et recula lentement son corps, avant de se frotter les yeux, et parla, en joignant les mains entre ses jambes, tout en relevant la tête. Elle allait encore parler de son enfance. Elle avait commencé, et elle ne devait pas s’arrêter, mais elle tenait auparavant à préciser quelque chose :

« J’aurais jamais du vous harceler comme ça... Je suis désolée... C’est juste que... C’est pas parce que vous avez décidé de nous larguer pour vot’mec, c’est... »

Elle soupira à nouveau, se mordilla les lèvres, puis lâcha :

« J’avais... Vous m’avez donné l’impression que je n’étais rien de plus qu’un poids mort pour Shii... Quand vous l’avez menacé à travers moi... »

Clara soupira lentement, en fermant les yeux, et rajouta précipitamment :

« Non... Non, ‘dites rien... Je vais finir mon histoire, et vous en ferez ce que vous voulez. Il est hors-de-question que je m’arrête maintenant. Et, d’ailleurs, ne venez pas dire que vous êtes fière de moi. C’est faux. J’ai merdé sur toute la ligne. »

Et Clara reprit. Elle expliqua que sa mère avait caressé l’envie de divorcer depuis de nombreuses années. Elle était du genre très libre, à manger à l’heure qu’elle voulait, à agir sur le moment présent, sans rien planifier.

« On peut dire qu’elle vous ressemblait, pour le peu que je sais de vous... »

Mais son père... C’était tout le contraire. Un éternel angoissé. Quelqu’un qui avait laissé sa peur diriger sa vie. Il aimait sa femme. Ça, Clara en était sûre. Il l’aimait à en mourir, et n’aimerait jamais qu’elle. Mais il ne savait pas comment aimer. Il faisait toujours le fier, il gueulait toujours, et Clara le voyait comme une espèce de roc inébranlable de confiance et de fierté. Comme elle avait tort...

« C’était un sale pétochard... Et c’est bien pour ça qu’il m’a balancé ces conneries qui m’ont bousillé... Un pétochard doublé d’un gros con... Incapable de se remettre en cause, à toujours rejeter la faute sur les autres... Il était persuadé que Maman l’avait trompé jadis, alors que c’était faux. Et moi... Moi, je me suis toujours méfiée de ma Maman à cause de ça. »

La vie conjugale détruisait sa mère, détruisait tout le monde. Sa Maman était triste, renfermée, prenait des antidépresseurs, persuadée que le problème venait d’elle. Et elle se refusait à divorcer, car elle se disait que ses filles la détesteraient encore plus, et en seraient brisées. Elle avait grandi dans une saine éducation, dans cette éducation traditionnelle et conservatrice où le mariage était sacré, et où seules les salopes divorçaient. Alors, sa Maman faisait ce qu’elle savait toujours faire : elle se sacrifiait pour ses enfants, sans réaliser que cette conduite amènerait ces dernières se sentir encore plus coupables.

« J’ai eu une sœur... Petite... Tiffany... »

Nouveau sanglot. Clara se sentait encore plus coupable. Elle n’avait jamais vraiment tissé de liens avec Tiffany. A vrai dire, quand elle était née, elle avait reçu toute l’affection que Clara n’avait jamais eu de la part de son père. Sans doute ce dernier, dans un élan de lucidité, y cherchait là ce qu’il n’avait jamais pu faire : créer un lien. Clara n’avait pas eu un père violent, elle avait eu un père absent. Un individu physiquement présent qu’elle appelait « Papa », mais sans jamais tisser de liens avec lui.

« A l’école, c’était pas terrible... A la maison non plus. Je m’affirmais, et ça gueulait sévère, parfois... Je pouvais pas encadrer ma famille, que ce soit mon gros con de père, ou ma connasse de mère qui était amorphe... Alors, je sortais. Je sortais beaucoup, et je fumais, et je buvais, et je me droguais... Jusqu’à rencontrer Kenji. »

Elle prononça ce mot avec un ton teinté d’amertume. Kenji.

« C’est lui qui m’a hébergé quand j’ai décidé de quitter la maison. A cette époque, Tiffany commençait à ressentir les effets de la puberté, et j’avais un sacré problème sur les bras. En consultant mon historique sur mon PC, j’avais réalisé que quelqu’un s’amusait à contempler mes... Mes films pornos. »

Elle baissa à nouveau les yeux, rougissant.

« Au début, je pensais que c’était Tiffany... Elle... Elle était du genre discrète, et elle se confiait pas trop à moi. Je l’avais bien fait chier quand elle était petite, après tout... Elle... Elle m’a dit que c’était pas elle, alors... Ensuite, ma mère m’a dit que... Que mon père faisait parfois le ménage dans ma chambre... »

Un nouveau soupir.

« Je... Je pouvais pas supporter ça... L’imaginer se branler devant mon bureau, sur mon fauteuil, et balancer son... Son truc sur mon écran... »

Son père hurlait toujours en état de faiblesse. C’était son moyen de défense. Clara avait fini par tout dire à sa mère. Ils mangeaient un repas traditionnel, parlant ensemble, mère et fille, dans la cuisine, Hitoshi et Tiffany étant dans la salle à manger, entendant tout ce qui se disait. Tiffany n’avait rien dit, et le père avait fini par se lever.

« Ça avait été terrible... »

Il lui avait dit de « fermer sa sale gueule », qu’elle n’était qu’une « saloperie de menteuse », faisant de grands gestes en tempêtant, rouge comme le cul d’un taureau. Clara avait craint qu’il ne la frappe, mais il s’était contenté de l’insulter. Sa mère avait essayé d’intervenir, et il lui avait dit de « ne pas faire chier », tout en continuant à être grossier, à injurier Clara. Il lui avait ordonné d’aller se coucher, et, alors, Clara avait énervé. Elle l’avait traité de « gros con », et s’était cassée.

« J’ai rejoint Kenji... Et j’ai perdu ma virginité.... Il était alors un étudiant qui terminait ses vacances, et j’ai décidé de le suivre à Tokyo. J’ai plus eu aucun contact avec ma famille depuis lors. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le jeudi 26 juillet 2012, 17:40:52
J'ai un peu de mal à croire que c'est bien Clara qui vient se blottir contre moi en sanglotant des excuses. Ça ne m'empêche pas passer une main prudente dans son dos, et l'autre un peu plus ferme derrière sa tête pour lui caresser les cheveux. Ce n'est pas souvent que je suis à cette place quand les larmes coulent. Mais je sais mieux que personne que quand le barrage cède il vaut mieux ne pas essayer de retenir le flot. Alors c'est elle que je tiens dans mes bras, que je berce doucement en passant la main dans ses cheveux, la tête penchée contre la sienne pour chuchoter à son oreille.

" C'est pas grave, Clara... "

De quoi elle s'excuse ? De pleurer ? Ça n'a rien de grave, ni de honteux. Et pour le reste ce serait plutôt à moi de m'excuser. Je préfère la laisser se défouler autant qu'elle le voudra avant de reprendre, si on reprend. L'emmerdeuse publique numéro un du lycée vient de se catapulter en arrière un soir où elle avait huit ans. Il n'y a pas de bon âge pour encaisser ce genre de choses, pas que sa vie est basée sur un mensonge mais que son père en est assez convaincu pour la traiter en étrangère. Mon père aussi a eu des doutes, de loin en loin, à force de voir mon corps grandir et s'entêter à ne pas lui ressembler. Ironiquement si mes parents avaient vécu ensemble, je crois que les choses n'auraient pas mieux tourné pour moi que pour la fille qui pleure sur mon épaule.

C'est ce que Mélinda ne peut pas comprendre. Elle a eu bien pire et d'une manière ou d'une autre elle s'est relevée. Moi j'y ai échappé mais je sais que c'était de peu. L'accalmie laisse le temps à mes pensées de s'organiser encore une fois. Avant je ne pensais pas comme ça, et je sais d'où ça m'est venu : mes nouvelles. Une idée qui vient et qui se met immédiatement à muter pour s'accoler à d'autre ou les rejeter. Au lieu d'une route droite je me perds dans une forêt qui change en permanence, j'observe la lumière sur les arbres, je tourne autour. Ça ne se limite déjà plus à mes petites histoires : c'est partout. Mélinda, Gabriel, Kyle, moi-même... Pourquoi et comment ? J'ai pu passer la débroussailleuse sur ma parcelle, mais je ne peut pas le faire dans les leurs. J'ai des tonnes de réponses possibles pour chacun mais aucune certitude.

Clara est la seule à avoir levé un coin du voile mais c'est une réaction en chaîne. Elle-même, sa mère, son père et de là tous les autres dont Mélinda a parlé. Chaque personnage du récit est trop complexe pour se résumer à une phrase, à un seul point de vue. Ce serait tellement plus simple et rassurant. Mais je sais par expérience qu'y croire ne fait maintenir les choses en mauvais état. Sinon je ne serais pas revenue, j'en serais restée à la méchante Vampire qui voulait seulement m'ajouter à sa collection de poupées, et à qui j'ai échappé. Mais loin derrière, aussi loin qu'elle a pu la repousser, il y a une gamine trahie et blessée qui pleure sur le sol d'une cellule. Cette gamine, je l'ai vue de mes yeux s'enfuir en larmes quand la grande et puissante Vampire a compris que je ne m'offrirais jamais à celle qu'elle ne faisait que paraître.

La relativité du temps étant ce qu'elle est, je tasse tout ça au placard en sentant Clara se détacher de moi. Ma main s'attarde sur son bras que mes doigts pressent une dernière fois avant de l'abandonner, et je m'écarte pour la laisser reprendre pied elle-même. Je retourne au frigo le temps nous resservir un verre à chacune. Parler ça donne soif, écouter aussi. Ses excuses me font sourire mais elle ne me laisse pas le temps de lui répondre. Je suis une gaijin doublée depuis quelques années d'une belle cochonne : elle n'a pas été la première à me faire ce genre de coup même si je dois reconnaître que les choses sont rarement allées aussi loin. Et je n'ai pas tapé sur Shii au hasard, je savais très bien que ça lui ferait du mal. C'est ce que je cherchais à ce moment et que je regrette maintenant. Quant à être fière d'elle, c'est encore à moi de décider si et pourquoi je le suis.

" ... J’ai merdé sur toute la ligne.
- Ça aussi, je sais ce que c'est. "

Clara ne se démonte pas, et repart au front déjà plus confiante. Je reste près d'elle, cette fois. Je vois effectivement pas mal de très commun entre sa mère et moi, ou la mienne. Je vois aussi comment les choses ont pu s'enrayer entre ses parents, à peu près de la même façon qu'entre Kyle et moi. Le problème de la confiance en soi et en l'autre. Par la suite je me demande si Clara fait le lien dans sa petite tête. Son père faisait le fier pour cacher sa peur, il cherchait à s'affirmer en écrasant les autres, il esquivait quitte faire encore plus de mal au lieu d'affronter les problèmes. Je connais une lycéenne qui lui ressemblait il y a encore très peu de temps, mais qui n'a déjà plus rien à voir. D'un autre côté, comment survivre dans une maison ou personne n'a confiance en personne ? Comme elle le dit : on dresse la table, on attend que la vaisselle se mette à voler dans tous les sens, puis on remet le couvert.

Il n'y a que deux façons de passer au travers. La première est de se résigner, d'abandonner pour ne plus faire qu'acte de présence. Mais on ne s'en sort pas vraiment. La seconde est de se décider à cracher le morceau. Mais il faut que tout le monde accepte d'en avaler autant qu'il en sert, voir plus. Moi-même je n'y suis pas arrivée avec Kyle, et lui non plus avec moi. Du moins pas avant d'entamer ma correspondance virtuelle avec mon fan préféré. À suivre la semaine prochaine.

Et soudain la chose que je ne peux qu'imaginer, la petite sœur qui n'a pas à subir comme la grande. Retour à la rancœur et la fierté de façade, qui empêchent tout. Clara avoue elle-même n'avoir jamais été la grande sœur qu'elle aurait dû. Pourquoi et comment ? elle ne rentre pas dans ce genre de détails. Ça pourrait être la jalousie envers l'injustice croissante et aussi la partage de la meute : Clara du côté de maman, Tiffany du côté de papa. Quitte à me creuser la tête malgré moi autant être tortueuse, et voir que Tiffany aurait pu être le trait d'union entre Clara et un père qui ne voulait pas d'elle comme sa fille. Mélinda avait raison, c'est d'une banalité horrible. Clara s'est sentie trahie et abandonnée par un père distant et une mère qui s'effaçait. Quitte à être seule elle s'est convaincue qu'elle n'avait besoin de personne. Et pour rester banale ce n'est pas pour rien que les animaux se font bouffer quand ils s'éloignent du troupeau. C'est froid, logique, cruel mais vu de très haut, de l'orbite.

Je souris à nouveau quand elle rougis en parlant de ses pornos. Au point où on en est, et après toutes les positions indécentes dans lesquelles ont s'est vues toutes les deux, elle arrive à rougir de ça. Mais je remballe mon sourire, sentant venir une suite qui s'avère à la hauteur de mes craintes. Décidément son père ne ratait pas une occasion d'être con. Il ne l'a pas violée physiquement mais c'est tout comme : il a pénétré son intimité pour se soulager, il a profité d'elle à son insu. Bien sûr il y a une possibilité que Tiffany ait menti, mais ce qui compte c'est ce que Clara en a retiré : son vieux en train de se palucher dans la chambre et devant les fantasmes de sa propre fille. Il ne l'a pas violée elle : il a violé ses rêves. Il s'est acharné à tout lui enlever et à tout salir.

Et en parallèle, bien sûr, le chevalier blanc dans son armure rutilante : Kenji. Kenji qui lui a donné une raison d'arrêter de s'enfoncer au fond du trou, un espoir que quelqu'un pouvait encore lui vouloir du bien. Et Clara n'avait pas assez de bouteille pour le voir venir. Le peu qu'elle dit dresse déjà le portrait : un garçon sans doute plus âgé qu'elle, un étudiant donc instruit et déjà relativement assumé. Kenji, qui était en vacances, qui devrait bientôt repartir. Trop beau pour être vrai, le Kenji. Retour à Kyle et moi : dès le départ c'était trop beau pour être vrai et on s'est emballés, puis on a réfléchi mais chacun de notre côté, on a paniqué comme des abrutis de gnous et on s'est jetés la tête la première dans le fleuve plein de crocodiles. À la façon dont Clara a prononcé le nom de Kenji la première fois, le rêve n'a pas duré éternellement.

Je ne tire pas d'autre conclusions, pas encore. L'intro n'est pas brillante mais je dois entendre l'histoire pour relier les points entre eux. Sans compter que jusqu'ici personne n'a touché au dos de Clara. On en est au moment où le chevalier blanc emmène sa belle avec la promesse que l'herbe est plus verte ailleurs. D'une manière ou d'une autre ce n'est pas le cas. Reste à savoir si Clara a offert sa virginité, la seule chose que sa famille lui avait laissé, à un salaud fini ou simplement un homme qui n'a pas réussi à être le bon. Il reste un point positif dans toute cette histoire.

" Au moins tu as essayé, Clara. Tu étais bien obligée de te défendre, toute seule. Et pour ta sœur... "

Là je suis au radar : les seules liens que je considères comme fraternels n'ont rien à voir avec le sang. Je suis une enfant unique, encore heureux d'ailleurs. Il faut que j'arrive à le dire simplement, sans me planter.

" Je ne sais pas. Mais après ce que ton père t'avais fait, et la façon dont ta mère l'avait laissé faire... Une grande sœur a quelques années d'avance, pour toi ces années n'ont pas été brillantes. Tes parents t'avaient tout pris, alors qu'est-ce que tu pouvais donner à ta sœur ? "

Je baisse les yeux une seconde. Je ne sais pas si ça va passer, ou du moins si elle va le comprendre comme je le pense. Je relève les yeux vers elle.

" Tu l'as dit toi-même, Clara : tu étais dans un état lamentable. Fumer, picoler, se shooter et mater des pornos, c'est tout ce que ta sœur aurait appris de toi. Alors tu n'as pas merdé en la laissant à l'écart. En fait tu es la seule à n'avoir pas merdé. Tu as fait la seule chose que tu pouvais faire pour la protéger de tout le mal que tes parents t'avaient fait. Ne te fait pas payer leurs erreurs alors que tu as été la seule à en tirer des leçons. "

Ma main regagne son bras la réconforter encore, et l'inviter à se laisser aller si le besoin s'en fait à nouveau sentir.

" Tu veux continuer ? "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le lundi 30 juillet 2012, 02:51:27
Hitomi essayait de la rassurer, l’écoutant silencieusement. Elle devait sans doute voir des liens, des échos de sa propre vie dans celle de Clara. Mélinda, quant à elle, était revenue, et se tenait discrètement dans un coin, les observant, bras croisés. Clara ne s’était pas rendue compte de sa présence, Hitomi se trouvant entre les deux. Et il était probable qu’Hitomi non plus ignorait que Mélinda était là. Les deux femmes semblaient très occupées. Deux adversaires. Clara n’en avait pas manqué une pour emmerder la senseï, ce que sa Maîtresse, tout naturellement, n’était pas sans ignorer. Clara était ainsi, une véritable pile électrique. Et elle savait qu’Hitomi n’était pas très nette là-dedans non plus. Mélinda s’était donc effacée après avoir lancé Clara, car elle savait très bien que ce problème ne la regardait pas, elle. La seule question qui importait vraiment pour la vampire, c’était de sa voir pourquoi elle avait invité Hitomi, pourquoi elle avait demandé son aide. Mélinda ne voulait plus la voir. Quand elle voyait Hitomi, elle ne se rappelait plus de leurs séances torrides, mais de la manière dont cette dernière avait débarqué pour lui balancer à la gueule, avec cette froide conviction, qu’elle ne voulait plus d’elle, avant de revenir pour l’engueuler. A cause d’elle, Mélinda avait manqué faire une dépression, qui avait culminé le jour où elle avait violé et tué une lycéenne.

*Pourquoi diable l’ai-je rappelé ? Je suis incapable de répondre à cette question... Pour voir si elle va toujours aussi mal ? Pour me délecter de sa souffrance ? Pour essayer de la ramener vers moi ? Pour essayer de me persuader qu’elle ne fait plus rien ?*

Elle l’ignorait, mais elle savait très bien qu’Hitomi n’appartenait pas à son passé. Elle pensait toujours à elle. Cette femme continuait de temps en temps à l’obséder, comme un mauvais virus, comme un furoncle coincé dans les fesses. Elle n’arrivait pas à la déloger, et rechignait à la tuer. Oui, Mélinda réfléchissait en effet toujours à l’option d’égorger cette insupportable femme arrogante, cette femme qui avait osé lui dire « non » devant ses esclaves, et qui en était ressortie indemne. Le culot de cette femme était sans limite, mais elle ne pouvait pas le tuer. Elle l’avait invité. Et elle tenait encore trop à elle pour ça... Ou alors, c’est qu’elle était tout simplement contaminée par les Terriens. Mélinda restait donc silencieuse, perdue dans ses pensées.

Hitomi consolait Clara, lui parlait, essayait de l’encourager, de lui dire qu’elle avait bien agi. Clara se taisait, haussant les épaules, reniflant. La senseï finit par poser l’une de ses mains sur le bras de Clara, et posa une question qui renvoyait la balle dans le camp de Clara :

« Tu veux continuer ? »

Clara répondit en hochant la tête de haut en bas. Elle ne s’arrêterait pas, il fallait juste lui laisser le temps de remettre les idées en tête. Cependant, le plus dur était passé. Elle parlait toujours de sa famille avec remords, mais, quand il s’agissait de Kenji, c’était différent. Elle sentait une pointe de rancœur la saisir, d’amertume, et de fureur. Elle releva la tête, s’écartant ainsi de quelques centimètres du corps de la senseï.

« Kenji avait un studio... Au cœur de Tokyo... Je sortais jamais toute seule... La ville était immense, j’avais peur de m’y perdre. Je... J’avais que lui, et je savais que mes parents devaient me rechercher... On a vécu à Tokyo pendant plusieurs mois. Je faisais l’amour avec lui tous les soirs, et je regardais toutes ces conneries à la télé. Ces absurdités occidentales, Bonnie & Clyde, et je nous imaginais comme ça... Deux éternels rebelles fuyant l’autorité, avec pour seul bagage dans la vie une voiture avec un plein d’essence et notre indéfectible d’amour. On ferait l’amour sur les prés, dans les arbres, en se foutant du lendemain. »

Un rêve superbe. Le pire, c’est qu’elle y avait cru. Et Kenji l’encourageait. Il lui dirait qu’il serait un Yakuza, qu’il avancerait dans la rue avec une épée, qu’il connaissait du monde, qu’il se foutrait de la gueule des flics. Et elle le croyait. Ils buvaient, ils fumaient, ils faisaient l’amour à n’importe quelle heure. Kenji avait quitté sa famille, ne bossait pas, n’allait pas à la fac’. Il prétendait toucher de l’argent pour financer le loyer de la part d’amis, de petits boulets, des aides sociales. Le pire, c’est que Clara le croyait. Il lui faisait fumer un joint, elle en fumait un aussi en matant des films pornos, et ils faisaient l’amour.

« Ça a duré des mois comme ça... J’avais l’impression qu’il me faisait l’amour comme il fallait... Alors que ça durait généralement cinq minutes... Il s’allongeait sur moi, ivre, grognait. Parfois, il bandait même pas. Je croyais avoir connu l’orgasme avec lui, mais... Je l’ai connu qu’avec Mélinda... Je suis sûre que Mélinda a bien du rire quand je lui ai raconté mes délires d’adolescente attardée... »

Elle n’avait pas ri. Elle avait au contraire ressenti de la tristesse pour elle. Et de la pitié.

« Il venait de plus en plus avec des amis, et, plus ça allait, plus il était énervé. Il fumait et buvait de plus en plus. Il était de plus en plus agité, et m’avait même giflé quand je lui avais demandé où il trouvait tout le fric pour m’acheter des fringues... Ou quand je revenais tard sans le prévenir. »

Clara sortait en effet de plus en plus, en ayant assez de l’atmosphère étouffante du studio, des cadavres de pizzas massacrés, de cet odeur de renfermé et de moisi. Elle avait exploré ce quartier de Tokyo qu’elle n’avait jamais vu, bien loin du sien. Elle tremblait toujours quand elle voyait des flics, mais personne n’avait été vers elle. Personne ne  l’avait regardé en fronçant les sourcils, et en lui disant d’attendre, Madame, parce que votre visage me dit quelque chose. Les flics l’ignoraient. Clara avait jeté son portable à la poubelle quand elle avait fugué, et Kenji lui en avait offert un autre. Elle avait également changé d’adresse mail, craignant qu’on ne puisse la retrouver à partir de cette dernière. Elle se disait que, comme son père était prof’, il avait forcément du contacter quelqu’un de haut placé.

Peu à peu, elle avait réussi à étendre son cercle de fréquentations, ne se limitant plus qu’à Kenji et à ses amis défoncés au crack. Kenji avait énormément d’amis, et, ça encore, ça n’inquiétait pas Clara. Qu’il y ait des sportifs, des geeks, des trans’, des trav’, des gothiques... Kenji disait qu’il avait le contact facile, et elle, la conne de service, l’avait toujours cru.

« A chaque fois qu’il me giflait, il s’excusait. Et je craquais toujours, car je l’aimais... Et que j’avais besoin de lui... Je me disais que c’était ma faute, que j’avais pas à me mêler de ce qui me regardait pas. Et, plus ça allait, plus je commençais à comprendre que mon romantique amoureux était rien d’autre qu’un con macho... »

Ils faisaient des soirées dans l’appartement avec des potes de Kenji. Tous des abrutis. Même à cette époque, Clara le pensait, et ne comprenait pas pourquoi son Kenji sortait avec eux. Ils la touchaient, parfois. Rien de bien méchant. Un frottement sur les jambes, une caresse sur la joue, des regards appuyés. Clara regardait toujours Kenji, attendant que son homme vienne la protéger. Mais son homme se contentait de rire, avec ses blagues machistes. Elle est bonne, hein ? C’est ma petite geisha personnelle ! Et les jours passaient, s’enfilaient. Des semaines, des mois, Clara ne savait plus trop, et elle continuait à sombrer, tandis que Kenji devenait de plus en plus nerveux, de plus en plus violent. Il entrait dans des délires paranoïaques, persuadé que Kim le poursuivait pour lui faire la peau.

« Kim était le petit caïd du quartier, c’est-à-dire que c’était une merde comme les autres, mais qui croyait que l’odeur de sa pisse avait un goût sucré. »

Kenji se piquait, Kenji fumait. Et il voyait Kim et ses sbires partout. Et, quand Clara rentrait trop tard, quand Clara montait le son de la télé trop fort, quand elle était au téléphone sans dire avec qui, Kenji voyait Kim. Kenji voyait tous les amants hypothétiques de sa femme, et, parfois, ses délires laissaient place à un Kenji apeuré, roulé en boule, en train de pleurer, de dire qu’il l’aimait, qu’il l’aimait à en crever, putain, et que, tout ça, tout ça, il le faisait pour elle, pour qu’ils aient un avenir radieux...

« Quand je vois toutes ces conneries sur la drogue comme euphorisant... Putain, ça me donne envie d’aller voir les abrutis qui disent de telles conneries pour leur enfoncer des bâtons de shit dans le cul. A chaque fois, il s’énervait. Il était instable, et dangereux. Et il me frappait de plus en plus. Jusqu’à... »

Jusqu’au jour où, après avoir fait « l’amour », Clara avait réalisé, avait senti un truc dans son ventre. Elle avait fait un test de grossesse, et avait compris qu’elle était enceinte depuis plusieurs jours. Elle en avait vomi. La vie n’attend pas le plaisir pour naître. Clara était enceinte, et cette perspective avait fait changer les choses. Elle l’avait dit à Kenji, et ce dernier ne avait pleuré. Il avait promis d’arrêter de se droguer, d’être un homme respectable pour sa fille. Il ignorait le sexe de l’enfant, mais ça ne pouvait être qu’une fille. Quant à Clara, elle envisageait presque de renouer les ponts avec sa mère.

« Je me disais que c’était la seule qui puisse m’aider. La seule qui soit à même de comprendre ce que je ressens. J’avais bien des copines, mais... Enfin, elles étaient toutes des junkies... »

Kenji avait promis d’aller mieux. Il n’y avait que dans les contes de fées qu’on pouvait tenir de telles promesses. Le besoin de drogue avait été trop fort, et la peur de Kim toujours là. Il lui devait de l’argent. Beaucoup d’argent.

« Il croyait que je l’ignorais, mais je savais que Kenji était un dealer, et qu’il jouait beaucoup. Il espérait décrocher la cagnotte, et il avait tout perdu. Comme Kim et lui étaient copains, il lui avait laissé du temps pour récupérer de l’argent. »

Clara avait déjà vu Kim. Un gros con. Et, un beau jour, le délai était venu à échéance. Kim était venu avec deux gros bras cueillir Kenji à la sortie de l’immeuble. Il s’était fait cogner, et, quand il était remonté dans le studio, Kenji était liquéfié, livide, en morceaux. Elle lui avait dit d’aller à l’hôpital, mais il avait refusé, disant qu’il était temps de partir, de foutre le camp. Mais Clara, elle, ne voyait qu’un amant en sang, et avait sorti son téléphone.

Et ça l’avait énervé. Elle était en train d’appuyer sur les touches, alors qu’il lui disait qu’elle allait bien, que c’était pas la peine d’appeler l’hôpital, que ces cons appelleraient les flics. Et Kim lui avait dit que, si jamais il parlait de leur petite histoire aux flics, il serait beaucoup moins conciliant. Il prononçait toujours ce mot en faisant glisser le premier i, ce qui lui donnait l’allure d’un serpent. Conciiiiiliant. Mais cette connasse ne comprenait rien. Elle avait pris le téléphone.

« Il y a eu une urgence ! Venez, s’il-vous-plaît, vite ! »

Deux options : soit elle était tout simplement conne comme un manche à balai, soit elle se foutait de lui, et voulait le voir tomber. C’était ça. Oui, c’était forcément ça. Comment avait-il pu être aussi aveugle ? Son père, paix à son âme, lui avait toujours dit que son fils était grand, qu’une grande destinée l’attendait. Il avait tout fait pour elle, tout ! Il l’avait laissé venir dans son studio, et elle n’avait fait que fouiner, que le tromper pour le rendre jaloux. Son amour, il le lui avait offert, et elle le lui avait craché à la gueule ! Il l’avait frappé. D’abord au visage. Un coup de poing. Elle avait hurlé, de ce petit cri de salope qui faisait d’elle une coupable, l’avait attrapé par les cheveux, et avait envoyé sa tête heurter le mur.

« Arrête ! avait-elle dit.
 -  Ta gueule ! Ta gueule, salope !! »

Il l’avait encore frappé. Au visage. Elle avait eu au moins une dent de pétée. Il l’avait laissé là, prostré, avant de se remettre à fumer. Mais fumer du shit ne lui faisait plus rien, alors il avait sorti la seringue, avait cherché la veine, et là... Là, ça allait mieux... Il se sentait bien mieux, serein, en paix... Comme sur une petite île de couleurs, à flotter au gré du vent. Il voyait les Anges danser et l’inviter... Quand il l’entendit pleurer. Elle gémissait, et ça l’avait énervé. Alors, il avait allumé la télé, et avait vu Larry, ce brave Larry, lui dire de la taper.

« C’est tout ce dont les femmes ont besoin, Kenji... Tu sais comment ça marche, n’est-ce pas ? Un petit coup de temps en temps. C’est comme une voiture. Parfois, le moteur a des ratés, et il lui faut un bon coup de pied pour que ça se relance. Un ménage, c’est pareil. »

Et Larry avait raison, ce qu’il pouvait avoir raison. Kenji s’était avancé vers elle.

« Ferme-là... Ferme-là, putain, j’essaie de réfléchir ! Ferme-là !! »

Les coups de pied s’étaient abattus sur son estomac. Il l’avait tiré par les cheveux, traîné, et l’avait écrasé contre le mur, avant de lui arracher ses vêtements. Il bandait. Larry avait raison : corriger sa femme, c’était accomplir un devoir civique. Il méritait bien sa récompense. Il l’avait baisé par derrière, enculé comme une chienne, et l’avait ensuite fouetté avec la boucle de sa ceinture, lui éclatant le dos. Et il l’avait frappé, frappé sans s’arrêter, jusqu’à ce qu’elle se la ferme, qu’elle cesse de geindre, cette foutue bonne femme, qu’elle arrête de se foutre de sa gueule...


« Quand je me suis réveillée, Kenji n’était plus là. J’étais par terre, et il y avait du sang partout. Sur mon dos, et... »

Clara se tut, en baissant les yeux, sentant de nouvelles larmes affluer. Instinctivement, sa main se porta vers son ventre. Elle secoua alors la tête.

« Je suis partie dans le premier train que j’ai vu. Un train régional. Peu de contrôles. J’ai atterri à Seikusu, je suis montée dans un bus, j’en suis sortie, et je me suis écrasée dans une impasse... Tout ce que j’avais avec moi, c’était une seringue. »

Clara s’était réveillée en pleine nuit, la tête dans un sac qui puait le rat mort. Elle avait regardé la seringue, l’aiguille, et s’était dit qu’une petite piqûre ne pourrait que lui faire du bien, l’aider à aller mieux...

« J’allais me planter quand des types me sont tombés dessus. Ils voulaient me violer, et j’en ai senti un sur moi, à rentrer en moi, avec son haleine de merde... Et puis, et puis...
 -  Et puis, je l’ai attrapé par l’épaule, je l’ai envoyé s’écraser contre un mur... Et inutile de préciser ce que je leur ai fait, n’est-ce pas ? »

Clara se tut, yeux baissés. Malinda s’avança vers les deux femmes, regardant silencieusement Hitomi.

« Shii est la seule autre personne à connaître cette histoire... lâcha-t-elle. Si ça peut te rassurer, Kenji est mort. Je m’en serais bien chargée, mais il fallait croire que ces dettes avec Kim étaient plus importantes que prévues. A moins qu’il ne se soit suicidé, je ne sais pas trop... »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 30 juillet 2012, 15:08:35
" L’histoire de Clara est désespérément banale, ordinaire... Ce qui, dans un sens, la rend encore plus terrible. "

Ces mots de Mélinda courent dans ma tête depuis qu'elle les a prononcés. Ils tournent en boucle comme un bruit de fond, ou une musique d'ambiance. Une sale ambiance. Mais à mesure que le récit de Clara avance ils enflent, ils deviennent une symphonie qui accompagne les terribles banalités que me raconte la lycéenne. Et plus le récit avancent plus mon cœur se serre et bat vite. Je préfère m'écarter d'elle, les bras croisés, en espérant garder contenance. Je m'en veux déjà de faire, de me retirer avant la fin d'une certaine manière. Mais c'est trop dur pour moi d'entendre ces détails, de les imaginer se répéter et empirer jour après jour. Les dictons ne disent pas que des conneries : on s'habitue à tout. Des fois ça nous sauve, d'autre fois ça nous détruit.

Ce que j'entends en ce moment je le subis, et je ne m'y fais pas. Quelque part je suis punie par où j'ai péché. Cette partie de l'histoire n'était pas pour moi. C'est un chapitre pour Mélinda, pour une femme qui en a enduré autant et qui a bien dû accepter ce qui lui était arrivé. Une femme pour qui ce que j'ai trouvé horrible dans le comportement du père de Clara ne devait être que broutilles. C'est surtout beaucoup trop pour moi, je ne peux pas le supporter, ou difficilement. J'essaie de calmer mon visage mais j'en sens chaque muscle qui ne désire que se tendre pour exprimer les émotions qui gonflent en moi. Je sens aussi quelques larmes qui s'échappent de mes yeux, sens mes mains qui serrent mes bras croisés. Je me maîtrise tant bien que mal pour rester au moins là, avec elle. C'est le mieux que je puisse faire.

Je voudrais fondre en larmes, éclater en sanglots. Puis me relever pour la prendre dans mes bras. Je voudrais trouver des mots, ne serait-ce que pour dire qu'elle a survécu à tout ça et qu'elle s'en est beaucoup mieux sortie qu'elle ne l'aurait dû. Bien sûr elle ne l'a pas fait seule, mais on ne peut pas tout affronter seule. Je me tue à le chanter sur tous les tons depuis que je suis arrivée alors elle doit bien le savoir. Entre sa famille et ce connard Clara a visité tous les étages de l'Enfer. Je ne peux qu'imaginer et j'ai presque envie de me mettre à croire en Dieu parce que je veux remercier quelqu'un : je me vois à sa place, forcément, mais je ne voix personne que je connaisse à celle de Kenji. Et je sais que je n'ai jamais risqué d'être à la place de Clara, si sensible que je sois je n'ai jamais été assez fragile ni assez seule.

Les émotions sont comme tout le reste du monde, voire de l'univers : elles se répondent. Tout est lié, et en un point donné certains éléments dominent. Je me sens triste, désespérée. J'ai aussi de l'admiration pour cette fille plus jeune que moi qui a enduré tout ça et s'est relevée tant bien que mal. Finalement Mélinda a bien fait de me raconter la vie des parents et des grands-parents. Ça n'a rien excusé mais au moins ça a expliqué. Il y a sans doute des histoires de ce genre dans le passé de Kenji. Je ne sais pas, je ne veux pas savoir. Je ne veux pas comprendre un homme comme ça, une épave de plus qui préfère entraîner avec lui tous ceux qui comptent plutôt que d'appeler à l'aide. Je ne vais pas excusé un type qui profite d'une ado brisée de l'intérieur, en fait sa chose soumise, finit par la battre à mort elle et son propre enfant à naître.

Si sensible que je sois je n'ai jamais été assez fragile ni assez seule. Si je m'étais aventuré entre les griffe d'un type comme lui je ne me serais pas laissée faire, ou plutôt j'aurais tout fait pour le remettre à flot. J'ai deux familles, et des dizaines d'amis à travers le monde. Dans cette tribu bordélique et éclatée il y a toujours de la place un de plus. Ça n'aurais pas été facile, ça n'aurait sans doute pas marché. Et si ça n'avait pas marché je l'aurais quitté, d'une manière ou d'une autre. Je serais allée jusqu'au meurtre si nécessaire, d'autant plus rapidement si j'étais tombée enceinte. Et sinon... J'ai deux familles, et des dizaines d'amis à travers le monde. Dans cette tribu bordélique et éclatée on ne peut pas s'encombrer de trop règles. La première et la plus importante est de veiller les uns sur les autres autant qu'on peut. Je ne suis pas la meilleure pour ça, j'ai déjà du mal à veiller sur moi-même.

Ce n'est pas la tristesse que j'ai du mal à contenir : c'est la rage. Si Mélinda se ramène j'espère qu'elle arrivera à relier les points. Je le lui ai dit, non ? À trois contre une je me suis débattue malgré les coups que je prenais. J'ai réussi à me libérer assez longtemps pour fuir. Au lieu de ça j'ai replongé dans la mêlé pour protéger un homme que je connaissait à peine, qui n'était pas encore l'homme de ma vie. Ils ont dû s'y mettre à cinq, m'assommer et m'écraser pour que je me tienne tranquille. Le plus grand drame de ma vie n'avait pas de coupable et j'ai appris à voir ça comme une chance. Si j'avais pu en vouloir à quelqu'un j'aurais au moins répliqué. C'est comme ça que j'ai été élevée, c'est comme ça que je suis née. La famille de mon père a mis une pression incroyable à mes parents pour qu'ils se marient et que ma mère s'installe au Japon : ils n'ont pas cédé. Ils n'ont pas été inébranlables, ni pendant ni après, mais ils ont toujours fait face.

Alors je reste là à écouter en fermant ma gueule, en espérant ne pas trop montrer ce que je rumine. Et je crains d'ouvrir la bouche quand ce sera fini, parce que j'ai trop de colère à défouler.

" J’allais me planter quand des types me sont tombés dessus. Ils voulaient me violer, et j’en ai senti un sur moi, à rentrer en moi, avec son haleine de merde... Et puis, et puis...
 -  Et puis, je l’ai attrapé par l’épaule, je l’ai envoyé s’écraser contre un mur... Et inutile de préciser ce que je leur ai fait, n’est-ce pas ? "

Inutile, en effet : j'aurais fait la même chose. Je ne me suis pas démontée devant cinq mecs qui tiraient la jupe d'une lycéenne, alors trois qui violaient un pauvre fille brisée... On aurait fini à deux par terre mais ils n'auraient pas pris que du plaisir. Ça aussi il faudra qu'on en parle. Je ne peux m'empêcher de fixer Mélinda, et je ne suis pas certaine de bien camoufler ma rancœur. Depuis quand elle est là ? Est-ce qu'elle a sourit en voyant ce que ça me faisait d'entendre ça ? Est-ce que ça l'a faite marrer de me voir me débattre entre les détails qu'elles me lâchait au compte-goutte pour m'égarer ? D'ailleurs je repense à mon histoire. Qu'est-ce qui a tant déplu à Clara ? Que je compare mon agression interrompue in extremis à ce qu'elle a subi ? Ou que je me sois battue jusqu'au bout ?

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration en m'essuyant le visage. Je rejoins à nouveau Clara pour lui masser le bras comme avant. Mais je ne parle pas.

" Shii est la seule autre personne à connaître cette histoire... Si ça peut te rassurer, Kenji est mort. Je m’en serais bien chargée, mais il fallait croire que ces dettes avec Kim étaient plus importantes que prévues. A moins qu’il ne se soit suicidé, je ne sais pas trop... "

Je tourne les yeux vers Mélinda, et ce qui me vient à l'esprit étouffe un peu de la colère qui me ravage la poitrine depuis tout à l'heure.

" Aucune importance. Il ne fera plus de mal aux autres, ni à lui-même. "

Au moins une histoire de réglée, d'une certaine façon. Si seulement ça pouvait suffire. Mais je ne suis plus certaine que Clara doive revoir sa mère, elle a beaucoup trop de choses à lui reprocher. Je m'écarte à nouveau de Clara, parce que je sens que ma dernière remarque a eu du mal à passer. Il est sans doute trop tôt pour lui montrer les choses sous cet angle, et trop tôt pour que ça vienne de moi.

" Ce que ce mec t'as fait, je ne trouve pas de mots pour le décrire, Clara. Et ça ne va peut-être pas te plaire d'entendre ça, mais il n'est pas devenu comme ça par hasard. On sait toutes pourquoi et comment tu es devenue sa victime, alors il doit bien y avoir une raison pour qu'il soit devenu ton bourreau. Ça ne l'excuse pas, rien ne peut l'excuser. Il est mort, et au point où il en était c'est pas un mal. C'est même arrivé beaucoup trop tard. "

Je soupire, et une larme de plus coule sur le masque de marbre que je maintient vaille que vaille.

" Je suis désolée de te dire ça, Clara. Mais après avoir entendu ton histoire je dois réduire les choses à leur minimum. Ce n'est pas du tout la même chose, mais je n'ai pas voulu voir que mon mec était plus fragile qu'il ne le montrait et ça a détruit notre couple. Tu n'as pas à t'en vouloir d'avoir cru à ses je t'aime plus qu'à ce que tes yeux te montraient. Tu n'as pas à te reprocher de t'être accrochée à un mec qui devenait de plus en plus néfaste pour toi. Tu n'avais personne d'autre que lui. "

Je baisse les yeux pour souffler un coup, et je sens tout mon corps trembler. Il faut vite que je me tire d'ici, si le lycée est encore ouvert je tiens mes cours comme je peux puis je file me défouler sur le sac de frappe. J'ai besoin d'évacuer, même si je pense que je ne dormirais pas cette nuit. En relevant la tête je m'efforce de sourire un peu.

" Mais aujourd'hui tu as Shii, et Mélinda. Elles m'ont laissée me mêler de tes affaires, qui ne me regardaient pas. Mais elles l'ont fait pour ton bien. Elles t'aiment et elles veilles sur toi de leur mieux. Tu peux compter sur elles pour te donner ce dont tu as besoin, même si parfois ce n'est pas ce que tu veux. Tu peux leur faire confiance, et si j'ai tout compris c'est les premières personnes dans ta vie qui le méritent. Alors tout ce que ta famille et Kenji ont bousillé dans ta vie : il serait tant que tu les laisse t'aider à le reconstruire. "

Mon sourire se teinte d'un peu d'ironie, je détourne les yeux une seconde puis les baisse tout en parlant.

" Je me serais bien incluse dans le lot, mais je ne suis pas certaine que tu m'en laisses le droit. "

Mon sourire retombe mais ça ne doit pas se voir. Intérieurement je bouillonne toujours autant, même plus. Ça me tue ! Putain, ça me tue de penser ça ! La chose la plus précieuse qu'elle ait perdue, ce connard l'a tuée dans son ventre : son enfant, son avenir et son espoir incarnés dans sa propre chair. Mais ce type n'aurait jamais été un bon père, et Clara n'aurait pas pu être une bonne mère, pas dans son état. Elle n'a même pas été capable de fuir cette ordure pour protéger son gosse à naître. Elle avait quelqu'un d'autre que Kenji, quelqu'un de plus proche que personne ne pourrait l'être, et elle n'a rien fait pour le protéger. Ça aurait donné quoi ? Un maillon de plus dans la chaîne de l'horreur banale et ordinaire, un fait divers sordide de plus aux infos. Je me déteste de voir les choses comme ça, même si c'est le seul point de vue à peu près supportable. Et ça me tue de penser ça, moi qui ne pourrais jamais avoir d'enfant.

Parce que même si je m'en défends, au fond de moi, j'espère encore un miracle.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mercredi 01 août 2012, 16:06:09
La messe était dite. Le reste ne présentait guère plus d’importance. Comment Mélinda avait soigné Clara, l’avait rééduqué, kidnappé, sans tenir compte de ses gémissements, la nourrissant. Pour des raisons administratives, elle n’avait pas pu la placer dans un asile terrien, et avait donc opté pour un asile terran. Ashnardien, en l’occurrence. Elle avait visé le haut de gamme, à savoir un asile de luxe de la capitale. Autrement, les asiles étaient généralement des mouroirs gérés par des incompétents. Pour la soigner, Mélinda l’avait donc déposé dans cet établissement, qui était établi au centre de la capitale, près d’un parc. Clara y était restée deux mois, afin d’être soignée, et Mélinda était venue la voir de temps en temps. Mélinda résista à l’envie de le dire, se disant qu’Hitomi interpréterait ça comme une tentative de se faire passer pour une héroïne.

« Aucune importance. Il ne fera plus de mal aux autres, ni à lui-même. »

Ça, c’est sûr... Hitomi avait regardé Mélinda, et la vampire avait bien senti à quel point l’histoire de Clara l’avait touché. Mélinda avait été légèrement amusée, se moquant doucement d’Hitomi, de cette arrogante humaine. Voilà qui devait bien l’éloigner de ses problèmes de couple.

*Bienvenue dans mon quotidien, Hitomi. Tu as devant toi l’envers du décor, les coulisses de ce conte de fées, de ce manoir de douceur, de calme, et de beauté.*

Clara était atterrée. Parler lui avait fait du mal, lui rappelant ses souvenirs douloureux, et Hitomi essaya de la réconforter. Ceci eut pour effet de faire pleurer Clara, mais toutes les larmes, après tout, n’étaient pas un mal. Mélinda n’ajouta rien, n’ayant de toute façon rien à dire. Hitomi était au courant, maintenant, et essayait de convaincre la lycéenne qu’elle avait fait du mieux qu’elle pouvait, et qu’elle n’avait pas à se sentir coupable. Clara ne disait rien, mais Mélinda savait que ces mots la réconforteraient, car Clara, en effet, se sentait coupable. D’avoir abandonné sa famille, sa petite sœur, et aussi d’avoir perdu son bébé. Elle continuait à baisser la tête, pleurant silencieusement.

« Je me serais bien incluse dans le lot, mais je ne suis pas certaine que tu m'en laisses le droit. »

Clara secoua alors la tête, et la releva. Ses yeux étaient rougis. La fière et puissante Clara, la tête dure du lycée, celle qui terrorisait les autres, étaient vaincue. Mise en pièce. Elle parla d’une voix faible, cassée, reprenant son souffle.

« ’Dis pas de conneries, Hitomi... lâcha Clara.
 -  Le simple fait de savoir l’histoire de Clara t’implique nécessairement dans notre petit groupe. »

Mélinda se rappelait peu à peu aux femmes, et alla ouvrir le frigidaire, en sortant une cannette. Un Minute Maid. Elle le lança vers Clara, et en proposa un autre à Hitomi, avant d’en prendre un troisième pour elle. Elle se rapprocha alors des deux femmes. Clara but une gorgée. Elle était toujours assise sur la table, et regarda ensuite sa Maîtresse.

« Depuis quand tu entretiens une correspondance avec ma mère ? »

La vampire haussa les épaules.

« Quelques mois... répondit-elle, évasive. J’ai fait des recherches sur toi... Comme pour n’importe laquelle de mes protégées. C’est de cette manière que j’ai entendu parler de ta mère, de ta famille... »

Elle développa un peu. Au début, bien sûr, la relation épistolaire avait été houleuse. La mère de Clara était alors en instance de divorce, et avait réussi à obtenir du juge une séparation de corps. Le père vivait dans un petit studio, et elle avait accusé Mélinda d’avoir kidnappé sa fille, et l’avait menacé d’appeler sa police. Elle ne l’avait toutefois jamais fait, ayant sans doute trop peur que Mélinda ne lui mente. Elle avait également pensé que cette dernière lui mentait. Mélinda avait toutes les lettres dans le dossier. Tout en parlant, elle avait d’ailleurs ouvert ce dernier, en sortant un sous-dossier jaune, qui comprenait tout un tas de lettres.

« Pour prouver ma bonne foi, j’ai adjoint aux lettres des photographies de toi, et des vidéos... Puis tes notes, tes exercices, tes rédactions, tes contrôles de maths, de connaissances... »

Il y avait tout un tas de photocopies, que Clara regardait silencieusement, en reniflant parfois..

« C’est ta mère qui m’a transmis la copie du jugement de divorce. Il a été prononcé aux torts exclusifs du mari, et ta mère a eu l’autorité parentale exclusive. Elle s’est donc occupée de Tiffany, et, quant à la police... Autant dire qu’elle n’a pas fait des efforts de recherche faramineux pour retrouver une fugueuse... Pour la police, tu as été avalée par Tokyo. Ta mère en serait devenue folle, si elle n’avait pas Tiffany... Elle avait même prévu d’appeler les Yakuzas, et faisait une dépression. »

Clara ne dit rien, baissant la tête. En retour, sa mère lui avait parlé de Tiffany. Elle qui avait été une bonne élève avait complètement chuté, et s’était effondrée... Ses notes étaient catastrophiques, et, outre ça, elle avait été interpellée à plusieurs reprises par la police. Rien de bien grave. Elle sortait dans la nuit, traînant avec des loubards. Clara se mit à trembler. Ça ne l’aiderait pas à se sentir moins coupable, mais la vérité ne pouvait être cachée. Tiffany fumait, était grossière, s’habillait en punk. Sa mère n’avait aucune autorité sur elle, et son père essayait, tant bien que mal, de réviser le jugement de divorce. Il était toutefois mal parti, vu qu’il avait également fait une dépression, et buvait de plus en plus.

« J’ai caressé à plusieurs reprises l’idée de t’en parler, mais, à chaque fois, j’ai hésité. Je pensais que ça te ferait plus de mal que de bien, et, si ta mère comprenait mes scrupules, elle me suppliait de t’accorder cette entrevue, arguant qu’une fille ne pouvait pas être séparée de sa mère. Comme je n’ai jamais eu de mère, j’étais assez peu réceptive à ce genre d’arguments. Apprendre des nouvelles de toi a indéniablement aidé ta famille à aller mieux,  mais je te mentirais si je te disais que ta mère ne voulait pas te revoir... Ni ta sœur... Elle suit tes pas, Clara. »

Clara se remit du coup à pleurer, et Mélinda releva la tête, croisant les bras.

« Voilà pourquoi j’ai demandé à Hitomi de venir, de m’aider, de... De nous conseiller. Je lui ai laissé le choix, et je vous laisse le choix, chose que je fais assez rarement. Si tu le souhaites, et si Hitomi le souhaite, vous irez à Tokyo Vendredi ou Jeudi, et tu verras ta mère Vendredi. »

C’était dit. Mélinda releva la tête, et regarda Hitomi.

« Maintenant, Hitomi, tu connais toute l’histoire. »

Clara soupira lentement, se mordillant les lèvres.

« Je... Je peux garder les... Les lettres ? »

Mélinda haussa les épaules.

« Ça veut dire que tu comptes la revoir ? Les revoir ? »

Un temps infini sembla se passer. Mélinda était littéralement suspendue aux lèvres de Clara, qui, pesant le pour et le contre, finit par relever la tête, en regardant sa Maîtresse, puis la senseï.

« Oui. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le jeudi 02 août 2012, 21:33:07
Ce n'est pas tant que je doute du lien qui s'est forcément tissé entre nous, mais trop de choses me restent en travers de la gorge. Je préfère faire un pas en arrière tout de suite, d'autant que c'est à Mélinda de prendre le relais et assumer sa "trahison". Avec une cannette de jus d'orange ça passerait forcément mieux, si ça avait du mal à passer. Je suis sur les nerfs, une sensation que j'ai connu récemment en étant spectatrice de mes propres pensées. Mes nouvelles, plus précisément celle qui met en scène le Comte Gris. Je ne pourrais pas nier quelques ressemblances avec la Vampire si on me les mettait sous le nez, pour imaginer un noble je me suis forcément inspirée de ce que j'avais de plus approchant. Mais ce n'est pas le problème. En imaginant la scène je me suis mise dans les sandales de ma petite Danu, dont le Comte devait hérisser le poil dès le départ. Pour ça il m'a suffit de focaliser sur les bons détails. Des postures, des gestes, des intonations... une foule de petits riens pour soutenir le grand tout.

Je n'imagine rien de ce qui se passe, mais je remarque. Mélinda fuyante, qui ne précise pas depuis quand elle agit et attend à la fois dans le dos de Clara. Qui glisse subtilement que la lycéenne bouleversée n'a pas à se sentir au-dessus du lot. La protégée avec les autres, la maîtresse au-dessus. Ce genre de barrières ne me choque plus depuis longtemps entre elle, mais le détachement avec lequel elle remet Clara à sa place dans un moment pareil, si subtile que soit la manœuvre... Et pas de jalouse : maman aussi s'est faite remettre à sa place, désespérément dépendante de la Vampire comme il se doit pour une humaine.

Et je continue à suivre la scène comme ça, m'intéressant moins à Clara qu'à Mélinda. D'ailleurs la lycéenne prend les choses comme une championne, d'après moi. Elle ne retient pas ses larmes, et je reviens la soutenir en massant son bras. Elle ne se contente plus de revenir, elle découvre des choses. Je capte quelques détails mais j'avais déjà les grandes lignes, inutile d'essayer de la faire réfléchir alors qu'elle ne s'est pas encore faite une idée. Je n'ai qu'à être là. D'ailleurs il y a un énorme point positif : Tiffany. La jeune fille est sur la mauvaise pente et c'est bien sûr dramatique. Elle a besoin de sa grande sœur trop longtemps éloignée. Clara ne pourrait trouver de meilleure raison de dépasser tout ces histoires, pour se surpasser. Tout le monde aurait tant à y gagner, elle la première.

Pourtant c'est Mélinda qui m'obsède, même si je prend garde à ne pas trop laisser mon regard dériver sur elle. Le jour où je suis venue la "plaquer" l'image m'était venue d'un dragon dans sa forteresse, bien à l'abri derrière ses minions. Mais dans ce tableau toute vie a peu à peu déserté la forteresse et l'image m'apparaît de plus en plus appropriée. À force de bouquiner et maintenant d'écrire de la fantasy, je trouve même que ça colle trop parfaitement. Fort Mélinda. Une grande, puissante et majestueuse place-forte qui surgit de la brume comme au détour d'un rêve, ceinte de douve trop profondes et de remparts trop hauts pour craindre qui que ce soit.

À l'intérieur, les choses sont bien différentes. Un labyrinthe truffé de leurs et de pièges, de chambres qui peuvent soudain se muer en oubliettes. Clara et les autres ont trouvé le refuge dont elles avaient besoin entre ses murs inébranlables. Inutile de décrire par le menu à quel point ce refuge peut être douillet et rassurant. Mais je n'en avais pas besoin. Je ne pouvais me contenté des chambres des invitées et des grandes salles luxueuses. Des façades soigneusement décorées pour le reste du monde. Je voulais ouvrir toutes les portes quitte à affronter les couloirs les plu étriqués, sombres et froids. Je ne pouvais que fuir puisque je ne pouvais atteindre le cœur du labyrinthe. Son cœur à elle.

Il suffisait de m'ouvrir les portes, au lieu de tenter de les cacher. Supporterait-elle que je lui dise à quel point les choses auraient pu être simples ? Certainement pas faciles, mais simples. Il est trop tard maintenant. Même si je suis revenue je ne peux plus rester, je ne veux plus, et elle ne peut plus me garder. Il faudra bien que je le lui dise tout de même. Pas pour le lui reprocher ou nous flageller encore avec des "si" en pagaille : parce qu'une autre est tombée dans le piège que j'ai évité, sans doute plus durement. Parce que la forteresse a tremblé sur ses fondations, et personne n'en est sorti indemne. Parce que si Mélinda n'a pas encore ouvert toutes les portes à celle qu'elle doit sans doute appeler sa fille, je vais devoir la convaincre de le faire.

Comme je l'ai dit à Clara, comme elle a fait pour Clara. Pas ce qu'elle veut : ce dont elle a besoin. Je me suis souvent dit que sa façon de présenter les choses était idiote, que si j'avais accepté ce n'est pas moi qui serais devenue sa fille. Je me suis aussi dit que Mélinda n'était pas idiote, et que c'était peut-être ce qu'elle avait cherché à travers moi. Ce qu'elle ne veut pas comprendre et qui lui sert d'excuse pour avoir laissé traîner le cas de Clara. Ce qu'elle n'avait jamais eu, qui lui a toujours manqué et dont elle s'entête peut-être à cacher le besoin. La seule chose, en fait, que j'aurais pu être pour elle : une mère... Pourtant j'aurais dû le voir tout de suite, après tout les gamines demandent toujours l'inverse de ce qu'elles veulent vraiment. Et la voilà qui doit s'improviser mère d'une enfant déjà adulte, à qui elle a peut-être imposé sa nouvelle vie au lieu de la lui offrir.

On a pas fini d'en voir mais je savais dans quoi je m'embarquais. Toute l'histoire, ou peu s'en faut. Que peut-il y avoir d'autre à raconter ? La façon dont Clara s'est relevée tant bien que mal, au moins assez pour survivre. Ce n'est pas sans importance mais ça n'a plus rien à voir avec sa famille. Et il me semble bien avoir entendu le mot "séquestrée" quelque part. Je préfère ne pas faire la connaissance des parentes de Clara avec des détails sur cette partie-là. Et c'est un chemin qu'elle a déjà parcouru, sur lequel j'aurais sans doute émis pas mal de réserves.

" Ça veut dire que tu comptes la revoir ? Les revoir ? "

Je ne sais pas pour Mélinda mais je suis soudain suspendu aux lèvres de la lycéenne. J'en ai le souffle coupé. J'espère que ça ne se voit pas trop, et surtout qu'elle va dire...

" Oui. "

Mon cœur voudrait bondir de ma poitrine, et moi jusqu'au plafond : enfin une bonne nouvelle dans tout cet horrible merdier. Je me fais aussi discrète que possible en soufflant longuement par le nez, les yeux fermés. Mine de rien je sens un gros poids s'envoler de mes épaule. C'est décidé, et ça vient d'elle. Elle n'aura qu'un jour ou deux pour s'y préparer, mais elle reculera pas. Cette fois je vais passer mes bras autour de Clara, juste le temps de la serrer contre moi. Puis je me retire en laissant un baiser sur son front. Ma main s'attarde à nouveau sur son bras alors que je lui souris.

" C'est bien, Clara. Ne t'inquiètes pas, ça va aller. "

Encore à faire des promesses que je ne pourrais pas tenir, parce qu'elles ne dépendent pas de moi. Heureusement je suis encore assez conne pour me dire que l'important c'est d'y croire, du moment qu'on est prêt à se bouger. Je détourne les yeux vers Mélinda. Je sens mon visage m'échapper une seconde, mes sourcils qui partent un peu en pointe, mes lèvres qui s'entrouvrent. J'espère que ça ne s'est pas trop vu quand je serre les dents pour me maîtriser, et je me rend compte dans la foulée que c'est un signe de plus. J'avale machinalement ma salive. Tu ne sais pas mentir, Hitomi, tu le sais très bien. Et devant une Vampire je pourrais aussi bien craquer pour de bon. Elle doit sentir mon sang, la vitesse à laquelle mon cœur bat même si j'arrive encore à contrôler mon souffle.

" Je-Je pense que-qu'on a eu assez d'émotions pour aujourd'hui. "

J'étire immédiatement un petit sourire pour la lycéenne. Au moins j'ai réussi à me retenir de prendre Clara comme excuse. J'ai bien failli, ça n'aurait pas été un mensonge.

" Ça fait pas mal de choses à digérer. "

Pour elle je ne sais pas, j'imagine. Pour moi c'est clair. Sous mon tailleur tous mes muscles tirent. Mon corps sent que ça ne va pas, ni dans mon cœur ni dans ma tête. Je dois évacuer.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 04 août 2012, 00:45:57
Il était difficile de mentir face à Mélinda, ou de lui cacher quelque chose. L’histoire de Clara avait bouleversé Hitomi, confirmant un peu ce que Mélinda pensait à son égard. Une femme qui vivait dans sa tour d’ivoire, dans un petit monde simpliste où on pouvait se permettre des jugements étriqués sur les personnes. Ce que Clara avait dit devait forcément avoir travaillé les méninges de la senseï. A partir de quel point est-ce qu’une victime cesse d’être une victime pour devenir un bourreau ? Cette question avait toujours travaillé Mélinda, qui avait tué son père. Il n’y avait pas de pire crime que celui consistant à massacrer sa propre famille, même au sein des vampires. Pourtant, elle avait tué sa mère en naissant, et son père en le torturant à mort. Elle sortit de ses réflexions quand Hitomi vint prendre Clara dans ses bras.

« Je m’occuperai des préparatifs » lâcha alors Mélinda.

Clara hocha lentement la tête, reniflant lourdement, et regarda tour à tour Hitomi et sa Maîtresse. Mélinda s’approcha alors des deux femmes, et s’assit à côté de Clara, et la poussa lentement, la tenant par l’épaule opposée. Dans un geste de douceur, Clara s’allongea alors sur les chevilles de sa Maîtresse, qui se mit à lui caresser tendrement le visage, jouant avec quelques-unes des mèches de cheveux de la lycéenne.

« C'est bien, Clara. Ne t'inquiètes pas, ça va aller. »

Elle secoua lentement, et commença à fermer les yeux. Faire ce récit avait été éprouvant pour elle, et elle tremblait. Mélinda jouait avec ses doigts sur sa tête. Bourreau ou victime ? La question revenait toujours dans sa tête. Est-ce qu’un bourreau caresserait un visage avec autant de douceur ? Est-ce qu’un bourreau ressentirait de l’empathie pour les autres ? Mélinda était égoïste, arrogante, fière, égocentrique, voire même narcissique, mais elle n’était pas dénuée de sentiments. Elle savait que Clara avait souffert. Pas autant qu’elle, mais, après tout, était-il possible de graduer la souffrance ? De la graduer objectivement ? Mélinda ne le pensait pas. La souffrance était avant tout quelque chose de subjectif. Elle avait commencé avec la barre placée très haut, par rapport à Clara, voire même sans doute par rapport à Hitomi, ce qui faisait qu’il lui était impossible de vraiment réussir à se mettre à leur place. Elle comprenait que Clara avait souffert, et qu’elle avait bien des raisons d’avoir voulu se donner la mort, de s’être laissée dépérir, mais, pour elle, au fond de son cœur, elle ne pouvait s’empêcher de penser que Clara n’était pas assez forte.

Hitomi, de son côté, fixait maintenant Mélinda. Elle était perturbée. Son sang le disait. Mélinda ne savait pas trop ce qui était en train de traverser l’esprit de la femme. Si elle avait un jour été capable de savoir ce que la femme pensait, ce n’était qu’une illusion. Hitomi avait rejeté son offre alors que Mélinda était sûre qu’elle l’aurait accepté. Partant de là, elle se refusait désormais à établir tout pronostic avec elle. Elle était une énigme, un immense point d’interrogation, un défi perpétuel à la logique Mélinda. Elle avait refusé une vie parfaite, une vie merveilleuse, une vie de jouissance sans fin, une vie où elle serait plus forte, plus intelligente, plus belle, où elle vivrait tout de meilleure manière, avec la promesse de pouvoir servir à quelque chose d’autre qu’être un fonctionnaire, un pion qui avait le cul posé sur un siège éjectable... Elle avait rejeté tout ça pour l’amour d’un homme. C’était tellement grotesque pour Mélinda qu’elle ne pouvait s’empêcher de laisser son esprit revenir à Hitomi, et tenter de répondre à cette simple question, cette question  à laquelle Mélinda n’aurait jamais la réponse.

Pourquoi ?

Elle n’était même pas sûre qu’Hitomi elle-même avait la réponse à cette question. Mélinda savait des Terriens qu’ils avaient souvent l’habitude d’agir sans réfléchir aux conséquences de leurs actes. Hitomi avait fermé une porte. Définitivement, aurait eu envie de dire Mélinda, mais si c’était le cas, alors la senseï n’aurait pas entendu l’histoire de Clara.

« Je-Je pense que-qu'on a eu assez d'émotions pour aujourd'hui. »

Effectivement, Hitomi était secouée.

*Une chance que je ne t’ai jamais parlé de mon histoire, Hitomi... Mais peut-être que tu aurais pu répondre à cette simple question que je me pose depuis tant d’années... Suis-je une victime, ou un bourreau ?*

Mélinda la regardait silencieusement, son visage restant relativement inexpressif. Comme à son habitude. Ce si beau visage, ces superbes yeux envoûtants, et cette espèce de faux sourire sur les lèvres. Elle tenait alors plus d’un ange que d’un démon.

« Ça fait pas mal de choses à digérer. »

La vampire hocha lentement la tête.

« Va t’aérer, Hitomi, suggéra Mélinda. Crois-moi, ça te fera du bien. »

Mélinda resta ainsi seule avec Clara, qui, une fois Hitomi partie, s’empressa de tourner ses yeux vers Mélinda.

« Tu... Tu ne vas pas venir avec moi ?
 -  J’ai plein de choses à faire, mon ange... Et puis, si j’annonce à ta mère que tu es l’esclave sexuelle d’une vampire, elle risque de faire une syncope... »

Clara soupira lentement.

« Mouais... Mais, j’sais pas... Elle... J’aurais pas du lui dire tout ça...
 -  Peu importe, Clara, tu l’as fait.
 -  Et ben... M’enfin... Elle nous a claqué la porte au nez ! »

Avec un sourire un peu triste, Mélinda lança alors :

« Non, Clara. Elle ne t’a pas claqué la porte au nez, elle ne l’a fait qu’à moi. »

Fronçant les sourcils, Clara répondit. Mélinda caressait alors du bout des doigts l’une de ses joues. Clara prit sa main, et l’embrassa.

« Mais je serais pas là sans toi, objecta la lycéenne. Solidarité féminine ! »

Mélinda esquissa un léger sourire, et embrassa Clara sur le front, se penchant vers elle pour cela.

« Peu importe... Je pense qu’on peut lui faire confiance... »

Clara soupira, et décida de changer de sujet.

« Et Kaileesha t’a parlé de moi, alors ?
 -  Hum-hum... Elle recherche une apprentie... Avec un peu de chance, si tu le souhaites toujours, tu pourras t’entraîner dès les grandes vacances. »

Le visage de Clara se mit à rayonner.

« Vraiment ? Mais c’est trop cool, ça ! »

Mélinda lui sourit à nouveau, amusée.

« Je vais aller voir Hitomi... »

Comprenant ce que cela signifiait, Clara se redressa, et s’écarta. Mélinda sortit alors dans le jardin, où elle ne tarda pas à retrouver Hitomi. Elle était dans son dos. La vampire passa sa langue sur ses lèvres, en pleine réflexion, et se lança, en s’éclaircissant la gorge. Elle ne savait pas comment lui parler. Si elle la provoquait, Hitomi risquait de s’énerver. Si elle y allait en douceur, elle risquait aussi de s’énerver. Cette femme était tout simplement impossible ! A dire vrai, la seule chose qui, du point de vue de Mélinda, serait susceptible de ne pas conduire Hitomi à péter un plomb contre elle serait de lui faire un câlin. Mais ceci était également impossible.

« Quand je t’avais proposé, avant que tu ne saches toute l’histoire, si Clara devait revoir sa mère, tu m’as certifié que oui. Indépendamment de ce que Clara a dit maintenant, en ton for intérieur, en es-tu toujours convaincue ? »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le samedi 04 août 2012, 18:56:08
M'aérer. Tu parles que je vais sortir m'aérer, tiens ! Je ne peux plus la supporter. Je ne peux plus voir sa tête de poupée de porcelaine : j'ai envie de la fracasser contre un mur pour voir s'il y a vraiment quelque chose à l'intérieur. Alors je ne me fais pas prier pour partir et dès que je passe la porte de la cuisine mes foulées s'allonge. Je suis tellement occupée à retenir tout ce qui s'agite en moi que je marche sans chercher où je vais. Ça n'arrête pas depuis des mois, et tout ne fait qu'empirer. Le jour où j'ai accepté de venir dans cette ville de merde j'aurais mieux fait de jeter encore à la mer. Je crois que s'il y avait un moment dans ma vie, un petit laps de temps à revoir pour corriger, ce serait celui-là. Si je veux le poste à Seikusu ? Non merci, Plutôt crever !

Je me force à penser à Clara. Au moins une chose positive, et encore. Si je l'ai vraiment aidée à aller mieux, où ça va la conduire ? Une Vampire va refiler sa petite chienne turbulente à une démone, dans un monde infesté de saloperie de monstres. Si elle arrive à se réconcilier avec sa mère et sortir sa petite sœur du trou qu'elle est en train de se creuser, ce sera pour les abandonner. Beau boulot, Hitomi, tu peux être fière. Cette putain de ville me prend tout, un bout après l'autre. Elle me bouffe un métier que j'adore, une vie que j'arrivais à apprécier, elle m'a prise Aoki et même la maison de mon enfance. Et elle ne compte pas s'arrêter là, non, elle va aussi m'arracher Tokyo. Alors qu'est-ce que je vais encore perdre ? Quels amis, quels endroits, quels souvenirs ?

Et puis merde. Si je devais vraiment revenir dans le passé : ce serait sur le ferry de la baie de Tokyo, pour péter une jambe à mon "sauveur" avant de sauter. C'était trop demander de crever avec mes rêves ? Il fallait vraiment que je continue pour que tout s'efface devant la rage, la frustration et le désespoir ? Je sens que ce soir Kyle va péter un câble en lisant mon prochain mail. Je sais que c'est lui et je sais ce que je vais dire. Il a eu raison de raccrocher les collants, qu'il se trouve une autre femme et qu'il arrête de se casser le cul pour le monde. Et qu'il me foute la paix, lui aussi. Je dois me casser de cette ville. Je dois me trouver un coin où personne ne me retrouvera, où je pourrais attendre sans rien avoir à craindre ou espérer. Je préfère encore ça que rester et devenir folle.

D'ailleurs ça commence déjà. Je réalise soudain que ce n'est pas vers la porte que je me suis dirigée. Je me retrouve dans le jardin derrière le manoir. Je pose les mains sur ma nuque, les doigts entrecroisés. Je souffle, la tête basse. J'essaie de me calmer et de penser à autre chose. L'Australie. Pourquoi pas ? Je n'y ai jamais mis les pieds. Je démissionne, je lourde l'appartement et je saute dans l'avion. Je trouverais bien du boulot en attendant que ma carrière de romancière démarre et me rapporte un peu d'argent. Et je trouverais largement de quoi m'amuser au lit, si j'en ai encore envie. Je crois que c'est bon, je suis guérie de mon addiction. Finalement baiser ne m'a apporté que des problèmes. Alors l'Australie. Comme ça chacun pourra faire sa petite vie de son côté. Finalement pas la peine de m'énerver. Ce qui est fait est fait, autant partir sur Clara qui se décide à renouer avec sa famille. Tout le monde m'a assez vue et je me suis faite assez de mal ici. Je me casse avec ma petite conscience torturée. De toutes façons elle ne me foutra jamais la paix.

" Quand je t’avais proposé, avant que tu ne saches toute l’histoire, si Clara devait revoir sa mère, tu m’as certifié que oui. Indépendamment de ce que Clara a dit maintenant, en ton for intérieur, en es-tu toujours convaincue ? "

Je devrais bondir ou me mettre à hurler en entendant cette voix dans mon dos. Mais tout ce qui vient, c'est un sourire au coin de mes lèvres.

" C'est une vraie question ? "

Je laisse glisser mes mains et descendre mes bras en me retournant. Mélinda a au moins l'air un peu... Je ne sais même pas et je ne cherche pas à deviner. Tout ce qu'elle m'a montré était faux, sauf quand on baisait, à une exception près. Encore que je préfère m'en tenir à la règle et me dire que c'était encore un de ses petits jeux.

" Oui. Elle doit le faire, j'en suis convaincue. Qu'est-ce que tu crois, Mélinda ? Que j'ai changé d'avis à cause de tout ce qu'elle a raconté ? Ou que je vais parler contre elle alors qu'elle est décidée à revoir sa famille ? Elle doit et elle veut le faire, alors je vais y aller avec elle. Je vais ce que je peux, encore, en espérant que ça s'arrange. "

Puisqu'elle est là et que la question de Clara est nécessairement en suspend, autant en profiter. Et comme je n'ai rien eu en me montrant compréhensive et patiente : je ne fais plus dans la finesse. Je baisse les yeux, avec un sourire. Je dois être folle de seulement envisager de passer à l'acte. D'un autre côté je pense sérieusement à me barrer en Australie dès la semaine prochaine, on fait plus équilibré. Je range mon sourire et relève la tête. Voyons un peu la tronche qu'elle tire quand c'est moi qui m'y colle. Quand c'est moi qui joue la distante frigide pour lui coller le nez dedans.

" Cette réponse te convient ? Ou tu vas encore déblatérer pendant des heures et partir en chialant si je m'obstine ? "

Je l'avais prévenue : je ne suis pas revenue pour lui faire plaisir.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 04 août 2012, 21:53:18
« C'est une vraie question ? »

Mélinda tiqua. Quelque chose la mit en alerte. Le ton d’Hitomi n’était guère accueillant, et sa réponse confirma cela. Mélinda resta à courte distance d’elle. Elles étaient seules à l’arrière du manoir, Hitomi venant de confirmer qu’elle y irait avec Clara. Soit. Mélinda devait se plier à cette situation. Hitomi aurait du se taire, aurait mieux fait de se taire, mais elle choisit de parler, et de faire ce qu’elle faisait depuis des semaines avec Mélinda : jouer avec le feu. Approcher les doigts de la flamme de la bougie, et la frôler, en espérant ne pas se brûler.

« Cette réponse te convient ? Ou tu vas encore déblatérer pendant des heures et partir en chialant si je m'obstine ? »

Il arrive malheureusement un moment où le doigt glisse, et où on se brûle. Mélinda sentit quelque chose se serrer dans son cœur, et se revit sortir de leur petit salon, en larmes. Lui balancer ça à la poire, c’était un coup bas. Elle fronça légèrement les sourcils, serra les poings, et s’avança vers Hitomi.

« Tu as oublié tes affaires » lança-t-elle sur un ton calme et chaleureux.

Elle lui tendit son sac à main, le tenant à bout de bras... Et le laissa glisser de ses doigts. Ce dernier tomba au sol, faisant sortir un petit magazine. Mélinda l'avait brièvement survolé après avoir laissé Clara, et y avait vu ce que certaines de ses filles lui avaient déjà parlé : une courte nouvelle. Elle connaissait suffisamment Hitomi pour avoir rapidement compris que c'était elle. On ne pouvait pas cacher grand-chose à Mélinda.

« Oups... » lâcha Mélinda, son regard ne quittant pas celui d’Hitomi des yeux.

Le calme avant la tempête... Mélinda soupira, et se revit en pleurs, dans la chambre. Humiliée, blessée, frappée. Son poing se mit à trembler. La vitre se fissurait, se craquelait. Et explosa en mille morceaux.

« Au fait... »

Le coup fila droit vers sa cible. Un coup de poing puissant qui atteignit Hitomi à l’estomac, lui coupant la respiration, et l’amenant à tomber par terre. Impossible de parler, et ce le fut d’autant moins que Mélinda fit pointer ses griffes, et caressa avec la délicieuse gorge d’Hitomi.

« Une petite leçon pour les prochaines aventures de ta petite Danu. Quand on veut torturer quelqu’un sans laisser de traces, on frappe au ventre. Il n’y a pas de traces, mais, comme tu peux le constater, ça n’en est pas moins douloureux. »

D’une main, Mélinda caressait les cheveux d’Hitomi, tandis que de l’autre, ses griffes « caressaient » sa gorge, faisant perler son sang. Il suffisait juste de s’enfoncer encore sur quelques centimètres, et c’en serait fini de cette femme. Mélinda se racla lentement la gorge, étrangement calme, alors que tout ce qu’elle avait envie, c’était de massacrer cette salope. De l’écarteler, de la fouetter, de la lapider à mort et de balancer son cadavre dans une fosse à purin, de la broyer, et de se régaler de la voir souffrir.

« Rassure-toi, je ne vais pas te tuer. Non seulement je l’ai promis à Clara, mais je t’ai invité sous mon toit, alors les lois de l’hospitalité m’en empêchent. Néanmoins, je vais me permettre quelques conseils... Et, rassure-toi, ça ne prendra pas des heures. Alors, pendant que tu es en train de retrouver ta respiration, petite salope de merde, je te conseille très attentivement de m’écouter. »

Le ton était calme, mais était tout, sauf chaleureux. Il était dur, menaçant. Une rage était en train de bouillir dans le cœur de Mélinda. Comment cette pétasse pouvait-elle oser la narguer sous son nez ? L’évidence s’imposa soudain aux yeux de la vampire.

« Je crois que tu as envie de mourir, ma belle Hitomi. Mais sache bien une chose : l’époque où tu pouvais te permettre de débarquer au manoir pour te foutre de ma gueule est révolue. L’hospitalité ne permet pas de faire n’importe quoi. Et, si c’est la mort que tu recherches, je peux te la donner, Hitomi. Il me suffirait juste d’enfoncer un peu ma griffe dans ton cou, et ce sera fait... Ce sera rapide, presque indolore. Mais je peux aussi choisir de t’emmener là d’où je viens, et te laisser entre les soins de nos mages, de nos bourreaux, de nos tortionnaires. Tu y découvrirais alors une chose très simple, Hitomi, une chose que tu ne peux pas retranscrire dans des histoires pour adolescentes... »

Mélinda parla alors sur un ton plus bas, tirant Hitomi par les cheveux, et souffla dans son oreille :

« La cruauté n’est pas quelque chose d’innée. Il faut l’avoir vécu pour vraiment pouvoir la reproduire, et la rendre réaliste. »

La vampire lâcha la chevelure d’Hitomi, et lui donna un coup de pied dans le ventre, suffisamment fort pour la coucher sur le dos. De là, elle alla poser un pied sur sa gorge, l’étouffant à moitié. Il n’y avait aucun sourire sur ses lèvres, aucune lueur de plaisir dans ses yeux. Elle appuya lentement.

« Tu ne dois la survie de ta pathétique et misérable existence que parce que mes filles t’apprécient. Remercie-les, Hitomi. Clara, Shii, Kaori... Remercie-les dans les profondeurs de ton studio de merde, remercie-les quand tu reprendras tes histoires de merde, car, si elles n’avaient pas été là, je t’aurais massacré depuis longtemps. »

Elle relâcha la gorge d’Hitomi, et s’écarta d’elle.

« Quand tu auras repris tes esprits, fous le camp de mon manoir. Mais ne t’avise pas de larguer Clara. Sinon, je te retrouverai, Hitomi. Et, à ce moment, tu sauras vraiment que ce n’est pas de la mort dont on doit avoir peur... »

Elle s’engagea vers la porte, retournant vers le manoir, et lâcha :

« ...C’est de ce qu’il y a avant. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le samedi 04 août 2012, 23:00:41
Je la sens pas, mais alors pas du tout. Sa façon de ne pas encore exploser. L'image de la forteresse me revient et je sens que plus elle met de temps à charger les catapulte plus ça va faire mal. Mais mon coup a porté. et le siens me fait décoller du sol. Elle ne me laisse même pas m'effondrer, pas plus que répondre. Je suis pliée en deux, le souffle coupé. Je hoquète et titube à tel point que je suis surprise qu'elle ne m'égorge pas par accident. L'écouter attentivement ? Et au nom de quoi ? Elle ne m'a jamais écouté, et ses menaces je les connais. Me frapper est la seule chose nouvelle dans la scène. Déblatérer pendant des heures, donc. tant mieux, ça va me permettre de reprendre mon souffle.

Le manque me vrille le crâne. Je sens comme une brique qui se forme déjà dans mon ventre à l'endroit qu'elle a frappé. Au milieu des douleurs et du vertige, de l'asphyxie dont je peine à me sortir, j'écoute ce qu'elle dit. Je ne saisis pas toutes les paroles mais je guette dans le ton un signe de... quelque chose. La fin de sa petite leçon, l'occasion d'en placer une, peut-être une pointe d'autre chose que de la colère froide. La faille. En tous cas la discussion est très désagréable pour moi. Je serre les dents en me répétant dans ma tête que j'en ai vu d'autres. Pas aussi pêchues, mais je ne suis pas en sucre. Et je n'ai pas parlé au hasard, pas plus qu'elle ne le fait.

Si les filles ne m'aimaient pas elle m'aurait tuée depuis longtemps ? Mais pendant un bout de temps filles ne pouvaient plus me saquer, et elle n'a rien fait. Tout ce qu'elle fait là, c'est m'empêcher de répondre. Pour ça je veux bien reconnaître qu'elle est douée. Autant que pour se cacher derrière elle-même. Ses menaces ne m'ont jamais faite taire, alors elle peut bien m'écraser la gorge sous son pied je ne la fermerais pas. Quand elle me relâche enfin et lance une dernière réplique de méchante de série B, j'arrive à peine à me redresser à quatre pattes.

J'ai tout perdu et je n'ai encore rien retrouvé. Au point où j'en suis je n'ai pas peur de la mort, sur ça je lui donne raison. Ce dont j'ai peur...

" ...C’est de ce qu’il y a avant. "

Elle est en train de partir, de m'échapper. Pas en tant qu'adversaire ou en tant que proie, mais elle veut pas le comprendre. Je pense bien savoir ce qui lui fait peur et pourquoi. Je pense bien savoir pourquoi, dans le fond elle réagit toujours comme ça. Mais si elle croit s'en tirer elle se fout le doigt dans l'œil. Mes doigts se crispent dans la terre, je serre les dents et prends autant d'air que mes poumons veulent bien en contenir. Et je gueule en me redressant.

" Pourquoi moi ? "

Je lâche une quinte de toux qui m'arrache la gorge. Je suis à genoux, le souffle court, mais pas encore vaincue. Je tiens encore assez à elle pour tenir.

" T'as toujours raison sur tout ! Alors répond ! Pourquoi moi ? Qu'est-ce que tu voulais de moi ? "

Je me masse la gorge en retenant difficilement une autre quinte de toux. Tout mon corps tremble, j'ai affreusement mal mais je serre les dents.

" Ça tu n'as jamais voulu le dire... Même quand je suis venue te répondre... Tu m'as traitée de conne ! Tu m'as menacée ! Et ceux que j'aimais !... Avant ça tu m'as fait miroité ton précieux cadeau ! Tes putains de pouvoir, d'éternité et de plaisir !... "

Mes larmes de douleurs ne répondent pas qu'à mon corps. Et si je suis en colère, ce n'est pas seulement parce qu'elle m'a frappée.

" Pauvre conne... Tout ce que je voulais c'était toi !... Et c'est la seule chose que tu m'offrais pas... "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le dimanche 05 août 2012, 21:35:39
« Pourquoi moi ? »

Mélinda ferma lentement les yeux, sur le palier de la porte.

*Franchis-là ! Ne la laisse pas te parler ! Tu vau mieux que ça, ce n’est qu’une humaine ! Une Terrienne qui claquera dans soixante petites années. Que t’importe son sort ?*

Mais son sort, justement, lui importait. Mélinda s’appuya sur la porte, continuant à tourner le dos à Hitomi. Elle devait reconnaître que cette femme était terriblement têtue. Après les coups que Mélinda lui avait infligé, elle aurait normalement du être au tapis... A moins qu’elle n’ait pas frappé aussi fort qu’elle le pensait... La vampire soupira lentement, relevant la tête, tandis qu’Hitomi enchaînait, semblant prendre de l’aplomb au fur et à mesure qu’elle parlait :

« Pauvre conne... Tout ce que je voulais c'était toi !... Et c'est la seule chose que tu m'offrais pas... »

La vampire soupira à nouveau, et se retourna, puis revint d’un pas rapide vers cette femme infernale. Elle entreprenait de se redresser, et Mélinda l’aida un peu. Elle l’attrapa par la gorge, la soulevant sans grande difficulté, et l’envoya s’asseoir sur un transat qui traînait à côté. Ce faisant, Mélinda la relâcha, et se planta devant elle, serrant les poings. Elle avait envie de la gifler. De la gifler encore, encore et encore. Elle, la pauvre conne ? Comment Hitomi n’avait-elle pas pu voir quelque chose de si évident ?

« Tu crois que je m’amuse à offrir mon don à n’importe quelle pétasse qui me donne un orgasme, Hitomi ? Si c’était le cas, tout ce putain de lycée dans lequel tu bosses serait envahi par les vampires. Je t’ai offert l’éternité, oui... L’éternité avec moi ! »

Elle avait lâché ce « moi » sur un ton strident, hystérique. Ses joues étaient rouges par la colère, par l’amertume et la rage. Elle serrait tellement les poings qu’elle réalisa qu’elle saignait. Elle contempla ses paumes en tremblant, comprenant qu’elle s’était involontairement transpercée. Mélinda grommela, secouant la tête, se sermonnant pour sa bêtise.

« C’est moi que je t’ai offert, Hitomi... Je t’ai offert de devenir ma sœur, ma femme, et ma fille. Je t’ai offert ce qui a pour moi la plus haute valeur qui puisse se concevoir : mon sang... Un cadeau que jamais personne sur cette foutue planète ne pourra t’offrir... Quelque chose qui englobe et dépasse l’amour, les liens de sang. Des liens qui écrasent la mort, et ne peuvent s’éteindre que par l’écoulement des siècles ou des millénaires. »

Mélinda parlait sur un ton plus doux, presque nostalgique, et tourna la tête.

« Je t’ai offert de vivre avec moi, je t’ai offert tout ce que j’ai... Et tu l’as rejeté. Alors... »

Elle secoua la tête, faisant la moue, avant de se lâcher, regardant un point invisible, connu d’elle seule. Elle était perdue dans ses pensées.

« Je t’ai offert mon sang, Hitomi... Ma vie, en somme. Et je l’ai fait, car tu en étais digne... »

L’une de ses mains se tendit vers Hitomi, et elle caressa du bout des doigts sa joue. Un simple frôlement, avant qu’elle ne ramène sa main.

« Je suis désolée, Hitomi, mais tu es la seule à blâmer. Tu as rejeté tout ce que je t’avais à t’offrir : le bonheur avec moi. Tu m’as fait mal. Je n’aurais jamais pensé qu’une simple Terrienne puisse à ce point me blesser. Je t’ai envié, Hitomi... Cette insouciance, ce bonheur qui irradiait en toi, cette facilité que tu avais à parler avec mes protégées... Je t’ai aimé... Mais cela est terminé. Des mots ont été dits, des gestes faits, et on ne peut pas revenir en arrière. Tu m’as rejeté, Hitomi. Et il n’y a pas de rattrapages. Tu as dit ‘‘Non’’ à tout ce que je pouvais t’offrir, à tout ce que tu pouvais m’offrir... Une confidente... Une sœur... La famille que je n’ai jamais pu avoir... »

Mélinda se retourna, tremblant. Il fallait qu’elle le dise, que ça sorte... Mais c’était si dur. C’était... C’était comme si les mots étaient coincés dans sa gorge. Après Clara, c’était maintenant au tour de Mélinda de se lâcher. Hitomi prenait les habits d’une espèce de psy’.

« Tu... Tu veux savoir... Pour... Pourquoi t-toi, hein ? Pourquoi est-ce que... »

Soupir. Yeux qui regardent le ciel, une moue sur les lèvres. Elle avait toujours le dos tourné, sentant ses yeux la brûler à nouveau. Pas encore. Pas encore !

*Je t’interdis de chialer !*

Elle lâcha, enchaînant, préférant parler :

« Ma mère... Je ne l’ai jamais connu... Comment est-ce que quelque chose que je n’ai pas connu peut me manquer, Hitomi ? C’est idiot... Je n’ai jamais eu de mère... Je l’ai dévoré en naissant... Dès que j’ai ouvert les yeux, j’étais une meurtrière... Comme je n’ai jamais connu ma mère, je m’en suis fait une idée... Qui elle était, à quoi elle ressemblait, les cris qu’elle poussait quand elle faisait l’amour, la manière dont elle m’aurait tenu dans ses bras en me consolant quand je faisais des cauchemars... »

Elle secoua la tête, et regarda Hitomi :

« C’est pour ça que je t’ai choisi, Hitomi. Tu m’as rappelé cette lointaine idée. Celle de cette mère que je n’ai jamais connu... La seule chose que je ne pourrais jamais connaître : l’amour d’une mère envers sa fille. »

La vampire haussa ensuite les épaules :

« C’est bien la preuve que je ne suis pas parfaite... Car tu as été une erreur. »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 06 août 2012, 03:11:56
Je vais prendre aussi mal au deuxième round, peut-être plus. Et cette fois K.O. ou pas je reste au tapis. Déjà elle me chope à la gorge et m'envoie bouler. Je tombe sur un transat, presque en travers, pour un peu je repartirais au sol. De toutes façons c'est dit, j'aurais au moins ça pour moi. J'aurais craché le morceau le plus important, le reste n'est que broutilles. Qu'elle y réponde ce qu'elle veut, ce qu'il pouvait encore y avoir entre nous ne survivra pas à cette journée. Je ressens déjà ça comme une libération. Elle me colle encore tout sur le dos, et déblatère des mots devenus creux. Je suis la première au courant de ce qu'elle m'offrait, rabâcher les même conneries ne servira à rien. Qu'elle parle, et qu'elle me laisse partir puisqu'elle ne veut rien d'autre.

J'aurais ça de moins sur le cœur en accompagnant Clara. Mais évidemment que je vais la plaquer, je vais toutes les plaquer. Ce qu'il pouvait y avoir entre Mélinda et moi est mort avant de naître. Alors je ne peux pas rester. Je me redresse en essayant de me ressaisir. Et bla, bla, bla... Elle n'arrête pas. Elle répond à côté, elle persiste. Encore son obsession sur du sang. J'y ai goûté, je sais ce que ça fait, j'en ai perdu la tête pendant cinq heures. Et ça n'a pas bouleversé ma vie. C'était le pied, un niveau communion que je n'ai connu qu'une seule et unique fois sans elle. Avec Kyle, dès la première nuit. Et ça n'a suffit à me retenir ni avec elle ni avec lui. Mais lui, je ne l'abandonne pas encore. Je relève la tête en me massant la gorge avec un air sombre quand son doigt n'ose pas me toucher.

Puis elle se retourne, et enfin elle se décide à être honnête. Je ne veux même pas imaginer son visage. Je suis désolée pour elle, mais c'est trop tard. En fait il n'a jamais vraiment été temps. Et après ce que j'ai reçu au-dehors comme en-dedans, l'horrible souffrance que devrait m'infliger son aveu n'est qu'un peu plus de mal. Mieux vaut jamais que trop tard. Je baisse la tête sombrement. J'ai été une erreur ?

" C'est réciproque. "

Je grogne un peu vu ce que je viens de prendre. Répondre me fait moins mal que ça ne me frustre. Je ne la regarde même pas, je laisse couler les évidence merdiques comme elles viennent. Je m'en relèverais, comme toujours. Parce que c'est encore la même histoire. Mélinda, Kyle, Gabriel, Liam... Trop d'indices qui s'accumulent et pointent un très simple verdict : je n'ai pas le droit d'aimer. L'univers ne veut pas. Les coups en passant, les copains et les copines, mon sex-friend démoniaque. Mais les sentiments ne sont pas pour moi.

" On a été aussi connes l'une que l'autre. On a rien dit, on a rien demandé... On a laissé pourrir les choses. "

C'est tout, c'est simple. C'est l'histoire de ma vie. La seule famille que je pourrais jamais avoir : je l'ai déjà. J'aurais dû m'en contenter au lieu de m'acharner. Plus de si ou de conditionnels. J'en ai ma claque. D'ici peu je devrais me confronter à Kyle. Mais je ne suis plus certaine croire que c'est possible, avec lui ou quiconque. J'aurais pu être la mère que Mélinda voulait tant, même sans être une Vampire. Mais il n'est plus temps de le dire et elle ne l'accepterait pas. Ou si c'est le cas rien ne le laisse penser.

Je me relève tant bien que mal, étirant une grimace de douleur pour mon ventre. Une fois sur mes jambes tremblantes je me décide à lâcher la tirade, d'une voix enrouée au souffle court.

" Quand Clara aura revu sa famille... je pourrais pas rester son amie... Je pourrais pas revenir ici... Ça c'est une erreur... qu'on peut encore éviter. "

Je prends une aussi grande inspiration que la douleur me le permet. Encore un dernier effort et tout sera vraiment dit. Je ne sais pas de quoi a l'air ma tête, mais je ne souris pas plus que je ne m'énerve. Je suis fatiguée. Je veux retrouver mon plumard et m'endormir en espérant ne jamais me réveiller.

" Et t'as l'éternité devant toi... La prochaine fois que tu croiseras une femme comme moi... Dit-lui simplement ce que t'as sur le cœur... au lieu d'attendre... Nous les Mortels, notre vie est courte. "

Et voilà. Je vais ramasser mes affaires. J'ai rarement eu autant de mal à mettre un pied devant l'autre. Et me baisser est un vrai calvaire. Alors que je tasse tout dans ma serviette, je préfère ne pas penser au moment où je devrais me relever. Ensuite je n'aurais plus qu'à partir sans me retourner. Ça hors de question. Mélinda non plus n'a jamais essayé de comprendre ce que je pouvais ressentir. Elle a l'éternité devant elle, et peut-être encore une chance si elle ne fait pas les mêmes erreurs. Des femmes comme je l'étais ce n'est pas si rare.

Des filles comme elle, moi je n'en trouverais pas d'autres.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le lundi 06 août 2012, 13:40:34
« Quand Clara aura revu sa famille... je pourrais pas rester son amie... Je pourrais pas revenir ici... Ça c'est une erreur... qu'on peut encore éviter. »

Pour le coup, Mélinda était d’accord. Elle ignorait pourquoi elle avait demandé à Hitomi de l’aide, Clara avait raison. Elle aurait tout à fait pu envoyer un quidam à sa place. Elly Connor, par exemple. Pourquoi diable avait-elle décidé d’envoyer le pire choix possible ? Pourquoi avait-elle envoyé ce message à Hitomi ? Mélinda ne pouvait que se fustiger pour sa propre bêtise. Cette femme était indéniablement dangereuse. Elle prenait bien trop d’air avec elle, et en connaissait bien trop. Fort heureusement, il y avait toujours une partie de l’équation qu’Hitomi ignorait, et c’était là sans doute la seule fierté de Mélinda dans ce désastre : avoir réussi à faire en sorte qu’Hitomi n’apprenne pas l’existence d’Akira. Sans pouvoir se l’expliquer, la vampire ne voulait surtout pas que la senseï apprenne qu’elle avait été remplacée.

*Elle appartient au passé, il faut se faire une raison...*

Une nouvelle fois, Mélinda entreprit de s’éloigner, et Hitomi décida, une fois n’est pas coutume, de prouver qu’elle n’avait décidément rien compris à la manière dont Mélinda fonctionnait :

« Et t'as l'éternité devant toi... La prochaine fois que tu croiseras une femme comme moi... Dit-lui simplement ce que t'as sur le cœur... au lieu d'attendre... Nous les Mortels, notre vie est courte. »

Elle se contenta de grogner, n’ayant pas envie de répondre.

*C’est vrai que je ne t’ai rien dit... Non, je t’ai juste proposé l’éternité, pauvre idiote, trois fois rien, en somme.*

Elle remua la tête, incrédule, et décida donc de s’éloigner. Elle retourna sur le palier de la porte, et se jura que ce serait là les dernières paroles qu’elle adresserait à cette cloche. Comment diable avait-elle pu se faire des illusions à ce point ? Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont les rois. Ça s’appliquait aussi pour Mélinda. Elle avait tenté de se convaincre qu’Hitomi pourrait lui apporter ce qu’elle n’avait encore jamais eu, alors que, au fond d’elle-même, elle savait que les humains n’apportaient rien de bon. Ils ne savaient que se détruire entre eux.

« Ce service envers Clara... Il te sera également favorable. Clara était la seule à avoir encore des espoirs pour toi. Une fois que tu lui auras présenté ses parents, elle te foutra la paix. Ainsi, le dernier lien qui pouvait nous unir sera définitivement rompu. Quand ce sera fait, tu pourras supprimer mon nom de ton répertoire. Pour moi, tu auras définitivement cessé d’exister. »

Mélinda franchit la porte, résolue, et lâcha :

« A dans une prochaine vie, Hitomi. »

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Jeudi, gare de Seikusu
09h55
Une semaine après la nouvelle visite d’Hitomi au manoir Warren


Clara croqua dans sa sucette, appréciant de sentir le sucre rouler sur sa langue. Elle s’avança le long des quais de la gare, cherchant le quai A. Elle avait envoyé hier un SMS à Hitomi pour confirmer qu’elle partirait aujourd’hui, en prenant le train de 10h. Elle n’avait pas été en cours, mais ce n’était pas trop grave ; sa classe était depuis Lundi en voyage à Okinawa. Clara n’y avait tout simplement pas participé, et, comme il n’y avait pas cours, elle avait profité de cette semaine de vacances pour remettre de l’ordre dans ses idées.

Après les révélations à la prof’, cette dernière était partie. Visiblement, ça s’était mal passé avec Mélinda. Ça, n’importe quel demeuré congénital l’aurait remarqué en voyant la tronche que la vampire tirait en revenant. Elle s’était enfermée dans son bureau une bonne partie de la soirée, et avait brûlé tout ce qui concernait Hitomi. Ceci, Clara ne pouvait pas le savoir. Mélinda avait tenu entre ses doigts les multiples photos qu’elle avait d’Hitomi, les photos où elles étaient ensemble, où elles s’embrassaient, où Hitomi la tenait dans ses bras... Elle avait tout jeté au feu, incluant les quelques CDs comprenant des vidéos qui auraient donné des orgasmes à des producteurs de films pornos. Elle avait regardé le dossier brûler lentement, les photos se tordre et se calciner, pour ne devenir plus que des cendres qui avaient été évacuées par la cheminée.

Clara tenait un simple sac à dos comprenant des affaires de rechange, un porte-monnaie avec de l’argent que Mélinda lui avait donné. Elle portait des lunettes de soleil, un débardeur avec une veste sur laquelle était écrit, dans le dos : « FUCK Y*U », une minijupe en jean, et des collants. Une tenue normale, en somme. Une musique assourdissante rugissait dans ses oreilles, et, pour parachever le tout, elle portait sur les cheveux une casquette.

*Voilà mon train...*

Mélinda avait envoyé par courrier le billet de train d’Hitomi. Il n’était pas pré-composté, ce qui la laissait libre de déterminer l’horaire avec Clara. Initialement, la vampire avait pensé à écrire à la main un petit mot, mais avait choisi de laisser le soin à sa secrétaire de le taper. Hitomi avait ainsi reçu une lettre très informelle, avec l’en-tête du harem, dans une langue administrative policée, mais non moins froide, tenant en ces termes :

Citer
Chère Madame,

Vous trouverez ci-joint deux billets non-compostés pour aller de Seikusu à Tokyo, et pour y revenir.

Nous vous laissons le soin de prendre contact avec l’intéressée pour déterminer vos horaires.

Difficile de faire plus court, mais Mélinda avait indiqué à sa secrétaire de faire bref, et d’oublier les formules de politesse habituelle. Elle avait donné un coup de tampon sur la lettre, et avait pensé à autre chose. L’adresse du harem était celle du manoir sur Terre, Mélinda se doutant que les services postaux ne devaient pas avoir Ashnard référencés dans leur base de données.

Clara regarda à droite et à gauche. Aucune trace d’Hitomi. Elle ignorait si c’était une bonne idée ou pas de faire appel à elle, dans la mesure où Mélinda pouvait encore moins la blairer maintenant. Si elle ne venait pas, Mélinda lui avait dit de l’appeler, en lui signalant qu’elles iraient ensemble à Tokyo. La perspective ne réjouissait guère la vampire, qui avait bien des choses à gérer, et qui, en plus, devrait inventer rapidement un mensonge cohérent à la mère de Clara pour qu’elle ne blanchisse pas en apprenant que sa fille était une esclave. Ne voyant aucune trace de la senseï, Clara pesta. Elle se trouvait peut-être à un autre wagon ? Elle sortit son portable, et l’appela, lâchant assez rapidement, sans savoir si elle parlait au répondeur ou à Hitomi :

« Ouais, c’est moi, je suis devant le wagon... Le wagon 12. Comme je suis encore mineure, j’ai besoin de vous pour pouvoir rentrer dans le train. »

C’était un fieffé mensonge, il n’y avait personne à l’entrée, et Clara avait l’âge de prendre le train. Mais bon, elle ne tenait pas à aller à Tokyo toute seule. Elle avait un trop mauvais souvenir de cette ville pour y retourner sans être accompagnée. Elle s’était même imaginée en dormant que Kim l’attendrait à l’entrée en gare, ce qui était idiot, car Kim, non seulement ignorait sa venue, mais se foutait également d’elle. Et puis, il était sûrement mort, à l’heure qu’il est. Il n’empêche que Clara n’était pas rassurée pour autant.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 06 août 2012, 16:29:49
Une prochaine vie... Ça ne risque pas, ça non. Ma prochaine vie ne l'a pas attendue pour commencer. J'ai balisé toute la semaine à cause de l'énorme bleu informe et de toutes les marques que Mélinda m'avait laissée. Heureusement tout a disparu à temps. Fini Mélinda, morte et enterrée ou peu s'en faut. Il ne me restera plus qu'à mettre les points sur les i avec Clara, en douceur. De toutes façons elle n'est pas idiote : Mélinda d'un côté, moi de l'autre. Ça ne servirait à rien de s'acharner, autant aller au bout et nous quitter en bons termes.

En attendant ma prochaine vie a commencé, le samedi. La Book Party au parc des expos. Ça n'a pas été sans mal ni sans cafouillage, il y a même eu un pointe d'horreur avec le Quasimodo baveux de service. Mais c'est reparti et pour de bon. Kyle, mon Kyle, l'homme de toutes mes vies. Encore une chose qu'elle ne connaîtra pas, mais je n'en suis même pas triste pour elle. Mélinda s'acharne tellement à se couper des autres : elle ne veut pas, donc elle ne mérite pas. Je ne regrette même pas de n'avoir pas amenée Akira sur le tapis. Comment, pourquoi, quand : aucune importance. Elle s'est trouvée une roue de secours, à elle d'assumer. J'ai assez payé pour cette tête de mule griffue. Quoi qu'elle ait fait à cette fille elle ne me le collera pas sur le dos. Je suis déjà plus que conciliante en la fermant.

Et sa lettre avec le billet de train. Même les impôts sont plus chaleureux. Je me fous de ce que ça cache. Mélinda ne compte plus. Clara sera l'épilogue par procuration, je vais même bien profiter du voyage. Je rentrais sans doute sans elle pour couper les ponts une bonne fois. Inutile de traîner jusqu'au pas d'une porte à jamais fermée. Et j'ai des choses à faire à Tokyo. J'ai écris à Makiko que je serais de passage et elle n'a pas du mettre plus de trois secondes à répondre par SMS :

Citer
Fo kon svoi ! pamoyen !

Faut qu'on se voit, ça c'est clair. J'ai besoin de retrouver quelqu'un qui me connaissait et m'aimait avant Seikusu. J'ai besoin de savoir à quel point j'ai changé, d'évaluer l'ampleur des dégâts. J'ai aussi besoin de replonger dans des souvenirs qui ne sont pas que les miens. Makiko, la dernière célibataire de notre petit clan, la guerrière tempétueuse. Celle qui ne se déballonne jamais : " je suis Japonaise, bien élevée et très polie mais je t'emmerde ! "

J'ai d'ailleurs un peu peur. Je préfère éviter de la croiser avec Clara. Elles seraient bien fichues de s'apprécier, toutes les deux. Sans compter que l'ex-championne nationale s'est vue sucrer sa place dans les plus grandes compétitions pour combats illégaux. Mais ce qui a toujours fait sa force, c'est son acharnement. Si ça va pas il faut que ça aille. Si ça veut pas aller on passe à autre chose. Elle retombe toujours sur ses pattes. C'est qu'elle fait du cinéma, maintenant. Chorégraphe, coach, cascadeuse, et même actrice maintenant. Dans une grosse production américaine, en plus. Je préfère me souvenir de sa lettre que de celle de Mélinda...

Citer
Je suis dans "Saints And Sinners 2 : Blood Of My Blood". J'ai déjà signé le trois, tu verrais le chèque ! Je fais trois minutes et deux répliques, le temps de botter quelques culs et de prendre une balle dans le dos. De toutes façons les scénaristes c'est des nazes. Et pis j'ai coordonné toutes les bastons sans filins ou images de synthèse. Ça aussi c'est naze. T'aurais vu comment je l'ai faite souffrir à l'entraînement, la blondinette. Mais je ne me la suis absolument pas envoyée dans les douches, ou dans ma caravane, ou dans la sienne, ni sur le plateau pendant la pause déjeuner, ni à l'hôtel, ni dans la limousine le soir de la première, et on s'est encore moins tripotées dans la salle pendant la projection. Tout ça c'est des racontars. Tu seras quand même gentille de brûler cette lettre au cas où.

La liste paraîtrait peut-être impressionnante, surtout quand on sait qui est la blondinette en question. Moi je sais qui est la brune qui a écrit cette lettre et je suis certaine qu'elle fait sa modeste. C'est clair qu'avec elle, ma déprime aura peu de chances de survie. J'ai posé mon congé, en période de voyages scolaires ça n'a pas été trop difficile. J'ai prévenu tout le monde que je serais hors de portée pour quelque jours, et que je ne voulais surtout pas qu'on me retrouve. Kyle ne l'a pas trop mal pris, et je lui ai promis de ma faire pardonner en rentrant. Makiko va vouloir tout savoir, une raison de plus de tenir Clara et sa famille à l'écart.

Mais retour au présent, et à la lycéenne. Je ne me suis pas démontée : quitte à prévoir j'ai bien gavé mon sac de randonnée. Quelques changes, dont un tailleurs qui ne devrait pas trop mal présenter une fois bien lissé. Et aussi de quoi me vanter auprès de Makiko de ma carrière naissante de romancière. Pour le reste, étant donné qu'on en a pour quelques heures de train : baskets, jeans, T-shirt. Je suis juste à l'heure pour le train quand mon portable se met à vibrer. J'avance sur le quais vers une minette aux cheveux roses qui coulent d'une casquette, le portable à l'oreille et une porte grande ouverte devant elle. Je décroche in extremis.

" Ouais, c’est moi, je suis devant le wagon... Le wagon 12. Comme je suis encore mineure, j’ai besoin de vous pour pouvoir rentrer dans le train.
- Pourquoi ? Ils ont installé un champ de force ? "

J'arrive juste à côté d'elle pour raccrocher sous son nez. Puis je lui fait une bise sur la joue avec un sourire.

" Bonjour, Clara... Allez, on entre ou le train va partir sans nous. "

Le passe mon bras sous le sien pour l'entraîner avec moi à l'intérieur. Elle ne pensais pas que je viendrais, je le sais très bien. Je sais aussi bien pourquoi et je ne veux pas ouvrir la journée là-dessus. Et Mélinda n'est pas là, on se gâchera la vie avec elle plus tard.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 07 août 2012, 02:41:02
« Pourquoi ? Ils ont installé un champ de force ? »

Cet humour de merde... Clara soupira lentement, et secoua la tête, prête à répondre... Quand elle vit Hitomi débarquer devant elle. La lycéenne sursauta légèrement, surprise, et raccrocha son portable, avant de se laisser emmener dans le wagon. Son leitmotiv était simple : pas un mot sur Mélinda. Elles avaient mutuellement fait leurs adieux, et, à moins d’un miracle, il était impossible que la situation s’améliore.

*Et puis merde, j’en ai rien à branler, de leurs conneries ! Si elles sont trop connes pour s’asseoir autour d’une table et cesser leurs gamineries, c’est pas à moi de le faire.*

Fière de cette nouvelle résolution, Clara alla dans le wagon. C’était un wagon non-fumeur, mais ça ne l’empêcha pas de sortir un paquet de cigarette, ainsi qu’un gros livre qu’elle posa sur le plateau devant elle. Un thriller. Lire, ce n’était pas vraiment le trip de Clara, aussi Shii lui choisissait-elle soigneusement des livres palpitants, en tenant compte des goûts de Clara pour le morbide. Elle lisait donc un livre de Steve Mosby, Un sur deux, un thriller assez sinistre, « un Saw romantique et psychologique », pour reprendre le résumé de Shii. Elle avait bien avancé dans sa lecture, et s’assit côté vitre, écouteurs en place.

Le train ne tarda pas à démarrer, et Clara s’en grilla une. Pas de contrôleur pour venir faire chier, ni de voisins. Pour le moment, le train était assez désert. Ça se remplirait sûrement à Kyoto. Ça faisait bizarre, n’empêche... Voyager avec sa senseï... Bon, okay, c’était une senseï bandante, mais une senseï malgré tout. Mouais... Clara regarda brièvement son balcon, puis observa ensuite le paysage, le train se mettant rapidement en marcher.

« Hésitez pas, si vous en voulez une... »

Clara souffla, et ferma les yeux, et commença à lire. Nelson et Mercer, deux flics londoniens, poursuivaient un psychopathe particulièrement vicieux, puisque ce dernier ne s’en prenait pas à des personnes, mais à des couples. Il torturait l’un des deux, en lui disant que l’un des deux mourrait, tout en lui laissant le choix : se sacrifier pour sa moitié, ou mourir. Il se planquait dans les greniers de ses victimes, afin de pouvoir les espionner, et de savoir leurs faiblesses, les éventuels adultères... Le genre d’histoires cyniques et tordues qui convenaient plutôt bien à Clara. Elle était presque sûre que Mélinda voulait le lui piquer quand elle l’aurait fini. Elle s’était jetée sur L’Analyste, quand Clara avait fini de le lire, lisant en une nuit l’intégralité du roman, alors que Clara avait au moins mis deux semaines.

Hitomi et Clara parlèrent peu. Clara n’avait rien à lui dire, et Hitomi non plus.

*C’est sans doute mieux comme ça, après tout... Elle a fait ses choix, inutile de l’embêter avec ça... Pourquoi donc es-que tu as tenu à venir, Hitomi ? Tu connais suffisamment Mélinda pour savoir qu’elle ne t’aurait rien fait...*

Peut-être que la senseï espérait quelque chose, mais Clara ne voyait pas quoi. Peut-être qu’elle désirait toujours revenir dans le manoir, redevenir l’amie de Mélinda... Mais Mélinda n’était pas une femme qui revenait facilement sur ses choix. Elle était du genre sacrément obtuse, ce qui était une qualité qu’un défaut. Elle avait surtout un talent presque inné pour dissimuler ce qu’elle pensait. Normal, quand on avait eu sa vie, et quand on baignait dans un royaume de loups et de prédateurs. Les Ashnardiens n’étaient pas bien différents des Terriens sur ce point. Montrez aux autres que vous êtes faible, et ils s’empresseront d’essayer de vous achever.

Clara dissimulait aussi sa nervosité. C’était sans doute surtout pour ça qu’elle ne voulait pas parler à Hitomi. Elle était très inquiète à l’idée de revoir sa famille. Elle tenait avec elle la lettre à déposer dans la boîte aux lettres du studio de sa mère. Tiffany... Elle était aussi anxieuse qu’inquiète à l’idée de la revoir. Surtout qu’elle allait sûrement devoir l’engueuler, et sans doute lui dire ce qu’elle avait vécu, et ce qui l’attendait si elle continuait sur cette voie. Il n’y avait que dans les films que les marginaux étaient heureux et insouciants. Dans la véritable vie, les désaxés, les désœuvrés, finissaient dans les asiles. Ses doigts tremblaient, et elle referma le livre, soupirant lentement.

« Putain de bordel... » murmura-t-elle.

Elle passa sa tête entre ses mains. Impossible de s’endormir... Demain... Demain, elle reverrait sa mère. Qu’est-ce que cette dernière lui dirait ? Est-ce qu’elle la giflerait ? Est-ce qu’elle pleurait ? L’embrasserait ? Toutes ces questions tournaient dans la tête de Clara. Le train venait de quitter Kyoto, et s’était effectivement rempli, gagnant désormais Tokyo à toute allure.

Clara attrapa alors la main d’Hitomi, et la regarda.

« Je... Honnêtement, j’ignore ce que vous foutez là, et pourquoi vous avez décidé de venir, mais... Merci... »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Yamagashi Hitomi le jeudi 09 août 2012, 13:06:21
" Non merci, je ne fume pas. "

Le trajet jusqu'à Kyoto est long, affreusement long. J'aurais du embarquer H2G2 ou Lord Of The Ringards. Mais je me voyais mal passer plusieurs heures me retenir d'éclater de rire à côté de Clara. Ce n'est pas vraiment l'ambiance. En fait l'ambiance est à chier. Je passe tout le voyage à me demander ce que je pourrais dire pour briser la glace. L'air de rien je tapote du crayon contre une feuille. C'est qu'on en avait pour des heures alors pourquoi pas noter quelques idées pour mon roman ? Simplement parce que dès que je commence à écrire quelque chose je le rature. Que des idées pourries. D'ailleurs qu'est-ce que je fous là ? Ça aussi c'était une idée pourrie, dès le départ. Et je ne parle pas de revenir ou de plaquer Mélinda : je parle de la seconde où j'ai préféré entrer dans son jeu plutôt que l'envoyer en colle.

Alors qu'est-ce que je fous là, à lui facilité la vie après le bordel qu'elle a mis dans la mienne ? Et même Clara, est-ce que je l'aide vraiment au final ? C'est bien beau de se rabibocher avec sa famille, pourtant même si ça marche ça ne mènera pas à grand-chose. Elle ne pourra pas être là pour sa mère et sa sœur. Mélinda l'a bien dit, la lycéenne doit régler ses problèmes. Et elle ne cherchera peut-être pas plus loin. Bien sûr les enfants finissent par prendre leurs distances, mais avant ça il y a une vie dont Clara a été privée et qu'elle ne pourra pas rattraper. Alors finalement est-ce que ça ne va pas faire plus de mal que de bien ? Quand je repense à ce que cette peste arrogante a osé sortir sous mon nez. La bonne façon d'aimer, alors qu'elle ne m'a pas aimée moi quand c'était si facile.

C'est vraiment le moment de penser à ça, Hitomi... En fait oui, c'est la moment. Pour l'instant je n'ai rien d'autre à faire de mes neurones. Alors autant faire le deuil des illusions et digérer mes conneries une bonne fois. Quand Clara repartira, elle emportera tout ça avec elle comme la nuit qui passe emporte un rêve qui a tourné au cauchemar. Et avec le temps, de loin en loin, il n'en restera que des bribes. J'espère n'en garder que le meilleur, quelque part derrière la vie que je mènerais, avec ses joies et ses peines bien réelles. J'espère aussi que Mélinda finira par comprendre où ont été ses erreurs, et qu'elle trouvera ce qu'elle cherche.

Soudain je suis tirée de mes pensées par la main de Clara.

" Je... Honnêtement, j’ignore ce que vous foutez là, et pourquoi vous avez décidé de venir, mais... Merci... "

Je souris à son regard anxieux. Je baisse les yeux vers nos main en serrant la sienne pour les relever.

" Voilà ce que je fous là. Tu n'as pas à me remercier. "

Elle a toutes les raisons du monde d'être inquiète. Rien dans sa vie n'a dû lui demander plus de courage que ce qu'elle s'apprête à faire. Mon pouce caresse le dos de sa main avec juste ce qu'il faut d'insistance.

" Ne t'en fait pas, je resterais avec toi tout du long. "

Je ne vois pas quoi dire d'autre, quelle autre promesse je pourrais tenir. Ça ne devrait même pas être moi. Mais c'est comme ça, et il y a eu bien pire. Après cette dernière ligne droite on pourra toutes tourner la page. Je pourrais, et je le ferais. En attendant le train file, et à l'approche de Tokyo mon portable se met à vibrer.

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tariv kan ?

Makiko...

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Je te préviendrais. Et pitié fait un effort pour écrire normalement, je t'ai pas fait du soutien scolaire pendant trois ans pour lire ça ^^'

Et la réponse ne se fait pas attendre.

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va me faloir dotre lecon ;p

Moi qui ne voulais pas trop montrer ma joie de vivre devant Clara, c'est raté pour le coup.

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Baka :p

Je remballe mon portable en calmant mon petit rire.

" Désolée, une copine. "

Ça fait plaisir de savoir à quel point elle a envie de me revoir. Et ça allège mon fardeau de voir que ma petite vie a hâte de me retrouver quand tout ça sera fini. Je me lève pour prendre mon sac.

" On arrive. Autant filer sinon on va être prises dans le troupeau. "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï - Akira Aoyama]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 11 août 2012, 02:44:25
« Ne t'en fait pas, je resterais avec toi tout du long. »

Mouais... Clara ne dit rien, mais, intérieurement, cette promesse lui fit plaisir... Si Hitomi la tenait. Son visage se fendit d’un léger sourire, et elle hocha lentement la tête, avant de revenir plaquer sa tête sur le dossier du siège, et observer le paysage. Ce n’était pourtant pas si terrible que ça... Elle allait juste revoir sa famille. Elle aurait du sauter de joie, mais, au lieu de ça, Clara était nerveuse. Elle avait tellement peur de sentir dans le regard de sa mère le goût amer de la trahison, qu’elle la rejette, qu’elle lui reproche de les avoir laissé.

*Et de ce regard quand je te dirais ce que j’ai vécu à Tokyo... Que j’ai été enceinte, et que j’ai fait une fausse couche... Que je suis incapable de m’en sortir à l’école...*

Clara avait honte d’elle, et tâcha de penser à autre chose, à se rappeler les propos de Mélinda. Elle avait essayé de l’encourager, de lui dire qu’elle n’était pas une minable, mais une femme pleine de talents. Et Mélinda était suffisamment honnête pour qu’on puisse se permettre de la croire. Elle était franche, au moins. Elle avait certes beaucoup de défauts, mais on pouvait bien lui reconnaître cette qualité. Pour autant, ça ne suffisait pas à rassurer Clara. Le train continuait à filer, et elle était plongée dans ses pensées, fermant parfois les yeux en sentant ses pupilles se mouiller. Elle retenait des sanglots, le passé lui revenant à la figure avec force. Ce n’était pas agréable, mais ça ne faisait pas mal. C’était... C’était plus comme si elle avait un surplus d’émotions, un trop-plein à évacuer en versant des larmes.

Elle secoua lentement la tête, avant d’entendre Hitomi soupirer et... Glousser ? Clara fronça les sourcils. Elle avait reçu des messages. Son petit copain ? Sûrement... Elle se sentit mal à l’aise. Hitomi leur avait dit que sa relation était terminée avec lui, mais elle n’y croyait pas. Qui ça pouvait être d’autre que lui ?

« Désolée, une copine. »

Clara ne dit rien. Après tout, Hitomi avait choisi de venir, alors Clara n’avait pas à se sentir coupable, même si elle avait l’impression de faire chier tout le monde. Le train se rapprochait maintenant de Tokyo. Le voyage avait été plus court que ce que Clara aurait voulu. Elle ne s’était pas endormie, recevant de temps en temps des messages de Shii, de Kaori, et même de Mélinda. Parfois, elle y répondait, mais elle n’avait pas la tête à ça. Le train commença à freiner lorsqu’Hitomi se redressa.

« On arrive. Autant filer sinon on va être prises dans le troupeau. »

La lycéenne secoua la tête, et récupéra son sac à dos, sa casquette, rangea Mosby, et suivit Hitomi. Elle lui prit la main, ressemblant presque à sa fille. La mère et la fille allant ensemble à Tokyo... L’image aurait presque prêté à sourire. Elles furent les premiers dans le petit compartiment entre les deux wagons, et descendirent presque les premières du train. Tokyo était bondé, surpeuplé. La ville comprenait plus de 13 millions d’habitants, et était un immense bourbier asphyxiant. Clara n’aimait pas du tout cette ville. Non seulement elle lui rappelait de mauvais souvenirs, mais la ville était tout simplement invivable. Elle resta accrochée à Hitomi, ayant peur de voir Kim ou ses fameux gros bras débarquer... Mais il n’y avait personne. Des hommes d’affaires dans des costumes serrés se pressaient, portables sur les oreilles. Une femme bondissait dans les bras de son amant, des enfants hurlaient, un groupe scolaire se mettait en place, des valises roulaient, des voix parlaient dans les haut-parleurs, des agents de sécurité se promenaient à droite et à gauche, arrêtant des individus. Des chiens aboyaient, des singes se baladaient, des contrôleurs parlaient dans des talkies-walkies... Tokyo, en somme.

Elles sortirent de la gare, atterrissant dans une rue où des touristes occidentaux consultaient des plans.

« Je... J’ai l’adresse de ma mère en stock... Et j’ai de quoi payer un hôtel... »

Clara s’avança un peu, cherchant un taxi à héler.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le dimanche 12 août 2012, 21:27:03
Clara est vraiment chargée à bloc. Je la comprends. Tokyo est déjà une ville oppressante, alors avec les souvenirs qu'elle y a. Je dois la tirer à travers la foule pour ne pas la laisser trop regarder autour d'elle. La lycéenne guette, je le vois bien. Trop de gens, trop de visages, trop de mouvements. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit sur les nerfs, mais je crains que le surplus de stress la fasse craquer. Ce ne serait pas forcément une mauvaise chose, au contraire. Ça la défoulerait avant l'entrevue programmée avec sa mère. Seulement là, devant tout le monde, ce serait pire que mieux. On va déjà se trouver un coin pour souffler un peu, faire une vrai pause en tête à tête après le train bondé.

" Je... J’ai l’adresse de ma mère en stock... Et j’ai de quoi payer un hôtel...
- Je connais un-Khya ! "

Deux groupes de doigts viennent de me rentrer sous les côtes, ce qui m'a fait lâcher ce cri débile en sursautant. je me mets à pester en me retournant.

" Makiko ! Baka ! "

Cela fait un petit bout de temps qu'elle n'a pas eu l'occasion de me faire ce coup-là, pourtant l'habitude est encore bien présente. Makiko aussi est bien là quand je me retourne. Elle n'a pas tant changé. Je ne m'attendais pas à la trouver là en tailleur noir, pantalon bien sûr, si élégante. Mais son sourire est le même, ainsi que la force avec laquelle elle m'écrase entre ses bras. Et comme elle prend le sac de randonnée avec, autant dire que je passe au pressoir.

" Je suis contente de te revoir, Hitomi-chan ! Tu m'as manquéééééééééééé !
- Toi aussi... Makiko... chan... J'étouffe...
- Who pardon ! "

Elle me relâche pour se gratter l'arrière de la tête avec un grand sourire alors que je reprend mon souffle. À force de s'entraîner et de se battre en compétition, ce qu'elle fait depuis toute gamine, Makiko n'a jamais connu sa force. Et avec ses cheveux courts en bataille, la brune a toujours tout eu du garçon manqué. Mais je suis bien placé pour savoir qu'il une femme là-dessous, et non des moindres.

" Comment tu as su que j'arrivais ?
- Je savais pas, je passe mes journées ici depuis que j'ai reçu ta lettre. Je te connais, je savais que t'allais me faire des cachotteries. "

J'ai à peine le temps de rougir qu'elle se tourne vers Clara pour incliner la tête.

" Désolée, Kaiba Makiko. Enchantée de te connaître. "

Je remarque soudain derrière Clara une affiche sur un arrêt de bus. L'affiche d'un film qui va bientôt sortir : "Saints And Sinners 2 : Blood Of My Blood ". Et il n'y a qu'une personne au-dessus de la phrase "Be badass and kick some ass". La finesse absolue, ça lui va comme une gant.

" Trois minutes et deux répliques, hein ?
- Je voulais que t'aies la surprise.
- Et c'est moi la cachottière... "

Sur ce la brune s'éloigne en nous invitant à la suivre pour ne pas nous laisser en rade comme une mal élevée. Et bien sûr en précisant ce dernier point. Je me retrouve seule face à Clara, et je n'en mène pas large.

" Désolée. Je voulais profiter du voyage pour la revoir vite fait, mais je pensais pas qu'elle camperait devant la gare. Et je lui ai pas dit ce que je venais faire... Si tu préfères on prend un taxi. "

Makiko sur l'affiche : http://cdn1.gelbooru.com//images/1321/6d9b51eb377d0047c405098df5209094.jpg?1532650
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 14 août 2012, 19:59:02
Sa casquette sur la tête, Clara recherchait un taxi, concentrée, et toujours aussi nerveuse. Tokyo... Cette ville maudite... Elle n’avait eu que des merdes ici. C’était la ville des désillusions et des espoirs brisés. Son seul désir était de retourner dans le premier train en partance pour Seikusu, mais ce ne serait pas... Pas mâture. Les liens du sang vous collaient jusqu’à la mort. Rien n’était plus important que la famille selon Mélinda, et la vampire ne serait pas contente d’apprendre que Clara avait choisi de s’enfuir plutôt que d’affronter ses responsabilités. Et Clara ne voulait pas fuir encore. Elle regarda brièvement l’arrêt de bus, sachant que les taxis étaient généralement à côté, lorsqu’Hitomi poussa un cri. Surprise, Clara sursauta, et se retourna, prête à frapper dans le vif... Quand elle vit une curieuse femme à côté d’Hitomi.

« Makiko ! Baka ! »

Makékoi ? « Baka », ça elle le comprenait, vu le nombre de fois que Shii le lui avait répété. Mais l’autre ? C’était quoi ? Une manière d’éternuer ? Ou un nom, tout simplement... Ça devait correspondre au nom de la femme qui se tenait devant Hitomi, et qui avait fichu une frousse mortelle à Clara, qui était déjà suffisamment perturbée comme ça. Qui donc était cette cintrée décérébrée ? Bizarrement, son visage lui disait quelque chose... Curieux, car elle ne l’avait jamais vu ! Ça, elle s’en serait souvenue... Et elle ne connaissait pas suffisamment Hitomi pour connaître toutes ses anciennes copines de Tokyo. Les deux femmes commençaient à parler entre elles, et Clara fronça les sourcils.

*Non mais vous gênez pas, hein ! Vous voulez peut-être une tasse de thé, non, tant qu’à faire ? Ah, les gonzesses !* songea Clara.

On sembla alors se rappeler de sa présence. Croisant les bras, Clara était soupçonneuse. La femme portait un tailleur noir assez élégant, mais qui jurait avec son allure, avec ses sourires, avec la manière dont elle avait abordé Hitomi... Elle s’inclina devant Clara, parlant sur un ton plus sérieux.

« Désolée, Kaiba Makiko. Enchantée de te connaître. »

La lycéenne hocha la tête :

« Clara... De même. Et... Y a pas mal... Enfin, je crois... »

Makiko et Hitomi semblaient se connaître, et même plutôt bien s’apprécier. Clara était sûre qu’elle l’avait sauté... C’était son genre, de toute façon. Clara n’ajouta rien, essayant de se dire où elle avait déjà vu cette femme, car elle était sûre de l’avoir déjà vu. A nouveau, les deux femmes s’entretinrent entre elles, puis Makiko s’éloigna, tandis qu’Hitomi présenta ses excuses à Clara :

« Désolée. Je voulais profiter du voyage pour la revoir vite fait, mais je pensais pas qu'elle camperait devant la gare. Et je lui ai pas dit ce que je venais faire... Si tu préfères on prend un taxi. »

Clara haussa les épaules.

« Nope, vous avez l’air de bien vous entendre, toutes les deux... Et puis, ça me fera des économies, comme ça. J’espère juste que je ne dérangerais pas. »

Une réflexion stupide. Clara emboîta le pas d’Hitomi, et vit alors, en jetant un coup d’œil, l’affiche... Ce fut le titre qui attira son regard. « Saints and Sinners 2 ». Elle avait vu le premier il y a plusieurs semaines, ayant acheté le DVD (les fonds de Mélinda permettaient tout à fait d’acheter des films en bonne qualité, plutôt que de télécharger des Divx). Dans le genre bourrin, elle avait été régalée. Un film de brutes jusqu’au bout des ongles : scénario creux, personnes stéréotypés, actions de gros bras, où ça tirait dans tous les sens. Stallone aurait pu faire ce film. La critique avait démoli S&S, une critique y voyant « un film vulgaire, inutilement sanguinolent, pour adolescents attardés », une autre s’affligeant de ce « naufrage », peignant « un film écrit par un ado de quinze ans un lendemain de cuite ». S&S, comme son nom l’indiquait, impliquait des nonnes follement sexy qui se retrouvaient du jour au lendemain en train de combattre des trafiquants de drogue surpuissants, surarmés, violents, bêtes et méchants, le tout dans une ambiance électrique, avec des musiques de metal pétaradantes à tout berzingue, et des explosions dans tous les sens, avec des gros plans sur des paires de nichons.

Si S&S n’avait pas eu un très bon accueil critique, il s’était bien vendu, suffisamment pour que les producteurs décident de faire une trilogie, et d’y inclure plus de fantastiques. Sûrement des zombies (c’était la grande mode), et des nonnes en string (c’était un caprice du producteur exécutif ; sans ça, il n’aurait jamais signé, car il avait eu une éducation catholique, et avait rêvé de voir une nonne en string). Le sous-titre de S&S 2 était prometteur. Une phrase de deux mots, avec à chaque fois le même : « blood ». Au moins, le public était averti. Clara sursauta en voyant le visage de celle qui tenait l’affiche. C’était... Par la malepeste, c’était Makiko ! Clara n’en crut pas ses yeux, fixant l’affiche, plantée comme deux ronds de flancs, et dut presque se donner une claque pour entrer dans la voiture. Sa première tentation fut d’écrire à Shii qu’elle était avec « une putain de star », même si participer à un film comme S&S 2 ne faisait pas vraiment de soi une star.

Clara, à l’arrière de la voiture, enfila sa ceinture, et lâcha assez rapidement :

« Vous êtes bien plus sexy que l’héroïne du premier volet ! »

Il y avait effectivement des chances pour que Makiko et Clara s’entendent plutôt bien.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 15 août 2012, 15:52:55
" Mais bien sûr que non, tu nous dérangeras pas. "

Pour le coup c'est plutôt nous qui la dérangeons. On est venues pour elle, et pour un événement très important de sa vie. Avec Makiko je ne fais que retrouver une copine pour souffler un peu. Je sourie en invitant Clara à suivre. Et je remarque bien vite que Makiko est dans une situation aussi bonne qu'elle le disait. Ce n'est pas une voiture qu'elle a : c'est tank. Et dedans une vraie berline, flambant neuve.

" Vous êtes bien plus sexy que l’héroïne du premier volet ! "

Makiko lâche un de ses éclats de rire en démarrant.

" Haha ! Merci. Mais elle n'est pas mal non plus. On partage les premiers rôles. "

Je connais cette façon de finir ses phrase. Makiko ne dit pas tout, et à voir comme elle essaie de se concentrer sur sa conduite elle en a bien envie. Moi aussi, en voyant son sourire. La blonde a dû en voir de toutes les couleurs avec une fille de sa trempe. Pour une bavarde pareille, se retenir devant moi doit être un vrai calvaire. Si Clara n'était pas là j'aurais tous les détails, sans les demander.

" Le premier était une vraie daube, j'ai adoré. Mais attend-toi à du changement ! Les combats sont beaucoup mieux... En fait cette fois ils sont chorégraphiés.
- Par elle.
- Héhé !
- N'essaie pas de jouer les modestes quand je suis là, Makiko-chan.
- Si on a une amatrice, je pense que ce qui l'intéressera le plus c'est qu'on voit Archangel. "

Archangel. Si je me souviens bien c'est la seule héroïne dont on ne voit rien dans le premier volet. Une ombre, une voix à la radio, un fusil à lunette caché quelque part qui n'arrête pas de braquer les fesses de ses copines. Et surtout...

" C'est toi qui la joue ?
- Oui !
- Ne me dis pas que tu sors cette réplique pourrie !
- Suck ma bullit, ya bitch !... Mais moi je le dis en face avec un fusil à pompe. Et je leur dit de sucer tout un tas de trucs, en fait. "

Elle lance un regard et un clin d'œil dans le rétro.

" Si tu veux de l'action et des nonnes en string : tu vas être servie ! "

Au fil de la discussion c'est la ville défile autour de nous. Les rues ont changé, pourtant j'ai peur de reconnaître l'endroit où nous allons.

" Tu... Tu habites où, au fait ?
- Comme si t'avais pas deviné. "

Je m'effondre sur ma place du mort, une main sur les yeux. Elle ne va quand même pas me faire ça ? Je la connais trop pour imaginer que c'est une blague. On avance bien vers l'appartement où je vivais pendant mes études. Donc celui où on a vécu ensemble, dont on a intensément honoré chaque pièce et chaque meuble encore et encore. L'endroit que je ne peux pas imaginer sans me souvenir de tout ce que j'y ai fait avec Makiko et les autres. En un mot...

" Notre appart'. "

Sixième étage, vue imprenable sur la fac. Quatre chambres autour d'une grande pièce qui fait à la fois cuisine et séjour. Je me demande bien ce qu'elle a pu en faire, et surtout si elle vit seule. Ça m'étonnerait, elle ne nous aurait pas invitées dans ce cas. Et connaissant également son goût pour les salles de sport surpeuplées, je parie qu'elle n'y passe plus trop de temps.

" Donc j'ai deux chambre d'ami et... Bin l'ancienne chambre de Yukio sert toujours à rien...
- En fait on...
- Ose dire le mot hôtel et je te traine de force pour t'enchaîner à ton lit. "

Au moins elle n'a pas parlé de me mettre dans le sien devant Clara. Je me doute bien que la lycéenne n'est pas dupe. Mais j'ai déjà assez honte sans en rajouter... J'espère qu'on va éviter les grosses gaffes. Je n'ai pas envie de raconter ma vie à Clara sachant qu'on va devoir se séparer dans si peu de temps. En fait ça m'ennuie déjà assez qu'elle ait rencontré Makiko, et qu'elle soit sur le point d'entrer dans l'un des derniers refuges de mon passé que Seikusu n'a pas contaminé.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le jeudi 16 août 2012, 00:39:27
« Si tu veux de l'action et des nonnes en string : tu vas être servie ! »

Clara fit un sourire amusé, mais elle était ailleurs... Makiko avait l’air d’une espèce de timbrée surexcitée, mais l’esprit de Clara se focalisait surtout sur le lendemain... Elle reverrait sa mère, elle reverrait Tiffany, et, dans ces circonstances, apprécier les amies d’Hitomi était difficile. Clara se sentait définitivement de trop, avec ces problèmes, et ce malgré tout ce qu’Hitomi pouvait lui dire. Elle n’en voulait pas à la senseï ; Clara savait qu’elle était un boulet pour elle. Son passé était lourd à porter. Impliquer Hitomi était une erreur de calcul, mais, maintenant, Clara pensait comprendre pourquoi Mélinda l’avait fait, et pourquoi elle avait décidé de forcer Clara à se rapprocher d’Hitomi.

*Elle voulait me montrer que j’étais dans l’erreur, que je réalise que cette femme ne peut rien pour moi...*

Les individus sont individualiste par nature, lui avait dit Mélinda sans émettre de jugements. C’était une simple constatation ; un être humain pensait avant tout à son propre intérêt, et c’était une chose normale. On ne pouvait pas en vouloir à Hitomi de profiter de l’occasion pour revoir une amie, et oublier Seikusu. Ça avait du être dur pour elle aussi... Abandonner Mélinda et toutes les promesses que la vampire lui offrait... Et faire tout ça au nom de l’amour... Ça sonnait tellement cliché, mais ça ne se faisait pas sans regrets. Et encore, Clara était sûre qu’il n’y avait pas que Mélinda. Elle ignorait dans quelle situation Hitomi s’était embarquée, mais ça devait sûrement être compliqué. Clara, donc, était forcément de trop.

L’immense voiture s’arrêta près d’un immeuble. Le quartier n’avait rien à voir avec celui où elle avait vécu quand elle était avec Kenji. Il n’était pas enfumé, surpeuplé, avec des murs en carton, des bâtiments décrépis et poussiéreux, et si proches des lignes de train que tout tremblait quand un train approchait. C’était un quartier bien plus agréable, et les trois femmes entrèrent dans un vaste appartement. Vu comment Hitomi semblait gênée, ça semblait lui rappeler quelque chose. Un appartement commun, peut-être ? Clara ne savait pas grand-chose de Tokyo, mais elle avait vu l’université, à proximité.

« Donc j'ai deux chambre d'ami et... Bin l'ancienne chambre de Yukio sert toujours à rien... »

Yukio... Une femme qui était inconnue pour Clara, mais qui l’aidait à comprendre. Sûrement un ancien appartement pour la colocation que Makiko avait racheté. Clara regarda encore un peu plus Makiko, et se dit qu’elle devait tout à fait être le genre d’adulte à squatter les consoles de jeux vidéos de ses enfants pour jouer à des jeux violents. Elle avait choisi de rester dans un appartement qui lui rappellerait ses études. A la place de Clara, Mélinda aurait tout de suite diagnostiqué une femme qui ne voulait pas vieillir, et en aurait disserté sur le caractère éphémère de la beauté humaine. Clara, elle, voulait juste qu’on lui fiche la paix, appeler Shii, et obtenir son réconfort. Elle en demandait déjà suffisamment à Hitomi, et comprenait les messages implicites de cette dernière. Ne viens pas me faire chier, Clara, je suis avec une amie, et j’ai besoin de me détendre, moi aussi.

Les détails grivois de la vie d’Hitomi ne l’intéressaient pas vraiment, en ce moment. Elle aurait tout à fait pu s’enfermer avec Makiko dans une chambre et faire le tour du propriétaire qu’elle n’en aurait absolument rien eu à secouer. Clara avait bien d’autres soucis en tête, et décida donc de préciser ces détails. S’éclaircissant la gorge, elle parla :

« Ne vous en faites pas pour moi, j’ai juste besoin d’un lit pour dormir cette nuit. »

Et, sans attendre qu’on l’invite, elle commença à explorer, poussant les portes, et choisit la plus petite et la moins meublée. Probablement celle de feu Yukio. Elle retira sa casquette, posa son sac à dos, regarda les deux femmes, puis leur ferma la porte au nez. Elle avait besoin d’être seule, de faire le vide dans sa tête. Elle avait le trac, quelque chose de terrible. Ça remontait dans son ventre à lui en faire mal. Elle se sentait proche du vide, à marcher sur un fil invisible, telle une funambule, tanguant sous les effets du vent. Elle ne s’assit même pas sur le lit, mais contre le rebord du mur, et enfila ses écouteurs sur ses oreilles, mettant de la musique, et repensa à son passé, tandis qu’Avenged Sevenfold se mit à rugir dans ses oreilles.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le jeudi 16 août 2012, 03:58:31
" Ne vous en faites pas pour moi, j’ai juste besoin d’un lit pour dormir cette nuit. "

Puis en moins de deux minutes elle file dans la plus petite chambre. En fait le temps pour Makiko d'ouvrir le frigo pour proposer à boire. Après avoir suivi la lycéenne du regard, je viens m'adosser au plan de travail de la cuisine. Exactement à la même place que dans le temps quand j'étais dans cet état. Je ne cherche plus à cacher mon abattement. La tête et le regard bas, le dos voûté. Makiko me tend une canette de bière, ce qui me fait sourire en la prenant. Comme à l'époque. Puis elle va poser ses fesses contre le bord de la table en face de moi, et lance un rapide regard vers la porte qu'a franchie Clara.

" Mal élevée ou mal lunée ?
- Les deux. "

Et quoi ? Je me sens mal de le dire mais c'est un fait. Comme Makiko était entrée dans la partie, je pensais qu'au moins ça pourrait aider un peu. Mais niet. Et je me retrouve à imposer des retrouvailles heureuses à une jeune fille qui va en vivre de très douloureuses. Je soupire en levant ma main libre à mon visage pour essuyer une ou deux larmes, rien que d'y penser. Aoki, Gabriel, Mélinda... J'ai consciencieusement foiré avec eux, ça je ne me le cache pas. Même avec Kyle pendant un moment. Mais ils ne m'ont pas aidée non plus. Chaque fois que j'ai essayé de passer les murs derrière lesquels ils se cachaient, ils m'ont repoussée. Ils ne savent pas à quel point eux m'ont démolie, parce qu'ils ne savent pas qui jétais avant de les rencontrer.

" T'as vraiment pas l'air bien. "

Je relève les yeux vers elle, et même avec ironie je sourie. Je ne suis pas bien, je pense que je vais avoir du mal à l'être à nouveau. Trop de plaies ouvertes qui s'accumulent ces derniers temps. Mais ça me fait du bien d'entendre Makiko me dire ça, parce qu'elle a toujours été la seule. Au début les autres aussi commençaient comme ça si je n'avais pas l'air dans mon assiette. Mais après ma tentative de suicide il n'y avait qu'elle pour ne pas sauter au plafond au moindre frémissement de mes lèvres. Il n'y avait qu'elle pour ne pas me traiter comme un verre en cristal.

" Je suis fatiguée... Si jamais tu mets les pieds à Seikusu : fout le camp aussi vite que tu peux. Cette putain de ville va avoir ma peau. "

Et il n'y a qu'avec elle que je parlais comme ça. Il n'y a qu'avec elle je pourrais le dire tout autrement, ou dire tout autre chose sans craindre qu'elle passe à côté de l'essentiel. Je descend quelques petites gorgées de bière.

" T'es plus coriace que ça.
- Pas sûre.
- T'as retrouvé ton mec. Et t'es venue aider cette file. Alors jusque là je trouve que tu te défends pas mal... Je t'avais prévenue, Hitomi : ici on vivait entre gentils, mais dehors c'est la jungle. Pas besoin de te rappeler Yukio... "

Je baisse à nouveau les yeux vers ma bière. Yukio. Plus d'un an à se faire passer pour une fille, dans le seul but de pouvoir rester près de celle qu'il aimait. Puis quand les masques étaient tombés le père de Sakura l'avait traîné plus bas que terre, assez pour qu'elle le prenne en pitié et le quitte pour ne pas lui faire plus de mal. Aujourd'hui ils sont mariés et parents. Makiko n'a pas à en dire plus : je sais très bien où elle veut en venir. Quelque part sur la route il a fallu que j'aide ce pauvre gars à se tenir droit. Plus que Makiko il a fallu que je lui apprenne à devenir un homme, qui s'était si bien travesti que tout le monde s'était laissé grugé, mais un homme quand même.

" Clara n'est pas Yukio. Elle... J'y arrive plus, Makiko... Tous les gens que j'ai rencontré, dès que je suis devenu proche d'eux j'ai bousillé leurs vie...
- Bin tiens ! Dit pas des conneries pareilles. T'es un vrai trésor, Hitomi. Y'en a au moins un qui s'en est rendu compte, là-bas... Et les autres, de ce que je vois : c'est toi qu'ils ont essayé de bousiller. "

Elle joue la nonchalance, la copine presque blasée qui prend tout à la légère. Et une fois de plus elle n'a pas besoin de continuer. Aoki est à part, bien sûr. Les choses ne se sont pas si mal passées. Mais Gabriel, et surtout Mélinda : ils ont essayé. Pas toujours intentionnellement, mais ils ont tout fait pour me mettre à genoux. Et sans Kyle je leur aurait cédé. Mais je suis là, je suis venue dans un but bien précis. Je pose ma bière à moitié vide et je me décolle du plan de travail. Je fais ce que la brune qui me regarde en tentant de ne pas trop étirer son sourire m'a appris : je me relève et j'y retourne.

" Prépare à bouffer, j'ai faim.
- Huhum !
- S'il te plaît.
- J'préfère. "

Direction la chambre. Celle dans laquelle Clara attend, et que quelqu'un de tout autre a occupé. Je frappe sans avoir de réponse, et au bout d'une poignée de seconde je ne me gêne pas pour ouvrir. Je suis chez moi, en tous cas bien plus qu'elle. Mais je reste dans l'embrasure de la porte, appuyée contre le montant les bras croisés. Je la regarde sans sourire ou lui faire les gros yeux, le temps qu'elle enlève ses écouteurs. Puis en avant.

" Désolée. Makiko et moi on a vécu beaucoup de choses ensemble, et comme on s'est pas vues depuis longtemps je suis contente de la revoir. Mais c'est pas pour elle que je suis venue. En fait je comptais attendre que tu repartes pour l'appeler... Tu savais très bien qu'on rentrerait pas à Seikusu ensemble, Clara. mais on en est pas encore là. C'est pour toi que je suis là, si ça te plaît pas fallait le dire plus tôt. Alors arrête de faire comme si t'étais venue toute seule. "

Le temps de souffler je reviens à la charge. Je dis ce que je pense.

" Et ne viens surtout pas me dire ce que je ressens ou ce que je pense. Mélinda a essayé et elle n'a jamais rien compris, sinon elle aurait fait de moi ce qu'elle voulait en deux temps trois mouvements. Si elle comprenait t'aurais revu ta mère et ta sœur depuis longtemps. Quand tu vas les revoir ce sera dur, quoi qu'il se passe. Même si elles te tombent dans les bras tu vas devoir choisir jusqu'à quel point tu veux qu'elles sachent ce que tu as vécu. Et ça va leur faire mal, surtout à ta mère. "

Je quitte le montant de la porte pour m'approcher d'elle. Toujours sérieuse, mais pas sévère.

" Je sais que j'en rajoute, mais là je te dis exactement ce que je pense, Clara. Ce sera pas quelque chose que tu devras subir, et tu pourras pas te battre ou fuir non plus. Tu devras tenir, c'est tout ce que tu pourras faire. Et ça, Mélinda ne peut pas te l'avoir appris parce qu'elle ne sait pas le faire. Tu peux me croire, sur ce point je la connais mieux que toi. Et là t'es en train de subir, Clara. Quand j'ai ouvert la porte et que je t'ai vue comme ça, seule dans ton coin, en train d'attendre, la première idée qui m'est venu c'est que t'attendais Kenji pour en prendre plein la gueule. "

Je dois bien la fermer une petite seconde pour souffler. Je suis presque au bout.

" T'es pas toute seule : je suis venue ici pour toi. Je suis venue t'aider à tenir. Faire les choses par toi-même ne veux pas dire que tu dois les faire seule. Si tu crois que ça m'emmerde d'être venue tu mets dans le mille. Mais ce qui m'emmerde c'est pas de t'accompagner. Ce qui me tue vraiment : c'est que je tiens assez à toi pour vouloir t'aider de mon mieux, jusqu'au bout. Même si après ça on devra se dire adieu. Alors je t'en supplie : ne fout pas tout en l'air parce que tu crois avoir de bonnes excuses. T'as aucune excuse. Et si t'as mauvaise conscience suffit de me voir comme un tampax émotionnel : quand t'auras fini de saigner j'irais à la poubelle. "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 18 août 2012, 15:06:19
Clara, effectivement, se morfondait dans la chambre, en proie à ses démons intérieurs. Ils revenaient l’assaillir par vagues successives, des voix méchantes qui ne cessaient de mettre en exergue ses défauts, de l’attaquer, de l’agresser, et qui revenaient sans que Clara ne leur ordonne de venir. Elle se réfugiait dans la musique qu’elle écoutait, dans sa playlist qui diffusait également des morceaux de Shii, des musiques moins explosives, plus tristes, plus calmes, plus adaptées à ce qu’elle ressentait en ce moment. Elle écoutait ainsi une musique de choix, Maybe Tomorrow Is A Better Day, tout en essayant de faire le vide, tâche très difficile, dans sa tête.

*Tu les as abandonnés. Tout ce qui a suivi est de ta faute, Clara.
Tu te crois forte, mais tu n’es qu’une épave. Toute ta force de caractère n’est que du flan, un masque que tu imposes aux autres pour dissimuler tes faiblesses. Toi et moi, nous savons très bien ce qu’il en est, nous savons très bien pourquoi tu agressais ces intellos dans le lycée.
Que serais-tu sans Mélinda ? Rien d’autre qu’une épave, un déchet. Les gens te regarderaient avec mépris, car c’est tout ce que tu mérites. TU LES AS ABANDONNÉS. Il n’est pas de pire CRIME que ce que tu as FAIT, Clara ! Mais tu ne peux pas t’en vouloir, car tu es comme ton père, dans le fond. Tu connais le dicton, Clara, hein ? Une pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre qui l’a fait fleurir. Tu es LÂCHE et FAIBLE, comme lui, une MINABLE, et RIEN de ce que TU pourras FAIRE ou DIRE ne viendra jamais changer cet état de fait. Tu comprends, j’espère ? C’est dans tes GÈNES !
*

On toqua à la porte, mais elle n’y fit pas attention. A l’instant, Marko affirmait dans ses oreilles qu’il était convaincu que demain serait un jour meilleur, et elle vit ensuite Hitomi entrer. Soupirant, Clara arracha ses écouteurs de ses oreilles. Elle était toujours assise contre le mur, presque en position fœtale, perdue dans ses pensées. Hitomi se mit à parler, à lui tenir le crachoir en lui offrant un discours assez long, dans lequel elle tentait de se justifier, et de prouver à Clara qu’elle était venue à Tokyo pour elle, et que Makiko aurait du être les festivités après Clara.

*Une belle petite brune pour se remettre du calvaire de m’avoir supporté ?*

Clara ne savait plus trop quoi penser, et se sentait fatiguée. Elle ferma les yeux. Tout ce qu’elle avait envie, c’était qu’Hitomi lui foute la paix. Elle avait envie de lui gueuler dessus, de lui dire d’aller se faire foutre, de se faire enculer par une armée de gorilles en rut, mais aucune de ces insultes ne sortait de sa bouche. Elles auraient été fausses, de toute manière. Elle se contenta de fermer lentement les yeux, son corps émettant quelques discrets tremblements, au fur et à mesure qu’Hitomi montait à l’assaut. Elle ne marchait pas vers elle, mais les mots qu’elle lançait lui faisaient l’effet de coups de poings dans le corps, cherchant à rompre son armure.

« Je sais que j'en rajoute, mais là je te dis exactement ce que je pense, Clara. Ce sera pas quelque chose que tu devras subir, et tu pourras pas te battre ou fuir non plus. Tu devras tenir, c'est tout ce que tu pourras faire. Et ça, Mélinda ne peut pas te l'avoir appris parce qu'elle ne sait pas le faire. Tu peux me croire, sur ce point je la connais mieux que toi. Et là t'es en train de subir, Clara. Quand j'ai ouvert la porte et que je t'ai vue comme ça, seule dans ton coin, en train d'attendre, la première idée qui m'est venu c'est que t'attendais Kenji pour en prendre plein la gueule. »

Aucune excuse... Non, Clara n’en avait aucune. Elle les avait abandonnés, et les avait laissés s’écrouler toutes seules, sans jamais revenir en arrière. Elle avait fait sa petite vie à Seikusu, sans se douter des ravages que sa fugue provoquerait. Clara ne sourcilla même pas de voir à quel point les discours d’Hitomi revenaient sans cesse à Mélinda, comme si elle essayait de se comparer à elle, de se séparer d’elle, de se montrer qu’elle n’avait pas besoin de la vampire dans sa vie... Clara pensait que c’était là un fieffé mensonge, mais elle avait déjà suffisamment de problèmes comme ça sans se soucier des problèmes entre la senseï et Mélinda. Elle savait qu’elle était le dernier véritable lien qui unissait encore la vampire à Hitomi, et elle savait que Mélinda avait ramené Hitomi pour que ce lien se termine, et pour qu’il ne reste plus rien d’Hitomi que des souvenirs, des souvenirs qu’on entasserait dans les placards, et qui, progressivement, seraient ensevelis sous la montagne d’autres souvenirs. Mais, pour le moment, Hitomi était bien là, face à elle, et Clara ne dit rien.

Elle fixait le sol, et finit par parler au bout d’un temps interminable, se sentant à nouveau sur le point de pleurer, se rappelant ce qu’elle avait vu dans la lettre. Elle en voulait à Mélinda, lui en voulait de ne pas lui avoir dit dans quel état était sa famille, lui en voulait d’avoir cherché à rentrer en contact avec elle (et, bien que ces deux raisons étaient contradictoires, ça n’empêchait pas que Clara les ressente), elle en voulait à Shii, elle en voulait à Hitomi, elle en voulait même à cette Makiko dont elle ne savait rien, si ce n’est qu’elle était timbrée et avait tout du garçon manqué, la beauté en plus, elle en voulait à sa mère, elle en voulait à son père, elle en voulait à Kenji (même si il était mort), elle en voulait à sa sœur... Et, en définitive, elle en voulait surtout à elle-même.

« Je les ai abandonnés » finit-elle par dire sur un ton faible.

Quelques sanglots vinrent ponctuer cette affirmation. Ça n’avait rien à voir avec Mélinda. Bien au contraire, c’était elle. Ça avait toujours été elle, qui était faible. Elle secoua lentement la tête.

« Je n’ai aucune excuse à fournir... J’ai fui, je suis partie avec un minable, et je le suis toujours... »

Un déchet dont la société voudrait se débarrasser, voilà ce qu’elle était. Elle sentit une envie irrépressible de pleurer, envie qu’elle tentait de refouler en fermant les yeux, en les fermant à en sentir ses oreilles trembler, à s’en faire mal. Ses iris s’humidifiaient, sa vision se troublait.

« Comment je peux les aider, alors que je suis incapable de m’aider toute seule ? »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mardi 21 août 2012, 17:59:30
Mélinda doit déjà bien rigoler en imaginant ce qui se passe. En tous cas elle s'en paiera une bonne tranche quand Clara lui racontera. La lycéenne est en train de craquer, et ce n'est pas forcément un mal. Ce n'est pas ça qui va faire rire la maîtresse vampire : c'est le petit goût de vengeance qu'aura toute cette histoire. Elle me connaissait mal, mais juste assez bien pour savoir que je m'en mêlerais et que j'irais au bout quoi qu'il en coûte. Je ne pense pas que les choses tourneront si mal que ça, au contraire. Si toutefois Clara ne tient pas le choc je devrais la laisser partir brisée, et j'aurais beaucoup de mal à encaisser cet échec. Si elle tient le coup et arrive à se relever pour aider sa famille je devrais la laisse partir quand même. Mélinda savait peut-être depuis le début qu'entre nous plus rien n'était possible, ou peut-être pas. Ça ne change rien. Elle m'aurait fait du mal jusqu'au bout.

Mais ce n'est pas à Clara de payer pour ça. Elle est peut-être ou peut-être pas l'instrument de la vengeance de Mélinda. Ça ne doit pas compter. Elle est une personne à laquelle je tiens, et pour laquelle je peux encore être là quand elle en a besoin. Ce serait plus facile de la coller à la porte, de jouer la mauvaise foi pour cacher à quel point ça me fait mal. J'ai essayé une fois, et je n'ai pas été capable d'en rester là. Et maintenant c'est à elle que je dois un dernier effort. J'ai très peu de temps pour lui enfoncer dans le crâne qu'elle est plus forte qu'elle le croit, et qu'elle a voulu le montrer à tout le monde. D'ailleurs elle doit bien savoir qu'elle ne trompait personne, et ça doit être encore plus insupportable.

Je la rejoins à grands pas pour m'accroupir en face d'elle alors qu'elle commence à pleurer. Je tend la main pour lui caresser la joue, et l'inviter à relever les yeux vers moi.

" Tu as raison : tu es incapable de t'aider toute seule. Mais c'est parce qu'on ne peut aider que les autres. Je suis là pour ça, et Makiko aussi. "

Je me mord la lèvre un instant. Mon cœur vient de s'emballer d'un coup, et j'ai les yeux qui commence à chauffer. J'avale ma salive.

" Tu crois que je voulais t'expédier vite-fait et aller m'envoyer en l'air ?... Non. Je suis venue pour t'aider, vraiment. Mais quand tu seras partie, moi j'aurais besoin de quelqu'un pour m'aider à encaisser. "

Je souffle un bon coup. Je dois me battre pour lui dire tout ça, et c'est vraiment difficile d'enchaîner aussi vite. Deux idées vraiment douloureuses me tournent dans la tête : je me défonce pour quelqu'un qui ne pourra plus être mon avis, et je fais peut-être plus de mal que de bien.

" Regarde-moi, Clara. Tu n'as pas à t'en vouloir. Tout le monde est faible et tout le monde fait des erreurs à un moment ou un autre. Tu ne pouvais pas rester avec elles et avec ton père. Tu ne pouvais pas refuser de croire à ce que Kenji te promettait. T'arrêtes pas de dire que je suis une chaudasse alors tu peux me croire : les manques affectifs et les minables ça me connaît un peu. "

La différence c'est que moi, les minables, je les perçais à jour assez vite pour les lourder.

" Elles ont besoin de toi, Clara. Et toi aussi tu as besoin d'elles. Tu avais toutes les raisons de fuir avec ce minable, parce que personne ne voulait te retenir assez fort. C'est si tu recules aujourd'hui que tu n'auras pas d'excuses. Tu n'as pas le choix, de toutes façons. Et tu as une chance d'au moins mettre un terme à tout ce que vous avez subi en étant séparées. "

Ma main quitte son visage pour dévaler son bras. Je la prends par la main et je serre sans la quitter des yeux.

" J'ai toujours su que tu cachais tes faiblesses en emmerdant le monde. Mais je ne serais pas là si je ne te croyais pas plus forte que ça. "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mercredi 22 août 2012, 01:55:17
Toute cette pression, toute cette pression, c’était trop dur... Si seulement Mélinda avait voulu venir avec elle... Clara se sentait étrangement tellement forte en sa compagnie. Séparée d’elle, elle affrontait ses propres démons, avec pour seule alliée... Une prof’ ! C’était risible ! Clara se serait volontiers giflée pour s’être mise dans une telle situation, et n’arrivait plus à refouler ses larmes. Prostrée dans un coin de la chambre, elle fermait les yeux, sentant ses derniers s’humidifier, et versa de nouvelles larmes. Hitomi, de son côté, se rapprocha d’elle, et se mit à lui parler. Clara ne dit rien, mais écouta. Hitomi essayait de la réconforter. Elle sentait la douce main de la prof sur sa joue, et sentait son cœur se serrer dans sa poitrine, devenir de plus en plus lourd. On en a gros, comme dirait l’autre. C’était le cas pour Clara, mais ça n’avait rien d’humoristique ; elle en avait sacrément gros.

« Regarde-moi, Clara », demanda-t-elle.

Clara obéit, relevant ses yeux rougis, ses joues gonflées. Elle ne se retenait plus de pleurer. Hitomi remuait le couteau dans la plaie, lui certifiant qu’elle était venue pour elle, et qu’elle s’enverrait en l’air avec Makiko ensuite. Si ça pouvait lui faire plaisir...

« Tu n'as pas à t'en vouloir. Tout le monde est faible et tout le monde fait des erreurs à un moment ou un autre. Tu ne pouvais pas rester avec elles et avec ton père. Tu ne pouvais pas refuser de croire à ce que Kenji te promettait. T'arrêtes pas de dire que je suis une chaudasse alors tu peux me croire : les manques affectifs et les minables ça me connaît un peu. »

Elle pleura à nouveau, et des sanglots jaillirent de sa gorge. Clara pleurait comme une sale fillette, et elle avait envie de se gifler encore plus pour ça. « Tout le monde est faible »... Si elle avait été en meilleur état, Clara aurait pu se dire qu’une autre femme aurait pu tenir le même discours. Peut-être que ça ne pouvait jamais marcher entre Mélinda et Hitomi pour ça : parce qu’elles se ressemblaient bien plus qu’elles ne désiraient l’admettre. Les deux avaient des manques affectifs, et un ego disproportionné, les amenant sans cesse à rejeter sur l’autre l’échec de leur relation. Clara n’était toutefois pas une conseillère conjugale, et cette réflexion partit aussi vite qu’elle était venue. Elle se blottit contre le corps d’Hitomi, et se sentit céder. Ses murs s’écroulèrent devant ce torrent de sentiments, cette espèce de déferlante qui la balaya, et la força à évacuer le trop-plein. Elle ne pouvait pas vraiment dire qu’elle souffrait, mais... C’était comme s’il y en avait trop d’un coup, et que son corps se doive de pleurer pour évacuer tout ça.

« Dé... Désolée... ! »

De nouvelles larmes jaillirent, alors qu’elle se pressait contre le corps d’Hitomi, sa tête posée entre ses seins. Elle finit par la tourner, renifla, essaya de se calmer, son nez frottant du coup entre les deux délicieux seins de la senseï, avant qu’elle ne relève la tête, et ne se mette à parler.

« Je... Je le pensais pas vraiment, vous... Vous savez... C’est... C’est juste que-que... C’est parce que je tenais à vous... Vous avez beau avoir faits tourner en bourrique ma gardienne, je vous aime bien quand même... »

C’était honnête, au moins. Clara écarta lentement sa tête, et baissa les yeux. Une main passa sur ses derniers, et elle entreprit de se relever, avant de prendre dans sa main celle d’Hitomi, et de lui faire un petit sourire.

« Je sais que ça ne changera rien, mais... Je suis triste que ça ait pas pu marcher entre vous et... Enfin, vous voyez, quoi... Je suppose que c’est mieux ainsi... Mais j’en suis pas franchement sûre... »

Elle soupira longuement, et relâcha la min d’Hitomi, puis haussa les épaules.

« Enfin... On s’en fout, de toute manière... »

Clara soupira, et, fidle à elle-même et à ses changements d’humeur, sortit, et se mit à parler d’une voix forte :

« Makiko-san, avez-vous un genre de console de jeux vidéos où il faut éclater des zombies avec une batte de base-ball ? Ça me ferait le plus grand bien ! »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le vendredi 24 août 2012, 22:27:55
Tourner en bourrique ? Elle est bien bonne, celle-là. On s'est consciencieusement et copieusement pourri la vie, toutes les deux. C'est peut-être d'avoir retrouvé Kyle, ou d'être dans cet appartement, en tous cas ça fait moins mal qu'avant d'y penser. Après tout, on est toujours mieux qu'ailleurs dans sa chambre. Bizarre que Clara ait filé directement ici, où j'ai dormi pendant des années. Le peu que j'ai dormi ces années là. Mine de rien cette chambre en a vu. C'est peut-être mon côté irlandais, j'imagine le petit lutin qui aurait pu se cacher dans cet appartement. Il n'aurait été joyeux tous les jours.

En tous cas Clara semble s'être bien défoulée. Je lui caresse le visage pour en chasser les larmes qui lui ont échappé. Et mon sourire n'est pas si forcé que ça.

" Je sais, Clara... Moi aussi je regrette. Mais c'est mieux pour tout le monde. "

J'en suis de plus en plus convaincue, mais pas elle apparemment. Au moins elle a retrouvé un peu de contenance. Elle veut se soigner en massacrant du zombie sur grand écran ? Connaissant mon ancienne coloc' ça doit pouvoir se faire.

" C'est dans l'ancienne chambre de Yukio ! Montre-lui, Hitomi-chan !
- Finalement t'en as fait quelque chose, alors ?
- Ouais, comme j'ai dit : ça sert à rien. "

Et pour servir à rien... Je guide Clara à deux enjambées de là, dans une chambre à peine plus grande que la mienne. Même si je suis surprise de le voir, je dois dire que je m'attendais à ce genre de choses : une grand écran plat posé sur un meuble avec au moins trois consoles de jeu. À l'autre bout de la pièce un canapé et une table basse à roulette. Des manettes, télécommandes, boîtes de jeu qui traînent partout, et même des vêtements. D'ailleurs je file ramasser ces dernier, morte de honte que Clara voit cet endroit dans un tel état.

" Makiko-chan ! T'es toujours aussi soigneuse !
- Je me suis vachement améliorée !
- Et tu fais quoi là-bas, toute seule ?
- À manger ! T'as dit que t'avais faim ! Ho ! Clara ! Fait pas attention, les jeux sont sans doute pas dans les bonnes boîtes ! "

Génial ! Clara est à peine calmée que c'est moi qui stresse. Je passe devant la lycéenne en m'excusant, les bras chargés de pantalons de pièces de kimonos, de vestes, de sweats, de débardeurs, et même un string qui dépassait d'entre les coussins. Déjà que lorsqu'elle n'habitait pas seule elle était une vraie tornade. Je file vers la cuisine avec le tas de linge pour trouver la grande brune en train de jouer du couteau sur une bande de pauvres poissons morts. Heureusement que le bac à linge sale est toujours au même endroit. Je tasse tout en pestant.

" Je croyais que t'avais fait le ménage !
- Je pensais pas qu'on irait dans la chambre de Yukio...
- Et qu'est-ce que tu fais, là ?
- Des sashimis.
- Tu vas encore ruiner la cuisine. "

Makiko se fige une seconde, et moi aussi. Soudain elle pose le couteau pour éclater de rire.

" Tu t'entends, ma pauvre ! On dirait qu't'habites encore ici ! "

J'arrive à en sourire, même si mes lèvres sont crispées. C'est vrai que d'un coup j'ai l'impression que je suis à la maison, que Sakura va sortir de sa chambre, les cheveux ébouriffée, au bras de Yukio. C'est la pression, et le fait de me retrouver ici, avec cette ado attardée de Makiko. Tant de choses n'ont pas tellement changé. Peut-être que je veux agir comme à l'époque pour me convaincre que moi non plus ? Je soupire en secouant la tête, le front baissé dans une main. Reprend-toi, Hitomi ! Tu as changé, comme tout le reste. On ne revient pas en arrière si facilement, on ne revient pas du tout en arrière. Et même si on pouvait, est-ce que ça vaudrait le coup ? Non, et pour une très simple raison. Kyle.

Makiko ne me laisse pas le temps d'en placer une. Elle s'essuie les mains sur son tablier avant d'ouvrir le frigo et de me charger les bras de cannettes de sodas et de jus de fruit.

" Va t'occuper de ton élève, sensei ! "

Je lui sourie avant de vite aller trouver Clara, qui n'a sans doute que l'embarras du choix dans tout ce bazar.

" Alors ? Tu as trouvé ton bonheur ? "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 25 août 2012, 04:45:07
Va pour l’ancienne chambre de Yukio, alors... Clara se fit l’idée d’une pièce remplie de toiles d’araignées sinistres, de sacs de poussières, de meubles en ruines... Alors qu’elles traversaient le couloir y conduisant, la lycéenne sentit sa poche vibrer contre sa peau, et s’empara rapidement de son portable. L’annonce « 1 nouveau message » apparut sur l’écran du portable, mais elle n’eut pas le temps de le lire, car elle entrait dans la chambre du question...

« On dirait la mienne quand Shii n’a pas fait le ménage... » commenta brièvement Clara, une ou deux secondes après avoir missa tête à l’intérieur.

C’était en effet un beau bordel. Il y en avait partout. Des fringues qui s’étalaient par terre, sur le lit, des boîtiers de jeux qui étaient ici ou là. Bioshock, Left 4 Dead... Elle voyait brièvement les jaquettes, tandis qu’Hitomi, étrangement morte de honte, s’amusait à ramasser les fringues. Elle ressemblait à ce personnage des mangas surexcité qui poussait de grands cris hystériques en voyant une situation compliquée, et qui se transformait en une espèce de Flash, nettoyant en vitesse grand V l’intérieur de la pièce. Mains dans le dos, Clara s’écarta poliment, tandis qu’Hitomi, chargée comme un docker, sortit de la pièce.

*’Sont space, ces nanas...* se dit Clara.

Elle haussa les épaules, et pensa alors à consulter son message. Il était concis, mais parvint malgré tout à lui arracher un joli sourire. Il émanait de Mélinda :

« Tu n’es pas seule, je pense à toi. Sois forte, et ne doute pas de tes capacités, ma grande.

M.
»

Tu n’es pas seule... Un aveu à peine voilé. Mélinda n’avait pas envoyé Hitomi avec Clara pour qu’elles se réconcilient, mais bien pour que Clara crève l’abcès. Cette dernière avait l’affreux sentiment de s’être fait manipulée par Mélinda, d’avoir été amenée à raconter son si douloureux passé à une femme qu’elle ne reverrait plus jamais qu’à travers l’intermédiaire de bulletins de notes... Mais c’était du Mélinda tout craché. Il n’y avait qu’elle pour faire ça. Néanmoins, il n’y avait pas que de l’amertume dans le cœur de Clara à la lecture de ce message, mais aussi du plaisir. C’était la preuve que Mélinda s’intéressait à elle. Clara hésita à répondre, ne sachant pas trop quoi lui dire. Merci de t’être foutue de ma gueule ? Gros bisoux tout pleins ? Elle décida de ranger son portable, et se pencha dans une quête aussi difficile que se réconcilier avec sa famille : trouver un jeu vidéo. Elle ouvrit la boîte d’un Call of Duty, et vit deux jeux en jaillir, l’un tombant sur la moquette. Dead Space 2 se battait en duel avec Battlefield 3. Une hérésie qui aurait amené bien des noobs à pousser des cris désespérés. Clara s’empara de Dead Space 2, et le mit dans le lecteur. Défourrailler des Nécromorphes à tire-larigot, leur éclater les membres et aplatir leurs sales gueules sur le bitume de la station spatiale de la Méduse, c’était tout ce dont elle avait besoin.

Elle eut le temps d’avancer dans un couloir avant que son téléphone ne se mette à sonner. Ce n’était pas un message, mais un appel. Grognant, Clara s’empara de l’objet, et vit le nom de l’individu qui venait la déranger : Shii. Soupirant lentement, puis arquant un léger sourire, Clara prit l’appel. Shii voulait se renseigner, et Clara lui parla donc de sa journée. Comme il n’y avait, ma foi, pas grand-chose à raconter, elle eut rapidement fait le tour, venant ensuite à l’essentiel.

« Je suis sûre que ta mère sera folle de joie de te revoir... Tous ses courriers vont dans ce sens.
 -  Je sais, répondit Clara. Mais ça ne rend pas les choses faciles pour autant. »

Shii la tint brièvement au courant des actualités du manoir. Là aussi, il n’y avait pas grand-chose à raconter. Akira continuait à préoccuper Mélinda, et cette dernière semblait avoir une idée. Shii n’en savait pas plus, et Clara, de toute manière, s’en foutait pour le moment. Elle était surtout préoccupée par sa mère, et sa conversation avec Shii, cette brave Shii, se termina bien rapidement. Soupirant lentement, Clara s’approcha ensuite du téléviseur, et commença à jouer... Cinq minutes, avant qu’Hitomi ne débarque.

*C’est un complot...*

« Alors ? Tu as trouvé ton bonheur ? » s’enquit-elle.

L’intéressée se contenta d’hausser les épaules, et montra l’écran, où Isaac était en train d’affronter dans un métro où il flottait des Lurker bien moches.

« Yep ! Vous avez apporté de la boisson ? Je veux bien un soda ! »

Clara le réceptionna, l’ouvrit, et but quelques gorgées, avant de se tourner vers la senseï. Leur dernier moment d’intimité... Mais il ne se passerait rien de ce genre-là. Cette époque était révolue, pour le meilleur et pour le pire. Sur le coup, Clara se rappela qu’Hitomi devait probablement ne pas connaître l’existence d’Akira... Il aurait sans doute été intéressant de lui en parler, de lui dire qu’elle n’avait plus à s’en faire pour Mélinda, car elle avait désormais une remplaçante... Rien que pour savoir ce qui brillerait dans son regard : du soulagement ? Ou de la jalousie ? Ça pourrait être tentant... Mais Clara réussit à tenir sa langue. Si Mélinda ne lui en avait pas parlé, c’était bien qu’elle ne lui faisait plus confiance, et qu’elle ne voulait plus l’impliquer dans ses affaires. Qu’elle fasse sa vie avec son mec, et basta !

« Merci... » fit-elle en buvant son soda.

Son estomac se mit alors à gargouiller, et Clara rougit.

« Je... Je crois que j’ai un petit creux... » avoua-t-elle.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 27 août 2012, 22:11:48
J'imagine que le carnage méthodique que Clara perpètre en HD est bon signe. Je pose les réserves de boisson sur la table avant de m'asseoir à côté d'elle et... Et quelque chose me serre le cœur. À l'avoir comme ça, si près de moi mais si concentrée sur autre chose, j'ai l'impression d'être déjà redevenue une étrangère. J'ai beau m'être faite à l'idée ça fait mal de se prendre ça en pleine poire. Je m'enfonce dans le canapé pour siroter un jus de pomme d'un air absent. Mon regard dérive de l'écran vers la fenêtre. Je n'ai plus rien à faire qu'attendre. Attendre la nuit, puis le lendemain, la rencontre avec la famille de Clara, puis son retour à Seikusu. En fait je commence à me dire que si les choses ont l'air de bien se passer avec sa mère, je m'esquiverais sur le moment. Elle partagera ça en rentrant avec toutes celles qui ne sont pas venues.

Toutes celles que je ne reverrais jamais, du moins pas comme avant. Bordel ! Le jour où j'ai rencontré cette conne j'aurais vraiment dû l'envoyer en colle. Si j'avais su à quel point elle allait me briser le cœur je n'aurais pas hésité. Mais je l'aime encore assez pour m'inquiéter pour elle, c'est plus fort que moi. Ça se tassera avec le temps. De toutes façons elle ne m'a jamais aimée pour ce que j'étais, seulement pour ce qu'elle voulait faire de moi. Comme toutes les autres, à en juger par ce que j'ai appris ces derniers temps. Je ne pense pas qu'elle trouvera ce qu'elle veut en s'y prenant comme ça, mais je ne peux même plus le lui dire. Elle prétend chercher une mère, mais ce sont les parents qui font leurs enfants, pas l'inverse. Et je n'étais pas une gamine brisée quand je suis tombée entre ses griffes.

Je me passe une main sur le visage en soupirant. Inutile de ressasser. Tout est déjà fini entre elle et moi. J'espère juste que ça ira bien pour tout le monde. Quand Clara parle à nouveau je mets une petite seconde à percuter.

" Makiko prépare des sashimis. J'espère que ça te va ? "

Je suis claquée. Je voudrais déjà être à demain soir, que tout soit fini. Quelle conne j'ai été, d'un bout à l'autre ! Au moins dans vingt-quatre heures elles seront toutes loin pour de bon. Je pourrais enfin mener la petite vie tranquille qui m'attend avec Kyle. Être avec un super-héros n'a rien d'une petite vie tranquille à première vue, mais comparé à ce que Mélinda prétendait m'offrir ce sera le paradis. Plus qu'à passer cette soirée, tenir encore un peu pour Clara, et cette partie de ma vie sera derrière moi.

Je commence même à digérer ce qui me reste en travers de la gorge depuis déjà longtemps. Avant la Vampire et Gabriel, je n'avais jamais eu à quitter des gens en si mauvais termes. Encore moins des proches qui vivraient encore dans la même ville que moi. Je me suis déjà séparée de beaucoup de monde, en fait je ne fais que ça. De ma vie de famille à mes amours ou mes amitié, tout ne s'est finalement fait qu'entre deux voyages. les choses ont toujours été ainsi. Le temps que je passais avec les gens était compté. Je n'avais pas une seconde à perdre puisque quelqu'un devrait repartir chez lui, déménager à la fin de l'année. Je pars au quart de tour dans tous les domaines parce que le temps est trop précieux. Mais ça ne m'avait jamais joué un tour pareil.

Et même si c'est encore loin de prendre la pas sur tout le reste, une idée très simple commence à faire son chemin : dommage, mais de toutes façons on collait pas ensemble. J'espère que Mélinda finira par s'en rendre compte elle aussi.

Je suis soudain tirée de mes pensées par un coup contre mon mollet. Makiko se penche déjà pour déposer ses plateaux de sashimis et d'amuse-gueules. Tradition culinaire japonaise et mal-bouffe ? une vraie métaphore de la grande brune. Elle n'a pas besoin d'ouvrir la bouche, je lis ses reproches dans son regard. Je me redresse sur le canapé alors qu'elle va s'asseoir à l'autre bout, à côté de Clara.

" Dead Space 2 ?... On aurait peur de se faire mette un score sur Black Ops ? "

Je ne sais pas trop comment Clara va le prendre, mais Makiko pioche déjà la boîte de Borderlands pour l'ouvrir sur le disque de Call of Duty. Après tout ça ne lui fera peut-être pas de mal de s'amuser avec quelqu'un qui s'y connaît dans ces trucs-là.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mercredi 29 août 2012, 23:00:34
« Makiko prépare des sashimis. J'espère que ça te va ? »

Hochement de tête confirmatif. Tant que c’était comestible, c’était tout ce dont Clara avait besoin. Elle hésita un peu, mais, comme elle n’avait rien à dire à Hitomi, elle préféra retourner sur Dead Space 2. Elle espérait juste que toute cette histoire se terminerait rapidement. Une page était en train de se tourner dans sa vie, une page très importante, et elle essayait de ne pas y repenser, sachant qu’y songer ne l’amènerait qu’à angoisser encore plus. Elle se concentra donc sur les horreurs pixellisées défilant sur l’écran plat, ouvrant le feu avec Isaac, rechargeant son Cutter-Plasma pour viser les Lurker et les éclater dans des soupirs et des hurlements. La mort digitalisée lui permettait de s’absorber... Jusqu’à ce que Mikako entre avec les plats. A l’envie de massacrer tout ce qui bouge sur grand écran se mélangea celle de satisfaire son estomac. Elle accepta donc sans hésitation les plats de Makiko, tandis que cette dernière s’installait à côté d’elle.

« Dead Space 2 ?... On aurait peur de se faire mette un score sur Black Ops ? » la nargua-t-elle.

Touchée à vif, Clara fronça les sourcils, et répliqua rapidement sur le même ton :

« Hey ! J’ai réussi à tenir jusqu’à la dix-huitième manche toute seule contre les zombies ! Tu parles à une pro’, ma petite ! »

Le défi était lâché, les paroles dites. Impossible de revenir en arrière. Les rangs des zombies allaient devoir recruter sous peu à la fin de la soirée, mais c’était tout ce dont Clara avait besoin. Que cette soirée passe le plus vite possible. C’était ça qui la tuait, cette attente, ces longues heures inutiles avant d’arriver aux choses sérieuses. Comme quand on se préparait à passer un Oral important en étant convoqué à 08h00, tout en sachant qu’on le passerait à 10h00. Deux heures interminables, où tout ce qu’on espérait était de passer ça, afin d’en être débarrassé, et de profiter le plus longtemps possible de cette courte période d’insouciance, celle entre l’examen et les notes. On aurait ensuite tout le temps de pleurer, que ce soit de joue ou de colère. Clara était dans cet état. Le processus était enclenché, et elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle ne souhaitait donc qu’une seule chose : que ça passe vite, qu’elle fasse une grasse mat’, afin de se réveiller à 11h30, d’avoir le temps de se doucher, de manger un truc, d’enfiler quelque chose, puis d’aller déposer la lettre, et, ensuite, d’attendre au café en priant tous les Dieux de Terra pour que ça se passe vite.

Clara se coucha donc assez tôt, à 23h. A l’heure des poules pour elle. Elle remercia Makiko pour son hospitalité, et se rendit dans la première chambre qu’elle avait vu, et se glissa dans le lit, laissant Hitomi et Makiko. Le soleil la fuyant comme la peste, elle tenta de se replonger dans Mosby. 23h05. A 23h15, en réalisant qu’elle lisait toujours la même page, Clara reposa le bouquin, sortit son portable, et envoya des SMS. Elle répondit à Mélinda, puis à Shii, et envoya d’autres textos à d’autres connaissances qui lui demandaient si elle voulait passer chez elles dans la nuit. Ça risquait d’être compliqué. Il fut 23h35 quand elle tenta enfin de s’endormir. Éteignant les lumières, Clara enfila ses écouteurs, et ferma les yeux. Signs of Life l’accompagna dans son sommeil. Les paroles la guidèrent, formant comme un écho à ses propres pensées : « Your love is a kiss, my undying wish/Designed to retrace the signs of life »...

Elle se réveilla à 01h15, se rendormit, se réveilla à 02h50, émergea une nouvelle fois à 04h00, et le sommeil la quitta définitivement à six heures du matin. Clara avait bougé un peu partout dans le lit, ignorant si elle avait rêvé ou cauchemardé. Elle avait l’impression d’avoir fait un cauchemar, mais ne s’en souvenait plus, n’ayant que des images confuses. Elle attrapa machinalement son portable, et constata qu’elle avait reçu, à 02h27 très précisément, un message de Mélinda, un peu plus complet que le précédent. Presque un roman écrit sans aucune abréviation. C’est à ça qu’on reconnaissait ses messages. Le langage est une trop belle chose pour qu’on le charcute avec des abréviations stupides, expliquait-elle de sa voix de velours, tranchante, autoritaire, mais empreinte de douceur.

« Je sais que tu penses que je t’ai joué un vilain tour, et que tu aurais sans doute préféré que je vienne avec toi, Clara. Mais tu dois savoir que je n’aurais pas été un bon soutien. Tu me connais ; j’ai trop souvent tendance à monopoliser la conversation et l’intérêt des gens. Voilà pourquoi j’ai préféré charger Hitomi de t’accompagner.

Sache qu’on n’oublie jamais d’où l’on vient. Le seul moyen d’aller de l’avant et d’évoluer, ce n’est pas en fuyant, mais en affrontant les fantômes de son passé. Je sais que tu en es capable.

M.
»

Pour que Mélinda se confie autant, il fallait probablement qu’elle ait fait auparavant l’amour. Elle avait du envoyer le SMS avec une fille entre ses seins, le corps en sueur, pianotant sur les touches avec une seule main, l’autre jouant avec les cheveux de la femme avec qui elle venait de faire l’amour. Oui, Clara l’imaginait bien dans cette position. Elle bâilla, entrouvrit délicatement la porte. Il était alors 06h20. C’était l’aurore à Tokyo, et elle s’assit dans la cuisine, les yeux perdues dans le vague, et bâilla à nouveau.

*Me voici au Jour-J... Et je ne fuirais pas.*
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le dimanche 02 septembre 2012, 16:56:18
J'ai mal dormi, ou plutôt j'ai peu dormi. J'ai cogité une bonne partie de la nuit, pour digérer, toute seule dans le lit de Yukio et Sakura. je n'allais pas m'envoyer en l'air ou même dormir avec Makiko alors que Clara était à deux portes. Ça ne l'aurait pas choquée, mais je crois que je me serais sentie encore plus mal. J'ai tout tourné et retourner dans ma tête pour finalement me dire qu'on avait évité le pire. Mélinda aurait pu me tuer ou me transformer de force. J'aurais pu craquer et lui attirer des tonnes d'emmerdements. Elle n'aura pas la mère de substitution qu'elle attendait de moi, et je n'aurais pas la fille adoptive que j'aurais dû voir plus tôt. Mais est-ce que les choses auraient vraiment été ainsi ? Je pense plutôt qu'on aurait fini par se rendre complètement dingues l'une l'autre. Et si Clara s'en sort grandie on aura au moins réussi à faire quelque chose de positif toutes les deux.

Elle vont me manquer, toutes ces petites écervelées. Mais je pouvais pas tenir la place que Mélinda voulait me donner dans leur tribu.

Je suis réveillée aux environs de six heures et demi par Makiko. Avec sa subtilité habituelle, elle vient tirer le coussins sous ma tête pour m'en donner un coup, me faisant grogner de mécontentement. Encore une chose qui n'a pas changé. Makiko est une bête de concours, elle se lève toujours tôt pour s'entraîner, quitte à rattraper dans la journée le sommeil qu'elle a rogné sur sa nuit.

" Ton élève est déjà debout, mauvaise prof ! Lève tes grosses fesses ! "

J'enfile un pantalon de pyjama et un T-shirt avant de sortir de la chambre. Une main entre de me gratter les cheveux, l'autre devant la bouche alors que je bâille à faire trembler les vitres. Et j'arrive dans la cuisine au radar avec un sourire. Heureusement que Clara a les cheveux roses, sinon je ne suis pas certaine que je la remarquerais. Makiko se dirige déjà vers la porte.

" Je reviens d'ans une demi-heure, bande de limaces ! La douche a intérêt à être libre ! "

Je souffle un petit rire fatigué en m'approchant de la lycéenne.

" Ne fait pas attention, elle toujours comme ça le matin. Pendant trois ans on a pas eu besoin de réveil à cause d'elle. "

J'arrive à portée pour lui masser le bras. Vu sa tête je ne lui demande pas si elle a bien dormi. Moi j'ai cogité sur des problèmes déjà réglés. Elle, son épreuve est encore devant.

" Ça va ? "

Puis une fois qu'elle m'a répondu, je me tourne vers les placards.

" Qu'est-ce que tu prends au petit déjeuner ? "

ça ira forcément mieux avec quelque chose dans le ventre. En tous cas, pour moi, ça marche en général.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le lundi 03 septembre 2012, 00:01:40
Clara, qui comptait profiter un peu d’un moment de solitude, fut assez décontenancée. Makiko était debout, et Hitomi également. Avec des yeux ronds, surpris, elle regardait les jeunes femmes.

« Je reviens dans une demi-heure, bande de limaces ! La douche a intérêt à être libre ! »

Ce à quoi Hitomi rapidement, alors que la tempête Makiko venait de sortir :

« Ne fait pas attention, elle toujours comme ça le matin. Pendant trois ans on a pas eu besoin de réveil à cause d'elle. »

Ça, Clara voulait bien le croire... Clara n’arrivait pas à croire qu’elle s’était réveillée si tôt. Fervente défenseuse des bienfaits de la grasse matinée, se lever à une heure si matinale était assez inattendue pour elle. Peut-être que Makiko était une ancienne soldate, ou avait pour père un général ? Connaissant Hitomi, ça ne l’étonnerait même pas. Elle ne dit donc rien. Hitomi semblait complètement dans le coltard. Est-ce qu’elle avait aussi mal dormi qu’elle ? La question était permise... Clara n’était pas idiote ; quitter Mélinda, c’était douloureux, même quand on avait un petit ami merveilleux... Et, diable, il avait intérêt à être formidable, pour compenser ce que la perte de Mélinda signifiait ! Hitomi devait également prendre conscience qu’elles ne se reverraient plus jamais aussi intimement, qu’elle n’aurait plus jamais l’occasion de pouvoir revoir le corps nu de Mélinda allongé près d’elle, de pouvoir partager des moments d’intimité avec ses élèves, loin des tables et des interrogations.

« Ça va ? »

Léger sourire fatigue et las.

« Ça ira mieux ce soir. »

Inutile d’en dire plus là-dessus. Dans quelques heures, Clara avait rendez-vous avec son passé. Il y avait largement de quoi perturber n’importe qui. Ça lui faisait comme une indécrottable boule dans le ventre, une boule qui ne partirait pas facilement. Tout ce que ça lui provoquait, c’est une envie furieuse d’aller squatter les toilettes. Pour le coup, elle comprenait un peu mieux ce qu’un étudiant devait ressentir quand il se réveillait à 07h, et qu’il avait un Oral à 09h. Le temps qui défile lentement, cette impression d’absence, cette envie d’en finir, de passer le cap, peu importe qu’on ait réussi ou non l’examen.

« Qu'est-ce que tu prends au petit déjeuner ? »

Elle haussa les épaules.

« Un chocolat chaud avec des tartines grillées et du beurre, ça m’ira très bien. »

C’était un petit-déjeuner à la française, mais c’était ce qu’il y avait de meilleur. Comme Hitomi était près des placards, elle la laissa préparer, tandis qu’elle inspectait la ville par l’une des fenêtres de la cuisse. Tokyo ne dormait jamais. On ne pouvait donc pas dire que la ville était en train de se réveiller. Seikusu était une grande ville, mais, face à Tokyo, elle ne valait rien. C’était presque une cité-État, tant elle était vaste. La surpopulation était le problème majeur de Tokyo, à tel point que des architectes développaient des projets délirants qui faisaient le tour du monde : concevoir une pyramide géante était le dernier projet en date qui avait marqué Clara. Elle avait vu cet article chez Mélinda. Une pyramide d’une taille pouvant accueillir 750 000 personnes, pour la bagatelle de 88 trillions de yens, soit quelques centaines de milliards d’euros. Le projet l’avait amusé, mais resterait surtout théorique.

« Merci, Hitomi... »

S’arrachant de la vue des gratte-ciel et du soleil levant, Clara alla s’asseoir, et commença à manger. Le chocolat chaud lui brûla la gorge, la réveillant. Elle avait une petite mine, ce matin, et de grosses cernes noires sous les yeux. Clara avait très mal dormi, mais n’avait bizarrement nullement envie de dormir. Elle voulait juste en terminer. Elle recouvrit de beurre l’une des tartines, la trempa dans le chocolat, et mordit dedans. La tartine craqua tendrement. Clara regarda Hitomi, et sourit lentement :

« Je suppose que je dois avoir la même gueule de zombie que vous... »

Elle soupira, et regarda sa montre.

« Qu’est-ce qui se passera si Makiko revient, et si quelqu’un est dans la douche ? Je veux dire... Est-ce qu’elle coupera l’eau chaude, ou s’incrustera dans la douche ? »

Makiko avait l’air d’être cette fille franche et explosive qui ne reculait devant rien, et était volontiers sans gêne... Ce qui était autant une raison de l’aimer que de vouloir lui foutre des baffes. Une femme sur laquelle on pouvait compter... Un peu comme Clara, en somme.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mardi 04 septembre 2012, 16:49:18
Je fouille les placard pour découvrir que Makiko n'a pas changé. Pour une championne elle n'est pas adepte de diététique. Elle grignote de tout selon ses envie, ne se réprimant que sur les quantités pour ne pas se pourrir la santé. Elle a toujours fait ça. Je trouve donc rapidement de quoi contenter la lycéenne qui revient s'attabler devant un bon petit déjeuner. Pour moi : café, bien serré. J'ai besoin d'un truc qui me fasse croire que je suis réveillée. Ou qui me fasse oublié que j'ai une tronche de zombie, merci pour mon moral.

" Si le miroir de la salle de bain éclate, tu seras fixée. "

Je souffle sur ma tasse en écoutant sa question, qui me fait sourire. L'eau froide ? Makiko m'a fait le coup plus d'une fois. S'incruster ? Elle m'a l'a fait encore plus souvent. Mais elle sait se tenir.

" Non, ne t'inquiète pas. Avec une invitée à la maison elle ne fait pas n'importe quoi. "

Je sirote une gorgée de café brûlant avant de lui sourire.

" Vas-y en première, je la retiendrais au cas où. "

Je préfère ne pas plus aborder ce qui nous attend. Avec ma maladresse habituelle je risque encore de trop mettre la pression. Clara doit déjà en subir assez. En fait Makiko serait bien capable de la rejoindre sous la douche. Rien que d'y penser j'en ai des frissons. Je sais comment elle fait. Elle ne viendrait surtout pas pour se mêler de ses problèmes, d'ailleurs elle ne lui dirait pas grand-chose. On est les meilleures amies du monde, mais à aucun moment il n'y a eu autre choses. On se ressemblait trop pour ça, et les petits soins qu'on avait l'une pour l'autre n'étaient pas amoureux. je ne compte plus les fois où je me suis glissée dans les vestiaires avant une de ses compétitions, où elle m'a rejointe dans les toilettes de la fac avant un exam.

Même quand on se faisait la gueule, on était toujours fidèle au poste pour l'autre. c'est une chose qu'on a jamais eu à se demander, et qu'on ne s'est jamais refusée. Pas de parties de jambes en l'air endiablées, ni même pour le frisson de le faire dans l'urgence. Simplement pour se détendre, Faire jouir l'autre juste une fois comme pour lui souhaiter bonne chance, et chasser ce qui la dérange. la méthode a toujours payé. C'est peut-être ça qui m'a rendue accro, ça qui fait que j'ai tant besoin de m'envoyer en l'air. C'est peut-être aussi ça qui trompe tout le monde. Je m'envoie en l'air par amour, par amitié aussi, pour jouer ou simplement me défouler. En fait on aurait du se glisser dans la chambre de Clara, qui était la mienne, et elle aurait passé une bien meilleure nuit.

Je laisse donc Clara occuper la salle de bain en première. Je ne vais pas lui proposer ça. Mais une fois seule je me mordille la lèvre en rougissant. J'ai honte, mais j'espère que Makiko va vite rentrer... et que Clara restera un bout de temps sous la douche.

Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 04 septembre 2012, 17:49:21
« Non, ne t'inquiète pas. Avec une invitée à la maison elle ne fait pas n'importe quoi. »

Clara haussa un sourcil. Elle préférait ne pas imaginer à quoi Makiko ressemblait sans invitée, alors... La curiosité est parfois un fort vilain défaut, et Clara hocha la tête, puis alla chercher quelques affaires. Elle portait un pyjama assez court, plutôt sexy. Il étaitrose, en deux pièces, et, sur son shorty, il y avait écrit, derrière : « KISS *T ». Une forme de provocatrion qui convenait très bien à la jeune femme. Elle était trop patraque, hier, trop absente, pour avoir choisi un pyjama plus sobre. Elle fila dans la salle de bains, ferma la porte, et se déshabilla rapidement, puis rentra dans la cabine. La porte se ferma, et elle considéra la taille. Il y avait plus petit, et il y avait plus grand. La cabine pouvait aisément contenir deux personnes, et Clara ne se faisait aucun doute là-dessus ; elle avait contenu deux personnes. Elle connaissait suffisamment Hitomi, et se faisait une idée suffisamment claire de Makiko, pour imaginer les deux femmes se faisant des câlins endiablés le matin.

L’eau fila sur sa peau, et... Mon Dieu, ça faisait un bien fou ! Elle la monta de quelques degrés, et se laissa absorber, l’eau filant depuis le pommeau pour couler le long de son corps nu, telles des cacades aquatiques silencieuses. Elle soupira de plaisir, buvant quelques gorgées, yeux clos. Une douche lui avait toujours permis de se détendre, lui procurant un bien fou. Clara était tout à fait ce genre de femmes qui passaient une heure dans la salle de bains, non pas parce qu’elle passait un temps excessif à se maquiller, mais surtout parce qu’elle aimait sentir l’eau sur elle, la chaleur, la vapeur... C’était une expérience presque onirique, parfois, et elle pouvait laisser libre court à ses pensées...

Makiko, Hitomi, Mélinda, Shii, Tiffany, Maman... Tant de noms qui se mirent à défiler dans sa tête, au fur et à mesure que l’eau coulait. Elle ruisselait le long de tout son corps, et elle commença appliquer du shampooing sur sa chevelure rose. La teinture tenait bon sans problème, et elle ferma les yeux, s’absorbant... Chaque minute qui passait la voyait se rapprocher de cet instant fatidique où elle serait au café, à attendre sa mère. Elle n’avait qu’à fermer les yeux pour s’imaginer la scène. Elle pouvait entendre les bruits des voitures, les klaxons furibonds, les moteurs qui ronronnaient, Tokyo vivant à son allure habituelle, comme un coureur olympique en fin de course, elle pouvait voir les nombreux clients, des hommes d’affaires pressés, des couples, des familles, les serveuses épuisées à courir à droite à gauche, et elle attendant... D’où viendrait sa mère ? Une voiture ? Maman avait une voiture, mais elle connaissait Tokyo, et savait qu’on ne pouvait pas se garer dans la ville à certaines heures, mais... Est-ce que ça l’empêcherait d’essayer ? C’était le plus probable... Elle n’avait jamais aimé les transports en communs. On est serrées comme des coques de noix qu’on envoie à l’abattoir, s’expliquait-elle.

*Elle ne viendra pas à pied... Non, elle viendra en voiture... Est-ce qu’elle a toujours sa Toyota ?*

C’était une belle bagnole, une Toyota Prius que Papa lui avait acheté pour son anniversaire. Il avait touché une prime avec son boulot, et avait décidé de la dépenser dans une voiture pour Maman. Ce simple détail suffisait à angoisser Clara, lui rappelant combien elle ignorait tout de ce qui s’était passé. A quoi ressemblait sa mère maintenant ? Que lui dirait-elle ? La giflerait-elle pour avoir été une mauvaise fille ? La prendrait-elle dans ses bras en pleurant ? Ces deux hypothèses lui semblaient toutes deux aussi pires l’une que l’autre. Elles ne s’étaient pas revues depuis des mois, et Clara espérait surtout que Tiffany ne serait pas là.

*Détends-toi, Clara ! Il te faut encore glisser la lettre dans sa boîte aux lettres ! Ne pense à rien, pense simplement à l’eau qui coule sur ton corps, et laisse-toi aller, laisse le temps filer sans essayer de le retenir, laisse-toi emporter par le courant...*

Ce fut à cet instant que la porte de la salle de bains s’ouvrit.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le vendredi 14 septembre 2012, 15:34:51
Savoir Clara toute nue sous la douche à seulement quelques mètres ne m'aide pas à me calmer. La connaissant comme je la connais, je dirais même que ça rend la situation insupportable. J'angoisse encore de provoquer une nouvelle catastrophe, et plus j'angoisse plus j'ai des chances que ça se produise. Si je suis excitée par dessus le marché on coure droit dans le mur. Parce que ça commence à venir. C'est le problème quand on fait du sexe la réponse à tout. La preuve par Mélinda : si je ne m'étais pas entêtée à me serrer aveuglément la ceinture, tout aurait pu être différent. Et encore une pensée qui me fait monter le stress.

Je paries que du côté de Clara ce n'est pas plus la joie. Tout ça doit la chambouler encore plus que moi, forcément. Elle va devoir affronter des visages connus, mais aussi refaire connaissance avec sa propre famille. Rien que d'y penser ça me fait froid dans le dos : devenir une étrangère pour mes parents, ou même mes amis. Pourtant il faudra bien que ça arrive avec elle, et les autres. Toujours appuyée au plan de travail, ma tasse de café qui refroidit entre les mains, je réalise que j'ai les jambes qui tremblotent. Et aussi que mes cuisses frottent un peu l'une contre l'autre. Également que si ma tasse de café est froide, c'est qu'elle est vide. Et que d'après l'heure Makiko n'est pas près de rentrer.

J'en ai réalisé des choses, en deux secondes. Je repose ma tasse pour commencer à faire les cents pas. Les doigts croisés derrière ma nuque et les épaules tombante, je dois vraiment avoir l'air dépitée. Je le suis. Et la douche qui s'arrête pas ! Elle va passer combien de millions d'années à poils là-dedans ? Je veux mon tour. Un petit moment sous l'eau pour me détendre sans en passer par Makiko juste sous le nez de Clara... maintenant que j'y pense...

Je m'arrête au milieu de la cuisine, et je me mordille la lèvre en fixant la porte de la salle de bain. À quoi tu penses, Hitomi ? Oublie ça tout de suite ! Mais je ne peux pas. Rien que d'y penser j'ai le cœur qui s'emballe. J'avance vers la porte sur la pointe des pieds. Je suis attirée, c'est plus fort que moi, ou je me laisse seulement dominer par mes envies. Sur le moment je ne cherche pas aussi loin. J'abaisse doucement la poignée pour ouvrir. L'air est déjà chargé de vapeur, chaud et humide. S'il me restait une once de volonté elle vient de se dissoudre. Je referme la porte pour garder cette atmosphère.

La silhouette de Clara n'est pas très nette, mais je crois bien qu'elle fait exactement ce que je pensais. C'est une connerie, une très grosse connerie ! Pourtant je suis déjà en train d'ôter mon T-shirt. Je le laisse tomber dans un souffle qui n'a aucune chance de surpasser la pluie dans la cabine. Puis mon pantalon. C'est vraiment une connerie. Je viens ouvrir la porte de la cabine de douche, juste ce qu'il faut pour me glisser à l'intérieur dans le dos de Clara. Mes bras filent en douceur ceinturer son ventre alors que je penche la tête vers son oreille.

" Chhhhhhh... Je sais ce que tu en penses... Mais on en a autant besoin l'une que l'autre... "

Et j'en ai terriblement envie, une dernière fois avant de la laisser partir. Ma main droite descend vers le creux de ses cuisses alors que l'eau brûlante s'écoule sur nos corps, entre mes seins pressés dans son dos. Mon autre main reste masser son ventre alors que je chuchote encore à son oreille.

" Laisse-toi aller, Clara... Pour beaucoup de choses je suis la reine des catastrophes... mais pour ça tu sais que je suis douée. "
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le samedi 15 septembre 2012, 01:12:53
L’eau était délicieuse, vraiment. Clara adorait ça, et était en train de se shampooiner. Elle avait pris un flacon, et le répandait sur sa main gauche avant de remuer ses doigts dans ses cheveux, en fermant les yeux, et en se laissant aller. L’eau ruisselait sur son corps, formant de délicieuses cascades. Elle se passait du savon sur le corps, et en vint à frotter ses seins, glissant ensuite ses doigts près de son intimité. Il n’y avait pour autant aucune pensée sexuelle dans ce qu’elle faisait. Clara n’était naturellement pas contre le sexe, mais elle n’était pas en état d’y penser. Elle continua à se savonner, alors que, derrière elle, Hitomi s’approchait et se déshabillait. Clara ne l’entendit pas, car elle était perdue dans ses pensées. Elle envisageait d’arrêter de se doucher quand la porte s’ouvrit derrière elle, et qu’un appel d’air la fit frissonner.

« Hiii... ! »

Clara faillit hurler, mais des bras tenders serrèrent son ventre. La panique explosa en elle, et Hitomi parla alors dans le creux de ses oreilles :

« Chhhhhhh... Je sais ce que tu en penses... Mais on en a autant besoin l'une que l'autre... »

La lycéenne avait le cœur qui battait la chamade, et ne dit rien, affolée et paniquée. La porte se referma derrière Hitomi, les enfermant dans la douche, et elle sentait son cœur palpiter dans sa poitrine. Hitomi cessa de la ceinturer, et glissa ses mains sur le corps de Clara, caressant tendrement son corps. Elle pouvait sentir les seins de la femme contre son dos, s’enfoncer dessus. Tendre et délicieux... La lycéenne se mordilla les lèvres, et tenta de repousser cette femme, cette insupportable veuve noire... Mais c’était impossible. Elle rougit furieusement, sentant la température de la cabine monter en flèche, alors qu’Hitomi enchaînait, tentant de la réconforter, de la laisser se faire prendre :

« Laisse-toi aller, Clara... Pour beaucoup de choses je suis la reine des catastrophes... mais pour ça tu sais que je suis douée. »

Oui... Oui, pour ça, elle était douée, Clara le savait. Ce n’était pas pour rien que Mélinda avait adoré faire l’amour à sa charmante prof’, jusqu’à l’inviter à ses soirées orgasmiques avec ses amies. Clara rougit lentement, et se retourna, faisant face à sa senseï... Elle loucha sur le corps d’Hitomi, et comprit bien mieux pourquoi Mélinda l’aimait tant. Elle avait un corps délicieux, que ce soit ses lèvres, ses seins, ses longs cheveux écarlates glissant sur ses épaules. Elle était l’incarnation du désir, et Clara était loin d’être insensible aux charmes de cette femme.

Mais c’était une mauvaise idée... Clara voulait la repousser, lui dire de calmer ses hormones, d’aller se toucher devant un porno, mais de ne pas rester là ! Elle secoua lentement la tête, essayant de lui dire de partir, de la laisser... Mais rien n’arrivait à sortir de ses lèvres, et elle se rapprochait lentement de la femme. Hitomi était un peu plus grande qu’elle, et Clara glissa ses mains sur les hanches de la femme, caressant ses cotes délicieuses. Son petit ami devait bien avoir de la chance de pouvoir se la taper quand il le voulait...

*Il ne faut pas, Clara ! Tu ne la reverras plus après ça ! Ne te laisse pas tenter, repousse-là ! Dis-lui d’aller se faire foutre ! Si elle te voulait, elle n’avait qu’à pas faire sa crise avec son mec ! Elle veut juste te baiser parce qu’elle n’a pas eu sa dose, tu la connais, non ? Le sexe est sa drogue ! Et toi, tu n’es qu’un objet de désir pour elle !*

La voix était persuasive, mais très insuffisante. Clara rougissait, et tremblait, commençant à en entendre une autre, plus forte, plus douce, moins ferme, se mettre à parler dans son oreille, alors que son visage se rapprochait de celui de cette femme qu’elle avait détesté, jalousé, haï, aimé, et adoré...

*Quelle importance, hum ? Tu comptes établir une relation avec elle ? Sois sérieuse, Clara, elle te considère peut-être comme un simple moyen de tirer un coup, mais ça te tente aussi ! Elle est belle, attirante, qu’as-tu besoin de plus ? Tu comptes faire quoi exactement ? Te morfondre ? Tu sais très bien que tu le regretteras, si tu la repousses ! Tu as toujours eu envie de te la faire !*

Ça, c’était vrai... Hitomi avait couché avec bien des élèves, incluant plusieurs des filles de Mélinda, dont Shii, mais Clara avait toujours échappé à cette démoniaque et irrésistible femme... Ce qui n’était pas sans lui poser quelques regrets... Elle soupira donc, et embrassa Hitomi dans le cou, doucement et lentement, prenant un peu d’assurance, puis se hissa sur la pointe des pieds, remontant l’une de ses mains pour s’appuyer sur la nuque d’Hitomi, appuyant sur sa peau, à travers ses cheveux. Leurs lèvres se rapprochèrent, Clara souffla sur la bouche de la senseï, et parvint à retrouver sa voix :

« C’est une folie, Hitomi... »

Elle l’embrassa doucement, ses lèvres attrapant la lèvre supérieure d’Hitomi. Elle tira un peu dessus, et souffla, avant de rompre le baiser, de passer sa langue sur ses propres lèvres, rapidement, et d’ajouter, sur un ton un peu plus mutin :

« Mais c’est toi l’adulte, alors... »

Avec son autre main, elle vint pincer l’un des tétons d’Hitomi.

« ...C’est toi la responsable... Je ne suis qu’une innocente adolescente... »
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mardi 18 septembre 2012, 12:54:53
Faire des trucs insensés, pervertir la jeunesse, me foutre royalement des conséquences : enfin je me retrouve ! Surtout on ne dira rien à maman, mais soyons un peu honnêtes. Si Mélinda avait été là elle lui aurait fait l'amour toute la nuit. Sans doute pas aussi énergiquement que d'habitude, tendrement, en la câlinant, mais lui aurait fait l'amour quand même. Crétine de vampire, pourquoi il a fallu que tu en veuilles autant ? Puisque tu vas répondre sort de ma tête, j'ai mieux à faire que ressasser... Bien mieux.

Une connerie à rattraper, sans doute en en commettant une autre. Mais depuis le temps que cette insupportable petite peste traînait dans mes parage, si près, je ne pouvais pas résister à l'envie d'un tête à tête. Je pouvais partir sans goûter à cette petite friandise acidulée rose-bonbon. Je me mordille la lèvre alors qu'elle me pince le téton. Mais c'est déjà trop peu. Je la repousse contre la cloison carrelée, sans doute encore un peu froide, en lui imposant un baiser qui n'a rien d'innocent.

Ça me démangeait depuis longtemps, trop longtemps. Comme de serrer les doigts sur son joli petit cul, et de sentir nos poitrines presser l'une contre l'autre. Je vais la bouffer toute crue et toute nue, la faire gémir tellement fort qu'on l'entendra jusqu'à Seikusu. Et peut-être déjà planter un bon souvenir de Tokyo au milieu de toutes les horreurs qu'elle y a vécu ? Toutes ces responsabilités, je veux bien les assumer. Ici et maintenant, avec elle, et plus rien d'autre ne doit compter. Je penche juste le buste en arrière, passant une jambe entre les siennes.

" J'ai envie de toi, Clara... "

L'une de mes mains file devant, sans plus d'ambages, pour se glisser entre ses cuisses et masser ses petites lèvres. Mes yeux se plantent dans les sien.

" Très envie, depuis très longtemps... Alors si tu veux t'imposer, il va falloir être une vraie petite peste. "

Puis je me penche pour atteindre sa poitrine. Mes lèvres se referment sur son téton, ma main remontant de ses fesses pour venir pendre son autre sein. Finalement Makiko peut cavaler encore un petit moment, la douche n'est pas près de se libérer. Je suçote et mordille, je palpe et je pince, je masse et je caresse. Puisque c'est une folie je veux être bien certaine de la rendre folle.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mercredi 19 septembre 2012, 23:58:50
Acculée dans la douche, Clara était sans défense contre cette femme. Elle déployait ses charmes irrésistibles sur elle, formant comme une espèce de baume contre ses ennuis, un moyen de s’enfuir de cette oppressante réalité qui lui était tombée dessus en quelques jours. Sa famille, Tokyo... Les souvenirs refoulés qui refaisaient surface... Elle savait très bien qu’il ne fallait pas, qu’elle devrait repousser cette femme, et pas parce qu’elle était sa senseï. Oh non, Clara ne s’arrêtait pas à ce genre de détails, mais parce qu’elle ne la reverrait plus, parce qu’Hitomi avait fait un choix qui les excluait, un choix sur lequel on ne pouvait pas revenir. Elle poussa la brave Clara, l’envoyant contre le mur, et cette dernière était électrique, tremblante, voyant ce corps nu et ravissant qui se rapprochait d’elle. Prends-moi, avait-elle envie de dire. Ici et maintenant, là, dans cette douche, contre ces carreaux froids. Prends-moi et baise-moi. Elle crevait d’envie de le dire, mais aucun son ne parvenait à sortir de sa gorge sèche... Curieux, vu le taux d’humidité ambiant. Hitomi se rapprocha d’elle, et ce fut l’occasion d’un autre baiser, un sulfureux baiser, probablement le genre de baisers qui avaient fait fondre le cœur de Mélinda. Clara en ferma les yeux pour mieux l’apprécier, gémissant faiblement dans la bouche de cette femme.

« J'ai envie de toi, Clara...
 -  Haan... » se contenta de répondre Clara.

Yeux mi-clos, elle sentit les doigts d’Hitomi filer entre ses cuisses. Effectivement, elle allait vite en besogne, la prof ! ‘Pas étonnant, se dit la lycéenne, qu’elle ait trouvé un mec aussi facilement, et que ce dernier ne la lâche pas. Ils devaient faire les quatre cent coups ensemble, et Clara ne se sentit pas spécialement honteuse pour ça. Elle savait ce qu’elle faisait. Elle desserra lentement les jambes, afin de faciliter les doigts inquisiteurs et affamés d’Hitomi, tandis qu’elle tendait une main pour s’agripper à la nuque de la prof’. Clara était pour le moment en train de subir, se remettant du choc, essayant de retrouver ses repères.

*Te voilà bien, ma brave Clara... Tu t’es toujours dit que tu repousserais cette femme, si jamais elle en venait à te prendre en traître... Qu’il était inconcevable de coucher avec un prof’... Et là, à moins que je ne m’abuse, c’est PRÉCISÉMENT ce que tu es en train de faire ! Alors, qu’attends-tu pour la repousser ? Fixer clairement la limite ?*

Clara était rouge au niveau des joues, voyant l’eau du pommeau tomber sur la tête d’Hitomi, plaquant ses magnifiques cheveux flamboyants sur sa tête. Fuir était impossible, Clara était acculée, et elle vit Hitomi la regarder. Une véritable dominatrice. Clara était sûre que Mélinda avait du fantasmer sur elle en tenue de cuir, avec des bottes et un martinet. Clara, en tout cas, se mit à fantasmer dessus.

« Très envie, depuis très longtemps... Alors si tu veux t'imposer, il va falloir être une vraie petite peste. »

Clara fronça les sourcils. S’imposer ? Ma foi, c’était un défi intéressant... Un sourire vint éclairer les lèvres de Clara, mais, encore une fois, elle ne dit rien, car Hitomi se pencha sur elle, et vint s’attaquer aux seins de la lycéenne aux cheveux roses. Cette dernière se cramponna, courba lentement son dos, et releva un peu ses jambes, ses fesses glissant contre le mur contre lequel Hitomi l’avait acculé.

« Haaan !! »

Elle tendit ses mains, et les plaqua sr les cheveux d’Hitomi, tout en se forçant à relever ses jambes, et à les enrouler autour des hanches de la prof’. Depuis très longtemps... C’était clairement ce qu’elle avait dit. Était-ce pour lui faire plaisir ? Pour la convaincre qu’elle n’était pas un simple coup qu’Hitomi prenait pour se détendre ? Clara n’arrivait pas à y croire. Hitomi avait des défauts, mais aussi des qualités, et elle était honnête... Suffisamment honnête pour aller dire en personne à Mélinda qu’elle ne voulait plus d’elle. Elle n’avait donc aucune raison de lui mentir, et Clara se sentait trembler de plaisir en sentant le corps vigoureux et superbe de cette femme se presser contre elle, lécher et titiller ses seins avec envie.

Un nouveau soupir s’échappa des lèvres de Clara. Elle laissait Hitomi agir. Elle était l’adulte, la plus expérimentée, et la repousser relevait maintenant du rêve utopique. Clara réussit malgré tout à prononcer quelques mots :

« De... Depuis combien de temps, Hi... Hitomi, hum ?! Dis-le moi... »

Clara voulait le savoir, elle voulait entendre Hitomi lui dire depuis combien de temps cette femme la désirait... Juste pour se faire une idée de sa perversion.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 26 septembre 2012, 19:06:39
J'ai encore du mal à croire qu'elle se laisse faire. Cette fille ne m'avait jamais laissé la moindre chance pour des raisons que j'ignorais, maintenant je les connais mais elle devrait me repousser. Pourtant ce n'est pas le cas, au contraire. Je ne vais pas chercher la petite bête, Clara me fait envie depuis trop longtemps et maintenant que je suis lancée plus question de reculer. De toutes façons, si comme elle l'a dit elle ne me déteste pas, elle me regrettera. Autant ne pas nous priver, me priver ne m'a menée qu'à plus d'ennuis et de douleur. Bordel, Mélinda ! Pourquoi il a fallu que tu en veuilles autant sans oser me le dire ? Est-ce que c'était la seule fin possible ou est-ce qu'on a tout fait de travers comme les crétines bornées qu'on est ?

Et maintenant que je suis assise dans cette douche avec une de tes protégées, est-ce que je peux vraiment être franche sans tout foutre par terre ? Et puis merde ! Je libère sa poitrine et relever la tête. En tous cas tu sais les choisir. Elle est belle à tomber. Au lycée, même ses victimes ne savent pas ce qui leur feraient le plus envie. Lui rendre coup pour coup ou devenir ses choses. Je lève une main pour caresser ses cheveux trempés alors que l'autre se glisse au creux de son dos.

" Tu le sais très bien, Clara. "

Je l'attire à moi sans quitter ses yeux, au plus près, qu'elle sente mon souffle sur ses lèvres.

" Tu n'es pas aveugle. Tu as bien vu comment je te regardais, à chaque fois... "

Mon souffle comme mes lèvres partent se perdre dans son cou. Je frissonne malgré l'eau brûlante qui coule sur moi, le corps pressé contre le mien est encore plus chaud. Enfin je peux la savourer de tous mes sens, et c'est un vrai régal. Je regrettais de devoir la quitter sans connaître ça. maintenant je regrette de ne plus avoir droit au peu que j'ai déjà eu.

" Quand je faisais gémir Shii... Ou quand Mélinda râlait de plaisir... Quand toutes passaient entre mes mains... À chaque fois, j'avais un regard pour toi... Tu me faisais assez comprendre que tu ne voulais pas de moi... Mais moi je te voulais... Je voulais que tu me désires... "

Je me penche en arrière pour la dévorer des yeux, laissant ma main glisser de ses cheveux, puis sur sa poitrine et finalement sa hanche, tout en parlant.

" Tu es très belle, Clara. Et tu as du tempérament. Les filles comme toi me font craquer. "

Comme Mélinda elle n'aurait pas eu grand chose à faire pour profiter de tout mon enthousiasme... Mais Mélinda en demandait trop.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le jeudi 27 septembre 2012, 02:57:42
C’était l’heure des révélations. Et Clara comprenait. Le fruit interdit. La porte fermée dans la maison et qu’on cherchait désespérément à avoir. Le désir pervers, le frisson de l’excitation de commettre quelque chose d’interdit, quand on caressait sa copine chez soi, qu’on lui roulait une pelle, en ayant peur que les parents nous surprennent... Tout en étant inexplicablement excitée par ça. Hitomi se collait contre elle, l’embrassait dans le cou, la caressait, et Clara se laissait faire, des frissons électriques parcourant son corps... Cette femme était tellement belle, tellement ravissante, et les paroles qu’elle lui disait... Qu’elle avait toujours pensé à elle... Clara aurait du être offusquée que sa prof’ dise ça ouvertement, mais elle se sentait au contraire tout excitée. La main de cette dernière fila le long de son corps avant qu’elle ne s’écarte.

« Tu es très belle, Clara. Et tu as du tempérament. Les filles comme toi me font craquer. »

Un sourire éclaira les lèvres de Clara, qui s’avança alors vers la femme. Elle empoigna l’un de ses solides seins dans sa main, le pressant à hauteur du téton, frottant son pouce dessus, et fléchit légèrement les genoux, afin de pouvoir le prendre dans sa bouche. Ce faisant, le corps d’Hitomi heurta la vitre. Clara suça son sein, tirant dessus, avant de le libérer, et de glisser sa tête entre la confortable poitrine d’Hitomi, léchant sa peau.

« Et bien... Je ne suis pas médium, Hitomi... »

Honnêtement, Clara ne se serait jamais doutée que la senseï avait toujours fantasmé sur elle. Comment aurait-elle pu le savoir, après tout ? Clara ne lisait pas dans les pensées des gens, et elle était la mauvaise élève, après tout. Pour quelle raison est-ce qu’une prof aurait craqué sur elle ? C’était presque ironique... Elles avaient toutes merdé. La lycéenne aux cheveux roses soupira entre les seins de la femme, puis releva la tête, plantant son regard dans le sien. Comment elle la regardait... Facile à dire, maintenant, mais Clara n’y aurait tout simplement jamais pensé. Sa main alla pincer l’autre sein d’Hitomi, et elle glissa l’autre vers le bas du dos de la femme, posant le bout de ses doigts sur l’une de ses fesses.

« Je pense que tu as la seule prof’ avec qui j’ai jamais eu envie de coucher... Prends-le comme tu le veux, Hitomi, mais, pour moi, tu n’es pas vraiment le modèle d’une bonne prof’... Au sens où la société aimerait l’entendre... Et c’est pour ça que je te désire... »

Clara se pencha, et l’embrassa à nouveau sur les lèvres, se hissant sur la pointe des pieds, et serra la fesse d’Hitomi entre sa main, l’extrémité de ses doigts se faufilant dans la raie noirâtre entre ses fesses. Voilà qui expliquait pourquoi Mélinda avait tant fantasmé sur elle... Tout s’expliquait, et Clara se permit un sourire amusé, avant de rompre le baiser, et de se retourner, montrant son dos à la femme, avant de bomber un peu ses fesses en l’arrière. Elle avait légèrement écarté les jambes, offrant à Hitomi une silencieuse invitation. Elle tourna légèrement la tête, et lui fit un sourire.

Viens... Voilà ce qu’elle lui disait. Clara se moquait bien de ce qui avait eu lieu entre Hitomi et Mélinda, de leur passif. C’était un problème qui concernait Mélinda, pas elle. En somme, Clara n’aurait aucun remords à faire l’amour à Hitomi. Pour elle, la senseï était une mauvaise prof’... Mais elle était une mauvaise élève, alors... Fatalement, elles étaient faites pour s’entendre. Une logique infaillible.

*Profite-en, Hitomi, car je ne t’offrirai pas ainsi mon corps si facilement...*

Encore une chose dont elle ne devrait pas parler à sa mère. Elle se voyait lui balancer qu’elle avait baisé dans une douche avec sa prof’ deux ou trois heures environ avant de la revoir... Elle risquait de mal le prendre.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le lundi 08 octobre 2012, 02:43:39
Médium, je commence à me dire qu'on devrait toutes l'être. Si chacune avait pu voir ce qui s'agitait dans le crâne des autres on aurait pas eu tous ces emmerdements. On aurait su comment se prendre, et peut-être se garder. mais eu lieu de ça on s'est toutes fuit comme la peste en prétendant vouloir rester les unes avec les autres. Et même Clara, au final, si elle aussi m'a désirée sans le dire. Tant pis. Une page va bientôt se tourner, il faudra faire avec. Ce sera dur de les avoir toutes sous le nez jusqu'à la fin de l'année mais je ferais avec.

Pour l'instant Clara est là, nue avec moi sous une pluie chaude. Une seule fois, ma dernière chance avec elle, le dernier plaisir que j'aurais soutiré en douce à Mélinda Warren. Est-ce que je suis en train de faire une connerie ? Je ne sais pas, et je m'en fous royalement. Je ne fais que des conneries depuis si longtemps. Bien avant ma rupture avec Kyle, ou notre rencontre, avant Gabriel, Mélinda ou Aoki. Avant Seikusu. Depuis le jour où un docteur m'a annoncé aussi doucement que possible que ma vie n'avait plus de sens. Il aura fallu du temps, mais j'aurais guéri de cette blessure. Depuis ce week-end ma vie a retrouvé un sens. Il aura fallu me battre contre les autres et moi-même, et souffrir. Il le faudra encore. Mais je n'avais pas dit ces mots en l'air, j'ai été beaucoup trop longue à tenir parole mais finalement j'ai réussi à en faire une vérité : pour lui, je suis prête à tout affronter.

Alors puisque j'ai encore un pied dans cette vie merdique et vide, comme elle ne repartira qu'avec le train, je peux au moins lui faire mes adieux en beauté. Clara. Tu seras ma dernière et peut-être, si Mélinda l'apprend, ma plus grosse connerie. Alors profites-en bien, parce que ce ne sera plus jamais le même jeu. C'est mon enterrement de vie de jeune fille, en somme. Ma dernière fiesta. À quoi ? Sept heures du mat' ? Il n'y a pas à hésiter. Viens me presser contre elle, faire peser mes seins sur son dos cambré alors que je me penche pour déposer de petits baisers.

" Je ne suis peut-être pas un modèle, Clara... mais je suis une bonne prof... Mes classes ont de bonnes moyennes, dans l'ensemble... "

Épaule, deux dans la nue, puis un en haut de son dos avant de commencer à descendre. Et je laisse ma main prendre de l'avance jusqu'entre ses cuisses. Je masse doucement ses lèvres, je presse d'un doigt contre sa petite fente sans m'y aventurer encore. Est-ce qu'elle mouille ou est-ce seulement la douche ? Difficile à dire. Elle veut jouer à ça ? La mauvaise prof et la mauvaise élève ? Ça me rappelle quelqu'un avec qui j'aurais dû me contenter de ce jeu. Mais cette fois il n'y a aucun risque. Tout ce qui suintera de nos corps partira dans les égouts de Tokyo. Quelque part il y a une logique. J'ai quitté une ville qui a détruit ma vie pour arriver dans une autre le cœur plein d'espoir. Et après combien d'épreuves, me revoilà dans cette ville pour enterrer mon ancienne vie, et quand je reviendrais à Seikusu mes espoirs seront déjà comblés.

J'arrive finalement accroupie devant ses jolies petites fesses que je palpe des deux mains sans la moindre gêne. Mais je préfère exciter encore un peu ma mauvaise élève, jouer la mauvaise prof un peu garce qu'elle semble désirer.

" Tu l'as remarqué, non ? Forcément que tu l'as remarqué, Clara. Les garçons et aussi les filles qui se mettaient à faire leurs devoirs pour me plaire. Tu as dû bien te payer leur tête. Et je ne m'en suis pas tapé tant que ça. "

Je me mordille la lèvre en dévorant ce magnifique petit cul des yeux. Combien de fois j'aurais voulu relever sa jupe pour en profiter ? Je ne sais pas, combien de secondes je l'ai eu sous les yeux alors qu'elle portait une jupe ? Maintenant que j'y suis je ne me prive pas. Comme elle l'a dit c'est moi l'adulte, et je compte bien lui faire comprendre que je la prends au mot. Je passe la main entre ses fesses, je longe sa raie de bas en haut, lentement, qu'elle ait le temps de se demander si je vais vraiment faire ce que je vais faire.

" Je ne couche pas avec tout le monde, il faut quelque chose de spécial. "

Ma main est à peine libre qu'elle retrouve sa fesse, et j'écarte pour filer jouer de la langue à la surface de son petit œillet maintenant découvert. Je frissonne d'excitation, et je me demande si dans l'idée ça lui plaît. Une prof, même une mauvaise prof, en train de dévorer son petit cul avec appétit. Dommage qu'on ne soit pas au lycée, sur le bureau, devant le sacrosaint tableau noir, ça aurait été encore meilleur. Et je prends soin de mes amantes, surtout quand elles sont mes élèves. L'une de mes main glisse le longe de sa cuisse, puis remonte en longeant l'intérieur pour revenir à sa petite fente.

C'est d'autant plus grisant qu'elle est à moi, rien qu'à moi. Pour très peu de temps, mais nous sommes seules. Pas de Mélinda pour nous piloter, se glisser entre nous, tout envahir comme elle ne peut s'en empêcher. Même pas de lycée pour nous rappeler qu'on ne devrait pas. Deux femmes qui se désire, et ne se cherche plus de raison de se retenir.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 09 octobre 2012, 00:57:32
Une bonne prof’... Peut-être qu’à force de se le dire, elle finirait par s’en persuader. Tout comme si Clara essayait de se dire qu’elle n’était, foncièrement parlant, pas si mauvaise que ça. Il suffisait de rien, d’une petite poussière, pour qu’un chemin pleinement tracé s’oriente dans une direction totalement opposée. Il suffisait de quelques secondes pour qu’une « bonne » personne en devienne une « mauvaise ». Hitomi se prétendait bonne prof’, mais cet avis ne serait sûrement pas partagé par les commissions pédagogiques et les médias si la vérité venait à être connue... Dans un sens, elles se ressemblaient, car Clara aussi jouait un rôle. Hitomi jouait celle de la bonne prof’, celle qui ne pensait qu’au bien-être de ses élèves, et elle, elle allait jouer celle de la fille rebelle qui se repentait, et qui tenterait de prouver à sa mère qu’elle était une bonne élève.

*Dans le grand théâtre de la vie, nous jouons tous des rôles, mais ce n’est pas nous qui écrivons les scripts, ni plantons les décors... Nous ne sommes que des marionnettes, des pantins manipulés par d’autres pantins et par d’autres marionnettes...*

Mais, dans le fond, les efforts d’Hitomi lui importaient peu. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, ça n’avait pour Clara aucune incidence. Elle était belle, et elle savait faire l’amour. Clara n’en demandait pour l’heure pas plus. Il ne resterait d’elles plus rien, ensuite. C’était un moment volé, une délicate et (trop ?) courte parenthèse dans leurs existences. Elles n’avaient pas choisi de se séparer, mais c’était ce qui se passerait. Clara savait combien le sujet Hitomi était difficile et douloureux pour Mélinda, même si la vampire prétendait le contraire. Elle savait qu’elle ne pourrait décemment flirter avec Hitomi sans s’attirer la suspicion des autres filles. Hitomi, quant à elle, avait choisi sa voie ; elle avait choisi de rompre. A quoi rimerait ses décisions, si elle se tapait Clara en douce par la suite ? Chacune des deux allait devoir se calmer. C’était la dernière fois. Le baroud d’honneur.

Dos tourné à la senseï, Clara la sentait glisser près de ses fesses, les caressant. Elle posa ses mains contre le mur, écartant les jambes, dans la position du suspect se faisant fouiller par un policier... Sauf qu’il s’agissait ici d’une fouille très particulière, très intime. Clara ressentait des tremblements tout le long de son corps, alors que l’eau continuait à ruisseler sur son dos, formant des cascades de gouttes qui glissaient sur ses fesses et ses jambes. Voilà au moins un point commun entre Hitomi et Mélinda : la même passion pour les petits culs bien faits. Clara ne comptait plus le nombre de fois où Mélinda s’était retrouvée entre ses fesses, à les caresser, à les lécher, à les écarter, précisément comme le faisait Hitomi en ce moment... Et, à chaque, c’était le même plaisir renouvelé qui revenait dans les veines de la lycéenne aux cheveux roses, la même envie de sexe, la même pression autour de son bassin, qui rendait ses parties intimes hypersensibles. Elle pouvait sentir la langue d’Hitomi se glisser entre ses fesses, et continuait à gémir, à soupirer, à laisser son bonheur véhiculer hors de son corps.

Quand les doigts d’Hitomi vinrent se glisser dans sa fente, Clara frémit. Elle mouillait clairement, sa mouille intime se mélangeant à toute cette flotte qui tombait dans la pièce. C’était une sensation merveilleuse, totale et pleine, qui chassait ses pensées, qui la noyait dans une vague de désir rose, de sensualité, et de sexe. Ce moment, elle le chérissait. Elle aurait baisé les pieds d’Hitomi s’il l’avait fallu pour ce cadeau qu’elle lui offrait : la perspective de pouvoir penser à autre chose qu’à son après-midi, de pouvoir, pendant un bref moment, s’abandonner complètement. Oublier passé et futur, oublier les causes et les conséquences, pour se concentrer uniquement sur l’instant présent.

« Haaa... Vas-y, Hitomi... Mon petit trou te démange, hum ? Tu as peur de me faire mal ? Tu sembles oublier que j’ai été formée à la bonne école... »

Elle s’amusait à la narguer, à la provoquer, rejouant le rôle de l’élève rebelle et indisciplinée qui se plaisait à défier toute forme d’autorité. Mélinda avait été la seule à la mater, mais, après tout, elle était une esclavagiste endurcie. Clara n’avait pas le profil de lutter contre elle, et elle n’avait rencontré personne qui l’avait. Hitomi n’avait pas réussi à dompter Mélinda, elle s’était contentée de fuir au lieu d’accepter les règles du jeu. Pour Clara, c’était une erreur, mais elle n’était pas dans la tête d’Hitomi.

*On aura beau se persuader du contraire, tu n’oublieras jamais ça, ma belle senseï aux cheveux flamboyants... Tu ne serais pas en train de me tripoter le cul autrement.*
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mardi 23 octobre 2012, 14:58:20
Elle se moque de moi... Elle manque pas d’air, ça il faut le reconnaître. Mais elle ne sait pas à qui elle parle. Peur de lui faire mal ? Qu’est-ce qu’elle croit ? Elle m’a pourtant vu faire avec les autres, au moins Shii. Mes doigts restent bien sagement à l’œuvre, ils ralentissent même un peu. Mais ils reviennent chaque fois aussi loin que possible pour la retenir. Je laisse glisser ma langue le long de son dos en me redressant, puis j’enjambe ces beaux cheveux roses pour déposer un petit baiser sur son épaule. Puis mes lèvres montent vers son oreille.

« Je ne suis pas elle, Clara... »

Je viens soudain plaqué ma main contre la cloison, mes doigts se crispent sur le carrelage. Je soupire à son oreille pour la ramener un peu dans la réalité.

« Aucune chance que j’arrache ces carreaux à coups de griffes... Ou que je me fasse pousser une queue... »

J’agite mes doigts un peu plus vite en elle, j’étire gentiment sa chair chaude et trempée. Je fouille pour trouver un petit endroit, à l’intérieur, qui lui passera délicieusement l’envie de parler.

« Mais je peux quand même te donner du plaisir, à ma façon... Alors lâche prise... Laisse-toi aller, Clara... Et profite de ce que j’ai à offrir... »

Ou nos adieux risquent de venir plus tôt que prévu. Depuis quelques jours je me suis enfin retrouvée. Je suis venue ici, avec cette fille, jusque dans cette douche, pour dire au revoir. C’est déjà assez dur comme ça, alors si elle ne fait que me prendre de haut et me comparer à Mélinda le trait à tirer sera bien plus sec. Ça fera tout aussi mal, et je préfère ça que me contenter de peu en feignant ce dernier moment, ce seul moment avec elle.

Ma main quitte les murs, puis vient glisser sur son épaule, dans son dos, pour ramper sous ses côtes jusque sur son ventre.

« Laisse-moi prendre soin de toi comme je sais le faire. »

Le bout de mes doigts atteint enfin le haut de ses lèvres intimes, et commence à masser doucement en petits cercles. Qu’elle pense ce qu’elle veut, que je suis une autre si ça lui chante. De toutes façons très peu de personnes ont su voir qui je suis, au lieu de vouloir me plier à leur convenance. Je ne suis pas venue ici pour retomber dans mes anciens travers. Bien au contraire je suis venue en tout égoïsme pour mettre un point final satisfaisant à tout ça. Et finalement peu importe comment, peu importe ce que les autres pensent. Je ne pourrais qu’être satisfaite au final. Parce qu’une fois de retour à Seikusu, je serais enfin libre...

... Je serais toute à toi, Kyle.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Mélinda Warren le mardi 23 octobre 2012, 17:37:11
Pourquoi diable fallait-il toujours qu’elle en revienne à parler de Mélinda ? De son point de vue, Clara n’avait jamais tenté d’établir une quelconque de forme de comparaison. Qui était-elle pour comparer, de toute façon ? Son avis était totalement biaisé, elle s’était juste contentée de dire à Hitomi qu’elle pouvait la sodomiser sans crainte, glisser ses doigts dans les profondeurs de son anus. Pourquoi diable avait-il donc fallu que l’esprit de cette prof’ en vienne à considérer que Clara l’avait comparé à sa Maîtresse ? Ce n’était même pas un piège, et Hitomi était pourtant tombée dedans. Elle se pressait contre Clara, et continuait à lui parler. Sa voix était suave, mais Clara ne pouvait s’empêcher d’y ressentir des échos qu’elle n’appréciait pas... De la jalousie ? Peut-être. De la rancune, des remords ? Il faut voir. Mais, en tout cas, cette histoire n’était pas passée, et Clara commença à le réaliser.

« Aucune chance que j’arrache ces carreaux à coups de griffes, glissa-t-elle donc. Ou que je me fasse pousser une queue... » renchérit-elle, histoire de bien enfoncer le clou.

Clara fronça les sourcils, et, malgré les recommandations de sa senseï, elle n’arrivait pas à se laisser aller. C’était comme si elle entendait une superbe partition, mais agrémentée de quelques fausses notes. C’était une belle femme, et Clara aurait adoré continué à lui faire l’amour... Mais le charme était rompu. Elle se sentait absente, déconnectée, avec, de plus en plus, cette impression qu’Hitomi ne lui faisait pas uniquement l’amour pour son propre charme. C’était peut-être inconscient, mais elle avait aussi le sentiment qu’elle le faisait pour essayer de se prouver qu’elle avait toujours une forme d’emprise sur les filles de Mélinda, une manière de revenir vers le passé, de zigzaguer entre les deux chemins qu’elle avait choisi. Quand ça s’était mal passé avec son mec, n’avait-elle pas amorcé une sorte de retour ?

La lycéenne ferma les yeux lentement. Elle allait revoir sa famille cet après-midi, et elle allait devoir leur montrer qu’elle était devenue une fille mâture... Autant dire que ça ne serait pas simple, vu la réputation qu’elle avait au sein du lycée, et vu son engouement naturel pour embêter les autres.

« Laisse-moi prendre soin de toi comme je sais le faire » sussurra-t-elle de sa voix douce.

Clara secoua la tête, et attrapa alors le poignet d’Hitomi, la forçant à se retirer de son intimité.

« Non, décida-t-elle alors, sentant une froide résolution s’emparer d’elle. On ne peut pas faire ça... »

Clara se retourna alors, plantant son regard dans celui d’Hitomi. Elle soupira à nouveau, et tendit une main pour éteindre le pommeau de la douche. L’eau s’arrêta de couler, et la disparition de cet arrière-fond sonore était des plus agréables, comme s’il sonnait symboliquement la fin de cette mascarade. Le rideau tombait, et les masques se retiraient.

« Tu appartiens à mon passé, Hitomi, et j’appartiens au tien. On ne doit pas faire ça... »

Elle ne tenait pas à être une espèce de roue de secours qu’Hitomi, consciemment ou non, utiliserait quand les choses iraient mal avec son copain. De son point de vue de petite adolescente, les choses ne pourraient qu’aller mal, car, malgré tout ce que la senseï disait, elle ne s’était toujours pas sortie Mélinda de la tête. Faire l’amour avec elle, ce serait une mauvaise idée. Clara ouvrit la porte de la douche, et posa ses pieds sur l’un des tapis de bain, avant d’attraper l’une des serviettes, agissant vite.

« Je vais me sécher, m’habiller, et je partirais. Je te remercie pour tout ce que tu as fait, Hitomi... Mais c’est mieux comme ça... Et je pense que tu en es aussi convaincue. »

Avec sa serviette autour du corps, Clara sortit alors de la pièce. Il fallait tourner la page, écrire là la dernière ligne de son chapitre, et passer à un autre. A ses retrouvailles avec sa famille, à une sorte de renaissance. Hitomi ne serait pas là pour y assister, et, avec un peu de chance, elles ne se reverront plus... Clara, intimement, le souhaitait. Les fantômes perdus du passé devaient rester là où ils étaient. Le temps leur permettrait d’oublier, et Clara l’espérait pour Hitomi, car, même si elle l’avait bien cherché, dans le fond, elle l’aimait bien.
Titre: Re : Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]
Posté par: Yamagashi Hitomi le mercredi 24 octobre 2012, 14:42:23
Alors c'est comme ça que ça doit se finir ? Ça devrait sans doute me fendre le cœur, je dois bien avouer que je ne suis pas d'humeur à sauter au plafond. Mais je ne vais pas fondre en larmes ou tenter de la retenir. Je reste dans la douche pendant qu'elle prend la fuite. Jusqu'au bout il n'y aura rien eu à sauver, avec aucune d'entre elles. Jusqu'au bout elles m'auront toutes refusée. Comme avec Gabriel, il n'y avait tout simplement pas moyen et je me suis acharnée. Mais c'est fini. J'arrête les frais.

Je la laisse sortir et lancer ses derniers mots, ses adieux. Et je ne suis pas étonnée de ce que j'entends à la fin. Elle pense. Finalement elles n'auront toutes fait que ça : penser, mais pas vérifier. Une vrai chaîne, avec à son extrémité une femme qui pense tout savoir et a trop l'habitude qu'on se range à son avis sans discuter. Résister ou subir, rien de plus, alors j'ai résisté. Ma seule erreur aura été d'y croire trop longtemps.

Clara quitte la pièce et je reste seule dans cet endroit chargé de souvenirs dont elle ne fera jamais partie. Point final. Ces derniers mois ressemble à ces chapitres qu'on écrit sans parvenir à en faire quelque chose. On s'acharne, on brode, on plante ça et là un rebondissement en espérant qu'une idée lumineuse va arriver et donner du sens à tout ça. Mais au bout d'un moment il faut se résigner et tout effacer pour passer à autre chose.

J'ai perdu trop de temps et d'énergie, je me suis trop acharnée pendant trop longtemps. Je n'ai plus la force ni l'envie de sortir de cette douche pour courir après Clara. Même pas pour lui dire au revoir ou que je lui souhaite tout le bonheur possible. C'est vrai, pourtant je ne veux plus faire l'effort. Je n'aurais jamais dû en faire, pas pour elles. Je suis fatiguée, pourtant je sens un petit sourire m'étirer les lèvres. C'est fini, et d'une certaine manière c'est triste de perdre toutes ces filles que je commençais à connaître, surtout après tout ça.

Mais c'est fini. En quelques seconde elles ont toutes basculé dans le passé. Je n'aurais plus à leur parler, à leur plaire, à me demander si elles ne vont pas encore me renvoyer à la gueule la moindre de mes paroles. Je n'aurais plus à m'acharner pour les revoir et leur montré que je ne les abandonne pas. Elles sont parties, l'une après l'autre. Et je me sens légère, libérée. Je vais enfin pouvoir avancer sans leur poids sur le cœur. Coupez, c'est nul, on jette. Et on la refait pas. De toutes façons je ne vois pas en quoi je devrais encore m'inquiéter pour elles ? Elles sont toutes assez grandes pour s'en sortir, et de toutes façons je n'aurais fait que foutre la merde du début à la fin. Alors c'est mieux comme ça, sans se dire adieu. On se sépare parce qu'on ne pouvait pas avancer ensemble, tout simplement.

J'ai trouvé quelqu'un avec qui je pourrais avancer. Je me suis trop gaspillée à essayer de garder plus. Mais maintenant c'est fini.

Alors je rallume l'eau. Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit et je vais donner pas mal de fil à retordre à Makiko dans les jours qui viennent. Une pause, un interlude, puis je rejoindrais enfin l'homme de ma vie sans autre préoccupation que nous deux.